La lettre juridique n°658 du 9 juin 2016

La lettre juridique - Édition n°658

Éditorial

Avocats "rossés" : vont-ils en redemander ?

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N3161BWY

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 14 Juin 2016


Non, non... vous ne m'entraînerez pas sur le terrain de l'admonestation -loin d'être paternelle- des avocats par les pouvoirs publics, un sujet ô combien sensible, et, malheureusement, ô combien répétitif, en ces temps démocratiques troublés, en Chine aujourd'hui, en France lors des manifestations pour l'aide juridictionnelle, il y a peu encore...

La presse s'est faite l'écho, avec émerveillement, semble-t-il, de ce premier "robot avocat" embauché par un cabinet états-uniens, BakerHostetler. Le summum de la modernité étant d'en passer par l'intelligence artificielle, le cabinet d'avocats séculaire entrait ainsi dans le XXIème siècle, en s'alliant avec IBM et en intégrant la technologie de Watson dans son quotidien, collaborant avec le premier avocat artificiel, répondant au doux prénom de Ross.

Pour le moment, le superordinateur a une seule spécialisation -on verra bien à l'usage si elle peut être homologuée par le CNB-, les faillites d'entreprises ; il analyse les milliers de jurisprudences concernant les faillites et fournit des réponses précises et contextuelles à des questions posées en langage courant et vérifie toutes les modifications de la loi pour en avertir... les avocats, ses collaborateurs.

Pour le cabinet américain, précise encore la presse, une grosse partie du travail consiste, pour les plus jeunes employés, à éplucher des centaines de dossiers et d'articles sur des cas similaires à celui qui sera plaidé et à donner à l'avocat en charge du dossier toute information utile. Du coup, plutôt que de former les jeunes collaborateurs à la récolte puis la synthèse d'informations pour aider à l'apprentissage de la décision, autant confier la tâche à un ordinateur, que dis-je à une intelligence artificielle.

Alors, soyons clair et pragmatique : les avocats ont-ils du souci à se faire ?

On sait la profession bousculée, depuis longtemps, par l'empiètement des autres professions du droit et du chiffre ; on sait la profession attaquée par les "braconniers du droit", sous le sceaux de certifications étatiques ; on sait la profession remise en cause, il y a peu, avec le développement de la legal tech et de ces sites ou solutions de gestion, de documentation, d'information, de formation, et de prédictivité, plus initiés par des titulaires de "diplômes marchands" et des geeks tout autant diplômés, que par des avocats en mal d'innovation.

Mais, voilà que la menace viendrait... de l'intérieur de la profession elle-même ! Au sein des cabinets, garants de la formation, de ce compagnonnage des élèves avocats ou jeunes assermentés. Et, quand on sait les difficultés qu'ont certains jeunes avocats à trouver un stage ou une collaboration, tout cela peut encore effrayer.

Pourtant, si l'on cessait de fantasmer sur le remplacement de l'Homme par la machine, si l'on cessait de croire que l'activité des professionnels, du droit notamment, relève d'un systématisme, d'une pure mécanique de l'analyse, si l'on voulait bien rappeler que la mission de l'avocat est avant tout celle d'un conseil, d'un représentant, d'un accompagnateur et maintenant d'un médiateur, alors on s'apercevrait, avec sérénité, que "l'avocat robot", ce n'est pas pour demain !

D'abord, et avant tout, parce que "avocat" et "robot" sont deux termes antinomiques, comme "l'intelligence" est elle-même antinomique de "l'artificialité" : le point commun de toute forme d'intelligence, c'est... la conscience. Et, c'est dire combien cette conscience est justement le pivot de la profession d'avocat ; il n'y a qu'à lire le serment de la profession, il n'y a qu'à rappeler les principes essentiels auxquels toute action, communication et mission de l'avocat se réfère. Or, que l'on en doute jamais, aucun robot de pourra développer, à coup de machine learning, une conscience ; et n'importe quel test de Turing ne pourra le contredire. En son temps, Montherlant aurait rappelé, dans Fils de personne -c'était prémonitoire- que "la mémoire est l'intelligence des sots" ; et l'ordinateur, c'est d'abord et avant tout de la mémoire.

Ensuite, évitons d'employer les gros mots : la prédictivité est inhérente aux bases de connaissances de demain. C'est le smartknowledge, consécutif du big data d'aujourd'hui. Il n'est point besoin de parler d'intelligence artificielle : il s'agit d'une exploitation ordonnée, structurée et synthétisée des datas. Du machine learning ? Pour le moment, en matière documentaire, les solutions ne font pas l'unanimité, contrairement peut-être aux solutions de gestion contractuelle ; à commencer par le fait que les datas en question ne sont pas normées, sont très diverses, ne sont pas objectives, et sont temporelles et non universelles... Bref, la conscience de l'Homme est le prisme de l'analyse décisionnelle en matière contentieuse comme rédactionnelle de l'avocat ; le reste ne demeurant "que" des outils prédictifs, avec la marge d'erreur que l'on voudra bien leur accorder, car le droit est avant tout... une science humaine.

Enfin, et après ces fondamentaux, rappelons que les papes de l'informatique et de l'algorithme eux-mêmes s'élèvent contre le développement de l'intelligence artificielle, au nom de la civilisation et de l'humanité -et le droit n'est-il pas justement le ciment de la civilisation-. L'astrophysicien Stephen Hawking craignait que l'Homme développe une intelligence artificielle qu'il ne pourra pas contrôler, ajoutant que "réussir à créer une intelligence artificielle serait le plus grand événement dans l'histoire de l'Homme. Mais ce pourrait aussi être le dernier". Bill Gates n'est pas sur une autre ligne. Il faut être prudent donc avec les mots si l'on ne veut pas effrayer inutilement, si l'on ne veut pas tomber dans la mécanisation d'une profession qui tire ses lettres de noblesses de son humanisme.

Les avocats peuvent continuer à se faire "rosser", ils n'en perdront pas plus leur identité, car la conscience est l'âme de leur profession. La machine prédit et applique de manière objective ; l'avocat prédit mais surtout oriente et s'engage pour, au nom de son client. Aux bases de données, au smartknowledge de leur montrer comment les aider et non comment les concurrencer. Ce serait une faute terminologique, un quiproquo irréparable.

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Avocats/Responsabilité

[Jurisprudence] Responsabilité de l'avocat qui défend un confrère

Réf. : TGI Paris, 6 avril 2016, RG n° 14/15929 (N° Lexbase : A7900RL8)

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N2930BWG

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par Gaëlle Deharo, Professeur, Laureate International Universities (ESCE), Centre de recherche sur la justice et le procès, Université Paris 1

Le 09 Juin 2016

La fonction de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime aux dépens du responsable dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. Soumis à une obligation générale de loyauté, de prudence et de diligence, l'avocat est tenu à une obligation absolue de conseil comprenant l'obligation d'informer et d'éclairer son client, dans la limite de la mission qui lui est confiée et, à défaut de rapporter la preuve qu'il a rempli son devoir de conseil, il doit réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Telle est la substance du jugement rendu le 6 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Paris. "La question des honoraires est importante d'une part pour l'image de la profession, d'autre part parce que de nombreux litiges entre l'avocat et son client trouvent leur origine, voire leur prétexte, dans la facturation" (1). Cette question était, une nouvelle fois, à l'origine de l'affaire soumise au tribunal de grande instance de Paris.

Saisi d'un litige opposant un avocat à son client sur le montant de la rémunération, le Bâtonnier taxa les honoraires dus par le client à l'avocat. Un recours fut formé. Estimant un volume horaire de travail de l'avocat moins important, le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel fixa le montant des honoraires à un niveau bien inférieur à celui qui avait été déterminé en première instance.

L'affaire aurait pu en rester là, mais l'avocat insatisfait de la décision décida de rechercher par la voie indemnitaire la satisfaction qu'il n'avait pas obtenue dans le cadre du litige portant sur la rémunération. Poursuivant son confrère, chargé de le représenter dans la procédure d'appel en contestation des honoraires, l'avocat demandait réparation du préjudice subi du fait de la perte d'une chance d'obtenir confirmation de la décision du Bâtonnier. Plus précisément, le demandeur estimait qu'en raison de la défaillance du défendeur, il ne lui avait pas été possible de communiquer à la cour des pièces qui auraient permis une évaluation plus favorable du montant des honoraires. Le défendeur répliquait, quant à lui, que le demandeur ne rapportait pas la preuve de l'obligation qui lui incombait de représenter son confrère, ni du préjudice allégué.

Ce sont ainsi deux questions distinctes qui étaient posées à la juridiction : la première portait sur la preuve du mandat de représentation, alors que la seconde relevait de la perte de chance procédant de la faute alléguée de l'avocat.

Après avoir rappelé que "la fonction de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime aux dépens du responsable dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu", les juges ont reconnu l'existence d'une obligation incombant au défendeur de représenter son confrère et, par conséquent, un manquement à son obligation de diligence (I), mais ont rejeté la demande tendant à l'indemnisation de la perte de chance (II).

I - Le manquement du défendeur à son obligation de diligence

Le demandeur alléguait de ce que le défendeur avait été chargé de la défense de ses intérêts dans la procédure en contestation des honoraires. Il invoquait, au soutien de sa prétention, des éléments de preuve de rendez-vous ainsi que des échanges de pièces par télécopies. Ayant ainsi chargé son confrère de la défense de ses intérêts, l'absence de celui-ci à l'audience d'appel aurait, selon l'argumentation du demandeur, privé le client de la possibilité de faire valoir correctement des pièces importantes. Il aurait ainsi perdu une chance d'obtenir une évaluation plus favorable de sa rémunération.

Le défendeur contestait, quant à lui, l'existence de cette obligation et, par conséquent, le manquement à son obligation de diligence. Il invoquait au soutien de son argumentation le fait qu'il n'avait touché aucun honoraire de la part du demandeur et n'apparaissait pas dans la procédure.

Saisi de la question, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'argumentation du défendeur : les juges ont relevé que celui-ci, au vu des pièces produites, ne pouvait sérieusement contester qu'il s'était vu confier le soin de défendre les intérêts de son confrère.

Aussi, aux termes de l'article 411 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6512H7C), la faute de l'avocat consistait dans le fait de ne pas accomplir correctement les actes de la procédure (2) et se trouvait caractérisée en l'espèce par la défaillance du défendeur qui "soumis à une obligation générale de loyauté, de prudence et de diligence, est tenu à une obligation absolue de conseil comprenant l'obligation d'informer et d'éclairer son client, dans la limite de la mission qui lui est confiée, et, à défaut, de rapporter la preuve qu'il a rempli son devoir de conseil, il doit réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis sur le fondement de l'article 1147 du Code civil".

La méconnaissance par le mandataire de son "devoir" d'exécuter le mandat relève de l'appréciation souveraine des juges. Or, ceux-ci relevaient en l'espèce que le défendeur était tenu de se présenter à l'audience et que le fait qu'il n'avait pas reçu d'honoraires ne saurait être pris en compte : "étant relevé qu'il avait accepté la mission et que s'il pouvait décider de ne pas la poursuivre, il lui appartenait alors de prévenir son client en temps utiles, afin de permettre à celui-ci de le remplacer, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce".

Cette décision trouve ancrage dans la jurisprudence antérieure qui, d'année en année, est venue ciseler et alourdir la responsabilité de l'avocat (3) à l'égard de ses clients (4), fussent-ils avocats. La jurisprudence, en effet, se montre assez sévère à l'égard de l'avocat défaillant : professionnel du droit qualifié, il doit offrir à son client une prestation de conseil complète et vierge de toute faute à tous les stades de son intervention (5). Il est tenu de mettre ses compétences au service de son client et de faire preuve de toutes diligences utiles pour assurer la défense de ses intérêts (6) et présenter le plus habilement possible les prétentions et les moyens du mandant (7). Le jugement du tribunal de grande instance de Paris soulignait, en l'espèce, la fermeté de la jurisprudence en la matière en insistant sur "l'obligation générale de loyauté, de prudence et de diligence" et "l'obligation absolue de conseil" dont l'avocat n'est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, pas déchargé par les compétences des parties (8).

Bien que la juridiction ait caractérisé la faute de l'avocat dans l'exécution de son obligation de diligence, cela ne suffit cependant pas à engager la responsabilité de l'avocat : "il convient d'en examiner les conséquences préjudiciables pour le demandeur, s'agissant de la perte définitive de la chance de voir réexaminer en voie d'appel l'affaire l'opposant à son client et le cas échéant, de la disparition d'une éventualité favorable". C'est sur ce point que s'opposaient encore le demandeur et le défendeur.

II - La perte de chance procédant de la faute de l'avocat

Le demandeur estimait n'avoir pas été en mesure de présenter des pièces importantes caractérisant un volume horaire de travail plus important que celui retenu en appel et justifiant, par conséquent, une rémunération plus importante. Il arguait donc de la perte d'une chance d'obtenir une rémunération plus intéressante en raison de la défaillance de l'avocat et en sollicitait la réparation (9).

La perte d'une chance se définit comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (10) que la jurisprudence sanctionne sur le fondement de la responsabilité civile (11).

Malgré l'importance de la jurisprudence, la mise en oeuvre de la perte de chance reste délicate. L'appréciation de l'aléa caractéristique de la perte de chance impose au juge de réaliser un diagnostic rétrospectif de ce qu'aurait été la solution du litige si le demandeur n'avait pas été privé de l'événement favorable par la défaillance de l'avocat (12). En conséquence, les prétentions indemnitaires sont rejetées lorsque les clients ne justifient pas d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable de succès (13). Dans le même sens, l'aléa n'est pas caractérisé, et la perte de chance est donc rejetée, si la situation était vouée à l'échec depuis le début car la victime ne peut invoquer aucun préjudice (14).

C'est dans cette perspective que les juges ont, en l'espèce, rappelé que "la perte de chance doit être mesurée en considération de l'aléa jaugé et ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée". Deux principes classiques sont ainsi convoqués par le tribunal de grande instance de Paris :

L'existence de l'aléa est nécessaire pour établir la perte de chance. Sous cet éclairage, c'est à un examen de l'affaire au fond que les juges se sont livrés en l'espèce : après avoir rappelé la procédure applicable en matière de contestation des honoraires, le tribunal de grande instance de Paris a apprécié ce qu'aurait pu être la solution si la défaillance de l'avocat n'avait pas privé le demandeur de la possibilité de présenter les pièces litigieuses en appel. Or, en l'espèce, les juges ont constaté que les pièces au soutien de la décision ne permettaient pas d'envisager que le demandeur ait été privé de l'éventualité d'un événement favorable. En conséquence, les demandes tendant à obtenir la condamnation de l'avocat à indemniser la perte de chance de son client sont rejetées.

L'indemnité doit être appréciée indépendamment de celle qu'aurait procurée la chance si elle s'était réalisée. Le préjudice n'est que la perte d'une chance et l'avocat, si sa responsabilité est retenue, ne doit indemniser ses clients que dans la mesure de la chance ainsi perdue. La Cour de cassation précise que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (15). Les juges du fond doivent donc distinguer l'indemnité de réparation et l'indemnisation de la perte d'une chance (16) qui sera, d'une façon certaine, inférieure à l'intégralité de la rémunération obtenue en première instance (17).


(1) J.-L. Gaineton, Profession, modes d'exercices, périmètre d'activité, Gaz. Pal., 26 juin 2012, n° 178, p. 12.
(2) P. Julien, N. Fricéro, Représentation en justice, Encycl. Juris. Classeur, fasc., 106, n° 149.
(3) Y. Avril, La responsabilité de l'avocat n'est pas subsidiaire, Gaz. Pal., 4 janvier 2011, n° 4, p. 15.
(4) Y. Avril, Responsabilité de l'avocat, Dalloz, 3ème éd. 2014.
(5) J.-L. Gaineton, J. Villacèque, La responsabilité civile de l'avocat encore renforcée, Gaz. Pal., 21 juin 2014, n° 172 ; J. Julien, S. Davy, La responsabilité professionnelle de l'avocat in , B. Beignier, J. Blanchard (Dir.), Droit et déontologie de l'avocat, LGDJ 2008, chap. 10, p. 401.
(6) P. Julien, N. Fricéro, op. cit. et loc. cit., n° 149. - Adde. Cass. civ. 1, 18 janvier 1989, n° 87-11.001 (N° Lexbase : A8862AAH).
(7) M. Jaouen, Moyen de défense inopérant et stratégie judiciaire de l'avocat : l'immunité confirmée, Gaz. Pal., 19 janvier 2016, n° 3, p. 15.
(8) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B (N° Lexbase : A4608EBB). La jurisprudence est régulièrement réaffirmée pour les professions de conseils : voir par ex. pour les notaires : Cass. civ. 1, 13 décembre 2012, n° 11-19.098, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8294IYT).
(9) Cass. civ. 1, 19 décembre 2013, n° 13-11.807, F-P+B+I (N° Lexbase : A7375KSX) ; A.-L. Fabas-Serlooten, La certitude de la perte de chance procède de la faute de l'avocat, Gaz. Pal., 31 mars 2014, n° 64, p. 7.
(10) Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-15.674, F-P+B (N° Lexbase : A5286DSL) ; Cass. civ. 1, 4 juin 2007, n° 05-20.213, FS-P+B (N° Lexbase : A5503DWQ).
(11) S. Guinchard, A. Varinard, T. Debard, Institutions juridictionnelles, Dalloz 2015, 13 éd., n° 1126, p. 1101.
(12) G. Deharo, Responsabilité de l'avocat : faute, péremption et radiation, JCP éd. G, 2013, 605.
(13) Cass. civ. 1, 30 avril 2014, deux arrêts, n° 12-22.567, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6831MK9) et n° 13-16.380, F-P+B+I (N° Lexbase : A6870MKN) - Adde Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-20.606, F-D (N° Lexbase : A4296MUN).
(14) P. Julien, N. Fricéro, op. cit. et loc. cit., n° 150 et 151.
(15) Cass. civ. 1, 21 février 2006, n° 04-10.314, F-D (N° Lexbase : A1749DN4).
(16) Cass. civ. 1, 21 février 2006, n° 04-20.844, F-D (N° Lexbase : A1814DNI).
(17) R. Martin, Droit de la profession d'avocat, JCP éd. G., 2006, doctr., 188, n° 20.

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Baux commerciaux

[Chronique] Chronique de droit des baux commerciaux

Réf. : Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 15-12.750, F-D (N° Lexbase : A0183RR9) ; CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 mai 2016, n° 14/09332 (N° Lexbase : A1340RQP)

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N3158BWU

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 09 Juin 2016

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, le chronique de droit des baux commerciaux de Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l’Ouvrage "baux commerciaux". L'auteur commente, tout d'abord, un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 mai 2016 en matière de clause résolutoire et de procédures collectives du preneur (Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 15-12.750, F-D). Il revient, ensuite, sur un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mai 2016, aux termes duquel doit être réputée non écrite la clause d'indexation qui prévoit que la première indexation interviendra moins d'un an après la date d'effet du bail, alors qu'elle stipule que la période de variation de l'indice à prendre en compte pour l'indexation est de une année (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 mai 2016, n° 14/09332)

Solution

L'action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement. Les effets attachés au principe de l'interdiction des poursuites individuelles doivent être, au besoin, relevés d'office.

Faits

En l'espèce, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail. Après avoir délivré, le 15 mars 2011, au locataire, un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré de loyers, le bailleur l'a assigné en constatation de la résiliation du bail, expulsion, paiement des loyers dus et fixation de l'indemnité d'occupation. Par jugement (au fond) du 19 septembre 2012, le tribunal de grande instance a, notamment, constaté la résiliation du bail et ordonné l'expulsion du locataire. Ce dernier a interjeté appel du jugement et, postérieurement mais avant que la cour d'appel ne statue, le tribunal de commerce a prononcé son redressement judiciaire. La cour d'appel, dans un arrêt du 2 décembre 2014 (1), a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait constaté la résiliation du bail et ordonné l'expulsion. Le locataire s'est pourvu en cassation. Au regard de la jurisprudence, la solution encourait inéluctablement la cassation.

