Lecture: 1 min
N2876B3W
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 12 Septembre 2025
Depuis 2015, Place de Droit explore, analyse et partage l’actualité juridique autrement. Pour célébrer cette première décennie, nous avons réuni notre communauté autour d’un moment fort : regards croisés, échanges, souvenirs… et un toast au droit vivant.
► La présentation par Jacques Bouyssou, Avocat associé, secrétaire général de Paris Place de Droit, à retrouver sur Youtube.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492876
Lecture: 1 min
N2909B37
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Vincent Téchené, Rédacteur en chef
Le 18 Septembre 2025
La revue Lexbase Affaires vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection de l’actualité jurisprudentielle et normative en droit des affaires des deux mois écoulés (du 19 juillet au 14 septembre 2025), classée par matières sous plusieurs thèmes/mots-clés.
III. Baux commerciaux et professionnels
VIII. Entreprises en difficulté
IX. Financier/Marchés financiers
X. Propriété intellectuelle/IT
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Tribunal arbitral du sport – Contrôle juridictionnel effectif
CJUE, 1er août 2025, aff. C-600/23, Royal Football Club Seraing SA N° Lexbase : B1525BCH: la CJUE consacre le droit, notamment pour les clubs et les joueurs, d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif des sentences arbitrales rendues par le Tribunal arbitral du sport. Les juridictions des États membres doivent pouvoir faire un contrôle approfondi de la compatibilité de ces sentences avec les règles fondamentales du droit de l’Union.
A. Actualité normative
♦ Organismes sans but lucratif – Prêts
Dématérialisation des titres transférable – Mise en œuvre de la « méthode fiable »
Décret n° 2025-811 du 12 août 2025 relatif à la définition de la méthode fiable pour la dématérialisation des titres transférables et portant diverses dispositions relatives aux instruments pour le commerce extérieur N° Lexbase : L8784NAL : le décret définit, les conditions à respecter pour mettre en œuvre la « méthode fiable » mentionnée à l'article 16 de la loi n° 2024-537 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France N° Lexbase : L6590MSU ainsi que les modalités selon lesquelles le titre peut être converti sur support papier ou électronique. Le décret apporte par ailleurs diverses précisions dans le Code de commerce, le Code des assurances, le Code monétaire et financier et le Code des transports.
♦ Encadrement des frais bancaires – Succession
Décret n° 2025-813 du 13 août 2025 d'application de la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession N° Lexbase : L8781NAH : le décret détermine les conditions d'application du 1° de l'article L. 312-1-4-1 du Code monétaire et financier et les modalités de plafonnement des frais pouvant être prélevés en application de l'avant-dernier alinéa de cet article, dans la limite de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d'épargne du défunt mentionnés au premier alinéa.
♦ Établissements de paiement ou de monnaie électronique – Système de paiement
Arrêté du 1er septembre 2025 relatif à la liste des informations et documents dont doivent disposer les établissements de paiement ou de monnaie électronique pour participer à un système de paiement N° Lexbase : Z02636XL : cet arrêté définit les informations et documents dont doivent disposer les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique aux fins de se conformer au I de l'article L. 330-5 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5012M9I, introduit par la loi « DDADUE » n° 2025-391 du 30 avril 2025 N° Lexbase : L4775M9Q, lorsqu'ils demandent à participer ou participent à un système de paiement.
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Opérations de paiement non autorisées
CJUE, 1er août 2025, aff. C-665/23 N° Lexbase : B1516BC7 : l’article 58 de la DSP 1 (Directives (CE) n° 2007/64 du 13 novembre 2007 N° Lexbase : L5478H3B) doit être interprété en ce sens que l’utilisateur de services de paiement est, en principe, privé du droit d’obtenir la correction d’une opération s’il n’a pas signalé sans tarder à son prestataire de services de paiement qu’il a constaté une opération de paiement non autorisée, alors même qu’il la lui a signalée dans les treize mois suivant la date de débit.
Cependant, ce payeur ne sera, en principe et sauf agissement frauduleux de sa part, privé de son droit d’obtenir la correction effective de ladite opération que s’il a tardé à signaler celle-ci à son prestataire de services de paiement de manière intentionnelle ou à la suite d’une négligence grave consistant en une violation caractérisée d’une obligation de diligence.
En outre, ce payeur ne sera, en principe, privé du droit d’obtenir le remboursement que des seules pertes qui résultent des opérations qu’il a intentionnellement ou de manière gravement négligente tardé à signaler à son prestataire de services de paiement.
Pour aller plus loin : v. J. Lasserre-Capdeville, Nouvelles précisions sur le droit applicable aux opérations de paiement non autorisées, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2887B3C. |
♦ Titrisation – Information du débiteur du changement d'entité chargée du recouvrement
Cass. com., 10 septembre 2025, n° 24-15.885, F-B N° Lexbase : B8743BQU : en cas de transfert de créance à un organisme de financement, une assignation en paiement informe le débiteur du changement d'entité chargée du recouvrement même si elle a été délivrée avant l'entrée en vigueur de l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9508LGA dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK , par application de l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4, dont il résulte que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.
♦ Chèque – Demande en paiement – Droit cambiaire – Rapport fondamental
Cass. com., 10 septembre 2025, n° 24-16.453, F-B N° Lexbase : B8753BQA : il résulte de la combinaison de l'article 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK et L.131-35 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L4089IAP que, lorsque la demande en paiement d'une somme figurant sur un chèque n'est pas fondée sur le droit cambiaire mais sur le rapport fondamental liant le tireur au bénéficiaire, il appartient à celui qui poursuit le paiement de prouver l'existence de l'obligation dont il réclame l'exécution.
