La lettre juridique n°813 du 20 février 2020

La lettre juridique - Édition n°813

Bancaire

[Brèves] Publication de la réforme de la législation LCB-FT

Réf. : Ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (N° Lexbase : L9352LUW) ; décret n° 2020-118 du 12 février 2020 (N° Lexbase : L9270LUU) et décret n° 2020-119 du 12 février 2020 (N° Lexbase : L9267LUR)

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N2223BYY

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par Vincent Téchené

Le 19 Février 2020

► Conformément à l’article 203 de la loi «PACTE» (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK), une ordonnance (ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme N° Lexbase : L9352LUW), publiée au Journal officiel du 13 février 2020, vise à transposer la cinquième Directive anti-blanchiment (Directive 2018/843 du 30 mai 2018 N° Lexbase : L7631LKT) et à compléter la transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment (Directive 2015/849 du 20 mai 2015 N° Lexbase : L7601I8Z).

► L’ordonnance est complétée de deux décrets, également publiés au Journal officiel du 13 février 2020 (décret n° 2020-118 du 12 février 2020 N° Lexbase : L9270LUU et décret n° 2020-119 du 12 février 2020 N° Lexbase : L9267LUR).

Ainsi, l’ordonnance met en conformité le champ des personnes assujetties aux obligations de LCB-FT en France avec les exigences européennes. Elle prévoit l'inclusion de certaines succursales d'entités du secteur financier, des activités de conseil fiscal réalisées par les professionnels du droit, ces derniers bénéficiant pour toutes leurs activités d'exemptions liées au respect du secret professionnel. Par ailleurs, les CARPA et les greffiers des tribunaux de commerce sont désormais soumis aux obligations de LCB-FT. Inversement, les professionnels des secteurs de l'art et de la location immobilière ne seront plus assujettis aux obligations de LCB-FT que pour les transactions d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros et les syndics de copropriété ne seront plus soumis à aucune obligation.

Les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle sont également ajustées. On notera que les entrées en relation d'affaires à distance ne sont plus considérées comme présentant un risque fort de blanchiment des capitaux nécessitant systématiquement la mise en œuvre de mesures de vigilance complémentaires. Les notions de correspondance bancaire et de compte de passage sont en outre définies.

Les obligations de déclaration et d'information lorsqu'un soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme ou une divergence d'information sur le bénéficiaire effectif apparaît sont par ailleurs adaptées.

La confidentialité du droit d'opposition que TRACFIN peut adresser à toute personne assujettie aux obligations de LCB-FT au sujet d'une opération est également renforcée. En outre, l'exemption apportée à l'obligation de tenir au niveau du groupe une organisation et des procédures internes aux groupes dont l'entreprise mère est une société de groupe mixte d'assurance est étendue.

Les règles relatives aux autorités de contrôle en matière de LCB-FT sont également ajustées.

L’ordonnance procède en outre à un accroissement des obligations de transparence concernant les informations relatives aux bénéficiaires effectifs, à savoir les personnes physiques qui contrôlent in fine les personnes morales et autres entités. Dorénavant, les bénéficiaires effectifs sont tenus de fournir les informations permettant de les identifier à la société ou l'entité sous peine de sanctions. Un mécanisme de signalement des divergences entre les informations détenues sur le bénéficiaire effectif par différentes sources (registre, entités assujetties, autorités de contrôle) est introduit.

On relèvera également que le Code civil est modifié, en prévoyant, d'une part, l'information du fiduciaire par le constituant en cas de désignation d'un tiers en application de l'article 2017 et, d'autre part, l'enregistrement de cette désignation. Est également prévu l'enregistrement au service des impôts de l'information sur l'identité du bénéficiaire effectif de la fiducie.

Le Code général des impôts est lui aussi modifié, notamment, pour compléter le fichier commun des comptes bancaires (FICOBA) afin d'y ajouter les informations sur les coffres-forts et les comptes détenus par des résidents français dans des établissements étrangers exerçant leur activité en France en libre prestation de service. Egalement, le LPF est modifié par l’ordonnance pour prévoir les modalités d'accès aux registres des bénéficiaires effectifs des trusts et des fiducies ainsi que le mécanisme selon lequel les personnes assujetties et les autorités de contrôle signalent à l'administration toutes les divergences entre les informations conservées dans les registres avec celles dont elles disposent.

Les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont étendues aux collectivités d'outre-mer.

Le décret n° 2020-118 du 12 février 2020 met fin à l'obligation de vérification du domicile préalable à l'ouverture d'un compte et simplifie les modalités de vérification d'identité du client pour les entrées en relation d'affaires à distance. Il adapte certaines dispositions applicables en matière de contrôle et procédure internes. Il clarifie les conditions de l'exemption pour l'exercice d'une activité financière accessoire ainsi que les obligations applicables au secteur des jeux. Le décret précise les obligations relatives à la vérification de l'identité du bénéficiaire effectif en invitant les entités assujetties à systématiquement consulter les registres dédiés. Les obligations en cas de risque faible ou de risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme, en particulier lorsque l'opération implique un pays tiers à haut risque, sont complétées tout comme les conditions dans lesquelles les mesures de vigilance doivent être renouvelées. Il apporte également des précisions relatives au recours à un tiers pour réaliser les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le texte spécifie les règles de contrôle du respect des obligations par les différentes autorités de supervision et les sanctions applicables ainsi que la coopération des superviseurs financiers avec l'Autorité bancaire européenne. Il fixe par ailleurs les modalités de publication d'un rapport par les organismes d'autorégulation. Le texte détermine enfin les modalités de déclaration et de consultation du registre des bénéficiaires effectifs et adapte le Code de commerce en conséquence.

Le décret n° 2020-119 du 12 février 2020 précise, quant à lui, les compétences de TRACFIN et élargit la composition du Conseil d'orientation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et renforce sa mission de coordination. Il détermine également les modalités de transmission des informations relatives au bénéficiaire effectif des personnes inscrites au RCS.

⇒ Commentaire à paraître par J. Lasserre-Capdeville, in Lexbase éd. Affaires n° 626 du 5 mars 2020

newsid:472223

Bancaire

[Brèves] Position rigoureuse de la Cour de cassation à l’égard du taux de période

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939, FS-P+B+I (N° Lexbase : A37993D3)

Lecture: 5 min

N2195BYX

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 19 Février 2020

► Le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels ; cependant, une telle sanction ne saurait être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’ancien article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3654IPZ).

Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2020 (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939, FS-P+B+I N° Lexbase : A37993D3)

Selon l’article R. 314-2, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1402K9S ; C. consom., art. R. 313-1, al. 3, anc.) le taux de période est un taux «calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés». Ce taux de période est donc une sorte de taux «tout compris» calculé à partir d’une période unitaire, généralement mensuelle, correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Ce taux de période est utile pour vérifier l’exactitude du TEG dont il est l’un des éléments constitutifs.

Or, l’arrêt étudié vient prévoir une solution importante en la matière.

L’affaire. Le 16 décembre 2010, M. Y et Mme X avaient accepté l’offre de crédit immobilier émise le 20 novembre 2010 par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque), au taux effectif global de 3,363 % par an. Invoquant le caractère erroné de ce taux et l’absence de mention du taux de période, les emprunteurs avaient assigné la banque en déchéance des intérêts conventionnels et, subsidiairement, en annulation de la stipulation d’intérêts.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, n° 16/18290 N° Lexbase : A4206YLD) avait, par une décision du 15 novembre 2018, prononcé la nullité de la stipulation d’intérêts de l’offre de crédit immobilier en raison du défaut de communication du taux de période, élément déterminant du taux effectif global.
La banque avait alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Par un moyen soulevé d’office, la Haute juridiction casse la décision des juges du fond.

La Cour de cassation se fonde sur l’article L. 312-8, 3° du Code de la consommation (N° Lexbase : L6659IML), dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (N° Lexbase : L6505IMU), l’article L. 313-1 du même code (N° Lexbase : L1517HIZ), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH), l’article L. 312-33 de ce code (N° Lexbase : L3106DAB), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 (N° Lexbase : L0609ATQ) et enfin son article R. 313-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 (N° Lexbase : L6050A3H).

Elle rappelle qu’en application de ces textes, l’offre de prêt immobilier doit mentionner le taux effectif global, qui est un taux annuel, proportionnel au taux de période, lequel, ainsi que la durée de la période, doivent être expressément communiqués à l’emprunteur.

Elle pose alors deux solutions nouvelles. D’une part, elle déclare que le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels. D’autre part, elle ajoute qu’une telle sanction ne saurait «être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’article R. 313 -1 susvisé».
Or, pour prononcer la nullité de la stipulation d’intérêts de l’offre de crédit, les juges du fond avaient retenu le défaut de communication du taux de période, «élément déterminant du taux effectif global». Dès lors, en statuant ainsi, «alors qu’elle avait relevé que le taux effectif global était mentionné dans l’offre acceptée et que l’écart entre celui-ci et le taux réel était inférieur à une décimale», la cour d’appel avait violé les textes précités. La cassation est opérée sans renvoi.

Précisions. Voilà une nouvelle décision témoignant du fait que la Cour de cassation est à présent hostile aux actions en justice formées par les clients de banque en raison de difficultés liées au taux d’intérêt du prêt.
Jusqu’ici, en l’absence de mention du taux de période, la Cour de cassation était favorable au prononcé de la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts et sa substitution par le taux légal (v. notamment, Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-15.813, F-D N° Lexbase : A8710RRZ ; Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 18-11.448, F-D N° Lexbase : A7221Y7L ; Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 17-24.812, F-D N° Lexbase : A6157YWX). Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Désormais, non seulement la sanction retenue a évolué pour les crédits immobiliers, mais en plus l’exigence d’une erreur du TEG supérieure ou égale à une décimale réduit considérablement les possibilités de contestation en justice.

⇒ Commentaire à paraître par G. Biardeaud, in Lexbase éd. Affaires n° 626 du 5 mars 2020

newsid:472195

Commercial

[Brèves] «PACTE» : précisions sur les formalités de publicité légale en matière de droit commercial

Réf. : Décret n° 2020-106 du 10 février 2020, relatif à des formalités de publicité légale en matière de droit commercial (N° Lexbase : L8807LUQ)

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N2204BYB

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par Vincent Téchené

Le 19 Février 2020

► Pris en application de la loi «PACTE» (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK), et notamment son article 3 (lire les obs. de V. Téchené N° Lexbase : N9019BXC), un décret, publié au Journal officiel du 11 février 2020, vient modifier certaines dispositions de la partie réglementaire du Code de commerce concernant des formalités de publicité en droit commercial (décret n° 2020-106 du 10 février 2020, relatif à des formalités de publicité légale en matière de droit commercial N° Lexbase : L8807LUQ).

Le décret modifie le Code de commerce pour préciser que, conformément à la pratique actuelle, l'avis publié au BODACC mentionne la dénomination ou raison sociale d'une personne morale ayant la qualité d'associé ou de commissaire aux comptes d'une société immatriculée au RCS ou ayant le pouvoir d'engager cette société à titre habituel envers les tiers.
Il clarifie et harmonise les dispositions relatives aux informations mentionnées au RCS en ce qui concerne les organes de gestion, d'administration, de direction et de contrôle des comptes des sociétés et des groupements d'intérêt économique (GIE).
Le décret précise également la forme et le contenu de la publication dans un support habilité à recevoir les annonces légales (SHAL) des cessions de fonds de commerce et rétablit, pour l'avis publié au BODACC, les références de la publication dans le SHAL ainsi que le délai dans lequel cet avis doit être requis du greffier par le nouveau propriétaire du fonds de commerce.
Par ailleurs, le décret réduit à deux ans la durée de l'inscription au RCS des mentions relatives aux décisions intervenues dans les procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire, lorsqu'un plan de sauvegarde ou de redressement est toujours en cours. Enfin, il contient les mesures de coordination terminologique résultant de l'article 3 de la loi «PACTE», concernant les annonces légales et judiciaires.

