Lexbase Public n°608 du 10 décembre 2020

Lexbase Public - Édition n°608

Collectivités territoriales

[Brèves] Interdiction de l'installation d’un cirque sur le territoire d’une commune : annulation justifiée en cas de mauvaise appréciation des risques de troubles à l’ordre public

Réf. : TA Lyon, 25 novembre 2020, n° 1908161 (N° Lexbase : A555937Z)

Lecture: 2 min

N5674BYS

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

La décision d’interdiction de l'installation d’un cirque sur le territoire d’une commune encourt l’annulation en cas de mauvaise appréciation par le maire d’éventuels risques de troubles à l’ordre public (TA Lyon, 25 novembre 2020, n° 1908161 N° Lexbase : A555937Z).

Faits. L'association de défense des cirques de famille demande l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2019, par lequel le maire de la commune de Divonne-les-Bains a interdit l'installation de cirques et spectacles détenant des animaux en vue de leur présentation au public sur le territoire de la commune.

Position du TA. En premier lieu, le tribunal rappelle qu’il ressort des dispositions de l'article R. 214-17 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L2400I3B) que la police spéciale de la protection des animaux relève du préfet. En outre, le maire ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l'Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation interdisant l'installation de cirques ou spectacles détenant des animaux en vue de leur présentation au public destinée à assurer la protection du bien-être de ces animaux en l'absence de péril grave et imminent.

Par ailleurs, ni les trois courriels, dont les termes sont mesurés, reçus par la municipalité en défaveur de l'accueil de cirques, ni la pétition déposée sur un site internet qui aurait obtenu 21 488 signatures, ni enfin les articles de presse intitulés « animaux dans les cirques : les Gessiens divisés » et « l'installation du cirque crée de nouvelles tensions » ne suffisent à établir qu'un risque de réaction violente existerait en cas d'accueil de cirques ou de spectacles détenant des animaux. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'accueil du cirque de Rome ou la détention de chevaux en vue de la présentation au public à l'hippodrome auraient généré des réactions violentes de la population.

Il en résulte la solution précitée (pour une décision refusant le retrait d’un animal d’un cirque en l’absence d’éléments prouvant l’existence de mauvaises conditions de détention, voir TA Bordeaux, 23 octobre 2017, n° 1704312 N° Lexbase : A3369XLD).

newsid:475674

Covid-19

[Brèves] Applicabilité en Nouvelle-Calédonie du dispositif national relatif à l'état d'urgence sanitaire : rejet de la QPC

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-869 QPC du 4 décembre 2020 (N° Lexbase : A816838Z)

Lecture: 3 min

N5684BY8

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Sont conformes à la Constitution les dispositions législatives relatives à l’applicabilité en Nouvelle-Calédonie du dispositif national relatif à l'état d'urgence sanitaire (Cons. const., décision n° 2020-869 QPC du 4 décembre 2020 N° Lexbase : A816838Z).

Grief. Etait contestée la conformité à la Constitution :

- des mots « en Nouvelle-Calédonie et » figurant au premier alinéa de l'article L. 3841-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6518LXP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9), les mots « selon le cas, par la référence à la Nouvelle-Calédonie ou » figurant au deuxième alinéa de ce même article, les mots « à la Nouvelle-Calédonie ou » figurant à son quatrième alinéa ainsi que les mots « la Nouvelle-Calédonie ou » figurant à son cinquième alinéa ;

- et des mots « en Nouvelle-Calédonie et » figurant au premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire (N° Lexbase : L6437LXP), les mots « à la Nouvelle-Calédonie ou » figurant au cinquième alinéa de ce même article ainsi que les mots « la Nouvelle-Calédonie ou » figurant à son sixième alinéa.

Les requérants soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles rendent applicables en Nouvelle-Calédonie, sous réserve de certaines adaptations, le régime d'état d'urgence sanitaire et le régime transitoire qui en organise la sortie, méconnaîtraient la répartition des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, compte tenu de la compétence exclusive dévolue aux institutions de ce territoire en matière de santé publique.

Position des Sages.  Si elles poursuivent un objectif de protection de la santé publique, ces mesures exceptionnelles, temporaires et limitées à la mesure strictement nécessaire pour répondre à une catastrophe sanitaire et à ses conséquences, se rattachent à la garantie des libertés publiques et ne relèvent donc pas de la compétence de la Nouvelle-Calédonie.

En outre, en étendant à la Nouvelle-Calédonie les mesures prévues par l'article L. 3131-16 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8571LWD) permettant au ministre chargé de la Santé ou au haut-commissaire de prescrire ou d'adapter, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, « toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé », autre que celles prévues à l'article L. 3131-15 (N° Lexbase : L6517LXN), pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, le législateur n'a visé que les mesures qui, parce qu'elles concernent l'ordre public ou les garanties des libertés publiques, relèvent de la compétence de l'État. Cette extension est donc sans incidence sur les compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de santé.

Dès lors, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de libre administration des collectivités territoriales ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

newsid:475684

Covid-19

[Brèves] Contestation de la gestion de la crise du Covid-19 par l’État français : un particulier doit produire des indices raisonnables et convaincants de son préjudice personnel

Réf. : CEDH, 5 novembre 2020, Req. 18108/20 (N° Lexbase : A722238Y)

Lecture: 3 min

N5675BYT

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Un particulier contestant la gestion de la crise du Covid-19 par l’État français doit produire des indices raisonnables et convaincants de son préjudice personnel lié à ces défaillances alléguées, à défaut d’irrecevabilité de sa requête (CEDH, 5 novembre 2020, Req. 18108/20 N° Lexbase : A722238Y).

Griefs. Invoquant les articles 2 (droit à la vie) (N° Lexbase : L4753AQ4), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants) (N° Lexbase : L4764AQI), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) (N° Lexbase : L4798AQR) et 10 (droit à la liberté d’expression) (N° Lexbase : L4743AQQ), de la Convention, le requérant se plaint de manquements de l’État à ses obligations positives de protéger la vie et l’intégrité physique des personnes se trouvant sous sa juridiction. Il dénonce notamment les limitations d’accès aux tests de diagnostic, aux mesures prophylactiques et à certains traitements et une atteinte à la vie privée des personnes qui décèdent seules du virus.

Rappel. Pour se prévaloir de l’article 34 (requêtes individuelles) de la Convention (N° Lexbase : L4769AQP), un requérant doit pouvoir se prétendre victime d’une violation de la Convention. L’intéressé doit pouvoir démontrer qu’il a « subi directement les effets » de la mesure litigieuse. Par ailleurs, l'article 34 de la Convention n'autorise pas à se plaindre in abstracto de violations de la Convention. Celle-ci ne reconnaît pas l'actio popularis, ce qui signifie qu'un requérant ne peut se plaindre d'une disposition de droit interne, d'une pratique nationale ou d'un acte public simplement parce qu'ils lui paraissent enfreindre la Convention.

Position de la CEDH. Le requérant se plaint in abstracto de l'insuffisance et de l'inadéquation des mesures prises par l'État français pour lutter contre la propagation du virus covid-19. En premier lieu, la Cour relève que le requérant n'a soulevé ces griefs lors de la procédure de référé introduite devant le Conseil d'Etat qu'en qualité de tiers intervenant. Or, cette qualité ne suffit pas pour lui attribuer le statut de « victime » directe au sens de l'article 34 de la Convention (CEDH, 17 octobre 2013, Req. 27013/07 N° Lexbase : A9322KM9).

En second lieu, la Cour note que le requérant ne fournit aucune information sur sa pathologie et s'abstient d'expliquer en quoi les manquements allégués des autorités nationales seraient susceptibles d'affecter sa santé et sa vie privée. Il ne produit aucun indice raisonnable et convaincant rendant vraisemblable que l'application des mesures prises par le législateur et le Gouvernement caractériserait, à son égard, une carence susceptible de conduire aux manquements qu'il dénonce.

Dans ces conditions, la Cour considère que l’intéressé, dont la requête doit être regardée comme ayant pour seul but de contester de manière générale les textes et les mesures prises en France pour lutter contre la pandémie, ne fait valoir aucune circonstance de nature à lui conférer la qualité de victime potentielle.

La Cour considère de surcroît que si le requérant devait se voir opposer un refus d'assistance ou de soin qui découlerait des mesures sanitaires générales dont il dénonce l'insuffisance, il pourrait en contester la compatibilité avec la Convention devant les juridictions internes.

Dans ces circonstances, la Cour estime que la requête relève de l'actio popularis et que le requérant ne saurait être considéré comme une victime, au sens de l'article 34 de la Convention, des violations alléguées. La requête est donc irrecevable.

newsid:475675

Covid-19

[Brèves] Dérogation au confinement : la chasse comme mission d’intérêt général

Réf. : TA Caen, 27 novembre 2020, n° 2002219 (N° Lexbase : A2152389)

Lecture: 2 min

N5676BYU

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

L’activité de régulation de certaines espères sauvages répond à une mission d’intérêt général, et non à une chasse de loisir, justifiant une dérogation, précisément définie et encadrée, aux mesures de confinement (TA Caen, 27 novembre 2020, n° 2002219 N° Lexbase : A2152389).

Grief. Deux associations de protection des oiseaux et animaux sauvages demandaient la suspension de l’arrêté préfectoral portant dérogation aux conditions de confinement et autorisant la régulation de certaines espèces sauvages. En effet, par arrêté du 5 novembre 2020, le préfet du Calvados avait autorisé, au nom de l’intérêt général, la chasse de régulation de certaines espèces de gibiers susceptibles d’occasionner des dégâts, dérogeant ainsi aux conditions de confinement du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (N° Lexbase : L5637LYG). Cette dérogation est prévue au 8° du I de l’article de ce même décret en cas de « participation à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative ».

Décision. Enonçant le principe précité, le juge des référés rejette la demande de suspension. Il ajoute que le préfet du Calvados n'avait pas à limiter davantage cette dérogation en termes d'espace, de temps ou d'espèces concernées dès lors qu'il a appliqué la règlementation en vigueur pour la campagne 2020/2021 fixant d'ores-et-déjà des limites sur les espèces concernées, et en déterminant les territoires et les périodes sur lesquels l'activité de régulation est autorisée.

