Lexbase Public n°608 du 10 décembre 2020 : Droit Administratif Général

[Textes] La loi « ASAP », une nouvelle étape vers la transformation de l’action publique

Réf. : Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB)

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par Stéphanie Trincal, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon

le 09 Décembre 2020

 


Mots clés : loi « ASAP » • commissions administratives • décisions administratives individuelles

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 emporte une esquisse de nouvelle organisation administrative du pays, essentiellement à travers la suppression de diverses commissions administratives et la déconcentration de certaines décisions individuelles (cet article est tiré du dossier « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » paru le 10 décembre 2020, voir sommaire N° Lexbase : N5687BYB).


 

Depuis 2018 et le premier comité interministériel de la transformation publique, le Gouvernement s’est lancé un objectif : celui de bâtir un nouveau modèle de conduite des politiques publiques [1].

La concertation du public avec le Grand débat national ainsi que la concertation menée avec des agents du secteur public ont représenté les premières pierres de cet édifice en permettant de dégager un certain nombre de propositions. Ces diverses concertations ont également permis au Gouvernement de définir plus précisément ses engagements, à savoir : « rapprocher l’administration du citoyen, simplifier les démarches des particuliers et faciliter le développement des entreprises, en accélérant les procédures administratives » [2].

L’acte II de cette transformation de l’action publique, officiellement lancé par le Premier ministre lors du troisième Comité interministériel de la transformation publique qui s’est tenu le 20 juin 2019, se concrétise aujourd’hui - après quelques incidents de parcours [3] et un calendrier un peu plus long que prévu [4] - par l’adoption et la promulgation de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique.

Composée de V titres, cette loi traite de domaines variés – à l’image des engagements du Gouvernement ci-dessus rappelés – qu’il nous est néanmoins apparu possible de regrouper en trois grandes thématiques : commande publique, environnement et organisation administrative. Ce découpage, s’il a le mérite de la clarté, nous amènera toutefois à écarter l’analyse des diverses - et éparses - mesures adoptées pour faciliter les démarches des Français dans différents domaines de leur vie quotidienne (titre IV de la loi « ASAP ») parmi lesquelles nous pouvons retrouver la dispense d'un justificatif de domicile pour l’obtention des cartes d’identité, passeports, permis de conduire, la simplification de la procédure d’inscription à l’examen pratique du permis de conduire ou encore la facilitation des formalités d’ouverture d’un livret d’épargne populaire.

Le présent article vise donc à étudier l’un de ces trois volets [5] : celui de la nouvelle organisation administrative imaginée par le Gouvernement et le Parlement. Il suivra un plan divisé en deux parties permettant de dresser un panorama des principales mesures relatives à ce sujet : la première partie sera dédiée à la suppression de diverses commissions administratives et la seconde, à la déconcentration de certaines décisions individuelles.

I - Vers une administration plus simple et réactive grâce à la suppression de certaines commissions administratives

« Améliorer la qualité des textes, […] raccourcir les délais, en supprimant des consultations devenues purement formelles, […] dégager du temps administratif pour un meilleur accueil des usagers, et […] développer de nouveaux modes de consultation plus ouverts à la société », voici les principales justifications avancées par le Gouvernement dans son compte rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020 pour expliquer la suppression de plusieurs commissions administratives.

Avec un objectif de suppression de 86 commissions, ce mouvement a été amorcé à la fin de l’année 2019 avec deux décrets des 18 [6] et 30 décembre 2019 [7] qui ont d’ores et déjà supprimé 53 commissions. Il se poursuit aujourd’hui avec cette loi « ASAP » et son titre I.

Il est vrai que la suppression de certaines commissions administratives pourra peut-être apparaître quelque peu anecdotique, telle la suppression de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ancien article L. 239-2 du Code de l’éducation) ou encore celle du Comité central du lait (loi du 2 juillet 1935, tendant à l’organisation et à l’assainissement des marchés du lait et des produits résineux). Cependant, il n’en reste pas moins que de leur suppression découlent des modifications pouvant être non négligeables tant en termes de procédure que de recours. Nous retiendrons deux exemples.