Le décret est entré en vigueur le 12 février 2020.

newsid:472204

Construction

[Brèves] Quel est le point de départ du délai de la prescription biennale à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage en cas de désordre survenu avant réception ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A37653E8)

Lecture: 4 min

N2294BYM

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay

Le 19 Février 2020

► Le point de départ de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2640HWP) pour les désordres survenus avant réception n’est pas le même que pour les désordres survenus après réception ;

► le point de départ de la prescription biennale reste la lettre de mise en demeure ou, lorsqu’elle s’avère impossible ou inutile, la date de cessation de l’activité de l’entreprise.

Tels sont les enseignements délivrés par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 13 février 2020 (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A37653E8).

La mobilisation de l’assurance dommages-ouvrage pour des désordres de nature décennale survenus avant réception est une exception « pas si exceptionnelle ». Si, en principe, l’assurance dommages-ouvrage a vocation à être mobilisée à l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, soit un an après la réception, par exception, elle peut prendre effet plus tôt et même avant la réception. L’article L. 242-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L1892IBP) prévoit, en effet, en son alinéa 9, que l’assureur dommages-ouvrage garantit le paiement des réparations nécessaires avant réception lorsqu’après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations. Deux conditions sont néanmoins requises :

- d’un côté, le maître d’ouvrage doit avoir adressé au constructeur une lettre de mise en demeure de procéder à la réparation des désordres (Cass. civ.1, 7 février 1995, n° 92-18.812 N° Lexbase : A9345CNG). Etant précisé que la lettre de mise en demeure n’est plus exigée lorsque l’entreprise a disparu, par exemple en cas de liquidation judiciaire (Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n°93-13.027) ;

- de l’autre, si cette mise en demeure reste vaine, le maître d’ouvrage doit résilier le marché du constructeur.

L’assureur dommages-ouvrage n’a pas, en tout état de cause, à financer des travaux d’achèvement de l’ouvrage mais, uniquement, à financer les travaux réparatoires des désordres de nature décennale. La frontière est parfois très mince. La mobilisation de l’assurance dommages-ouvrage avant réception est, ainsi, souvent l’objet de contentieux, d’autant que son périmètre d’intervention se confond, parfois, en fait, avec celui du garant de livraison. Tel était précisément le cas en l’espèce. L’affaire se complique encore lorsqu’il faut articuler ces règles avec la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances.

Les faits de l’espèce sont typiques. Un couple d’accédant à la propriété conclut un contrat de construction de maison individuelle avec un constructeur. Une assurance dommages-ouvrage est souscrite ainsi qu’une garantie de livraison. Des difficultés surviennent en cours de chantier. Le constructeur obtient la désignation d’un expert puis est placé en liquidation judiciaire. Le sinistre est déclaré à l’assureur dommages-ouvrage. Les accédants à la propriété concluent une transaction avec le garant de livraison qui, subrogé dans leurs droits, assigne notamment l’assureur dommages-ouvrage.

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 28 novembre 2018, déclare la demande formée à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage irrecevable comme prescrite. La garant forme un pourvoi en cassation.

Il articule que, lorsque la mise en demeure de l’entreprise est impossible, à cause d’une procédure collective, le délai de deux ans de l’article L. 114-1 ne court qu’à compter de la date de l’ouverture de cette procédure collective.

La Haute juridiction censure. La formalité de la mise en demeure n’étant pas requise quand elle s’avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l’activité de l’entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d’ouvrage, c’est cette circonstance qui constitue l’évènement donnant naissance à l’action au sens de l’article L.114-1 et partant, le point de départ du délai de prescription biennale.

Autrement dit, le point de départ est fixé au jour où la garantie est acquise.

newsid:472294

Cotisations sociales

[Brèves] Solidarité pécuniaire en cas de travail dissimulé : la lettre d’observations doit préciser année par année le montant des sommes dues

Réf. : Cass. civ. 2, 13 février 2020, n° 19-11.645, F-P+B+I (N° Lexbase : A37633E4)

Lecture: 3 min

N2226BY4

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par Laïla Bedja

Le 20 Février 2020

► La lettre d’observations prévue par l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9076LSX) doit, pour assurer le caractère contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à l’égard du donneur d’ordre dont la solidarité financière est recherchée, préciser année par année le montant des sommes dues.

Telle est la substance d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 février 2020 (Cass. civ. 2, 13 février 2020, n° 19-11.645, F-P+B+I N° Lexbase : A37633E4).

Dans cette affaire, une société s’est vu adressée par l’URSSAF une lettre d’observations en vue de la mise en œuvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 (N° Lexbase : L5106IQ8) et suivants du Code du travail, aux fins de recouvrement des cotisations et contributions sociales dues, pour les années 2009 à 2011, par une entreprise sous-traitante, qui faisait l’objet de poursuites pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, puis, le 4 décembre suivant, une mise en demeure de payer les cotisations et majorations de retard dues sur la période considérée. Contestant le redressement, la société saisit la juridiction de Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour dire que la lettre d’observations répond aux exigences découlant de l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale pour la mise en oeuvre de la solidarité financière, les juges du fond retiennent que ce document, après avoir rappelé les règles applicables et mentionné le montant global des cotisations dues par le sous-traitant, énonce que les cotisations mises à la charge de la société correspondent à la valeur des prestations effectuées pour son compte par le sous-traitant. Aussi, si cette lettre fait état d’une somme globale de cotisations et contributions sociales, sans ventilation année par année, d’une part, cette omission n’a pas mis la société dans l’impossibilité d’y répondre, d’autre part, la lettre de mise en demeure subséquente a précisé les périodes concernées, ainsi que les sommes dues au titre, respectivement, des cotisations et des majorations (CA Riom, 4 décembre 2018, n° 16/02599 N° Lexbase : A5369YPK). A tort.

Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Riom. Alors qu’elle relevait que la lettre d’observations ne précisait pas le montant des sommes dues année par année, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé L. 8222-1, L. 8222-2 (N° Lexbase : L3605H9E) du Code du travail et R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale (sur Le contenu de la lettre d’observations, cf. l’Ouvrage « Droit de la protection sociale » N° Lexbase : E5385E7L et Le recouvrement des cotisations de Sécurité sociale en cas de travail clandestin N° Lexbase : E4288AUD).

newsid:472226

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Réaffirmation de l’autonomie de la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement de créances postérieures au jugement d’ouverture

Réf. : Cass. com., 15 janvier 2020, n° 17-28.127, F-D (N° Lexbase : A91813BN)

Lecture: 9 min

N2234BYE

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université Côte d'Azur, Directrice du Master 2 droit des entreprises en difficulté de la faculté de droit de Nice, Directrice adjointe du master ALED, Membre du CERDP

Le 19 Février 2020

La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de porter un nouveau coup dur à la pérennité du bail des locaux affectés à l’activité de l’entreprise et, partant à la pérennité de l’entreprise locataire.

Il y a quelques mois, par arrêt du 9 octobre 2019 [1], la Chambre commerciale avait posé, dans le cadre de la liquidation judiciaire, la solution selon laquelle «lorsque le juge-commissaire est saisi sur le fondement [de l’article L. 641-12, 3° du Code de commerce N° Lexbase : L8859ING], d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L 145-41 du Code de commerce (N° Lexbase : L1063KZE) [2], à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail», de sorte que «le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de commerce».

Cette solution, qui a pu surprendre tant elle prête le flanc à la critique, a, de façon encore plus surprenante, été étendue aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, par un arrêt du 15 janvier 2020 qui, sur moyen relevé d’office, énonce, au visa de l’article L. 622-14, 2° (N° Lexbase : L8845INW) que «lorsque le juge-commissaire est saisi sur le fondement de ce texte, d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de redressement judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L. 145-41 du Code de commerce, à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail » de sorte que le bailleur, «qui demandait la constatation de la résiliation de plein droit du bail sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de commerce ».

La Chambre commerciale considère donc que la résiliation visée aux articles L. 622-14, 2° (en sauvegarde et en redressement judiciaire) et L. 641-12, 3° (en liquidation judiciaire), dont le bailleur peut demander le constat au juge, constitue un cas de résiliation légale, spécifique et autonome, du bail survenant par le seul effet d’un défaut de paiement de loyers et charges postérieurs à l’ouverture de la procédure, le bailleur pouvant agir en constat au terme d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture dès lors que le paiement des sommes dues n’intervient pas avant l’expiration de ce délai, auquel cas il n’y a pas lieu à résiliation [3]. Il en découle que la résiliation intervient sans nécessité pour le bailleur de délivrer au préalable le commandement de payer visé à l’article L. 145-41 du Code de commerce [4].

Nous avons déjà, dans ces colonnes [5], indiqué que la solution apparaissait critiquable au regard de la lettre de l’article L. 641-12, 3° -et de celle l’article L. 622-14, 2° en sauvegarde ou en redressement judiciaire- qui énonce que le bailleur peut demander la résiliation ou faire constater la résiliation du bail pour défaut de paiement d’une créance postérieure. Le soin que prend le législateur à distinguer ces deux hypothèses (demande de résiliation pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs / demande de constat de la résiliation pour défaut de paiement de loyers et charges postérieurs) ne peut se justifier que parce que la résiliation n’intervient de plein droit que par le jeu d’une clause résolutoire et non par la seule volonté du législateur. En effet, force est de constater que si cette résiliation intervenait de plein droit par la volonté du législateur du seul fait d’un défaut de paiement de créances postérieures, il ne serait pas nécessaire que le texte prévoie que le bailleur peut demander la résiliation judiciaire. Il lui suffirait de ne faire état que du seul constat de la résiliation intervenue. Par conséquent, le constat de la résiliation par le juge-commissaire nous semblait [6], comme à d’autres auteurs [7], nécessairement intervenir à la suite du jeu d’une clause résolutoire, lequel suppose la délivrance préalable d’un commandement de payer en application de l’article L. 145-41 du Code de commerce.

En outre, on observera que le terme de «résiliation de plein droit du bail» employé au 3° de l’article L. 641-12, a nécessairement le même sens que celui employé au 2° du même article, lequel désigne ici de façon certaine une résiliation de plein droit contractuelle puisque fondée sur des causes antérieures à la procédure collective. En employant le terme de «résiliation de plein droit» au 2° et au 3° de l’article L. 641-12 du Code de commerce, le législateur n’a pas pu souhaiter désigner une réalité juridique différente, c’est-à-dire une résiliation conventionnelle dans un cas, une résiliation légale dans un autre. Ainsi, la «résiliation de plein droit» visée à l’article L. 641-12 nous semble-t-elle être la «résiliation de plein droit» visée à l’article L. 145-41 du Code de commerce -disposition relative à la résiliation du bail commercial-, c’est-à-dire une résiliation de plein droit conventionnelle du bail commercial, laquelle suppose la délivrance préalable d’un commandement de payer.