Il ressort, en outre, des termes de l'arrêté litigieux que le préfet a encadré cette dérogation en vue d'éviter tout rassemblement de personnes conformément aux dispositions de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020, notamment en imposant une déclaration dématérialisée à présenter par l'organisateur de l'opération de régulation vingt-quatre heures avant la mise en œuvre de l'activité (voir pour une solution dans le même sens TA Pau, 24 novembre 2020, n° 2002221 N° Lexbase : A832938Y, qui suspend l’exécution de l’arrêté préfectoral réglementant les conditions d’exercice de la chasse dans le département, et ce en tant qu’il interdit la chasse de loisir).

newsid:475676

Droit Administratif Général

[A la une] Dossier spécial : Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique – Sommaire

Lecture: 1 min

N5687BYB

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Le 09 Décembre 2020

Le numéro 608 de Lexbase édition Publique est consacré à un dossier spécial « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » en collaboration avec le centre de recherches, d'information et de documentation notariales (Cridon) de Lyon, sous la direction de Pierre Tifine, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine, Doyen de la faculté de droit, économie et administration de Metz. 

 

 

Sommaire 

1. La loi « ASAP », une nouvelle étape vers la transformation de l’action publique, par Stéphanie Trincal, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon (N° Lexbase : N5640BYK). 
2. La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées, par Laurence Legrain, diplôme supérieur du notariat, juriste consultant Cridon Lyon (N° Lexbase : N5644BYP). 
3. Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP », par Paul-Maxence Murgue-Varoclier, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon (N° Lexbase : N5632BYA). 

newsid:475687

Droit Administratif Général

[Textes] La loi « ASAP », une nouvelle étape vers la transformation de l’action publique

Réf. : Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB)

Lecture: 8 min

N5640BYK

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par Stéphanie Trincal, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon

Le 09 Décembre 2020

 


Mots clés : loi « ASAP » • commissions administratives • décisions administratives individuelles

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 emporte une esquisse de nouvelle organisation administrative du pays, essentiellement à travers la suppression de diverses commissions administratives et la déconcentration de certaines décisions individuelles (cet article est tiré du dossier « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » paru le 10 décembre 2020, voir sommaire N° Lexbase : N5687BYB).


 

Depuis 2018 et le premier comité interministériel de la transformation publique, le Gouvernement s’est lancé un objectif : celui de bâtir un nouveau modèle de conduite des politiques publiques [1].

La concertation du public avec le Grand débat national ainsi que la concertation menée avec des agents du secteur public ont représenté les premières pierres de cet édifice en permettant de dégager un certain nombre de propositions. Ces diverses concertations ont également permis au Gouvernement de définir plus précisément ses engagements, à savoir : « rapprocher l’administration du citoyen, simplifier les démarches des particuliers et faciliter le développement des entreprises, en accélérant les procédures administratives » [2].

L’acte II de cette transformation de l’action publique, officiellement lancé par le Premier ministre lors du troisième Comité interministériel de la transformation publique qui s’est tenu le 20 juin 2019, se concrétise aujourd’hui - après quelques incidents de parcours [3] et un calendrier un peu plus long que prévu [4] - par l’adoption et la promulgation de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique.

Composée de V titres, cette loi traite de domaines variés – à l’image des engagements du Gouvernement ci-dessus rappelés – qu’il nous est néanmoins apparu possible de regrouper en trois grandes thématiques : commande publique, environnement et organisation administrative. Ce découpage, s’il a le mérite de la clarté, nous amènera toutefois à écarter l’analyse des diverses - et éparses - mesures adoptées pour faciliter les démarches des Français dans différents domaines de leur vie quotidienne (titre IV de la loi « ASAP ») parmi lesquelles nous pouvons retrouver la dispense d'un justificatif de domicile pour l’obtention des cartes d’identité, passeports, permis de conduire, la simplification de la procédure d’inscription à l’examen pratique du permis de conduire ou encore la facilitation des formalités d’ouverture d’un livret d’épargne populaire.

Le présent article vise donc à étudier l’un de ces trois volets [5] : celui de la nouvelle organisation administrative imaginée par le Gouvernement et le Parlement. Il suivra un plan divisé en deux parties permettant de dresser un panorama des principales mesures relatives à ce sujet : la première partie sera dédiée à la suppression de diverses commissions administratives et la seconde, à la déconcentration de certaines décisions individuelles.

I - Vers une administration plus simple et réactive grâce à la suppression de certaines commissions administratives

« Améliorer la qualité des textes, […] raccourcir les délais, en supprimant des consultations devenues purement formelles, […] dégager du temps administratif pour un meilleur accueil des usagers, et […] développer de nouveaux modes de consultation plus ouverts à la société », voici les principales justifications avancées par le Gouvernement dans son compte rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020 pour expliquer la suppression de plusieurs commissions administratives.

Avec un objectif de suppression de 86 commissions, ce mouvement a été amorcé à la fin de l’année 2019 avec deux décrets des 18 [6] et 30 décembre 2019 [7] qui ont d’ores et déjà supprimé 53 commissions. Il se poursuit aujourd’hui avec cette loi « ASAP » et son titre I.

Il est vrai que la suppression de certaines commissions administratives pourra peut-être apparaître quelque peu anecdotique, telle la suppression de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ancien article L. 239-2 du Code de l’éducation) ou encore celle du Comité central du lait (loi du 2 juillet 1935, tendant à l’organisation et à l’assainissement des marchés du lait et des produits résineux). Cependant, il n’en reste pas moins que de leur suppression découlent des modifications pouvant être non négligeables tant en termes de procédure que de recours. Nous retiendrons deux exemples.

D’une part, les articles du Code général des impôts (CGI) relatifs aux règles d’évaluation de la valeur locative des propriétés non bâties, et plus précisément ceux relatifs aux recours contre les décisions de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires fixant les tarifs de ces évaluations foncières des propriétés non bâties, ont été réécrits [8]. Jusqu’à présent, de tels recours devaient être portés devant la commission centrale des évaluations foncières. Cependant, cette commission n’ayant « pas eu à statuer sur des litiges depuis de nombreuses années » [9], l’article 9 de la loi « ASAP » prononce sa suppression. Désormais, les recours contre ces évaluations foncières devront directement être déposés devant la commission départementale instituée par l’article 1651 du CGI.

D’autre part, le législateur a décidé de supprimer une commission pourtant récente puisque créée par la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010, visant à autoriser la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande (N° Lexbase : L2474IML) : la commission scientifique nationale des collections qui avait principalement pour mission de conseiller les personnes publiques ou privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain dans l’exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels, à l’exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques. Les raisons justifiant de cette suppression sont dues à son « maigre bilan […] et [à…] ses difficultés de fonctionnement – liées à sa composition pléthorique » [10]. L’article 13 de la loi « ASAP » prononce donc sa suppression et réécrit entre autres les dispositions de l’article L. 115-1 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L2526K9G) [11].

II - Vers une administration plus proche et accessible avec la déconcentration de certaines décisions administratives individuelles

« Rapprocher le service public des usagers » [12] est l’objectif recherché par le titre II de la loi « ASAP » en accroissant le nombre de décisions administratives individuelles pouvant désormais être prises au niveau déconcentré.

Là encore, les sujets abordés par la loi « ASAP » sont épars : de la culture à la santé en passant par l’assainissement, la déconcentration des décisions administratives touche de très nombreux sujets.

Le premier domaine est celui de la culture et du patrimoine.

Est ainsi prévue, entre autres, la déconcentration des autorisations de consultation des documents d’archives publiques non encore librement communicables (article L. 213-3 du Code du patrimoine N° Lexbase : L4947LAH) et des autorisations de destruction d’archives privées classées comme archives historiques (article L. 212-27 du même code N° Lexbase : L0204IB8) au profit des conservateurs des archives (article 25 de la loi « ASAP » – nouvel article L. 212-10-1 du Code du patrimoine –). Un décret en Conseil d’Etat est toutefois attendu pour fixer les conditions dans lesquelles ces autorisations pourront être délivrées.

L’article 26 de la loi « ASAP », quant à lui, permet la déconcentration de la procédure de conclusion de la convention passée entre les propriétaires de monuments historiques et l’Etat, convention ouvrant droit à l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (article 795 A du CGI N° Lexbase : L9144LNY).

Enfin, l’article 27 de cette loi supprime la procédure d’arbitrage des différends en matière d’archéologie préventive en la confiant à une « autorité administrative compétente » (qui n’est pas, à ce jour, encore définie).

La deuxième série de ces mesures de déconcentration touche au domaine de la santé.

A titre d’exemple, l’article 29 de la loi étend le champ des compétences de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) notamment en matière d’agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux (nouvel article L. 1313-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5636LCQ). Ce même article 29 transfère également aux préfets certaines compétences en matière de périmètres de protection des eaux minérales. C’est ainsi que désormais l’autorisation, à titre exceptionnel et pour un motif d’intérêt général, de certaines activités susceptibles de nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux minérales relève d’un arrêté préfectoral (articles L. 1322-4 N° Lexbase : L6644IG8 et L. 1322-13 N° Lexbase : L8938IMY du Code de la santé publique).

Le troisième volet des mesures de déconcentration analysé dans cet article concerne le domaine de l’assainissement.

En effet, l’article 33 de la loi précise la procédure d’agrément des dispositifs de traitement des installations d’assainissement non collectif en modifiant les dispositions du dernier alinéa du III de l’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7838IMA) pour permettre à des organismes habilités de délivrer un agrément de certains dispositifs de traitement des eaux usées, aux lieu et place des ministres chargés de l'environnement et de la santé.

Ce panorama des principales dispositions de la loi « ASAP » relatives à la nouvelle organisation administrative de notre pays permet de mettre en avant la richesse des mesures adoptées mais aussi et surtout leur caractère quelque peu hétéroclite. Nous comprenons mieux dès lors le qualificatif utilisé par certains commentaires pour décrire cette loi « ASAP », à savoir une loi « fourre-tout » [13], ce sentiment pouvant être par ailleurs renforcé par la circonstance que cette loi touche encore d’autres domaines du droit public : la commande publique [14] et l’environnement [15].

 

[1] Cet objectif n’est pas nouveau, nombre de Gouvernements s’étant déjà attelés à cette tâche comme le souligne d’ailleurs le Premier ministre lors de son discours d’ouverture de ce premier Comité en ces termes : « J’ai parfaitement conscience que, par le passé, beaucoup d’autres que moi ont porté des discours ambitieux en la matière. Je sais aussi que les actes qui ont suivi n’étaient pas toujours à la hauteur des annonces. Je sais donc que la transformation de l’Etat, la transformation des administrations publiques est souvent bien plus un art d’exécution qu’un art d’incantation ».

[2] Compte-rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020.

