La lettre juridique n°446 du 30 juin 2011

La lettre juridique - Édition n°446

Éditorial

Immigration, intégration, nationalité : recherche contrat social désespérément

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N5887BST

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Soixante-deux lois ayant trait à la nationalité ont été publiées au Journal officiel depuis 1889. Seulement, neuf lois s'attachent à régir l'immigration depuis 1860 -dont sept d'entre elles ont été publiées au Journal officiel depuis 1993-. Une seule loi allie, à la fois, l'immigration, l'intégration et la nationalité : celle du 16 juin 2011, récemment promulguée après validation constitutionnelle en bonne et due forme.

Sept lois relatives à l'immigration depuis 1993 (loi n° 93-1027 du 24 août 1993 ; loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 ; loi n° 97-396 du 24 avril 1997 ; loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ; loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ; loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ; loi n° 2011-672 du 16 juin 2011) : la cadence est effarante au regard du long siècle de stabilité règlementaire que la France a pu connaître en la matière. Et, pourtant, l'immigration n'est pas un phénomène nouveau, puisqu'il est consubstantiel à la France et à son Histoire.

C'est comme si, tout à coup -dans les années 90-, la régulation de l'immigration ne s'opérait plus naturellement, mais devait être contrainte par la loi, non tant dans son principe, que dans son quantum, et plus récemment, dans sa qualité (cf. l'objectif présidentiel d'immigration choisie et d'immigration professionnelle).

Pour sûr, le dernier opus en date tente le tout pour le tout, mettant ainsi les pieds dans le plat, voire le feu aux poudres : adjoindre les concepts interactifs et sensibles que sont l'immigration, l'intégration et la nationalité ; chacun des concepts représentant, dans le meilleur des mondes, l'avenir de l'autre, dans un cycle non révolutionnaire, mais bien au contraire, de progrès et de stabilité sociale.

Et, d'ailleurs, le préambule de la loi nouvelle ne s'y trompe pas : "L'immigration est une chance, si elle est maîtrisée. L'immigration est un facteur de progrès, si elle conjugue l'intérêt du migrant, l'intérêt du pays d'accueil, et l'intérêt du pays d'origine. Fondée sur cette conviction, la politique du Gouvernement se veut équilibrée, juste et ferme, assurant à la fois la maîtrise de l'immigration et l'intégration effective des migrants". L'intention est assurément noble, mais les moyens sont-ils bons, du moins, équilibrés ?

La loi assure, certes, la transposition de trois Directives européennes : la Directive "carte bleue européenne" du 25 mai 2009, la Directive "sanction" du 18 juin 2009 et la Directive "retour" du 16 décembre 2008 ; ce faisant la loi crée de nouveaux outils de promotion de l'immigration professionnelle, de lutte contre l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre. Mais, on retiendra essentiellement cet article 8 qui prévoit que, lors du renouvellement de la carte de séjour intervenant au cours de l'exécution du contrat d'accueil et d'intégration ou lors du premier renouvellement consécutif à cette exécution, l'autorité administrative tient compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration s'agissant des valeurs fondamentales de la République, de l'assiduité et du sérieux de sa participation aux formations civiques et linguistiques, et à la réalisation de son bilan de compétences professionnelles. A travers cette disposition, c'est une politique d'intégration, conforme aux orientations du séminaire sur l'identité nationale -dont les débats si décriés n'ont fait l'objet d'aucun consensus national- qui s'est tenu le 8 février 2010 sous la présidence du Premier ministre, qui est ainsi traduite.

L'idée de départ est, pourtant, bonne ; du moins légitime, en ce qu'elle invoque nécessairement les mânes de Jean-Jacques Rousseau et de son contrat social, publié en 1762, fondement républicain s'il en est. Pour mémoire, le "promeneur solitaire" envisageait le contrat social comme un pacte d'aliénation de l'Homme afin de lui garantir la liberté et l'égalité ; la somme de ces pactes contractés volontairement assurant l'essor de la démocratie. Ainsi, en renonçant à sa liberté naturelle, l'Homme s'assure une liberté civile. "Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir" : la société, pour ne pas dire la civilisation, relève de l'Etat de droit qui suppose "l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : car premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous ; et la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres" (Livre I, Chapitre 6). Et, le "rêveur de Colombes" d'ajouter : "Quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même ; et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi" (Livre II, Chapitre 6).

Et, l'on entrevoit, dès lors, la contrariété qu'il peut y avoir entre les récentes lois portant sur l'immigration, dont la loi du 16 juin 2011 ne fait pas exception, et leur assise philosophique, pour ne pas dire "droit-de-l'hommiste" que constitue assurément l'oeuvre de Rousseau.

D'abord, le contrat social suppose que "chacun de nous [mette] en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et [que] nous recev[i]ons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout". Par conséquent, l'engagement est total et identique pour tous ; personne n'a intérêt à le rendre injuste car, cette injustice, le concernerait directement ; et chacun se donnant à tous ne se donne finalement à personne. En imposant un "contrat d'accueil et d'intégration" aux immigrants et en établissant un "brevet de bonne et due intégration" sous l'appréciation de l'autorité administrative aux seuls immigrés souhaitant intégrer le corps social de la société française, la loi pose comme axiome que les "natifs" s'aliènent naturellement à l'intérêt général et à l'expression de la souveraineté populaire : affirmation posée comme vraie et indémontrable, l'égalité des co-contractants au pacte social aurait sans doute nécessité une identité de traitement, du moins à cet égard ; c'est-à-dire une manifestation non équivoque de l'appartenance de chacun, quel qu'il soit, à une communauté et à ses valeurs, sans distinction du lieu de naissance...

Ensuite, la particularité des lois relatives à l'immigration et la nationalité est qu'elles sont l'expression d'un peuple (les français) sur le sort d'un autre peuple (les immigrés) ; étant entendu que seul le pacte social permet l'intégration du second au sein du premier. Le peuple ne considérant plus lui-même, mais l'autre, la loi en perd dès lors de sa superbe. Mais, on conviendra qu'aucun autre système n'est plus légitime pour établir les lois de la République et, plus particulièrement, les lois régissant l'immigration. Car l'on est, en la matière, devant l'éternelle question de la poule et de l'oeuf : la loi est, a minima, l'expression d'une communauté populaire ; or, soit la loi française est l'expression de la volonté du seul peuple français, et nous tombons dans l'écueil ci-dessus constaté ; soit elle est l'expression d'un agrégat populaire, et ne mérite pas la qualité de loi n'étant pas, dès lors, rattachée à une communauté de destin -puisqu'il s'agit précisément d'en fixer au préalable les fondements-.

Toujours est-il qu'il y a une certaine "condescendance civilisationnelle", conforme au mythe du "bon sauvage" et à son auteur, à penser que seul le passage de l'Homme de l'état de nature à l'état civil, par l'intermédiaire du contrat social, lui permet d'acquérir la liberté morale et la possibilité de propriété garanties par la loi. Faut-il lire Jules Michelet pour se souvenir que "en nationalité, c'est tout comme en géologie, la chaleur est en bas ; aux couches inférieures, elle brûle" (Le Peuple)...

Reste qu'en matière d'immigration, l'oeuvre législative s'apparente plus volontiers au courant impressionniste en ce qu'elle est caractérisée par des impressions fugitives, une mobilité des phénomènes, qu'à l'aspect stable et conceptuel des choses... A moins qu'elle ne relève du pointillisme, auquel cas c'est avec le recul que l'on pourra apprécier toutes les couleurs vives de l'oeuvre législative quinquennale en la matière. Mais si les couleurs primaires semblent faire l'unanimité, ce sont les couleurs complémentaires qui peinent à se dessiner.

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Avocats/Champ de compétence

[Le point sur...] La convention de procédure participative, nouveau mode alternatif de résolution des litiges

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N5926BSB

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par Xavier Berjot, avocat associé Ocean Avocats

Le 27 Mars 2014

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU), a instauré la convention de procédure participative, qui constituait l'une des propositions de la Commission "Guinchard" (1). La procédure participative, prévue par l'article 37 de la loi susvisée, entrera en vigueur dans les conditions fixées par le décret modifiant le Code de procédure civile nécessaire à son application et au plus tard le 1er septembre 2011. Ce nouveau dispositif, codifié aux articles 2062 (N° Lexbase : L9826INA) et suivants du Code civil, s'analyse en un véritable mode alternatif de résolution des litiges, formalisé par une convention signée entre les parties, obligatoirement assistées de leurs avocats. I - Champ d'application de la procédure participative

Selon les dispositions de l'article 2062 du Code civil, "la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. Cette convention est conclue pour une durée déterminée".

Si l'article 2062 du Code civil est rédigé en des termes généraux, la loi a néanmoins exclu certaines matières du champ de la procédure participative.

Il résulte ainsi de l'article 2064 du Code civil (N° Lexbase : L9824IN8) que la convention de procédure participative doit porter sur les droits dont la personne a la libre disposition.

Cette convention ne saurait donc régler, par exemple, les litiges relatifs à l'autorité parentale et, plus largement, tous ceux ayant trait à l'état et la capacité des personnes.

Par exception, l'article 2067 du Code civil (N° Lexbase : L9821IN3) prévoit qu'une convention de procédure participative peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps.

Par ailleurs, la convention de procédure participative est réservée aux litiges civils et commerciaux, à l'exclusion de ceux qui surviennent à l'occasion des relations individuelles du travail.

L'article 2064, alinéa 2, du Code civil dispose ainsi qu'aucune convention "ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient".

L'exclusion des litiges individuels du travail du champ de la procédure participative peut s'expliquer au moins à deux titres.

D'une part, les parties au procès prud'homal peuvent être assistées par d'autres personnes que les avocats (salariés ou employeurs appartenant à la même branche d'activité, délégués des organisations d'employeurs et de salariés, conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin).

Or, la procédure participative requiert nécessairement l'assistance d'un avocat.

D'autre part, la procédure prud'homale implique une audience de conciliation et la procédure participative semblait donc, d'une certaine manière, faire double emploi avec ce préalable obligatoire de conciliation.

II - Modalités de mise en oeuvre de la procédure participative

La convention de procédure participative est nécessairement à durée déterminée (C. civ., art. 2062) et doit être, à peine de nullité, contenue dans un écrit précisant :

- son terme ;

- l'objet du différend ;

- les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ;

- les modalités de l'échange de ces pièces et informations.

A la différence d'une transaction, la convention de procédure participative n'a pas pour objet de régler immédiatement un différend mais constitue plutôt une sorte d'accord de méthode, aux termes duquel les parties organisent les modalités de résolution amiable de leur différend.

Une des principales originalités du dispositif consiste dans le rôle confié par la loi aux avocats, lesquels disposent en la matière d'un monopole d'assistance des parties.

En ce sens, l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), a été complété par un alinéa ainsi rédigé : "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le Code civil".

Parallèlement, la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), a été modifiée, pour prévoir désormais que l'aide juridictionnelle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative prévue par le Code civil.

De même, les modalités de rétribution des auxiliaires de justice prévues par la loi du 10 juillet 1991 (article 39) en matière de transaction ont été élargies à la procédure participative.

III - Effets de la procédure participative

La signature d'une convention de procédure participative emporte des effets légaux, destinés tant à garantir l'application de la convention qu'à préserver les droits des parties.

Sur le premier point, l'article 2065 du Code civil (N° Lexbase : L9823IN7) dispose que "tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige".

Cette disposition a pour objet de donner toute sa portée à la convention, en contraignant les parties, assistées de leurs avocats, à en assurer l'application.

Ce n'est qu'en cas d'inexécution de la convention par l'une des parties que l'autre pourra saisir le juge pour qu'il statue sur le litige (C. civ., art. 2065, al. 2).

Afin de limiter les incertitudes entourant la notion "d'inexécution de la convention", les parties auront intérêt à délimiter précisément l'objet et les obligations de la convention de procédure participative.

Sur le second point, la loi a prévu de modifier l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L9827INB) relatif à la prescription, dont l'alinéa 1er a été complété par la phrase suivante : "la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative".

Ainsi, en signant une convention de procédure participative, les parties ne courront pas le risque de se voir objecter la prescription, surtout si les négociations prennent du temps.

Précisons que le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois (C. civ., art. 2238, al. 2 modifié).

Les droits des parties sont également préservés en ce que la signature de la convention ne fait pas obstacle, en cas d'urgence, à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties (C. civ., art. 2065, al. 2).

Le législateur a donc souhaité conférer à la signature d'une convention de procédure participative des effets importants qui devraient assurer son efficacité.

Ce dispositif apparaît également plus souple que la médiation, telle que codifiée aux articles 131-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1435H4W), qui implique la désignation, par le juge saisi d'un différend, d'une tierce personne chargée d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

IV - Issue de la procédure participative

Il résulte de l'article 2066 du Code civil (N° Lexbase : L9822IN4) que les parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviendront à un accord réglant en tout ou partie leur différend pourront soumettre cet accord à l'homologation du juge.

La loi est muette sur les modalités de mise en oeuvre de l'homologation de la convention, laquelle n'est au demeurant que facultative.

Si les négociations échouent, il appartiendra aux parties, si elles le souhaitent, de saisir le juge pour voir trancher leur différend.

En ce cas, la loi a prévu que les parties soient dispensées de la phase de conciliation ou de médiation préalable applicable le cas échéant (C. civ., art. 2066, al. 2).

A défaut de précision contraire de la loi, il faut considérer que les avocats ayant assisté les parties lors de la procédure participative pourront toujours les assister ou les représenter devant le juge.

La procédure participative diffère en cela du droit collaboratif anglo-saxon, qui implique que les avocats se dessaisissent du dossier en cas d'échec des négociations.

En conclusion, le succès de la procédure participative dépendra pour beaucoup de l'impulsion que les avocats sauront lui communiquer. La pratique ne manquera pas, par ailleurs, de préciser le régime de ce nouveau dispositif, qui trouve toute sa place parmi les modes alternatifs de résolution des litiges.


(1) Commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard.

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Contrats administratifs

[Doctrine] Chronique de droit interne des contrats publics - Juin 2011

Lecture: 10 min

N5973BSZ

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit interne des contrats publics, rédigée par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis, laquelle met l'accent sur trois décisions. La première affirme et définit les conditions dans lesquelles l'administration peut régulariser à titre rétroactif un acte détachable dont l'annulation est susceptible de rejaillir sur le contrat administratif (CE 2° et 7° s-s-r., 8 juin 2011, n° 327515, publié au recueil Lebon). La deuxième décision a trait au rejet de la demande d'annulation de la procédure de passation du contrat de partenariat portant sur la mise en place de l'"éco-taxe poids lourds" (CE 2° et 7° s-s-r.., 24 juin 2011, n° 347720 et n° 347779, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, la dernière décision confronte le principe d'inaliénabilité du domaine public à l'exigence de loyauté des relations contractuelles pour juger, au final, que la méconnaissance de la première ne fait pas obstacle au règlement d'un litige indemnitaire sur le terrain contractuel, dès lors que la clause entachée de nullité est divisible du reste du contrat (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mai 2011, n° 340089, publié au recueil Lebon).
  • Affirmation de la possibilité de régulariser rétroactivement l'acte détachable annulé pour vice de forme ou de procédure (CE 2° et 7° s-s-r., 8 juin 2011, n° 327515, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5427HT8)

Au-delà des multiples changements, revirements et autres précisions jurisprudentielles intervenus au cours des dernières années en matière de contentieux des contrats administratifs, il est une constante qui demeure. Elle réside dans la recherche d'un équilibre entre les exigences de la légalité, d'une part, et de la sécurité juridique, d'autre part. Alors que l'annulation d'un acte détachable fut (trop) longtemps considérée comme non susceptible en elle-même de provoquer la remise en cause du contrat (cette annulation ayant un caractère "purement platonique" selon l'expression bien connue de Romieu), elle devint dans une période plus récente, et, principalement, à partir de l'intervention de la loi n° 95-127 du 8 février 1995, relative aux marchés publics et délégations de service public (N° Lexbase : L7737GTQ), attribuant au juge administratif un pouvoir d'injonction et d'astreinte en vue de l'exécution de la chose jugée, un moyen efficace permettant aux tiers de contester la validité d'un contrat, avant que la jurisprudence "Tropic" (1) ne vienne leur offrir un recours spécifique.

Seulement, ce recours en contestation de validité du contrat n'est ouvert qu'aux seuls tiers possédant la qualité de concurrent évincé. C'est dire que pour les tiers "ordinaires", la voie normale pour contester la légalité d'un contrat administratif demeure indirecte puisqu'elle nécessite d'attaquer un acte détachable par la voie du recours pour excès de pouvoir, puis de demander au juge de l'exécution d'enjoindre aux parties de tirer les conséquences de l'annulation ou, à défaut d'accord entre elles sur ce point, de saisir le juge du contrat afin qu'il se prononce (2). Ce long parcours contentieux permet in fine aux tiers d'obtenir la remise en cause du contrat, c'est-à-dire, en définitive, de faire prévaloir les exigences de la légalité sur celles de la sécurité juridique. Si cela n'a rien de choquant, il est, cependant, apparu, dans certaines hypothèses bien précises, que la remise en cause du contrat était parfois excessive ou largement disproportionnée par rapport au vice de légalité entachant l'acte détachable.

C'est dans ce contexte que l'arrêt du 8 juin 2011, rendu sur les conclusions de M. Bertrand Dacosta (3), vient utilement préciser les conditions dans lesquelles la personne publique peut régulariser un acte détachable dont l'annulation a été prononcée par le juge de l'excès de pouvoir. En l'espèce, la commune, propriétaire d'un terrain relevant de son domaine privé et sur lequel était implanté un complexe hôtelier, avait décidé de mettre fin au contrat d'exploitation qu'elle avait consenti à la société X et de le mettre en vente. Le conseil municipal avait autorisé l'exécutif local à signer un compromis de vente par une délibération du 16 septembre 2002. Saisi par un contribuable local d'un recours pour excès de pouvoir, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette délibération par un jugement du 6 janvier 2005, au motif que l'avis du service des domaines ne portait pas sur l'une des parcelles concernées. Mais le contrat de vente avait été préalablement signé par la commune, et cette dernière n'avait pas fait appel du jugement rendu par le tribunal administratif. La collectivité a préféré saisir à nouveau le service des domaines qui a validé la vente, et le conseil municipal a, alors, adopté une nouvelle délibération, le 23 février 2005, procédant à l'approbation rétroactive de la vente et confirmant la délibération du 16 septembre 2002. A la demande du même contribuable local, cette seconde délibération a été annulée par le tribunal administratif de Lyon, dont le jugement a été confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon (4).

Saisi d'un recours en cassation, il appartenait au Conseil d'Etat de préciser si la régularisation rétroactive d'un tel acte détachable était possible, et selon quelles conditions. Il l'a fait aux termes d'un considérant de principe qui précise que "à la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte [...] s'il s'agit, notamment, d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même [...] elle peut ainsi, eu égard au motif d'annulation, adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé". Appliquant ce raisonnement au cas d'espèce, le Conseil d'Etat a sanctionné l'erreur de droit commise par la cour administrative d'appel de Lyon qui, pour apprécier la légalité de la régularisation de la délibération du 16 septembre 2002 opérée par la délibération du 23 février 2005, s'était fondée sur les seules conséquences que le juge judiciaire pouvait être amené à tirer de l'annulation de la première délibération sur le contrat de vente. C'est dire que le Conseil d'Etat a considéré que le raisonnement développé par les juges lyonnais était trop restrictif, car limitant trop fortement les possibilités de régularisation.