Observations

La clause résolutoire, ou clause de résiliation, est une clause qui prévoit qu'en cas d'inexécution par l'une des parties à un contrat de ses obligations, ce dernier sera résilié de plein droit. Compte tenu de la gravité de la sanction, qui contredit la protection qu'a entendu accorder le législateur à l'exploitant d'un fonds de commerce, l'article L. 145-41 du Code de commerce (N° Lexbase : L5769AII) en a largement tempéré les effets. Cette limitation des effets de la clause résolutoire et les solutions jurisprudentielles dégagées sur ce point ont conduit la Cour de cassation à estimer que cette résiliation n'avait plus rien d'amiable (2).

L'article L. 145-41 du Code de commerce prévoit, d'une part, que la clause prévoyant la résiliation de plein droit ne peut produire effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux, commandement qui doit mentionner, à peine de nullité, ce délai. Il offre, d'autre part, au juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 (N° Lexbase : L1358ABW), 1244-2 (N° Lexbase : L1359ABX) et 1244-3 (N° Lexbase : L1360ABY) du Code civil, en accordant des délais, la faculté de suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation.

L'article L. 145-41 du Code de commerce prévoit une limite à cette faculté judiciaire de suspendre les effets de la clause résolutoire : la résiliation ne doit pas avoir été constatée ou prononcée par une "décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée". 
La question s'est posée des effets de l'ouverture d'une procédure collective du locataire postérieurement à l'acquisition d'une clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers. 
Il a été jugé, de manière constante, que si à la date du jugement d'ouverture, la résiliation en vertu d'une clause résolutoire pour non-paiement de loyers antérieurs à ce jugement n'était pas constatée par une décision ayant "force de chose jugée", la résiliation ne pouvait plus être poursuivie (3). La solution se fonde notamment sur la règle de l'interruption et de la suspension des poursuites entraînées par l'ouverture d'une procédure collective (C. com., art. L. 622-21 N° Lexbase : L3452ICT) et sur les dispositions de l'article de l'article L. 145-41 du Code de commerce qui subordonnent la résiliation définitive du bail à une décision de justice ayant "acquis autorité de la chose jugée", puisque jusqu'à la survenance d'une telle décision, la suspension des effets de la clause peut être ordonnée (4).

L'arrêt rapporté, rendu au visa de l'article L. 622-21, I, du Code de commerce rappelle cette solution.
A l'instar des précédentes décisions rendues sur ce point, l'arrêt du 26 mai 2016 vise l'absence de "décision passée en force de chose jugée" et non, comme l'article L. 145-41 du Code de commerce l'envisage, de "décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée".
Les deux notions sont différentes : un jugement a autorité de la chose jugée relativement à la contestation tranchée dès son prononcé (C. proc. civ., art. 480 N° Lexbase : L6594H7D) (5), tandis qu'il a force de chose jugée s'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ou, s'il est susceptible d'un tel recours, à l'expiration du délai de recours si ce dernier n'a pas été exercé dans les délais (C. proc. civ., art. 500 N° Lexbase : L6617H79).

L'arrêt rapporté rappelle également que le juge est tenu de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interdiction des poursuites individuelles (6).

  • Irrégularité de la clause d'indexation en raison d'une distorsion prohibée lors de la première indexation (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 mai 2016, n° 14/09332 N° Lexbase : A1340RQP ; cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E7986AEI)

Solution

Doit être réputée non écrite la clause d'indexation qui prévoit que la première indexation interviendra moins d'un an après la date d'effet du bail, alors qu'elle stipule que la période de variation de l'indice à prendre en compte pour l'indexation est de une année.

Faits

En l'espèce, un bail signé 25 juin 1998 à effet au 1er juillet 1998 stipulait une clause d'indexation du loyer libellée comme suit : "il est expressément convenu qu'en application des dispositions de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953, le loyer sera modifié annuellement de plein droit et sans aucune formalité le 1er janvier de chaque année proportionnellement aux variations de l'Indice national du coût de la construction publié par l'INSEE ; la première révision prendra effet le 1er Janvier 1999 et ensuite chaque année à la même date.
L'indice de référence sera celui du 4ème trimestre 1997 soit 1068.
C'est donc la variation constatée d'une année sur l'autre de l'indice de ce même trimestre qui sera retenue pour le calcul de l'indexation de loyer.
En cas de retard dans la publication de l'indice, le loyer pourra être calculé par provision en fonction du dernier indice publié
".

Les parties avaient renouvelé le bail par acte du 29 juin 2007, moyennant un loyer porté à la somme annuelle en principal de 70 250,16 euros étaient convenues que les clauses et conditions du bail précédent non modifiées par des dispositions nouvelles conserveraient leur plein effet et en particulier la clause d'indexation figurant dans le bail expiré.
Le locataire, estimant que la clause d'indexation était irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5471ICM), a assigné le bailleur pour voir juger non écrite la clause d'indexation et obtenir le remboursement des loyers indûment versés à ce titre.

Observations

L'article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier dispose que "est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision".
Cette prohibition d'une période de variation de l'indice supérieure à celle s'écoulant entre les révisions, malgré son ancienneté (elle résulte de l'article 10 de la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1977, relative à diverses dispositions en matière de prix) a donné récemment lieu à un abondant contentieux ayant abouti à plusieurs décisions de la Cour de cassation qui en précisent les contours.
La Haute cour a ainsi jugé que la clause d'indexation à indice de base fixe n'était pas, sur le principe, irrégulière (7) si l'application d'un indice de référence fixe n'a pas conduit lors des indexations successives à une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire et la durée s'écoulant entre deux révisions (8), distorsion qui peut se produire, par exemple, en cas de modification du loyer en cours de bail sans modification de la clause d'indexation (9).
La Cour de cassation a également précisé que la clause d'indexation, qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse, est nulle (10).

Dans l'arrêt rapporté, la question était posée de savoir si la clause d'indexation qui conduit, lors de la première indexation seulement, à la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée qui s'est écoulée entre la date d'effet du bail et la date de la première indexation, tombait dans le champ de cette interdiction.
En l'espèce, le bail avait pris effet au 1er juillet 1998 et il prévoyait une indexation de plein droit (bien que la référence aux dispositions de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L. 145-38 du Code de commerce N° Lexbase : L5034I3T, fût maladroite puisque ce texte concerne la révision triennale qui ne doit pas être confondue avec une indexation conventionnelle) au 1er janvier de chaque année.
La première indexation devait donc intervenir le 1er janvier 1999, ce que la clause prévoyait du reste expressément en visant cette date pour la "première révision".
La clause d'indexation visait également un indice de référence (4ème trimestre 1997) et imposait de retenir "la variation constatée d'une année sur l'autre de l'indice de ce même trimestre [...] pour le calcul de l'indexation de loyer".
En conséquence, la période de variation de l'indice prévue (un an) était supérieure à la durée qui s'est écoulée entre l'application du loyer initial et la première indexation (six mois).

Toutefois, pour les indexations postérieures, les prescriptions de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier devraient a priori être respectées puisque la durée s'écoulant entre chaque révision (chaque 1er janvier) est égale à la période de variation de l'indice que la clause d'indexation a prévu (période de variation de un an). La cour d'appel relève d'ailleurs que les indexations ultérieures (mais pour une raison qui n'est pas expliquée, seulement à compter du 1er janvier 2005), période de révision et période de variation de l'indice ont coïncidé.
La "distorsion" lors de la première indexation seulement était-elle de nature à entraîner l'irrégularité de la clause ? La réponse n'apparaît pas nécessairement évidente au regard de la lettre de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier qui interdit "la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision". Or, à l'occasion de la première indexation, le loyer n'a pas été préalablement révisé par le jeu de la clause d'indexation puisqu'il s'agit du loyer initialement convenu.
La cour d'appel de Paris a considéré qu'une telle clause était cependant irrégulière dès lors qu'elle créée une distorsion prohibée entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre chaque révision (11). En réalité, l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier n'interdit pas toute distorsion et n'impose pas en conséquence une coïncidence parfaite entre période de révision et période de variation de l'indice, seule la distorsion induite par une période de variation de l'indice supérieure à celle de la révision étant proscrite.

Cette décision est également intéressante en ce qu'elle a infirmé le jugement objet de l'appel qui avait pratiqué un "dépeçage" de la clause d'indexation (12). Le juge de première instance avait en effet distingué le principe de l'indexation, considéré conforme aux dispositions de Code monétaire et financier, et les modalités de la première indexation, jugées non conformes à ces dispositions.
La cour d'appel de Versailles avait consacré une approche similaire en maintenant l'application d'une clause d'indexation tout en éradiquant la seule stipulation qui limitait ses effets à la hausse jugée contraire aux dispositions du Code monétaire et financier (13).
Dans l'arrêt rapporté, la cour d'appel de Paris ne semble pas rejeter sur le principe la possibilité de maintenir une clause d'indexation en éradiquant les seules stipulations irrégulières de cette clause. Elle précise en effet que "la clause telle qu'elle était libellée formait un tout indivisible" et que les parties étaient convenues que "cette clause constituait une clause essentielle et déterminante de leur engagement sans opérer de distinction entre les différentes propositions". La Cour de cassation a retenu une approche similaire. Dans l'arrêt du 25 février 2016 condamnant les clauses d'indexation à la hausse, elle avait en effet également approuvé la cour d'appel d'avoir réputé une telle clause non écrite dans son entier, en considération du "caractère essentiel de l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l'indexation" (14).


(1) CA Lyon, 2 décembre2014, n° 13/03482 (N° Lexbase : A6890M4X).
(2) Rapport annuel de la Cour de cassation 2006, page 339.
(3) V., not., Cass. com., 12 juin 1990, n° 88-19.808, publié (N° Lexbase : A4395ACR), Bull. civ. IV, n° 172, D., 1990, jur., p. 450, note F. Derrida ; Cass. civ. 3, 9 janvier 2008, n° 06-21.499, FS-P+B (N° Lexbase : A2696D3A), Bull. civ. III, n° 1, Rev. loyers 2008/885, n° 714, note Ch.-H. Gallet, AJDI, 2008, p. 288, note M.-P. Dumont-Lefrand, Loyers et copr., 2008, comm. n° 83, note Ph.-H. Brault ; Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-17.662 (N° Lexbase : A0621EBM), Bull. civ. IV, n° 184, nos obs. Lexbase, éd. priv., 2008, n° 328 (N° Lexbase : N7648BHQ), Rev. loyers, 2009/893, n° 888, note C.-H. Gallet, Gaz. Pal., 6 et 7 février 2009, p. 32, note C.-E. Brault, Loyers et copr., 2008, comm. n° 280, note P.-H. Brault ; Cass. com., 2 octobre 2012, n° 11-21.529, F-D (N° Lexbase : A9712ITU).
(4) V., sur le plein effet d'une clause résolutoire d'un crédit-bail immobilier acquise avant le jugement d'ouverture dès lors qu'"aucun texte n'autorise la suspension des effets d'une clause résolutoire d'un contrat de crédit-bail immobilier" : Cass. com., 8 avril 2015, n° 14-11.129, F-D (N° Lexbase : A5190NGC), Rev. proc. coll., 2015, n° 4, p. 49, note F. Macorig-Venier.
(5) Sur la question de l'autorité de chose jugée des ordonnances de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire, v. Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B (N° Lexbase : A8054EAK), Bull. civ. III, n° 152 ; nos obs., Lexbase, éd. privée, 2008, n° 324 (N° Lexbase : N4986BH7) ; Rev. loyers, 892/2008, n° 868, note C.-H. Gallet ; Gaz. Pal., 6 et 7 février 2009, p. 6, note C.-E. Brault ; Loyers et copr., 2008, comm. n° 279, note E. Chavance.
(6) V. également en ce sens, Cass. civ. 3, 18 septembre 2012, n° 11-19.571, F-D (N° Lexbase : A2449ITU)
(7) Cass. civ. 3, 16 octobre 2013, n° 12-16.335, FS-P+B (N° Lexbase : A0870KNK), Rev. loyers, 2013/942, n° 1692, note M.-O Vaissié et H. Chaoui.
(8) Cass. civ. 3, 11 décembre 2013, n° 12-22.616, FS-P+B (N° Lexbase : A3495KRU), Bull. civ. III, n° 159 ; nos obs., Lexbase, éd. aff., 2013, n° 363 (N° Lexbase : N9990BT8) ; Rev. loyers, 2014/943, n° 1718, note M.-O Vaissié et H. Chaoui ; AJDI, 2014, p. 1, note J.-P. Blatter. Voir également Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.034, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0655M7E), Rev. loyers 2015/953, n° 1962, note de B. de Lacger ; Loyers et copr., 2014, comm. n° 13, note E. Chavance.
(9) Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-28.165, FS-P+B (N° Lexbase : A4429QDE).
(10) Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-28.165, FS-P+B, préc., Rev. Loyers, 2016/966, n° 2318, nos obs..
(11) V. également, en ce sens, CA Versailles, 20 octobre 2015, n° 15/00545 (N° Lexbase : A6871NTN) et TGI Paris, 18ème ch., 10 mars 2016, n° 14/13510 (N° Lexbase : A8365RLE), bien que dans cette dernière décision, le tribunal ait également relevé que la distorsion se retrouvait à chaque indexation.
(12) V. également, refusant de "corriger" partiellement la clause d'indexation CA Chambéry, 3 mai 2016, n° 14/01670 (N° Lexbase : A8879RMS) et CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/21626 (N° Lexbase : A2179N4H).
(13) CA Versailles, 10 mars 2015, n° 13/08116 (N° Lexbase : A0193NDI).
(14) Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-28.165, préc..

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Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Sur les amendes sanctionnant le défaut de déclaration de comptes à l'étranger - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° ch., 18 mai 2016, n° 397826, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4974RPW)

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par Emilie Bokdam-Tognetti, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 16 Juin 2016

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 18 mai 2016, a été invité à renvoyer ou non une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l'application de deux amendes différentes (l'une prévue par le CGI et l'autre par le Code monétaire et financier) pour défaut de déclaration de comptes à l'étranger (CE 9° et 10° ch., 18 mai 2016, n° 397826, inédit au recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Emilie Bokdam-Tognetti. La présente QPC illustre la malheureuse (et malencontreuse) rencontre de malfaçons de codification et de décalages de code suiveur avec le principe d'égalité devant la loi répressive.

L'exploitation de fichiers dérobés dans une banque en Suisse ayant révélé que le requérant y détenait plusieurs comptes bancaires non déclarés à l'administration fiscale française, celle-ci lui a appliqué, au titre des années 2008 à 2011, l'amende fiscale prévue par le IV de l'article 1736 du CGI (N° Lexbase : L1593IZZ) en cas de non déclaration de comptes ouverts à l'étranger, pour un montant total de 416 366 euros.

L'intéressé a alors contesté ces amendes devant le tribunal administratif de Paris. A l'appui de sa demande en décharge, il a soulevé une QPC portant sur le IV de l'article 1736 du CGI, qui vous a été transmise par une ordonnance du 22 février 2016 de la présidente de la 1ère section de ce tribunal (TA Paris, 22 février 2016, n° 1505863 N° Lexbase : A6220RP3).

Avant les modifications apportées par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7) (applicables à compter de l'imposition des revenus afférents à l'année 2008), le IV de l'article 1736 du CGI disposait que : "Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (N° Lexbase : L1746HMM) [imposant, lors de chaque déclaration de revenus, la déclaration des références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger] et de l'article 1649 A bis (N° Lexbase : L9502IYL) [relatives à l'obligation de déclaration des avances sans intérêts] sont passibles d'une amende de 750 euros par compte ou avance non déclaré".

La loi de finances rectificative pour 2008 a accru la sévérité de ces sanctions, en portant le montant de l'amende à 1 500 euros par compte ou avance non déclaré, l'amende étant par ailleurs majorée et portée à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative méconnue concerne un Etat ou un territoire non coopératif.

Enfin, la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L4518IS7), a ajouté au IV de l'article 1736 du CGI un second alinéa, visant à renforcer la sanction en cas d'enjeux financiers importants, en substituant à l'amende forfaitaire une amende proportionnelle au solde créditeur du compte non déclaré, lorsque celui-ci dépasse un certain seuil. Ce nouvel alinéa, qui s'est appliqué aux déclarations devant être souscrites à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, prévoit ainsi que : "Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa du présent IV".

Les amendes litigieuses ayant été infligées au requérant sur le fondement des dispositions du IV de l'article 1736 du CGI dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 au titre des années 2008 à 2010, et du second alinéa du même IV dans leur rédaction complétée par la loi du 14 mars 2012 au titre des revenus de l'année 2011, ces dispositions sont applicables au litige.

Ont-elles déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ?

Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Paris dans l'ordonnance de transmission de la présente QPC, qui a considéré que le Conseil constitutionnel ne se serait "pas prononcé sur la conformité du paragraphe IV de l'article 1736 dans sa totalité, en particulier en ce qu'il inflige une amende de 1 500 euros par compte non déclaré", la réponse à cette première interrogation paraît positive s'agissant du IV de l'article 1736 dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, devenu le premier alinéa du même IV après l'ajout apporté par le législateur en 2012.

En effet, dans sa décision n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015 (Cons. const., 17 septembre 2015, n° 2015-481 QPC N° Lexbase : A2348NPN ; RJF, 12/15, n° 1040), le Conseil constitutionnel était saisi, sur renvoi des 3° et 8° sous-sections réunies (CE 3° et 8° s-s-r., 17 juin 2015, n° 389143, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2602NLX, RJF, 10/15, no 828, concl. B. Bohnert, Dr. fisc., 29/30, c. 484), d'une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment les principes d'individualisation et de proportionnalité des peines, du IV de l'article 1736 du CGI dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008.

Si, dans le dispositif de cette décision, le Conseil constitutionnel n'a déclaré conformes à la Constitution que les mots "du deuxième alinéa de l'article 1649 A et" et "compte ou" figurant à la première phrase du IV de l'article 1736 et la seconde phrase du même paragraphe IV, au lieu de délivrer un brevet de constitutionnalité à l'ensemble de ce paragraphe, cette déclaration ciselée s'explique par le fait que le IV de l'article 1736 du CGI sanctionne d'une amende fiscale deux infractions distinctes : d'une part, la méconnaissance de l'obligation de déclarer les comptes à l'étranger posée au deuxième alinéa de l'article 1649 A du CGI (seule en cause dans le présent litige comme dans la QPC qui avait été transmise au Conseil constitutionnel), et, d'autre part, le non respect de l'obligation de déclarer les opérations d'octroi et de gestion d'avances ou prêts sans intérêt. La lecture des motifs de la décision du Conseil constitutionnel confirme que ce dernier s'est bien prononcé sur le IV de l'article 1736 dans sa totalité, en ce qu'il vise la méconnaissance de l'obligation de déclarer des comptes à l'étranger, en particulier en ce qu'il inflige une amende de 1 500 euros par compte non déclaré.

Or, aucun changement de circonstance n'est invoqué par la requête (et nous n'en identifions par nous-mêmes aucun) qui serait de nature à justifier un réexamen de la constitutionnalité de ces dispositions. En particulier, l'ajout en 2012 d'un second alinéa au IV ne semble pas susceptible de modifier l'appréciation qui a été portée sur la conformité à la Constitution du premier alinéa, dès lors que ce dernier est demeuré inchangé, que son équilibre paraît indépendant du second et qu'il semble ainsi divisible.