[3] Tel le passage du projet de loi en Commission mixte paritaire ou encore la saisine du Conseil constitutionnel le 3 novembre 2020 ayant donné lieu à la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 (N° Lexbase : A721138L) (26 articles du projet de loi ont été censurés par le juge car ils constituaient des « cavaliers législatifs »).

[4] Le Gouvernement envisageait, lors de son conseil des ministres du 5 février 2020 présentant le projet de loi « ASAP », une entrée en vigueur de la loi pour le mois de juin 2020.

[5] Cf P.-M. Murgue-Varoclier, Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP », Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5632BYA) ; L. Legrain, La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées, Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5644BYP).

[6] Décret n° 2019-1379 du 18 décembre 2019, portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif (N° Lexbase : L0945LUK).

[7] Décret n° 2019-1540 du 30 décembre 2019, portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif (N° Lexbase : L2691LU9).

[8] Sont ainsi réécrits les articles 1510 (N° Lexbase : L3297LC4), 1511 (N° Lexbase : L0298HMY) et 1515 (N° Lexbase : L3307LCH) du CGI et sont abrogés les articles 1512, 1513 et 1652 bis de ce même code.

[9] Projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, enregistré à la présidence du Sénat le 5 février 2020.

[10] Y. Kerlogot, Rapport de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3221), 30 septembre 2020, AN.

[11] C. patr., art. L. 115-1 nouveau : « Toute décision de déclassement de biens culturels appartenant aux collections des personnes publiques ou de cession de biens culturels appartenant à des personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain, à l’exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques, est préalablement soumise à l’avis de son ministre de tutelle pour les collections appartenant à l’État et au ministre chargé de la culture pour les collections n’appartenant pas à l’État. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article ».

[12] Compte-rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020.

[13] Cf par ex. : M.-Ch. de Montecler, Dalloz actu, 30 octobre 2020, Adoption définitive de la loi «ASAP » devenue fourre-tout.

[14] P.-M. Murgue-Varoclier, Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP », Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5632BYA).

[15] Cf L. Legrain, La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées, Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5644BYP).

newsid:475640

Droit au logement

[Brèves] DALO : la décision de la commission départementale de médiation doit être motivée !

Réf. : TA Cergy-Pontoise, 27 novembre 2020, n° 1806996 (N° Lexbase : A832238Q)

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N5683BY7

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► La décision par laquelle une commission départementale de médiation rejette le recours amiable tendant à voir reconnaitre une demande de logement comme prioritaire et devant être satisfaite en urgence doit être suffisamment motivée à défaut d’encourir l’annulation (TA Cergy-Pontoise, 27 novembre 2020, n° 1806996 N° Lexbase : A832238Q).

Faits. Par une décision du 18 avril 2018, la commission de médiation du département des Hauts-de-Seine a rejeté le recours amiable présenté par une personne tendant à voir reconnaitre sa demande de logement comme prioritaire et devant être satisfaite en urgence, au motif qu'elle avait déjà été réorientée vers un hébergement et que sa situation ne relevait toujours pas de l'attribution d'un logement.

Rappel. Le cinquième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L0153LNY) dispose que la commission de médiation « (...) notifie par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée », c'est-à-dire comporter, en application de l'article L. 211-5 du Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1818KNN), « l'énoncé des considérations de droit et de fait qui [en] constituent le fondement ».

Position du TA. Après avoir visé les textes applicables du Code de la construction et de l'habitation, la commission de médiation s'est bornée à rappeler l'existence d'une précédente décision de réorientation de la requérante rendue le 18 mai 2016 et à indiquer que « le demandeur est dépourvu de logement ; toutefois la Commission estime qu'une offre d'hébergement est plus adaptée à sa situation, dès lors il ne peut être désigné comme prioritaire et devant être logé d'urgence ».

En se bornant à rappeler le motif prévu au IV de l'article L. 441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation, qui dispose que « lorsque la commission de médiation est saisie d'une demande de logement dans les conditions prévues au II et qu'elle estime, au vu d'une évaluation sociale, que le demandeur est prioritaire mais qu'une offre de logement n'est pas adaptée, elle transmet au représentant de l'Etat (...) cette demande pour laquelle doit être proposé un accueil dans une structure d'hébergement (...) » sans indiquer, même sommairement, les motifs qui l'ont conduit à estimer qu'une offre de logement n'était pas adaptée à la situation particulière de l’intéressée, la commission de médiation n'a pas indiqué l'énoncé des considérations de fait qui constituent le fondement de sa décision.

Celle-ci est, dès lors, fondée à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

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Électoral

[Brèves] Impossibilité pour le président d’un bureau de vote de refuser la mise à disposition aux électeurs des bulletins qui ont été remis au maire

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 441891, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A295638Y)

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N5677BYW

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Le président d’un bureau de vote ne peut refuser la mise à disposition aux électeurs des bulletins qui ont été remis au maire (CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 441891, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A295638Y).

Faits. Les présidents de chacun des deux bureaux de vote de la commune ont, le 15 mars 2020, quelques minutes avant l'ouverture du scrutin pour l'élection des conseillers municipaux à huit heures, refusé d'accepter les bulletins de vote d’une des listes au motif que leur format, qui était de 105 x 148 millimètres, ne respectait pas le format de 148 x 210 millimètres requis par l'article R. 30 du Code électoral (N° Lexbase : L7236LYN) pour les listes de cinq à trente et un noms.

Position du CE. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces bulletins n'ont pas été remis directement aux présidents des bureaux de vote le jour du scrutin, au titre de ce que prévoit le troisième alinéa de l'article R. 55 du Code électoral (N° Lexbase : L8147I7U), mais qu'ils avaient été remis au maire de la commune deux jours avant le scrutin, le 13 mars 2020, conformément à ce que prévoit le deuxième alinéa du même article, sans que le maire ne les refuse.

Dans ces conditions les présidents des deux bureaux de vote de la commune ne tenaient ni de l'article R. 55, ni d'aucune autre disposition du Code électoral le pouvoir de refuser de les mettre à la disposition des électeurs. De manière générale, la Haute juridiction estime que, si la méconnaissance des règles relatives à la taille des bulletins constitue bien sûr une irrégularité, une telle irrégularité « ne conduit à l’invalidation des bulletins non-conformes que dans le cas où elle résulte d’une manœuvre ou porte atteinte à la sincérité du scrutin, en raison notamment d’une atteinte au secret du vote » (CE, 29 juillet 2002, n° 239718 N° Lexbase : A9960B8E ; CE, 28 novembre 2009, n° 318238 N° Lexbase : A4551EB8).

Pour aller plus loin : Les bulletins de vote, in Droit électoral (N° Lexbase : E1876A8Y).

 

newsid:475677

Électoral

[Brèves] Sanction de la domiciliation mensongère d’un candidat en vue de la présentation à une élection

Réf. : TA Nîmes, 17 novembre 2020, n° 2001457 (N° Lexbase : A654937P)

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N5678BYX

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par Yann Le Foll

Le 17 Décembre 2020

► Est sanctionnée par l’annulation de l’élection la domiciliation mensongère d’un candidat en vue de pouvoir présenter sa candidature, celui-ci ayant déclaré habiter dans un immeuble interdit à habitation depuis un arrêté de péril imminent (TA Nîmes, 17 novembre 2020, n° 2001457 N° Lexbase : A654937P).

Rappel. S'il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l'article L. 11 du Code électoral (N° Lexbase : L3663LKU), il lui incombe de rechercher si des manœuvres dans l'établissement de la liste électorale ont altéré la sincérité du scrutin. Il y a lieu pour le juge de l'élection, par assimilation du constat d'une telle manœuvre à la constatation de l'inéligibilité d'un candidat, au sens des dispositions de l'article L. 270 du Code électoral (N° Lexbase : L4802LUE), d'en tirer les conséquences en prononçant, en application de ces dispositions, l'annulation de son élection.

Décision du TA. L’intéressé ne produit aucun justificatif sérieux de domicile dans l’immeuble en cause, alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a fait l'objet d'un arrêté de péril imminent du 17 janvier 2019 l'interdisant à l'habitation. Un procès-verbal de constat de visite de logement dressé le 5 février 2020, ainsi qu'un rapport d'expertise judiciaire dressé le 13 mars 2020 dans le cadre de la procédure de péril imminent, démontrent que cet appartement restait vide ces dates, malgré la mise en place en urgence de plusieurs étais pour soutenir le plafond éventré, dangereux et non habitable. 

La domiciliation mensongère de l’intéressé, quand bien même se prévaut-il de son attachement à la commune, présente le caractère d'une manœuvre destinée à son inscription sur la liste électorale de la commune et, en conséquence, sa candidature aux élections municipales. Si cette manœuvre n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à influer sur les résultats de l'ensemble du scrutin, il y a lieu de prononcer, en revanche, l'annulation de l'élection de l’intéressé au poste de conseiller municipal. 

Pour aller plus loin : L'inscription sur la liste électorale à la demande du citoyen, in Droit électoral (N° Lexbase : E0978A8Q).

 

newsid:475678

Électoral

[Brèves] Diffusion de messages mettant explicitement en cause la probité du maire sortant pendant la campagne électorale : annulation de l’élection municipale

Réf. : TA Versailles, 16 novembre 2020, n° 2002135 (N° Lexbase : A7004348)

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N5679BYY

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► La diffusion de messages mettant explicitement en cause la probité du maire sortant pendant la campagne électorale implique, de par son caractère diffamatoire, l’annulation de l’élection municipale (TA Versailles, 16 novembre 2020, n° 2002135 N° Lexbase : A7004348).

Faits. Le vendredi 13 mars 2020 au matin, au moins trois affiches (remises à la police nationale avec la plainte du maire du même jour) ont été apposées sur des mâts de circulation routière portant l'inscription : « Automobilistes attention Monsieur le Maire est un menteur depuis le 26 août 2019 ». Bien que retirées rapidement par la police municipale, ces affiches de couleur jaune fluorescent, situées sur des voies très passantes du centre-ville juste en dessous de panneaux de signalisation et d'une dimension assez importante, ont nécessairement été vues d'un certain nombre d'automobilistes. Si la date du 26 août 2019 correspond au début de l'application de la refonte de la circulation des bus, sa mention hors contexte confère un caractère vague à l'accusation en cause, formulée le dernier jour de la campagne. Le maire n'a donc pas été en mesure d'y répondre utilement.