Pour aller plus loin : v. J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, Précisions sur la charge de la peuve en matière de chèque ayant fait l’objet d’une opposition indue, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2897B3P. |
III. Baux commerciaux et professionnels
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Cession de fonds de commerce – Transmission des obligations du vendeur
CE, 2ème ch., 23 juillet 2025, 494238, Inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B5940AZZ : en l'absence de clause expresse et sauf exceptions prévues par la loi, la cession d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui ni celle des créances qu'il détenait antérieurement à la cession.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Pratique anticoncurrentielle – Google – Amende
Commission européenne, communiqué de presse, 5 septembre 2025 : la Commission européenne a infligé à Google une amende d'un montant de 2.95 milliards d'euros au motif que cette entreprise a enfreint les règles européennes en matière de pratiques anticoncurrentielles en faussant la concurrence dans le secteur des technologies publicitaires (« adtech »).
♦ Commission d’examen des pratiques commerciales – Notion de grossiste
CEPC, avis n° 25-5, relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur la notion de grossiste et l’application des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce : une filiale d’un industriel, s’approvisionnant au sein de son groupe, en vue de contracter avec des distributeurs, ne peut pas être qualifiée de grossiste, au sens de l’article L. 441-1-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3422MH9, et est donc soumise à l’article L. 441-17 du Code de commerce N° Lexbase : L3430MHI. Le commerce de gros est un secteur à part entière, qui se caractérise par le fait que le grossiste est soumis à une double négociation, avec ses fournisseurs à l’amont comme avec ses distributeurs à l’aval. Même s’il ne s’agit pas d’une condition requise par la loi pour la qualification de grossiste, l'indépendance de ce dernier vis-à-vis des fournisseurs est intrinsèque à son métier.
♦ Commission d’examen des pratiques commerciales – Vente à perte et encadrement des promotions
CEPC, avis n° 25-3, relatif à une demande d’avis d’un professionnel portant sur la vente à perte et l’encadrement des promotions dans le cadre de la mise en place de contrat de mandat concernant les nouveaux instruments promotionnels : le dispositif expérimental de rehaussement du seuil de revente à perte de 10 % pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, étant applicable uniquement aux reventes en l’état au consommateur, ne concerne pas les reventes réalisées par une centrale d’achat à destination de supermarchés indépendants. Lorsque la centrale d’achat donne mandat aux supermarchés qu’elle approvisionne d’octroyer, en son nom et pour son compte, aux consommateurs lors de leur passage en caisse, des avantages promotionnels sur les produits revendus, l'opération relève de l’article L. 441-4, VII du Code de commerce N° Lexbase : L3425MHC.
Les avantages octroyés, dans le cadre d’un contrat de mandat, par la centrale d’achat, non pas aux supermarchés, mais directement aux consommateurs, sont sans incidence sur le respect de l’interdiction de revente à perte par la centrale d’achat comme par le supermarché. Leur montant, lorsqu’ils concernent « les produits agricoles mentionnés à l'article L. 443-2 N° Lexbase : L0704L79, le lait et les produits laitiers », est plafonné à 30 % de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris. Par ailleurs, « les avantages promotionnels, immédiats ou différés ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur des produits de grande consommation » font l'objet d'un double encadrement, en valeur et en volume, ceci qu’ils soient accordés au consommateur par le fournisseur ou par le distributeur.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
(Néant)
C. Avis et autres actualités
♦ Relèvement du seuil de revente à perte – Part de surplus de chiffre d’affaires des distributeurs
DGCCRF, actualité, 17 juillet 2025 : la DGCCRF a publié le 17 juillet une méthode relative au document présentant la part de surplus de chiffre d’affaires des distributeurs généré par le relèvement du seuil de revente à perte qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Part de surplus de chiffre d’affaires généré par le relèvement du seuil de revente à perte : la DGCCRF précise les modalités de déclaration annuelle, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2751B3B. |
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Cookies – Sanction de Google
CNIL, délibération n° SAN 2025-004, 1er septembre 2025 N° Lexbase : X8130CSW : le 1er septembre 2025, la CNIL a sanctionné Google d’une amende de 325 millions d’euros pour avoir affiché des publicités entre les courriels des utilisateurs de Gmail sans leur accord, et pour avoir déposé des traceurs (cookies) lors de la création de comptes Google, sans consentement valide des utilisateurs français.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Régulation des cookies : la CNIL prononce deux amendes à l’encontre de Google et de Shein, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2894B3L. |
♦ Cookies – Sanction de Shein
CNIL, délibération n° SAN 2025-005, 1er septembre 2025 N° Lexbase : X8131CSX : le 1er septembre 2025, la CNIL a sanctionné la filiale irlandaise du groupe Shein, d’une amende de 150 millions d’euros pour le non-respect des règles applicables en matière de traceurs (cookies), déposés sur le terminal des utilisateurs se rendant sur le site « shein.com ».
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Régulation des cookies : la CNIL prononce deux amendes à l’encontre de Google et de Shein, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2894B3L. |
♦ Transmission de données pseudonymisées à un tiers – Notion de données à caractère personnel
CJUE, 4 septembre 2025, aff. C-413/23 P N° Lexbase : B0653BNI : les données pseudonymisées ne constituent pas toujours des données personnelles dans tous les cas et pour toute personne ; si le risque d’identification est insignifiant, la pseudonymisation peut signifier que les données sont anonymes. En revanche, si une organisation communique des données (qui sont personnelles pour elle) à une autre organisation, elle doit malgré tout inclure cette information dans sa politique de confidentialité, et ce même si les données sont anonymes entre les mains du destinataire. Enfin, la CJUE confirme que les opinions et points de vue personnels « concernent » nécessairement les individus et constituent des données à caractère personnel.