En tant qu'elle porte sur les dispositions du premier paragraphe du IV de l'article 1736 du CGI déjà déclarées conformes à la Constitution, il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC soulevée par le requérant.

En revanche, le Conseil constitutionnel ne s'est pas déjà prononcé sur le second alinéa du IV de l'article 1736 du CGI, ajouté par la loi du 14 mars 2012.

Il faut donc examiner si, s'agissant de ces dispositions, la question soulevée est sérieuse (car nouvelle, elle ne l'est indubitablement pas).

Dans son mémoire, l'intéressé n'invoque qu'un seul principe : celui de l'égalité devant la loi répressive. Il ne se place à aucun moment sur le terrain du principe du non bis in idem, tel qu'éclairé notamment par la décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015 (Cons. const., 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC N° Lexbase : A7983NDZ ; RJF, 6/15, n° 511) du Conseil constitutionnel sur le cumul des poursuites pour délit d'initié et des poursuites pour manquement d'initié.

Son argumentation, simple, procède du constat d'une malfaçon législative ayant conduit à un fâcheux décalage entre les dispositions du CGI et celles du Code monétaire et financier, et à ce qu'une personne soit exposée à une sanction de sévérité différente selon que l'administration choisit d'infliger l'amende sur le fondement du premier code ou du second.

Car tandis que le IV de l'article 1736 du CGI a connu, depuis 2008, les évolutions décrites précédemment, son jumeau figurant à l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3521AP4) est demeuré inchangé. Il dispose ainsi invariablement depuis le 1er janvier 2002 que : "Les infractions aux dispositions de l'article L. 152-2 sont passibles d'une amende de 750 euros par compte non déclaré". Or, l'article L. 152-2 (N° Lexbase : L9846DYC) de ce code prévoit que : "Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont soumises aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du CGI".

Le requérant fait valoir que, du fait de cette coexistence de deux sanctions administratives différentes dans leurs modalités comme dans leur ampleur et leur montant, visant à réprimer les mêmes comportements et infractions (la méconnaissance de l'obligation déclarative posée au deuxième alinéa de l'article 1649 A du CGI), le principe d'égalité devant la loi répressive doit être regardé comme méconnu par le IV de l'article 1736 du CGI.

Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que, si le principe d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente, et si, par ailleurs, le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction (par exemple, Cons. const., 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC, préc.), la loi pénale ne saurait, toutefois, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi (Cons. const., 28 juin 2013, n° 2013-328 QPC N° Lexbase : A7733KHU).

Le Conseil constitutionnel a été conduit, par deux fois au moins, à censurer une violation de ce principe.

Ainsi, dans la décision n° 2013-328 QPC du 28 juin 2013 déjà mentionnée, était en cause la coexistence de deux peines différentes pour réprimer un même comportement de fraude à certaines aides sociales, la perception frauduleuse des prestations d'aide sociale étant passible, en vertu de l'article L. 135-1 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L0692G9I), des peines réprimant l'escroquerie (soit cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende) tandis que le fait de se rendre coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir le RSA, l'APL ou l'AAH était puni d'une amende de 5 000 euros par l'article L. 114-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0925IEY), auquel renvoyait notamment l'article L. 262-50 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L1028IC3). Ayant constaté, d'une part, que des faits qualifiés par la loi de façon identique pouvaient, selon le texte d'incrimination sur lequel se fondent les autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur soit une peine de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, soit une peine de 5 000 euros d'amende, et que la différence entre les peines encourues impliquait également des différences relatives à la procédure applicable et aux conséquences d'une éventuelle condamnation, et, d'autre part, que cette différence de traitement n'était justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi, le Conseil constitutionnel a jugé qu'eu égard à sa nature et à son importance, la différence entre les peines encourues méconnaissait le principe d'égalité devant la loi pénale et déclaré l'article L. 135-1 du Code de l'action sociale (N° Lexbase : L0692G9I) et des familles contraire à la Constitution.

Puis, dans sa décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 (Cons. const., 13 mars 2014, n° 2014-690 DC N° Lexbase : A6832MG7), concernant la loi relative à la consommation, le Conseil constitutionnel a censuré pour méconnaissance du principe d'égalité, "eu égard à son importance", et dès lors que cette différence de traitement n'était justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi, la coexistence de deux amendes de même montant punissant les mêmes infractions au droit de la consommation. Des faits qualifiés par la loi de façon identique pouvaient, en effet, selon le texte d'incrimination sur lequel se fondaient les autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur soit une amende de 15 000 euros, soit une amende de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale.

Dans la présente QPC, pour justifier la différence de traitement d'un même comportement par le IV de l'article 1736 du CGI et par l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier, l'administration tente de soutenir que les amendes prévues par ces deux codes poursuivraient des finalités différentes, l'amende instituée par le CGI poursuivant un objectif de lutte contre la fraude fiscale tandis que celle figurant au Code monétaire et financier s'inscrirait "dans le cadre général des relations financières avec l'étranger".

Mais cette argumentation peine à convaincre, alors d'une part, que ces textes ont longtemps été des jumeaux parfaitement identiques, d'autre part, que ces amendes sanctionnent les mêmes faits et définissent l'une et l'autre l'obligation déclarative dont la méconnaissance est sanctionnée comme étant celle visée à l'article 1649 A du CGI, que ces articles ne font pas état de finalités répressives différentes, et enfin, que rien ne permet, dans le silence du Code monétaire et financier sur ce point, de conclure que ces sanctions seraient prises dans des conditions différentes, par des autorités et selon des procédures différentes de celle figurant au CGI. En d'autres termes, nous ne voyons d'autre origine à cette différence entre les peines encourues qu'une malfaçon législative et un oubli lors de l'élaboration de la loi, causes qui ne sauraient justifier objectivement une telle inégalité de traitement.

Le Conseil d'Etat pourra être tenté, pour remédier à une telle malfaçon, de lire la sanction prévue par le Code monétaire et financier à la lumière du CGI, ou encore de refuser de voir dans le Code monétaire et financier un texte ayant une portée normative instituant une sanction autonome, pour n'y discerner qu'un article délivrant une information dépassée. Cela paraît toutefois impossible s'agissant de textes instituant une sanction, et dès lors que la sanction prévue par le CGI est plus sévère que celle figurant aujourd'hui au Code monétaire et financier.

Le Conseil d'Etat pourra également envisager de considérer que les dispositions de l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier seraient devenues en quelque sorte caduques ou auraient été implicitement abrogées du fait de l'évolution de l'article 1736 du CGI qu'elles n'ont pas suivie, mais outre que la logique de la caducité nous semble délicate à tenir s'agissant de deux normes législatives de même niveau, un raisonnement en termes d'abrogation implicite paraît également compliqué en l'absence notamment de toute référence à l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier dans les travaux préparatoires de la loi de 2012, et il semble qu'il n'entre pas dans le rôle de la Haute juridiction de filtre de la QPC de se prononcer sur l'éventuelle sortie de vigueur de la loi dans de telles conditions.

Enfin, le Conseil d'Etat pourrait s'interroger sur le point de savoir si, en validant en 2015 le IV de l'article 1736 dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008, le Conseil constitutionnel n'aurait pas admis implicitement mais nécessairement la conformité à la Constitution de la différence de traitement entre les amendes résultant de cet article depuis 2008 et celle prévue par l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier, mais cela paraît là encore très délicat, dès lors que l'ajout d'un second alinéa au IV de l'article 1736 du CGI en 2012 a conduit à modifier très sensiblement l'ampleur et les modalités de calcul de l'amende prévue à ce code, et que le Conseil constitutionnel tient compte de l'importance de la différence entre les peines.

Dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions du second alinéa du IV de l'article 1736 du CGI, en ce qu'elles prévoient une sanction différente de celle prévue, pour les mêmes faits, à l'article L. 152-5 du Code monétaire et financier, méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi répressive, paraît soulever une question sérieuse, justifiant un renvoi au Conseil constitutionnel.

Soulignons enfin que, si le Conseil constitutionnel venait à sanctionner les dispositions litigieuses comme méconnaissant le principe d'égalité, il pourrait différer la prise d'effet de sa déclaration d'inconstitutionnalité, laissant au législateur le temps d'y remédier.

Par ces motifs, il convient de conclure :

- au non renvoi au Conseil constitutionnel la QPC transmise par le tribunal administratif de Paris en tant qu'elle porte sur les dispositions du IV de l'article 1736 du CGI dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 ;

- et au renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité à la Constitution des dispositions du second alinéa du IV du même article, issu de la loi du 14 mars 2012, de finances rectificative pour 2012.

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Contrôle fiscal

[Brèves] Les impressions sur papier d'un fichier informatique, réclamées par un vérificateur, ne constituent pas des documents originaux

Réf. : CE 3° et 8° ch-r., 1er juin 2016, n° 384892, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7431RRN)

Lecture: 1 min

N3097BWM

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Le 16 Juin 2016

Les impressions sur papier emportées par un vérificateur et provenant d'un fichier informatique comptable ne peuvent être considérées comme des documents comptables originaux. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 1er juin 2016 (CE 3° et 8° ch-r., 1er juin 2016, n° 384892, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7431RRN). En l'espèce, les requérants, associés d'une SCI, ont été contrôlés au titre des années 2007 et 2008. La société vérifiée avait conservé la disposition du fichier informatique dont étaient issues les balances comptables établies au titre des années 2006 à 2008, dont la vérificatrice avait demandé, le 8 octobre 2009, des impressions sur support papier qu'elle avait emportées dans les locaux de l'administration fiscale avant de les restituer le 12 novembre suivant. La Haute juridiction n'a pas donné raison aux requérants qui soutenaient, à tort, que ces impressions sur papier de documents numériques étaient des documents comptables originaux dont l'emport, faute de demande écrite du contribuable, entachait d'irrégularité la procédure de vérification. Cette décision trouve de l'intérêt car la doctrine fiscale n'évoque pas, au sein de la fiche BoFip correspondant à la remise d'une copie d'un fichier comptable (LPF, art. L. 47 A N° Lexbase : L3154KWQ), l'éventualité d'une remise sur support papier. Elle indique juste que tous les supports sont envisageables, qu'ils soient physiques ou électroniques en donnant comme exemple les CD, DVD, clé USB, ou disque dur externe .

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Copropriété

[Panorama] Panorama de jurisprudence de la Cour de cassation en droit de la copropriété (janvier 2016 - mai 2016)

Lecture: 40 min

N3080BWY

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 11 Juin 2016

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de faire un point sur la jurisprudence 2016 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en matière de copropriété. Si les arrêts promis aux honneurs du bulletin se sont fait plutôt rares en ce début d'année, l'analyse des nombreux arrêts inédits permet toujours utilement de rappeler, clarifier, et illustrer les principes en la matière. 1. Statut de la copropriété

- L'existence de parties communes : condition d'application du statut de la copropriété (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 13-22.292, F-D N° Lexbase : A9239N3L ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E4616ET7)

Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4818AHW), celle-ci régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes.

Tel est le principe fondateur du statut de la copropriété rappelé aux juges d'appel de Bastia qui avaient retenu l'existence d'une seule copropriété au vu des éléments et pièces soumis à son appréciation et notamment la description de l'immeuble faite par un expert commis par une juridiction pénale concernant le sinistre en cause dans cette affaire, établissant que les lieux étaient constitués de deux corps de bâtiments accolés ; sans surprise, l'arrêt est censuré en ce qu'il n'a pas caractérisé l'existence de parties communes (CA Bastia, 19 décembre 2012, n° 10/00153 N° Lexbase : A5289IZW).

2. Syndicat secondaire

2.1. Conditions de constitution d'un syndicat secondaire

Aux termes de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4829AHC), "lorsque l'immeuble comporte plusieurs bâtiments, les copropriétaires dont les lots composent l'un ou plusieurs de ces bâtiments peuvent, réunis en assemblée spéciale, décider la constitution entre eux d'un syndicat, dit secondaire".

- Pluralité de bâtiments (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-25.987, FS-D N° Lexbase : A9248N3W ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5981ETP)

La condition sine qua non pour la constitution d'un syndicat secondaire réside dans l'existence d'une pluralité de bâtiments (loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 27 N° Lexbase : L4829AHC). Si l'"imbrication" d'un bâtiment dans un autre peut donc faire obstacle à la reconnaissance d'une pluralité de bâtiments, l'obturation des communications entre ces deux bâtiments, peut rendre obsolète la mention d'une telle "imbrication" dans le règlement de copropriété.

C'est ce qu'il ressort d'un arrêt rendu le 14 janvier 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui censure un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 10 avril 2014, n° 13/10826 N° Lexbase : A9293MIZ). Dans cette affaire, pour prononcer la suppression du syndicat secondaire du bâtiment F, la cour d'appel avait retenu que, selon le règlement de copropriété, le bâtiment F était une construction imbriquée dans le bâtiment C, qu'un rapport d'audit indiquait que le garage automobile privé constituant le bâtiment F, même indépendant, faisait partie structurellement du bâtiment C, que, selon le rapport d'un expert, ce garage était formé de la jonction de deux locaux communiquant entre eux, que les photographies versées aux débats faisaient apparaître que les deux immeubles formaient un bâtiment d'un seul tenant et que le rapport d'expertise amiable n'indiquait pas que l'expert avait eu connaissance de l'ensemble des plans de l'immeuble et notamment du plan des fondations et que la seule présence d'un joint de dilatation ne suffisait pas à démontrer une indépendance dans les structures. L'arrêt est censuré par la Cour de cassation reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché, comme il le leur était demandé, si l'obturation des communications entre les deux bâtiments ne rendait pas obsolète la mention d'une "imbrication" dans le règlement de copropriété ainsi que dans le rapport d'expertise.

- Bâtiment composé de plusieurs lots qui ne sont pas réunis entre les mains d'un seul et unique propriétaire (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-29.582, FS-D N° Lexbase : A3313N7T ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5981ETP)

Un autre rappel intéressant concernant les conditions de constitution d'un syndicat secondaire résulte d'un arrêt rendu le 28 janvier 2016, dont il ressort que l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 exclut que le propriétaire de tous les lots d'un bâtiment puisse obtenir la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires.

La Cour de cassation approuve ici la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'un copropriétaire tendant à enjoindre au syndicat des copropriétaires de convoquer une assemblée générale aux fins de modification du règlement de copropriété, induite par la création d'un syndicat secondaire pour le bâtiment D, avaient relevé que la résolution prévoyant la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires pour le bâtiment D ne consistait qu'en un projet adopté à l'époque où ce bâtiment comportait plusieurs lots qui n'étaient pas réunis entre les mains d'un seul propriétaire, et exactement retenu que l'article 27 de la loi du 10 juillet 1965 excluait que le propriétaire de tous les lots d'un bâtiment puisse obtenir la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires ; ils avaient ainsi pu en déduire qu'il n'y avait pas lieu à convocation d'une assemblée générale pour modifier le règlement de copropriété (CA Aix-en-Provence, 23 octobre 2014, n° 13/18667 N° Lexbase : A9580MYH).

2.2. Contestation de la création d'un syndicat secondaire par un copropriétaire du syndicat principal

- L'action en contestation de la création d'un syndicat secondaire par un copropriétaire du syndicat principal relève de l'alinéa 1er de l'article 42, et non de l'alinéa 2 (Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 15-14.475, FS-P+B N° Lexbase : A0130RRA ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7156E9W)

Cette importante précision résulte de l'arrêt rendu le 26 mai 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, destiné à être publié au bulletin.

En l'espèce, une copropriété, régie par un état descriptif de division et un règlement de copropriété du 25 janvier 1972 était composée de plusieurs bâtiments ; une assemblée générale du 24 septembre 1999, regroupant les propriétaires des lots 156 à 207 de la copropriété, avait décidé de la constitution d'un syndicat secondaire ; une SCI copropriétaire avait assigné le syndicat secondaire afin que soit constatée l'inexistence de celui-ci ; plusieurs copropriétaires membres du syndicat secondaire étaient intervenus volontairement à l'instance. Ces derniers faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 18 décembre 2014, n° 13/23937 N° Lexbase : A2051M8H) de déclarer recevable l'action faisant valoir, d'une part, qu'il résulte de l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4849AH3) que seuls les copropriétaires relevant du syndicat secondaire ont qualité pour contester les assemblées générales de celui-ci, et d'autre part, qu'aux termes mêmes de l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, le délai de prescription décennale résultant de cet article ne s'applique qu'aux actions personnelles des copropriétaires lorsqu'elles sont dirigées contre d'autres copropriétaires ou contre le syndicat et non aux actions en nullité des assemblées générales, lesquelles relèvent de l'alinéa 2 du même article.

Mais les arguments sont écartés par la Cour suprême, laquelle approuve les juges d'appel qui, ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la SCI était propriétaire de lots relevant du syndicat principal, avait retenu, à bon droit, qu'elle avait qualité à contester la création du syndicat secondaire et que son action relevait des dispositions de l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, à l'exclusion de l'alinéa 2 de ce texte.

Sur le fond, la décision est également approuvée en ce qu'elle avait retenu que le syndicat secondaire n'avait pas été constitué régulièrement, dès lors que, ayant exactement retenu qu'un syndicat secondaire pouvait être créé à la condition que la copropriété soit composée de plusieurs bâtiments indépendants et constaté, sans dénaturation, que les rapports d'expertise n'apportaient pas la preuve que chacun des bâtiments composant la copropriété comportait un gros oeuvre autonome, la cour d'appel avait pu en déduire qu'il n'était pas démontré que l'immeuble comportât plusieurs bâtiments autonomes.

3. Parties communes/parties privatives

- Prescription trentenaire de l'accès direct à la piscine (non : simple tolérance) (Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-14.195, F-D N° Lexbase : A0695RPG)

Les copropriétaires ne pouvaient se prévaloir de la prescription trentenaire de leur accès direct à la piscine alors que celui-ci résultait d'une simple tolérance. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 12 mai 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

En l'espèce, les consorts A., propriétaires d'un lot d'un immeuble en copropriété correspondant à un appartement en rez-de-jardin avec un droit de jouissance d'un jardin jouxtant la plage de la piscine de la résidence et à laquelle ils accédaient par un portillon situé dans le barreaudage séparant la piscine du jardin, avaient assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision de l'assemblée générale du 20 juillet 2007 ayant décidé de travaux de sécurisation de la piscine qui les privait de l'accès à celle-ci. Ils faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence de les débouter de leur demande (CA Aix-en-Provence, 11 septembre 2014, n° 13/20774 N° Lexbase : A3517MW8). Ils n'obtiendront pas gain de cause.

La Cour suprême approuve les juges d'appel qui, ayant constaté que la décision de l'assemblée générale du 20 juillet 2007 avait autorisé l'installation de barrières périphériques normalisées sur les murets séparant la plage de la piscine des jardins privatifs et relevé, que les consorts A. ne rapportaient pas la preuve de ce que le muret était situé sur leurs parties privatives, et ayant retenu que l'accès privatif à la piscine contrevenait aux prescriptions sanitaires des articles D. 1332-1 (N° Lexbase : L5021IBL) à D. 1332-19 du Code de la santé publique qui rendent obligatoire le passage par des pédiluves, avaient, par ces seuls motifs, légalement justifié leur décision. De même, elle approuve les juges qui, ayant relevé que l'existence d'accès directs à la piscine depuis les lots situés en rez-de-jardin résultait d'initiatives privées que l'assemblée générale des copropriétaires avait toujours refusé d'entériner, avaient retenu, à bon droit, que les consorts A. ne pouvaient se prévaloir de la prescription trentenaire de leur accès direct à la piscine alors que celui-ci résultait d'une simple tolérance.