L'apport de l'arrêt du Conseil d'Etat réside donc dans la reconnaissance de la possibilité, pour la personne publique, d'édicter un acte administratif ayant pour effet de régulariser rétroactivement un précédent acte annulé par le juge administratif. Le champ de cette possibilité est, cependant, précisément défini. Il ne s'agit évidemment pas de reconnaître à l'administration le pouvoir de régulariser tous les actes administratifs, quels qu'ils soient, indépendamment de leur objet et du motif pour lesquels ils ont été annulés. Seuls les actes relatifs aux conditions dans lesquelles la personne publique a donné son consentement sont concernés. Tel était précisément le cas en l'espèce, puisque la délibération de 2002 était entachée d'un vice de légalité externe. Ne sont donc vraisemblablement pas concernés, les actes susceptibles de préjudicier aux droits des tiers, spécialement lorsque l'annulation fait suite au non-respect des règles de publicité et de mise en concurrence, ou encore les hypothèses dans lesquelles l'annulation de l'acte détachable trouve sa source dans l'illégalité du contrat lui-même. De ce point de vue, l'arrêt du 8 juin 2011 ici commenté nous semble s'inscrire dans la continuité de la jurisprudence "Ville de Grenoble" (5) par laquelle le Conseil d'Etat avait considéré qu'un conseil municipal ayant approuvé un avenant devait être considéré comme ayant nécessairement donné son accord au contrat initial et, par voie de conséquence, validé la signature de ce même contrat par le maire. En revanche, le présent arrêt opère une rupture avec la jurisprudence "Société Hertz France" du 26 mars 1999 (6) qui avait considéré que l'incompétence du signataire du contrat impliquait nécessairement l'annulation de l'acte détachable et la résolution du contrat. Au total, l'arrêt du 8 juin 2011 traduit l'effort louable du juge administratif de faire primer les exigences de la sécurité juridique sur celles de la légalité toutes les fois où cela est possible.

  • Rejet de la demande d'annulation de la procédure de passation du contrat de partenariat portant sur la mise en place de l'"éco-taxe poids lourds" (CE 2° et 7° s-s-r.., 24 juin 2011, n° 347720 et n° 347779, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3777HUG)

C'est un contentieux riche d'enjeux qui vient d'être tranché par le Conseil d'Etat. Enjeu politique, tout d'abord, car il touche à la question de la mise en place de l'"éco-taxe poids lourds", autrement dit de l'éco-redevance kilométrique dont le principe avait été voté dans la loi dite "Grenelle 1" (loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement N° Lexbase : L6063IEB) et dont les modalités avaient été précisées par la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 N° Lexbase : L3783IC4) (taxe s'appliquant à tous les véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes). Enjeu financier, également, car le contrat de partenariat portant sur le financement, la conception, la réalisation, l'entretien, l'exploitation et la maintenance du dispositif nécessaire à la collecte, à la liquidation et au recouvrement de l'"éco-taxe poids lourds" avait été attribué par une décision du 8 février 2011 à la société X pour une durée de treize ans et pour un montant de plus de deux milliards d'euros.

L'importance de l'enjeu explique, pour une large part, le fait que la procédure de passation de ce contrat ait été portée devant le juge administratif. Plusieurs concurrents évincés, ont en effet, saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par une ordonnance remarquée du 8 mars 2011, a annulé la procédure de passation du contrat de partenariat. Saisi par le ministre chargé de l'Ecologie et la société X d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat a cassé l'ordonnance du juge des référés précontractuels au motif qu'elle n'avait pas fait une application correcte des principes posés par la jurisprudence "Smirgeomes" (7), qui conduisent à subjectiviser le référé précontractuel. Depuis cet arrêt et dans le respect de la lettre et de l'esprit de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1591IEN), il incombe, en effet, au juge du référé précontractuel de rechercher si les manquements dans la procédure de passation du marché dont les entreprises qui le saisissent se prévalent sont susceptibles de les avoir lésées en avantageant une entreprise concurrente. Or, l'ordonnance litigieuse ne permettait pas de déterminer si le juge du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait procédé à cette vérification, et le Conseil d'Etat l'a donc logiquement annulée.

Il restait alors au Conseil d'Etat à régler l'affaire au fond et à se prononcer sur les moyens qui avaient justifié l'annulation de la procédure par le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Ce dernier avait souligné que l'évolution de la candidature de la société était contraire aux principes de transparence et d'intangibilité des candidatures, ainsi qu'aux dispositions du règlement de la consultation, que certains des critères d'attribution du contrat avaient été définis avec une marge excessive d'imprécision, et que l'impartialité des conseils de l'Etat n'était pas suffisamment établie. La Haute juridiction administrative a écarté ces éléments et, spécialement celui selon lequel l'Etat aurait méconnu le principe d'impartialité en s'adjoignant le conseil et le concours technique de sociétés filiales à 100 % d'un groupe qui entretenait des liens commerciaux avec la société attributaire.

Pour le Conseil d'Etat, le fait de recourir à l'assistance technique de sociétés filiales d'un groupe qui a collaboré ponctuellement avec la société X dans le cadre de projets de télépéages pour poids lourds lancés en Autriche et en Pologne, ne saurait, à lui seul, caractériser un manquement à l'impartialité de la part de ces conseils extérieurs dans le cadre de la présente procédure. Et cela, d'autant plus que cette collaboration est demeurée ponctuelle, puisqu'elle n'a représenté, au final, que 0,4 % du chiffre d'affaires du groupe et que la spécificité des prestations d'assistance technique en cause rendait inéluctable l'existence de relations d'affaires antérieures, dans d'autres pays, entre ces sociétés de conseil et des sociétés candidates, spécialisées dans les projets de télépéages. Par ailleurs, il est apparu au Conseil d'Etat que toutes les précautions avaient été prises pour garantir l'impartialité des conseils techniques chargés d'éclairer la commission consultative créée par le décret n° 2009-345 du 30 mars 2009, relatif aux modalités d'application du III de l'article 153 de la loi de finances pour 2009 (N° Lexbase : L8863IDM), elle-même appelée à rendre un avis sur la sélection et le choix des candidats.

  • Inaliénabilité du domaine public et loyauté des relations contractuelles (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mai 2011, n° 340089, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0970HQY)

L'arrêt du 4 mai 2011 rapporté confronte deux règles essentielles du droit administratif. Une très ancienne, l'inaliénabilité du domaine public, et l'autre plus récente puisque consacrée par la jurisprudence "Commune de Béziers" (8), l'exigence de loyauté des relations contractuelles. En l'espèce, un district avait conclu en 1991 avec une société d'économie mixte locale (SEML) une convention d'une durée de dix-huit ans ayant pour objet la construction et l'exploitation des aménagements destinés à la pratique du ski alpin sur le massif du Queyras. Cette convention comportait une annexe (qui était en réalité une seconde convention) aux termes de laquelle le district louait les remontées mécaniques à la SEML. La difficulté venait de ce que cette seconde convention était assortie d'une promesse de vente et que la SEML pouvait donc devenir propriétaire des équipements précités alors qu'ils appartenaient manifestement au domaine public et étaient donc protégés par le principe d'inaliénabilité du domaine public (9) .

La question posée par la présente affaire avait donc trait aux conséquences à tirer de la violation de la règle d'inaliénabilité du domaine public. Un contentieux s'était engagé devant le juge administratif et la cour administrative d'appel de Marseille (10) avait fait le choix de se placer sur le terrain contractuel pour régler les conséquences indemnitaires de la résiliation anticipée de la convention. Le Conseil d'Etat retient en l'espèce une autre analyse en appliquant une nouvelle fois la jurisprudence "Commune de Béziers" dont chacun sait qu'elle a permis de replacer le contrat au centre du contentieux contractuel. Après avoir rappelé le considérant de principe de cet arrêt, selon lequel "lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat [...] toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel", le Conseil d'Etat a sanctionné l'erreur de droit commise par la cour administrative d'appel de Marseille. Il a considéré qu'un contrat comportant une clause contraire au principe d'inaliénabilité du domaine public avait un contenu illicite. Cependant, il a également considéré que cette clause était divisible des autres clauses du contrat, et que le litige indemnitaire pouvait donc, de ce fait, être réglé sur le terrain contractuel.

François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique


(1) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715DXW), Rec. CE, p. 360.
(2) Sur les relations entre le juge de l'excès de pouvoir, le juge de l'exécution et le juge du contrat, cf. CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7022GZ4).
(3) Que nous remercions pour leur communication.
(4) CAA Lyon, 3ème ch., 3 mars 2009, n° 07LY01806 (N° Lexbase : A1267EEN).
(5) CE 2° et 7° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 296964, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1249EKH).
(6) CE, Sect., 26 mars 1999, n° 202256, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3523AXR), Rec. CE, p. 95, concl. J.-H. Stahl.
(7) CE, Sect., 3 octobre 2008, n° 305420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5971EAE).
(8) CE, Ass., 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), AJDA, 2010, p. 142, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi, RFDA, 2010, p. 506, concl. E. Glaser, note D. Pouyaud.
(9) CE, sect. travaux publics, Avis, 19 avril 2005, n° 371234, EDCE, 2005, p.197.
(10) CAA Marseille, 6ème ch., 29 mars 2010, n° 07MA03229 (N° Lexbase : A8653EWE), Contrats Marchés publ., 2010, comm. 224, note G. Eckert.

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Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Juin 2011

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N5892BSZ

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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise

Le 30 Juin 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en droit pénal fiscal réalisée par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise. Notre auteur revient, tout d'abord, sur la décision du Conseil constitutionnel selon laquelle l'article 1730 du CGI (N° Lexbase : L1533IPH) est conforme à la Constitution. En effet, la majoration de 10 % des sommes payées en retard, prévue par cet article, est qualifiée de "réparation pécuniaire", et non de "sanction". Ainsi, elle n'a pas à répondre aux exigences de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, imposées par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L6813BHS) (Cons. const., décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011). Ensuite, il sera question d'une décision rendue par le Conseil d'Etat, concernant la conformité, à la CESDH et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 1759 du CGI (N° Lexbase : L1751HN8). Cet article dispose que, en cas de distributions occultes, l'administration fiscale peut demander à la société distributrice le nom du bénéficiaire des sommes en cause. En cas d'absence de réponse de sa part, la société est passible de la pénalité prévue par l'article contesté. Le juge décide que celui-ci est conforme aux textes précités, car l'amende qu'il prévoit ne sanctionne pas une infraction pénale et n'oblige pas la personne morale à s'incriminer elle-même (CE 9° s-s., 5 mai 2011, n° 311770, inédit au recueil Lebon). Enfin, sera traitée une annulation d'ordonnance autorisant une visite et une saisie, prévue par l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0549IHS), par le premier président de la cour d'appel de Paris, qui rappelle que l'origine illicite des pièces produites par l'administration fiscale, à l'appui d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire, entache d'irrégularité la procédure (CA Paris, 8 février 2011, n° 10/14507 et n° 10/14508).
  • QPC : la majoration de 10 % des sommes payées en retard est conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011 N° Lexbase : A2800HPE)

Les sanctions fiscales continuent à faire l'objet d'un examen relatif à leur conformité par rapport aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait déjà été amené à se prononcer sur des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans le cadre de la majoration de 40 % pour mauvaise foi et de la majoration de 40 % pour défaut de souscription de déclaration (Cons. const., décision n° 2010-103 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8912HC3 ; Cons. const., n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8914HC7). Il s'agit, cette fois-ci, de savoir si la majoration de 10 % pour retard de paiement de l'impôt, prévue par l'article 1730 du CGI, peut être regardée comme une sanction susceptible de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme, permettant d'invoquer les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines.

Cette majoration de 10 % prévue par l'article 1730 du CGI, issu de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités N° Lexbase : L4620HDH), s'est substituée à l'ancien article 1761 du CGI (N° Lexbase : L2628HNN). Elle est appliquée au contribuable qui n'a pas procédé, dans le délai requis, au paiement au comptable public des sommes dont il est redevable. Cette majoration concerne donc le recouvrement et non l'assiette de l'impôt. Elle est due, notamment, lorsque les sommes comprises dans un rôle n'ont pas été acquittées dans les 45 jours suivant la date de mise en recouvrement de ce rôle. Elle a vocation à s'appliquer automatiquement à toutes les sommes non réglées dans le délai légal, quel que soit le motif du retard. Ainsi, la circonstance que le contribuable a obtenu des délais pour le paiement de l'impôt est sans incidence sur l'exigibilité de la majoration de 10 % pour paiement tardif (CE 9° et 8° s-s-r., 5 janvier 1994, n° 99616, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3399B7Z).

Il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a été amené, dans le cadre d'une décision rendue le 10 décembre 2010, à considérer comme étant inconstitutionnelles les dispositions de l'article 1741 du CGI (N° Lexbase : L1670IPK), relatives à l'obligation faite au juge pénal de prononcer une peine accessoire de publication et d'affichage du jugement de condamnation pour fraude fiscale (Cons. const., décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010 N° Lexbase : A7111GMC). Nous avions déjà eu l'occasion de souligner, dans ces chroniques de droit pénal fiscal, que le caractère automatique et l'absence de toute possibilité de modulation laissée au juge pénal avaient conduit le Conseil constitutionnel à juger non conforme cette sanction (lire nos obs., note sous Cons. const., décision n° 2010-103 QPC, 17 mars 2011 N° Lexbase : A8912HC3, Lexbase Hebdo n° 436 du 14 avril 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N9624BRU). Ce texte a donc été considéré comme contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen en ce que "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée".

S'agissant de la majoration de 10 % pour retard de paiement, le Conseil constitutionnel a considéré comme inopérant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Déclaration de 1789, en considérant que cette majoration ne constitue pas une sanction et qu'elle vise exclusivement à compenser le préjudice de l'Etat du fait du paiement tardif de l'impôt. A ce stade, il est intéressant de noter que le Conseil d'Etat n'avait pas suivi les conclusions du rapporteur public qui proposait de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise. Le rapporteur public avait fait valoir que, au moins dans le cas du contribuable qui a bénéficié du sursis de paiement, ce qui était le cas de l'espèce, cette majoration n'avait pas le caractère d'une sanction ayant le caractère de punition, mais correspondait à une forfaitisation de l'intérêt de retard sur une période d'un an (CE 9° et 10° s-s-r., 24 février 2011, n° 344610, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9964GXC). Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des principes constitutionnels applicables à la matière pénale ne posait pas une question sérieuse.

Cette analyse avait aussi été celle du commissaire du Gouvernement, à propos de la majoration de 10 % alors prévue par l'article 1733 du CGI, plus en vigueur (N° Lexbase : L4195HMC), en cas de retard de déclaration, qui s'appliquait en l'absence de mise en demeure, même si les intérêts de retard n'atteignaient pas ce pourcentage. Mais le Conseil d'Etat avait estimé que, pour cette majoration d'assiette, le taux forfaitaire de 10 % conduisait à un montant d'intérêts de retard supérieur à celui qui serait normalement dû, de sorte que l'existence d'un différentiel faisait de cette disposition une véritable sanction (CE 9° et 7° s-s-r., 17 février 1992, n° 58299, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5067AR4 ; RJF, 4/92, n° 503, avec une chronique de Jérôme Turot, p. 263, concl. contraires de Philippe Martin, Dr. fisc., 45/92, c. 2117).

La problématique est simple puisqu'il s'agit de savoir si la pénalité infligée constitue ou non une sanction. S'il y a sanction, la motivation s'impose et les exigences liées aux sanctions pénales aussi. Il est vrai que les sanctions fiscales ont une nature ambiguë, dans la mesure où elles sont à la fois indemnitaires et répressives. Le Conseil constitutionnel a souligné, dès 1982, la nécessité de distinguer entre les pénalités selon leur objet (Cons. const., décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 N° Lexbase : A8054ACB). Il a été affirmé que les principes posés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 en matière pénale s'appliquent à toute sanction administrative ayant le caractère d'une punition, sous réserve, en matière fiscale, des "majorations de droits et intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire". La jurisprudence du Conseil d'Etat allait d'ailleurs souligner la nécessité de motivation des pénalités fiscales. Les jurisprudences administrative et judiciaire ont eu l'occasion de préciser qu'une majoration comporte les caractères d'une sanction lorsqu'elle vise à éviter la réitération des agissements fautifs.

Ainsi, cette majoration de 10 % pourrait parfaitement être regardée comme une sanction. En effet, il peut paraître difficile de parler de réparation pécuniaire si la somme due ne représente pas le loyer de l'argent. Si le Trésor subit, incontestablement, un préjudice du fait que la tâche d'établissement de l'impôt est rendue plus difficile, il convient de souligner que le taux retenu de 10 % semble disproportionné au regard des taux légaux applicables. On pouvait donc s'attendre à ce que le Conseil constitutionnel qualifie cette majoration de sanction, comme cela avait déjà été fait au regard notamment de la majoration de 40 % pour défaut de souscription de déclaration. Toutefois il a été jugé que "la majoration ainsi instituée, qui ne revêt pas le caractère d'une punition, a pour objet la compensation du préjudice subi par l'Etat du fait du paiement tardif des impôts directs". Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 était inopérant, dans la mesure où les principes en découlant n'ont vocation à s'appliquer que dans le cadre de sanctions administratives ayant un caractère de punition. La majoration de 10 % pour paiement tardif n'est pas destinée à punir un comportement fautif. Le but est de parvenir à un recouvrement rapide et régulier des impôts directs. Cette disposition a pour objet de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait de l'écoulement du temps et du retard avec lequel il entre en possession des sommes qui lui sont dues. La majoration de 10 % vient donc répondre à une simple abstention de paiement d'une dette après mise en recouvrement. On peut lire, dans les commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel, que "la majoration de 10 % s'insère entre l'intérêt de retard de 0,4 % par mois (dû jusqu'à la mise en recouvrement et qui, aux termes de l'article 1727 du CGI N° Lexbase : L1536IPL, cesse d'être décompté lorsque la majoration prévue à l'article 1730 est applicable) et les intérêts moratoires de 0,4 % par mois (dus, aux termes de l'article L. 209 du LPF N° Lexbase : L7620HEX, entre le premier jour du treizième mois de la date limite de paiement jusqu'au jour du paiement effectif des cotisations)". En ce sens, la majoration de 10 % constitue une sorte de forfaitisation du prix du temps et présente ainsi le caractère d'une réparation pécuniaire.

  • L'article 1759 du CGI n'est pas contraire à la CESDH et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques car l'amende qu'il prévoit ne sanctionne pas une infraction pénale et n'oblige pas la personne morale à s'incriminer elle-même (CE 9° s-s., 5 mai 2011, n° 311770, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0926HQD)

Dans le cadre de la mise en oeuvre d'une perquisition fiscale dans les locaux d'une discothèque de la région grenobloise, les agents de l'administration fiscale allaient découvrir l'existence d'une double billetterie. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre des années concernées, le service vérificateur constatait des sommes réputées distribuées, issues des rehaussements de la société ayant réalisé des actes anormaux de gestion. Ces distributions, qualifiées par la doctrine de distributions "occultes", font l'objet d'une procédure spécifique permettant d'imposer le bénéficiaire occulte. Dans ce cas, les distributions occultes correspondent, le plus souvent, à des dissimulations de recettes (ventes sans facture ou sans billet, par exemple) dont on ignore l'utilisation. D'une façon générale, les distributions occultes bénéficient aux associés. Les sommes en cause ne sont pas déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés dont est passible la société versante. Lorsque cette société n'a pas désigné les bénéficiaires de ces rémunérations et distributions occultes dans les conditions définies à l'article 117 du CGI (N° Lexbase : L1784HNE), elle est passible de la pénalité prévue à l'article 1759 du même code sur les sommes correspondantes. Les dispositions de l'article 117 du CGI trouvent généralement leur application à la suite d'un redressement des résultats déclarés pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, dans la mesure, bien entendu, où les sommes correspondant au redressement ne sont pas restées investies dans l'entreprise (doc. adm. 4 J 1212 n° 67, 1er novembre 1995).

Se référant au paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), selon lequel : "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", le contribuable soutenait que l'amende prévue à l'article 1759 (ancien article 1763 A N° Lexbase : L4402HMY) du CGI est au nombre des sanctions administratives constituant des "accusations en matière pénale" au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la CESDH. Il soutenait que la cour administrative d'appel (CAA Lyon, 2ème ch., 11 octobre 2007, n° 03LY01003, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7293DZ7) avait commis une erreur de droit en lui refusant d'invoquer la méconnaissance de ces stipulations pour contester la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale, alors que la mise en oeuvre de cette procédure est susceptible, le cas échéant, d'emporter des conséquences de nature à porter atteinte, de manière irréversible, au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt. Le contribuable invoquait également l'atteinte portée à l'article 14, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (N° Lexbase : L6816BHW), prohibant l'auto-accusation.