D’une part, les articles du Code général des impôts (CGI) relatifs aux règles d’évaluation de la valeur locative des propriétés non bâties, et plus précisément ceux relatifs aux recours contre les décisions de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires fixant les tarifs de ces évaluations foncières des propriétés non bâties, ont été réécrits [8]. Jusqu’à présent, de tels recours devaient être portés devant la commission centrale des évaluations foncières. Cependant, cette commission n’ayant « pas eu à statuer sur des litiges depuis de nombreuses années » [9], l’article 9 de la loi « ASAP » prononce sa suppression. Désormais, les recours contre ces évaluations foncières devront directement être déposés devant la commission départementale instituée par l’article 1651 du CGI.

D’autre part, le législateur a décidé de supprimer une commission pourtant récente puisque créée par la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010, visant à autoriser la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande (N° Lexbase : L2474IML) : la commission scientifique nationale des collections qui avait principalement pour mission de conseiller les personnes publiques ou privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain dans l’exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels, à l’exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques. Les raisons justifiant de cette suppression sont dues à son « maigre bilan […] et [à…] ses difficultés de fonctionnement – liées à sa composition pléthorique » [10]. L’article 13 de la loi « ASAP » prononce donc sa suppression et réécrit entre autres les dispositions de l’article L. 115-1 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L2526K9G) [11].

II - Vers une administration plus proche et accessible avec la déconcentration de certaines décisions administratives individuelles

« Rapprocher le service public des usagers » [12] est l’objectif recherché par le titre II de la loi « ASAP » en accroissant le nombre de décisions administratives individuelles pouvant désormais être prises au niveau déconcentré.

Là encore, les sujets abordés par la loi « ASAP » sont épars : de la culture à la santé en passant par l’assainissement, la déconcentration des décisions administratives touche de très nombreux sujets.

Le premier domaine est celui de la culture et du patrimoine.

Est ainsi prévue, entre autres, la déconcentration des autorisations de consultation des documents d’archives publiques non encore librement communicables (article L. 213-3 du Code du patrimoine N° Lexbase : L4947LAH) et des autorisations de destruction d’archives privées classées comme archives historiques (article L. 212-27 du même code N° Lexbase : L0204IB8) au profit des conservateurs des archives (article 25 de la loi « ASAP » – nouvel article L. 212-10-1 du Code du patrimoine –). Un décret en Conseil d’Etat est toutefois attendu pour fixer les conditions dans lesquelles ces autorisations pourront être délivrées.

L’article 26 de la loi « ASAP », quant à lui, permet la déconcentration de la procédure de conclusion de la convention passée entre les propriétaires de monuments historiques et l’Etat, convention ouvrant droit à l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (article 795 A du CGI N° Lexbase : L9144LNY).

Enfin, l’article 27 de cette loi supprime la procédure d’arbitrage des différends en matière d’archéologie préventive en la confiant à une « autorité administrative compétente » (qui n’est pas, à ce jour, encore définie).

La deuxième série de ces mesures de déconcentration touche au domaine de la santé.

A titre d’exemple, l’article 29 de la loi étend le champ des compétences de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) notamment en matière d’agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux (nouvel article L. 1313-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5636LCQ). Ce même article 29 transfère également aux préfets certaines compétences en matière de périmètres de protection des eaux minérales. C’est ainsi que désormais l’autorisation, à titre exceptionnel et pour un motif d’intérêt général, de certaines activités susceptibles de nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux minérales relève d’un arrêté préfectoral (articles L. 1322-4 N° Lexbase : L6644IG8 et L. 1322-13 N° Lexbase : L8938IMY du Code de la santé publique).