Une fois rappelés quelques-uns des reproches qu’appelle l’arrêt du 9 octobre 2019, on constate que l’arrêt du 15 janvier 2020 est encore plus critiquable car il ajoute au texte de l’article L. 622-14, 2° en faisant état d’une «résiliation de plein droit», alors pourtant que l’article L. 622-14, 2° emploie le terme de résiliation sans mentionner «de plein droit». La Cour de cassation se base donc sur un texte qui évoque simplement la possibilité de demander la résiliation ou faire constater la résiliation pour estimer que le défaut de paiement de loyers postérieurs entraîne la résiliation «de plein droit» du contrat. Il nous apparait pourtant avec évidence que l’article L. 622-14, 2°, puisqu’il évoque la possibilité pour le bailleur de demander la résiliation ou faire «constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture», ne peut viser, dans cette seconde hypothèse, que le constat de la résiliation résultant du jeu d’une clause résolutoire.

Si la position adoptée par la Chambre commerciale n’est pas conforme à la lettre du texte, elle est encore moins en adéquation avec l’esprit de la législation du bail commercial qui tend à protéger ce contrat particulièrement précieux [8].

Il convient de rappeler que l’article L. 145-41 du Code de commerce est protecteur du bail commercial en ce qu’il énonce que la résiliation «de plein droit», conventionnelle, du bail commercial ne peut survenir qu’un mois après qu’a été délivré un commandement de payer resté infructueux (al. 1er) et que le juge saisi de la demande de constat de la résiliation peut suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant des délais (al. 2).

Un auteur [9], suivi en cela par des juridictions du fond [10], avait considéré que le juge-commissaire saisi en application de l’article R. 622-13, alinéa 2 (N° Lexbase : L9319IC7 texte de la sauvegarde, applicable par renvoi en redressement judiciaire) ou R. 641-21 (N° Lexbase : L9312ICU en liquidation), aux fins de constat de la résiliation de plein droit du bail statuait comme le ferait le juge du bail commercial et qu’en conséquence, rien ne lui interdisait d’accorder des délais de grâce pour suspendre les effets de la clause résolutoire, comme le ferait le juge du bail commercial -alors même qu’en droit commun des procédures collectives, il n’est pas dans l’office du juge-commissaire d’accorder des délais de grâce [11]-. Cette position avait le mérite d’assurer au preneur sous procédure collective une protection au moins aussi importante que celle dont il bénéficie lorsqu’il est in bonis, ce qui apparaît être la moindre des choses…

En considérant que les articles L. 622-14, 2° et L. 641-12, 3° du Code de commerce posent un cas de résiliation légale, spécifique et autonome, du bail par l’effet d’un défaut de paiement de loyers postérieurs, la Cour de cassation place le bail commercial dans une situation de précarité qui est néfaste tant pour le sauvetage de l’entreprise que pour le désintéressement de ses créanciers. En effet, puisque cette résiliation -«spécifique», légale- ne serait pas régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce -lequel ne concerne que la résiliation conventionnelle-, le juge-commissaire saisi d’une demande de constat de la résiliation de plein droit fondée sur les articles L. 622-14, 2° et L. 641-12, 3° ne statuerait donc pas comme le ferait le juge du bail commercial. Par conséquent, il ne pourrait pas accorder de délais de grâce aux fins de suspendre l’acquisition d’une clause résolutoire… sur laquelle la résiliation n’est pas fondée.

La position prise par la Chambre commerciale, qui ne s’imposait pourtant pas à la lecture des articles L. 622-14, 2° et L. 641-12, 3°, conduit à fragiliser le bail commercial et à traiter plus sévèrement le preneur sous procédure collective que le preneur in bonis. On conçoit mal que tel ait pu être le souhait du législateur…

 

[1] Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-17.563, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6604ZQN), Lexbase, éd. Affaires, 2019, n° 611, nos obs. (N° Lexbase : N0922BYS) ; Gaz. Pal. éd. spéc. Droit des entreprises en difficulté, 14 janvier 2020, n° 2, p. 56, note F. Kendérian.

[2] C. com., art. L. 145-41 (N° Lexbase : L1063KZE) : «Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai». 

[3] Cf. C. com., art. L. 622-14, al. 4.

[4] Dans le même sens, CA Aix-en-Provence, 21 février 2013, n° 12/07700 (N° Lexbase : A5723I8H), D., 2013, p. 1800, obs. approb. M.-P. Dumont-Lefrand ; JCP éd. E, 2013, 1549, note crit. F. Kendérian  ; CA Bordeaux, 29 juin 2015, n° 14/07310 (N° Lexbase : A0290NMP), Rev. proc. coll., janvier-février 2017, chron. 1, p. 27, spéc. p. 33, n° 15, obs. crit. F. Kendérian ; CA Orléans, 15 novembre 2018, n° 18/00810 (N° Lexbase : A3274YLT) et CA Orléans, 24 janvier 2019, n° 18/00873 (N° Lexbase : A0717YU4), Gaz. Pal., 16 avril 2019, note crit. F. Kendérian. Contra : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 4 avril 2018, n° 17/19289 (N° Lexbase : A0170XKI), Lexbase, éd. Affaires, 2018, n° 552, nos obs. ; Loyers et copr., 2018, comm. 151, note Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal., 10 juillet 2018, p. 47, note F. Kendérian. Adde, CA Paris, Pôle 5, 8ème ch. , 5 juin 2018, n° 17/12668 (N° Lexbase : A2754XQ3), AJDI, 2018, p. 713 ; CA Paris, Pôle 5, 9ème ch. 9, 4 avril 2019, n° 17/18322 (N° Lexbase : A4908Y8B), Loyers et copr., 2019, comm. 101, note Ph.-H. Brault ; CA Lyon, 14 juin 2018, n° 17/07301 (N° Lexbase : A1209XR9), AJDI, 2018, p. 713 ; JCP éd. E, 2019, 1200 note F. Kendérian.

[5] Nos obs. Lexbase, éd. Affaire, 2019, n° 611, préc...

[6] Nos obs., Lexbase, éd. Affaires, 2018, n° 552, préc..

[7] J. Vallansan, J Cl. commercial, Fasc. 2336 : sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires – Continuation des contrats en cours – Bail d'exploitation, n° 37 ; F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, 5ème éd., 2019, Lexis Nexis, n° 102 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2019/2020, 10ème éd., n° 433.255, et Questions-réponses sur la résiliation du bail commercial après l’ouverture d’une procédure collective, Gaz. Pal., éd. spéc. Droit des entreprises en difficulté, 18-19 janvier 2013, technique p. 39, spéc. question n° 4 ; Fl. Reille, Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action 2018-2019, 5ème éd., n° 823.63.

[8] V égal. En ce sens : F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, préc., n° 102, p. 113 : «Cette analyse [selon laquelle le constat de la résiliation du bail par le juge-commissaire visé aux article L. 622-14 2° et L. 641-12 3° n’est que le constat de l’acquisition de la clause résolutoire après observation de la procédure de l’article L. 145-41] respecte l’esprit de la législation des procédures collectives, qui est de protéger le preneur en difficulté, ou tout au moins son entreprise, contre les initiatives du bailleur tendant à la résiliation du contrat. En effet, le preneur ne doit pas être privé du régime protecteur de l’article L. 145-41 du Code de commerce au moment où il peut être le plus utile au sauvetage de l’entreprise ou, le cas échéant, au bon déroulement des opérations de liquidation. Ne pas appliquer ce régime lorsque le bailleur a fait le choix procédural de saisir le juge-commissaire aboutirait à ce que le preneur en difficulté soit moins bien protégé que le preneur in bonis, ce qui serait paradoxal».

[9] P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2019/2020, 10ème éd., n° 433.256.

[10] CA Toulouse, 28 décembre 2016, n° 16/02777 (N° Lexbase : A9104SXH), Loyers et copr., 2017, comm. 138, note Ph.-H. Brault : «Le texte de l’article L. 622-14 du Code de commerce n’interdit pas au juge-commissaire et, partant, à la cour d’appel statuant sur le recours formé contre le jugement ayant confirmé l’ordonnance du juge-commissaire, d’accorder au locataire des délais de grâce pour suspendre les effets de la clause résolutoire […]». CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 4 avril 2019, n° 17/18322, préc.  ; Loyers et copr., 2019, comm. 101, note Ph.-H. Brault : «Le juge-commissaire a le pouvoir, comme le juge des référés, d’accorder des délais de paiement qui ont pour effet de suspendre l’application de la clause résolutoire […]».

[11] CA Paris, 14ème ch., sect. A, 27 mai 1998, Act. proc. coll., 1998/8, n° 105  ; CA Rennes,  4 octobre 2016,  n° 14/08577 (N° Lexbase : A8711NWK), Revue proc. coll., novembre 2016, comm. 210, note Ch. Lebel. Adde, J. Vallansan, J.-Cl. com., fasc. 2335, [Continuation des contrats en cours], à jour au 30 avril 2019, n° 82.

newsid:472234

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Le Conseil d’Etat se prononce de nouveau sur la notion d’« abus de droit »

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 12 février 2020, n° 421444, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A34993EC)

Lecture: 7 min

N2244BYR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 19 Février 2020

Lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un sursis d'imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales. En effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de cet article dès lors qu'elle a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 février 2020 (CE 10° et 9° ch.-r., 12 février 2020, n° 421444, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A34993EC).

En l’espèce, les requérants ont créé une société civile qui a pour objet la constitution et la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières et qui a opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. En 2007, l’époux a fait apport de titres d’une société A. à la société civile. La plus-value réalisée a été placée automatiquement sous le régime de sursis d’imposition. Par suite, la société A. a procédé au rachat de ses propres titres pour un prix identique à leur valeur d’apport.

A l’issue d’un contrôle, l’administration fiscale a considéré que l’apport des titres de la société A. à la société civile, préalablement au rachat de ses propres titres par la société, avait eu pour seul objet d’éviter l’imposition immédiate que l’époux aurait du supporter si, à défaut d’interposition de la société civile, la société A. lui avait directement racheté ses titres. L’administration fiscale a pour ce motif remis en cause le bénéfice du sursis d’imposition en mettant en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L9266LNI) et a par ailleurs estimé que le gain correspondant au montant de la plus-value d’apport devait être taxé à concurrence de 65 % de son montant total dans la catégorie des traitements et salaires.

Le tribunal de Paris, après avoir estimé que la fraction de la plus-value imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers devait être taxée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières a prononcé la décharge partielle des impositions mises à la charge des requérants (TA de Paris, 4 février 2016, n° 1400260 N° Lexbase : A0036R8T). La cour administrative d’appel de Paris a rejeté la demande de décharge complémentaire de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu (CAA de Paris, 12 avril 2018, n° 16PA01157 N° Lexbase : A6600XLZ).

Dans cette affaire le Comité de l’abus de droit fiscal avait considéré que le montage en cause devait s’analyser en un abus de droit.

Pour rappel, il résulte des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, citées au point 2 ci-dessus, que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

La cour administrative d’appel, en retenant qu’un contribuable, en organisant un montage lui ayant permis d'entrer artificiellement dans les prévisions de la loi fiscale pour éviter l'imposition à laquelle il aurait été soumis à défaut, doit être regardé comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal nécessairement contraire à l'objectif poursuivi par le législateur, ne qualifie pas inexactement les faits qui lui étaient soumis et qui lui ont permis de conclure à l'existence d'un abus de droit.