Après avoir rappelé le paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, stipulant que "toute personne accusée d'une infraction pénale a droit en pleine égalité au moins aux garanties suivantes : [...] g. à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable", le Conseil d'Etat précise que ces stipulations ont pour objet de protéger les droits des personnes accusées d'une infraction pénale. Par conséquent, le contribuable ne peut s'en prévaloir à l'appui de sa contestation de l'amende fiscale mise à sa charge qui, alors même qu'elle présente le caractère d'une accusation en matière pénale, ne sanctionne pas une infraction pénale. Il est également précisé que les dispositions précitées de l'article 1763 A du CGI ont pour objet et pour effet d'inciter une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés à révéler, à la demande de l'administration présentée sur le fondement de l'article 117 du même code, l'identité des bénéficiaires de l'excédent des distributions auxquelles elle a procédé. Elles "n'obligent pas cette personne morale à s'incriminer elle-même et par suite ne méconnaissent pas les stipulations du 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en tant que ces stipulations sont regardées comme garantissant le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination".

Cette motivation peut paraître surprenante puisque, en l'état du droit européen, l'article 6 de la CESDH astreint les juridictions, agissant en matière pénale, au respect des principes censés garantir le droit à un procès équitable. L'application de ces garanties s'impose, même dans le cadre de sanctions fiscales, si des critères alternatifs sont susceptibles de s'appliquer comme la qualification de l'infraction par le droit national, la nature de l'infraction, ou la nature répressive et préventive plutôt qu'indemnitaire de la sanction (J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit Fiscal général, Litec, 2009, p. 974-975). Il ne fait aucun doute aujourd'hui que les sanctions fiscales ayant un caractère de punition entrent dans le champ d'application de l'article 6. Même si le contribuable ne peut contester, sur ce même fondement, le redressement attenant à la sanction, le contentieux de l'assiette ne relevant pas du champ d'application de l'article 6, ces sanctions sont pourtant bien initiées au regard d'un manquement administratif. Il est vrai que, contrairement au droit allemand, la notion d'"infraction administrative" nous est inconnue, mais le manquement à la règle fiscale doit pouvoir suivre la même analyse que celle de la majoration fiscale ayant permis l'assimilation à la matière pénale.

Il convient de ne pas oublier que l'objet même de l'article 117 du CGI est de permettre à l'administration fiscale de demander à la personne morale subissant des rehaussements, des "indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution". Il s'agit de connaître les bénéficiaires des sommes susceptibles d'avoir été distribuées et ne provenant pas de celles déclarées par la personne morale. En cas de refus de réponse dans un délai de trente jours, l'article 1759 permet d'appliquer des pénalités correspondant à ces sommes. Cette quasi-obligation de dénonciation du bénéficiaire de la distribution pose, de manière plus large, le problème du principe de loyauté dans la recherche des preuves par l'administration fiscale, principe reconnu par de nombreux auteurs. Afin d'animer ce principe de loyauté de l'administration, qui risque fort d'être frappé d'inefficience juridique en raison de sa généralité, la cour fait référence à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prévoit l'interdiction de l'auto-accusation. Si ce principe n'était pas susceptible de s'appliquer en la matière, en raison de la présence de personnes distinctes (la personne morale et le bénéficiaire personne physique, même s'il s'agit du dirigeant), il n'en demeure pas moins qu'il appartient à l'administration fiscale, dans ses investigations, de respecter ce devoir de loyauté, et donc de ne pas appliquer cette sanction lorsqu'elle connaît ou détient des informations lui permettant d'attribuer la distribution à des bénéficiaires identifiés (associés ou dirigeant).

  • L'origine illicite des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire entache d'irrégularité la procédure (CA Paris, 8 février 2011, n° 10/14507 N° Lexbase : A2946HLP et n° 10/14508 N° Lexbase : A5043G9N)

Le premier président de la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire en raison de la détention illicite de documents détenus par l'administration fiscale et utilisés par elle pour entraîner la conviction du juge de l'autorisation. Il ressort de ces deux arrêts que, selon le rapport d'enquête (n° 2010-M-062-01) établi par l'Inspection générale des finances à la demande du ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, et rendu public le 11 juillet 2010, la "Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) a transmis à l'administration centrale une liste de contribuables disposant d'un compte en Suisse, dite liste des "3000"". Par conséquent, la DNEF était en possession de cette liste et "l'a exploitée bien avant sa transmission officielle par l'autorité judiciaire en application de l'article L 101 du LPF (N° Lexbase : L7897AE9)", à savoir du droit de communication. Il s'agit, en l'occurrence, de données volées, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat de l'époque. Il en ressort que l'origine de ces pièces est donc illicite, que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du Procureur de la République ou antérieurement à cette date. Ces pièces, dont l'origine est illicite, ont servi de base pour rendre son ordonnance au juge des libertés et de la détention (JLD) qui les a citées à de très nombreuses reprises, et en l'absence de ces pièces illicites, le juge de l'autorisation ne disposait pas d'éléments suffisants pour présumer la fraude, et devait, en conséquence, rejeter les requêtes de l'administration fiscale. Les opérations de la visite litigieuse ont donc été annulées (1).

Il est intéressant, dans cette affaire, de noter deux choses. Tout d'abord, le juge retient que des pièces, expressément visées par l'appel, sont des données volées à une banque suisse, et que l'origine de ces pièces est donc illicite. Ensuite, l'illicéité étant patente, la constatation de l'irrégularité est immédiate.

En effet, l'administration a reçu des documents utilisés en connaissance de cause. Après avoir constaté que ces pièces ont servi de base au juge des libertés et de la détention pour rendre ses ordonnances d'autorisation, et que ce dernier, en l'absence de ces pièces illicites, ne disposait pas d'éléments suffisants pour constater des présomptions de fraude, le juge retient qu'il aurait dû rejeter les requêtes de l'administration fiscale.

Dans cette affaire, fortement médiatisée pour ses enjeux politiques, le juge retient que les fichiers avaient été volés à Genève par un salarié. Le juge souligne que le vol des documents produits est avéré, tant par les déclarations mêmes du ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat de l'époque, que par la transmission du Procureur de la République. Par conséquent, l'administration en a eu connaissance même avant la transmission du Procureur de la République. La communication, par l'autorité judiciaire, dans le cadre de la procédure de l'article L. 101 du LPF, ne peut avoir un effet de purge des irrégularités connues préalablement par l'administration fiscale. La Chambre criminelle a jugé que la production d'éléments de preuve obtenus par des procédés frauduleux, tels le vol ou le recel, entraîne l'annulation de la procédure (Cass. crim., 28 octobre 1991, n° 90-83.692 N° Lexbase : A3437ACB). La Chambre commerciale a déjà jugé qu'un élément obtenu par un procédé déloyal rend irrecevable sa production à titre de preuve (Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, FS-P+B N° Lexbase : A9362D8A). La position a été confirmée solennellement par l'Assemblée plénière de la Cour (Ass. plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316, P+B+R+I N° Lexbase : A7431GNK).


(1) Lire Sophie Cazaillet, "L'absence de valeur probante de la liste des trois mille évadés fiscaux volée à une banque suisse", Lexbase Hebdo n° 434 du 30 mars 2011 - édition fiscale (N° Lexbase : N7689BR9).

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Environnement

[Questions à...] Nouvelles technologies et environnement : IT for Green ou Green for IT ? - Questions à Patricia Savin et Yvon Martinet, cabinet Savin Martinet Associés

Lecture: 5 min

N5893BS3

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique et Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 30 Juin 2011

Le 12 mai 2011, la commission ouverte du Barreau de Paris "Développement durable et environnement", présidée par Patricia Savin et Yvon Martinet, en partenariat avec l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), organisait une table ronde sur les nouvelles technologies et l'environnement, avec comme invités Olivier Seznec (directeur de la stratégie technologique, Cisco France) et Dominique Ortoli (consultante en développement durable et anciennement responsable du développement durable de Lexmark France). Le thème "IT for Green" a permis de mettre en exergue l'intérêt des nouvelles technologies pour le développement durable, dès lors que celles-ci tiennent compte des contraintes environnementales et des coûts en énergie (notamment en alimentation électrique) du matériel informatique. Pour faire le point sur cette nouvelle étape dans l'essor de l'"informatique écologique", Lexbase Hebdo a rencontré Patricia Savin et Yvon Martinet, avocats associés, fondateurs et co-gérants du cabinet Savin Martinet Associés, spécialisé en droit de l'environnement. Lexbase : Que recouvre exactement la notion de "Green IT" ?

Patricia Savin et Yvon Martinet : Dans l'avis de la commission générale de terminologie et de néologie publié au JO du 12 juillet 2009, les éco-techniques de l'information et de la communication sont définies comme les "techniques de l'information et de la communication dont la conception ou l'emploi permettent de réduire les effets négatifs des activités humaines sur l'environnement". Les équivalents anglais sont "green information technology" ou "Green IT".

Plus précisément, les deux axes majeurs du développement du Green IT sont l'utilisation de produits verts à faible consommation d'énergie, et la virtualisation des serveurs et des postes de travail. L'"informatique verte" s'impose aujourd'hui comme un facteur de croissance limitant les coûts des matériels. Elle permet, également, de renforcer la sécurisation informatique et de virtualiser les postes de travail. Tout l'enjeu consiste à savoir comment concilier cette nouvelle ère technologique avec le respect de l'environnement.

Les éditeurs et les constructeurs travaillent, ainsi, à la mise sur le marché, de produits moins énergivores et de logiciels intelligents capables de gérer l'utilisation des ressources en temps réel. La virtualisation des serveurs permet, quand à elle, de réduire le nombre de machines utilisées dans un système d'information, tout en apportant une puissance de traitement et une maîtrise des coûts.

D'autres actions peuvent, également, être mises en oeuvre, telles qu'une politique de recyclage des déchets informatiques, une communication sur les bons usages des matériels, une réduction des volumes d'impressions superflues, une optimisation des moyens de communication, une diminution du nombre de voyages des collaborateurs, un développement du télétravail, etc..

Lexbase : Quelles sont les mesures concrètes que peuvent mettre en oeuvre les entreprises pour réduire l'empreinte écologique du système d'information ?

Patricia Savin et Yvon Martinet : Les technologies de l'information et de la communication (TIC) deviennent indispensables pour déployer des solutions dans les secteurs qui permettraient de réaliser des réductions d'émissions de gaz à effets de serre (GES). Ainsi, les principales sources de réductions d'émissions de GES, rendues possibles par la mise en oeuvre des TIC, résident dans l'optimisation des consommations électriques en heures de pointe et des transports, ainsi que dans la dématérialisation.

La maîtrise du report des consommations d'heures pleines vers les heures creuses nécessite la mise en oeuvre des Green IT et devrait générer un gain de 9 millions de tonnes de CO2, soit 16 % des émissions générées par la production d'électricité en France en 2020. Par ailleurs, la mise en oeuvre des Green IT dans les transports routiers de personnes et de marchandises devrait permettre de réduire les émissions de GES de ce secteur de 13 % en 2020.

Pour dissuader l'utilisation des véhicules individuels au profit des transports en commun, les TIC proposent la mise en place d'un système de monétisation de l'accès en centre ville (des péages urbains) et une variabilité des coûts d'assurance des véhicules individuels selon les distances parcourues mensuellement. En outre, grâce au développement du travail et des réunions à distances, les Green IT favorisent la dématérialisation des échanges professionnels et personnels, optimisant leur empreinte carbone.

Dans le secteur du bâtiment, les Green IT peuvent, également, contribuer à la diminution des GES grâce à la mise en place de solutions domotiques alliant Green IT et automatisation (de type détection de présence). A ce titre, la consommation d'énergie étant un poste de coût important du secteur industriel, des travaux d'amélioration de l'automatisation des procédés de fabrication ont, d'ores et déjà, été menés, afin de n'utiliser les machines en "plein régime" que lorsque cela est nécessaire.

Lexbase : Selon une étude récente menée auprès des entreprises, les initiatives se concentrent en priorité sur l'efficacité énergétique des centres de données. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?

Patricia Savin et Yvon Martinet : Face à l'augmentation permanente du coût de l'énergie, de la densification et de l'augmentation de la consommation des serveurs, les entreprises cherchent à optimiser la consommation électrique et à mesurer l'efficacité énergétique des centres de données. Afin d'augmenter leur efficacité, les centres de données doivent, ainsi, gérer correctement leur consommation d'énergie à plusieurs niveaux : infrastructure, serveurs, systèmes de stockage et composants. Parmi les mesures à mettre en place figurent notamment : l'optimisation de la configuration des centres de données par un refroidissement optimal et la mise en place d'un équipement d'air conditionné correctement placé.

Lexbase : Quelles sont les incitations financières susceptibles de contribuer au développement des Green IT ?

Patricia Savin et Yvon Martinet : En raison de la quantité d'énergie consommée par les TIC et du coût actuel de l'énergie, l'utilisation des Green IT peut constituer, en elle-même, une incitation financière car elles devraient entraîner des économies sur les consommations d'énergie. Ainsi, dès lors que le "bilan carbone" de chaque entreprise comprend la quantité de CO2 émise par les outils d'information et de communication, l'utilisation des Green IT devrait permettre à l'entreprise d'avoir un "bilan carbone" moins élevé.

Concernant les incitations financières directes au développement des Green IT, une étude internationale de 2010 publiée par Regus soulignait que 77 % des entreprises françaises souhaitaient plus d'incitations fiscales pour relever plus rapidement les défis de l'éco-investissement, dont font partie les Green IT. Cette même étude révèle que seulement 37 % des entreprises dans le monde mesurent vraiment leur consommation d'énergie, et qu'à peine 19 % d'entre elles mesurent leur empreinte carbone. Elles sont, cependant, 46 % à se déclarer prêtes à investir dans des équipements à faibles impacts environnementaux, seulement si leurs coûts d'exploitation sont inférieurs ou identiques à ceux des équipements traditionnels. Aujourd'hui, à peine 40 % des entreprises ont pour le moment investi dans des équipements à faibles émissions de GES, et seulement 38 % ont adopté une véritable stratégie d'entreprise dans le domaine environnemental.

En France, l'étude montre que près de 59 % des entreprises contrôlent leurs émissions d'énergie et que plus de 54 % ont défini une stratégie environnementale. Les coûts d'exploitation semblent être dénoncés par presque la moitié des entreprises, qui déclarent ne souhaiter investir dans des équipements à faibles impacts environnementaux, seulement si ces derniers sont moins ou aussi coûteux à faire fonctionner que les équipements traditionnels. De plus, pas moins de 77 % des entreprises affirment que, si le Gouvernement proposait des avantages fiscaux pour les équipements moins consommateurs d'énergie ou à faible émission de GES, leurs investissements se feraient beaucoup plus rapidement. Ceci est d'autant plus vrai pour les PME qui ont plus de difficultés à choisir des éco-équipements, compte tenu des coûts.

Il semblerait que, si les Gouvernements veulent atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions, il faille encourager le changement en mettant en place de réelles incitations financières. Ce qui vient d'être exposé reste, en effet, insuffisant, les équipements à faible empreinte carbone étant disponibles à des prix encore trop élevés. Des incitations fiscales aideraient donc considérablement au développement des Green IT. Cela devient, d'ailleurs, de plus en plus urgent alors que la France est poursuivie par la Commission européenne devant la CJUE, pour ne pas avoir respecté les valeurs limites de qualité de l'air concernant les particules en suspension, telles que prévues par la Directive (CE) 2008/50 du 21 mai 2008, concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe (N° Lexbase : L9078H3M).

Lexbase : Les TIC auront-elles un rôle important à jouer pour relever les défis environnementaux qui nous attendent ?

Patricia Savin et Yvon Martinet : En raison de la place majeure qu'occupent les TIC, les défis environnementaux à relever par les Green IT sont majeurs. Comme cela a pu être démontré précédemment, les TIC, contrairement à ce qu'elles peuvent laisser penser, ont un impact majeur sur l'environnement, notamment à travers leur rejet de CO2 dans l'atmosphère. En raison de cette croissance inévitable des TIC, il devient donc urgent que les préoccupations environnementales traduites à travers les Green IT, soient mises en application le plus rapidement possible, d'où le retour à la question des incitations financières.

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Environnement

[Panorama] Panorama d'actualité en droit de l'environnement du cabinet Savin Martinet Associés : actualités sur la théorie de la "pré-occupation" au prisme du contrôle de constitutionnalité

Lecture: 9 min

N5898BSA

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Le 10 Janvier 2012

Alors que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a fêté son premier anniversaire il y a peu, le Conseil constitutionnel a eu à apprécier pour la première fois dans une décision du 8 avril 2011 (Cons. const., décision n° 2011-116 QPC N° Lexbase : A5886HMX), la conformité d'une disposition législative avec la Charte de l'environnement. En l'espèce, les requérants contestaient la constitutionnalité de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1891DKA) qui prévoit une exonération de responsabilité du fait de la théorie de la "pré-occupation". Si la décision rendue déclare cette disposition conforme à la Constitution (II), elle confirme, également, la possibilité d'invoquer la Charte de l'environnement pour contester la constitutionnalité des dispositions législatives et, ce faisant, confère une place importante à la Charte de l'environnement (loi n° 2005-205 du 1er mars 2005 N° Lexbase : L0268G8G) au sein du mécanisme de la QPC (I). I - La Charte de l'environnement au coeur du mécanisme de la QPC

Entrée en vigueur le 1er mars 2010 par l'ajout d'un article 61-1 ([LXB=L510IBQ]) à la Constitution (loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK), le mécanisme de la QPC permet, notamment, à tout justiciable, de contester la constitutionnalité d'une disposition législative, et ce même postérieurement après son entrée en vigueur.

Posée au juge de première instance, d'appel ou de cassation, la question doit, pour être transmise au Conseil constitutionnel, passer l'épreuve de plusieurs filtres et, pour cela, remplir trois conditions :

- la disposition législative contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites ;

- cette disposition ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

- et la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux.

Au regard du succès de cette nouvelle voie d'action et des préoccupations environnementales grandissantes, il était légitime de s'attendre à ce que de nombreuses QPC se rattachent à la matière environnementale. Cependant, avant la décision du 8 avril 2011, ce n'est que de façon indirecte que le droit de l'environnement a été abordé par les sept Sages. Des décisions ont, ainsi, notamment été rendues à propos de l'insalubrité des immeubles (Cons. const., décision n° 2010-26 QPC, 17 septembre 2010 N° Lexbase : A4758E94), de la cession gratuite de terrain (Cons. const., décision n° 2010-33 QPC, 22 septembre 2010 N° Lexbase : A8929E9L) et de la taxe générale sur les activités polluantes (Cons. const., décision n° 2010-57 QPC, 18 octobre 2010 N° Lexbase : A9274GB4).

Dans la décision du 8 avril 2011, en jugeant que l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation est conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel confirme la valeur constitutionnelle de la Charte de l'environnement pour lui donner toute sa place dans le cadre du mécanisme de la QPC. La décision apporte, également, d'importantes précisions sur l'application des articles 1er à 4 de la Charte.

Concernant l'exception légale à l'engagement de la responsabilité pour trouble anormal du voisinage, l'article L. 112-16 précité dispose que : "Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant, dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions".

En l'espèce, les requérants considéraient que cette disposition législative était contraire aux articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement, qui disposent respectivement que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" (art. 1) ; "toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement" (art. 2) ; "toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences" (art. 3) ; et que "toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi" (art. 4).

Sur les faits de l'espèce, les requérants se plaignaient des nuisances dues au parking non goudronné d'un restaurant routier, voisin de leur propriété. Ils mettaient en cause les nuages de fumée générés par les camions, qui les empêchaient de jouir paisiblement de leur jardin.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a rappelé que le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par les articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement s'impose non seulement "aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif" mais, également, ce qui est nouveau, "à l'ensemble des personnes". En précisant ce point, le Conseil constitutionnel confère, ainsi, une invocabilité directe et un effet horizontal à ces articles, leur donnant une très grande effectivité. Le Conseil précise, également, qu'en vertu de ces deux articles "chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité". Par cette affirmation, la juridiction fait donc peser sur chaque citoyen une obligation de vigilance environnementale à l'égard des effets néfastes issus des activités de chacun.