4. Droits et obligations des copropriétaires

4.1. Droit de vendre son lot

- Mention de la surface loi Carrez dans l'acte de vente : connaissance préalable de la superficie réelle du bien par l'acquéreur (Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-29.705, FS-D N° Lexbase : A4397QD9 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5652ETI)

La connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien vendu ne le prive pas de son droit à la diminution du prix. Cette solution classique a été rappelée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 25 février 2016 (déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 5 décembre 2007, n° 06-19.676, FS-P+B N° Lexbase : A0378D3E ; Cass. civ. 3, 10 décembre 2015, n° 14-13.832, FS-P+B N° Lexbase : A1928NZG). La Haute juridiction approuve ainsi la cour d'appel de Versailles qui, ayant relevé que les parties à la vente avaient une connaissance commune de ce que les chiffres établis par le diagnostiqueur ne correspondaient pas à un calcul conforme à la loi "Carrez", avait retenu, à bon droit, que la différence de superficie ouvrait à l'acquéreur une action en moindre mesure (CA Versailles, 23 octobre 2014, n° 11/02917 N° Lexbase : A9849MYG).

Mais l'on relèvera avec intérêt la censure de l'arrêt d'appel concernant la recherche de la responsabilité des notaires, par le vendeur ainsi condamné à payer une certaine somme au titre de la moindre mesure résultant de l'acte de vente. Pour condamner les notaires à payer une certaine somme au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel avait retenu que les études notariales connaissaient la non-conformité des mesures effectuées à la loi "Carrez", qu'elles devaient retarder la vente dans l'attente d'un relevé de superficie et qu'elles avaient commis une faute délictuelle en choisissant de passer outre et de rédiger un acte non conforme à sa lettre ainsi qu'aux exigences requises. Mais, selon la Cour régulatrice, en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si le vendeur, dont elle avait relevé qu'il connaissait la non-conformité du mesurage effectué et avait signé un acte rappelant l'existence d'une action en diminution du prix en cas de mention d'une superficie inexacte, ne s'était pas sciemment exposée au risque qui s'était réalisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ).

- Répartition des sommes dues à la copropriété entre vendeur et acquéreur (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 15-14.356, F-D N° Lexbase : A7020RIT ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6108EYU)

A l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot, le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l'approbation des comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l'approbation des comptes.

C'est par simple application de cette règle, issue de l'article 6-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5568IGC), que la Cour de cassation casse un jugement rendu par une juridiction de proximité qui, pour rejeter la demande portant sur une somme de 113,93 euros, émanant du syndicat des copropriétaires, à l'égard d'une copropriétaire, avait relevé que cette somme était demandée au titre de la régularisation des charges pour 2012 alors que la copropriétaire avait acquis son lot le 22 février 2013 et qu'aucun document n'était produit établissant qu'elle s'engageait à régler une régularisation de charges antérieure à son acquisition. Selon la Haute juridiction, en statuant ainsi, sans constater que l'approbation des comptes pour l'exercice 2012 avait été votée par une assemblée générale antérieure à l'acquisition du lot, la juridiction de proximité n'avait pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé.

4.2. Obligation de supporter certains travaux dans les parties privatives

- Indemnisation des copropriétaires subissant un préjudice par suite de l'exécution de travaux ayant nécessité un accès dans les parties privatives (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-29.582, FS-D N° Lexbase : A3313N7T ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5592ETB)

En vertu de l'article 9 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4861AHI), si les circonstances l'exigent, aucun des copropriétaires ou de leurs ayants droit ne peut faire obstacle à l'exécution, même à l'intérieur de ses parties privatives, des travaux régulièrement et expressément décidés par l'assemblée générale. Les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l'exécution des travaux, en raison soit d'une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d'un trouble de jouissance grave, même s'il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité.

Pour obtenir une indemnisation sur le fondement de ces dispositions, encore faut-il pouvoir établir que les travaux en cause ont effectivement été réalisés en accédant aux parties privatives de l'appartement, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire soumise à la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 2016. La Haute juridiction s'est remise à l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve soumis à leur examen, et a précisé que ces derniers n'étaient pas tenus de s'expliquer sur les éléments qu'ils décidaient d'écarter, ni de procéder à une recherche que leurs constatations rendaient inopérante. Elle approuve alors la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant rejeté pour ce motif la demande d'un copropriétaire en paiement d'une indemnité au titre des dégradations occasionnées à son appartement par les travaux de ravalement de façade du bâtiment, alors que celui-ci faisait valoir que les travaux de peinture sur les fenêtres, à l'origine de dégradations, n'avaient pu être effectués que de l'intérieur des parties privatives (CA Aix-en-Provence, 23 octobre 2014, n° 13/18667 N° Lexbase : A9580MYH).

5. Charges de copropriété

- Détermination du débiteur des charges en cas de démembrement du droit de propriété et clause de solidarité (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 15-12.545, FS-P+B N° Lexbase : A6862RIY ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E8143ETR)

Est licite la clause du règlement de copropriété instituant une solidarité entre le nu-propriétaire et l'usufruitier ; le syndicat des copropriétaires peut donc se prévaloir d'une telle clause pour réclamer le paiement des charges de copropriété. Tel est le rappel opéré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans sa décision rendue le 14 avril 2016, promise aux honneurs du bulletin (déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 30 novembre 2004, n° 03-11.201, F-D N° Lexbase : A1274DEW).

En l'espèce, un syndicat des copropriétaires avait assigné M. C., nu-propriétaire, et Mme T., usufruitière, en paiement de charges de copropriété. Le nu-propriétaire faisait grief au jugement de dire n'y avoir lieu à écarter la clause de solidarité prévue au règlement de copropriété et de le condamner solidairement avec l'usufruitière à payer une certaine somme au titre des charges. En vain. La Cour suprême approuve la juridiction de proximité qui, ayant relevé que l'article 17 du règlement de copropriété prévoyait une clause de solidarité entre le nu-propriétaire et l'usufruitier et retenu à bon droit que cette clause était licite, et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à la notification au syndic du démembrement de propriété, en avait exactement déduit que le nu-propriétaire et l'usufruitier étaient solidairement tenus du paiement des charges de copropriété envers le syndicat des copropriétaires.

- Répartition des charges relatives à la piscine commune : illégalité d'une cotisation demandée aux seuls utilisateurs de la piscine (Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 15-16.288, F-D N° Lexbase : A0136RRH ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7969ETC)

Une cotisation conditionnant l'accès à un équipement commun de l'immeuble ne peut être mise à la charge des copropriétaires, dès lors qu'elle a pour effet de modifier la répartition des charges afférentes à cet équipement, qui ne peut être déterminée qu'au moyen d'une disposition du règlement de copropriété en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, à l'exclusion de leur utilisation. Telle est la solution qui se dégage de l'arrêt rendu le 26 mai 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Pour rejeter la demande des copropriétaires tendant à l'annulation de la résolution de l'assemblée générale ayant approuvé les comptes, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait retenu que chaque copropriétaire qui souhaitait utiliser la piscine devait payer une cotisation auprès du syndic et que le règlement d'une contribution particulière demandé aux seuls utilisateurs ne paraissait pas contraire à l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 (CA Aix-en-Provence, 6 novembre 2014, n° 13/19053 N° Lexbase : A7988MZU). A tort, selon la Cour de cassation, qui casse cet arrêt au visa de l'article précité, pour avoir statué ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la cotisation avait pour effet de modifier la répartition des charges afférents à la piscine et ne devait pas être répartie selon une stipulation du règlement de copropriété en fonction de l'utilité que cet élément présente à l'égard de chaque lot.

- Modalités de répartition des charges d'eau correspondant à la consommation nécessaire à l'entretien des parties communes (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-26.222, F-D N° Lexbase : A3303N7H ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6719ETZ)

La différence de consommation constatée entre le relevé effectué sur le compteur général et l'addition des compteurs individuels, correspondant à la consommation nécessaire à l'entretien des parties communes, constitue une charge générale dont la répartition se fait proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4856AHC). Telle est la solution énoncée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 janvier 2016.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires avait sollicité la condamnation de Mmes S. à lui payer une certaine somme au titre des charges d'eau. Pour rejeter la demande, la cour d'appel de Bastia avait retenu que la facture dont le paiement était réclamé correspondait à des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun visés par l'alinéa premier de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, que la circonstance que la facture ait été établie par suite de la constatation de déperdition d'eau n'avait pas pour effet de modifier la nature de cette dépense et que le texte précité indique que la répartition de ces charges se fait en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot (CA Bastia, 10 septembre 2014, n° 13/00233 N° Lexbase : A1673MWU). La décision est censurée, au visa de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, par la Cour suprême qui énonce la solution précitée. On relèvera que l'enjeu était de taille, sachant que le montant des factures d'eau mis à la charge du syndicat, par suite de la constatation de déperdition d'eau, était loin d'être anodin, puisqu'il portait sur la somme de 744 423,12 euros...

Sur cet arrêt, on renverra également à la chronique de Philippe Casson en matière d'injonction de payer (Lexbase, éd. priv., n° 644, 2016 N° Lexbase : N1352BWY), dans laquelle l'auteur relève l'application faite des dispositions de l'article 60 du décret n° 67-231 du 17 mars 1967, relatif au statut de la copropriété (N° Lexbase : L8032BB4) qui prévoit que "nonobstant toutes dispositions contraires, toute demande formée par le syndicat à l'encontre d'un ou plusieurs copropriétaires, suivant la procédure d'injonction de payer, est portée devant la juridiction du lieu de la situation de l'immeuble". La compétence du tribunal du lieu où demeure le débiteur prévue par l'article 1406, aliéna 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8418IUC), est donc écartée par l'article 60 précité du décret du 17 mars 1967 au profit de celle du tribunal du lieu de situation de l'immeuble.

- Charge des travaux affectant les parties communes réalisés dans les parties privatives (Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-14.426, F-D N° Lexbase : A0836RPN)

La charge des frais d'intervention consécutive à un dégât des eaux survenu sur une colonne d'évacuation commune de l'immeuble traversant l'appartement d'un copropriétaire, bien que l'intervention ait donc été réalisée dans les parties privatives d'un copropriétaire, pèse sur l'ensemble des copropriétaires et ne peut donc être imputée au seul copropriétaire en cause.

Cette solution parfaitement logique, qui découle de l'application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, retenue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 mai 2016, a conduit à la cassation d'un jugement rendu par une juridiction de proximité.

- Action d'un copropriétaire tendant à faire déclarer non écrites les clauses du règlement de copropriété relatives à la répartition des charges générales, ou d'ascenseur (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-26.921, FS-P+B N° Lexbase : A3402N77 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6359ETP)

Il résulte des articles 5 (N° Lexbase : L4856AHC), 10 (N° Lexbase : L4803AHD) et 43 (N° Lexbase : L4850AH4) de la loi du 10 juillet 1965 que tout copropriétaire peut, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, ou alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions. Tel est le rappel opéré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 2016.

En l'espèce, M. S. était propriétaire de deux lots faisant partie d'un immeuble régi par un règlement de copropriété établi le 11 octobre 1956 et modifié par acte du 22 décembre 1999 ayant procédé à la création de quatre nouveaux lots provenant de la division et de la transformation de parties communes. Ces lots avaient été cédés à M. et Mme H. qui avaient procédé à une division de l'un d'eux en deux lots constitués de combles ; ils avaient transformé leur appartement situé au cinquième étage de l'immeuble en un duplex comportant plusieurs pièces supplémentaires. M. S. avait fait porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale de 2009 un projet de résolution visant à obtenir la nomination d'un géomètre-expert aux fins d'établir un modificatif au règlement de copropriété puis, après le rejet de la résolution, avait assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que M. et Mme H. afin que soient réputées non écrites les clauses de répartition des charges générales, d'ascenseur et d'escalier.

Pour rejeter la demande concernant la clause de répartition des charges générales, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 14 mai 2014, n° 12/12300 N° Lexbase : A0727MLI) avait retenu qu'il résultait des termes de l'article 5 de la loi que l'estimation de la valeur relative des parties privatives s'opère "lors de l'établissement de la copropriété" et que la clause de répartition des charges générales ne peut pas être déclarée non écrite sur le fondement de l'article 43 de la loi. A tort, selon la Haute juridiction qui censure la décision, dès lors que la cour d'appel avait constaté que la transformation de l'appartement de M. et Mme H. avait eu des répercussions sur la consistance, la superficie et la situation de leurs lots en augmentant la valeur relative de ceux-ci par rapport à celle de l'ensemble des parties privatives de l'immeuble.

De même, pour rejeter la demande concernant la clause de répartition des charges d'ascenseur, la cour d'appel avait retenu que la demande de modification de la répartition des charges relevait, le cas échéant, des articles 25 f et 42 de la loi du 10 juillet 1965 et non pas de l'article 43 de la même loi. A tort, selon la Cour suprême qui rappelle la règle précitée.

6. Assemblée générale

6.1. Tenue de l'assemblée générale

- Notification du procès-verbal de l'assemblée à une SCI copropriétaire (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 15-11.258, F-D N° Lexbase : A7004RIA ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7678ETK et N° Lexbase : E6755ETD)

Est irrégulière la notification faite siège de la SCI alors que la dernière adresse connue par le syndic était celle de la gérante. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 14 avril 2016 par la troisième chambre civile.

En l'espèce, une SCI copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires en annulation d'une assemblée générale ; le syndicat soulevait l'irrecevabilité de l'action pour avoir été engagée plus de deux mois après la notification des délibérations de l'assemblée générale. En vain. Ayant constaté que la dernière adresse de la SCI connue par le syndic était celle de sa gérante et que celui-ci n'avait pas reçu d'information de modification de cette adresse de la part de la SCI, la cour d'appel en avait exactement déduit que la notification des délibérations de l'assemblée générale faite au siège de la SCI était irrégulière et que, par suite, l'action de ce copropriétaire était recevable (CA Aix-en-Provence, 26 juin 2014, n° 13/18227 N° Lexbase : A9474MRC).

Il convient de rappeler, par ailleurs, ainsi qu'il ressort d'un arrêt du 12 décembre 2001, que, dans l'hypothèse où c'est une SCI qui est propriétaire de lots, son représentant légal doit être convoqué ès-qualités et non à titre personnel. A défaut, la société n'est pas valablement convoquée et l'assemblée encourt la nullité (Cass. civ. 3, 12 décembre 2001, n° 00-14.157, FS-P+B N° Lexbase : A6293AXD).

6.2. Composition de l'assemblée générale

- Indivision : mandat tacite entre époux (Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-12.575, FS-D N° Lexbase : A0849RP7 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6752ETA)

Les consorts A. s'étant bornés à soutenir que les règles du mandat tacite n'étaient pas applicables pour les actes de disposition et en particulier la modification du règlement de copropriété, la cour d'appel (CA Versailles, 10 novembre 2014, n° 12/07818 N° Lexbase : A5260M39) a retenu, à bon droit, que l'article 23, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 dispose que seul le mandataire commun d'une indivision doit être convoqué à l'assemblée générale et en a exactement déduit qu'un indivisaire pouvait représenter une indivision sans mandat écrit, notamment lorsque ce dernier est l'époux de son coïndivisaire. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 12 mai 2016 (déjà en ce sens d'une reconnaissance d'un mandat tacite entre époux indivisaires : Cass. civ. 3, 12 janvier 2005, n° 03-14.571, FS-D N° Lexbase : A0206DGQ).

- Règle de la réduction des voix du copropriétaire majoritaire (Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-13.907, F-D N° Lexbase : A0757RPQ ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6712ETR)

L'article 22, alinéa 2, de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4822AH3) prévoit que "lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires".

Les tentatives de fraude à cette règle dite de la réduction des voix du copropriétaire majoritaire sont nombreuses et consistent en général à céder à une personne physique ou morale, à titre onéreux ou gratuit, un ou plusieurs de leurs lots, ou à démembrer la propriété notamment par la constitution d'un usufruit. Dans un tel cas, les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une manoeuvre frauduleuse ; une telle fraude, si elle est démontrée par le demandeur à l'action, est régulièrement sanctionnée, comme le montre la jurisprudence.

La manoeuvre frauduleuse est établie lorsqu'il est démontré que l'opération n'a pour but que celui d'exclure l'application des dispositions d'ordre public de l'article 22 de loi du 10 juillet 1965. Ainsi, qu'il ressort d'un arrêt rendu le 20 juin 2006, constitue une fraude, le partage non fondé sur un motif légitime et sérieux tel que des raisons fiscales et successorales, et qui n'avait pour but que d'exclure l'application des dispositions précitées (Cass. civ. 3, 20 juin 2006, n° 05-15.255, F-D N° Lexbase : A9989DPN).

A contrario, c'est ainsi que, dans un arrêt en date du 12 mai 2016, la Cour de cassation a approuvé la décision rendue par la cour d'appel de Paris, qui a estimé que n'était pas rapportée la preuve que la donation litigieuse avait été consentie dans une intention frauduleuse, après avoir relevé que le bien cédé ne pouvait être qualifié de dérisoire ou dépourvu d'intérêt et que les copropriétaires justifiaient de leur âge et de leur état de santé déclinant, et souverainement retenu que la donation, qui avait été suivie d'une donation plus importante, démontrait l'intention des copropriétaires d'organiser progressivement leur patrimoine pour bénéficier de dispositions fiscales et successorales avantageuses.

6.3. Décisions de l'assemblée générale (règles de majorité)

- Passerelle de majorité de l'article 25-1 (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 15-11.043, FS-P+B N° Lexbase : A7009RIG ; Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-15.140, FS-P+B N° Lexbase : A0911RPG ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7807ETC)

Deux décisions promises aux honneurs du bulletin, rendues respectivement les 14 avril 2016 et 12 mai 2016 rappellent les conditions de mise en oeuvre de la "passerelle de majorité" de l'article 25-1 de la loi de 1965. Pour rappel, ce texte prévoit que lorsque l'assemblée générale des copropriétaires n'a pas décidé à la majorité prévue à l'article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires) mais que le projet a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, la même assemblée peut décider à la majorité prévue à l'article 24 (majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés) en procédant immédiatement à un second vote. Lorsque le projet n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, si elle est convoquée dans le délai maximal de trois mois, peut statuer à la majorité de l'article 24.

Dans la première décision, en date du 14 avril 2016, la Cour de cassation rappelle la nécessité d'établir l'existence d'un premier vote pour la mise en oeuvre de la passerelle de majorité ; autrement dit, une assemblée générale de copropriétaires au cours de laquelle aucune décision n'a été prise ne peut permettre à une assemblée ultérieure, sur le fondement de l'article 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de statuer à la majorité de l'article 24 de la loi sur des questions initialement soumises à celle de l'article 25 (pour plus de détails sur cette décision du 14 avril 2016, il conviendra de se reporter au commentaire de Patrick Baudouin, Lexbase, éd. priv., n° 655, 2016 N° Lexbase : N2694BWP).

En l'espèce, M. K., propriétaire de lots dans une résidence soumise au statut de la copropriété, avait assigné le syndicat des copropriétaires en annulation des décisions n° 4 (partie A et B) relatives à la désignation du syndic, adoptées à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, lors de l'assemblée générale du 17 février 2011. Pour rejeter cette demande, la cour d'appel avait retenu, par motifs adoptés, que l'assemblée générale, qui s'était tenue le 17 février 2011 à la suite d'une première assemblée du 20 décembre 2010, n'avait pas à être précédée de la preuve que revendiquait M. K. de ce qu'au moins le tiers des voix avait été atteint lors de l'assemblée du 20 décembre 2010 (CA Douai, 24 septembre 2014, n° 13/05178 N° Lexbase : A1859MX7). A tort, selon la Cour suprême qui retient qu'en statuant ainsi, sans constater que les résolutions litigieuses avaient été soumises à un premier vote lors de l'assemblée générale du 20 décembre 2010, la cour d'appel avait violé l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Dans l'arrêt du 12 mai 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser que le projet de délibération soumis à la seconde assemblée générale statuant en application de l'article 25-1 doit être strictement identique à celui sur lequel la première assemblée n'a pas statué à la majorité de l'article 25.