Il en va de même de la publication sous pseudonyme, pendant au moins deux heures d'après les captures d'écran produites, au sein d'un groupe public Facebook de 4 206 abonnés, d'allégations mettant en doute la probité du maire sortant par l'interrogation suivante : « Pauvre Maire ? M. [X] répète publiquement qu'il touche une indemnité de 2 800 € par mois. Comment peut-il alors avoir constitué un tel patrimoine immobilier avec sa résidence principale au Chesnay et sa résidence secondaire dans le Lubéron évaluées à 4,5 millions d'euros ? (…) » suivie des photos aériennes des deux propriétés avec leurs estimations.

Bien que la date de publication n'apparaisse pas sur la capture d'écran, il n'est pas sérieusement contesté qu'elle est intervenue sinon le 13 mars 2020 comme l'a déclaré le maire dans sa plainte du 19 mars 2020, dans laquelle il exposait n'avoir été alerté que le dimanche 15 mars, du moins tardivement en fin de campagne électorale et donc sans possibilité de réponse. Par son sous-entendu explicite sur la probité du maire, la publication en cause présente un caractère diffamatoire. Outre la gravité de l'accusation suggérée sans élément à l'appui, la diffusion du message a été potentiellement importante, puisque de nombreuses personnes, dont plus de 4 000 abonnés à ce groupe public, ont pu en avoir connaissance.

Décision. Ces deux éléments justifient donc, au regard des dispositions des articles L. 48-2 (N° Lexbase : L9882IPP) et L. 49 (N° Lexbase : L7607LTW) du Code électoral, l’annulation de l’élection.

Pour aller plus loin : La propagande, in Droit électoral (N° Lexbase : E8119ZBC).

 

newsid:475679

Environnement

[Textes] La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées

Réf. : Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB)

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N5644BYP

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par Laurence Legrain, diplôme supérieur du notariat, juriste consultant Cridon Lyon

Le 10 Décembre 2020

 


Mots clés : loi « ASAP » • ICPE • l’autorisation environnementale

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 apporte de multiples modifications au droit de l’environnement et spécialement au droit des installations classées, concernant par exemple l’encadrement dans le temps des prescriptions générales édictées dans le domaine des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) concernant les projets en cours d’instruction, la possibilité de réaliser les travaux avant que ne soit délivrée l’autorisation environnementale, ou encore le transfer partiel d’une autorisation « ICPE » (cet article est tiré du dossier « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » paru le 10 décembre 2020, voir sommaire N° Lexbase : N5687BYB).


 

Initialement présenté en Conseil des ministres le 5 février 2020, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (« ASAP ») poursuivait de grandes ambitions : « rapprocher l’administration du citoyen, simplifier les démarches des particuliers et faciliter le développement des entreprises, en accélérant les procédures administratives » [1].

Faciliter le développement des entreprises passe, entre autres, par des modifications du droit de l’environnement.

Dans ce domaine, le texte vise à renforcer la sécurisation des porteurs de projets face aux changements réglementaires qui interviennent pendant l’instruction du dossier, à permettre au préfet d’accélérer la procédure de consultation du public au cas par cas ou encore à autoriser, sous conditions, l’exécution anticipée de travaux, avant la finalisation de l’instruction de l’autorisation environnementale. Il doit également permettre d’anticiper et faciliter les procédures pour accélérer le redéploiement de la relance notamment de la transition écologique.

En résultent de nombreuses modifications de textes concernant notamment la suppression de certains avis (celui du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS)), préalablement à certains actes administratifs pour les ICPE relevant de l’enregistrement ou de la déclaration ; le mécanisme d’actualisation des  études d’impact pour les projets subordonnés à la délivrance de plusieurs autorisations ;  la possibilité pour le préfet  de choisir entre l’enquête publique et une procédure de participation du public par voie électronique pour certains projets soumis à une procédure d’autorisation, mais non soumis à évaluation environnementale. 

Ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 27 octobre 2020, et par l’Assemblée nationale le 28 octobre. La saisine du Conseil constitutionnel le 3 novembre 2020 faisait craindre de profondes modifications du texte. Il n’en est rien ; la décision rendue le 3 décembre 2020 validant la plupart des articles contestés [2].

Nous présenterons ci-après les principales modifications introduites par la loi finalement promulguée [3] dans le domaine du droit des installations classées, et plus particulièrement les dispositions concernant :

- l’encadrement dans le temps des prescriptions générales édictées dans le domaine des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) concernant les projets en cours d’instruction ;

- la possibilité de réaliser les travaux avant que ne soit délivrée l’autorisation environnementale ;

- le transfert partiel d’une « autorisation » [4] ICPE ;

- la nécessaire prise en compte, lors de la remise en état d’une ICPE (autorisée ou enregistrée), de la ressource en eau ;

- la remise en état attestée par un tiers et l’imposition d’un délai pour réaliser les travaux de remise en état ;

- et la possibilité d’opérer une substitution de tiers intéressé à la remise en état.

I - La sécurisation des porteurs de projets face aux changements réglementaires qui interviennent pendant l’instruction du dossier

L’article 34 de la loi prévoit que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) (autorisées, enregistrées ou déclarées), ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation [5] complète à la date de publication de l’arrêté  instituant des prescriptions nouvelles pendant la phase d’instruction du dossier, ne peuvent pas se voir imposer celles-ci ;  sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France [6].  Il s’agit d’une simplification dans la complexification, dans la mesure où il pourra être dérogé à cette non-rétroactivité.

Ce même article indique que, pour les ICPE autorisées et enregistrées, les prescriptions relatives au gros œuvre ne peuvent pas s’appliquer aux installations existantes, ainsi qu’aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de l’arrêté fixant les prescriptions applicables (cf. les articles L. 512-5 N° Lexbase : L7531IT4 et L. 512-7 N° Lexbase : L6385LCH du Code de l’environnement). Pour les installations déclarées, les prescriptions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent pas faire l’objet d’une application aux installations existantes (cf. l’article L. 512-10 N° Lexbase : L7807IUP du Code de l’environnement).

Le rapport au Sénat du 26 février 2020 justifie ainsi les modifications : « De fait, seront ainsi considérées comme installations existantes les projets d’ICPE dont la demande d’autorisation ou d’enregistrement sera complète à la date de publication de l’arrêté définissant de nouvelles prescriptions génériques. Les ICPE relevant du régime déclaratif ne sont pas concernées, dès lors qu’elles basculent sans délai lors de la déclaration du statut d’installations en projet à celui d’installations existantes.

D’après l’étude d’impact du projet de loi : « cette disposition simplifiera la charge administrative pour l’administration, le porteur de projet et accélèrera la réalisation des projets d’implantation industrielle. Surtout, elle contribuera à fiabiliser le processus d’instruction des demandes d’autorisation environnementale ou d’enregistrement, ainsi qu’à renforcer la confiance des industriels envers la réglementation française.

L’article 21 prévoit également d’inscrire dans la loi le principe de non-rétroactivité des prescriptions constructives nouvelles affectant le gros œuvre. Précisément, celles-ci ne s’appliqueront pas aux installations existantes, ni à celles dont la demande d’autorisation ou d’enregistrement est complète, à la date de publication de l’arrêté définissant de telles prescriptions » [7].

Cependant, ces nouvelles règles d’application pourront faire l’objet de dérogations, pour motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne.

Pour le Conseil constitutionnel, les dispositions contestées ne méconnaissent ni l'article 1er, ni l'article 3 de la Charte de l'environnement (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 N° Lexbase : L0268G8G) et en tout état de cause, elles n'entraînent pas de régression de la protection de l'environnement. Il rappelle que « […] les dispositions contestées […] ne sont pas applicables lorsqu'y fait obstacle un motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l'Union européenne […]. En étendant aux projets en cours d'instruction les délais et conditions de mise en conformité accordés aux installations existantes, les dispositions contestées se bornent à reporter la mise en œuvre des règles et prescriptions protectrices de l'environnement fixées par l'arrêté ministériel et à aligner leurs modalités d'application sur celles retenues pour les installations existantes. Elles ne dispensent donc nullement les installations prévues par ces projets de respecter ces règles et prescriptions ».

Nous avouons ne pas comprendre l’intérêt de ces dispositions (à part un intérêt psychologique, destiné à rassurer les industriels souhaitant créer des entreprises [8]) dans la mesure où pendant la vie d’une installation classée, le préfet peut imposer par arrêtés complémentaires, toutes prescriptions nécessaires, si les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1  du Code de l’environnement (N° Lexbase : L2871IPZ) et le cas échéant à l’article L. 211-1 du même code (N° Lexbase : L5252LRX) [9]  ne sont pas protégés par l’exécution des prescriptions générales applicables (cf. les articles L. 512-12 N° Lexbase : L6378LC9 pour les ICPE déclarées, L. 512-7-5 N° Lexbase : L6382LCD pour les ICPE enregistrées et L. 181-14, dernier alinéa N° Lexbase : L6026LUQ, pour les ICPE autorisées).

II – La possibilité d’autoriser les travaux autorisés par un permis de construire avant obtention de l’autorisation environnementale

Alors que l’article L. 425-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9998LMA) (issu de la loi « ALUR », loi n˚ 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové N° Lexbase : L8342IZY) prévoyait que le permis de construire ou la non opposition à déclaration préalable ne pouvaient pas être mis en œuvre avant la délivrance de l’autorisation environnementale mentionnée  à l’article L. 181-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6289LCW), l’article 26 de la loi « ASAP » modifie l’article L 181-30 du même code (N° Lexbase : L6318LCY) [10] et autorise la mise en œuvre de ceux-ci, à la demande du pétitionnaire et à ses frais et risques, avant la délivrance de l’autorisation environnementale.

Cette autorisation suppose :

- une demande expresse du pétitionnaire ;

- que l’autorité administrative compétente ait eu connaissance de l’autorisation d’urbanisme ;

- qu’une décision spéciale motivée prise par l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale le permette ;

- et que la possibilité de commencer certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale ait été préalablement portée à la connaissance du public.

Cette décision ne peut concerner que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas l’une des décisions mentionnées au I de l’article L. 181‑2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6024LUN) (autrement dit, l’autorisation environnementale ne doit pas valoir autorisation au titre d’autres dispositions du code de l’environnement : Installations, ouvrages, travaux et aménagements au titre de la loi sur l’eau (IOTA), dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées…) ou au I de l’article L. 214‑3 (N° Lexbase : L6342LCU) (IOTA).

« Il s’agit toutefois plutôt d’une complexification, puisqu’elle se traduit par une troisième décision administrative du préfet autorisant le démarrage anticipé de travaux à un endroit précis » [11].