En conférant aux articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement un effet direct et horizontal, et en rappelant que chacun est tenue par une obligation de vigilance à l'égard de l'environnement, y compris dans les rapports entre particuliers, le Conseil constitutionnel participe à la construction d'une "responsabilité environnementale" pesant sur chacun et donne une plus grande effectivité à la Charte. Le Conseil constitutionnel rappelle, également, que l'Etat n'est pas le seul débiteur en matière de protection de l'environnement, mais qu'il appartient à chacun d'être vigilant, de manière à empêcher le plus efficacement possible, la réalisation d'un dommage à l'environnement, cette obligation constituant une obligation de moyen.

Par ailleurs, les juges précisent que le législateur est libre de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de des obligations visées aux articles 1er et 2 de la Charte, sous réserve que le législateur ne restreigne pas le droit d'agir en responsabilité dans des conditions qui en dénatureraient la portée. En conclusion, la violation de cette obligation de vigilance est susceptible de fonder une action en responsabilité reposant sur la faute de l'auteur des dommages à l'environnement, et le législateur se voit reconnaître une large marge d'appréciation pour définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur ce fondement.

En second lieu, concernant les articles 3 et 4 de la Charte, le Conseil constitutionnel est plus "sévère" puisqu'il juge dans son sixième considérant, qu'il incombe au législateur et aux autorités administratives, dans le cadre défini par la loi et dans le respect des principes contenus dans ces articles, de déterminer les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions. Concernant la prévention des atteintes à l'environnement et la contribution à la réparation des dommages causés à l'environnement, ces dispositions n'ont pas d'effet direct et nécessitent une loi pour permettre leur application.

Se situant dans le prolongement des décisions "OGM" du 19 juin 2008 (Cons. const., décision n° 2008-564 DC N° Lexbase : A2111D93) et "taxe carbone" du 29 décembre 2009 (Cons. const., n° 2009-599 DC N° Lexbase : A9026EPY), qui ont confirmé la valeur constitutionnelle de la Charte de l'environnement, la présente décision, tout en précisant certaines des dispositions de la Charte, lui confère toute sa place dans le cadre du mécanisme de QPC.

Au cas d'espèce, le Conseil a également jugé de la conformité des dispositions de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation à la Constitution.

II - La théorie de la "pré-occupation" est conforme à la Constitution

Dans sa décision du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation est conforme aux articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement et à la Constitution, réaffirmant, ainsi, avec fermeté le principe issu de la théorie de la "pré-occupation".

En vertu de cette dernière, toute personne installée postérieurement à la mise en place d'une activité gênante ne peut invoquer la théorie des troubles anormaux du voisinage, très souvent utilisée en matière de nuisances environnementales. L'application de cette théorie est subordonnée à l'existence de trois conditions : l'exploitation doit être conforme aux lois et règlements ; elle doit être antérieure à l'établissement (sous diverses formes) des requérants, et l'exploitation de l'activité doit s'être poursuivie dans les mêmes conditions.

L'idée qui sous-tend cette théorie est que les propriétaires de constructions édifiées postérieurement à l'activité génératrice des nuisances ne peuvent invoquer les inconvénients découlant d'une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique à proximité de laquelle ils se sont installés en toute connaissance de cause. Il faut, cependant, noter que l'exonération de responsabilité est limitée par l'existence des trois conditions précédemment énoncées. A cet égard, la jurisprudence considère que la charge de la preuve du respect des dispositions légales et réglementaires pèse sur celui qui exerce l'activité, et non sur celui qui se dit gêné par l'activité et qui est à l'origine de la procédure ; pèse, également, sur lui la preuve de son antériorité.

Protégeant les intérêts économiques d'une activité installée antérieurement, il appartiendra alors aux nouveaux voisins gênés par l'activité litigieuse de prouver les nuisances subies et/ou que l'activité en cause a changé depuis la date de son établissement pour faire reconnaître la responsabilité civile de l'auteur des nuisances sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.

Dans la présente espèce, les juges considèrent ainsi que les dispositions de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation sont conformes à la Constitution, notamment au regard du principe constitutionnel de responsabilité, dès lors que cette exclusion légale de responsabilité (i) ne concerne que la responsabilité pour troubles anormaux du voisinage -laissant ainsi la faculté pour les tiers d'engager la responsabilité de l'exploitant sur le fondement de la responsabilité pour faute-, et (ii) est strictement encadrée et limitée par les conditions posées à l'article L.112-16.

Par sa décision, qui doit être approuvée, le Conseil constitutionnel confirme donc la conformité à la Constitution de la théorie de la préoccupation et permet, ainsi, à tout entrepreneur d'exercer son activité économique de façon pérenne, sans que cette dernière ne soit menacée par l'arrivée de nouveaux propriétaires à proximité. Ce faisant, il valide l'équilibre opéré par le législateur entre les intérêts particuliers des uns et des autres.

Cet équilibre si difficile à atteindre entre liberté d'exploiter et protection des tiers face aux nuisances (notamment environnementales) s'illustre aussi au travers de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement qui cherche à concilier les enjeux économiques d'une activité pouvant présenter des risques pour l'environnement avec la protection de l'environnement et des populations avoisinantes. Cela est, notamment, rendu possible par l'imposition de contraintes d'exploitation à l'activité concernée, de manière à prévenir, limiter et encadrer les nuisances causées par cette dernière.

Cette décision illustre, également, l'importance croissante des contentieux dans lesquels les juridictions sont amenées à invalider un équilibre défini par le législateur entre des intérêts particuliers divergents (intérêt économique versus intérêt "environnemental au prisme d'une situation particulière"). Le droit à un environnement exempt de nuisances n'échappe pas à cette confrontation, dont la présente décision en est la parfaite illustration.

A l'aune de cette décision, il ressort que les exploitants se voient reconnaître sur le plan de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage une certaine sécurité juridique puisque leur responsabilité ne peut être engagée, sauf non-respect des conditions posées, par des tiers installés postérieurement. Tel n'est pas le cas sur d'autres plans et, notamment, en matière de précarité des autorisations administratives -particulièrement pour ce qui concerne les autorisations d'installations classées pour la protection de l'environnement- dans la mesure où ces derniers sont confrontés à une importante insécurité juridique en raison des risques d'annulation de telles autorisations. Il n'en demeure pas moins que cette insécurité juridique est limitée par les conditions exposées dans les dispositions de l'article L. 112-16, qui n'en doutons pas, à défaut d'exister, auraient conduit la disposition querellée à être déclarée non conforme à la Constitution.

En conclusion, la présente décision QPC en matière environnementale est d'importance et l'on ne saurait douter qu'elle sera suivie par d'autres dont une décision très attendue portant sur le droit d'action des associations au regard de la QPC, à savoir la constitutionnalité de l'article L. 600-1-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1047HPH) (1).

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils

Contacts :

Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)


(1) Dans une décision rendue le 17 juin 2011 (Cons. const., décision n° 2011-138 QPC, 17 juin 2011 N° Lexbase : A6178HTY), les Sages ont finalement retenu que la limitation du droit d'agir des associations contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols est conforme à la Constitution.

newsid:425898

Fiscalité des entreprises

[Evénement] Vers une convergence fiscale européenne ?

Lecture: 12 min

N2874BSA

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 26 Janvier 2012

La Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), en partenariat avec l'Observatoire européen de la fiscalité des entreprises (OEFE), le Cercle des européens, HEC Paris et La Tribune, a organisé, le jeudi 19 mai 2011, un petit déjeuner débat à l'occasion duquel les intervenants ont approfondi le thème suivant : "Vers une convergence fiscale européenne ?". Lors de cette rencontre, au cours de laquelle les participants ont interagi avec les six intervenants, a été, tout d'abord, abordé le mythe de l'Europe fiscale, puis a été présentée la sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprises de dix pays de l'UE. Enfin, a été analysé le baromètre des prélèvements obligatoires des entreprises de l'OEFE. Etaient présents, des avocats, des directeurs fiscaux, des journalistes, des membres du Gouvernement, de fondations, et d'ambassade. Alors que tous les regards se tournent vers la fiscalité du patrimoine, les intervenants estiment que les 150 milliards d'euros de déficit en 2010 que la France tente de combler ne peuvent être obtenus par des petites réformes en fiscalité des particuliers, mais par une refonte de notre système fiscal, dans sa globalité. La fiscalité des entreprises rapporte près de 800 milliards, ce qui constitue, après la TVA, la recette la plus importante en matière d'impôt. De plus, l'Union européenne (UE) tente de rassembler ses Etats membres autour de règles communes, et commence à s'intéresser à la fiscalité directe, jusqu'ici effleurée par les instances européennes. La proposition de Directive sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) agite les esprits, et sera au coeur des discussions à Bruxelles dans les mois à venir. En France, le rapport de la Cour des comptes sur le rapprochement des fiscalités française et allemande a, lui aussi, fait débat (pour en savoir plus, lire France-Allemagne : comparaison des systèmes fiscaux - Questions à Franck Le Mentec, Avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral N° Lexbase : N7559BRE). Sur fond de campagne électorale, les professionnels de la fiscalité se posent la question de savoir si l'UE peut devenir un moteur de réforme de la fiscalité directe en France, et à quel prix.
  • L'Europe fiscale, un mythe ? par Mirko Hayat, Secrétaire général de l'OEFE, Professeur affilié à HEC

Mirko Hayat rappelle que dans l'UE, il y a vingt-sept Etats membres, et autant de régimes fiscaux différents. La conséquence est la suivante : la complexité qui ressort de cette pluralité de normes crée une opacité qui peut effrayer les entreprises, et notamment celles qui ne disposent pas d'experts en la matière. En effet, lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter dans un Etat membre, autre que celui sur lequel elle a déjà un établissement stable, la difficulté d'appréhender les conséquences fiscales de ce projet peut la dissuader de le réaliser. Les spécialistes de la fiscalité ont tenté de procéder à des comparaisons des systèmes fiscaux, mais, outre le fait que ceci soit très complexe à mener, cela n'a même pas de véritable intérêt, tant les divergences des pratiques des entreprises sont importantes. En effet, les mécanismes d'incitation fiscale diffèrent d'un Etat membre à l'autre, l'un souhaitant encourager tel secteur d'économie, l'autre favorisant telle région, le dernier créant un terrain propice à telle pratique. La comparaison est inefficace, faute de comparabilité des systèmes. Finalement, c'est l'entreprise qui ressent le plus ces disparités, et supporte le coût de la mise en conformité, qui est trop élevé pour n'être pas pris en compte. S'ajoutent à cela les risques de double imposition, qui, s'ils diminuent, subsistent encore dans certaines situations, et les risques de non imposition, charge pesant, cette fois, sur l'Etat membre.

En revenant sur les fondements de l'UE, on comprend mieux comment s'est construit cet imbroglio qui a d'autant plus de conséquences lorsque l'on se trouve au sein d'un Marché commun. Le Traité de Rome de 1957 (Traité instituant la Communauté économique européenne, signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958) avait pour but de supprimer les entraves à la libre circulation, et a donc fait disparaître les droits de douane. Ensuite, sont venues les normes communautaires sur la fiscalité indirecte, les accises, et surtout la TVA, dont la dernière modification a emporté harmonisation dans le domaine des services, notamment les services par voie électronique. Toutefois, les traités ne se sont pas penchés sur la fiscalité directe, qui reste toujours une prérogative régalienne des Etats membres, lesquels ont déjà dû abandonner leurs compétences en matière monétaire, avec la création de l'Union économique et monétaire, et budgétaire, dans une moindre mesure, lors de l'adoption du Traité de Maastricht (Traité sur l'Union européenne, signé le 7 février 1992 à Maastricht et entré en vigueur le 1er novembre 1993). La CJUE a eu une certaine influence sur la fiscalité directe. Muette jusqu'en 1985, timide jusqu'en 1994, avec cinq décisions rendue en la matière, elle a pris une certaine assurance, et surtout des initiatives, en rendant une petite centaine de décisions depuis, lesquelles ont eu, parfois, un retentissement très important pour les Etats membres. En se fondant sur les quatre libertés de circulation -la liberté d'établissement, de prestation de services, de circulation des marchandises et des capitaux- la CJUE a, par exemple, créé la notion de quasi résident (CJUE, 14 février 1995, aff. C-279/93 N° Lexbase : A1803AWP), et bouleversé le régime de l'intégration fiscale française, en y insérant les sociétés établies dans un autre Etat membre dans le périmètre d'intégration (CJUE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07 N° Lexbase : A4435EBU). Selon les mots de Mirko Hayat, la Commission "fait ce qu'elle peut". Il faut dire qu'elle se heurte à la règle de l'unanimité, qui, dans une union à vingt-sept, pèse son poids. Malgré cela, plusieurs textes sont sortis de ses bureaux : le paquet fiscal en 1990 (1), les Directives "fusions" (2) (qui connaît des difficultés d'application et de transposition), "intérêts redevances" (3), "sociétés mères filles" (4) (très utilisée), "épargne" (5) (qui a connu un rebondissement, avec l'affaire du CD-ROM récupéré du Liechtenstein par les autorités allemandes), la Convention d'arbitrage (6) (qui rencontre des difficultés d'application), le Code de conduite de 1997 (7), le Forum sur les prix de transfert (8), etc. Le Code de conduite avait listé soixante-six pratiques fiscales dommageables exercées par les Etats membres. Parmi elles, plusieurs ont été, depuis, modifiées, comme, par exemple, la célèbre zone des docks de Dublin (9).

Revenant sur l'ACCIS, Mirko Hayat reprend ses grandes lignes : une option est proposée aux entreprises qui sont implantées dans deux ou plusieurs Etats membres, selon laquelle elles peuvent choisir d'assujettir leur résultat consolidé à une loi de référence, celle d'un des Etats membres d'implantation, qui a vocation à régir la totalité de leur fonctionnement fiscal. Cela permet de consolider le résultat au niveau européen, et d'imputer les pertes issues de l'activité pratiquée sur un Etat membre sur les bénéfices créés dans un autre Etat membre. Ceux-ci, après paiement de l'impôt, se répartissent le produit selon une clé combinant chiffre d'affaires, emploi (masse salariale et nombre de salariés) et investissement. Le taux de l'impôt applicable à cette assiette est fixé par l'Etat dont la loi a été déterminée comme étant celle de référence (pour en savoir plus, lire Proposition de Directive relative à l'ACCIS : la consolidation des résultats fiscaux au niveau communautaire est-elle réalisable ? - Questions à Delphine de Drouâs, regional tax operations Manager au sein de la société IBM N° Lexbase : N1363BSB). La Directive, qui n'est encore, à ce stade, qu'une proposition, doit, en principe, recueillir l'unanimité. Celle-ci étant très rarement réunie, il serait possible pour les Etats membres de passer par une règle créée par le Traité de Lisbonne, à savoir la coopération renforcée. Cela étant, la CJUE risque de ne pas valider un tel procédé, qui aura pour conséquence de créer des discriminations au sein de l'UE, et donc des distorsions de concurrence, ce que l'UE a vocation à combattre. En effet, une tête de groupe ne va-t-elle pas choisir la formule lui permettant de consolider les pertes subies dans tel Etat membre avec les bénéfices générés par l'activité dans tel autre Etat membre ? Ces deux Etats d'implantation appartiendront, de préférence, au périmètre de coopération renforcée, laissant les autres, ceux qui n'ont pas choisi d'en faire partie, de côté. Enfin, il serait possible de décider que cette option ne s'applique qu'aux sociétés européennes ("Societas Europaea", créée par le Règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne N° Lexbase : L1040AWG). Cela pourrait, peut-être, augmenter l'attractivité de cette forme de société, qui séduit peu. En effet, seuls quatre groupes utilisent cette forme : Allianz, BASF, MAN et Equens. A la question portant sur le risque de voir l'assiette française applicable en interne élargie sous l'effet de cette assiette communautaire, il a été répondu que les français avaient, au cours des négociations sur la proposition de Directive, démontré leur attachement à la forme optionnelle de cette mesure. De plus, l'assiette telle que celle proposée par la Commission répond à des règles d'une imprécision excluant toute possibilité de définition. En effet, il est impossible de délimiter précisément les contours de l'assiette communautaire. Cela étant, la France pourrait chercher à faire comme en Allemagne, c'est-à-dire réformer complètement la fiscalité des entreprises, en élargissant fortement l'assiette de l'IS. Sauf qu'en Allemagne, cette augmentation de la base imposable s'est accompagnée d'une diminution très forte du taux. Or, la France cherche à augmenter ses recettes fiscales, afin de répondre aux exigences budgétaires européennes, entre autres. Toutefois, des Etats membres comme la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne cherchent à renforcer la compétitivité des entreprises. Un schéma comme celui précité aurait des conséquences néfastes sur ce projet. Il ne devrait donc pas être suivi. De plus, la simplification du droit est au coeur des débats (10).

  • Sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprise de dix pays de l'UE, commentaire des résultats 2011 par Stéphane Zumsteeg, Directeur du Département opinion et recherche sociale IPSOS Public Affairs

Stéphane Zumsteeg a présenté les résultats de la sixième enquête IPSOS sur la fiscalité (11) menée auprès de sept cent chefs d'entreprise implantées dans les dix Etats membres suivants : France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Suède, Pologne et Hongrie. Ceux-ci révèlent que le ressenti quant à la charge de l'impôt est très variable, tant géographiquement que chronologiquement. En France, par exemple, les chefs d'entreprise trouvent que la charge fiscale est très élevée, mais ils sont moins nombreux que lors de la dernière enquête, qui avait eu lieu en 2010 (12). C'est en Belgique que le ressenti est le plus pessimiste, avec 72 % des chefs d'entreprise pensant que la fiscalité est très élevée. Aux Pays-Bas, par contre seuls 11 % d'entre eux sont de cet avis. Plus révélateur encore, à la question "Quel Etat membre est le plus attractif fiscalement ?", alors que les Pays-Bas attirent tout le monde, la France n'attire personne. Les nouveaux pays entrants (Hongrie et Pologne) ont la part belle, le Royaume-Uni arrive en deuxième place.

Concernant la structure de l'impôt, on constate que l'IS en France n'est pas perçu comme une charge lourde, à la différence de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Sur la durée, l'évolution de la situation des impôts directs entre Etats membres ne change pas, selon un consensus unanime.

Enfin, concernant la perception que les chefs d'entreprise ont de l'action communautaire, il ressort de l'enquête qu'ils sont favorables à une harmonisation communautaire, mais les anglo-saxons souhaiteraient que cela se fasse sous l'impulsion de leur Etat, alors que les autres souhaitent que l'UE en soit le moteur. Par rapport à l'ACCIS, ce sont surtout les Etats membres faiblement attractifs qui encouragent la proposition, la France menant le groupe.

En conclusion, les différences culturelles sont toujours très fortes au sein de l'UE, et impactent les discussions sur la fiscalité.

Alexia Scott, Directrice fiscale du groupe SNCF, nous fait part des recherches au sujet des différents impôts frappant les entreprises, qu'elle a menées alors qu'elle occupait le poste de Directrice fiscale de Peugeot : alors que l'IS est vécu comme un impôt juste, assis sur les bénéfices, et donc variant à leur rythme, les autres impositions (hors les charges sociales), les impôts d'exploitation, sont perçus comme une charge fixe, beaucoup plus lourde. Le poids de la contribution économique territoriale représente, par exemple, près de la moitié de la charge fiscale de la SNCF. Ces impôts, qui représentent la même charge que l'IS, sont inévitables et, en quelque sorte, subis. Ils le sont d'autant plus que les services publics, qu'ils doivent, en principe, financer, sont insuffisants, et de mauvaise qualité.

Michel Taly ajoute que la difficulté en France vient du fait qu'il est difficile de faire baisser les impôts dans un secteur économique, sans que cette mesure ne soit taxée d'aide d'Etat, et invalidée par les instances communautaires. Dès lors, la France, qui ne peut faire évoluer de beaucoup ses grands impôts, crée des dizaines de petites taxes qui grossissent au fur et à mesure du temps. Et l'on se retrouve avec une centaine de taxes françaises, face aux vingt-cinq taxes allemandes. Baisser les dépenses publiques semble impossible si l'on veut éviter une révolution populaire. Selon lui, il faudrait avoir le courage d'augmenter la TVA, ce que personne n'a encore eu.