VIII. Entreprises en difficulté
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Liquidation judiciaire – Dette contractée antérieurement à l'activité professionnelle
Cass. com., 10 septembre 2025, n° 24-15.275, F-B N° Lexbase : B8732BQH : justifie légalement sa décision la cour d'appel qui ouvre une procédure de liquidation judiciaire en raison d'une dette contractée antérieurement à l'activité professionnelle ouvrant droit à l'application des règles régissant les procédures collectives, dès lors qu'à la date de l'ouverture de la procédure collective, le débiteur relevait desdites règles et était susceptible d'être poursuivi pour le règlement de cette dette, sans avoir à établir que tout ou partie de son passif provenait de son activité exercée à titre individuel.
Pour aller plus loin : v. Ch. Lebel, Une dette antérieure à l’activité professionnelle justifie l’ouverture d’une liquidation judiciaire, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2899B3R. |
IX. Financier/Marchés financiers
A. Actualité normative
♦ Organismes sans but lucratif – Prêts
Décret n° 2025-779 du 7 août 2025 relatif aux prêts entre organismes sans but lucratif N° Lexbase : L7828NA8 : le décret fixe les conditions et les limites dans lesquelles peuvent être octroyés les prêts prévus à l'article 8 de la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative N° Lexbase : L6564MSW.
Pour allers plus loin : v. J. Sutour, Précisions sur les prêts et opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2906B3Z. |
♦ Organismes sans but lucratif – Opérations de trésorerie
Décret n° 2025-780 du 7 août 2025 relatif aux opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif N° Lexbase : L7829NA9 : le décret fixe les conditions et les limites dans lesquelles peuvent être réalisées les opérations de trésorerie prévues à l'article 9 de la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative N° Lexbase : L6564MSW.
Pour allers plus loin : v. J. Sutour, Précisions sur les prêts et opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2906B3Z. |
♦ Fonds d'investissement alternatifs (FIA) – Émission de titres de créance
Décret n° 2025-948 du 8 septembre 2025 sur l'émission de titres de créance par les fonds professionnels spécialisés et les organismes de financement spécialisé N° Lexbase : L1811NBP : le décret comporte une mesure d'application de l'ordonnance n° 2024-662 du 3 juillet 2024 portant modernisation du régime des fonds d'investissement alternatifs (FIA) N° Lexbase : L7695MSS en matière d'émission de titres de créance par les fonds professionnels spécialisés (FPS) et les organismes de financement spécialisé (OFS).
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
(Néant)
X. Propriété intellectuelle/IT
A. Actualité normative
♦ Intelligence artificielle (IA) – Obligations incombant aux fournisseurs de modèles d’IA à usage général
Commission européenne, lignes directrices à l’intention des fournisseurs de modèles d’IA à usage général, 18 juillet 2025 (en anglais) : la Commission européenne a publié le 18 juillet des lignes directrices sur la portée des obligations incombant aux fournisseurs de modèles d’IA à usage général en vertu de la législation sur l’Intelligence artificielle.
Pour allers plus loin : v. V. Téchené, La Commission européenne publie des les lignes directrices à l’intention des fournisseurs de modèles d’IA à usage général, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2750B3A. |
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Droit d'auteur – Contrefaçon – Délai de prescription
Cass. civ. 1, 3 septembre 2025, n° 23-18.669, FS-B N° Lexbase : B6779BMZ : lorsque la contrefaçon de droits d'auteur résulte d'une succession d'actes distincts, qu'il s'agisse d'actes de reproduction, de représentation ou de diffusion, et non d'un acte unique de cette nature s'étant prolongé dans le temps, la prescription court pour chacun de ces actes, à compter du jour où l'auteur a connu un tel acte ou aurait dû en avoir connaissance.
♦ Règlement sur les services numériques (DSA) – Redevance de surveillance applicable à Facebook, Instagram et TikTok
Trib UE, 10 septembre 2025, deux arrêts, aff. T-55/24 N° Lexbase : B8730BQE et aff. T-58/24 N° Lexbase : B8731BQG : le Tribunal de l’Union européenne a annulé, le 10 septembre 2025, la décision de la Commission européenne fixant, en application du Règlement sur les services numériques (DSA) la redevance de surveillance applicable à Facebook, Instagram et TikTok. Les effets des décisions annulées sont toutefois maintenus de manière provisoire.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, DSA : annulation de la décision de la Commission fixant la redevance de surveillance applicable à Facebook, Instagram et TikTok, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2865B3I. |
A. Actualité normative
♦ Sociétés anonymes – Conseil d’administration et conseil de surveillance – Women on boards
Décret n° 2025-744 du 30 juillet 2025 visant à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes au sein du conseil d'administration et du conseil de surveillance de certaines sociétés commerciales N° Lexbase : L7193NAN : le décret précise les règles que doivent prévoir les statuts pour l'application de la règle d'équilibre entre les femmes et les hommes aux désignations des administrateurs représentants des salariés par les organisations syndicales et aux élections de ces administrateurs. Il énonce les règles que doivent respecter les statuts en cas de remplacement dû à la vacance d'un poste d'administrateur salarié. Il adapte à la même règle d'équilibre entre les femmes et les hommes le dispositif de représentation des salariés au sein des sociétés à participation de l'État. Il détaille les conditions que doit respecter la sélection d'un candidat à un poste d'administrateur lorsque la composition du conseil d'administration ou de surveillance ou du directoire ne respecte pas la règle d'équilibre. Il fixe une règle de priorité au candidat du sexe sous-représenté en cas de qualifications égales. Il prévoit l'inversion de la charge de la preuve au bénéfice du candidat du sexe sous-représenté qui n'a pas été sélectionné.