Aux risques et périls du pétitionnaire, il redevient possible d’engager des travaux sans attendre l’autorisation environnementale. Cela permettra d’accélérer les projets, mais il s’agira d’une voie très risquée pour l’industriel. Alors que les textes prévoient que l’autorisation environnementale et l’autorisation d’urbanisme ont des durées de vie relativement longues [12] et qu’un recours contre l’une prolonge la vie de l’autre, on peut s’interroger sur la pertinence de cette modification [13].   

Quant à la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme liées à un projet soumis à la procédure de l’enregistrement, elle demeure subordonnée [14] à la délivrance de la décision d’enregistrement prévue à l’article L. 512-7-3 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6024LUN) [15].

Et lorsqu’une autorisation d’urbanisme concerne une installation classée soumise à déclaration, aucun texte ne prévoit de différer l’exécution des travaux (jusqu’au récépissé de ladite déclaration).

Ces dispositions qui ont également été déférées au Conseil constitutionnel ne méconnaissent ni l'article 1er, ni l'article 3 de la Charte de l'environnement. Elles ne méconnaissent pas davantage le droit à un recours juridictionnel effectif. Elles sont - par conséquent - conformes à la Constitution.

III - La possible transmission partielle d’une autorisation environnementale

En principe, une autorisation délivrée au titre des ICPE est propre à un demandeur. Jusqu’à présent, aucun transfert partiel de ladite autorisation n’était permis par les textes, même si – en pratique – certaines autorisations étaient délivrées « en blanc », en attendant de connaître l’exploitant (par exemple en matière de stockage).

Désormais, l’article 56 III de la loi « ASAP », introduit dans le Code de l’environnement un nouvel article L. 181‑15‑1 (N° Lexbase : L6024LUN) qui permet le transfert partiel de l’autorisation environnementale, avec l’accord de son titulaire :   Lorsque l’autorité administrative compétente « estime que la modification n’est pas substantielle, que le transfert partiel peut s’effectuer sans porter atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L. 181‑3 et L. 181‑4, que les conditions prévues aux articles L. 181‑26 et L. 181‑27 sont, le cas échéant, réunies et qu’il est possible d’identifier les mesures relevant de chacun, notamment pour assurer l’application de l’article L. 181‑12, elle délivre à chaque demandeur et au titulaire initial une autorisation environnementale distincte ».

Cette disposition est intéressante (par exemple, pour les projets de plateformes logistiques prévoyant la création de grands entrepôts, dont on ignore – au stade du dossier d’autorisation environnementale – par qui ils seront occupés). Néanmoins, subsiste un risque de subjectivité voire d’arbitraire, dans la mesure où cette autorisation de transfert partiel suppose que l’administration ne juge pas la modification comme étant « substantielle », notion sujette à interprétation et donc à contentieux.

IV - Des précisions sur la remise en état des ICPE autorisées ou enregistrées

L’article L. 512-6-1 [16] du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6386LCI) prévoit que lorsqu'une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Désormais, il conviendra également que la remise en état ne porte pas atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211‑1, c’est-à-dire qu’elle prenne en compte la ressource en eau, et qu'elle permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation.

V – L’attestation de la remise en état d’une ICPE après cessation d’activité par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués et possible encadrement par des délais

     A - L’attestation de mise en œuvre des mesures de remise en état 

Actuellement les textes imposent au dernier exploitant (ou à un tiers intéressé) la remise en état du site d’exploitation de l’ICPE (autorisée ou enregistrée). S’agissant des ICPE autorisées ou enregistrées et des ICPE remises en état par un tiers, il est prévu que lorsque les travaux précisés dans le mémoire (présenté par le responsable de la remise en état) sont réalisés, le préfet en est informé. L’inspecteur de l’environnement constate par procès-verbal la réalisation des travaux [17].

Désormais, les articles L. 512-6-1 (ICPE autorisées) et L. 512-7-6 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6381LCC) (ICPE enregistrées) imposent à l’exploitant de faire «attester, par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine, de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières. Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent alinéa » [18].

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux cessations d’activité déclarées à partir du premier jour du dix-huitième mois suivant celui de la publication de la loi (voir l’article 48 de la loi). « Cette disposition devrait permettre de fiabiliser les opérations de mise en sécurité et de réhabilitation des anciens sites industriels. Actuellement, ce travail reste de qualité très variable, et crée des difficultés importantes pour les collectivités territoriales concernées, qui se trouvent parfois amenées à suppléer les insuffisances des exploitants pour éviter le développement de friches industrielles aux conséquences très négatives pour leur territoire » [19].

S’agissant des ICPE déclarées [20], l’article L. 512-12-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L2440IE4) est complété par un alinéa qui impose à l’exploitant de faire attester de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site par une entreprise certifiée.

On peut se demander si ces modifications n’ont pas vocation à dispenser l’inspecteur de l’environnement de procéder au constat (par procès-verbal) de la réalisation des travaux.

     B – la remise en état encadrée par des délais

Un texte prévoit désormais la possibilité pour le représentant de l’Etat dans le département de fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site et l’atteinte des objectifs et obligations pesant sur le dernier exploitant, s’agissant des trois catégories d’ICPE (autorisées, enregistrées ou déclarées) [21].

Aux termes du nouvel article L. 512-22 du Code de l’environnement : « Lors de la mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement, le représentant de l’État dans le département peut, après consultation de l’exploitant, du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, du propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation, fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site et l’atteinte des objectifs et obligations mentionnés aux articles L. 512‑6‑1, L. 512‑7‑6 et L. 512‑12‑1 ».

Il s’agit là d’un grand progrès dans la procédure de remise en état, qui permettra de sécuriser les dossiers de vente d’anciens sites industriels. La doctrine réclamait de longue date une telle obligation.

« En effet, ces travaux [de remise en état] connaissent souvent des retards qui sont fréquemment dus à une mauvaise gestion de la part des exploitants ou des propriétaires des sites, ce qui nuit à l’activité et l’attractivité des territoires où ces sites sont implantés ainsi qu’à la vie quotidienne des riverains » [22].

Malheureusement, l’imposition de cette contrainte n’est qu’une faculté pour le représentant de l’Etat dans le département.

VI – La substitution d’un tiers intéressé à un autre pour remettre le site en état

Après la possibilité introduite par la loi « ALUR » de substituer un tiers intéressé à l’exploitant défaillant dans la remise en état d’une ICPE dont l’activité a cessé, la loi « ASAP » permet de substituer au tiers intéressé un autre tiers intéressé.

L’article 57 de la loi « ASAP » ajoute au V de l’article L. 512-21 du Code de l’environnement un alinéa ainsi rédigé : « Lorsqu’un autre tiers intéressé souhaite se substituer au tiers demandeur, avec l’accord de celui‑ci et de l’exploitant, il adresse une demande au représentant de l’État dans le département. Le représentant de l’État dans le département s’assure que l’usage prévu est identique à celui sur lequel il s’est prononcé. Si tel est le cas, seule la vérification des conditions prévues au présent V est effectuée [ie capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation définis au IV pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage défini], sans nouvelle application des II à IV [ie sans avoir à solliciter l’accord du dernier exploitant, du maire, ainsi que la production d’un mémoire de réhabilitation], en vue de prendre une nouvelle décision».

Cette substitution d’un tiers à un autre sera subordonnée à la seule justification pour ce nouveau tiers de disposer des capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation afin d’assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage défini.

Mais ce tiers substitué n’aura ni à produire un nouveau mémoire de réhabilitation, ni à solliciter l’accord du dernier exploitant, du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et du propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation.

 

 

[1] Compte rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020.

[2] Dans le domaine de l’environnement.

[3] Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB).

[4] Au sens générique du terme.

[5] Au sens générique du terme.

[6] Le motif lié à la protection de l’environnement permettant d’imposer de nouvelles prescriptions inscrit dans le projet d’origine a été supprimé par le Sénat.

[8] Sur le souci de « relocaliser des industries qui permettront une croissance verte », voir rapport de l’Assemblée Nationale n° 3347 enregistré le 17 septembre 2020.

[9] L’article L. 511-1 du Code de l’environnement prévoit  que peuvent être imposées à l’exploitant des mesures nouvelles (si les prescriptions générales sont insuffisantes) afin de limiter les dangers ou les inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

[10] Créé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, relative à l'autorisation environnementale (N° Lexbase : L6221LCE).

[11] Rapport Sénat n° 358 du 26 février 2020.

[12] Trois ans pour les autorisations d’urbanisme (C. urb., art. R. 424-17 N° Lexbase : L5313KWP) et trois ans pour les autorisations délivrées au titre du Code de l’environnement (C. env, art. R. 512-74 N° Lexbase : L7147LCP) pour les ICPE enregistrées et déclarées et pour les ICPE autorisées (C. env., art. R. 181-48 N° Lexbase : L7011LCN).

[13] C. urb., art. R. 424-19, al. 2 (N° Lexbase : L7209LCY), le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable, dans le cas d’un recours contre celle-ci, ou dans le cas d’un recours contre une autorisation (au sens générique) prévue par le Code de l’environnement donnant lieu à une réalisation différée des travaux, tels que la décision d’enregistrement (ICPE) ou l’autorisation environnementale (ICPE autorisée ou IOTA autorisée). Et le délai de mise en service de l’ICPE est suspendu jusqu’à la notification d’une décision définitive en cas de recours contre l’autorisation ICPE (au sens générique) ou contre le permis de construire (cf. C. env, art. R. 512-74, ICPE E et D ; C. env., art. R. 182-48, autorisation environnementale).

[14] Depuis le 13 juin 2009, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009, relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement (N° Lexbase : L3297IET).

[15] cf. C. urb., art. L. 425-10 (N° Lexbase : L6413LCI).

[16] Cf.  Art. 56 de la loi « ASAP ».

[17] Cf. art. C. env., art. R. 512-39-3 III (N° Lexbase : L7158LC4) pour les ICPE autorisées, art. 512-46-27 III (N° Lexbase : L8238I3I) pour les ICPE enregistrées, et R. 512-79 IV (N° Lexbase : L5536KG7) pour la remise en état par un tiers intéressé. Aucun texte ne prévoit de PV de récolement pour les ICPE déclarées. Concernant celles-ci, l’article L. 512-12-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L2440IE4) dispose que « lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. Il en informe le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme ».

[18] Cf. Art. 57 de la loi « ASAP ».

[19] Rapport Assemblée nationale n° 3347, enregistré le 17 septembre 2020.

[20] Art. 27 de la loi « ASAP ».

[21] Art. 27 bis de la loi « ASAP », introduisant dans le Code de l’environnement un article L. 512‑22.