Dans cette affaire, l'assemblée générale des copropriétaires n'ayant pas voté le projet de résolution relatif à la désignation du syndic en raison de l'insuffisance de copropriétaires présents, une seconde assemblée générale, convoquée le 27 juin 2011 en application de l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965, avait adopté une résolution désignant le syndic et approuvant les conditions de son contrat ; M. C. avait assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de cette décision. Pour rejeter la demande, la cour d'appel de Montpellier avait retenu que le contrat présenté à l'assemblée générale du 27 juin 2011 ne comportait pas de modification substantielle par rapport à celui présenté à l'assemblée générale du 31 mars 2011 et que les modifications allaient dans un sens favorable au syndicat (CA Montpellier, 30 décembre 2014, n° 13/03538 N° Lexbase : A8094M8B). La décision est censurée par la Cour régulatrice qui retient une lecture stricte des dispositions précitées.

7. Syndic

7.1. Obligation d'ouverture d'un compte séparé au nom du syndicat

- Quid en cas de transition des fonds par le compte du syndic ? (Cass. civ. 3, 12 mai 2016, n° 15-12.575, FS-D N° Lexbase : A0849RP7 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5619ETB)

En vertu de l'article 18, II, alinéa 4, de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ), le syndic est chargé d'ouvrir, dans l'établissement bancaire qu'il choisit, un compte séparé au nom du syndicat, sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat. L'assemblée générale peut décider, à la majorité de l'article 25, que ce compte est ouvert dans un autre établissement bancaire de son choix. Ce compte bancaire ne peut faire l'objet ni d'une convention de fusion, ni d'une compensation avec tout autre compte. Les éventuels intérêts produits par ce compte sont définitivement acquis au syndicat.

La méconnaissance par le syndic de ces obligations emporte la nullité de plein droit de son mandat à l'expiration du délai de trois mois suivant sa désignation.

L'arrêt rendu le 12 mai 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, bien qu'inédit au bulletin, mérite une attention particulière en ce qu'il apporte d'utiles précisions à propos de la mise en oeuvre de la sanction ici prévue.

Dans cette affaire, des copropriétaires réclamaient notamment l'annulation du mandat du syndic, au motif que les sommes reçues au nom ou pour le compte du syndicat transitaient d'abord par le compte du syndic de sorte qu'elles n'étaient pas versées sur le compte séparé. Face au rejet de leur demande sur ce point par les juges du fond, ils soutenaient, à l'appui de leur pourvoi, qu'en refusant d'annuler le mandat du syndic, après avoir fait un tel constat, en tant que la mauvaise application du droit ne concernait que les modalités de gestion du compte séparé, la cour d'appel avait violé l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

L'argument est écarté par la Cour suprême qui fait donc le choix de retenir une application stricte de ces dispositions, puisqu'elle approuve la cour d'appel ayant retenu, à bon droit, que le syndic ne pouvait se voir appliquer la sanction de la nullité de son mandat en raison du mode de fonctionnement ultérieur du compte ouvert au nom du syndicat.

Finalement, le syndic est donc libéré de son obligation dès lors qu'il a procédé à l'ouverture d'un compte bancaire séparé au nom du syndicat, peu importe la transition de fonds appartenant syndicat via son compte personnel... Il semble que ladite règle ne soit donc édictée que dans une finalité purement formelle, et non dans le but d'interdire toute transition de fonds par le compte du syndic...

- L'administrateur provisoire n'est pas tenu de l'obligation d'ouvrir un compte séparé (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-23.898, FS-P+B N° Lexbase : A9437N3W ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5619ETB)

L'administrateur provisoire mandaté judiciairement n'est pas un mandataire du syndicat des copropriétaires et n'est donc pas tenu de s'assurer de l'existence d'un compte séparé au nom du syndicat des copropriétaires. Tel est l'enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt rendu le 14 janvier 2016.

En l'espèce, M. et Mme R., copropriétaires, invoquant l'absence de convocation régulière de l'assemblée générale par la société B. désignée en qualité d'administrateur provisoire par ordonnance du 10 juin 2010, avaient assigné le syndicat des copropriétaires, ainsi que la société B., en annulation de l'assemblée générale du 10 décembre 2010, ainsi que des décisions prises par elle ; M. et Mme R. faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Chambéry de rejeter leur demande d'annulation du procès-verbal d'assemblée générale du 10 décembre 2010 (CA Chambéry, 6 février 2014, n° 13/00311 N° Lexbase : A8265MDH). En vain. La Haute juridiction approuve les juges d'appel qui, ayant relevé que l'assemblée générale du 10 décembre 2010 avait été convoquée par la société B., agissant en qualité de mandataire ad hoc, et relevé que l'administrateur provisoire mandaté judiciairement n'était pas un mandataire du syndicat des copropriétaires, avaient retenu à bon droit que le défaut d'ouverture d'un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires en application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 n'était pas susceptible d'entraîner l'annulation du mandat de l'administrateur. La cour en avait exactement déduit que la convocation à l'assemblée générale était régulière et avait, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

7.2. Responsabilité du syndic

- Responsabilité du syndic pour manquement à son obligation de faire réaliser les travaux urgents (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-24.478, F-D N° Lexbase : A3308N7N ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5586ET3)

En cas d'urgence, le syndic est tenu de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. C'est ce que prévoit l'article 18-I de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ).

On relèvera une illustration, donnée par un arrêt du 28 janvier 2016, du caractère d'urgence pour l'application de ces dispositions, dans le cas de désordres subis par des copropriétaires dans l'utilisation de leur cave, qui étaient d'ordre olfactif. Dans cette affaire, ils avaient assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic en annulation de plusieurs assemblées générales et en paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice consécutif à la non-exécution de travaux urgents. La Cour suprême approuve la cour d'appel ayant accueilli leur demande, ayant relevé que les désordres subis par les intéressés dans l'utilisation de leur cave, ceux d'ordre olfactif dûment constatés à deux reprises, présentaient un caractère d'urgence au sens de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, que le syndic n'alléguait pas s'être régulièrement rendue sur place durant les quatorze années durant lesquelles les désordres s'étaient produits ni avoir pris l'initiative de faire appel à un expert pour évaluer l'ampleur et la nature de ceux-ci et constaté que le montant de 11 035,62 euros, réclamé par le syndic au titre des charges de copropriété, avait été réduit judiciairement à la somme de 2 882,91 euros et qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue pour les exercices 2000, 2001, 2005 à 2008, 2010 et 2012 (CA Montpellier, 8 juillet 2014, n° 12/01840 N° Lexbase : A1368MU9) ; selon la Haute juridiction, la cour d'appel avait ainsi pu retenir que les copropriétaires étaient fondés à dénoncer le non-respect par le syndic des dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 pour n'avoir pas fait réaliser les travaux urgents nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble et à solliciter la réparation de leur préjudice de jouissance.

- Responsabilité du syndic pour manquement à son devoir de conseil vis-à-vis du syndicat des copropriétaires (Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-29.434, F-D N° Lexbase : A4460QDK ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5921ETH)

Dans le cadre des attributions du syndic énumérées à l'article 18 de la loi, la jurisprudence a dégagé un véritable devoir de conseil auquel celui-ci se trouve tenu vis-à-vis du syndicat des copropriétaires, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).

C'est à cet égard qu'il convient de relever l'arrêt rendu le 25 février 2016, qui offre une nouvelle illustration de ce devoir de conseil. Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires, ayant été condamné par deux jugements des 25 octobre 2002 et 10 novembre 2003 confirmés par arrêts du 28 avril 2008 à payer à deux copropriétaires diverses sommes en réparation du préjudice subi du fait de désordres affectant les parties communes et d'une astreinte, avait assigné le syndic, en paiement de dommages-intérêts. Pour rejeter la demande, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait retenu que les décisions de justice démontraient que, jusqu'au 10 mai 2011, le syndicat des copropriétaires avait toujours contesté sa responsabilité dans la survenance des désordres ainsi que de devoir supporter le coût des travaux de remise en état et retenu que c'est cette réticence qui était la cause exclusive des condamnations prononcées à son encontre (CA Aix-en-Provence, 23 octobre 2014, n° 13/19270 N° Lexbase : A9054MYY).

L'arrêt est cassé par la Cour suprême qui retient qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le syndic, avisé de la gravité des désordres affectant les parties communes et des troubles qu'ils avaient entraînés, aurait dû alerter le syndicat sur la nécessité d'une intervention et sur les conséquences prévisibles de toute carence, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

- Absence de responsabilité du syndic qui refuse de régler une facture conformément au souhait du syndicat (Cass. civ. 3, 31 mars 2016, n° 15-14.759, F-D N° Lexbase : A1643RBH)

Le syndic qui, conformément au choix de l'assemblée générale, refuse de régler le solde d'une facture complémentaire ne commet aucune faute dans l'exécution de son contrat et ne peut donc se voir réclamer par le syndicat le remboursement des frais de procédure. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 31 mars 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

En l'espèce, lors de l'assemblée générale du 11 juin 2004, le syndicat des copropriétaires avait désigné la société O. pour réaliser la réfection des façades de l'immeuble pour un montant de 65 480,81 euros ; cette société avait adressé au syndic une facture en paiement du solde des travaux ; par jugement du 11 janvier 2010, le syndicat avait été condamné à lui payer cette somme. Estimant que le syndic avait commis une faute en ne réglant pas le solde dû alors qu'elle détenait les fonds nécessaires, le syndicat, représenté par son nouveau syndic, l'avait assignée en réparation de ses préjudices ; il faisait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande (CA Aix-en-Provence, 11 décembre 2014, n° 2014/458 N° Lexbase : A4765M7M). En vain. La Cour suprême approuve les juges d'appel ayant retenu qu'il ne pouvait être reproché au syndic d'avoir pris la précaution d'informer l'assemblée générale de la réception d'une facture complémentaire adressée par entrepreneur après règlement de la situation finale et d'avoir sollicité l'autorisation d'utiliser les sommes en attente pour la régler et qu'en refusant à deux reprises d'autoriser le syndic à régler le solde de cette facture, le syndicat avait contraint la société O. à agir en justice pour recouvrer sa créance et que c'est donc son propre comportement qui l'avait entraîné à exposer des frais et honoraires de procédure et causé les divers chefs de préjudices dont il se plaignait. Selon la Haute juridiction, ils avaient pu en déduire qu'aucune faute dans l'exécution de son contrat de syndic n'était démontrée à la charge du premier syndic.

8. Travaux au sein de la copropriété

- Autorisation judiciaire de travaux d'amélioration affectant les parties communes à la demande d'un copropriétaire (Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 14-23.343, F-D N° Lexbase : A0197RRQ ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6657ETQ)

En vertu de l'article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4837AHM), lorsque l'assemblée générale refuse d'octroyer à un copropriétaire l'autorisation d'effectuer des travaux d'amélioration affectant les parties communes, celui-ci peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter de tels travaux aux conditions fixées par le tribunal.

Ainsi que cela ressort de la jurisprudence, pour accorder une telle autorisation, le tribunal doit s'assurer, notamment, que les travaux envisagés ne portant pas atteinte à la destination de l'immeuble, et aux droits des autres copropriétaires. Tel n'était pas le cas dans l'affaire soumise à la Cour de cassation le 26 mai 2016, à propos de travaux de surélévation de l'ascenseur.

La Haute juridiction approuve en effet la cour d'appel de Paris qui, ayant relevé que les lots situés au sixième étage n'avaient pas accès à l'escalier principal et à l'ascenseur, dont l'entrée était distincte de celle permettant d'accéder à l'escalier menant au sixième étage, que la configuration des lieux et le fait que l'escalier principal majestueux et l'ascenseur ne desservaient qu'un appartement par étage participaient à la destination de standing de l'immeuble, que les travaux de surélévation de l'ascenseur auraient pour conséquence nécessaire d'augmenter les passages dans l'espace réservé aux propriétaires des lots situés entre le rez-de-chaussée et le cinquième étage, faisant perdre le caractère familial et homogène pouvant exister entre cinq familles, ainsi que la tranquillité résultant d'un passage limité dans l'escalier principal et l'ascenseur, et ayant souverainement retenu que ces travaux modifieraient substantiellement les modalités de jouissance des lots numéro un à six, avait ainsi pu en déduire que l'autorisation d'effectuer ces travaux ne pouvait être accordée sur le fondement de l'article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 11 juin 2014, n° 12/03582 N° Lexbase : A3519MQE).

9. Contentieux de la copropriété

- Action individuelle d'un copropriétaire tendant à faire respecter le règlement de copropriété ou à faire cesser une atteinte aux parties communes (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-25.538, FS-D N° Lexbase : A9553N39 ; Cass. civ. 3, 11 février 2016, n° 14-12.968, F-D N° Lexbase : A0219PLP ; Cass. civ. 3, 11 février 2016, n° 14-29.848, F-D N° Lexbase : A0291PLD ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6327ETI)

En vertu de l'article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4808AHK), tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic.

Ces dispositions peuvent recevoir application s'agissant de l'action individuelle d'un copropriétaire tendant à faire cesser une atteinte aux parties communes. Si la Cour de cassation a exigé pendant longtemps du copropriétaire agissant au titre des parties communes, qu'il "justifie d'un intérêt légitime à agir en raison d'un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance ou la propriété, soit des parties privatives comprises dans son lot, soit des parties communes" (Cass. civ. 3, 30 juin 1992, n° 90-17.640 N° Lexbase : A4272ABT), cette exigence n'est plus requise depuis 2003, puisqu'il est désormais bien établi dans la jurisprudence de la troisième chambre civile, que le copropriétaire n'a pas à rapporter la preuve d'un préjudice personnel.

Ainsi, "chaque copropriétaire a le droit d'exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d'une atteinte aux parties communes par un autre copropriétaire sans être astreint à démontrer qu'il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat" (Cass. civ. 3, 28 octobre 2003, n° 02-11.290 F-D N° Lexbase : A0021DAZ, puis Cass. civ. 3, 26 novembre 2003, n° 02-14.184, FS-P+B N° Lexbase : A3200DAR).

Cette solution classique a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 janvier 2016 (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-25.538, FS-D). La Haute juridiction ajoute que "l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de la demande et l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès" (cf. également en ce sens : Cass. civ. 3, 18 juin 2008, n° 07-14.852, FS-D N° Lexbase : A2223D99).

L'affaire concernait la demande en référé, par un copropriétaire, de la remise en état du bâtiment à la suite de travaux effectués sur celui-ci par une autre copropriétaire, une SCI. Pour déclarer irrecevable sa demande, la cour d'appel avait retenu que M. D. ne versait aux débats aucune pièce justifiant de ce qu'il aurait informé l'administrateur provisoire de la copropriété de l'introduction de la procédure et que l'action individuelle tendant à la démolition d'une construction réalisée par un autre copropriétaire sans autorisation suppose que le demandeur justifie d'un intérêt légitime à agir en suppression des ouvrages et apporte en conséquence la preuve qu'il subit un préjudice propre, ce que M. D. ne démontrait pas. La décision est censurée par la Haute juridiction qui rappelle la solution précitée.

En dehors de la recevabilité de l'action, s'agissant de l'objet de l'action, à noter l'arrêt rendu le 11 février 2016 (Cass. civ. 3, 11 février 2016, n° 14-29.848, F-D), dont il ressort que la demande d'un copropriétaire tendant à interdire au syndicat d'entreposer les bicyclettes dans la cour commune doit s'analyser en une action tendant à la cessation d'une atteinte aux parties communes. Est ainsi censuré l'arrêt qui, pour rejeter une telle demande, avait retenu que la question du garage des bicyclettes dans la cour commune relevait de la compétence de l'assemblée générale, à laquelle la cour d'appel ne pouvait se substituer.

Les dispositions précitées de l'article 15 peuvent également recevoir application dans le cadre de l'action individuelle d'un copropriétaire tendant à faire respecter le règlement de copropriété. A cet égard, on relèvera, ainsi que cela ressort d'un arrêt rendu le 11 février 2016 (Cass. civ. 3, 11 février 2016, n° 14-12.968, F-D), que chaque copropriétaire a le droit d'exiger le respect du règlement de copropriété sans avoir à justifier d'un vote préalable de l'assemblée générale.

Dans cette affaire, l'action tendait à la destruction d'un ouvrage édifié en contrariété avec le règlement de copropriété et une décision d'assemblée générale. Pour débouter M. et Mme D. de leur demande tendant à la condamnation de M. S. à démolir la construction édifiée sur son toit terrasse et à remettre les lieux en leur état initial, la cour d'appel avait relevé que les deux décisions d'assemblée générale du 24 mars 2005 et du 11 août 2006 étaient définitives et retenu qu'il incombait aux copropriétaires qui voudraient poursuivre une action en démolition de solliciter préalablement l'inscription à l'ordre du jour d'une prochaine assemblée générale la question de l'autorisation à donner au syndic d'agir en justice contre M. S. et de contester le cas échéant cette assemblée. La décision est censurée par la Cour de cassation qui énonce que chaque copropriétaire peut poursuivre la destruction d'un ouvrage édifié en contrariété avec le règlement de copropriété et une décision d'assemblée générale.

- Représentation du syndicat par le syndic : validité de l'assignation du syndic "pris en sa qualité de syndic de la copropriété" (Cass. civ. 3, 31 mars 2016, n° 15-10.409, F-D N° Lexbase : A1476RBB)

En vertu des articles 15 et 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice tant en demandant qu'en défendant ; le syndic est chargé de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice.

Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre d'une action dirigée contre le syndicat des copropriétaires, le syndic assigné en qualité de syndic d'une copropriété déterminée l'est en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, et qu'ainsi, doit être censuré l'arrêt qui, pour déclarer irrecevable l'action poursuivie à l'encontre du syndicat des copropriétaires, lequel a la personnalité juridique, avait retenu que cette action devait être dirigée contre ce dernier (CA Orléans, 17 novembre 2014, n° 13/02802 N° Lexbase : A3199M3U).

- Prescription de l'action tendant à faire cesser l'appropriation des parties communes par un copropriétaire (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 13-24.969, F-D N° Lexbase : A6936RIQ ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7010ETS)

Ainsi qu'il a été dégagé de longue date par la jurisprudence, l'action qui tend à faire cesser l'appropriation des parties communes par un copropriétaire est une action réelle qui se prescrit par trente ans.

Tel était le cas de l'action en cause, dans l'affaire soumise à la Cour de cassation le 14 avril 2016, qui tendait à la remise dans leur état initial des terrasses sur lesquelles un copropriétaire avait, selon les constatations des juges d'appel, réalisé de véritables constructions, y ayant édifié des vérandas et agrandi leur surface d'habitation en y créant une cuisine. La Haute juridiction approuve la cour d'appel de Paris ayant à bon droit retenu, par motifs adoptés, que, lorsqu'un propriétaire édifie sans droit une construction sur une partie commune dont il a la jouissance privative et tente ainsi de s'approprier une partie commune de la copropriété, l'action tendant à obtenir la suppression de la construction élevée irrégulièrement est une action réelle qui se prescrit par trente ans (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 26 juin 2013, n° 11/21203 N° Lexbase : A0293KIP).

newsid:453080

Copropriété

[Brèves] Action en diminution du prix pour mention erronée de la superficie "Carrez" : attention, le délai d'un an est un délai de forclusion insusceptible de suspension !