  • Baromètre des prélèvements obligatoires des entreprises de l'OEFE, édition 2011, commentaire par Georges Nectoux, Président élu de l'OEFE, Membre élu de la CCIP

Selon ce baromètre, fondé sur des données Eurostat datant de 2009 (13), la France a le plus fort taux de prélèvements obligatoires, 17,9 %. Ce résultat est obtenu en divisant la somme de ces prélèvements par le PIB. Le Danemark arrive en queue de peloton, avec un taux de 4,3 %. L'évolution historique de ces taux est la même pour tout le monde, une baisse en 2000 avec l'éclatement de la bulle Internet, une reprise de 2003 à 2007, puis une nouvelle chute, due à la crise financière. La place du Danemark s'explique par le transfert opéré dans cet Etat de la charge fiscale, qui pèse plutôt sur les ménages. De plus, le taux de TVA y est plus fort qu'en France (25 %).

Sur l'IS, le taux nominal ne suit pas celui précité. Cela est dû au phénomène de marketing fiscal : un taux fort est appliqué à une assiette réduite, un taux faible frappe une assiette élargie. C'est pourquoi, malgré un taux fort, les recettes ne sont pas colossales.

Répondant à une intervention de la salle, et revenant sur les accusations, très médiatisées, qui pèsent sur les entreprises du CAC 40, Michel Taly s'insurge sur le fait que, dans l'esprit des commentateurs, la faiblesse du taux d'imposition soit due à l'optimisation fiscale, réservée à une élite et impraticable, faute de moyen, par les petites entreprises. L'exemple de Total est frappant : le taux effectif d'imposition des résultats consolidés de Total est de plus de 50 %. En effet, les pays pétroliers frappent durement les activités ayant lieu sur leur territoire et portant sur l'or noir. Or, les charges sociales sont trop fortes en France pour que l'activité de raffinage suffise à produire des bénéfices. Dès lors, les activités d'exploration, plus rentables, sont créées, et elles s'effectuent hors de France. Mirko Hayat ajoute qu'en France, il n'y a plus que les sièges de direction de ces grands groupes, et que ce phénomène devrait occuper le devant de la scène, à la place de débats secondaires comme celui portant sur l'ISF.

  • Clôture, par Michel Taly, Président fondateur de l'Institut de politique fiscale, Avocat

Pour clôturer cette rencontre, Michel Taly présente les trois débats dont il devrait être question lors de la campagne électorale de 2012 :

- la concurrence fiscale. La compétitivité, qui cherche à lisser les obstacles que peut rencontrer une entreprise pour produire des bénéfices dans un Etat, est à différencier de l'attractivité fiscale, dont l'objectif est d'attirer une entreprise afin qu'elle s'implante sur le territoire. La France, de son côté, est plus favorable à l'attractivité portant sur des schémas ou des activités, ceci ressortant de régimes fiscaux comme le crédit d'impôt recherche ou les impatriés. Les comparaisons internationales ne sont pas décisives. Michel Taly, qui a fait partie du groupe d'experts appelés à se prononcer sur un rapprochement possible entre la fiscalité allemande et française, explique que l'Allemagne affiche des positions explicites, auxquelles elle se tient, alors que la France annonce toujours des mesures, mais sans ligne directrice explicite. Par exemple, en Allemagne, les entreprises sont toutes soumises au même impôt ; il n'y a pas, comme en France, d'entreprise fiscalement transparente et d'entreprise fiscalement opaque. Malgré les difficultés et les contestations, l'Allemagne n'a pas bougé sur sa position. De plus, l'hypocrisie en France est totale. Tout le monde prône la simplification, alors que la complexité permet l'optimisation. Les patrons d'entreprise abandonnent un débat laissé aux techniciens, pour qui la complexité est un "gagne-pain". La simplification servirait plutôt aux PME, et leur permettrait de se développer plus vite. D'ailleurs, la proposition originelle, antérieure à l'ACCIS, était de permettre à une PME, française par exemple, de pouvoir s'implanter, en Allemagne par exemple, sans avoir à étudier les règles fiscales germaniques. La PME serait soumise à la loi française dans son intégralité, et la France et l'Allemagne se partageraient l'impôt récolté selon une clé de répartition. Cette proposition n'a pas été retenue, au grand regret de Michel Taly. Enfin, la majorité des praticiens sont pour une assiette élargie et un taux plus bas, mais, dans le même temps, la méfiance conduit à la prudence, et l'on craint que la diminution du taux passe après, voire bien après, l'élargissement de l'assiette ;

- la territorialité. Ce débat est plus médiatique et plus récurrent. Toutefois, il ne permettra pas de déboucher sur des mesures concrètes. La France seule ne peut pas changer les règles. Pour seul exemple, le débat sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, et notamment la création de l'exit tax et de l'imposition des non-résidents, est de la "gesticulation", qui s'arrêtera avec le couperet luxembourgeois ;

- l'optimisation fiscale. Le rapport du Comité des prélèvements obligatoires de 2009 a conduit à la stigmatisation des grands groupes, accusés de faire de l'optimisation à outrance et de ne pas payer d'impôt. Or, il y a eu une confusion dans les formules retenues pour élaborer les taux. En effet, le taux effectif est un instrument servant aux analystes financiers pour évaluer le taux d'imposition des bénéfices d'une entreprise dans le monde. Le taux implicite est un instrument de macro-économie utilisé pour connaître la part des prélèvements étatiques dans la création des richesses de l'entreprise. Ainsi, il est possible de départager la part de richesse revenant aux salariés, aux prêteurs, aux actionnaires et à l'Etat. Ces taux ne correspondent pas à ce que paient en réalité les entreprises, ce sont des outils de statistique.

En conclusion, il y a deux régimes seulement qui creusent un fossé entre grande et petite entreprise : les déficits et les intérêts d'emprunt. Les déficits ne se compensent pas dans une entreprise seule de la même façon qu'à l'intérieur d'un groupe. De même, les petites entreprises sont moins endettées que les grosses, et ont donc moins de charges financières venant en diminution du résultat fiscal imposable. D'où un risque que ces deux domaines soient touchés par des réformes fiscales.


(1) En 1990, la Commission a chargé un comité d'experts indépendants présidé par Onno Ruding, un ancien ministre néerlandais des finances, d'examiner si les différences dans l'imposition des sociétés conduisaient à des distorsions affectant le marché intérieur. Le comité a formulé des recommandations spécifiques en la matière dans le rapport "Ruding". A l'issue de ce rapport, la Commission a publié une communication sur la fiscalité des entreprises de 1990 (SEC(90) 601) qui proposait que, sans préjudice du principe de subsidiarité, toutes les initiatives s'inscrivent dans le cadre d'un processus consultatif associant les Etats membres. C'est dans ce cadre que trois mesures ont finalement été adoptées en juillet 1990 : la Directive fusions 90/434/CEE, la Directive "mères-filiales" 90/435/CEE et la Convention d'arbitrage 90/436/CEE.
(2) La Directive "fusions" (Directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents N° Lexbase : L7670AUM) concerne toutes les opérations consistant en un transfert d'actif d'une société vers une autre en échange de parts sociales. La Directive traite aussi du transfert du siège statutaire, limitant ses dispositions aux sociétés européennes et aux sociétés coopératives européennes. L'intérêt fiscal de la Directive fusions pour les groupes est la non imposition des plus-values générées à l'occasion de la cession des actifs, égale à la différence entre la valeur nette comptable des éléments d'actifs et la valeur réelle de ces éléments. Enfin, l'article 7 de la Directive s'adresse aux groupes spécifiquement : lorsqu'une société bénéficiaire détient 10 % de la société apporteuse, la plus-value dégagée par l'apporteuse lors du transfert ne donne lieu à aucune imposition. Les associés personnes physiques ou morales de la bénéficiaire ne supportent aucune imposition sur plus-value de titres provenant de l'apporteuse.
(3) La Directive "intérêts/redevances" (Directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003, concernant le régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents, applicable à partir du 1er janvier 2004 N° Lexbase : L6609BHA) exonère d'impôt (retenue à la source ou impôt prélevé par voie de rôle) les intérêts, entendus comme les revenus de créances de toute nature sauf bénéfices et pénalités, c'est-à-dire les emprunts et les obligations. Les redevances sont définies comme les rémunérations de l'usage ou de la concession d'un droit d'auteur quel qu'il soit (oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, film cinématographique, logiciels informatique, brevet, marque, dessin ou modèle, plan, formule ou procédé secret, information ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique). La Directive s'applique pour les échanges pratiqués entre sociétés liées directement par 25 % de détention ou indirectement par le biais d'une société possédée à 25 % et possédant la troisième à 25 %.
(4) La Directive "mère-fille" (Directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents N° Lexbase : L7669AUL) permet de lutter contre la double (voire triple) imposition économique résultant de l'implantation de la filiale à l'étranger au sein de l'UE. Les conditions d'application sont les suivantes : être domiciliée dans un Etat membre et être imposée à l'impôt sur les sociétés national, sans exonération. Ces conditions sont valables pour la mère et pour la fille. Le lien capitalistique doit être de 10 % (ce taux était, à l'origine, fixé à 25 %). Le dispositif proposé par la Directive "mère-fille" est le suivant : les Etats membres ont le choix entre exonérer d'impôt le dividende distribué à la mère située à l'étranger, ou permettre à la mère (ou à la filiale bénéficiaire de la distribution, si elle provient d'une sous-filiale) d'imputer l'impôt perçu en amont sur son propre impôt. Ceci se fait par mécanisme de crédit d'impôt ou par déduction de l'impôt. Cette imputation doit être totale afin de permettre d'éradiquer totalement la double imposition. Enfin, un dernier mécanisme est mis en place : la réintégration d'une quote-part de 5 % pour frais et charges. Cette réintégration se fait par la mère, et correspond aux frais engagés pour recevoir la distribution. Si la mère réussit à prouver que cette quote-part est de moins de 5 % du montant de la distribution, elle peut réintégrer cette somme.
(5) La Directive européenne sur l'épargne (Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts N° Lexbase : L6608BH9) prévoit, depuis le 1er juillet 2005, un système d'échange d'informations par voie de transmission automatique entre les Etats membres concernant le paiement d'intérêts à un bénéficiaire effectif établi dans un Etat membre par l'intermédiaire d'un agent payeur établi dans un autre Etat membre. Trois pays, à savoir la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche, forment une exception. Ceux-ci appliqueront, pendant une période de transition, dont la fin est prévue en 2014, une retenue européenne à la source sur les revenus d'intérêts perçus par un résident d'un autre Etat membre de l'UE dans l'un de ces trois pays.
(6) La Convention d'arbitrage de l'UE (Convention 90/436/CEE du 23 juillet 1990, relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées) prévoit une procédure de résolution des différends résultant de la double imposition subie par les entreprises implantées au sein d'Etats membres différents, en raison de la correction à la hausse des bénéfices d'une de ces entreprises dans un Etat membre. Si la plupart des conventions bilatérales relatives à la double imposition contiennent des dispositions prévoyant un ajustement à la baisse correspondant des bénéfices de l'entreprise associée concernée, elles n'imposent nullement aux parties contractantes l'obligation d'éliminer la double imposition. La Convention propose de l'éliminer au moyen d'un accord conclu entre les Etats contractants avec, si nécessaire, l'avis d'un organe consultatif indépendant.
(7) Le Code de bonne conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises a été adopté par une résolution du Conseil Ecofin le 1er décembre 1997. Il s'agit d'un engagement politique, sans valeur législative. Le Code de bonne conduite vise soixante six pratiques fiscales dommageables sélectionnées dans le rapport Primarolo (rapport édicté par le groupe de travail mandaté spécialement pour le faire, présidé par une britannique, Dawn Primarolo) du 29 novembre 1999. Le rapport adopté par le Conseil Ecofin définit les pratiques fiscales dommageables comme des mesures fiscales de toute nature (loi, décret, pratique administrative) "établissant un niveau d'imposition effective nettement inférieur, y compris une imposition nulle, par rapport à ceux qui s'appliquent normalement dans l'Etat membre concerné".
(8) Le groupe d'experts dénommé "forum conjoint sur les prix de transfert" assiste et conseille la Commission européenne sur les questions fiscales liées aux prix de transfert. Il a été mis en place de manière informelle en juin 2002 dans le cadre du suivi de l'étude de la Commission sur la fiscalité des entreprises. Le groupe a été officiellement créé par la décision 2007/75/CE du 22 décembre 2006, qui a expiré le 31 mars 2011. Le groupe travaille sur la Convention d'arbitrage et la résolution d'autres problèmes liés aux prix de transfert.
(9) Les entreprises qui se sont implantées dans la zone des docks de Dublin ont bénéficié d'une imposition à l'IS à un taux de 10 %, réduit par rapport au taux de droit commun irlandais, fixé à 25 %. Après avoir été pointé du doigt par le Code de bonne conduite, la Commission a qualifié d'aide d'Etat incompatible ce dispositif. En 2005, l'Irlande a supprimé ce régime et, dans le même temps, elle a baissé à 12,5 % l'impôt sur les bénéfices issus d'une activité irlandaise.
(10) En France, une loi de simplification du droit a été adoptée le 17 mai 2011 (loi n° 2011-525, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit N° Lexbase : L2893IQ9).
(11) Sixième enquête sur la fiscalité auprès de chefs d'entreprises de dix pays de l'UE.
(12) Cinquième enquête européenne sur la fiscalité des entreprises.
(13) Présentation de la septième version du baromètre de l'OEFE et des résultats de l'enquête annuelle.

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Procédure pénale

[Jurisprudence] Du droit de ne pas contribuer à sa propre condamnation durant la garde à vue : entre droit à l'assistance d'un avocat et droit au silence

Réf. : Cass. crim., 31 mai 2011, n° 11-81.459, F-P+B (N° Lexbase : A3424HTY)

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N5903BSG

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 30 Juin 2011

Encore une affaire de garde à vue ! Certes, mais si cet arrêt n'est guère novateur au regard des développements jurisprudentiels récents, tant européens que nationaux, son importance pratique n'en est pas moins décisive. La Cour de cassation admet, en effet, de prononcer la nullité des auditions intervenues pendant une garde à vue ordonnée avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, dès lors que le gardé à vue n'avait pas bénéficié de l'assistance effective d'un avocat durant les auditions et ne s'était pas vu notifier son droit au silence. Du pain béni pour les avocats qui ne manqueront de soulever la nullité des auditions toutes les fois que de telles exigences n'auront pas été respectées. Au plan théorique, cet arrêt mérite toutefois d'être relevé car ces deux exigences tenant au droit à l'assistance d'un avocat et à la notification du droit au silence sont fondées sur le "droit de ne pas s'incriminer" -de ne pas contribuer à sa propre condamnation-, principe tentaculaire qui trouve sa source dans le droit conventionnel et qui tend progressivement à s'implanter en droit national. Dans une enquête suivie du chef de destruction d'un véhicule automobile par incendie, un mineur âgé de quinze ans fut placé en garde à vue le 22 juillet 2010. Or, s'il a pu s'entretenir confidentiellement avec un avocat préalablement à ses auditions, il n'a pas été informé de son droit de garder le silence et n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat durant les auditions. Mis en examen du chef de ce délit, il a déposé une requête aux fins d'annulation des actes accomplis durant sa garde à vue et des actes subséquents au motif que cette double omission était contraire aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). Pour accueillir partiellement la requête et annuler certains procès-verbaux de la garde à vue, en particulier ceux des auditions intervenues, la chambre de l'instruction retient que le droit de ne pas s'incriminer, tel qu'il résulte de l'article 6 de la Convention exige, pour être effectif, une information préalable et adéquate du suspect, laquelle implique la notification du droit au silence, et son assistance effective par un avocat durant ses auditions, les juges ajoutant à cet égard que cette nécessité devient impérieuse lorsque la personne privée de sa liberté d'aller et venir est un mineur âgé de quinze ans. La Chambre criminelle de la Cour de cassation ne trouve rien à redire à cela puisqu'elle décide qu'en se prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

La Cour de cassation ne fait certes qu'approuver la motivation de la chambre de l'instruction, de sorte que n'exprimant pas sa propre doctrine, la portée de la solution serait bien mince. Mais ce faisant, la Haute juridiction fait droit à la nullité invoquée, ce qui laisse augurer de nombreuses procédures diligentées par les avocats, qui ne manqueront de s'engouffrer dans la brèche ainsi ouverte. La portée pratique de la solution est donc décisive puisque toutes les gardes à vue, mêmes antérieures à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle portant réforme de la garde à vue (1), qui ne répondent pas à la double exigence d'assistance effective d'un avocat et de notification du droit au silence sont exposées à la nullité des actes accomplis. En revanche, la portée de la solution est plus incertaine en ce qui concerne la détermination des personnes bénéficiaires de tels droits. Car, si la Chambre criminelle approuve la chambre de l'instruction d'avoir décidé que le droit de ne pas s'accuser implique tant la notification du droit au silence que l'assistance d'un avocat, elle l'approuve également d'avoir ajouté que "cette nécessité devient impérieuse lorsque la personne privée de sa liberté d'aller et venir est, comme en l'espèce, un mineur âgé de quinze ans". Aussi faudra-t-il se demander si la portée de la solution est limitée au seul mineur ou si elle doit être étendue à toute personne placée en garde à vue, ce que nous croyons.

Au plan théorique, la solution est fondée sur le "droit de ne pas s'incriminer" ou, dit-on parfois, de ne pas "s'auto-incriminer". Pour évocatrices qu'elles soient, ces expressions, fruit des traductions en langue française -toujours imparfaites- des décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, ne sont guère correctes : l'incrimination étant la description du comportement infractionnel, seuls les textes et, à travers eux, le législateur incriminent un comportement donnant lieu à une peine ; un particulier ne saurait s'incriminer lui-même. Aussi est-il préférable d'évoquer le droit de ne pas s'accuser ou, mieux encore, le droit de ne pas participer à sa propre condamnation, expression d'autant mieux fondée qu'elle permet d'englober toutes les manifestations du principe, au-delà du seul droit au silence.

Quoiqu'il en soit, de ce fondement unitaire découlent deux conséquences : le droit à l'assistance d'un avocat et la notification du droit au silence durant la garde à vue, lesquels n'opèrent pas au même moment de la mesure. Tandis que l'assistance effective d'un avocat doit intervenir lors des auditions, c'est-à-dire pendant la durée de la garde à vue (I), la notification du droit au silence est un préalable à la mesure et doit donc intervenir dès le début de la garde à vue (II).

I. Le droit à l'assistance effective d'un avocat durant les auditions

Par cet arrêt, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient confirmer que le droit de ne pas s'accuser implique l'assistance effective d'un avocat durant les auditions de la personne gardée à vue. L'affirmation n'est que l'aboutissement d'une évolution jurisprudentielle dont seules les principales évolutions seront ici brièvement rappelées.

Ce fut, d'abord, la Cour européenne des droits de l'Homme qui lança les premières offensives en posant, dans les arrêts "Salduz" (2) et "Dayanan" (3), l'exigence de l'assistance effective d'un avocat pendant la durée de la garde à vue, suivie d'ailleurs en ceci par certaines juridictions du fond françaises, qui n'hésitaient plus à déclarer le régime des gardes à vue contraire aux principes de la Convention (4). Mais, concernant la Turquie, ces décisions n'avaient pas encore une portée décisive sur le régime de la garde à vue française. L'incertitude n'allait toutefois pas durer bien longtemps puisque la Cour de Strasbourg condamna l'Etat français, dans un arrêt "Brusco contre France", pour violation du droit à un procès équitable au motif, notamment, que la personne gardée à vue ne bénéficie pas de l'assistance effective d'un avocat dès le début de la mesure et pendant les interrogatoires (5). Ce fut, ensuite, le Conseil constitutionnel qui poursuivit l'assaut en décidant que la personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier, en règle générale, de l'assistance effective d'un avocat pendant toute la durée de la mesure (6). Ce fut, enfin, tant la Chambre criminelle (7) que l'Assemblée plénière (8) de la Cour de cassation qui portèrent la dernière estocade en décidant, sur le fondement de l'article 6 de la CESDH, que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat.