[22] Rapport Assemblée nationale n° 3347, enregistré le 17 septembre 2020

newsid:475644

Environnement

[Brèves] Condition de dissociation partielle de voies urbaines et d’itinéraires cyclables

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 432095, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A295338U)

Lecture: 2 min

N5680BYZ

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Une dissociation partielle de l'itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l'impose au regard des besoins et contraintes de la circulation (CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 432095, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A295338U).

Grief. Était demandée l’annulation de la délibération du 9 décembre 2011 du conseil municipal de Batz-sur-Mer (Loire Atlantique) approuvant l'avant-projet du maître d'œuvre relatif au réaménagement de la rue des Goélands, la création d'une liaison douce entre les villages et le centre bourg et le retraitement de la route départementale 245 en traversée des villages de Roffiat et Kermoisan

Rappel. Il résulte de l'article L. 228-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3447LU9) que l'itinéraire cyclable dont il impose la mise au point à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation d'une voie urbaine doit être réalisé sur l'emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création d'une piste cyclable ou d'un couloir indépendant ou, à défaut, d'un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles.

Position du CE. L'opération de réaménagement de la RD 245 en traversée des villages de Kermoisan et de Roffiat a consisté, sur une portion de 1 200 mètres principalement bordée d'habitations, à modifier les carrefours et l'organisation du stationnement, à moderniser le réseau des eaux pluviales, à diminuer la largeur de la chaussée, et à rénover le revêtement et le marquage au sol de la voie. Elle doit être regardée comme une opération de rénovation d'une voie urbaine au sens de l'article L. 228-2 du Code de l'environnement.

Il ressort également des pièces du dossier que le projet de réaménagement de la RD 245 sur la portion en litige ne prévoit la réalisation d'aucun itinéraire cyclable sur l'emprise de la voie ou le long de celle-ci, la création sur une emprise située à quelques centaines de mètres de celle de la RD 245, d'une « liaison douce » reliant le centre-bourg de Batz-sur-Mer et les villages ne pouvant, en tout état de cause, être regardée comme en tenant lieu.

Dès lors, le projet contesté a été arrêté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 228-2 du Code de l'environnement (voir, déjà pour la même solution, CAA Paris, 1ère ch., 16 novembre 2017, n° 16PA01034 N° Lexbase : A8084WZG et CAA Paris, 1ère ch., 22 février 2018, n° 16PA02825 N° Lexbase : A5243XEW).

newsid:475680

Environnement

[Brèves] Validation des dispositions environnementales et « commande publique » de la loi « ASAP »

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 (N° Lexbase : A721138L)

Lecture: 4 min

N5625BYY

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par Yann Le Foll

Le 07 Décembre 2020

► Sont conformes à la Constitution les dispositions de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (« Asap »), spécialement celles relatives au droit de l’environnement (accélération des implantations industrielles, champ de l’enquête publique) et à la commande publique (marchés sans publicité ni mise en concurrence pour motif d'intérêt général).

- Aménagement des conditions d'application des règles et prescriptions en matière d'ICPE (article 34 de la loi déférée) : ces dispositions ne sont pas applicables lorsqu'y fait obstacle un motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l'Union européenne. En outre, en étendant aux projets en cours d'instruction les délais et conditions de mise en conformité accordés aux installations existantes, les dispositions contestées se bornent à reporter la mise en œuvre des règles et prescriptions protectrices de l'environnement fixées par l'arrêté ministériel et à aligner leurs modalités d'application sur celles retenues pour les installations existantes. Elles n'entraînent donc pas de régression de la protection de l'environnement.

- Autorisation de l'exécution anticipée de certains travaux de construction avant la délivrance de l'autorisation environnementale (article 56 de la loi déférée) : tout d’abord, l'autorisation préfectorale ne peut concerner que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas l'une des décisions exigées au titre des législations spéciales couvertes par l'autorisation environnementale. En outre, cette autorisation ne peut être accordée au pétitionnaire qu'après que le préfet a eu connaissance de l'autorisation d'urbanisme. Il s'y ajoute qu'elle peut être contestée devant le juge administratif dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir ou d'un référé-suspension. Dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent ni l'article 1er ni l'article 3 de la Charte de l'environnement (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 N° Lexbase : O4198ARW) et ne méconnaissent pas davantage le droit à un recours juridictionnel effectif.

- Marchés sans publicité ni mise en concurrence pour motif d'intérêt général (article 131 de la loi déférée) : ces dispositions n'exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4460LRM).

- Dérogation aux règles de passation et d'exécution des marchés publics et des contrats de concession afin de permettre la poursuite de ces procédures en cas de circonstances exceptionnelles (article 132 de la loi déférée) : ces circonstances ne peuvent être que celles définies comme telles par les lois sur le fondement desquelles les prérogatives précitées sont mises en œuvre et elles doivent affecter les modalités de passation ou les conditions d'exécution d'un marché public ou d'un contrat de concession.

- Conclusion d’un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables, dès lors que la valeur estimée du besoin auquel répond ce marché est inférieure à un seuil de 100 000 euros hors taxes (article 142 de la loi déférée) : le législateur a ainsi entendu faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux, en allégeant le formalisme des procédures applicables, afin de contribuer à la reprise de l'activité dans le secteur des chantiers publics, touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l'épidémie de covid-19. Les Sages remarquent, pour rejeter le grief d’inconstitutionnalité, qu’en fixant au 31 décembre 2022 la fin de cette dispense, le législateur en a limité la durée à la période qu'il a estimée nécessaire à cette reprise d'activité. Par ailleurs, là aussi, cette dispense n'exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du Code de la commande publique.

newsid:475625

Fonction publique

[Brèves] Assouplissement des conditions d'ouverture et de renouvellement du congé de présence parentale dans la fonction publique

Réf. : Décret n° 2020-1492, du 30 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives au congé de présence parentale et au congé de solidarité familiale dans la fonction publique (N° Lexbase : L8173LYD)

Lecture: 3 min

N5607BYC

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Le décret n° 2020-1492, du 30 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives au congé de présence parentale et au congé de solidarité familiale dans la fonction publique (N° Lexbase : L8173LYD), procède à l’assouplissement des conditions d'ouverture et de renouvellement du congé de présence parentale et à la clarification des conditions d'attribution et de mise en œuvre du congé de solidarité familiale pour les fonctionnaires stagiaires des trois fonctions publiques.

La demande de congé de présence parentale, qui permet au salarié de s'occuper d'un enfant à charge dont l'état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants, est accompagnée d'un certificat médical qui atteste de la gravité de la maladie, de l'accident ou du handicap et de la nécessité de la présence soutenue d'un parent et de soins contraignants. Ce certificat, établi par le médecin qui suit l'enfant au titre de la maladie, de l'accident ou du handicap susmentionnés, précise la durée prévisible du traitement de l'enfant. Le nombre de jours de congé de présence parentale dont peut bénéficier le fonctionnaire pour un même enfant et en raison d'une même pathologie est au maximum de trois cent dix jours ouvrés au cours d'une période de trente-six mois. La durée du congé de présence parentale est égale à celle du traitement de l'enfant définie dans le certificat médical.

Le décret détermine les modalités de prise du congé de présence parentale de manière fractionnée ou sous la forme d'un temps partiel. Le fonctionnaire peut choisir de modifier les dates prévisionnelles de congé et les modalités choisies de leur utilisation.

Il ajoute une seconde situation de réouverture du droit à congé à l'issue de la période maximale de trois ans, lorsque la gravité de la pathologie de l'enfant au titre de laquelle le droit à congé avait été ouvert nécessite toujours une présence soutenue de l'un des deux parents et des soins contraignants. Pour la détermination des droits à avancement, à promotion et à formation, les jours d'utilisation du congé de présence parentale sont assimilés à des jours d'activité à temps plein.

En outre, il fixe entre six et douze mois, au lieu de six mois au maximum, la période à l'issue de laquelle le droit au congé de présence parentale doit faire l'objet d'un nouvel examen en vue de son renouvellement.
Par ailleurs, il prévoit les conditions d'attribution et les modalités de mise en œuvre et de comptabilisation du congé de solidarité familiale (qui permet au salarié de s'absenter pour assister, sous conditions, un proche en fin de vie) au cours la période de stage, pour les fonctionnaires stagiaires des trois fonctions publiques.

Il entre en vigueur le lendemain de sa publication.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les conditions de travailLes autres congés in Droit de la fonction publique (N° Lexbase : E85213KS).

newsid:475607

Marchés publics

[Textes] Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP »

Réf. : Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB)

Lecture: 18 min

N5632BYA

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par Paul-Maxence Murgue-Varoclier, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon

Le 09 Décembre 2020

 


Mots clés : commande publique • loi « ASAP » • Conseil constitutionnel

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 modifie le Code de la commande publique sur quatre points essentiels : passation d’un marché public sans mise en concurrence pour un motif d’intérêt général, rehaussement des seuils de passation des marchés de travaux sans mise en concurrence, dérogations aux procédures de mise en concurrence pour certaines prestations d’avocats, adaptation du droit de la commande publique pour faire face aux « circonstances exceptionnelles » (cet article est tiré du dossier « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » paru le 10 décembre 2020, voir sommaire N° Lexbase : N5687BYB).


 

Le projet de loi « ASAP »  (Accélération et simplification de l’action publique) a été définitivement adopté par le Parlement le 28 octobre 2020. Si l’ambition première du texte était de répondre aux attentes exprimées lors du Grand débat national, la crise sanitaire que connaît la France a conduit le Parlement et le Gouvernement à modifier substantiellement le projet initial, quitte à en faire un texte « fourre-tout » [1]. Réunis en commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont trouvé un accord sur le projet de loi qui a pu être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Amendé par le Gouvernement, le texte contient un certain nombre de mesures modifiant le Code de la commande publique (CCP), entré en vigueur le 1er avril 2019 [2]. Les nouvelles dispositions sont destinées à soutenir les opérateurs économiques dans le cadre du plan de relance et à pérenniser les dispositifs de simplification mis en place pendant la période d’état d’urgence sanitaire. On peut effectivement rappeler que, face à l’urgence de la crise sanitaire, le Gouvernement a adopté au printemps 2020 un arsenal d’ordonnances adaptant – à titre temporaire – le droit de la commande publique [3]. La loi « ASAP » a notamment pour objet d’inscrire dans le marbre du Code ces divers aménagements, consacrant ainsi l’existence d’un « droit de crise » de la commande publique.