Réf. : Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967, FS-P+B (N° Lexbase : A8718RRC)

Lecture: 2 min

N3155BWR

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Le 11 Juin 2016

Le délai d'un an prévu par le dernier alinéa de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4853AH9) est un délai de forclusion, auquel ne peut être appliquée la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS). Tel est l'enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 juin 2016 (Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967, FS-P+B N° Lexbase : A8718RRC ; contra Cass. civ. 3, 12 novembre 2015, n° 14-18.390, FS-P+B N° Lexbase : A7511NW4, décision rendue au visa de l'ancien article 2244 du Code civil ; la question se posait de savoir si une solution identique à celle de l'arrêt de novembre 2015 serait retenue à la suite de la réforme de la prescription de 2008 ; la réponse, négative, est apportée par cet arrêt du 2 juin 2016). En l'espèce, par acte du 13 octobre 2009, M. et Mme N. avaient vendu à Mme E. un appartement situé dans un immeuble soumis au régime de la copropriété d'une superficie de 131,07 m², selon une attestation de la société A.. Ayant fait mesurer le bien par un géomètre-expert, qui avait retenu une superficie de 105,10 m², Mme E. avait, les 24 et 29 juin 2010, assigné en référé les vendeurs qui avaient appelé en intervention forcée la société A. et l'agent immobilier par l'entremise duquel l'acquéreur avait été trouvé. Par ordonnance du 7 octobre 2010, le juge des référés avait désigné un expert avec pour mission de mesurer le bien ; dans son rapport déposé le 8 février 2011, l'expert avait conclu à une superficie de 104,7 m². Par acte du 11 octobre 2011, Mme E. avait assigné les vendeurs en diminution du prix et le diagnostiqueur et l'agent immobilier en dommages-intérêts. S'agissant de l'action en diminution du prix, celle-ci se trouvait forclose. La Cour de cassation approuve en effet la cour d'appel de Paris, ayant exactement retenu que le délai d'un an prévu par le dernier alinéa de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est un délai de forclusion et que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du Code civil n'est pas applicable au délai de forclusion. S'agissant de la recherche de la responsabilité de l'agent immobilier, l'acquéreur se trouve également débouté de sa demande, la Cour suprême approuvant les juges qui, ayant retenu que l'agent immobilier n'avait pas effectué le mesurage, qu'il ne disposait d'aucune compétence particulière en cette matière pour apprécier l'exactitude des informations fournies et qu'il n'avait pas à vérifier le mesurage effectué par un professionnel, avaient pu en déduire qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de l'agent immobilier, de nature à engager sa responsabilité dans l'exécution de sa mission. L'acquéreur obtiendra néanmoins réparation de son préjudice au titre des frais bancaires supplémentaires, le préjudice, bien que futur, était certain, ainsi que le relève la Haute juridiction, cassant l'arrêt sur ce point (cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E5652ETI).

newsid:453155

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Prévention en matière de harcèlement moral : l'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité que s'il est établi qu'il a pris toutes les mesures de prévention, notamment en mettant en oeuvre des actions d'information et de formation

Réf. : Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2663RR3)

Lecture: 2 min

N3050BWU

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Le 09 Juin 2016

L'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral que s'il est établi qu'il a pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ) du Code du travail et, notamment, qu'il a mis en oeuvre des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er juin 2016 (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3 ; voir sur ce thème également Cass. soc., 12 janvier 2016, n° 14-24.992, F-D N° Lexbase : A9324N3Q).
En l'espèce, M. X engagé le 27 janvier 1997 par la société Z et exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent de qualité, il a saisi la juridiction prud'homale le 22 mars 2011 en résiliation judiciaire aux torts de l'employeur de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et indemnités de rupture. A cette instance, est intervenu volontairement son supérieur hiérarchique M. Y. A la suite de deux visites médicales de reprise, le médecin du travail concluant à son aptitude à un poste similaire dans un environnement de travail différent et à l'inaptitude à son poste d'agent de qualité, il a été licencié par lettre du 27 décembre 2011 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Pour rejeter la demande du salarié au titre du harcèlement moral, la cour d'appel (CA Douai, 20 décembre 2013, n° 12/03906 N° Lexbase : A8225KSG) a retenu que, s'agissant des dispositifs de prévention du harcèlement moral que tout employeur doit mettre en oeuvre dans son entreprise, il convient de souligner que, de par la nature même des faits de harcèlement moral qu'il s'agit de prévenir, un tel dispositif ne peut avoir principalement pour objet que de faciliter pour les salariés s'estimant victimes de tels faits la possibilité d'en alerter directement leur employeur ou par l'intermédiaire de représentants qualifiés du personnel. Elle ajoute que l'employeur justifiait avoir, d'une part, modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d'alerte en matière de harcèlement moral, et, d'autre part, mis en oeuvre, dès qu'il a eu connaissance du conflit personnel du salarié avec son supérieur hiérarchique immédiat, une enquête interne sur la réalité des faits ainsi qu'une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du CHSCT en prenant la décision, au cours de cette réunion, d'organiser une mission de médiation pendant trois mois entre les deux salariés en cause confiée au directeur des ressources humaines. A la suite de cette décision, le salarié s'est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt au visa des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P), L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail N° Lexbase : E0264E7W).

newsid:453050

Droit des étrangers

[Brèves] CJUE : pas d'emprisonnement à l'encontre de l'étranger, non ressortissant d'un pays de l'UE, entré irrégulièrement dans un Etat membre via une frontière intérieure de l'espace Schengen

Réf. : CJUE, 7 juin 2016, aff. C-47/15 (N° Lexbase : A9687RR9)

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N3073BWQ

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Le 09 Juin 2016

La Directive "retour" (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier N° Lexbase : L3289ICS) s'oppose à ce qu'un ressortissant d'un pays non UE puisse, avant d'être soumis à la procédure de retour, être mis en prison au seul motif de son entrée irrégulière sur le territoire d'un Etat membre via une frontière intérieure de l'espace Schengen. Telle est la solution confirmée par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 7 juin 2016 (CJUE, 7 juin 2016, aff. C-47/15 N° Lexbase : A9687RR9). En l'espèce, Mme A. de nationalité ghanéenne, avait été interceptée par la police française à bord d'un autobus en provenance de Belgique et à destination du Royaume-Uni. Elle a été placée en garde à vue pour entrée irrégulière sur le territoire français. Les autorités françaises ont, ensuite, demandé à la Belgique de la réadmettre sur son territoire. Mme A. contestant la régularité de son placement en garde à vue, la Cour de cassation a saisi la CJUE d'une question préjudicielle (Cass. civ. 1, 28 janvier 2015, n° 13-28.349, FS-P+B+I N° Lexbase : A4101NA7) aux fins de savoir si, au regard de la Directive "retour", l'entrée irrégulière d'un ressortissant d'un pays non UE sur le territoire national peut être réprimée d'une peine d'emprisonnement. La Cour de justice rappelle, dans un premier temps, sa jurisprudence "Achughbabian" (CJUE, 6 décembre 2011, aff. C-329/11 N° Lexbase : A4929H3X) selon laquelle la Directive "retour" s'oppose à toute réglementation d'un Etat membre qui réprime le séjour irrégulier par l'emprisonnement. La Cour constate, dans un second temps, l'applicabilité de la Directive "retour" au ressortissant d'un pays non UE, entré irrégulièrement. La Cour relève, en effet, que les exceptions prévues par la Directive ne permettent pas aux Etats membres de soustraire un ressortissant du champ d'application de la directive au motif que ledit ressortissant a franchi irrégulièrement une frontière intérieure de l'espace Schengen ou qu'il a été arrêté lors de sa tentative de quitter cet espace. Elle ajoute, également, que le fait que Mme A. fasse l'objet d'une procédure de réadmission en Belgique, ainsi que la situation de simple transit, ne rendent pas la directive inapplicable. Elle conclut, par conséquent, que les Etats membres ne sauraient permettre, du seul fait de l'entrée irrégulière conduisant au séjour irrégulier, l'emprisonnement des ressortissants de pays non UE pour lesquels la procédure de retour établie par la Directive n'a pas encore été menée à son terme. Selon elle, un tel emprisonnement serait susceptible de faire échec à l'application de la procédure, de retarder le retour et de porter atteinte à l'effet utile de la Directive (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E4047EYK et N° Lexbase : E5434E7E).

newsid:453073

Électoral

[Jurisprudence] L'actualisation des règles de l'élection présidentielle devant le Conseil constitutionnel : entre interrogation de principe et contrainte procédurale

Réf. : Cons. const., décisions du 21 avril 2016, n°s 2016-729 DC (N° Lexbase : A9209RKB) et 2016-730 DC (N° Lexbase : A9210RKC)

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N3053BWY

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par Olivier Dord, Professeur agrégé de droit public, Université Paris Ouest - Nanterre La Défense (CRDP)

Le 10 Juin 2016

Le 6 avril 2016, le Premier ministre saisit le Conseil constitutionnel de deux textes de loi qui, un an avant l'échéance, actualisent le cadre juridique applicable à l'élection du Président de la République. Au titre de l'article 61, alinéa 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0890AHG), il défère la loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle. Issue d'une proposition parlementaire, ce texte reprend la plupart des recommandations formulées par les différents organes de contrôle de l'élection présidentielle après les scrutins d'avril et mai 2012 (1). Les douze articles de cette loi organique modifient, à titre principal, la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L5341AGW). Trois domaines principaux sont concernés : la présentation des candidats (ou "parrainage") ; la campagne électorale audiovisuelle et les opérations de vote. Au titre de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, le Premier ministre défère également la loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections. Issue d'une seconde proposition parlementaire, cette loi ordinaire ne se limite pas à compléter la loi organique précitée. Elle modifie le Code électoral pour renforcer le contrôle des comptes de campagne pour les élections parlementaires et locales. Elle actualise aussi la loi du 19 juillet 1977, relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion (N° Lexbase : L7776AIT). Dans sa décision n° 2016-729 DC du 21 avril 2016, le Conseil constitutionnel examine, comme le requiert le contrôle obligatoire qu'il exerce au titre de l'article 61, alinéa 1er de la Constitution, la régularité de la procédure d'adoption et la conformité de chaque disposition de la loi organique. Il juge l'ensemble du texte conforme à la Constitution. Le présent commentaire évoque celles de ces dispositions organiques qui ont appelé une motivation plus approfondie de la part du Conseil constitutionnel : d'une part, les dispositions de l'article 2 relatives aux conditions de présentation des candidats à l'élection présidentielle (I) et, d'autre part, celles de l'article 4 relatives à la campagne audiovisuelle pour cette élection (II). Par ailleurs, dans sa décision n° 2016-730 DC du 21 avril 2016, relative à la loi ordinaire, le Conseil constitutionnel se contente de déclarer conforme la procédure d'adoption de ce texte en application de sa jurisprudence sur les saisines dites blanches (III).

I - Les nouvelles règles organiques de présentation des candidats à l'élection présidentielle

Les articles 1er à 3 de la loi organique déférée modifient sur plusieurs points les modalités de présentation des candidats à l'élection présidentielle. En premier lieu, elle actualise la liste des catégories de citoyens habilités à exercer ce droit de présentation afin de tenir compte de la dernière réforme territoriale (2). Sont concernés les membres du conseil de la métropole de Lyon, les maires délégués des communes déléguées, les maires des arrondissements de Paris ainsi que les présidents des organes délibérants des métropoles. En second lieu, la loi organique renforce la transparence des conditions de présentation des candidats. Trois évolutions sont à retenir. D'abord, il revient désormais à chaque élu signataire (ou "parrain"), et non plus à la personne parrainée, d'adresser directement sa présentation au Conseil constitutionnel. Ensuite, cet envoi se fait par voie postale, sur un formulaire officiel prévu à cet effet, ou par voie électronique selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat au plus tard le 1er janvier 2020. Des modalités dérogatoires sont prévues pour les auteurs de présentations issus d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer, de Nouvelle-Calédonie et pour les conseillers à l'Assemblée des français de l'étranger. Enfin, la loi organique impose dorénavant au Conseil constitutionnel de rendre publics le nom et la qualité de tous les citoyens, et non plus seulement de cinq cents d'entre eux tirés au sort, qui ont valablement proposé un candidat. Cette publication doit se faire au fur et à mesure de la réception des présentations et au moins deux fois par semaine. Ses mesures nouvelles, notamment l'acheminement par voie exclusivement postale des parrainages adressés par les élus eux-mêmes "pourrait écarter [le] risque d'instrumentalisation, renforcer la sérénité de ces opérations et diminuer les pressions, parfois fortes, auxquelles sont soumis notamment des maires de communes rurales" (3).

Dans sa décision n° 2016-729 DC précitée, le Conseil constitutionnel juge l'ensemble de ces modifications de la loi du 6 novembre 1962 conformes à la Constitution. Deux points méritent d'être soulignés. En premier lieu, le juge constitutionnel porte son attention sur les modalités d'envoi des présentations de candidats à l'élection présidentielle. La loi organique impose en effet, sauf cas particuliers, aux élus qui parrainent un candidat de transmettre leur présentation uniquement par voie postale. Les intéressés peuvent recourir à tout opérateur postal agréé pour que ces parrainages parviennent au Conseil constitutionnel avant l'expiration du délai fixé par la loi du 6 novembre 1962. Sur ce point particulier, le juge constitutionnel formule une réserve d'interprétation constructive. Il précise que, pour respecter le principe constitutionnel d'égalité entre candidats, ces dispositions organiques ne sauraient faire obstacle "à ce que, saisi par des personnes habilitées à présenter des candidats à l'élection du Président de la République, le Conseil constitutionnel puisse prendre en considération des circonstances de force majeure ayant gravement affecté l'expédition et l'acheminement des présentations dans les jours précédant l'expiration du délai de présentation". De façon assez pragmatique, le Conseil constitutionnel statuant au contentieux garantit ainsi l'exercice de la compétence générale qu'il tire de l'article 58 de la Constitution (N° Lexbase : L0887AHC) selon lequel il "veille à la régularité de l'élection du Président de la République". Il se reconnaît ainsi compétent pour statuer sur la régularité des candidatures arrivées, le cas échéant, hors délai en raison de circonstances de force majeur ayant gravement perturbé leur transmission. On peut ainsi penser à une grève dure ou à des intempéries majeures

En second lieu, le juge déclare conforme à la Constitution, cette fois sans ambages, la transparence désormais entière de la présentation des candidats à la présidentielle. Ceci ne saurait surprendre. Dans sa décision QPC du 21 février 2012 (4), le Conseil constitutionnel juge que la présentation d'un candidat à l'élection présidentielle ne peut être assimilée à l'expression d'un suffrage. Les principes d'égalité et de secret du suffrage que consacre l'article 3 de la Constitution de 1958 (3) ne lui sont donc pas applicables. Dans cette même décision, le Conseil juge encore que la publicité des choix de présentation des candidats, dans ses modalités alors en vigueur, ne porte atteinte ni au principe constitutionnel du pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ni à celui d'égalité entre les candidats. Dans ces conditions, la conformité à la Constitution de la publication de l'ensemble des parrains de chaque candidat est prononcée. Au demeurant, il convient de rappeler que la publication du nom et de la qualité de tous les élus habilités ayant présenté un candidat est réclamée depuis 1974 par le Conseil constitutionnel dans les observations qu'il publie après chaque élection présidentielle (5). En pratique toutefois, cette publication exhaustive des parrainages compliquera sans doute la tâche des "petits" candidats dépourvus de soutien partisan ou issus de partis politiques sans représentation dans les collectivités territoriales. Elle peut en effet dissuader les élus locaux qui, parfois par esprit démocratique, souvent par calcul politicien, apportent leur soutien à un candidat dans lequel ils ne se reconnaissent pas nécessairement.

II - Les nouvelles règles organiques de traitement par les médias de la campagne audiovisuelle durant l'élection présidentielle

L'article 4 de la loi organique contrôlée modifie les modalités d'accès aux médias audiovisuels des candidats durant la période intermédiaire qui précède l'élection présidentielle et qui s'étend de la date de publication au Journal officiel de la liste des candidats à la veille de l'ouverture de la campagne officielle. Il substitue au principe d'égalité des temps de parole, auquel sont soumis les éditeurs de services de communication audiovisuelle sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), un principe d'équité pour la reproduction et les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne. Les éditeurs de service doivent veiller au respect de ce principe d'équité en fonction de deux critères, d'une part, "la représentativité des candidats" et, d'autre part, "la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral". De façon plus précise, le critère de la représentativité des candidats s'apprécie en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent et en fonction des indications de sondages d'opinion. Le principe d'égalité de traitement des candidats par les médias audiovisuels reste en revanche applicable durant toute la campagne officielle.

Dans sa décision n° 2016-729 DC précitée, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution ces dispositions qui sont les plus contestées de la loi organique. Il les contrôle d'ailleurs sous trois angles différents. En premier lieu, il estime que dans l'exercice de la compétence qu'il tire de l'article 6 de la Constitution pour fixer les règles de l'élection présidentielle, le législateur organique a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles applicables en l'espèce : le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 4, alinéa 3, de la Constitution (N° Lexbase : L0830AH9) (6) et la liberté de communication que garantit l'article 11 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1358A98). Le Conseil juge notamment que le législateur organique entend en imposant le respect d'un principe d'équité, d'une part, favoriser, dans l'intérêt des citoyens, la clarté du débat électoral, et, d'autre part, accorder aux éditeurs de services de communication audiovisuelle une liberté accrue dans le traitement de l'information en période électorale. Il souligne en outre que ce principe d'équité de traitement dans l'audiovisuel est compensé par le renforcement de la diversité des opérateurs du secteur et l'existence d'autres modes de diffusion qui contribuent à l'information des citoyens en période électorale et ne relèvent pas de réglementations identiques. Le commentaire officiel de la décision annotée témoigne de ce que le juge constitutionnel est conscient du "caractère conservateur des situations acquises" qui résulte de l'application du principe d'équité. Car il implique de valoriser les candidats représentatifs en fonction notamment des résultats obtenus aux plus récentes élections (7). Cette prime aux candidats soutenus par les partis en place est toutefois compensée, selon le Conseil, par une prise en compte pragmatique de la situation contemporaine des médias du secteur audiovisuel. Celle-ci se traduit par une offre importante et diversifiée de chaînes de radio et de télévision et une concurrence directe avec d'autres médias comme la presse et internet, notamment les réseaux sociaux.

En deuxième lieu, le Conseil juge que l'article 4 de la loi organique n'est pas contraire au principe d'égalité devant le suffrage que consacre l'article 3 de la Constitution (N° Lexbase : L0829AH8). Il constate d'abord le maintien d'une égalité de traitement audiovisuel des candidats à l'élection présidentielle à compter du début de la campagne officielle. S'agissant du principe d'équité qui permet désormais aux médias audiovisuels de traiter différemment, durant la période intermédiaire, ces candidats qui se trouvent pourtant dans la même situation, il juge qu'il ne viole pas pour autant le principe d'égalité. Cette différence de traitement est en effet justifiée par le motif d'intérêt général de clarté du débat électoral. Elle est au surplus en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de prendre en compte l'importance relative des candidats dans le débat public.

En troisième lieu, le Conseil constitutionnel juge que le législateur organique n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en confiant au CSA le surveillance du respect par les éditeurs de services audiovisuels des principes d'équité, puis d'égalité de traitement des candidats. S'agissant de la période intermédiaire, il estime d'abord que les deux critères fixés par la loi organique pour définir le principe d'équité, la "représentativité des candidats" et la "contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral", sont bien de nature à assurer un traitement équitable des candidats à la présidentielle. Il souligne ensuite que si la loi organique permet au CSA de préciser ces critères, elle ne l'autorise pas à ajouter d'autres critères ou conditions non prévus par la loi. Les mesures que le CSA pourrait adopter doivent de toutes façons être soumises à l'avis préalable du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, au contrôle du juge administratif.