♦ Sociétés des professions libérales réglementées - Commissaire aux comptes
Décret n° 2025-791 du 8 août 2025 relatif à l'exercice en société de la profession de commissaire aux comptes N° Lexbase : L7957NAX : le décret du 8 août met en œuvre pour la profession de commissaire aux comptes les dispositions de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 N° Lexbase : L7738MGP ayant réformé l'exercice en société des professions libérales réglementées.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Réforme des sociétés des professions libérales réglementées : mise en œuvre pour la profession de commissaire aux comptes, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2895B3M. |
♦ Marché de croissance des PME – Liquidité des titres – Exercice des fonctions dévolues du directoire
Décret n° 2025-818 du 13 août 2025 relatif à la liquidité des titres admis sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises et à la gouvernance des sociétés anonymes N° Lexbase : L8887NAE : publié au Journal officiel, le décret vient (i) définir les conditions de liquidité des titres d'une entreprise admis aux négociations sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises et (ii) fixer le seuil de capital en dessous duquel les fonctions dévolues au directoire dans les sociétés anonymes dualistes peuvent être exercées par une seule personne.
♦ Dirigeants sociaux – Registre du commerce et des sociétés (RCS) – Occultation des adresses personnelles
Décret n° 2025-840 du 22 août 2025 relatif à la protection des informations relatives au domicile de certaines personnes physiques mentionnées au registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L9501NA7 : ce décret vise à rendre possible, à leur demande et via le guichet unique, l'occultation des adresses personnelles des personnes physiques dirigeantes et associés indéfiniment responsables de personnes morales figurant au registre du commerce et des sociétés.
Pour aller plus loin : v. Th. Favario, Sécurité des dirigeants sociaux : occultation des informations relatives à leur domicile au registre du commerce et des sociétés, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2890B3G. |
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Sociétés de conseil en propriété industrielle – Abrogation d’une dérogation aux règles de répartition du capital social
Cons. const., décision n° 2025-1150 QPC, du 25 juillet 2025 N° Lexbase : B1123A3Y : le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions des articles 131 et 134 de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 N° Lexbase : L7697MSU qui abrogent la dérogation à la règle selon laquelle le capital social des sociétés exerçant l’activité de conseil en propriété industrielle doit être majoritairement détenu par des membres de la profession et imposent aux sociétés qui bénéficiaient jusqu’alors de cette dérogation de se mettre en conformité avec une telle règle.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Sociétés de conseil en propriété industrielle : conformité à la Constitution de l’abrogation d’une dérogation aux règles de répartition du capital social, Lexbase Affaires, septembre 2025 N° Lexbase : N2749B39. |
C. Avis et autres actualités
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Transport maritime – Saisie conservatoire des navires
Cass. com., 10 septembre 2025, n° 24-12.424, F-B N° Lexbase : B8757BQE : il résulte des articles, 1er, 2 et 6 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires que si les règles de procédure relatives à l'obtention de l'autorisation de saisir un navire sont régies par la loi de l'État contractant dans lequel la saisie a été demandée, la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1er de la Convention, suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492909
Réf. : Cass. soc., 10 septembre 2025 deux arrêts, n° 23-22.732 N° Lexbase : B8736BQM et n° 23-14.455 N° Lexbase : B8738BQP, FP-B+R
Lecture: 11 min
N2902B3U
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 18 Septembre 2025
Mots-clés : congés payés • arrêt maladie • heures supplémentaires • droit européen • entreprises
Le 10 septembre 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts majeurs en matière de congés payés, mettant le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne. L’un consacre le droit au report des congés en cas d’arrêt maladie survenu pendant cette période, l’autre impose de prendre en compte les congés payés dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Autant de changements qui bouleversent la pratique des entreprises. Carine Cohen, Avocate associée au cabinet Orlex Avocats, décrypte pour nous la portée et les conséquences concrètes de ces décisions.
Lexbase Social : Pouvez-vous nous exposer les principaux enseignements des deux arrêts du 10 septembre 2025 ?
Le 10 septembre, s’agissant des congés payés précisément, la Cour de cassation a rendu deux arrêts qui étaient très attendus.
Globalement, si on devait résumer les deux arrêts évoqués ci-dessus, ils visent à garantir une effectivité du droit au repos lié aux congés payés.
Ces décisions étaient très attendues alors pourtant que les solutions dégagées par la Cour de cassation n’ont rien de surprenant dans la mesure où elles correspondent à la mise en conformité de la jurisprudence interne avec celle de la CJUE [1].
Pour rappel, le 18 juin 2025, la Commission européenne avait adressé une mise en demeure à la France, aux termes de laquelle il lui était reproché de ne pas garantir, dans le cadre de sa législation nationale, que « les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie ».
Le droit européen considère, en effet, que toute pratique ou omission d'un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur est incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé. Conscient de cette divergence entre le droit européen et le droit national et « afin d’éviter tout contentieux inutile », le ministère du Travail préconisait déjà aux entreprises, avant l’arrêt du 10 septembre 2025, de s’inspirer d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles sur le sujet, dont la solution est conforme à la jurisprudence européenne [2].