Le troisième volet des mesures de déconcentration analysé dans cet article concerne le domaine de l’assainissement.

En effet, l’article 33 de la loi précise la procédure d’agrément des dispositifs de traitement des installations d’assainissement non collectif en modifiant les dispositions du dernier alinéa du III de l’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7838IMA) pour permettre à des organismes habilités de délivrer un agrément de certains dispositifs de traitement des eaux usées, aux lieu et place des ministres chargés de l'environnement et de la santé.

Ce panorama des principales dispositions de la loi « ASAP » relatives à la nouvelle organisation administrative de notre pays permet de mettre en avant la richesse des mesures adoptées mais aussi et surtout leur caractère quelque peu hétéroclite. Nous comprenons mieux dès lors le qualificatif utilisé par certains commentaires pour décrire cette loi « ASAP », à savoir une loi « fourre-tout » [13], ce sentiment pouvant être par ailleurs renforcé par la circonstance que cette loi touche encore d’autres domaines du droit public : la commande publique [14] et l’environnement [15].

 

[1] Cet objectif n’est pas nouveau, nombre de Gouvernements s’étant déjà attelés à cette tâche comme le souligne d’ailleurs le Premier ministre lors de son discours d’ouverture de ce premier Comité en ces termes : « J’ai parfaitement conscience que, par le passé, beaucoup d’autres que moi ont porté des discours ambitieux en la matière. Je sais aussi que les actes qui ont suivi n’étaient pas toujours à la hauteur des annonces. Je sais donc que la transformation de l’Etat, la transformation des administrations publiques est souvent bien plus un art d’exécution qu’un art d’incantation ».

[2] Compte-rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020.

[3] Tel le passage du projet de loi en Commission mixte paritaire ou encore la saisine du Conseil constitutionnel le 3 novembre 2020 ayant donné lieu à la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 (N° Lexbase : A721138L) (26 articles du projet de loi ont été censurés par le juge car ils constituaient des « cavaliers législatifs »).

[4] Le Gouvernement envisageait, lors de son conseil des ministres du 5 février 2020 présentant le projet de loi « ASAP », une entrée en vigueur de la loi pour le mois de juin 2020.

[5] Cf P.-M. Murgue-Varoclier, Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP », Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5632BYA) ; L. Legrain, La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées, Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5644BYP).

[6] Décret n° 2019-1379 du 18 décembre 2019, portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif (N° Lexbase : L0945LUK).

[7] Décret n° 2019-1540 du 30 décembre 2019, portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif (N° Lexbase : L2691LU9).

[8] Sont ainsi réécrits les articles 1510 (N° Lexbase : L3297LC4), 1511 (N° Lexbase : L0298HMY) et 1515 (N° Lexbase : L3307LCH) du CGI et sont abrogés les articles 1512, 1513 et 1652 bis de ce même code.

[9] Projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, enregistré à la présidence du Sénat le 5 février 2020.

[10] Y. Kerlogot, Rapport de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3221), 30 septembre 2020, AN.

[11] C. patr., art. L. 115-1 nouveau : « Toute décision de déclassement de biens culturels appartenant aux collections des personnes publiques ou de cession de biens culturels appartenant à des personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain, à l’exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques, est préalablement soumise à l’avis de son ministre de tutelle pour les collections appartenant à l’État et au ministre chargé de la culture pour les collections n’appartenant pas à l’État. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article ».

[12] Compte-rendu du Conseil des ministres du 5 février 2020.

[13] Cf par ex. : M.-Ch. de Montecler, Dalloz actu, 30 octobre 2020, Adoption définitive de la loi «ASAP » devenue fourre-tout.

[14] P.-M. Murgue-Varoclier, Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP », Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5632BYA).

[15] Cf L. Legrain, La loi « ASAP » et l’évolution du droit des installations classées, Lexbase éd. publique n° 608, décembre 2020 (N° Lexbase : N5644BYP).

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