= = > Les opérations présentant un caractère artificiel constituent un contentieux important. Pour exemple, le Conseil d'Etat confirme que le fait pour une société française de détenir une participation dans une holding de droit luxembourgeois lui permettant d'échapper à l'imposition prévue à l'article 209 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L9776I3H) tout en se prévalant du régime des sociétés mères constitue un abus de droit lorsque l'acquisition de cette participation ne présente aucun intérêt autre que l'avantage fiscal retiré (CE 8° et 3° ssr., 18 mai 2005, n° 267087, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3517DI4).

= = > De même, il résulte des stipulations de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 qu'un résident du Royaume-Uni auquel une société française a distribué des dividendes ne peut se prévaloir des avantages prévus que s'il est le bénéficiaire effectif de ces dividendes au sens du paragraphe 9 du même article. Ne peut être regardée comme le bénéficiaire effectif des dividendes une banque britannique cessionnaire temporaire de l'usufruit d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote spécialement émises par une société française au profit de sa société-mère américaine dans le cadre d'un montage, qui s'analyse en réalité comme un emprunt contracté par la société américaine auprès de la banque britannique, dont l'unique but est d'obtenir le remboursement, de l'avoir fiscal attaché aux distributions de la société française (CE 3° et 8° ssr., 29 décembre 2006, n° 283314, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3666DTX).

= = > Dans une autre affaire, le Conseil d’Etat a confirmé que l’interposition d’une société étrangère luxembourgeoise dans le cadre d’un montage immobilier était artificiel dans la mesure où elle n’avait d’autre but que de faire bénéficier les contribuables des avantages d’une convention fiscale (CE Plénière, 25 octobre 2017, n° 396954, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4471WXU).

= = > En ce qui concerne les management package, le Conseil d’Etat a requalifié en salaires les gains issus de l’exercice d’options d’achat d’action à un prix déterminé (CE 3° et 8° ssr., 26 septembre 2014, n° 365573, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2956MXR).

= = > Le Conseil d’Etat a complété cette jurisprudence en matière de management package en jugeant que lorsque les sommes en cause trouvent essentiellement leur source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, elles constituent un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires. Les juges relèvent en outre que la circonstance que le dirigeant ait par ailleurs supporté un risque significatif en sa qualité d’actionnaire n’est pas de nature à remettre en cause cette requalification (CE 3° et 8° ch.-r., 15 février 2019, n° 408867, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3479YX7).

 

 

Pour aller plus loin :

 

Michel Turon, L’abus de mesures « anti-abus » des conventions fiscales, Lexbase Fiscal, n° 685 (N° Lexbase : N6394BWQ)

Franck Laffaille, De l'interposition artificielle, de l'abus de convention fiscale internationale, de l'abus de droit, Lexbase Fiscal, n° 722 (N° Lexbase : N1608BXT)

Marie-Gabrielle Merloz, Nouvelle confirmation du Conseil d’Etat de l’articulation entre abus de droit et montage artificiel, Lexbase Fiscal, n° 773 (N° Lexbase : N7715BXZ)

Anne Iljic, Clarification du régime de gains issus de management packages, Lexbase Fiscal, n° 791 (N° Lexbase : N9915BXI).

 

 

 

 

newsid:472244

Fonction publique

[Brèves] Port d'une barbe par un agent public : élément insuffisant pour caractériser la manifestation de convictions religieuses

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 12 février 2020, n° 418299, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A34933E4)

Lecture: 2 min

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par Yann Le Foll

Le 19 Février 2020

► Le port d'une barbe par un agent public n’est pas un élément suffisant pour caractériser la manifestation de convictions religieuses, même si l'intéressé a refusé de la tailler et n'a pas nié qu'elle pouvait être perçue comme un signe d'appartenance religieuse.

Ainsi statue le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 12 février 2020 (CE 5° et 6° ch.-r., 12 février 2020, n° 418299, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A34933E4).

Rappel. Les praticiens étrangers qui sont, en application des articles L. 6134-1 (N° Lexbase : L9858KXE) et R. 6134-2 (N° Lexbase : L4295LHK) du Code de la santé publique, accueillis en tant que stagiaires associés dans un établissement public de santé doivent respecter les obligations qui s'imposent aux agents du service public hospitalier. A ce titre, s'ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public. Ainsi, le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations (CE, 3 mai 2000, n° 217017 N° Lexbase : A9574AGP).

Décision attaquée. Pour juger que le requérant avait manqué à ces obligations, la cour administrative d'appel (CAA Versailles, 4ème ch., 19 décembre 2017, n° 15VE03582 N° Lexbase : A0849W9C) s'est fondée sur ce que, alors même que la barbe qu'il portait ne pouvait, malgré sa taille, être regardée comme étant par elle-même un signe d'appartenance religieuse, il avait refusé de la tailler et n'avait pas nié que son apparence physique pouvait être perçue comme un signe d'appartenance religieuse.

Solution. En se fondant sur ces seuls éléments, par eux-mêmes insuffisants pour caractériser la manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public, sans retenir aucune autre circonstance susceptible d'établir que le requérant aurait manifesté de telles convictions dans l'exercice de ses fonctions, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit (cf. l’Ouvrage « Fonction publique » N° Lexbase : E9811EP3). 

newsid:472217

Fonction publique

[Brèves] Enquête administrative diligentée sur le comportement d'un agent public : obligation de faire figurer au dossier les procès-verbaux des témoignages recueillis

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 5 février 2020, n° 433130, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A39733DI)

Lecture: 2 min

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par Yann Le Foll

Le 19 Février 2020

Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 5 février 2020 (CE 5° et 6° ch.-r., 5 février 2020, n° 433130, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39733DI).

Faits. M. X a été nommé directeur de l'Etablissement national des invalides de la marine par un décret du 8 décembre 2016 pour une durée de trois ans.

Les ministres chargés de la tutelle de cet établissement, après que des signalements eurent fait état de ce que des situations pouvant constituer des faits de harcèlement à l'encontre de certains membres du personnel de cet établissement étaient reprochés à l’intéressé, ont diligenté une mission d'enquête administrative sur la manière dont l'intéressé assurait la direction de l'établissement.

Le rapport de la mission d'inspection, rendu aux ministres en avril 2019, a recommandé qu'il soit mis fin à ses fonctions.

Rappel. L'absence de communication de pièces devant figurer au dossier d'un fonctionnaire, car relatives à sa manière de servir, entache d'irrégularité la procédure disciplinaire (CE, 30 octobre 1995, n° 126121 N° Lexbase : A6048ANC).

Solution. Dès qu'il a eu la possibilité de consulter son dossier administratif et de formuler des observations, l'intéressé a consulté ce dossier et présenté des observations par écrit.

Cependant, ni son dossier administratif, ni le rapport d'inspection qui lui avait été communiqué ne comprenaient les cinquante-cinq procès-verbaux d'audition des agents de l'Etablissement national des invalides de la marine établis dans le cadre de la mission d'enquête administrative.

La demande de l'intéressé tendant à recevoir communication de ces pièces a, par la suite, fait l'objet d'une décision de refus, dont l’irrégularité résulte du principe précité.  Le décret du 29 mai 2019 mettant fin à ses fonctions en qualité de directeur de l'Etablissement national des invalides de la marine est donc annulé (cf. l'Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E4756EUP).

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Procédure civile

[Jurisprudence] Ressemblances et dissemblances de l’appel incident et de l’appel provoqué

Réf. : Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-14.901, F-P+B+I (N° Lexbase : A4226ZDU) ; Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, F-P+B+I, n° 18-24.606, F-P+B+I (N° Lexbase : A47663AR)

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par Jimmy Serapionian, Avocat au barreau de Paris, LVI Associés, Chargé d’enseignement à l’université de Cergy-Pontoise, Membre de l’AJEDIM

Le 20 Février 2020

En l’espace d’un peu plus de six mois, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les différences pratiques entre les procédures d’appel incident et d’appel provoqué par deux arrêts promis à une large publication (Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-14.901, F-P+B+I et Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, F-P+B+I, n° 18-24.606, F-P+B+I), que nous tenterons d’éclairer dans le cadre du présent commentaire croisé.

Rappelons d’ores et déjà que :

  • l’appel est une voie de recours ordinaire à l’encontre d’une décision de justice de premier ressort qui tend, selon les dispositions de l’article 542 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7230LEI), par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. L’appel principal peut porter sur tout ou partie de la décision entreprise et à l’encontre de tout ou partie des parties en première instance ;
  • l’appel incident, non défini par le Code de procédure civile, constitue une voie de recours ouverte à l'intimé à l'appel principal afin de contester la partie de la décision de première instance, non contestée par le formulé par l'appelant et ainsi obtenir la réformation d'un jugement rendu en première instance ;
  • l’appel provoqué, non défini par le Code de procédure civile, constitue une voie de recours ouverte à l'intimé à l’encontre d’une partie non intimée sur l’acte d’appel principal mais partie en première instance.

Si les procédures d’appel incident et d’appel provoqué ne sont pas définies dans le Code de procédure civile, en revanche, leurs régimes applicables sont en partie énoncés dans ce dernier notamment aux articles 905 (N° Lexbase : L2324LUM), 909 (N° Lexbase : L7240LEU) et suivants, 910 (N° Lexbase : L7241LEW) et suivants et 911 (N° Lexbase : L7242LEX) et suivants. Notons à cet égard, que le code régit de manière strictement identique ces deux catégories d’appel, puisque les appel incident et appel provoqué sont systématiquement régis par les mêmes dispositions lesquelles renvoient indifféremment à l’appel incident ou à l’appel provoqué. Ces procédures apparaissent ainsi symétriques en tout point, hormis quant à leur champ d’application. Ainsi, en ce qui concerne les procédures à brefs délais issues de la réforme du 6 mai 2017, l’article 905-1 (N° Lexbase : L7035LEB) du Code de procédure civile dispose que : « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe ».

La jurisprudence, en revanche, vient sinon complexifier, à tout le moins apporter des éléments de distinction entre l’appel incident et l’appel provoqué, qui doivent impérativement être mis en œuvre sauf à risquer d’entraîner l’irrecevabilité de ces appel incident ou provoqué.

Ainsi, le premier arrêt commenté, rendu le 6 juin 2019 (portant sur l’appel provoqué), portait sur une demande indemnitaire introduite par l’Etat français à l’encontre d’une société étrangère, laquelle avait appelé en garantie en première instance une société française.

Le premier juge a condamné la société étrangère à verser une somme à l’Etat français, et a condamné la société française à garantir la société étrangère. L’appel ayant été interjeté par la société française, condamnée in fine uniquement à l’encontre de la société étrangère, sans intimer l’Etat français, se posait la question de la date limite à laquelle l’intimé, à savoir la société étrangère, pouvait régulariser appel provoqué ainsi que le formalisme applicable, sachant que l’appelant avait régularisé ses écritures d’appel le 20 septembre 2016.

Les faits objets de la seconde instance commentée, ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 9 janvier 2020, sont relativement similaires puisque le litige de base opposait plus de deux parties devant le premier juge du fond. En revanche, dans cette espèce, appel a été interjeté à l’encontre de toutes les parties à la procédure initiale, bien que ce recours n’ait pas porté sur tous les chefs du jugement entrepris.