Lexbase Social : Quelles sont les principales conséquences pour les entreprises ?
Les conséquences pour les entreprises ne sont pas anodines puisqu’il s’agit de changer radicalement d’approche sur deux sujets très structurants.
Concernant le report des congés payés pendant la maladie, auparavant, la règle applicable était la suivante : le salarié qui tombait malade pendant ses congés payés ne pouvait pas exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n'avait pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, dans la mesure où la première cause de suspension du contrat de travail (en l’espèce les congés payés) primait sur toute autre cause.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui et les employeurs vont devoir prendre en compte l’interruption des congés payés et le basculement dans le régime de la maladie dès lors que le salarié aura notifié son arrêt de travail.
Concernant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, la Cour de cassation considérait jusqu’à présent que, à défaut de dispositions légales, conventionnelles ou d’usage contraires, les jours de congés payés n’étaient pas assimilés à du temps de travail effectif, et n’avaient donc pas à être pris en compte pour la détermination des heures supplémentaires [3].
C’est sur cette position que revient la Cour de cassation, en écartant partiellement les dispositions de l’article L. 3121-28 du Code du travail N° Lexbase : L6885K9U, en ce qu’elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé.
Elle ajoute que « ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine ».
Cela revient à dire qu’un salarié ayant un décompte hebdomadaire de son temps de travail pourrait prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur une semaine où il a pris des jours de congés payés, et ceci alors même qu’il n’a pas réalisé 35 heures de travail effectif.
Cette jurisprudence entraînera des répercussions financières non négligeables s’agissant des salariés effectuant habituellement ou structurellement des heures supplémentaires, dès lors que la prise d’un jour de congé payé n’induira plus la perte des majorations au titre des heures supplémentaires décomptées sur la semaine en cause.
Lexbase Social : S’agissant du report des congés payés pendant la maladie, les employeurs vont-ils pouvoir mettre en œuvre cette jurisprudence tout de suite ou est-ce que des points d’incertitude demeurent ?
En dépit du revirement d’ampleur intervenu, l’arrêt de la Cour de cassation est assez succinct et ne rentre pas vraiment dans les détails.
En pratique, de nombreuses questions vont donc se poser aux employeurs qui vont vouloir se mettre en conformité avec la dernière jurisprudence.
À titre d’exemples, plusieurs questions se posent concernant l’arrêt en lui-même :
S’agissant de la notification de l’arrêt de travail à l’employeur, aucune information n’est disponible sur le délai dans lequel cette notification doit intervenir ni sous quelle forme le salarié doit avertir l’employeur (RAR, mail, appel ?). Applique-t-on le délai de 48 heures devant permettre une indemnisation complémentaire de l’employeur ou un délai « raisonnable » ?
Si l’arrêt précise que la notification est nécessaire pour permettre un report des congés payés, il ne se prononce toutefois pas sur les conséquences d’une notification tardive : est-ce qu’on écarte la nouvelle règle de report ou non ?
Concernant le report des congés payés, est-ce que les règles de la loi dite « DDADUE » de 2024 N° Lexbase : L1795MMG trouvent à s’appliquer ou est-ce que des règles spécifiques vont être mises en place ?
À ce sujet, le ministère du Travail a, avant la démission du gouvernement Bayrou, annoncé qu’il n’y aurait a priori pas de nouvelle loi à ce sujet, ce qui laisse à penser qu’une application des règles de la loi « DDADUE » est attendue.
C’est également ce qui ressort du questions-réponses sur les congés payés publié sur le site du ministère du Travail, où l’on peut lire : « dès lors que des jours de congés payés, ayant coïncidé avec un arrêt maladie, font l’objet d’un report, les règles relatives au report des congés payés dans un contexte de maladie devront être respectées et l’employeur devra observer la procédure d’information du salarié ».
Ce qui pose la question de la manière dont les dispositions de cette loi auraient à être appliquées et notamment sur l’appréciation de la notion d’impossibilité, pour le salarié, de prendre tout ou partie de ses congés qui déclenche l’obligation pour l’employeur d’informer le salarié de son droit au report.
L’arrêt est également muet concernant la prescription des demandes rétroactives qui pourraient être effectuées par les salariés et éventuellement par les anciens salariés. En théorie, une application rétroactive de l’arrêt est possible, encore faut-il que les salariés aient pensé à notifier leur arrêt de travail à leur employeur pendant leurs congés payés !
Ce qui est donc évident, c’est que l’application de cette nouvelle règle est loin d’être simple.
Lexbase Social : S’agissant du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, cette solution est-elle transposable immédiatement ?
Concernant l’arrêt relatif à la prise en compte des congés payés pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, il faudrait une intervention législative pour modifier l’article L. 3121-28 du Code du travail N° Lexbase : L6885K9U, puisque la Cour de cassation en a écarté l’application pour partie.
En outre, il est nécessaire de souligner que, s’agissant de cette jurisprudence, la notice au rapport annuel jointe à l’arrêt précise que « la solution dégagée reste circonscrite au décompte hebdomadaire de la durée du travail qui était appliqué dans l’espèce […] et ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte de la durée du travail, puisque la solution énoncée par la Cour de justice de l’Union repose sur l’effet potentiellement dissuasif du système de détermination des heures supplémentaires applicable en droit interne sur la prise du congé payé par le salarié » [5].