Si la cause est désormais entendue, comme en témoigne un tel déferlement jurisprudentiel, la portée réelle de l'exigence effective d'un avocat reste encore toutefois à préciser.

Tout d'abord, quant au moment où la personne gardée à vue doit bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, la Cour de cassation vient ici préciser qu'elle doit prévaloir "durant ses auditions". Or, ce faisant, la Cour de cassation paraît en deçà des exigences posées tant par la jurisprudence, interne (9) ou européenne (10), que par la loi nouvelle portant réforme de la garde à vue (11) qui sont unanimes à considérer que la personne gardée à vue doit bénéficier de la présence de son conseil dès le début de la mesure et lors des interrogatoires. Le recul pourrait toutefois n'être qu'apparent car, dans les faits de l'espèce, la personne gardée à vue avait pu s'entretenir confidentiellement avec un avocat préalablement à ses auditions, de sorte que la Haute juridiction se contenterait ici de condamner les seuls manquements effectifs au droit à l'assistance d'un avocat.

Ensuite, si le dialogue des juges a mis en lumière l'exigence uniforme de l'assistance effective d'un avocat, la portée de cette exigence demeure pour le moins incertaine tant il existe une multitude de degrés dans l'assistance. Le terme assistance doit-il être interprété restrictivement, comme visant uniquement l'office de défense et de conseil de la personne gardée à vue, ou doit-il au contraire être entendu largement, selon les directives de la Cour de Strasbourg, comme incluant la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le contrôle des conditions de détention ? L'assistance effective d'un avocat implique-t-elle une communication du dossier à l'avocat ? L'avocat pourra-t-il poser des questions au cours de la garde à vue ? Ni cet arrêt, ni la loi nouvelle d'ailleurs, n'apportent de précision à cet égard.

Enfin, quant à la détermination des personnes devant bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cet arrêt pourrait de prime abord laisser penser que seuls les mineurs bénéficient d'un tel droit. En effet, si la Chambre criminelle approuve la chambre de l'instruction d'avoir décidé que le droit de ne pas s'accuser implique tant la notification du droit au silence que l'assistance effective d'un avocat, elle l'approuve également d'avoir ajouté que "cette nécessité devient impérieuse lorsque la personne privée de sa liberté d'aller et venir est, comme en l'espèce, un mineur âgé de quinze ans". Cette première interprétation serait toutefois contestable car si le droit à l'assistance d'un avocat est, comme l'indique la chambre de l'instruction, une "nécessité", il doit également prévaloir pour les majeurs, quand bien même cette nécessité serait plus "impérieuse" pour les mineurs. Non spécifique aux mineur, le droit à l'assistance d'un avocat doit être conçu comme un droit général, valant pour toute personne placée en garde à vue, comme le confirme d'ailleurs la loi nouvelle qui n'opère à cet égard aucune distinction quant aux personnes susceptibles d'en bénéficier.

La même généralité doit encore prévaloir concernant la notification du droit au silence.

II. La notification du droit au silence dès le début de la garde à vue

Devançant là encore la loi nouvelle portant réforme de la garde à vue qui prévoit la notification du droit au silence à la personne placée en garde à vue (12), la Chambre criminelle décide que le "droit de ne pas s'incriminer, tel qu'il résulte de l'article 6 de la Convention exige, pour être effectif, une information préalable et adéquate du suspect, laquelle implique la notification du droit au silence".

Cette effectivité du droit au silence est le fruit d'une laborieuse et chaotique conquête. Alors que l'article 116, alinéa 4, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3714IGN) imposait au juge d'instruction d'avertir la personne qu'il envisage de mettre en examen, "qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée", la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, relative à la présomption d'innocence (N° Lexbase : L0618AIQ), avait organisé un système semblable au profit de la personne placée en garde à vue, laquelle devait être informée de son droit "de ne pas répondre aux questions posées par les enquêteurs". Soucieuse de ne pas ériger en principe le silence de la personne mise en cause, la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1451AXZ) a privilégié une autre formule en prévoyant que le gardé à vue devait être informé de son droit "de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire". Encore sauve, l'effectivité du droit au silence fut toutefois remise en cause par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9731A9B), qui abrogea purement et simplement cette disposition de l'article 63, alinéa 1er, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9743IPK). Sans doute le droit au silence continuait-il à exister au plan théorique ; mais, dès l'instant que la personne gardée à vue n'était pas concrètement informée de ce droit, celui-ci demeurait largement illusoire. On était bien loin du modèle imposé par la Cour suprême des Etats-Unis qui décidait, dès 1966, qu'"avant tout interrogatoire, l'intéressé doit être informé qu'il a le droit de garder le silence, que toute déclaration de sa part pourra être retenue contre lui en justice" (13).

Conformément aux exigences conventionnelles (14), la Cour de cassation vient donc restaurer l'effectivité du droit au silence, avant même l'entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue, en se fondant sur le droit de ne pas s'accuser ou de ne pas participer à sa propre condamnation. Alors que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (N° Lexbase : L6816BHW) proclame, en son article 14.3 g, que toute personne suspectée a le droit de "ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable", la Convention européenne ne prévoit pas semblable disposition (15). La Cour européenne n'en considère pas moins que, "même si l'article 6 de la Convention ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable" (16).

Non absolu, un tel droit comporte toutefois un certain nombre de limites. D'une part, s'opposant seulement à ce que la personne poursuivie soit tenue de collaborer en accomplissant des actes contribuant à établir son implication, il ne fait pas obstacle à ce que les enquêteurs obtiennent de la personne mise en cause des éléments de preuve contre sa volonté. Ainsi a-t-il pu être décidé que ce principe "ne s'étend pas à l'usage, dans une procédure pénale, de données que l'on peut obtenir de l'accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs, par exemple des documents recueillis en vertu d'un mandat [une perquisition en droit français], des prélèvements d'haleine, de sang, d'urine, de cheveux et de tissus corporels en vue d'une analyse ADN" (17). Le fondement du droit de ne pas s'accuser peut ainsi apparaître : la personne suspectée n'étant pas un auxiliaire de la justice, on ne saurait lui imposer d'alimenter l'accusation portée contre elle (18). D'autre part, la Cour de Strasbourg décide que, si l'exercice du droit de se taire ne saurait être considéré comme un aveu nécessaire de culpabilité (19), le silence n'en est pas moins un élément d'appréciation de la culpabilité dont le juge peut légitimement tirer des conséquences pour forger son intime conviction (20).

Malgré ces limites, le droit de ne pas s'accuser ou de ne pas participer à sa propre condamnation apparaît comme un principe général, qui dépasse le cadre du seul droit au silence.

Sans doute un tel droit comprend-il d'abord au premier chef le droit de se taire et de ne pas répondre aux questions posées. En conséquence, les déclarations faites par un accusé alors qu'il était dans l'obligation de déposer sous peine de sanctions pénales sont-elles frappées d'irrégularité (21). La question devient cependant plus complexe lorsqu'un individu est entendu comme témoin puisqu'il a alors l'obligation tant de prêter serment que de dire la vérité (22) sous peine de s'exposer aux sanctions du refus de prêter serment ou du faux témoignage (23). Depuis fort longtemps, l'obligation de prêter serment est jugée incompatible avec l'exercice des droits de la défense de la personne mise en examen, du prévenu ou de l'accusé (24). En revanche, la Chambre criminelle avait refusé d'étendre la solution aux personnes simplement placées en garde à vue en estimant qu'elles étaient tenues de prêter serment (25). Cette jurisprudence a toutefois été rendue caduque par la loi du 9 mars 2004 qui a exclu les personnes gardées à vue de l'obligation de prêter serment (26), étendant de la sorte encore un peu plus le domaine du droit de se taire.

Mais ce principe est plus riche en virtualités et comprend ensuite le droit de ne pas être contraint de produire des pièces compromettantes. Cette contrainte exercée contre la personne suspectée peut être d'ordre physique (27) ou morale et consister en la menace d'une sanction organisée par les autorités publiques. Ainsi, viole le droit de ne pas s'accuser la condamnation judiciaire d'une personne ayant refusé de communiquer aux autorités compétentes des pièces destinées à établir des infractions pouvant lui être imputées (28). Alors qu'en procédure civile, l'article 11 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1126H4H) oblige toute personne à apporter son concours à la justice, la matière pénale marque ici sa spécificité, en créant au profit de la personne poursuivie un droit de ne pas collaborer.

Enfin, et c'est peut-être là le contenu le plus symbolique du principe, le droit de ne pas participer à sa propre condamnation comprend encore le droit de mentir. Bien qu'une partie de la doctrine le conteste, cette application du principe trouve en premier lieu à s'appliquer en procédure pénale. Ainsi, dans l'arrêt "Brusco contre France" (29), pour condamner les dispositions anciennes du Code de procédure pénale qui obligeaient les personnes placées en garde à vue à prêter serment au nom du droit de ne pas participer à sa propre incrimination, la Cour s'est particulièrement attachée à souligner la pression subie du fait de l'incrimination du faux témoignage, ce qui revient implicitement mais nécessairement à leur reconnaître le droit de mentir aux enquêteurs. De même, la Chambre criminelle a pu censurer, au visa de l'article 14.3 g PDCP, un arrêt ayant prononcé une peine d'emprisonnement fondée sur le fait que le prévenu refusait de reconnaître sa culpabilité (30). Mais c'est aussi en second lieu en droit pénal de fond que le droit de mentir se trouve indirectement consacré. Ainsi, l'infraction de faux témoignage (31) ne trouve-t-elle à s'appliquer qu'à l'endroit des personnes ayant effectué une déposition mensongère sous serment. Or, le témoin étant le seul à prêter serment dans le cadre d'une procédure pénale, la personne poursuivie peut donc mentir sans encourir les peines de l'article 434-13 du Code pénal (N° Lexbase : L1785AM3). Dans le même ordre d'idées, la jurisprudence a pu décider que l'infraction de dénonciation calomnieuse n'est pas constituée lorsque les dénonciations sont faites dans le but de se défendre (32), de sorte qu'il est possible de calomnier autrui pour ne pas s'accuser.

Pour finir, on peut se demander si la Cour de cassation n'aurait pas été plus inspirée de fonder tant la notification du droit au silence que le droit à l'assistance d'un avocat directement sur les droits de la défense dès lors que le droit de ne pas s'accuser n'est qu'une expression de cet ensemble plus vaste. Un tel fondement aurait peut-être été préférable tant il est vrai que les contours du droit, encore balbutiant, de ne pas s'accuser demeurent incertains, notamment quant à la qualité d'"accusé" au sens autonome du droit de la Convention européenne (33). Tel est sans doute, toutefois, le prix de l'applicabilité directe du droit conventionnel dans notre interne qui s'accommode décidemment de mieux en mieux de notions au contenu à géométrie variable.


(1) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), entrée en vigueur le 1er juin 2011.
(2) CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02 (N° Lexbase : A3220EPX), JCP éd. G, 2009, 104, n° 7, obs. Lecloux.
(3) CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03 (N° Lexbase : A3221EPY), JCP éd. G, 2009, Somm. 382.
(4) Pour un panel des décisions des juridictions du fond, v. A. Maron, M. Hass, Tandis que les gardes à vue explosent, la garde à vue implose..., DP, mars 2010, Dossier, n° 3, p. 10.
(5) CEDH, 14 avril 2010, Req. 1466/07, § 45 (N° Lexbase : A7451GBL).
(6) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P), Gaz. Pal. 5 août 2005, p. 14, obs. O. Bachelet ; nos obs., Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde à vue de droit commun, Lexbase Hebdo n° 410 du 30 septembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N0999BQ3).
(7) Cass. crim., 19 octobre 2010, 3 arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW), n° 10-82.902, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0917GCX) et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0918GCY), JCP éd. G, 2010, II, 1104, H. Matsopoulou ; nos obs., Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 novembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6908BQW).
(8) Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I (N° Lexbase : A5043HN4) ; n° 10-30.242, P+B+R+I (N° Lexbase : A5044HN7) ; n° 10-30.313, P+B+R+I (N° Lexbase : A5050HND) et n° 10-30.316, P+B+R+I (N° Lexbase : A5045HN8), nos obs., Le droit à un procès équitable justifie la mise à mort immédiate et sans délai du régime de la garde à vue, Lexbase Hebdo n° 437 du 28 avril 2011 - édition privée (N° Lexbase : N0626BSY).
(9) Cass. crim. 19 octobre 2010, préc. ; Ass. plén., 15 avril 2011, préc. ; Cons. const., décision n° 2010-14/22 DC, 30 juillet 2010, préc..
(10) CEDH, 14 avril 2010, Req. 1466/07, préc., § 45.
(11) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 1er venant compléter le III de l'article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9741IPH) ; art. 6 à 8 de la loi créant un nouvel article 63-3-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9629IPC).
(12) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, art. 3, venant modifier l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9742IPI).
(13) Cour suprême des Etats-Unis, 13 juin 1966, Miranda c/ Arizona, cité par le juge "De Meyer" dans son opinion dissidente sous CEDH, 24 novembre 1993, Req. 32/1992/377/451 (N° Lexbase : A6582AWP).
(14) CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02, préc. ; CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03, préc.. Adde, dans le même sens, Cass. crim., 19 octobre 2010, nos obs. Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, préc..
(15) Sur l'ensemble de la question, D. Roets, Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, AJP, 2008, 119.
(16) CEDH, 8 février 1996, Req. 41/1994/488/570 (N° Lexbase : A8396AWU), § 45, RSC, 1997, p. 476, obs. R. Koering-Joulin ; CEDH, 17 décembre 1996, Req. 43/1994/490/572 (N° Lexbase : A8427AWZ), § 69, RSC, 1997, p. 478, obs. R. Koering-Joulin. Adde, pour l'arrêt fondateur, CEDH, 25 février 1993, Req. 82/1991/334/407 (N° Lexbase : A6542AW9), n° 256-A, D., 1993, J. 457.
(17) CEDH, 8 février 1996, préc., § 80 ; CEDH, 17 décembre 1996, préc., § 69.
(18) F. Desportes, F. Le Gunehec, Procédure pénale, Economica, 15ème éd., 2008, n° 589.
(19) CEDH, 2 mai 2000, Req. 35718/97 (N° Lexbase : A6767AWK), JDI 2001, 177, obs. O. Bachelet.
(20) CEDH, 8 février 1996 préc. ; CEDH, 17 décembre 1996, préc..
(21) CEDH, 17 décembre 1996, préc., § 74.
(22) C. pr. pén., art. 103 (N° Lexbase : L3436AZB), 311 (N° Lexbase : L3708AZD), 406 (N° Lexbase : L3817AZE).
(23) C. pén., art. 434-15-1 (N° Lexbase : L2426AMS) et 434-13 (N° Lexbase : L1785AM3).
(24) Cass. crim., 6 janvier 1923, DP, 1924, 1, 175.
(25) Cass. crim., 14 mai 2002, n° 02-80.721 (N° Lexbase : A6681AY4), Bull. crim., n° 111 ; Cass. crim., 28 avril 2004, n° 04-80.753 (N° Lexbase : A1731DC4), Bull. crim., n° 102.
(26) C. pr. pén., art. 153, al. 3 (N° Lexbase : L0945DYN).
(27) CEDH, 11 juillet 2006, Req. 54810/00 (N° Lexbase : A4841DQD), § 100 et s.
(28) CEDH, 25 février 1993, préc..
(29) CEDH, 14 avril 2010, Req. 1466/07, § 45 (N° Lexbase : A7451GBL).
(30) Cass. crim., 1er octobre 2008, n° 08-81.338, F-P+F (N° Lexbase : A8144EAU), Bull. crim., n° 201.
(31) C. pén., art. 434-13.
(32) Cass. crim., 3 mai 2000, deux arrêts, n° 99-84.029 (N° Lexbase : A3264AUG) et n° 99-85.107 (N° Lexbase : A3279AUY), Bull. crim., n° 174 et 175.

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[Questions à...] Le prix du livre numérique - Questions à Marie Anne Gallot Le Lorier, avocat à la cour d'appel de Paris, associée du cabinet Ngo Cohen Amir-Aslani & Associés

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 30 Juin 2011

Le 8 septembre 2010, était enregistrée à la présidence du Sénat, une proposition de loi déposée par deux parlementaires de la majorité, les sénateurs Catherine Dumas et Jacques Legendre, dans le but de réglementer le prix du livre numérique. Cette initiative parlementaire reposait alors, nous renseigne l'exposé des motifs du texte, sur un double objectif :
- accompagner une mutation technologique qui ouvre de nouvelles opportunités aux professionnels et permet la mise à la disposition de tous d'un maximum d'oeuvres grâce à une offre légale abondante de livres numériques ;
- et de l'encadrer afin qu'elle se déroule dans le respect de notre patrimoine et du droit d'auteur, avec le souci d'une préservation de la diversité de la création littéraire et de l'aménagement culturel de nos territoires, au travers des librairies. Vaste entreprise ! Vaste certes, mais c'est, néanmoins, dans un certain consensus que fut adoptée, puis publiée au Journal officiel du 28 mai 2011, la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011, relative au prix du livre numérique (N° Lexbase : L3836IQ7). Pour faire le point sur ce texte, son utilité, son contenu et les éventuelles questions qu'il soulève, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré Maître Marie Anne Gallot Le Lorier, avocat à la cour d'appel de Paris, associée du cabinet Ngo Cohen Amir-Aslani & Associés, qui a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : Pourquoi était-il nécessaire de légiférer sur le sujet ?

Marie Anne Gallot Le Lorier : La régulation du prix du livre numérique est au coeur des débats depuis environ trois ans ; elle a été initiée au ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de la commission constituée sous la présidence de Bruno Patino au premier semestre 2008 dont les réflexions ont donné lieu à un rapport remis le 30 juin 2008. Il est le premier à poser la nécessité d'une régulation du marché en reprenant l'esprit du prix unique appliqué depuis 1981 au livre imprimé. S'en sont suivis d'autres rapports : le bilan d'application de la loi du 10 août 1981, relative au prix du livre (loi n° 81-766 du 10 août 1981 N° Lexbase : L3886H3C), remis en mars 2009 par le rapporteur à la ministre de la Culture ; le rapport de la mission "Création et internet" conduite par MM. Zelnik, Toubon et Cerruti ; ou encore celui intitulé "pour un livre numérique créateur de valeurs" remis par Mme Christine Albanel au Premier ministre le 15 avril 2010. Tous ces documents vont dans le sens de l'adoption d'une loi instaurant un prix unique pour le livre numérique. En parallèle, l'Autorité de la concurrence, saisie par la ministre de la Culture, a rendu, le 18 décembre 2009, un avis dans lequel elle se prononce en faveur d'un tel encadrement et propose, d'ailleurs, un cadre assez précis (Autorité de la conc., avis n° 09-A-56, 18 décembre 2009, relatif à une demande d'avis du ministre de la culture et de la communication portant sur le livre numérique N° Lexbase : X9387AH7).

Il existe, en fait, deux motifs qui justifient cette intervention législative. D'une part, en France, il existe la loi "Lang" (loi n° 81-766) qui réglemente le prix du livre papier, et, d'autre part les éditeurs et les libraires français se trouvent confrontés aujourd'hui à des concurrents qui disposent de capacités financières sans commune mesure avec eux, qui font du discount appliquant des prix très bas. Or, il n'est pas possible que la création ne soit pas correctement rémunérée pour les auteurs comme pour les éditeurs.

Lexbase : Quel est le périmètre du texte ?

Marie Anne Gallot Le Lorier : Tout d'abord, la loi du 26 mai 2011 a vocation à s'appliquer :
- d'une part, aux livres publiés sous format numérique présentant un contenu intellectuel et répondant à un principe de réversibilité (c'est-à-dire également imprimés ou imprimables sans perte significative d'information) ;
- d'autre part, à l'ensemble des livres numériques qui répondront à cette définition, y compris à ceux qui auront été publiés antérieurement à la date d'entrée en vigueur des dispositions législatives.