III - Les dispositions de la loi ordinaire de modernisation des élections

Dans sa décision n° 2016-730 DC du 21 avril 2016, le Conseil constitutionnel est saisi, toujours par le Premier ministre, de la loi de modernisation de diverses règles relatives aux élections. Cette saisine concomitante d'un texte organique et d'un texte ordinaire portant sur un même sujet n'est pas nouvelle. Comme le souligne le commentaire officiel de la décision, elle est même "pleinement justifiée". Cette double saisine permet en effet de suspendre la promulgation de la loi ordinaire afin que sa publication ne précède pas celle de la loi organique qu'elle complète ou ne soit effectuée alors qu'elle contient des dispositions en rapport avec une disposition organique déclarée non conforme. Cette seconde saisine du Premier ministre présente toutefois la particularité d'être dépourvue de toute motivation juridique (saisine dite "blanche"). Or, depuis sa décision n° 2011-630 DC du 26 mai 2011 (8), le Conseil constitutionnel juge que lorsqu'il est saisi d'une loi ordinaire sans qu'aucun grief ne soit formulé à son encontre, il n'examine plus désormais que la régularité de la procédure d'adoption du texte déféré et, le cas échéant, les motifs d'inconstitutionnalité ressortant des travaux parlementaires ou qu'il y a lieu pour lui de soulever d'office. Sans être dépourvu de tout précédent (9), cette absence totale de grief au soutien d'une saisine au titre de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution constitue une première. Ainsi lorsqu'en 2015, le Président de la République défère pour la première fois une loi au Conseil constitutionnel (10), sa saisine contient une demande d'examen de certaines des dispositions législatives au regard de trois exigences constitutionnelles qui sont explicitement mentionnées.

L'absence de tout grief particulier à l'encontre de la loi déférée dans la saisine du Premier ministre conduit le juge constitutionnel, en application de sa jurisprudence de 2011, à exercer un contrôle très partiel centré sur le respect des règles de la procédure législative. Il examine d'office la conformité de l'insertion de deux amendements portant l'un sur le délai d'imputation des recettes et des dépenses électorales dans le compte de campagne pour les élections autres que présidentielles et l'autre sur la modification de la loi de 1977, sur les sondages. Il juge que leur adoption est conforme à la Constitution car ces amendements présentent un lien avec les dispositions de la proposition de loi initiale. Puis, le Conseil constitutionnel déclare, après l'avoir implicitement examinée, la procédure d'adoption de la loi conforme à la Constitution. Toujours en vertu de sa jurisprudence de 2011, il constate enfin qu'aucun autre motif particulier d'inconstitutionnalité ne ressort des travaux parlementaires et estime qu'il n'y a pas lieu pour lui, d'examiner d'office spécialement des dispositions de la loi déférée.

Parce qu'elles déclarent conformes à la Constitution les lois qu'elles contrôlent, ces décisions du Conseil constitutionnel ont fait l'objet de critiques de la part de certains partis politiques comme d'une partie de la doctrine. Ces critiques ciblent la publication de tous les parrainages des candidats à la présidentielle et l'introduction du principe de traitement équitable de ces mêmes candidats durant la période intermédiaire de la campagne audiovisuelle. Il est ainsi dénoncé un recul de la démocratie et un appauvrissement du débat politique car ces dispositifs privilégient, c'est un fait indéniable, les partis de gouvernement par rapport aux autres. C'est bien mal connaître la réalité de l'élection présidentielle sous la Vème République. Il ne s'agit nullement d'un concours de beauté démocratique au cours duquel chaque nuance du spectre politique aurait le droit de se présenter pour exposer sa vision du monde. Gagner l'élection présidentielle implique en effet pour le candidat de réunir certaines conditions dont le soutien d'un parti politique structuré et puissant n'est pas la moindre. Dans ces conditions, il est logique, et même nécessaire, que les candidats à la présidentielle qui sont "représentatifs ", au sens de la loi du 6 novembre 1962, puissent être valorisés lors de la phase intermédiaire de la campagne audiovisuelle.


(1) Il s'agit du Conseil constitutionnel, mais aussi de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale présidentielle, du CSA, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de la Commission des sondages.
(2) Elle actualise aussi certaines dénominations comme les conseillers généraux devenus conseillers départementaux.
(3) Cons. const., décision n° 2012-155 PDR du 21 juin 2012 (N° Lexbase : A4288IPI), Rec. p. 301, Point I, B.
(4) Cons. const., décision n° 2012-233 QPC du 21 février 2012 (N° Lexbase : A0369IDZ), Rec. p. 130 ; consid. n°7 et sq.
(5) En dernier lieu, v. Cons. const., décision n° 2012-155 PDR du 21 juin 2012, préc., Point I, C.
(6) "La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation".
(7) Loi du 6 novembre 1962, art. 3, § 1 bis.
(8) Dégagée à propos du contrôle de la loi sur l'organisation du championnat d'Europe de football 2016, cette jurisprudence permet de préserver la possibilité pour les justiciable de soulever des QPC contre les dispositions en vigueur d'une loi non expressément contestées au fond au titre de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution.
(9) Pour un refus d'examen d'office des articles 73 à 88 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4), pour défaut de grief particulier dans la saisine des parlementaires, v. Cons. const., décision n° 2011-631 DC du 8 juin 2011 (N° Lexbase : A4307HTP), Rec., p. 252, consid. n° 81.
(10) V. Cons. const., 23 juillet 2015, Loi sur le renseignement, n° 2015-713 DC (N° Lexbase : A9642NM3), consid. n°1.

newsid:453053

Entreprises en difficulté

[Brèves] Désignation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire dans les procédures de rétablissement professionnel et de certaines procédures de liquidation judiciaire

Réf. : Ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 (N° Lexbase : L4069K89)

Lecture: 2 min

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Le 09 Juin 2016

Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 3 juin 2016, permet aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'exercer, dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel et de certaines procédures de liquidation judiciaire -celles ouvertes à l'égard des entreprises qui ne comptent aucun salarié et dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes est inférieur ou égal à 100 000 euros- les fonctions de mandataire judiciaire à titre habituel (ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, relative à la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur ou d'assistant du juge commis dans certaines procédures prévues au titre IV du livre VI du Code de commerce N° Lexbase : L4069K89). Ainsi, l'ordonnance modifie tout d'abord, certaines dispositions du livre VI du Code de commerce qui traitent du fond des procédures dans lesquelles les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires pourront être désignés de manière habituelle. Tel est notamment le cas de l'article L. 641-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L2079KG4), relatif au jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation, et des articles L. 645-7 (N° Lexbase : L7254IZP), L. 645-8 (N° Lexbase : L7255IZQ) et L. 645-10 (N° Lexbase : L7257IZS), concernant le rétablissement personnel. Sont également étendues aux professionnels désignés à titre occasionnel, aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires, les infractions pénales spécifiques aux acteurs des procédures collectives, s'agissant d'une disposition pénale qui est d'interprétation stricte. Par ailleurs sont adaptées certaines dispositions du livre VIII du Code de commerce qui encadrent l'exercice des missions des mandataires judiciaires pour qu'elles soient appliquées aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires. Enfin, les dispositions de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels (N° Lexbase : L7650IGG), sont adaptées afin d'exclure de son champ d'application les faits pouvant donner lieu à poursuites disciplinaires commis à l'occasion des attributions nouvelles des huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires qui relèvera de la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs et mandataires judiciaires. Les dispositions de l'ordonnance entreront en vigueur le 1er janvier 2017.

newsid:453051

[Brèves] Contestation de la mise en oeuvre d'une garantie à première demande et déclaration de la créance correspondante au passif du bénéficiaire sous procédure collective

Réf. : Cass. com., 31 mai 2016, n° 13-25.509, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2635RRZ)

Lecture: 2 min

N3041BWK

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Le 09 Juin 2016

Si, après la mise en oeuvre d'une garantie à première demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun. Par conséquent, le bénéficiaire, cessionnaire des parts sociales d'une société, s'étant estimé fondé à mettre en oeuvre la garantie bancaire autonome sur la constatation d'irrégularités et d'anomalies affectant les comptes de la société cédée et n'ayant justifié de ses allégations auprès du donneur d'ordre, cédant, que par une lettre de son avocat se bornant à faire état, sur une page et très succinctement, des "nombreuses irrégularités entachant plus particulièrement les comptes clients et fournisseurs stipulés dans le bilan 2007", ayant eu une incidence négative d'un certain montant sur le résultat de l'exercice, aucune précision n'ayant pu être obtenue par le donneur d'ordre sur les anomalies invoquées, pas plus que sur des éléments comptables, la créance déclarée par le donneur d'ordre au passif du redressement judiciaire du bénéficiaire, égale au montant versé par le garant que ce dernier a récupéré auprès du donneur d'ordre, est justifiée et doit être admise. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mai 2016, promis à la plus large publicité (Cass. com., 31 mai 2016, n° 13-25.509, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2635RRZ). En l'espèce, la cession des parts d'une société était assortie d'une garantie de passif et, pour l'exécution de celle-ci, d'une garantie autonome à première demande consentie par une banque. La société cessionnaire a mis en oeuvre la garantie de passif et, le même jour, appelé la garantie autonome à première demande. En exécution de celle-ci, la banque a payé la somme de 100 000 euros, qu'elle a débitée du compte de la société cédante. La cessionnaire, bénéficiaire de la garantie, a été mise en redressement judiciaire le 19 octobre 2010. Estimant que l'appel de la garantie autonome à première demande était injustifié, la cédante, donneur d'ordre, a déclaré au passif de la procédure collective de la bénéficiaire une créance égale à la somme versée par la banque, qui a été admise à titre chirographaire. La bénéficiaire a fait l'objet, le 25 octobre 2011, d'un plan de redressement par voie de continuation. La cour d'appel a admis, à concurrence de 100 000 euros et à titre chirographaire, la créance du donneur d'ordre (CA Toulouse, 3 septembre 2013, n° 12/00422 N° Lexbase : A3668KK3). Saisie d'un pourvoi, la Cour régulatrice, énonçant la solution précitée, rejette ce dernier (cf. les Ouvrages "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0339EXT et "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7465CDT).

newsid:453041

Impôts locaux

[Brèves] Les entreprises soumises à l'obligation de tenir une comptabilité ne peuvent évaluer leurs biens que selon la méthode comptable

Réf. : CE 3° et 8° ch-r., 1er juin 2016, n° 382330, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7426RRH)

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N3106BWX

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Le 10 Juin 2016

En principe, la définition des propriétés à prendre en compte pour la détermination de la méthode d'évaluation applicable est fonction du seul critère de leur utilisation distincte, sans que la circonstance que ces propriétés appartiennent à des propriétaires différents ait une incidence (v. CE 8° s-s., 30 septembre 2015, n° 373493, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5704NS3). Toutefois, si les terrains d'un établissement industriel appartenant à une entreprise qui n'est pas astreinte aux obligations de tenir une comptabilité, conformément aux dispositions de l'article 53 A du CGI (N° Lexbase : L1571HLR), sont évalués par la méthode par comparaison, les autres bâtiments et installations de l'établissement, s'ils appartiennent à une entreprise astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, doivent être évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 (N° Lexbase : L0268HMU), alors même qu'ils forment avec les terrains une propriété destinée à une même utilisation. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 1er juin 2016 (CE 3° et 8° ch-r., 1er juin 2016, n° 382330, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7426RRH). En l'espèce, l'administration fiscale a estimé que l'établissement exploité par la société concernée était de nature industrielle et que les bâtiments et aménagements devaient, par conséquent, être évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du CGI. La Haute juridiction a donné raison aux services fiscaux car, d'une part, que les terrains ainsi que les bâtiments et aménagements industriels exploités par la société et passibles de la taxe professionnelle ne faisaient pas l'objet d'une utilisation distincte et concouraient à la même exploitation et, d'autre part, que les terrains d'assiette, propriété d'une SCI, qui n'était pas une entreprise astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, ne pouvaient donc être évalués que selon la méthode par comparaison. Cette décision respecte littéralement les dispositions de l'article 1500 du CGI (N° Lexbase : L1216IER) .

newsid:453106

Procédure administrative

[Brèves] Articulation QPC/question préjudicielle : obligation de saisine de la CJUE par le CE si le caractère sérieux de la QPC dépend de l'interprétation d'une disposition du droit de l'UE

Réf. : CE, 31 mai 2016, n° 393881, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4095RR4)

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N3145BWE

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Le 10 Juin 2016

Dès lors que le caractère sérieux d'une QPC dépend de l'interprétation ou de l'appréciation de la validité d'une disposition du droit de l'Union européenne, le Conseil d'Etat doit saisir la CJUE et rejeter la QPC. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 31 mai 2016 (CE, 31 mai 2016, n° 393881, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4095RR4). Le requérant soutenait que la loi fiscale qu'il contestait était non seulement contraire au droit de l'UE, mais aussi au principe d'égalité, ce qui l'a conduit à déposer une QPC. S'inscrivant dans la ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 N° Lexbase : A4423PA3), le Conseil d'Etat a jugé qu'en l'état, la QPC n'était pas sérieuse, car le juge de l'impôt n'avait pas donné une interprétation du droit de l'Union le conduisant à écarter l'application de la loi aux plus-values transfrontalières ; la loi s'applique donc uniformément à toutes les plus-values. Le Conseil d'Etat a ensuite transmis une question préjudicielle à la CJUE : dès lors que l'interprétation du droit de l'Union présentait une difficulté sérieuse, il lui appartenait, en vertu de l'article 267 du TFUE (N° Lexbase : L2581IPB), d'interroger la Cour de justice (voir CE, 14 mai 2010, n° 312305 N° Lexbase : A1851EXT) (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3755EXD).

newsid:453145

Procédure pénale

[Brèves] Loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale : dispositions relatives à la procédure pénale

Réf. : Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87)

Lecture: 1 min

N3065BWG

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Le 09 Juin 2016

A été publiée au Journal officiel du 4 juin 2016, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87). En marge des dispositions renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme (lire N° Lexbase : N3067BWI), la nouvelle loi prévoit des mesures tendant à renforcer les garanties au cours de la procédure pénale, spécialement au cours de l'enquête et de l'instruction, afin de rendre la procédure totalement conforme aux exigences constitutionnelles et européennes. Ces dispositions figurent dans le chapitre Ier du titre II du texte et portent sur le rôle du procureur de la République et le déroulement des enquêtes et des instructions. Aussi, procède-t-elle, à tous les stades de la procédure à des simplifications qui faciliteront le travail des enquêteurs et des magistrats. Cette simplification concerne ainsi l'enquête et l'instruction, le jugement et, enfin, le prononcé, l'exécution et l'application des peines. Les nouvelles dispositions s'intègrent dans un plan de simplification plus vaste de la procédure pénale déjà mis en oeuvre par le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, et qui comportera également des modifications réglementaires, et des préconisations pratiques qui seront faites par circulaire.

newsid:453065

QPC

[Jurisprudence] L'exclusion du bénéfice du DIF en cas de faute lourde est-elle contraire à la Constitution ?

Réf. : Cass. QPC, 31 mai 2016, n° 15-26.687, F-D (N° Lexbase : A2660RRX) et n° 15-26.688, F-D (N° Lexbase : A2661RRY).

Lecture: 11 min

N3054BWZ

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 09 Juin 2016

Après l'article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9014K4M), abrogé parce qu'il privait les salariés licenciés pour faute lourde de leur indemnité compensatrice du droit à congés payés (Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 N° Lexbase : A7973QDN et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 647, 2016 N° Lexbase : N1762BW8), c'est une autre disposition de même nature, l'ancien article L. 6323-17 du Code du travail (N° Lexbase : L9632IEH), qui privait les salariés de la portabilité de leur droit individuel à formation (DIF), également en cas de licenciement pour faute lourde, qui pourrait bien faire les frais de la procédure de QPC après la transmission d'une question remettant en cause cette règle au regard du principe d'égal accès à la formation professionnelle (I). Le texte pourrait subir le même sort, ce qui n'aurait, d'ailleurs, en réalité, qu'une très faible incidence pratique, dans la mesure où il ne figurait déjà plus en droit positif depuis le 1er janvier 2015 (II).
Résumé

La Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel la QPC suivante : "En ce qu'il prive le salarié en cas de licenciement pour faute lourde de la possibilité de demander la somme correspondant au solde du nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, l'article L. 6323-17 du Code du travail, dans sa version applicable au litige, est-il contraire au principe d'égal accès à la formation professionnelle que la Constitution garantit ?".

I - La faute lourde privative du DIF

Cadre juridique. L'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle (N° Lexbase : L5508DLL) avait, dans son article 6, prévu la création du DIF transférable, en cas de départ de l'entreprise, sauf "en cas de licenciement [...] pour faute grave ou faute lourde" ou de "départ en retraite". Ces dispositions furent reprises par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 (N° Lexbase : L1877DY8) à l'article L. 933-6 du Code du travail, devenu, à la faveur de la recodification, l'article L. 6323-17.

Les partenaires sociaux ont souhaité, dans l'ANI du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI), modifier considérablement le régime en passant d'un DIF portable à un compte personnel de formation "intégralement transférable" (art. 5), qui fut mis en oeuvre par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU) (1). Conclu dans le prolongement de ce texte, l'ANI du 14 décembre 2013, relatif à la formation professionnelle (N° Lexbase : L7503IZW), a repris ce principe d'une transférabilité accrue des droits des salariés, mais a conservé une exception, toutefois restreinte, à la seule hypothèse d'un licenciement pour faute lourde (la faute grave ayant donc été abandonnée). L'article 14 de l'accord, relatif à l'ouverture du compte personnel de formation, disposait, en effet, qu'"en cas de faute lourde, les heures portées au crédit du compte personnel de formation au titre de l'exécution du contrat de travail qui a donné lieu à licenciement pour ce motif sont débitées du compte".

Cette exception n'a finalement pas été reprise par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (N° Lexbase : L6066IZP) (2). Le nouvel article L. 6323-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6376IZ8), qui en est issu, dispose simplement que "les heures de formation inscrites sur le compte demeurent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d'emploi de son titulaire" (3). Le droit est donc désormais inconditionnel, depuis le 1er janvier 2015.

Objet de la QPC. C'est l'exclusion du droit au DIF en cas de licenciement pour faute lourde qui était discuté dans cette affaire, le demandeur considérant, dans le cadre de sa QPC, que l'article L. 6323-17 du Code du travail, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2014, serait contraire au "principe d'égal accès à la formation professionnelle" que la Constitution garantit.

Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la question posée présente un caractère sérieux en ce que, alors que l'existence d'une faute lourde permet à l'employeur de rechercher la responsabilité civile du salarié, l'article L. 6323-17 du Code du travail prévoit la perte du solde du nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation dans une hypothèse qui paraît sans lien avec l'accès à la formation professionnelle et détachée tant du montant des droits acquis que des conséquences dommageables de la faute lourde reprochée".

En d'autres termes, l'inégalité de traitement entre les salariés, selon qu'ils sont licenciés ou non pour faute lourde, au regard de leur droit à DIF, ne reposait pas sur un critère pertinent en "rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (4), le lien entre la faute lourde, et ses conséquences en termes de préjudice pour l'entreprise, et la privation du droit au DIF, étant absent et, en toute hypothèse, sans rapport, avec le montant des droits du salarié.