Il faudra donc attendre de nouvelles jurisprudences portant précisément sur ces autres modes de décompte du temps de travail (mensuel ou annuel) pour savoir si les pratiques françaises doivent également être revues ou non.
En tout état de cause, la solution dégagée par la Cour de cassation est applicable dès à présent pour les entreprises, que l’article L. 3121-28 du Code du travail soit modifié rapidement ou non.
[1] V. notamment : CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 N° Lexbase : A3596EC8 ; CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11 N° Lexbase : A3116IP4.
[2] CA Versailles, 18 mai 2022, n° 19/03230 N° Lexbase : A42427XE.
[3] Cass. soc., 1er décembre 2004, n° 02-21.304, F-P+B N° Lexbase : A1220DEW ; Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.686, F-D N° Lexbase : A3325DSX ; Cass. soc., 20 janvier 2010, n° 08-42.821, F-D N° Lexbase : A4699EQ4 ; Cass. soc., 4 avril 2012, n° 10-10.701, FS-P+B N° Lexbase : A1101IIM ; Cass. soc., 25 janvier 2017, n° 15-20.692, F-D N° Lexbase : A5488TAI.
[4] Cass. civ. 2, 5 juin 2025, n° 22-22.834, FS-B+R N° Lexbase : B5702AEW.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492902
Lecture: 16 min
N2878B3Y
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Robert Rézenthel, docteur en droit
Le 12 Septembre 2025
Mots clés : ports • aménagement • construction • domaine public • façade maritime
Le titre de la présente étude peut paraître énigmatique, voire à la limite du canular, et pourtant le droit n'est pas toujours écrit, et certaines situations sont soumises au droit de manière invisible. Les ports n'échappent pas à ce contexte. En effet, certaines décisions de justice concernant l'aménagement des ports ou leur exploitation sont prises selon des critères imprécis et le justiciable ne connaît pas nécessairement le raisonnement tenu par les juges pour rendre leur décision. Actuellement, la démarche n'est pas facile à accomplir car les études sur les rapports entre la psychologie et le droit portent essentiellement sur le comportement des justiciables. En revanche, la démarche intellectuelle des juges, des élus, des fonctionnaires n'a pas donné lieu à des analyses approfondies.
I. L'invisibilité de l'élaboration du droit
Il paraît surprenant d'invoquer l'invisibilité de l'élaboration du droit s'agissant de la loi, les travaux parlementaires et les avis du Conseil d'État sur les projets de loi sont accessibles au public. Il en va de même pour les décisions du Conseil constitutionnel, et les études d'impact sur les projets de loi prescrites par la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 N° Lexbase : L0275IEW.
Pour les ordonnances, le rapport au Président de la République est publié au Journal officiel, mais il n'est pas toujours suffisant pour interpréter certaines dispositions de l'ordonnance.
Pour les décrets, peu d'entre eux font l'objet d'un rapport rendu public, et les visas n'ont qu'un caractère indicatif [1].
La question qui se pose consiste à savoir comment se crée la règle de droit ou la décision de justice. L'élaboration d'une règle de droit ou d'une décision de justice répond nécessairement à un objectif. La jurisprudence concernant le port de « Portout » est particulièrement intéressante à étudier.
En l'espèce, un port de plaisance a été aménagé au bord du lac du Bourget dans un espace naturel que la cour administrative d'appel a estimé protégé en raison de sa nature, de l'intérêt pour le site et de sa localisation géographique.
Le Conseil d'État a jugé que : « la cour a souverainement apprécié, sans commettre de dénaturation, que compte tenu de la nature et de l'emprise des constructions envisagées, consistant dans la réalisation, sur une emprise totale de 16 000 m², d'aires de jeux et de loisirs et d'un bassin de 4 500 m² d'une capacité de 60 bateaux de plaisance, l'ensemble s'accompagnant de la création d'aires de stationnement et de la construction d'un pavillon à usage de capitainerie et bloc sanitaire, l'aménagement litigieux ne pouvait être regardé comme un aménagement léger » [2].
Il poursuit : « pour déterminer que l'aménagement litigieux était implanté dans un espace remarquable et un milieu nécessaire au maintien des équilibres biologiques au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, la cour a relevé que le projet, situé sur le territoire de la commune de Chindrieux à proximité de l'extrémité nord du lac du Bourget au bord du canal de Savières, était implanté dans une partie naturelle du site inscrit du lac du Bourget défini en application de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites, que le secteur de ‘Portout’ ne présentait pas un caractère urbanisé, qu'il n'avait fait l'objet d'aucune altération du fait de l'activité humaine et, au surplus, qu'il était inscrit dans les périmètres d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et d'une zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO)... le terrain d'assiette du projet d'aménagement n'était pas situé à proximité d'une zone urbanisée, mais s'inscrivait dans une zone naturelle sans aucune construction formant un ensemble homogène ».
Cette décision prise sur le fondement de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme abrogé implique la transcription d'une perception environnementale du site par les juges. L'expression d'une émotion va ensuite se concrétiser dans une appréciation juridique d'un magistrat qui va se confronter à la collégialité. La décision rendue est susceptible d'appel, procédure qui permet de confronter la perception des premiers juges aux seconds.
En l'espèce, la décision semblait ne semblait pas contestable sur ce point tant les éléments d'appréciation étaient clairement encadrés par la loi. La partie invisible de la préparation de cette décision est restreinte quant à la détermination de l'illégalité de l'aménagement touristique. En revanche, elle est plus importante sur l'élaboration de la mesure déterminant les effets de cette décision.