Le 3 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par soixante députés pour contrôler la conformité du texte au bloc de constitutionnalité.  A cette occasion, les requérants ont contesté la constitutionnalité de la plupart des dispositions du texte modifiant le CCP. Les griefs portaient à la fois sur la procédure d’adoption de ces nouvelles mesures (« cavaliers législatifs » introduits à la hâte par le Gouvernement, absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’Etat sur les nouvelles dispositions du Code relatives au « circonstances exceptionnelles », etc.) mais également sur le fond des nouveaux dispositifs. On peut d’ailleurs rappeler qu’à l’image du juge de l’Union européenne [4], le Conseil constitutionnel a consacré l’existence d’un « droit commun de la commande publique » [5]. Celui-ci repose notamment sur les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures [6]. Ces principes fondamentaux de la commande publique constituaient donc un utile point d’appui à la saisine du juge par les députés.

Par sa décision n° 2020-87 DC du 3 décembre 2020, le juge constitutionnel a néanmoins validé sans réserve le volet « commande publique » de la loi « ASAP », rejetant ainsi les prétentions des requérants sur cette question [7].

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 va donc modifier le CCP sur les points suivants.

I - La passation d’un marché public sans mise en concurrence pour un motif d’intérêt général

Le texte modifie l’article L. 2122-1 du CCP (N° Lexbase : L3790LRS) en ajoutant un motif autorisant les acheteurs à conclure un marché public sans mise en concurrence lorsqu’un motif d’intérêt général permet de considérer que « le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur » [8].

Il s’agit d’une évolution importante du droit de la commande publique puisqu’elle est destinée à permettre aux acheteurs de « sécuriser » la conclusion de marchés publics sans publicité ni mise en concurrence. Selon l’auteur de l’amendement à l’origine de cette nouvelle disposition, « l’article L. 2122‑1 du CCP ne vise pas expressément, parmi les motifs permettant au pouvoir réglementaire de dispenser certains marchés de procédure de publicité et de mise en concurrence, de motifs liés à l’intérêt général. Pour sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir pour simplifier la conclusion de certains marchés, notamment dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, la mesure proposée vise à ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence. Il devrait notamment permettre de renforcer le tissu économique des territoires en facilitant la conclusion des marchés avec des PME qui n’ont souvent pas les moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence » [9]. Ce nouveau motif d’exclusion des règles de mise en concurrence suscite toutefois de nombreuses incertitudes et interrogations.

On remarque que le champ d’application de ce dispositif est limité aux marchés publics et ne concerne donc pas la passation des contrats de concession. L’invocation d’un motif d’intérêt général est extrêmement large pour permettre aux acheteurs de s’exonérer d’une procédure de mise en concurrence. On peut même considérer qu’un tel motif est tautologique s’agissant des acheteurs constitués sous forme publique (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, etc.). En effet, l’intérêt général est à la fois le fondement et la limite de l’action des personnes publiques [10]. Comme l’écrit Didier Truchet, l’intérêt général est « le but ultime et le motif fondamental de l’activité administrative » [11]. Si une décision prise par une autorité publique n’est pas justifiée par l’intérêt général, elle peut être sanctionnée pour détournement de pouvoir [12]. On comprend ainsi qu’une lecture extensive du nouveau texte permettrait aux acheteurs publics de s’affranchir à l’envi des procédures de mise en concurrence prévues par le CCP dans la passation de leurs marchés publics.

Pour faire une exacte application de cette nouvelle disposition, il faut donc impérativement combiner le motif d’intérêt général invoqué par l’acheteur pour déroger aux exigences de publicité et de mise en concurrence à la situation particulière qu’il rencontre dans la passation d’un marché public. La dérogation aux règles de mise en concurrence prévues par le CCP – qui doit demeurer l’exception – n’est envisageable que lorsque l’acheteur peut démontrer in concreto que le respect de la procédure est inutile, impossible, ou manifestement contraire à ses intérêts. En effet, une interprétation extensive et non circonstanciée du motif d’intérêt général pour permettre à l’acheteur de s’exonérer des règles de publicité et de mise en concurrence serait, à coup sûr, sanctionnée par le juge.

C’est d’ailleurs une interprétation similaire qu’a retenu le Conseil constitutionnel. La décision énonce que « le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier, compte tenu des circonstances de l'espèce, de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables. Il a précisé que ces dérogations ne sauraient s'appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l'existence d'une première procédure infructueuse, d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs » [13]. Surtout, le juge a tenu à rappeler que les acheteurs décidant de recourir au motif d’intérêt général pour déroger aux règles « formalisées » de mise en concurrence dans la passation de certains marchés demeurent soumis aux principes fondamentaux de la commande publique. Comme l’indique la décision : « ces dispositions n'exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4460LRM) » [14].

En dépit de ce « brevet de constitutionnalité », il reste permis de s’interroger sur la conformité du nouveau dispositif au droit de l’Union européenne, et notamment à la Directive « marchés » 2014/24/UE du 26 février 2014 (N° Lexbase : L1896DYU) [15].

II - Le rehaussement des seuils de passation des marchés de travaux sans mise en concurrence

La loi « ASAP » a également pour effet de rehausser les seuils de passation de certains marchés publics. Il est à noter que le Gouvernement s’était déjà engagé dans cette voie en édictant le décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019 (N° Lexbase : L8522LTS) portant le seuil financier des marchés publics conclus sans publicité ni mise en concurrence de 25 000 euros hors taxes à 40 000 euros hors taxes [16]. Entré en vigueur au 1er janvier 2020, ce nouveau dispositif ne dispense cependant pas l’acheteur de respecter certains principes directeurs de l’action et de la commande publiques. Le second alinéa de l’article R. 2122-8 du CCP (N° Lexbase : L2629LRS) dispose en effet que lorsque l’acheteur décide de conclure un marché public sans publicité ni mise en concurrence au motif que son montant est inférieur à 40 000 hors taxes, il « veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ».

Dans la période de crise sanitaire, le Gouvernement a rehaussé temporairement, par décret [17], ces seuils en autorisant, jusqu’au 10 juillet 2021 inclus, la passation des marchés publics de travaux sans publicité ni mise en concurrence dont le montant est inférieur à 70 000 euros hors taxes. En outre, le texte a permis aux acheteurs de s’exonérer des exigences de publicité et de mise en concurrence dans la passation des marchés de fournitures de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la fin de la première période d’état d’urgence sanitaire – soit jusqu’au 10 juillet 2020 – et livrées avant le 10 décembre 2020.

La loi « ASAP » vient élargir la possibilité pour les acheteurs de conclure des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence en portant – temporairement – le seuil de dispense à 100 000 euros hors taxes pour la passation des marchés de travaux.

Les marchés de travaux sont définis à l’article L. 1111-2 du CCP (N° Lexbase : L3878LR3). Ils ont pour objet « soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste figure dans un avis annexé au présent code »[18]. La liste des prestations susceptibles de revêtir la qualification de travaux au sens du CCP est très large. Elle comprend, notamment, la démolition d’immeubles, la construction de bâtiments de tous types, la construction d’ouvrages publics (autoroutes, voies ferrées, pistes d’atterrissage, etc.), certains travaux d’installation électrique, d’isolation, de plomberie, de menuiserie, etc. [19]. Lorsque les travaux ne figurent pas sur cette liste, le marché peut également porter sur une prestation de travaux lorsqu’il a pour objet « soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception » [20].

L’article 142 de la loi dispose ainsi : « jusqu’au 31 décembre 2022, les acheteurs peuvent conclure un marché public de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes. Ces dispositions sont applicables aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 100 000 euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. Les acheteurs doivent cependant veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. A compter de l’entrée en vigueur de la loi « ASAP », cette disposition est destinée à s’appliquer aux procédures de mise en concurrence en cours, pour lesquelles une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication ».

Le Conseil constitutionnel a déclaré ce dispositif conforme à la Constitution pour trois raisons. D’abord, le juge relève que cette mesure permet d’atteindre le but poursuivi par le législateur, à savoir « faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux, en allégeant le formalisme des procédures applicables, afin de contribuer à la reprise de l'activité dans le secteur des chantiers publics, touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l'épidémie de covid-19 ». Ensuite, il constate que ce dispositif d’exonération aux règles de mise en concurrence est temporaire. Enfin, le juge rappelle, ici encore, que les acheteurs demeurent – en tout état de cause – soumis au respect des principes fondamentaux de la commande publique, tels qu’ils figurent à l’article L. 3 du CCP [21].

III - Les dérogations aux procédures de mise en concurrence pour certaines prestations d’avocats

La loi « ASAP » met fin à la « surtransposition » des Directives « marchés » et « concessions » concernant certaines prestations d’avocat. Les Directives 2014/24/UE et 2014/25/UE (N° Lexbase : L8593IZB) du 26 février 2014 excluaient expressément de leur champ d’application les prestations de services juridiques suivantes : « i) la représentation légale d’un client par un avocat au sens de l’article 1er de la directive 77/249/CEE du Conseil dans le cadre :

- d’un arbitrage ou d’une conciliation se déroulant dans un État membre, un pays tiers ou devant une instance internationale d’arbitrage ou de conciliation ;

- ou d’une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques d’un État membre ou d’un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales ;

ii) du conseil juridique fourni en vue de la préparation de toute procédure visée au présent point, sous i), ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l’objet d’une telle procédure, pour autant que le conseil émane d’un avocat au sens de l’article 1er de la Directive 77/249/CEE » [22].

L’exclusion de ces prestations de services juridiques du champ d’application des procédures formalisées de mise en concurrence n’avait cependant pas été reprise par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0938LN3). L’article 46 de la loi corrige cette situation en incluant dans la catégorie des « autres » contrats de la commande publique (anciennement dénommée, contrats « exclus »), les prestations suivantes :

« Les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits ».

« Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure ».

Cependant, bien qu’exclus du champ d’application des procédures formalisées de publicité et de mise en concurrence, les « autres » contrats de la commande publique demeurent soumis aux principes fondamentaux de la commande publique, aujourd’hui codifiés à l’article L. 3 du CCP [23].

IV - L'adaptation du droit de la commande publique pour faire face aux « circonstances exceptionnelles »

Les deuxième et troisième parties du CCP, respectivement consacrées aux marchés publics et aux contrats de concession, sont l’une et l’autre complétées par un nouveau livre intitulé « Dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles ». Celui-ci pérennise les mesures prises par ordonnance au printemps 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Il est destiné à permettre aux pouvoirs publics de « réagir plus rapidement et plus efficacement à la survenance de circonstances exceptionnelles nouvelles » [24].