Reste à mesurer la force des arguments et s'aventurer sur un pronostic sur les chances de succès de cette nouvelle QPC.

II - L'abrogation programmée de l'ancien article L. 6323-17 du Code du travail ?

Contexte jurisprudentiel. Cette transmission intervient moins de six mois après la dernière transmission "utile" par la Chambre sociale de la Cour de cassation de la QPC remettant en cause la privation du droit à l'indemnité compensatrice de congés payés (5) qui avait conduit à l'abrogation immédiate du texte litigieux (6).

Les similitudes entre les deux affaires sont ici évidentes. Dans les deux cas, il s'agit de priver le salarié d'un droit acquis par son travail, en raison des circonstances de la rupture du contrat de travail, en l'occurrence la commission d'une faute lourde. Dans les deux cas, le débat rebondit sur le terrain constitutionnel du principe d'égalité devant la loi. Dans l'affaire précédente, qui concernait la perte de l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, le demandeur s'était situé par rapport au droit à la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, c'est-à-dire dans la même perspective que le droit de l'Union européenne et la Directive 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), espérant, sans doute, convaincre le Conseil constitutionnel de la nécessité d'abroger une disposition légale contraire, la Haute juridiction considérant, à l'occasion de la transmission de la question, que la perte du droit était "sans lien avec les règles d'acquisition ou d'exercice de ces droits au repos". Il s'agissait donc, ici, de discuter l'égalité des salariés dans l'accès au droit au repos, mélange de deux griefs (l'égalité devant la loi et l'exercice du droit au repos (7)), et singulièrement le critère d'exclusion retenu par le législateur, en ce qu'il n'était pas "en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit".

C'est bien l'application du principe d'égalité devant la loi qui avait conduit le Conseil constitutionnel à censurer le dispositif, mais au prix d'une reformulation du moyen, relevé d'office, pour situer le débat non pas au regard du droit au repos, mais du principe d'égalité devant la loi, le Conseil observant que, dans le Code du travail, d'autres salariés, placés dans la même situation au regard de l'avantage en cause (les salariés relevant d'une caisse de congés payés) (cons. 7), jouissaient d'un traitement plus favorable, puisque l'existence d'une éventuelle faute lourde était indifférente à leur droit. Le Conseil avait alors relevé que "la différence de traitement entre les salariés licenciés pour faute lourde selon qu'ils travaillent ou non pour un employeur affilié à une caisse de congés est sans rapport tant avec l'objet de la législation relative aux caisses de congés qu'avec l'objet de la législation relative à la privation de l'indemnité compensatrice de congé payé" et censuré les dispositions de droit commun, aucun lien logique n'existant entre l'affiliation de l'employeur à une caisse de congés payés, justifiée historiquement par la discontinuité de son activité, et l'exclusion du droit à l'indemnité pour sanctionner les salariés.

La différence des situations. Il nous semble que le raisonnement qui a conduit le Conseil constitutionnel à abroger l'article L. 3141-26 du Code du travail devrait, logiquement, conduire à l'abrogation de l'ancien article L. 6323-17 du même code, même si les deux cas ne sont pas absolument identiques.

Dans l'affaire mettant en cause la perte de l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, l'argument qui avait été initialement soumis au Conseil constitutionnel portait sur l'égalité dans l'exercice du droit au repos entre les salariés n'ayant pas commis de faute lourde, et qui conservent, en cas de départ anticipé de l'entreprise, leur indemnité compensatrice, et les auteurs de telles fautes qui en sont privés. Or, le Conseil avait relevé d'office un autre argument tiré de la comparaison des régimes selon que les employeurs des salariés relevaient ou non d'une caisse de congés payés, ce qui incitait à penser que le premier argument, tiré de la pertinence de la faute lourde comme critère de différenciation, était fragile.

Cette fragilité pouvait résulter de l'analyse du "rapport direct" entre l'avantage en cause, l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, et le critère de différenciation, la faute lourde. On sait, en effet, et cela a été rappelé dans le commentaire aux Cahiers, que le droit à l'indemnité compensatrice naît du fait que le contrat de travail a été rompu par l'employeur sans que le salarié ait pu exercer effectivement son droit à congé, pour un motif qui ne lui est pas imputable. Lorsqu'il est licencié pour faute lourde, la rupture lui est bien imputable (8), avec tous ses effets, à commencer par la non-prise de ses congés payés. Le critère n'est donc pas dépourvu de tout lien direct avec l'avantage en cause. On pourrait, toutefois, discuter de la pertinence de ce critère de la faute lourde, dans la mesure où le salarié conserve le bénéfice de cette indemnité dans d'autres circonstances où la rupture du contrat lui est également imputable (démission, rupture conventionnelle) sans qu'il perdre le bénéfice de l'indemnité compensatrice. Le sort particulier réservé à la faute lourde montre qu'il s'agit ici, en réalité, d'une sanction pécuniaire qui ne dit pas son nom, et sans véritable rapport avec l'objet de la règle (le bénéfice de l'indemnité compensatrice).

Or, dans cette nouvelle affaire, le demandeur confronte le traitement des salariés non licenciés pour faute lourde, et qui bénéficient de la portabilité de leur DIF, et celle des coupables de faute lourde qui en sont privés, pour affirmer que le critère de différenciation, la faute lourde, est sans "rapport direct" avec l'objet de la loi, comme il était suggéré, dans l'affaire concernant l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, que la faute lourde n'était pas pertinente. La faiblesse de l'argument, dans cette affaire précédente, qui avait conduit le Conseil constitutionnel à préférer une comparaison avec les salariés relevant des caisses de congés payés, pourrait donc bien conduire le Conseil, dans cette nouvelle affaire, à ne pas censurer le texte.

L'argument doit, toutefois, être relativisé. Il nous semble, en effet, que la faiblesse de l'argument, dans l'hypothèse de la privation de l'indemnité compensatrice du droit à congé payé, pouvait provenir du rattachement du droit à l'indemnité compensatrice au droit au repos ; on sait, en effet, que le droit à congés payés est bien fondé sur le droit au repos, mais l'argument n'est plus nécessairement aussi pertinent s'agissant du droit à l'indemnité compensatrice car, comme son nom l'indique, ce droit à indemnité ne garantit pas effectivement le repos du salarié qui va quitter l'entreprise, mais un équivalent monétaire qui n'a ni le même objet, ni le même effet, puisque le salarié peut parfaitement ne pas utiliser les sommes pour se reposer, notamment parce qu'il pourrait retravailler immédiatement après son licenciement.

Une censure possible. Il nous semble, toutefois, que les arguments déployés dans la décision du 2 mars 2016 permettent de penser que l'ancien article L. 6323-17 du Code du travail pourrait bien se trouver à son tour abrogé, dans sa version de l'époque. La lecture du commentaire aux Cahiers de la décision du 2 mars montre, en effet, que la non-pertinence du critère de la faute lourde, au regard de la règle concernée a, en partie, conduit le Conseil à prononcer la censure, comme en témoigne le rappel des termes du rapporteur Glazer à l'Assemblée nationale, lors des débats parlementaires en 1948, qui avait affirmé que "l'indemnité compensatrice est un droit, une contrepartie du travail effectué durant la période où le salarié a été employé chez son patron. Peu importe de qui émane la résiliation du contrat, le travail n'en n'aura pas moins existé : le congé, ou tout au moins l'indemnité, doit être accordé" (9). C'est d'ailleurs également le sens de la Directive 2003/88, qui n'a pas prévu d'exception au droit à l'indemnité compensatrice en cas de faute lourde.

Si on observe la question précise posée au Conseil, au regard de la privation du droit au DIF, qu'observe-t-on ?

Le DIF réalise l'exigence constitutionnelle (10) d'égal accès à la formation professionnelle ; il ne peut être considéré comme l'expression d'un "droit à la formation professionnelle" (11), le Préambule de 1946 n'en faisant qu'une "obligation nationale" (12).

C'est bien cette égalité dans l'accès à la formation professionnelle qui est en cause ici ainsi que les quatre étapes du raisonnement relatif à l'égalité devant la loi qui doivent être mises en oeuvre pour apprécier le respect, ou la violation, par le législateur de ce principe : l'examen des "situations" (13) ; si les situations sont identiques (14), l'examen du "rapport direct avec l'objet de la loi" du critère légal de différenciation (15) ; si ce rapport est établi, la justification de l'atteinte (16) ; et si l'atteinte est justifiée, sa proportionnalité.

Au regard de l'acquisition du droit au DIF, les salariés quittant l'entreprise sans avoir pu bénéficier de leur droit se trouvent bien dans la même situation. Certes, les salariés ayant quitté l'entreprise après avoir commis une faute lourde sont "responsables" de cette situation, ce qui pourrait les placer dans une situation particulière ; mais comme pour l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, d'autres salariés, tout aussi "responsables" de la situation, ne perdent pas le même avantage (démission, licenciement pour faute sérieuse, ou grave, rupture conventionnelle) sont traités différemment.

En réalité, la privation de ce droit à la suite de la commission d'une faute lourde revêt la nature d'une sanction civile, et de ce point de vue, ce critère de différenciation est sans rapport direct avec l'objet de la loi, qui est de permettre aux salariés d'acquérir, au cours de leur activité au sein de l'entreprise, des droits à formation leur permettant de demeurer "employables" ou d'acquérir de nouvelles compétences, toutes choses sans lien avec la volonté de sanctionner les salariés ayant commis une faute lourde qui peuvent, par ailleurs, voir leur responsabilité pécuniaire engagée s'ils ont occasionné des dommages à leur entreprise.

Il en va différemment des autres conséquences de la faute lourde qui peut priver le salarié du bénéfice de sommes ayant une nature indemnitaire, dès lors que la faute (grave ou lourde) peut être considérée comme la cause de son préjudice, dont il ne peut alors pas réclamer réparation : tel est le cas de la privation de l'indemnité compensatrice de préavis, puisque la perte du droit à préavis est la conséquence nécessaire de la faute qui, par définition, rend impossible la poursuite du contrat. Tel est également le cas de la privation de l'indemnité de licenciement qui répare le dommage consécutif à la perte d'emploi, laquelle se trouve également imputable à la faute du salarié. Mais tel n'est pas le cas d'indemnités n'ayant pas de nature indemnitaire, mais bien salariale, comme l'indemnité compensatrice du droit à congés payés, mais aussi du DIF ; dans ces conditions, la faute du salarié est sans lien direct avec l'existence ou le montant des droits du salarié.

L'absence de "rapport direct avec l'objet de la loi" a, d'ailleurs, été fréquemment utilisée ces dernières années pour censurer des textes, au nom du principe d'égalité devant la loi, en matière fiscale pour censurer des différences entre les régimes d'imposition (17), mais aussi en matière électorale (18). C'est bien l'absence de "rapport direct" qui pourrait donc, de nouveau, être utilisée ici, comme elle l'avait été par le Conseil constitutionnel pour censurer le barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lors de l'examen de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi "Macron" (N° Lexbase : L4876KEC) (19), le Conseil ayant considéré comme dénué de rapport direct avec l'indemnisation des dommages causés par une faute de l'employeur (licenciement sans cause réelle et sérieuse) la prise en considération de l'effectif de l'entreprise.


(1) N. Maggi-Germain, Le compte personnel de formation, Dr. soc., 2013, p. 687.
(2) C. Willmann, Lexbase, éd. soc., n° 563, 2014 (N° Lexbase : N1315BUA) ; J. Gautié ; N. Maggi-Germain, C. Pèrez, Fondements et enjeux des "comptes de formation" : les regards croisés de l'économie et du droit, Dr. soc., 2015, p. 169.
(3) Lire Y. Pagnerre, JCl, Trav., Traité, fasc. 61-20, Formation continue, Moyens d'accès, n° 169.
(4) Cons. const., décision n° 87-232 DC, du 7 janvier 1988 (N° Lexbase : A8176ACS), cons. 10. La formule complète, reproduite depuis, résulte de Cons. const., décision n° 89-254 DC, du 4 juillet 1989 (N° Lexbase : A8197ACL), cons. 18.
(5) Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 15-19.597, FS-P+B (N° Lexbase : A4927NY7).
(6) Cons. const., décision n° 2015-523 QPC, du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 647, 2016 (N° Lexbase : N1762BW8).
(7) Le Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) garantit d'ailleurs "à tous [...] le repos".
(8) Il en est, en tout cas, le "responsable", même si l'initiative de la rupture incombe, bien entendu, à l'employeur qui a rompu le contrat de travail.
(9) Cahiers, p. 4.
(10) Cons. const., décision n° 2006-533 DC, du 16 mars 2006 (N° Lexbase : A5902DNW), AJDA, 2006, 1961, note C. Geslot ; D., 2007, 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino. Une QPC avait été posée au Conseil d'Etat sur ce fondement mais n'avait pas été jugée suffisamment sérieuse pour être transmise, dans le cadre d'une requête tendant à l'annulation du décret n° 2012-303 du 5 mars 2012 (N° Lexbase : L3148ISE), de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 153 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (N° Lexbase : L4993IRD) : CE, 1° et 6° s-s-r., 19 septembre 2012, n° 357814, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2380ITC).
(11) Comme le rappelle N. Maggi-Germain dans son article, Le compte personnel de formation, Dr. soc., 2013, p. 687.
(12) C. trav., art. L. 6111-1 (N° Lexbase : L2656IZE).
(13) Cons. const., décision n° 2016-539 QPC, du 10 mai 2016 (N° Lexbase : A5064RNU), cons. 6.
(14) Si les salariés ne sont pas dans la même situation, alors le raisonnement s'arrête là et le législateur est quitte dans la mesure où le Conseil n'impose pas au Parlement de traiter de manière différente des personnes placées dans des situations différentes (Cons. const., décision n° 2008-568 DC, du 7 août 2008 (N° Lexbase : A8775D9U), cons. 8 ; Cons. const., décision n° 2010-24 QPC, du 6 août 2010 (N° Lexbase : A9232E73) ; Cons. const., décision n° 2010-58 QPC, du 18 octobre 2010 (N° Lexbase : A9275GB7) ; Cons. const., décision n° 2010-83 QPC, du 13 janvier 2011 (N° Lexbase : A8475GPL). Le principe est le même s'agissant de l'égalité devant les charges publiques (Cons. const., décision n° 2012-662 DC, du 29 décembre 2012 N° Lexbase : A6288IZW).
(15) Cons. const., décision n° 2015-520 QPC, du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3), cons. 10 : Considérant qu'en édictant une condition relative aux droits de vote attachés aux titres des filiales pour pouvoir bénéficier du régime fiscal des sociétés mères, le législateur a entendu favoriser l'implication des sociétés mères dans le développement économique de leurs filiales ; que la différence de traitement entre les produits de titres de filiales, qui repose sur la localisation géographique de ces filiales, est sans rapport avec un tel objectif ; qu'il en résulte une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ; que le b ter du 6 de l'article 145 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3836KWY) doit être déclaré contraire à la Constitution".
(16) Dernièrement, Cons. const., décision n° 2016-534 QPC, du 14 avril 2016 (N° Lexbase : A2667RIM), cons. 5 : "Considérant qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur, poursuivant un objectif d'équilibre des comptes de la sécurité sociale, a entendu limiter le cumul d'une pension d'invalidité et de revenus du travail ; qu'un tel objectif ne constitue pas une raison d'intérêt général de nature à justifier la différence de traitement entre les personnes titulaires d'une pension d'invalidité qui reprennent une activité professionnelle ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la disposition contestée, qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi, doit être déclarée contraire à la Constitution".
(17) Cons. const., décision n° 2014-436 QPC, du 15 janvier 2015 (N° Lexbase : A1942M9S), cons. 12 ; Cons. const., décision n° 2015-520 QPC, du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3), cons. 10 ; Cons. const., décision n° 2015-509 QPC, du 11 décembre 2015 (N° Lexbase : A0395NZN), cons. 6.
(18) Cons. const., décision n° 2014-432 QPC, du 28 novembre 2014 (N° Lexbase : A3792M49) ; Cons. const., décision n° 2014-709 DC, du 15 janvier 2015 (N° Lexbase : A1943M9T), cons. 25 (réserve d'interprétation).
(19) Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG) et les obs. de A. Fabre, Lexbase, éd. soc., n° 623, 2015 (N° Lexbase : N8672BUQ) : "si le législateur pouvait, à ces fins, plafonner l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ; que, si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'est pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise ; que, par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi".

Décisions

Cass. QPC, 31 mai 2016, n° 15-26.687, F-D (N° Lexbase : A2660RRX) et n° 15-26.688, F-D (N° Lexbase : A2661RRY).

Transmission (CA Rennes, 16 septembre 2015).

Textes : C. trav., art. L. 6323-17 (N° Lexbase : L9632IEH, dans sa version applicable au litige).

Mots clef : congés payés ; indemnité compensatrice ; faute lourde ; QPC.

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Protection sociale

[Brèves] Inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale : la Cour de cassation confirme sa position concernant le champ d'application de cette décision

Réf. : Cass. soc., 1er juin 2016, n° 15-12.276, FS-P+B+I N° Lexbase : A2662RRZ)

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N3079BWX

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Le 09 Juin 2016

Dans sa décision du 13 juin 2013 (décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 N° Lexbase : A4712KGM), le Conseil constitutionnel a énoncé que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0678IZ7) n'était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de la publication de la décision et liant les entreprises à celles qui sont régies par le Code des assurances, aux institutions du Code de la Sécurité sociale et aux mutuelles relevant du Code de la mutualité. Les contrats en cours sont les actes ayant le caractère de conventions ou d'accords collectifs ayant procédé à la désignation d'organismes assureurs pour les besoins du fonctionnement des dispositifs de mutualisation que les partenaires sociaux ont entendu mettre en place. Partant, l'accord collectif du 8 décembre 2011 étant en cours lors de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, l'ensemble des employeurs entrant dans le champ d'application de l'accord collectif, restait tenu d'adhérer au régime désigné par les partenaires sociaux. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er juin 2016, confirmant sa décision du 11 février 2015 (Cass. soc., 11 février 2015, n° 14-13.538, FS-P+B N° Lexbase : A4480NBK, lire J. Bourdoiseau, Lexbase, éd. soc., n° 604, 2015 N° Lexbase : N6361BU7 ; Cass. soc., 1er juin 2016, n° 15-12.276, FS-P+B+I N° Lexbase : A2662RRZ).
En l'espèce, par accord collectif du 8 décembre 2011, conclu dans le cadre de la Convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997 (N° Lexbase : X0612AEE), signé par trois syndicats et par deux organisations patronales (l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)), étendu par arrêté du ministre du Travail du 19 décembre 2012, l'Institution de Prévoyance du Groupe Mornay (IPGM) a été désignée comme l'unique organisme gestionnaire du régime complémentaire de prévoyance. Le syndicat CFDT a assigné l'ensemble des organisations syndicales devant un tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation de l'accord et une injonction de procéder à une nouvelle réunion aux fins de désignation de la société A., conformément aux résultats de l'appel d'offres. La cour d'appel (CA Paris, 16 octobre 2014, n° 12/17007 N° Lexbase : A5158MYP) énonça que les pharmacies d'officine qui n'avaient pas encore, au jour de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, satisfait à l'obligation d'adhérer aux contrats types avec l'IPGM prévues par l'accord du 8 décembre 2011 (art. 2-2° et 7), ne peuvent plus y être contraintes. La FSPF forma un pourvoi en cassation auquel la Haute juridiction accéda. Enonçant le principe susvisé, elle casse et annule l'arrêt de la cour d'appel au visa de l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L7403HHN), ensemble l'article L. 912-1, dans sa rédaction alors applicable et les articles 2-2° et 4 de l'accord du 8 décembre 2011.

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Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

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Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.