L’un des intimés n’ayant pas constitué avocat, se posait la question de la date limite à laquelle l’intimé ayant constitué avocat et souhaitant régulariser un appel incident, pouvait régulariser ses écritures, ainsi que le formalisme applicable, sachant que l’appelant avait régularisé ses écritures d’appel le 12 mai 2017.

Les deux arrêts ont adopté, à juste titre, des solutions radicalement différentes tant sur les délais applicables que sur le formalisme devant être mis en œuvre en cas d’appel incident et en cas d’appel provoqué, faisant, ainsi, apparaître ces deux procédures, de prime abord relativement proches, comme étant de parfaites fausses amies procédurales.

Il sera nécessaire d’évoquer ces deux différences substantielles mises en évidence par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en commençant par la question de l’applicabilité de l’article 911 du Code de procédure civile (I), puis par celle du formalisme applicable (II). Un récapitulatif, sous forme de tableau synoptique, sera dressé en fin de commentaire (III).

I - Applicabilité de l’article 911 du Code de procédure civile en cas d’appel provoqué et incident

L’ancien article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0351IT8) disposait que :« Sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ».

Ces dispositions ont été remplacées par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2696LEL), relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, qui modifia ainsi l’article 911 (N° Lexbase : L7242LEX) :

« Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe ».

A - Inapplication de l’article 911 du Code de procédure civile à un appel provoqué

Par son arrêt du 6 juin 2019, la deuxième chambre civile a rappelé que la régularisation d’un appel provoqué n’était pas initiée à l’encontre d’une partie en cause d’appel, mais d’une partie en cause de première instance de sorte que les dispositions de l’article 911 ne sont pas applicables.

En effet, rappelons que, selon les faits de l’espèce, l’Etat français, partie en première instance n’était cependant pas partie en cause d’appel, raison pour laquelle aucun avocat n’était constitué. Il ne s’agissait donc pas d’une omission, plus ou moins volontaire de cette partie en première instance, mais du fait que l’appel principal n’ayant pas été dirigé contre elle, elle n’était tout simplement pas partie en appel.

Dès lors, l’appelant ayant régularisé ses écritures d’appel le 20 septembre 2016, l’intimé souhaitant régulariser son appel provoqué disposait du délai ouvert par l’article 909 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7240LEU), soit deux mois à l’époque des faits, remplacé par trois mois aujourd’hui, afin d’interjeter appel provoqué à l’encontre d’une partie tierce à la procédure d’appel.

Dans les faits, la société de droit étrangère, intimée principale et appelante provoquée, devait signifier son assignation à l’Etat français au plus tard le 20 janvier 2017, à savoir 20 novembre 2016 auquel s’ajoute le délai de distance de deux mois ouvert à une société de droit étranger.

En conclusion, l’appel provoqué visant à intégrer dans la procédure d’appel une nouvelle partie non visée par l’appel principal, cette dernière doit être mise en cause le plus rapidement possible, et en tout état de cause dans le délai prévu à l’article 909 du Code de procédure civile, à savoir trois mois (anciennement deux mois) après la régularisation de l’appel principal.

D’un point de vue strictement juridique, notons qu’aucun texte ne permettrait à l’intimé souhaitant interjeter appel provoqué de retarder son recours, qui doit donc s’inscrire dans le délai prévu à l’article 909 du Code de procédure civile, sans que les dispositions de l’article 911 du même code ne puissent trouver à s’appliquer.

B - Application de l’article 911 du Code de procédure civile à un appel incident

Dans le cadre du second arrêt commenté, rendu le 9 janvier 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, la cour d’appel saisie d’un moyen d’irrecevabilité de l’appel incident, a fait application des dispositions applicables à l’appel provoqué, de sorte que son arrêt ne pouvait qu’être censuré par la juridiction suprême.

En effet, par sa décision soumise à la censure de la Cour de cassation, la cour d’appel en cause a jugé que les écritures d’appel incident doivent être délivrées au « co-intimé défaillant dans les deux mois suivants la notification des conclusions de l’appelant à peine d’irrecevabilité » sans que ce délai ne puisse être augmenté du délai d’un mois supplémentaire mentionné à l’article 911 du Code de procédure civile.

Dans le cadre du pourvoi, le demandeur au pourvoi, indiquait à juste titre que, dans le cadre de son appel incident, il devait certes déposer ses conclusions d’appel incident dans le cadre du délai de l’article 909 du Code de procédure civile (deux mois à compter de la régularisation des conclusions d’appelant au moment des faits, trois mois aujourd’hui), mais disposait également d’un délai d’un mois supplémentaire pour signifier ses conclusions en cas de co-intimé défaillant, en application de l’article 911 susvisé.

La Cour de cassation a naturellement suivi cette analyse en précisant que :

« en statuant ainsi, alors que la seule obligation pesant sur M. T était de signifier ses conclusions d'appel incident à M.G., régulièrement intimé par l'appelant, dans les délais prescrits par les articles 909 et 911 du code de procédure civile, soit avant le 12 août 2017, sauf à ce que M.G. constitue avocat avant la signification, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Ainsi, à l’inverse de l’appel provoqué, l’appel incident peut-être régularisé plus tardivement en cas de partie défaillante, alors que l’appel provoqué quant à lui se doit impérativement de respecter les délais préfixes de l’article 909 du Code de procédure civile sauf à être augmenté des délais de distance.

II - Formalisme applicable

A - Appel provoqué par voie d’assignation

Le recours de l’appel provoqué se fait exclusivement par voie d’assignation, valant conclusions. 

En effet, l'appel provoqué visant à intégrer une nouvelle partie dans la procédure d’appel, mais uniquement une partie déjà présente en première instance, l’intimé ne peut régulariser son appel provoqué que par voie d'assignation valant conclusions dans les trois mois de l'appel qui l'a provoqué (voir antérieurement à l’arrêt commenté : Cass. civ. 227 septembre 2018, n° 17-13.835, F-P+B N° Lexbase : A1947X8M).

Cette obligation processuelle résulte au demeurant de la lecture combinée des dispositions des articles 55 (N° Lexbase : L9076LTC), 68 (N° Lexbase : L1277H43) et 551 (N° Lexbase : L6702H7D) du Code de procédure civile. Rappelons à cet égard les dispositions de l’article 68 de ce code : « Les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. En appel, elles le sont par voie d'assignation ».

Or l'appel provoqué, dirigé contre un tiers à l'instance d'appel se doit d’être interjeté par une assignation citant cette personne à comparaître devant la cour d'appel comprenant les mentions obligatoires de l’article 56 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9287LT7).

Par conséquent, la signification, par voie d’huissier de justice, d’un jeu de conclusions portant appel provoqué ne pouvait suffire et permettre à l’intimé, de remplir les conditions issues des articles 55 et suivants, et 68 du Code de procédure civile.

B ) Appel incident par voie de conclusions régularisées par RPVA ou signifiées par huissier

Dans le cadre du second arrêt commenté, rendu le 9 janvier 2020, la cour d’appel a également appliqué à la procédure d’appel incidente le formalisme prescrit à l’appel provoqué encourant ainsi de plus fort la censure du juge du droit.

En effet, dans cette affaire, la cour d’appel a décidé que « l’intimé appelant incident doit faire délivrer une assignation au co-intimé défaillant » de sorte que la signification des conclusions d’intimée valant appel incident n’était pas de nature à interrompre les délais fixés à l’article 909 du Code de procédure civile tels qu’augmentés par ceux de l’article 911 du même code.

Une telle décision contrevient nécessairement aux dispositions de l’article 911 du Code de procédure civile, auxquelles la cour d’appel à fait primer les dispositions des articles 55 et 68.

Rappelons en tant que de besoin que les dispositions de l’article 911 du Code de procédure civile prévoient un système à triple détente pour régulariser des écritures d’appel incident :

  • soit la partie adverse, appelante ou co-intimée, a constitué avocat dans le délai de l’article 909 du Code de procédure civile et dans ce cadre, les écritures doivent être notifiées à ce conseil dans le délai de l’article 909 du même code ;
  • soit la partie adverse, appelante ou co-intimée, n’a pas constitué avocat dans le délai de l’article 909 du Code de procédure civile et dans ce cadre, les écritures doivent lui être signifiées, par voie d’huissier dans un délai supplémentaire d’un mois suivant l'expiration des délais prévus ;
  • soit la partie adverse, appelante ou co-intimée, n’a pas constitué avocat dans le délai de l’article 909 du Code de procédure civile, mais constitue avocat dans le délai d’un mois suivant mais avant que l’intimé interjetant appel incident ne signifie ses écritures, alors les écritures doivent être notifiées à l’avocat ainsi constitué.

 

III - Récapitulatif : tableau synoptique entre l'appel incident et l'appel provoqué

Appel

Partie

Durée

Formalisme

Incident

Constituée

Trois mois à compter de la régularisation des écritures d’appel, sans prise en compte de l’article 911 du Code de procédure civile

Conclusions régularisées par RPVA

Non constituée

Trois mois à compter de la régularisation des écritures d’appel, plus la prise en compte de l’article 911 du Code de procédure civile

Conclusions signifiées par huissier

Provoqué

Etrangère à la procédure d’appel

Trois mois à compter de la régularisation des écritures d’appel, sans prise en compte de l’article 911 du Code de procédure civile, mais éventuellement augmenté des délais de distance

Assignation

 

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Revirement : le vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’UE est redevable de la rémunération pour copie privée

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-23.752, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A37963DX)

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N2180BYE

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par Vincent Téchené

Le 19 Février 2020

► Lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une oeuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2491K97) doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final.

Tel est l’enseignement d’un important arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 février 2020, promis à la plus large publicité (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-23.752, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A37963DX).

L’affaire. Copie France a assigné une société luxembourgeoise qui propose à la vente sur internet des supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’une provision au titre de la rémunération pour copie privée dont elle serait redevable, ainsi que la communication de pièces. En appel, la société a été condamnée à payer à titre provisionnel la somme de 188 499,64 euros à valoir sur la rémunération pour copie privée due pour la période du 16 juin 2011 au 3 novembre 2017. Il lui a, par ailleurs, été ordonné de communiquer l’ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France, pour chacune des catégories de supports vierges d’enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée.

La société luxembourgeoise a donc formé un pourvoi en cassation.

La décision. Aux termes d’un raisonnement tout particulièrement étayé, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Elle rappelle, en premier lieu, que conformément à l’article L. 311-4, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l’article 256 bis du CGI (N° Lexbase : L1684IP3), de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports.

Cette disposition, bien qu’antérieure à la Directive «droits d’auteur» du 22 mai 2001 (Directive 2001/29 N° Lexbase : L8089AU7), doit, selon une jurisprudence constante, être interprétée à la lumière de cette Directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci (CJCE, 13 novembre 1990, aff. C-106/89, point 8 N° Lexbase : A7475AHC ; CJCE, 5 octobre 2004, aff. C-397/01 à C-403-1, point 10 N° Lexbase : A5431DDI ; CJUE, 19 avril 2016, aff. C-441/14, points 30 et 31 N° Lexbase : A7754RIZ), sans que, toutefois, l’obligation d’interprétation conforme puisse servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (CJUE, 4 juillet 2006, aff. C-212/04, point 110 N° Lexbase : A1488DQ8 ; CJUE, 19 avril 2016, aff. C-441/14, préc., point 32 ; Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 14-13.151, FS-P+B N° Lexbase : A8773NHE).