Après avoir constaté que l'ensemble de l'aménagement « n'entrait pas dans le champ des exceptions à l'inconstructibilité des espaces remarquables prévues pour les aménagements légers », le Conseil d'État a considéré que la Cour n'a pas omis de procéder à un contrôle du bilan de l'opération s'agissant de l'autorisation d'installation et de travaux attaquée, la légalité d'une telle autorisation n'étant pas par elle-même subordonnée à ce qui ces travaux présentent un caractère d'utilité publique ».
Il est donc décidé que la protection des espaces remarquables sur le littoral l'emportait sur les projets d'aménagement présentant un caractère d'utilité publique. Cette priorité ne relevait pas d'un texte mais de la volonté des juges qui ont considéré que « le motif tiré de l'absence d'utilité publique du projet présentait un caractère surabondant ». Il s'agit d'un choix inspiré des textes comme la Directive (CE) 79/409 du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages N° Lexbase : L9378AUU, mais également de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9, dont l'article 1er impose la protection des équilibres biologiques et écologiques, ainsi que la préservation des sites et paysages et du patrimoine [3]. La conciliation de la protection et la mise en valeur de l'environnement avec le développement économique et le progrès social, résultant de l'article 6 de la Charte de l'environnement [4] n'a semble-t-il pas été examinée dans le processus décisionnel de la Haute juridiction. Il faut cependant reconnaître que l'application de cette disposition n'a pas été évoquée par les parties à l'instance.
L'aménagement en cause comportant un port de plaisance ayant été jugé illégal, le Conseil d'État a considéré [5] qu'en cas d'illégalité de la réalisation d'un ouvrage public, les juges doivent examiner la situation en droit et en fait, et rechercher si une régulation est possible. Avant d'ordonner la démolition de l'ouvrage, il convient d'apprécier les inconvénients qu'une telle décision représenterait pour son propriétaire et si la mesure n'entraînerait pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
Aucun texte n'envisage de régler une telle difficulté, les juges sont donc conduits à porter une appréciation subjective sur la situation. Comme l'a souligné dans une autre instance, Clément Malverti, rapporteur public devant le Conseil d'État « il est toujours périlleux pour un juriste positiviste d'identifier l'essence d'une réalité qui existerait indépendamment de toute décision » [6].
La jurisprudence admet à présent que certains vices résultant de l'illégalité d'une situation peuvent être régularisés [7] sous réserve le cas échéant d'une modification du projet [8] sans en apporter un grand bouleversement. Ici encore, le juge doit réaliser une analyse subjective, c'est-à-dire que sa démarche intellectuelle demeure invisible.
C'est toujours le cas pour l'appréciation des inconvénients que pourrait supporter le propriétaire des lieux, et pour l'éventualité d'une atteinte excessive à l'intérêt général. Sur ce dernier point, la mesure du caractère excessif de l'atteinte n'est pas facile à établir. Pour le Conseil d'État, « une différence de traitement entre des situations comparables est justifiée dès lors qu'elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c'est-à-dire lorsqu'elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné » [9].
La jurisprudence ne simplifie pas son interprétation, car outre le caractère excessif, elle sanctionne parfois une situation « manifestement excessive » [10], ou « manifestement disproportionnée » [11]. Aucun critère n'est défini pour faciliter cette appréciation.
Quant à l'intérêt général susceptible d'être atteint, il s'agit d'une notion aux contours incertains. Le Conseil d'État lui a consacré une étude détaillée dans laquelle il précise : « La vitalité de la notion d'intérêt général vient néanmoins de ce qu'elle n'a pas de contenu préétabli. Il faut, à tout moment, préciser ses contours et faire valider, par des procédures démocratiques, les buts retenus comme étant d'intérêt général » [12].
Ultérieurement, la Haute juridiction reconnaît dans une étude sur « Sécurité juridique et complexité du droit » [13] les difficultés à maitriser la matière juridique.
Dans l'instance [14] concernant le sort du port de « Portout », le Conseil d'État a estimé que « la suppression de cet ouvrage ne portait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la cour a relevé que si la navigation de plaisance occupe une place dans l'économie touristique locale, il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'aménagement en cause serait indispensable à l'exercice de cette activité de loisirs, et que, eu égard à l'intérêt public qui s'attache au maintien de la biodiversité et à la cessation de l'atteinte significative portée à l'unité d'un espace naturel fragile, la suppression de cet ouvrage, qui peut être effectuée pour un coût modéré, n'entraîne pas, même si son installation a représenté un coût financier, d'atteinte excessive à l'intérêt général ; que la cour a ajouté que les mesures proposées par la Communauté d'agglomération du lac du Bourget, consistant dans une modification des critères d'accueil des bateaux, une réduction de l'emprise du parc de stationnement ainsi qu'une participation « en compensation » à la création d'une réserve naturelle sur un autre site ne sauraient assurer la satisfaction de l'intérêt public ».
Les juges du Palais-Royal ont approuvé la décision de la cour administrative d'appel en considérant qu'elle n'avait dénaturé les faits en relevant que l'aménagement en cause n'était pas indispensable à l'exercice de la navigation de plaisance, et que le remisage des bateaux pouvait être effectué à sec.
L'appréciation souveraine des juges du fond est un principe nécessaire, mais qui suscite souvent de l'incertitude sur l'interprétation de la solution retenue. Parmi les énigmes que recèlent la jurisprudence et les textes, il y a « la fiction juridique ».