Concernant le périmètre le texte s'applique à toutes les ventes de livres numériques en France ; ce qui signifie qu'il s'applique à des vendeurs étrangers. Relevons qu'à l'origine la proposition de loi prévoyait que le prix fixé par l'éditeur s'imposait aux seuls vendeurs de livres numériques installés sur le territoire français. Cette modification, qui a conduit à introduire une clause d'extra-territorialité, est issue d'un amendement sénatorial, qui a d'ailleurs été adopté à l'unanimité par le Sénat et non remis en question par l'Assemblée nationale.

Lexbase : Quelles sont les obligations mises à la charge des éditeurs et des vendeurs de livres numériques ?

Marie Anne Gallot Le Lorier : La loi du 26 mai 2011 pose, d'abord, l'obligation pour l'éditeur de fixer un prix de vente pour toute offre commerciale se rapportant à un livre numérique, qu'elle soit à l'unité ou groupée. Le prix est, en outre, soumis à une obligation de publicité. Par ailleurs, les personnes qui vont vendre des livres numériques seront tenues de respecter le prix fixé par l'éditeur quel que soit le canal de vente utilisé. Actuellement le décret d'application n'est pas encore sorti et va sans doute apporter des précisions sur cette visibilité des prix et sur les méthodes à employer.

Relevons que le non-respect de ces dispositions sera pénalement sanctionné, sans que l'on sache, pour le moment, les peines encourues, puisque l'article 7 de la loi renvoie, également, à ce décret le soin de leur détermination. On sait, toutefois, qu'il s'agit de peines contraventionnelles, comme c'est d'ailleurs le cas pour le non-respect des dispositions de la loi "Lang" sur le livre papier (loi n° 81-766 du 10 août 1981, art. 10 bis).

Lexbase : La loi vous semble-t-elle répondre aux objectifs fixés ? En fait, peut-on dire, selon vous, qu'il s'agit d'un "bon" texte ?

Marie Anne Gallot Le Lorier : Je pense que ce texte, qui semble bien avoir fait l'objet d'un consensus, a un objectif très louable qui consiste à voir la création bien rémunérée.Toutefois je ne peux pas dire que la loi telle qu'elle a été adoptée ne pose aucun problème, notamment concernant la clause d'extra-territorialité.

Lexbase : Justement quels sont les problèmes concernant cette clause ? Quelle est votre position sur cette question ?

Marie Anne Gallot Le Lorier : Le problème juridique est complexe au regard du droit de la concurrence européen. Sans rentrer dans les détails, certains ont mis en avant le fait que l'application du texte aux vendeurs étrangers pouvait contrevenir au principe de libre circulation des marchandises et au respect de la liberté de prestation de services. Plus précisément, il semble que se pose la question de la compatibilité du dispositif de la loi française avec le Traité et avec deux Directives relatives à certaines règles de fonctionnement du marché intérieur :
- la Directive 2006/123/CE, sur les services dans le marché intérieur (dite Directive "services" N° Lexbase : L8989HT4), dont l'objectif est de supprimer les obstacles à la liberté d'établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services entre les Etats membres ;
- et la Directive 2000/31/CE, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite "Directive sur le commerce électronique" N° Lexbase : L8018AUI), dont l'objectif est d'assurer la libre circulation des services de l'information entre les Etats membres.

Si, en effet, cette clause soulève des interrogations, rien ne permet toutefois de présager de l'issue du débat.

Il va, d'une part, y avoir des explications avec la Commission européenne ; les Français vont faire valoir leur position en mettant en avant l'exception de diversité culturelle. D'autre part, il n'est pas invraisemblable que d'autres pays européens nous emboîtent le pas. En outre, si aucune solution n'était trouvée avec la Commission et que cette dernière estimait que la législation française contrevient aux principes communautaires, la Cour de justice de l'Union européenne sera saisie de la question et rien ne permet, là non plus, de prédire quelle sera sa position. Enfin, dans le même temps, il ne faut pas non plus exclure l'idée que les acteurs étrangers, comme Amazone et Google, discutent et tentent de trouver un terrain d'entente.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] L'organisation collective du temps de travail ne peut faire l'objet d'un avantage individuel acquis

Réf. : Cass. soc., 8 juin 2011, n° 09-42.807, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4990HTY)

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N5895BS7

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par Christophe Radé, Professeur agrégé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 30 Juin 2011

Le Code du travail use et abuse de la distinction entre les relations individuelles et collectives de travail, sans que l'on sache toujours très bien concrètement ce que recouvre cette différence. C'est ce que confirme ce nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 8 juin 2011, dans lequel la Haute juridiction devait déterminer si le bénéfice d'une pause quotidienne de 45 minutes assimilée à du temps de travail effectif était susceptible d'être qualifiée d'"avantage individuel acquis", au sens où l'entend l'article L. 2261-14 du Code du travail (N° Lexbase : L2442H9C) (I). La réponse négative de la Haute juridiction, fondée sur la notion d'"organisation collective du temps de travail", doit être approuvée (II).
Résumé

Constitue, notamment, un avantage collectif, et non un avantage individuel acquis, celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l'ensemble des salariés concernés de l'organisation collective du temps de travail qui leur est désormais applicable.

Commentaire

I - Les critères de l'avantage individuel acquis

Critères légaux. La règle légale du maintien des avantages individuels acquis dont les salariés conservent le bénéfice lorsque l'accord dénoncé ou mis en cause n'a pas été remplacé dans l'année, pose des problèmes classiques d'interprétation, notamment parce que la notion d'avantage "individuel" n'est pas des plus aisées. La distinction entre "individuel" et "collectif" sert bien de base à certaines distinctions au sein même du Code du travail, et ce depuis les origines, mais son contenu concret n'a pas toujours grand-chose à voir avec ce que suggère le plan. Ainsi, le plan du Code, dans sa version actuelle applicable depuis le 1er mai 2008, range les règles des licenciements "collectifs" dans la première partie consacrée aux relations individuelles (c'est-à-dire fondées sur le contrat de travail), et la rémunération dans la partie consacrée aux relations collectives (c'est-à-dire fondée sur les accords collectifs)... C'est dire s'il n'est pas possible ici de s'en tenir à une approche aussi formelle.

Précisions jurisprudentielles. L'examen de la jurisprudence fournit quelques indications.

Certains avantages peuvent ainsi se rattacher soit à l'une, soit à l'autre des catégories. Ainsi, le montant, ou niveau (1), le mode et la structure (2) de la rémunération sont des avantages "individuels", alors que les "systèmes" de rémunérations (3) et les règles de réévaluation sont collectifs (4).

D'autres questions ont été réglées de manière plus radicale ; il en va ainsi des avantages qui touchent aux conditions de travail et qui ont été qualifiés de "collectifs" , ou encore les jours de repos accordés aux cadres en forfait-jour qui sont "de nature exclusivement collective" (6).

Synthèse doctrinale. La doctrine s'est essayée, également, à dégager des critères. Dernièrement, Gérard Vachet tentait une synthèse des différentes propositions (7) et distinguait les "avantages collectifs par nature [...] qui peuvent bénéficier à d'autres salariés : par exemple, les dispositions fixant l'ordre des licenciements économiques, l'horaire collectif ou encore certaines règles concernant les conditions de travail" des "avantages collectifs par finalité, (c'est-à-dire) l'ensemble des dispositions ayant pour objet la représentativité du personnel, le droit syndical ou encore la négociation collective car celle-ci prévoit des avantages institués pour bénéficier à une collectivité de salariés". Mais comme le reconnaît l'auteur lui-même, la question des dispositions relatives à la durée du travail n'est pas des plus aisées car toutes les règles ne sont pas de manière évidente collective par nature.

II - L'exclusion des règles d'organisation collective du temps de travail

L'affaire. L'avantage en cause était une pause journalière de 45 minutes considérée comme un temps de travail effectif et dont les salariés continuaient de réclamer le bénéfice en dépit de l'extinction de l'accord dont elle était issue. La cour d'appel leur avait donné raison et considéré qu'il s'agissait ici d'un avantage qui définissait la structure de la rémunération, dont on sait qu'elle est traitée comme un avantage individuel depuis 2008 (8).

Tel n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse l'arrêt, pour violation de l'article L. 2261-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2419H9H), après avoir considéré que "le maintien de cet avantage était incompatible avec le respect par les salariés concernés de l'organisation collective du travail qui leur était applicable, puisque cela les conduisait à travailler 45 minutes de moins que le temps de travail fixé, ce dont elle aurait dû déduire que cet avantage ne constituait pas un avantage individuel acquis par les salariés".

Une solution justifiée. C'est donc parce que l'avantage touchait à "l'organisation collective du travail" qu'il ne pouvait être qualifié d'avantage "individuel". L'affirmation semble juste. Il ne faut en effet pas confondre la question de la durée du travail, qui est collective, et celle du temps de travail individuel des salariés. La durée du travail, faite d'une durée normale et de durées maximums, est en effet collective par nature (lorsqu'elle résulte d'une norme collective, cela va sans dire). Il n'y a qu'à parcourir le Code du travail pour s'en convaincre, et singulièrement son article L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) qui indique clairement que, "pour répondre aux demandes de certains salariés, les employeurs sont autorisés à déroger à la règle de l'horaire collectif de travail et à pratiquer des horaires individualisés...". Ce caractère collectif par nature ressort de nombreuses autres dispositions : l'article L. 3121-10 (N° Lexbase : L0300H9Y) qui dispose, en effet, que "la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile" ; l'article L. 3121-42 (N° Lexbase : L3963IBE) qui fait référence à "l'horaire collectif de travail applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe", etc. (9)

Le temps de travail des salariés est, en revanche, individuel car ces derniers peuvent être conduits à travailler moins que la durée collective, et se trouver alors être à temps partiel, ou plus, et bénéficier alors d'heures supplémentaires. Mais dans cette hypothèse il doit s'agir d'un mode d'organisation collectif du temps de travail, c'est-à-dire commun à tous les salariés et non pas réservé à une fraction du collectif. Considérer, dès lors, que le bénéfice d'un avantage en matière de durée de travail, qui les crédite de 45 minutes de travail effectif en moins à accomplir chaque jour, est collectif, apparaît comme une nécessité en ce que cet avantage modifiait la durée collective du travail.


(1) Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 93-44.811, publié (N° Lexbase : A4045AA3) ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-44.712, FS-P+B (N° Lexbase : A2927DGI) ; Cass. soc., 9 novembre 2010, n° 09-40.744, FS-D (N° Lexbase : A9012GGU).
(2) Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-40.799, FP-P+B+R (N° Lexbase : A4995D9U), v. nos obs., La structure conventionnelle de la rémunération, avantage individuel acquis, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6737BGM) ; Cass. soc., 16 septembre 2008, n° 07-43.580, FS-D (N° Lexbase : A4093EAT), JCP éd. S, 2008, p. 1553, note F. Dumont.
(3) Cass. soc., 12 février 1991, n° 89-45.314, publié (N° Lexbase : A4265AA9).
(4) Cass. soc., 22 avril 1992, n° 88-40.921, publié (N° Lexbase : A1512AAA).
(5) Cass. soc., 1er juin 2005, n° 04-16.994, FS-P+B (N° Lexbase : A5622DI3), v. les obs. de G. Auzero, La notion d'avantage "individuel", Lexbase Hebdo n° 172 du 16 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N5394AIM), JCP éd. E, 2006, 1356, note G. Vachet, JCP éd. S, 2005, 1091, note B. Gauriau, Dr. soc., 2005, p. 1065, obs. Ch. Radé, D., 2006, pan. p. 29, spéc. p. 36 à 38, obs. P.-E. Berthier.
(6) Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-40.830 et n° 08-40.831, F-D (N° Lexbase : A3514ELQ), JCP éd. S, 2009, p. 1599, note G. Vachet.
(7) E. Dockès, L'avantage individuel acquis, Dr. soc., 1993, p. 826 ; A. Bugada, L'avantage acquis en droit du travail, thèse Aix-en-Provence, PUAM 1999 ; Y. Aubrée, Le concept légal d'avantages individuels acquis, RJS, 2000, p. 699.
(8) Cass. soc., 1er juillet 2008, préc..
(9) C. trav., art. L. 3123-7, al. 2 (N° Lexbase : L3894IBT) : "pendant les périodes travaillées, le salarié est occupé selon l'horaire collectif applicable dans l'entreprise ou l'établissement". C. trav., art. L. 3121-43 (N° Lexbase : L3869IBW) et L. 5122-1 (N° Lexbase : L9665IEP): "réduction collective de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail".

Décision

Cass. soc., 8 juin 2011, n° 09-42.807, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4990HTY)

Cassation, CA Aix-en-Provence, 9ème ch. A, 14 mai 2009, n° 2009/460 (N° Lexbase : A8429HKE)

Texte visé : C. trav., art. L. 2261-14 (N° Lexbase : L2442H9C)

Mots-clés : accords collectifs, dénonciation, avantages individuels acquis, durée du travail

Liens Base : (N° Lexbase : E2256ETQ)

newsid:425895

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Contestation de la désignation du représentant des salariés dans les procédures collectives

Réf. : Cass. soc., 15 juin 2011, n° 10-60.392, FS-P+B ([LXB=A7347HTB)])

Lecture: 8 min

N5900BSC

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 30 Juin 2011

Organe obligatoire des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, le représentant des salariés est, contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, élu par les représentants du personnel. Ce n'est qu'en leur absence qu'il est effectivement l'élu des salariés. Quelle que soit la situation envisagée, son élection peut être contestée devant le tribunal d'instance par déclaration au greffe. Si le Code de commerce indique que cette déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les deux jours suivant la désignation du représentant des salariés, il n'a pas fixé avec précision le point de départ de ce très court délai de contestation. L'arrêt rendu le 15 juin 2011 donne l'occasion à la Cour de cassation de combler cette regrettable lacune. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, ce délai ne court qu'à compter de la proclamation nominative des résultats de l'élection ou, à défaut, de l'accomplissement de la formalité de dépôt du procès-verbal de désignation au greffe.
Résumé

En cas de remplacement du représentant des salariés, le délai de contestation intervient, à peine de forclusion, dans les deux jours, ce délai ne courant qu'à compter de la proclamation nominative des résultats de l'élection ou, à défaut, de l'accomplissement de la formalité de dépôt du procès-verbal au greffe. Par ailleurs, en raison des fonctions et prérogatives attribuées au représentant des salariés, la méconnaissance des règles régissant leur désignation ou leur remplacement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Observations

I - L'élection du représentant des salariés

  • Principes

En application de l'article L. 621-4, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L8847INY), dans le jugement d'ouverture, le tribunal "invite le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise. En l'absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel, les salariés élisent leur représentant, qui exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du présent titre. [...] Lorsqu'aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu, un procès-verbal de carence est établi par le débiteur" (1).

Ce texte établit une stricte hiérarchie s'agissant de la désignation du représentant des salariés. Celui-ci est, en effet, désigné en priorité par le comité d'entreprise. Si ce dernier n'existe pas, soit que l'entreprise emploie moins de cinquante salariés, soit qu'ayant franchi ce seuil, il n'a pu être mis en place, ce sont les délégués du personnel qui désignent l'organe. Ce n'est donc qu'en l'absence de ces institutions représentatives du personnel qu'il est véritablement élu par les salariés de l'entreprise. On peut à cet égard se demander si le fait que les représentants du personnel ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un nom autorise le débiteur à solliciter directement les salariés (2). L'article L. 621-4, qui ne permet aux salariés d'élire le représentant qu'en l'absence d'institutions représentatives du personnel, semble l'exclure. Mais il est vrai que ce même texte prescrit l'établissement d'un procès-verbal de carence lorsqu'aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu ; ce qui paraît ménager une issue en cas de mésentente entre les représentants du personnel.

L'article R. 621-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L0860HZU) fixe le délai imparti pour désigner ou élire le représentant des salariés en disposant que "dans les dix jours du prononcé du jugement d'ouverture, le représentant légal de la personne moral débitrice ou le débiteur personne physique, assisté de l'administrateur s'il en a été désigné, réunit le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés".

  • Modalités et formalités

Bien que l'article L. 621-4 du Code de commerce ne soit pas des plus explicites en ce qu'il vise la "désignation" du représentant des salariés par le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, il nous semble que cette "désignation" ne peut être effectuée qu'au terme d'une élection, à laquelle participeront les représentants élus au comité d'entreprise ou les délégués du personnel, qu'ils soient titulaires ou suppléants (3). S'agissant de la seule élection du représentant par les salariés, l'article R. 621-14 du Code de commerce précise qu'elle se réalise par vote secret au scrutin uninominal à un tour.

Si l'élection du représentant des salariés est inutile lorsque l'entreprise ne comporte qu'un seul salarié (4), elle conduit à une situation curieuse lorsqu'elle en emploie deux ; ce qui était précisément le cas dans l'espèce considérée. Sauf à ce que les deux salariés se mettent d'accord, sans qu'il soit nécessaire d'ailleurs et pour d'évidentes raisons d'organiser un vote secret, on aboutira à un procès-verbal de carence.

En tout état de cause, et conformément aux prescriptions du second alinéa de l'article R. 621-14, le procès-verbal de désignation du représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence est immédiatement déposé au greffe du tribunal.

Il convient enfin de souligner qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 621-7 du même code (N° Lexbase : L3447ICN), "le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés de l'entreprise peuvent seuls procéder au remplacement du représentant des salariés". Ce texte exclut que le tribunal saisi de la procédure collective procède à un tel remplacement. On peut aussi considérer qu'il institue une sorte de "parallélisme des formes", en ce sens qu'il interdit qu'un représentant des salariés désignés par le comité d'entreprise soit remplacé par un représentant élu par les salariés ou désigné par les délégués du personnel. Une telle pratique reviendrait à nier la hiérarchie instaurée par la loi entre les institutions représentatives du personnel et la collectivité des salariés.

II - La contestation de l'élection du représentant des salariés

  • Les lacunes de la loi

Si le législateur a pris soin d'organiser une faculté de contestation de l'élection du représentant des salariés, il a omis de préciser certains points. Au titre des dispositions expresses, il convient, en premier lieu, de faire mention du second alinéa de l'article L. 621-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L3975HBT) qui dispose que "les contestations relatives à la désignation (5) du représentant des salariés sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort". Il faut, en second lieu, se tourner vers l'article R. 621-15 du même code (N° Lexbase : L6027IAH) qui apporte quelques précisions quant à la procédure à suivre.

Saisi par déclaration au greffe, le tribunal d'instance statue en dernier ressort dans les cinq jours de sa saisine, sans frais, ni forme de procédure et sur simple avertissement qu'il donne deux jours à l'avance à toutes les parties intéressées. La décision du tribunal d'instance est notifiée par le greffier dans les deux jours (6).

Ainsi qu'on peut le constater, le législateur a souhaité privilégier la rapidité, ce qui se conçoit aisément afin de ne pas paralyser le cours de la procédure par une contestation portant sur l'élection du représentant des salariés. Illustration en est encore donnée par le fort bref délai de contestation, fixé à deux jours par l'article R. 621-15, qui indique, en outre, que ce délai court à compter de la désignation du représentant des salariés. On admettra que le texte est, à cet égard, un peu court, en se bornant à viser "la désignation" (7). Cela est d'autant plus vrai que, vu la brièveté du délai pour contester, il ne doit pas y avoir de place pour l'hésitation. Cette question était précisément au coeur de l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen.

En l'espèce, M. X, juriste au cabinet de Me Y, avocat, avait été élu représentant des salariés, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 22 janvier 2009 à l'égard de son employeur. Exposant avoir appris, le 8 avril 2009, qu'il avait été remplacé dans sa fonction de représentant des salariés le 3 mars 2009, il a contesté ce remplacement devant le tribunal d'instance, saisi par déclaration au greffe du 21 juin 2010. L'Union générale des ingénieurs, cadres, techniciens de la CGT est intervenue volontairement à l'instance. Pour dire forclose la contestation du salarié dont le tribunal avait été saisi le 21 juin 2010, le jugement attaqué a retenu que l'intéressé avait eu connaissance, dès le 14 avril 2009, de son remplacement intervenu le 3 mars 2009.