En deuxième lieu, la Cour relève qu’aux termes de l’article 5 § 2, sous b), de la Directive 2001/29, les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction, lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux oeuvres ou objets concernés. En outre, par un arrêt du 16 juin 2011 (CJUE, 16 juin 2011, aff. C-462/09 N° Lexbase : A6408HTI), la CJUE a dit pour droit qu’«[…] il incombe à l’Etat membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’œuvres protégées, et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l’utilisation à des fins privées de leurs œuvres par des acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. A cet égard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant».

Pour la Cour de cassation, il s’ensuit que, contrairement à ce qu’elle a précédemment jugé (Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-15.066, FS-P+B N° Lexbase : A4580EBA) -et comme énoncé ci-dessus-, lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une oeuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final.

Or, la cour d’appel a relevé, d’une part, que la société luxembourgeoise en cause ne pouvait pas se prévaloir de la clause des conditions générales de vente transférant au client final le paiement des «taxes spécifiques aux Etats comme par exemple des taxes sur les droits d’auteur», laquelle aurait pour effet d’annihiler l’effectivité de l’indemnisation due aux ayants droit au titre de l’exception de copie privée, d’autre part, que les commandes de supports d’enregistrement vierges effectuées par des consommateurs français, à partir de son site rédigé en français et permettant le paiement en euros, étaient livrées sur le territoire national. Ainsi, elle a pu constater qu’il s’avérait, en pratique, impossible de percevoir la rémunération équitable auprès des utilisateurs finaux et que la société luxembourgeoise avait contribué à l’importation des supports litigieux.

Dès lors, pour la Haute juridiction, c’est à bon droit, et sans se livrer à une interprétation contra legem du droit national ni faire produire un effet direct à la Directive 2001/29, que la cour d’appel en a déduit qu’en tant que commerçant vendant sur le territoire national des produits assujettis à la rémunération pour copie privée, la société luxembourgeoise était redevable du paiement de cette rémunération et que, par suite, son obligation à l’égard de la société Copie France n’était pas sérieusement contestable, au sens de l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9113LTP).

 

newsid:472180

Propriété intellectuelle

[Brèves] «PACTE» : publication de l'ordonnance créant un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l’INPI

Réf. : Ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020, portant création d'un droit d'opposition aux brevets d'invention (N° Lexbase : L9353LUX)

Lecture: 4 min

N2216BYQ

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par Vincent Téchené

Le 19 Février 2020

► Mettant en œuvre l'article 121 de la loi «PACTE» (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019  N° Lexbase : L3415LQK), une ordonnance, publiée au Journal officiel du 13 février 2020 (ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020, portant création d'un droit d'opposition aux brevets d'invention N° Lexbase : L9353LUX), crée un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l'Institut national de la propriété industrielle (sur les dispositions issues la loi «PACTE» et concernant le droit de la propriété intellectuelle, v. les obs. de Y. Basire N° Lexbase : N9059BXS).

Les missions de l'INPI sont complétées afin de le charger du traitement des oppositions formées à l'encontre des brevets d'invention délivrés en France, et confère à son directeur général la responsabilité des décisions statuant sur ces oppositions. Ces décisions doivent être motivées et notifiées aux parties prenantes à la procédure d'opposition.

Par ailleurs, le champ d'application du droit d'opposition est restreint aux seuls brevets d'invention, à l'exclusion des autres titres de propriété industrielle protégeant les inventions, tels que le certificat d'utilité et le certificat complémentaire de protection. La possibilité d'un recours en restauration du droit d'opposition en cas de dépassement du délai prévu pour la formation de l'opposition est exclue. En outre, l’ordonnance renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour la définition des conditions d'exercice du droit d'opposition ainsi que pour la fixation du délai pour former une opposition à l'encontre d'un brevet d'invention à compter de sa délivrance. La recevabilité de l'opposition ne suppose pas la démonstration par l'opposant d'un intérêt à agir. Il est également renvoyé à un décret en Conseil d'Etat pour la définition des conditions d'exercice du droit d'opposition.

L’ordonnance crée les articles L. 613-23-1 (N° Lexbase : L9506LUM) à L. 613-23-6 du Code de la propriété intellectuelle qui définissent les principes directeurs de la procédure d'opposition. Ainsi, l'opposition ne peut se fonder que sur des motifs limitativement énumérés, à savoir le défaut de brevetabilité de l'invention, l'insuffisance de description et l'extension de l'objet au-delà du contenu de la demande initiale. Par ailleurs, le respect du principe de la contradiction est imposé dans le cadre de la procédure d'opposition. Le titulaire d'un brevet visé par une opposition peut modifier son titre au cours de la procédure, sous réserve de respecter des conditions définies par l'ordonnance. Les types de décisions rendues pour statuer sur une opposition sont également définis. Ainsi, lorsque le directeur général de l'INPI fait droit à l'opposition pour l'un des motifs soulevés par l'opposant, le brevet peut être révoqué en tout ou partie, ou maintenu sous une forme modifiée compte tenu des modifications apportées en cours de procédure par le titulaire du titre. Dans le cas contraire, l'opposition est rejetée et le brevet maintenu tel que délivré.

Le directeur général de l'INPI statuant sur une opposition peut décider, dans la mesure où l'équité l'exige, d'une répartition des frais entre les parties, dans la limite d'un barème fixé par arrêté ministériel.

Il est prévu que les effets de la décision statuant sur l'opposition rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet. La décision de révocation a un effet absolu. Par ailleurs, la décision de révocation partielle renvoie le titulaire du brevet devant l'INPI afin de présenter un jeu de revendications modifié conforme à cette décision.

La rédaction de l'article L. 613-24 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2862IBM) est modifiée afin de permettre l'articulation entre les procédures d'opposition et de limitation des brevets.

L'ordonnance entre en vigueur au 1er avril 2020, ses dispositions n’étant applicables qu'aux brevets d'invention délivrés par l'INPI à compter de cette date.

 

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Représentation du personnel

[Pratique professionnelle] CSSCT : premier retour d’expérience et points de vigilance identifiés après deux ans d’existence

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N2203BYA

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par Frédéric-Guillaume Laprévote, avocat associé et Marie Vacassoulis, avocat, Flichy Grangé Avocats

Le 19 Février 2020

Créée par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7628LGM), la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est aujourd’hui un organe essentiel du comité social et économique (CSE) lorsqu’elle existe. Son essor s’explique en grande partie par le fait que les employeurs, les délégués syndicaux et les représentants du personnel disposent d’une marge de manœuvre importante la concernant. Si des règles d’ordre public encadrent la mise en place et le fonctionnement de la CSSCT, une part importante est en effet ouverte au champ de la négociation collective (par accord d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, par accord avec le CSE). A défaut d’accord, le règlement intérieur du CSE intervient en ultime recours pour déterminer les règles de fonctionnement des CSSCT, sans que celui-ci ne puisse imposer à l’employeur des obligations allant au-delà de ses dispositions légales (C. trav., art. L. 2315-24 N° Lexbase : L1425LKY, modifié par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 N° Lexbase : L9253LIK, art. 6, V).

I - La mise en place de la ou des CSSCT

A - Les différentes hypothèses de mise en place

1 - La mise en place obligatoire de la CSSCT

En tant que groupe de travail interne, l’existence d’une CSSCT suppose la mise en place préalable d’un CSE, nouvelle instance représentative unique du personnel.

Outre cette condition, la CSSCT est obligatoire à partir du moment où :

  • l’entreprise ou l’établissement distinct compte au moins 300 salariés ;
  • les établissements comprenant au moins une installation nucléaire ou qui présentent des risques particuliers pour la santé, la sécurité ou l’environnement ;
  • les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés sur décision de l’inspecteur du travail lorsque cette mesure est nécessaire notamment en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l'équipement des locaux, sous le contrôle de la Direccte.

Ces dispositions, fixées aux articles L. 2315-36 (N° Lexbase : L8347LGA) et L. 2315-37 (N° Lexbase : L0964LTU) du Code du travail, sont d’ordre public absolu.

Il est à noter que le Guide ministériel est venu apporter deux précisions quant à la création d’une CSSCT sur instruction de l’inspection du travail. D’une part, l’inspecteur du travail peut imposer la mise en place d’une CSSCT au sein d’un établissement de moins de 50 salariés appartenant à une entreprise d’au moins 50 salariés, sans qu’une telle mesure puisse être imposée dans une entreprise de moins de 50 salariés (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 100). D’autre part, le Guide ajoute que cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Direccte ou devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se situe l’inspecteur du travail qui a rendu la décision, dans un délai de deux mois. Ces recours ne sont pas suspensifs (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 105).

A ce jour, l’absence de jurisprudence sur ce point milite pour une lecture littérale du texte. Il en résulte qu’un CSE ne comporte pas nécessairement une CSSCT, dont la mise en place obligatoire dépend de l’effectif, des risques particuliers ou de l’inspection du travail.

2 - La mise en place facultative de la CSSCT

En dehors de ces trois hypothèses, une ou des CSSCT peuvent être créées de façon volontaire (C. trav., art. L. 2315-43 N° Lexbase : L8354LGI et L. 2315-44 N° Lexbase : L0965LTW) :

  • par accord d‘entreprise majoritaire déterminant les établissements distincts (par renvoi à l’article L. 2313-2 du Code du travail N° Lexbase : L8477LG3) ;
  • en l’absence de délégués syndicaux, par accord avec le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus ;
  • à défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur.

C’est ainsi que dans certaines entreprises, il a pu être convenu ou décidé unilatéralement de mettre en place une ou plusieurs CSSCT de manière facultative afin de reproduire la représentation qui était en place à l’époque des CHSCT. En effet, sous l’empire de la législation antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, tout comité d’entreprise disposait d’au moins un CHSCT dès lors que le seuil d’effectif était fixé à 50 salariés pour les deux institutions.

B - Les différents niveaux d’implantation

1 - La mise en place verticale d’une CSSCT centrale

Dans les entreprises à établissements multiples, une CSSCT centrale est mise en place lorsque l’entreprise compte au moins 300 salariés (C. trav., art. L. 2316-18 N° Lexbase : L8425LG7).

Par conséquent, une CSSCT centrale doit être instituée dans les entreprises d’au moins 300 salariés comportant au moins deux établissements distincts, que l’effectif de ces établissements soit inférieur, égal ou supérieur à 300 salariés (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 99).

D’après une interprétation stricte des dispositions légales, il résulte de la règle susvisée qu’une entreprise qui comprend au moins 300 salariés répartis sur plusieurs établissements, chacun de moins de 300 salariés, n’est tenue de constituer une CSSCT qu’au niveau du CSE central.

En revanche, si une partie ou l’ensemble de ces établissements comporte au moins 300 salariés, l’entreprise aura l’obligation de constituer une CSSCT au niveau du CSE central ainsi qu’une ou plusieurs CSSCT au sein de chacun de ces établissements distincts.

2 - La mise en place horizontale de CSSCT adaptée à la structure de l’entreprise

Les entreprises comportant un nombre important de salariés, les entreprises à établissements multiples géographiquement espacés, et les entreprises aux enjeux spécifiques en matière de santé sont encouragées à prévoir un nombre suffisant de CSSCT en charge des problématiques de terrain.

A défaut, la remontée de l’ensemble des réclamations individuelles ou des difficultés locales à l’échelon central conduirait à réduire l’analyse des sujets liés aux conditions de travail plus globales.