En cas de guerre, de pandémie, de crise économique mondiale, de catastrophe naturelle, le Gouvernement pourra, par décret, déclencher l’application de ce « droit de crise » de la commande publique sur tout ou partie du territoire [25]. Les mesures concernent à la fois la passation et l’exécution des marchés publics et des concessions. Pendant toute la période d’application du décret, les acheteurs et autorités concédantes disposent des prérogatives suivantes.

Adaptation des procédures en cours : l’administration peut aménager les modalités de la mise en concurrence en cours de procédure lorsque les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées. Cet aménagement devra respecter le principe d’égalité de traitement des candidats [26].

Prolongation des délais de présentation des offres : les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours peuvent être prolongés d’une durée suffisante, fixée par l’administration, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner [27].

Prolongation des contrats arrivés à terme : les contrats qui arrivent à terme durant la période de circonstances exceptionnelles peuvent être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat, lorsqu’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre [28].

Prolongation de la durée d’exécution des contrats : lorsque le délai d’exécution ne peut pas être respecté en cas de difficulté d’exécution de la prestation, il est prolongé par avenant, sur simple demande du cocontractant, d’une durée équivalente à la période de non‑respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles [29].

Sanctions interdites en cas d’impossibilité d’exécution du contrat : lorsque le cocontractant démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, il ne peut pas, pour ce motif, être sanctionné, se voir appliquer les pénalités contractuelles ou voir sa responsabilité contractuelle engagée. L’administration pourra conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard. L’exécution du contrat de substitution ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial[30].

V - Dispositions diverses

Dans le but de faciliter l’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique, le Gouvernement a amendé le texte du projet de loi « ASAP » pour ouvrir la possibilité à une entreprise en redressement judiciaire de se porter candidate à un contrat de la commande publique, lorsqu’elle peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat [31]. On précisera, à ce sujet, que cette solution était déjà admise par la jurisprudence [32].

La loi « ASAP » renforce également le dispositif de réservation de l’exécution de certains marchés publics à des petites ou moyennes entreprises (PME) ou à des artisans. Ce mécanisme était déjà prévu dans les marchés globaux et les acheteurs doivent tenir compte, dans les critères d’attribution, de la part du marché que le candidat entend confier à des PME ou à des artisans [33]. Le « système de réservation » a été étendu au choix de l’attributaire des marchés de conception-réalisation, des marchés globaux de performance et des marchés globaux sectoriels [34].

Enfin, le texte étend la possibilité de modifier les contrats de la commande publique « pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016 » selon les règles prévues par le CCP. Préalablement à cette date, la modification des marchés était règlementée par le Code des marchés publics. Or, son article 20 n’ouvrait la possibilité de modifier – par avenant – un marché qu’« en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties ». Le Code de la commande publique – comme le décret d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9077KBS), entré en vigueur le 1er avril 2016 [35] – a élargi les possibilités de modification du contrat, sans nouvelle mise en concurrence. L’acheteur peut notamment modifier le marché lorsque « des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires » [36], dans la limite de 50 % du montant initial. Cette disposition a donc pour mérite d’unifier le régime de modification des marchés publics, indépendamment de la date à laquelle ils ont été conclus.

 

[1] E. Royer, Projet de loi « ASAP » : un texte fourre-tout, AJCT, 2020. 444 ; M.-Ch. De Montecler, Adoption définitive de la loi « ASAP » devenue fourre-tout, AJDA, 2020. 2052.

[2] Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du code de la commande publique.

[3] Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L4300LXK) ; ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L7287LWS) ; ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020, portant diverses mesures en matière de commande publique (N° Lexbase : L4300LXK).

[4] CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH (N° Lexbase : A1916AWU), Rec. CJCE, p. I-10745, AJDA, 2001, p. 106, note L. Richer, CMP, 2001, p. 50, note F. Llorens, BJCP, 2001, p. 132, concl. N. Fenelly, p. 145, note C. Maugüé, GAJUE, n° 64.

[5] Cons. const., décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (N° Lexbase : A9631C89), Rec. Cons. const., p. 382, JCP éd. A, 2003, p. 1890, note F. Linditch, AJDA, 2003, p. 1391, note J.-E. Schoetll, AJDA, 2003, p. 1404, note É. Fatôme, AJDA, 2003, p. 2348, étude É. Fatôme et L. Richer, RDP, 2003, p. 1163, note F. Lichère, AJDA, 2003, p. 1404, note É. Fatôme, GDDAB, n° 78.

[6] CCP, art. L. 3 : « les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

[7] Cons. const., décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 (N° Lexbase : A721138L). On notera, toutefois, que 26 articles du projet de loi ont été censurés par le juge car ils constituaient des « cavaliers législatifs ».

[8] CCP, art. L. 2122-1 : « l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’Etat lorsqu’en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou à un motif d’intérêt général ».

[9] Assemblée Nationale, amendement n° 652 au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

[10] Pour paraphraser la célèbre formule de Léon Duguit, « le service public est le fondement et la limite du pouvoir gouvernemental », Traité de droit constitutionnel, t. 1, Fontemoing, 1911, p. 99.

[11] D. Truchet, Droit administratif, 6ème éd., PUF, 2015, p. 47.

[12] En effet, le détournement de pouvoir est « le fait pour une autorité administrative d’user de ses pouvoirs en vue d’un but autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont été conférés ». Il est constitué lorsque qu’une personne publique « use de ses pouvoirs à des fins étrangères à l’intérêt général » : P. Gonod, M. Guyomar, « Détournement de pouvoir et détournement de procédure », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, octobre 2008, n° 1. Sur ce point v. R. Goy, « La notion de détournement de pouvoir », in Mélanges d’études en hommage à Charles Eisenmann, Éditions Cujas, 1975, p. 321.

[13] Décision n° 2020-807 DC, préc., cons. n° 43.

[14] Idem, cons. n° 44.

[15] Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, cons. n° 50 : « compte tenu de ses effets négatifs sur la concurrence, le recours à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché devrait être réservé à des circonstances très exceptionnelles. Ces exceptions devraient se limiter aux cas où une publication n’est pas possible pour des raisons d’extrême urgence résultant d’événements imprévisibles qui ne sont pas imputables au pouvoir adjudicateur ou bien lorsqu’il est clair dès le départ qu’une publication ne susciterait pas plus de concurrence ou n’apporterait pas de meilleurs résultats, en particulier parce qu’il n’existe objectivement qu’un seul opérateur économique capable d’exécuter le marché ».

[16] Décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019, modifiant certaines dispositions du code de la commande publique relatives aux seuils et aux avances (N° Lexbase : L8522LTS).

[17] Décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020, portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires (N° Lexbase : L7038LXX).

[18] CCP, art. L. 1111-2, 1°.

[19] Arrêté du 22 mars 2019, portant l’annexe préliminaire du Code de la commande publique, annexe n° 1.

[20] CCP, art. L. 1111-2, 2°.

[21] Décision n° 2020-807 DC, préc., cons. 56-57.

[22] Directive 2014/24/UE préc., art. 10 ; Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, art. 21.

[23] En ce sens, v. H. Hoepffner, P. Terneyre, La place des principes dans le Code de la commande publique, RFDA, 2019. 206.

[24] F. Londitch, Projet de loi « ASAP » : les précisions de la DAJ , Contrats et Marchés pub., n° 12, Décembre 2020, alerte 52.

[25] CCP, art. L. 2711-1 : « lorsqu’il est fait usage de prérogatives prévues par la loi tendant à reconnaître l’existence de circonstances exceptionnelles ou à mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à de telles circonstances et que ces circonstances affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public, un décret peut prévoir l’application de l’ensemble ou de certaines des mesures du présent livre aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée ». Pour les concessions : CCP, art. L. 3411-1.

[26] CCP, art. L. 2711-3 et L. 3411-3.

[27] CCP, art. L. 2711-4 et L. 3411-4.

[28] CCP, art. L. 2711-5 et L. 3411-5.

[29] CCP, art. L. 2711-7 et L. 3411-7.

[30] CCP, art. L. 2711-8 et L. 3411-8.

[31] CCP, art. L. 2141-3, 3° et L. 3123-3, 3°.

[32] En ce sens, v. CE, 26 mars 2014, n° 374387 (N° Lexbase : A2310MIE) ; CAA Bordeaux, 1er décembre 2016, n° 14BX01718 (N° Lexbase : A9952SNW) ; CE 25 janvier 2019, n° 421844 (N° Lexbase : A3232YUA).

[33] CCP, art. L. 2213-14 et L. 2222-4.

[34] CCP, art. L. 2152-9.

[35] Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics.

[36] CCP, art. L. 2194-1.

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QPC

[Brèves] Recevabilité de la contestation d’un refus de transmission d'une QPC par un TA

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 443970, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2960387)

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion de l'appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement (CE 3° et 8° ch.-r., 30 novembre 2020, n° 443970, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2960387).

Position du CE. Par l'article 2 de son jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 13, du troisième alinéa de l'article L. 57 (N° Lexbase : L0638IH4) et du II de l'article L. 47 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3160LCZ) et, par l'article 3, a fait droit à la requête de la société Société de Gestion La Rotonde Montparnasse.

A l'occasion de l'appel formé par le ministre de l'Action et des comptes publics contre le jugement, la société n'a pas contesté devant la cour administrative d'appel (CAA Paris, 10 juillet 2020, n° 19PA02575 N° Lexbase : A21653RM), par la voie incidente, le refus de transmission ainsi opposé par le tribunal administratif.

Dans ces conditions, si la société a entendu, sur le fondement de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3), soumettre au Conseil d'Etat une question de constitutionnalité le 11 septembre 2020 à l'appui du pourvoi en cassation qu'elle a formé contre l'arrêt de la cour administrative statuant sur cet appel, il ne peut y être fait droit dès lors que cette question, fondée sur les mêmes griefs, porte sur les mêmes dispositions que celles soumises au tribunal administratif. Rappel.  

En effet, les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'ont ni pour objet, ni pour effet, de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en première instance de s'affranchir des conditions, définies par les articles 23-1, 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ainsi que des articles R.* 771-12 (N° Lexbase : L5748IGY) et R. 771-16 (N° Lexbase : L5778IG4) du Code de justice administrative, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge d'appel puis, le cas échéant, devant le juge de cassation.

Décision. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée (voir déjà CE, 1er février 2011, n° 342536 N° Lexbase : A2667GR9).

Pour aller plus loin : Le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité par les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, in Procédure administrative (N° Lexbase : E3059E43).

 

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