Ce jugement est censuré par la Cour de cassation au visa des articles L. 621-4, L. 621-6, L. 621-7, R. 621-14 et R. 621-15 du Code de commerce, ensemble les principes généraux du droit électoral. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "il résulte de la combinaison des textes et principes susvisés que, dans les dix jours du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique, assisté de l'administrateur s'il en a été désigné, réunit le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés ; les salariés élisent leur représentant par vote secret au scrutin uninominal à un tour ; le procès-verbal de désignation du représentant des salariés est immédiatement déposé au greffe du tribunal saisi de la procédure collective ; la contestation de la désignation doit intervenir, à peine de forclusion, dans les deux jours de celle-ci ; ce délai ne court qu'à compter de la proclamation nominative des résultats de l'élection ou, à défaut, de l'accomplissement de la formalité de dépôt du procès-verbal au greffe ; il en va de même en cas de remplacement du représentant des salariés".

  • Les précisions apportées par la Cour de cassation

La solution retenue par la Cour de cassation a le mérite de la clarté. Le délai de deux jours pour contester l'élection du représentant des salariés ou son remplacement, dont on a vu qu'il obéit aux mêmes règles que l'élection, court à compter de la proclamation nominative des résultats de l'élection ou, à défaut, de l'accomplissement de la formalité de dépôt du procès-verbal au greffe. La priorité accordée à la proclamation nominative des résultats est logique dès lors que celle-ci intervient, par hypothèse, avant le dépôt du procès-verbal.

Cela étant, on peut éprouver quelque peine à déterminer précisément le fondement de la règle ainsi énoncée par la Cour de cassation et il semble bien que l'on soit en présence d'une pure création prétorienne. Pour autant, on ne saurait en faire le reproche à la Cour de cassation, qui devait ici combler les lacunes de la loi. Cela démontre, une nouvelle fois, la plasticité de ces "principes généraux du droit électoral", figurant, on le rappelle, dans le visa de l'arrêt, spécialement lorsque, comme en l'espèce, ils ne sont pas identifiés par la Cour de cassation (8). Ainsi qu'il a été relevé, "cette référence à des principes généraux du droit apparaît aujourd'hui d'une grande utilité ; devant la grande pauvreté de la législation applicable aux élections professionnelles, elle permet au juge de ne pas s'enfermer dans le déni de justice ; elle est aussi plus souple qu'un renvoi explicite ou implicite au code électoral" (9). Mais, faute d'être précisément identifiés, ces principes généraux du droit électoral ne sont pas aisément mobilisables pour les plaideurs (10).

Il faut, pour conclure, faire état de la réponse apportée par la Cour de cassation au premier moyen du pourvoi de l'UGICT-CGT. Celui-ci avait été motivé par l'irrecevabilité opposée par le jugement attaqué à son intervention volontaire au soutien de l'action du salarié. Pour ce faire, le tribunal saisi du litige s'était borné à relever que le représentant des salariés ne peut être considéré comme une institution représentative du personnel au sens du Code du travail.

La décision est à nouveau censurée, cette fois-ci au visa des articles L. 2132-3 du Code du travail (N° Lexbase : L2122H9H) et R. 621-14 du Code de commerce. Selon la Chambre sociale, "en raison des fonctions et prérogatives attribuées au représentant des salariés, la méconnaissance des règles régissant leur désignation ou leur remplacement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession".

La solution retenue doit être à nouveau approuvée. La motivation des juges du fond était pour le moins curieuse et contestable. Ce n'est pas parce que le représentant des salariés ne peut être assimilé à une institution représentative du personnel que l'intérêt collectif de la profession n'est pas en jeu. Ce qui importe ce sont, ainsi que le souligne la Chambre sociale, ses fonctions et prérogatives et, par voie de conséquence, les règles régissant leur désignation ou leur remplacement.


(1) L'article L. 621-4 intéresse la procédure de sauvegarde. V. aussi les articles L. 631-9 (N° Lexbase : L2554IEC, redressement judiciaire) et L. 641-1 (N° Lexbase : L3431IC3, liquidation judiciaire) du Code de commerce.
(2) V. en ce sens, TI Chambéry, 14 mars 1986, Gaz. Pal. 1986, 1, Somm. 142.
(3) On ne voit pas, en effet, comment les délégués du personnel pourraient matériellement désigner un représentant sans procéder à une élection. La désignation par le comité d'entreprise, personne morale, se conçoit mieux. Mais encore faudra-t-il qu'en amont les membres du comité se mettent d'accord sur le nom du représentant.
(4) V. en ce sens, TGI Paris, ord., 19 octobre 1994, Rev. proc. coll., 1996, p. 123, n° 5, obs. F. Taquet.
(5) Curieusement, le législateur ne parle plus ici de "l'élection".
(6) L'article R. 621-15 précise encore que le délai du pourvoi en cassation est de cinq jours. Le pourvoi est formé, instruit et jugé dans les conditions fixées par les articles 999 (N° Lexbase : L1201H4A) à 1008 du Code de procédure civile.
(7) Ce texte présente d'autres lacunes. Ainsi, aucun mot n'est dit sur les personnes en droit de contester l'élection du représentant des salariés.
(8) V. sur la question, F. Petit, Les principes généraux du droit électoral dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, D., 2005, p. 1815.
(9) F. Petit, ibid., spéc., pp. 1818-1819.
(10) Ainsi que le démontre M. Franck Petit dans sa note précitée, certains de ces principes sont en revanche clairement identifiés, tels la liberté des électeurs, l'égalité des candidats ou encore la liberté des candidatures.

Décision

Cass. soc., 15 juin 2011, n° 10-60.392, FS-P+B (N° Lexbase : A7347HTB)

Cassation, TI Paris 6ème (contentieux des élections professionnelles), 24 septembre 2010

Textes visés : C. com., art. L. 621-4 (N° Lexbase : L8847INY), L. 621-6 (N° Lexbase : L3975HBT), L. 621-7 (N° Lexbase : L3447ICN), R. 621-14 (N° Lexbase : L0860HZU) et R. 621-15 (N° Lexbase : L6027IAH), les principes généraux du droit électoral ; C. trav., art. L. 2132-3 (N° Lexbase : L2122H9H)

Mots-clés : procédures collectives, représentant des salariés, désignation, contestation, délai, point de départ, syndicat, intérêt collectif de la profession

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Sociétés

[Jurisprudence] La perte immédiate de la qualité d'associé d'une SEL consécutive à l'exclusion de celui-ci

Réf. : Cass. civ. 1, 26 mai 2011, n° 10-16.894, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4820HSC)

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)

Le 30 Juin 2011


Le droit des sociétés, comme les autres branches du droit, est régi par le principe fondamental qui s'oppose à ce qu'un associé demeure prisonnier de ses droits sociaux. Celui-ci doit pouvoir sortir de la société aussi librement qu'il y est entré (1). Corrélativement, il a le droit de demeurer aussi longtemps qu'il le désire au sein de la société à laquelle il appartient. C'est dire qu'il ne peut être exclu contre son gré. La doctrine soutient fermement cette idée (2). Mais ce droit n'est pas absolu ; il a pour contrepartie l'obligation de l'associé de sortir de la société, lorsque les textes, ce qui est assez rare, les statuts, ce qui est plus courant, ou les circonstances, ce qui arrive parfois, l'imposent. Reste à déterminer la date à laquelle l'associé retiré ou exclu perd effectivement sa qualité (3). A ce sujet, autant les tribunaux statuent assez souvent sur le retrait d'un associé, autant ils sont moins directement sollicités pour l'exclusion d'un associé, sinon à l'occasion du remboursement des parts de l'associé évincé, par analogie avec la jurisprudence relative au retrait dans les sociétés civiles, ou à l'accord passé entre la société et l'associé sur le nombre de parts à rembourser et leur évaluation, notamment par le recours amiable ou judiciaire à l'expert de l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD).


I - La question fort délicate et importante de la date de perte de la qualité d'associé est débattue dans l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 26 mai 2011. Le cadre du litige est une société d'exercice libéral exploitant un laboratoire d'analyses de biologie médicale. Au cours d'une assemblée générale tenue le 17 avril 2009 à 19h30, un associé co-gérant n'a pu exercer son droit de vote car, lors d'une précédente assemblée générale tenue à 19h, il a fait l'objet d'une exclusion avec effet immédiat, pour non-respect des règles de fonctionnement de la société.

La cour d'appel de Caen, statuant le 30 mars 2010, a annulé l'assemblée de 19h30 à laquelle aurait participé l'associé exclu, si son éviction, bien que non contestée, n'avait pas immédiatement pris effet (4). Pour justifier sa position, la juridiction de seconde instance avait estimé qu'il ne pouvait se déduire de l'article R. 6212-86 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5718HBE), auquel renvoie l'article R. 6212-87 (N° Lexbase : L5719HBG), et repris à l'article 12 des statuts, que la perte de la qualité d'associé était effective dès la décision d'exclusion, pareille interprétation étant contraire, d'une part, au souhait du législateur, les mentions de l'article R. 6212-86 devant avoir pour but, selon l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990, relative aux sociétés d'exercice libéral (N° Lexbase : L3046AIN), de préciser les garanties morales, procédurales et patrimoniales de l'associé exclu ; d'autre part, au droit commun des sociétés.

La décision de la cour d'appel est censurée par la juridiction suprême, au visa des articles 21 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, R. 6212-86 et R. 6212-87 du Code de la santé publique. Selon cette dernière, si conformément à l'alinéa 2 de l'article R. 6212-86, l'atteinte portée aux règles de fonctionnement de la société par un associé emporte la perte immédiate de la qualité d'associé et des droits qui s'y attachent, il faut faire exception jusqu'au remboursement des droits sociaux, de la rétribution des apports en capital.

II - La solution, bien qu'inédite, vient utilement compléter la jurisprudence traditionnellement appliquée en matière de perte de la qualité d'associé dans les sociétés d'exercice d'une activité professionnelle, lesquelles sont régies par des textes spécifiques, qu'il s'agisse des sociétés civiles professionnelles (5) ou, comme en l'espèce, des sociétés d'exercice libéral. Elle revêt une particularité en ce qu'elle confère un effet immédiat à l'exclusion de l'intéressé qui perd à cet instant sa qualité d'associé et toutes les prérogatives qui y sont attachées.

Habituellement, en l'absence de texte spécifique ou en cas de mutisme du texte applicable, ce qui est le cas de l'article 1869 du Code civil (N° Lexbase : L2066AB7), les tribunaux décident que l'associé retiré ne perd sa qualité de membre de la société qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux (6). Cela n'empêche cependant pas que le texte en vigueur, en particulier l'article 1860 du Code civil (N° Lexbase : L2057ABS), énonce expressément que le remboursement des droits sociaux doit précéder la perte de la qualité d'associé en cas d'exclusion liée à la déconfiture, à la faillite personnelle, à la sauvegarde, au redressement ou à la liquidation judiciaire atteignant l'intéressé.

En toute hypothèse, quand un texte particulier détermine clairement la date de perte de la qualité d'associé consécutive à un retrait ou à une exclusion, il s'applique impérativement et rend inefficace la solution prétorienne. C'est particulièrement le cas des sociétés civiles professionnelles à propos desquelles le retrait d'un associé traduit une volonté qu'il exerce discrétionnairement, c'est-à-dire quand il le désire (7), et son exclusion s'impose à lui à titre de sanction, notamment s'il se rend coupable d'une faute qui le prive des conditions exigées pour conserver cette qualité ; elle s'assimile parfois à un retrait forcé.

S'agissant précisément de l'exclusion, objet de notre propos, selon l'article 24, alinéa 3, de la loi du 29 novembre 1966, un associé d'une société civile professionnelle (loi n° 66-879 N° Lexbase : L3146AID) définitivement interdit d'exercer la profession perd sa qualité au jour de cette sanction. Néanmoins, il résulte de la combinaison de cette disposition légale et des articles 32 et 58 du décret du 2 octobre 1967, pris pour son application à la profession de notaire (N° Lexbase : L1983DY4), qu'un tel associé perd son statut de membre de la SCP à dater de la cession de ses parts sociales dans le délai de six mois, et non à compter de la mesure dont il est l'objet (8). Seule donc cette cession le prive de sa qualité d'associé, alors que la destitution devenue définitive l'empêche simplement d'exercer son activité professionnelle.

Ce principe est transposable par identité textuelle aux avocats (9), aux huissiers de justice (10), aux avoués (11), aux commissaires-priseurs (12) et aux commissaires aux comptes (13).

III - Faute d'indication textuelle expresse, la situation paraît incertaine en l'espèce relative à une société d'exercice libéral exploitant un laboratoire de biologie médicale. Les textes applicables en la matière, plus précisément les articles R. 6212-86 et R. 6212-87 du Code de la santé publique, ne soufflent mot sur la date de perte de la qualité de membre de la société par l'associé retrayant ou exclu. Cela explique probablement les positions antagoniques de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Caen.

L'article R. 6212-86 se contente de citer les causes d'exclusion d'un associé de société d'exercice libéral mentionnée à l'article R. 6212-72 (N° Lexbase : L5704HBU mesure disciplinaire entraînant une interdiction d'exercice ou du droit de donner des soins aux assurés sociaux, égale ou supérieure à trois mois, atteinte aux règles de fonctionnement de la société) ; la procédure d'exclusion d'un associé (majorité requise, convocation de l'intéressé par l'assemblée 15 jours au moins avant la date prévue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, présentation de sa défense sur les faits précis qui lui sont reprochés) ; les conséquences de l'exclusion (rachat par un acquéreur agréé par les associés subsistants ou par la société, des parts ou actions de l'associé évincé, évaluation de celles-ci conformément à l'article 1843-4 du Code civil).

L'article R. 6212-87 énonce simplement la conservation par l'associé exclu de ses droits et obligations, exception faite de la rémunération liée à l'exercice de son activité professionnelle.

Ces textes, bien que muets sur la question controversée, ne sont pas dépourvus d'utilité pour la résolution du présent litige. En effet, la première chambre civile procède à leur rapprochement (c'est le mot qu'elle emploie ici) pour censurer l'arrêt de la cour d'appel de Caen et renvoyer la cause ainsi que les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, pour y être fait droit devant la cour d'appel de Rouen. Elle décide que le membre exclu perd immédiatement sa qualité d'associé et les droits qui s'y rapportent, sauf la rétribution des apports en capital, jusqu'au remboursement des droits sociaux. En effet, si conformément à l'article R. 6212-87 du Code de la santé publique, l'intéressé évincé ne conserve pas, autrement dit se trouve privé, de ses droits et obligations d'associé, il perd également sa qualité ; d'où l'invalidation des résolutions d'assemblées postérieures auxquelles il aurait pris part, alors qu'il ne disposait déjà plus des droits attachés à la qualité d'associé, en particulier du droit de vote.

S'agissant de la rémunération inhérente à l'activité professionnelle qu'énonce l'article R. 6212-87, la Cour de cassation la qualifie de "rétribution des apports en capital", expression assez semblable à celle de "rémunérations afférentes à ses apports en capital" utilisée par les décrets relatifs aux sociétés civiles professionnelles, notamment l'article 31, alinéa 2, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 (14). Un courant doctrinal majoritaire (15) perçoit dans cette désignation la rémunération à la charge de la société de la créance de quote-part d'actif net, c'est-à-dire l'actif réalisable diminué du passif dû aux tiers, tandis qu'un auteur le conçoit comme un droit aux bénéfices (16). La présente interprétation de la Cour de cassation semble conforter la première approche doctrinale.

Est-il besoin de le rappeler ? La Cour de cassation signale les articles précités du Code de la santé publique dans le visa de censure de l'arrêt d'appel, à côté de l'article 21 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relatif aux sociétés d'exercice libéral. L'alinéa 2 de ce dernier article dispose que les décrets d'application peuvent édicter des hypothèses d'exclusion d'un associé de la société en mentionnant les garanties morales, procédurales et patrimoniales qui lui sont accordées en ces circonstances.

Contrairement à l'affirmation de la juridiction d'appel de Caen, la disposition textuelle ne vise pas à définir de façon abstraite (à préciser par le juge), le voeu du législateur de protéger l'associé évincé. Elle a pour objet de conférer aux décrets en Conseil d'Etat la faculté de réglementer l'exclusion dont le principe est dégagé par la seule loi.


(1) C. Lapoyade Deschamps, La liberté de se retirer d'une société, D., 1978, chron. p. 123.
(2) J.-P. Storck, La continuation d'une société par l'élimination d'un associé, Rev. sociétés, 1982, p. 242.
(3) M. Laroche, Perte de la qualité d'associé : quelle date retenir ?, D., 2009, p. 1772.
(4) CA Caen, 30 mars 2010 ; Dr. sociétés, mai 2011, n° 90, obs. D. Gallois-Cochet.
(5) Cass. civ. 1, 17 décembre 2009, n° 08-19.895, FS-P+B (N° Lexbase : A7136EPY) ; nos obs., Le défaut de qualité et l'intérêt de l'associé retiré d'une SCP de notaires à agir en nullité d'une assemblée générale postérieure à son départ, Lexbase Hebdo n° 379 du 21 janvier 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N9595BMC), D., 2010, AJ p. 90, obs. A. Lienhard, D., 2010, jur. p. 745, note M. Laroche, JCP éd. E, 2010, n° 5, 1121, note H. Hovasse, Defrénois, 2010, p. 741, note B. Thullier ; Cass. civ. 1, 16 septembre 2010, n° 09-68.720, F-D (N° Lexbase : A5912E9T), Dr. sociétés, décembre 2010, n° 224, obs. H. Hovasse, Bull. Joly Société, 2011, p. 306, note J.-P. Garçon, Cass. civ. 1, 28 octobre 2010, n° 09-68.135,F-P+B+I (N° Lexbase : A7998GC9), D., 2010, AJ p. 2577, obs. A. Lienhard, Bull. Joly Sociétés, 2011, p. 21, note D. Gallois-Cochet, Defrénois 2011, p. 357, note B. Thullier.
(6) Cass. com., 17 juin 2008, deux arrêts, n° 06-15.045, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2140D97) et n° 07-14.965, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2228D9E), RLDA, novembre 2008, n° 1915, nos obs. ; J.-B. Lenhof, Perte de la qualité d'associé et remboursement des droits sociaux dans les sociétés civiles, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6457BGA) ; D., 2008, AJ p. 1818, obs. A. Lienhard ; Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 965, note F.-X. Lucas ; JCP éd. G, 2008, II, 10169 et JCP éd. N, 2008, n° 41, 1306, notes C. Lebel, au sujet d'une SCI et d'un GAEC. V., à propos d'un associé d'une SCI autorisé à se retirer par un jugement désignant un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil pour évaluer ses parts sociales, Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-17.778, F-D (N° Lexbase : A5316HPL), BRDA, 10/2011, n° 2.
(7) Loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, art. 21 (N° Lexbase : L3119AID), à rapprocher de C. com., art. L. 231-6, al. 1er (N° Lexbase : L6278AID), relatif aux sociétés à capital variable : "chaque associé peut se retirer de la société lorsqu'il le juge convenable [...]".
(8) Cass. com., 22 mai 2007, n° 06-12.193, F-P+B (N° Lexbase : A5223DWD), Bull. civ. IV, n° 139 ; BRDA, 19/2007, n° 4 ; Bull. Joly Sociétés 2007, p. 1065, note J.-J. Daigre.
(9) Décret n° 92-680, 20 juillet 1992, art. 54 (N° Lexbase : L7112AZG).
(10) Décret n° 69-1274, 31 décembre 1969, art. 58 (N° Lexbase : L7056AZD).
(11) Décret n° 69-1057, 20 novembre 1969, art. 58 (N° Lexbase : L5214G7A).
(12) Décret n° 69-763, 24 juillet 1969, art. 58 (N° Lexbase : L5215G7B).
(13) C. com., art. R. 822-101 (N° Lexbase : L2252HZG).
(14) "L'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital".
(15) B. Thullier, H. Hovasse, notes sous Cass. civ. 1, 17 décembre 2009, préc., note 5.
(16) D. Gallois-Cochet, note sous Cass. com., 28 octobre 2010, préc., note 5.

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