Dans ces conditions, les partenaires sociaux ont tout intérêt à prévoir une pluralité de CSSCT, en lien avec l’existence de représentants de proximité. Nombreuses sont les entreprises qui se sont orientées vers cette position mais tout dépend, là encore, de la configuration de l’entreprise.

En toute logique, une étude du mois de juin 2019 a fait ressortir, sur un panel de 254 accords collectifs, que 47 % des accords à CSSCT multiples concernent des entreprises de plus de 1000 salariés et 46 % des entreprises entre 300 et 1000 salariés. Les entreprises de moins de 300 salariés ayant opté pour l’installation de plusieurs CSSCT ne représentent quant à elles que 7 % des accords collectifs étudiés (Les réussites du dialogue social, EDSM Montpellier, 28 juin 2019).

II - La composition de la CSSCT

A - Le Président

Une règle classique au fonctionnement des institutions représentatives du personnel a été reprise en confiant la présidence de la CSSCT à l’employeur ou son représentant.

Celui-ci peut se faire assister par des collaborateurs appartenant à l’entreprise et choisis en dehors du comité, sans être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires (C. trav., art. L. 2315-39 N° Lexbase : L8485LS3).

B - Les représentants du personnel

1 - La qualité des représentants du personnel

Conformément à l’article L. 2315-39 du Code du travail, la CSSCT doit comporter un minimum de 3 élus, dont au moins un représentant du second collège ou, le cas échéant, du troisième collège.

Les membres de la CSSCT sont désignés par le CSE parmi ses membres, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité (C. trav., art. L. 2315-39).

Le Guide ministériel au 16 janvier 2020 précise que la CSSCT est composée de membres désignés obligatoirement parmi les membres titulaires ou suppléants du CSE (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 103).

En revanche, aucune disposition légale ne prévoit, ni n’autorise par disposition conventionnelle, la possibilité pour une organisation syndicale de désigner un représentant syndical au CSE en qualité de représentant du personnel au sein de la CSSCT (v. plus généralement, sur l’incompatibilité des qualités de membres élu, titulaire ou suppléant, du CSE et de représentant syndical : Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-23.764, FS-P+B N° Lexbase : A4725ZNC ; Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-13.269, F-P+B N° Lexbase : A60243C4). La nouvelle version du Guide ministériel indique qu’il en est ainsi dans la mesure où le représentant syndical n’est pas membre à part entière du CSE, disposant d’une voix consultative et non pas délibérative (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 102).

2 - Le nombre de représentants du personnel

Le nombre d’élus peut être limité à trois quel que soit l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement distinct concerné.

Cela étant précisé, une interrogation a été soulevée sur la possibilité de prévoir un nombre de membres inférieur à 3 lorsque la CSSCT est mise en place à titre facultatif (c’est-à-dire, dans le cas où l’entreprise ou l’établissement comporterait moins de 300 salariés). Une première réponse a été donnée par le Tribunal de grande instance d’Evry, pour lequel la CSSCT doit comporter au minimum 3 membres représentants du personnel en toute hypothèse. Cette disposition étant d’ordre public, la clause d’un accord collectif fixant à 2 le nombre de membres de la CSSCT a donc été annulée (TGI d’Evry, 1ère ch, 1, 15 octobre 2018, n° 18/05636).

Pour pallier les difficultés pratiques qui pourraient découler du nombre légal d’élus, les partenaires sociaux peuvent définir le nombre de membres de la ou des CSSCT (C. trav., art. L. 2315-41 N° Lexbase : L8352LGG, L. 2315-42 N° Lexbase : L8353LGH et L. 2315-43 N° Lexbase : L8354LGI).

D’après une étude réalisée en juin 2019 sur un panel de 254 accords, 24 % seulement de ces accords ont fixé le nombre de membres des CSSCT par référence au minimum de 3 membres d’ordre public. Il est à noter que 60 % des accords prévoient un nombre de membres compris entre 4 et 10 (Les réussites du dialogue social, EDSM Montpellier, 28 juin 2019).

Dans une entreprise, il a par exemple été prévu un nombre de membres égal au tiers du nombre de titulaires au CSE d'établissement (3 minimum) porté à 8 pour les établissements dotés de plusieurs CSSCT (accord du 13 avril 2018, relatif à la mise en place des nouvelles IRP au sein de l'entreprise PSA Automobiles). Dans une autre entreprise, il a été convenu un nombre de membres dépendant de la taille de l'établissement avec un maximum de 9 membres (accord d’adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l’UES Solvay France).

Il est également recommandé aux partenaires sociaux d’adapter le nombre de membres en fonction du nombre et de la particularité des sujets concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail dans le périmètre de chaque CSSCT.

3 - Les modalités de désignation des représentants du personnel

L’article L. 2315-39 du Code du travail (N° Lexbase : L8485LS3) prévoit seulement que les élus sont désignés par une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32 du Code du travail (N° Lexbase : L8343LG4), c’est-à-dire à la majorité des membres présents du CSE.

Un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2019 précise que ces circonstances sont suffisantes. Nul besoin d’une résolution préalable du CSE pour fixer les modalités de l’élection, que la mise en place d’une CSSCT résulte d’une obligation légale ou conventionnelle (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 19-14.224, F-P+B N° Lexbase : A3620Z4T).

C - L’absence de représentant syndical à la CSSCT

Aucune disposition légale ne prévoit la possibilité pour une organisation syndicale de désigner un représentant syndical au sein de la CSSCT.

Le Tribunal d’instance de Rouen a jugé que l’accord cadre du 17 mars 1975, qui prévoyait la faculté pour les organisations syndicales représentatives de désigner un représentant syndical au CHSCT est devenu caduc. Il ne permet donc pas de désigner un tel représentant pour siéger à la CSSCT (TI Rouen, 20 mai 2019, n° 11-19-000943).

III - Les attributions de la CSSCT

A - Les attributions relatives à la santé, la sécurité et aux conditions de travail par délégation

1 - Les pouvoirs limités de la CSSCT

La CSSCT n’a pas de personnalité morale propre et ne constitue de fait qu’une « émanation du comité social et économique » (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 101).

Cette formule prend tout son sens dès lors que les attributions lui sont confiées par l’article L. 2315-38 du Code du travail (N° Lexbase : L8349LGC) uniquement « par délégation » du CSE. Il s’agit de tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l'exception du recours à un expert et de ses attributions consultatives.

D’après le Guide ministériel, la CSSCT a vocation à préparer les réunions et les délibérations du comité sur les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 101).

Bien que cette mission soit utile en amont pour conférer une plus grande efficacité aux réunions du CSE, la CSSCT peut dépasser ce rôle de simple instance préparatoire à condition d’user de la possibilité offerte de lui déléguer certaines des attributions du CSE.

2 - La répartition conventionnelle des tâches

Les partenaires sociaux ont la possibilité de détailler les missions déléguées à la CSSCT par le CSE et leurs modalités d'exercice par accord collectif (C. trav., art. L. 2315-41, 2° N° Lexbase : L8352LGG) ou, en l’absence de DS, par un accord entre l’employeur et le CSE (C. trav., art. L. 2315-43 N° Lexbase : L8354LGI). A défaut, c’est le règlement intérieur qui les détermine (C. trav., art. L. 2315-43).

Les partenaires sociaux peuvent s’emparer de ces outils afin d’aménager la répartition des tâches au plus près des besoins de l’entreprise et de son personnel. Un certain nombre d’accords ont ainsi prévu un mécanisme de répartition du travail entre CSE et CSSCT.

A titre d’illustration, le droit d’alerte pour danger grave et imminent ainsi que la conduite des enquêtes pourraient être confiés à la CSSCT alors que le CSE conserverait pour sa part la mission de se prononcer sur ce sujet en cas de désaccord. De même, les inspections (inspections préalables aux plans de prévention, inspections sur les lieux de travail, etc.) ainsi que le traitement des réclamations individuelles et collectives en matière d’hygiène, de santé et de sécurité, pourraient être confiées à la CSSCT.

Plus globalement, plus les dossiers sont susceptibles d’avoir des incidences concrètes sur les conditions de travail, plus il semble approprié de confier leur traitement aux membres de la CSSCT en amont de la consultation du CSE.

Ces précisions appellent plusieurs pistes de réflexion.

Les partenaires sociaux pourraient avoir intérêt à prévoir des mécanismes de communication entre les membres du CSE et ceux de la CSSCT pour permettre les remontées des analyses et des préconisations formulées par les membres de la CSSCT. Et ce d’autant plus si les membres de la CSSCT ont la qualité de suppléants au CSE, ce qui ne leur donne désormais plus automatiquement le droit d’être présents aux réunions du CSE (C. trav., art. L. 2314-1 N° Lexbase : L0337LMG).

En outre, une répartition des compétences pourrait également être retenue entre la CSSCT centrale, laquelle serait amenée à traiter des sujets au niveau de l’entreprise, et les CSSCT d’établissement s’agissant des problématiques de proximité.

Enfin, il paraît important de décider d’une répartition entre les missions des éventuels représentants de proximité et les missions des membres de la CSSCT pour éviter des situations de concurrence.

B - L’exclusivité du droit à consultation et du droit à expertise

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a prévu deux exceptions à la délégation des attributions du CSE relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail : ni le recours à un expert externe aux frais de l’employeur, ni les attributions consultatives du CSE ne peuvent être délégués à la CSSCT.

1 - Le droit à consultation

L’absence de droit à consultation pour la CSSCT tend à éviter les répétitions des difficultés qui pouvaient naître auparavant en cas de consultation du CE et du CHSCT.

Faut-il entendre l’exclusion de la consultation au sens large, c’est-à-dire y compris en cas d’exercice du droit d’alerte ou de procédure de licenciement pour inaptitude ?

Le Guide ministériel indique qu’il peut être prévu par accord que le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent, qui ne constitue pas une attribution consultative du CSE, puisse être exercé par les membres de la CSSCT (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 101).

En revanche, l’avis sur les propositions de reclassement de l’employeur dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude relève exclusivement de la compétence du CSE (Guide ministériel CSE, version du 16 janvier 2020, n° 101).

2 - Le droit à expertise

Afin d’éviter la multiplication des expertises à plusieurs niveaux, c’est désormais le CSE qui hérite du recours à un expert en cas de risque grave constaté dans l’établissement ou un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Auparavant, cette attribution était dévolue au CHSCT.

Cependant, en matière de santé et sécurité, le CSE pourra décider de recourir à un expert habilité, en fonction des sujets, sur proposition des commissions constituées en son sein (C. trav., art. L. 2315-78 N° Lexbase : L8486LS4).

Aussi, la CSSCT peut réaliser un travail en amont afin d’inciter le CSE à recourir à l’expertise (préparation de travaux et débats). Néanmoins, seul le CSE aura le pouvoir de prendre la décision finale.

Le refus d’accorder ces deux attributions à la CSSCT, y compris au travers d’une norme interne à l’entreprise, démontre la volonté d’opérer une rupture avec le CHSCT. La CSSCT n’est ni l’héritière, ni une résurgence du CHSCT.

IV - Les moyens de la CSSCT

A - Les réunions

Un minimum de quatre réunions annuelles du CSE porte sur tout ou partie de ses attributions en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, et plus fréquemment en cas de besoin, notamment dans les branches d'activité présentant des risques particuliers (C. trav., art. L. 2315-27 N° Lexbase : L1424LKX).

Ces dispositions ne visent que le CSE, et n’obligent pas à dupliquer à la CSSCT ce minimum de quatre réunions par an, qui pourraient d’ailleurs, le cas échéant, ne pas avoir lieu selon une périodicité fixe.

Pour un minimum de prévisibilité, il est possible de définir le nombre de réunions par accord ou, à défaut, par le règlement intérieur du CSE.

De la même façon, aucune disposition légale ne prévoit le principe d’un ordre du jour des réunions de la CSSCT (alors même que la fixation d’un ordre du jour paraît pour le moins indispensable pour préparer les réunions utilement) ou encore ses modalités de fixation.

Les modalités de fonctionnement de la CSSCT étant définies par l’accord (ou à défaut par le règlement intérieur du CSE), les modalités de fixation de l’ordre du jour devraient a priori être fixées dans ce cadre.

Sur ce point, une partie importante des accords collectifs étudiés ont fixé une élaboration conjointe de l'ordre du jour par le Président de la CSSCT et son secrétaire (ou, en son absence, le secrétaire-adjoint). Il est à noter que des accords ont prévu une transmission de l’ordre du jour aux membres de la CSSCT dans un certain délai (par exemple, cinq jours avant chaque réunion sauf circonstances exceptionnelles : accord de mise en place du CSE (2019-2023) au sein de la société Synergie du 2 juillet 2018). On retrouve là le réflexe fréquent des partenaires sociaux de dupliquer les dispositifs applicables aux anciennes institutions représentatives du personnel et au CSE.

Les modalités de rédaction d’un éventuel compte-rendu ne sont pas davantage précisées par les dispositions légales. Il peut être opportun de prévoir que le secrétaire de la CSSCT rapporte ses travaux au CSE pour davantage de transparence. Certains accords prévoient la rédaction d’un rapport par un sténotypiste extérieur aux frais de l'employeur transmis à la Direction et au secrétaire de la CSSCT qui le soumet aux membres de la CSSCT puis au CSE pour approbation (accord d’adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l’UES Solvay France).

Enfin, certains accords renforcent les moyens de la CSSCT à travers l’organisation de réunions à la suite de tout accident ayant entraîné/pu entraîner des conséquences graves, à la suite d'évènement grave lié à l'activité de l'entreprise ayant porté atteinte/pu porter atteinte à la santé publique ou à l'environnement et à la demande motivée de deux de ses membres sur les sujets relevant de son domaine de compétences (accord du 13 avril 2018, relatif à la mise en place des nouvelles IRP au sein de l'entreprise PSA Automobiles).

B - Les heures de délégation des représentants du personnel à la CSSCT

A défaut de prévision dans le protocole d’accord préélectoral, le nombre d’heures de délégation des membres élus titulaires du CSE est fixé, par planchers, en fonction des effectifs de l’entreprise (C. trav., art. L. 2314-1 N° Lexbase : L0337LMG, L. 2314-7 N° Lexbase : L8503LGZ et R. 2314-1 N° Lexbase : L0635LID).

Aucun quantum spécifique n’a été fixé pour les heures de délégation des membres de la CSSCT. Les négociateurs ont donc toute liberté pour déterminer le nombre d’heures de délégation dont les membres bénéficient.

Il est à relever que, par dérogation aux règles applicables aux membres du CSE, le temps passé aux réunions de la CSSCT est rémunéré comme du temps de travail. Ce temps n'est pas déduit des heures de délégation prévues pour les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique (C. trav., art. R. 2315-7 N° Lexbase : L0506LIL).

Cela étant précisé, les dispositions des accords collectifs sont variables. Certains accords prévoient un crédit d'heures de délégation de 2 heures par mois pour les membres de la CSSCT implantée dans un établissement comportant plusieurs CSSCT (accord du 13 avril 2018, relatif à la mise en place des nouvelles IRP au sein de l'entreprise PSA Automobiles). D’autres accords fixent un crédit d'heures spécifique de 15 heures par mois pour chaque membre de la CSSCT et jusqu’à 20 heures dans les établissements SEVESO (accord d’adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l’UES Solvay France).

Au terme des deux premières années d’existence des CSSCT, il apparaît que le champ de la négociation permet d’anticiper et de régler un certain nombre de difficultés susceptibles de survenir en raison du nombre limité de dispositions dans le Code du travail et de la jurisprudence encore balbutiante en la matière.

Une vigilance toute particulière doit donc être apportée lors de la mise en place puis du renouvellement du CSE afin d’anticiper les difficultés autant que possible ou de corriger celles qui sont apparues lors de la première mandature en parvenant à un accord sur les modalités de mise en place et de fonctionnement de la ou des CSCCT.

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Responsabilité médicale

[Brèves] Précisions du Conseil d’Etat relatives à la prescription des actions en matière de réparation médicale

Réf. : CE Avis, 12 février 2020, n° 435498, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A35383ER)

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N2269BYP

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par Laïla Bedja

Le 20 Février 2020

► Il résulte des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 26 janvier 2016 que le législateur a entendu inclure dans le champ d'application de la prescription décennale que prévoient ces dispositions, non seulement les actions susceptibles d'être engagées contre l'ONIAM sur le fondement des articles L. 1142-24-9 (N° Lexbase : L2839LC7), L. 1221-14 (N° Lexbase : L7073IUI), L. 3111-9 (N° Lexbase : L8875LH8), L. 3122-1 (N° Lexbase : L3065ICI) et L. 3131-4 (N° Lexbase : L9616HZ8) du Code de la santé publique, mais aussi, bien qu'elles ne soient pas expressément mentionnées par l'article L. 1142-28 (N° Lexbase : L2945LC3), celles susceptibles de l'être sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 (N° Lexbase : L1859IEL) du même code (première question) ;

► Lorsque, en application des dispositions de l'article L. 1142-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1929IE8), la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, soit par une demande au titre de la procédure de règlement amiable, soit par une demande au titre de la procédure de conciliation, a suspendu le délai de prescription applicable à l'action indemnitaire, il résulte des dispositions de l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L1053KZZ), qui est applicable, que ce délai recommence à courir pour la durée restant à courir ou, si celle-ci est inférieure à six mois, pour une durée de six mois.

Si la demande a été présentée à la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux au titre de la procédure amiable, le délai de prescription recommence à courir, dans le cas où la commission conclut à l'absence de droit à réparation, à compter de la date à laquelle cet avis de la commission est notifié à l'intéressé ;

Dans le cas où la commission estime que le dommage est indemnisable par un établissement de santé ou au titre de la solidarité nationale, si l'intéressé reçoit une offre d'indemnisation de l'assureur de la personne considérée comme responsable ou de l'ONIAM, le délai recommence à courir à compter de la date de réception de cette offre ;

Si la demande a été présentée au titre de la procédure de conciliation, le délai de prescription recommence à courir à la date à laquelle l'intéressé reçoit le courrier de la commission l'avisant de l'échec de la conciliation, ou à la date à laquelle le document de conciliation partielle mentionné à l'article R. 1142-22 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4432DKD) est signé par les deux parties (deuxième question) ;

► Qu'elle soit formulée antérieurement ou postérieurement à l'avis rendu par une commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, une demande indemnitaire présentée à l'administration n'est pas de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription prévu par l'article L. 1142-28 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L2945LC3) (troisième question).

Ainsi répond le Conseil d’Etat à trois questions posées pour avis le 12 février 2020 (CE Avis, 12 février 2020, n° 435498, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A35383ER).

Dans le cadre d’un litige opposant les ayant droits d’une personne décédée à l’ONIAM et à un centre hospitalier universitaire relatif à l’indemnisation du préjudice subi par les ayant droits du fait du décès de leur parent, le tribunal administratif a décidé, avant de statuer sur la demande, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2626ALT), de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes.

1°) Les actions engagées contre l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique, sont-elles, en dépit de la lettre de l'article L.1142-28 du Code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 puis de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, toujours soumises à une prescription décennale ? Dans la négative, quel est le délai de prescription applicable et quelles sont les modalités d'application dans le temps du changement de délai de prescription ?
2°) Dans quelle mesure le dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du Code de la santé publique, qui dispose que " La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre " doit-il être combiné avec l'alinéa 2 de l'article 2238 du Code civil, qui prévoit que lorsque la médiation ou la conciliation est terminée le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ?
3°) Une demande indemnitaire, postérieure à l'avis rendu par une commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, peut-elle suspendre ou interrompre le délai de prescription ? (cf. l’Ouvrage « Droit médical », La prescription de l’action en responsabilité civile médicale N° Lexbase : E5210E74).

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Sécurité sociale

[Brèves] Notification d’une décision de la CPAM : l’assuré régulièrement avisé de la mise à disposition du pli recommandé est réputé avoir eu connaissance de la décision

Réf. : Cass. civ. 2, 13 février 2020, n° 18-24.590, FS-P+B+I (N° Lexbase : A37583EW)

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par Laïla Bedja

Le 19 Février 2020

► Lorsqu’en application de l’article R. 315-1-3, alinéa 1 , du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6756ADL), la caisse primaire d’assurance maladie notifie à l’assuré, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, sa décision de suspendre le service d’une prestation, et que sa lettre n’a pas été remise, ni réclamée, le destinataire est réputé avoir eu connaissance de cette décision à la date à laquelle il a été régulièrement avisé que le pli, présenté à l’adresse connue de la caisse, a été mis en instance au bureau de poste dont il dépend.

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 13 février 2020, n° 18-24.590, FS-P+B+I N° Lexbase : A37583EW).

Les faits. Le 29 août 2016, une caisse primaire d’assurance maladie a décidé de cesser de régler les indemnités journalières d’un assuré à compter du 14 août 2016, au motif qu’il était à nouveau apte à reprendre l’exercice d’une activité professionnelle. Ce dernier a sollicité une expertise médicale qui lui a été refusée par la caisse en raison de la tardiveté de sa demande. Il a alors saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale, en soutenant ne pas avoir eu connaissance de la décision de la caisse avant que celle-ci lui soit remise en main propre, le 5 septembre 2016.

Le moyen. La cour d’appel déclarant irrecevable son recours (CA Bastia, 17 janvier 2018, n° 17/00102 N° Lexbase : A4569XAH), l’assuré a formé un pourvoi en cassation selon le moyen que « la lettre recommandée notifiant une décision de la caisse primaire d’assurance maladie à l’assuré social ne peut faire courir un délai de recours si l’avis de réception n’a pas été signé par le destinataire et que le pli n’a pas été réclamé, que le délai de recours ne peut courir qu’à compter du jour où, de manière certaine, l’assuré social a eu connaissance de la décision ». Ainsi, en en décidant autrement, la cour d’appel a violé l’article R. 315-1-3 du Code de la Sécurité sociale, ensemble l’article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR).

Rejet de la Cour de cassation. Le moyen ne sera pas entendu par les Hauts magistrats. Rappelant la règle précitée, ils rejettent le pourvoi. La cour d’appel ayant constaté que la caisse produisait la copie de l'avis de réception du recommandé sur lequel il était précisé que le destinataire avait été avisé, le 1er août 2016, et ayant fait ressortir qu’il n’était pas établi que du courrier ne pouvait pas être déposé dans sa boîte aux lettres, a pu en déduire que l’assuré avait été informé à cette date de la décision en litige et des recours dont il disposait, de sorte que sa contestation présentée le 27 septembre 2016 était irrecevable comme étant hors délai.

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