II. Les ports et la fiction juridique
Le doute fait partie de l'analyse juridique, certains rapporteurs publics devant le Conseil d'État allant jusqu'à affirmer l'existence de « sérieux doutes » [15], et les hésitations pour les juges du fond [16].
Bien que l'expression « fiction juridique » ne soit pas utilisée expressément dans les décisions de justice, les rapporteurs publics devant le Conseil d'État s'y réfèrent fréquemment depuis au moins deux décennies. Ainsi, le caractère provisoire des ordonnances rendues par le juge des référés contractuel relève assez largement de la fiction juridique [17]. C'est le cas également pour un délégué syndical déchargé de service qui est réputé en position d'activité dans le service [18]. Pour Anne Iljic, « L’obligation de transmission constitue une fiction juridique en vertu de laquelle, au sein de l’administration publique prise comme un tout, l’autorité incompétente est réputée avoir transmis sans délai la demande à l’autorité compétente » [19].
Parmi les exemples les plus courants de « fiction juridique », on peut citer la création de personnes morales [20], ou l'effet rétroactif de l'annulation d'un acte administratif [21].
Dans quelles circonstances les ports sont-ils confrontés à une fiction juridique ? C'est le cas de la régularisation d'une concession d'endigage qui avait été annulée par le juge administratif [22]. C'est ainsi que pour éviter la procédure de l'instruction mixte [23] à l'échelon central, les aménageurs du projet de Port-Deauville avaient dissocié l'aménagement du port de celui du terre-plein réalisé par des travaux d'endigage. L'annulation de la concession fondée sur l'interdiction de la technique dite du « saucissonnage » a été prononcée alors que les travaux étaient pratiquement achevés. Cette pratique consiste « à fractionner une même opération en plusieurs volets faisant chacun l'objet d'une déclaration d'utilité publique distincte, afin notamment de jouer sur les effets de seuils » [24].
En vue de la régularisation de l'opération de construction de « Port-Deauville », un avis de l'assemblée générale du Conseil d'État statuant en formation administrative a considéré [25] que l'enquête publique n'avait pas pu conserver sa valeur à la suite de l'annulation du projet, et qu'en conséquence il était recommandé à l'État, et ce, alors que les travaux étaient pratiquement achevés, de réaliser une nouvelle enquête comportant l'étude d'impact. Cette démarche correspond bien à une fiction juridique puisqu'en principe, cette étude doit être réalisée avant le début des travaux. L'article R. 122-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L8351K98 dispose que « L'étude d'impact préalable à la réalisation du projet est réalisée sous la responsabilité du ou des maîtres d'ouvrage ».
La fiction peut se manifester en d'autres circonstances. Si la loi définit le domaine public maritime naturel et artificiel, le juge administratif considère que les terrains gagnés sur la mer par des travaux d'endiguement font toujours partie du domaine public naturel [26], sauf s'il existe une concession à charge d'endigage régulière opérant un transfert de propriété ou un déclassement du domaine public. S'agissant de Port-Deauville, il a été jugé [27] que l'annulation de la concession d'endigage a entraîné l'annulation du transfert de propriété des terrains gagnés sur la mer et qu'il y avait lieu de conséquence d'annuler l'assujettissement de l'ancien concessionnaire à la taxe foncière et de la mettre à la charge de l'État propriétaire du domaine public maritime naturel.
Pour la réalisation de travaux d'extension portuaire « côté mer », il a été jugé que « la zone destinée à recevoir l'extension du port de Royan est une zone portuaire au sens des dispositions précitées, même si elle n'est pas comprise dans l'emprise actuelle du port » [28]. Cette anticipation de l'espace portuaire a été envisagée afin de clarifier l'application des dispositions relatives aux travaux portuaires. Elle peut résulter d'une décision ministérielle de classement dans le domaine public portuaire de terrains appartenant à une collectivité publique en vue de leur aménagement à cette fin [29].
Le déclassement du domaine public n'entraîne pas automatiquement un changement de nature juridique des contrats d'occupation conclus avant l'application de cette procédure. Pour le Tribunal des conflits, « sauf disposition législative contraire, la nature juridique d'un contrat s'apprécie à la date à laquelle il a été conclu » [30]. Ainsi, les contrats d'occupation du domaine public portuaire ne changent pas de nature juridique après le déclassement des terrains d'assiette, ils se poursuivent en tant que contrats administratifs, pour qu'il en aille autrement, il faut les résilier et conclure des contrats d'occupation de droit privé. Cette pratique intervient dans certains ports afin de retenir des investisseurs importants.
L'une des situations juridiquement fictives que connaissent les ports est le régime de l'eau dans ses bassins. En effet, l'eau de la mer ne fait pas partie du domaine public maritime [31], en revanche, quand elle entre dans les ports, elle fait partie du domaine public portuaire [32] et se trouve protégée par la police de la grande voirie. Parfois, des travaux d'endiguement réalisés à des fins portuaires ont pour effet, sans l'intervention d'un acte de classement, d'inclure les terrains exondés dans le domaine public artificiel [33].
Enfin, il y a une jurisprudence administrative applicable à l'ensemble du territoire, y compris bien entendu dans les ports, il s'agit du régime juridique des ponts qu'ils soient routiers ou ferroviaires. En effet, tandis que l'article 552 du Code civil N° Lexbase : L3131ABL dispose que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous », le juge administratif considère qu'ils ont le régime juridique des voies dont ils assurent la continuité [34]. Selon le Conseil d'État « les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d'eau ou des voies ferrées qu'ils traversent mais sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ; que, par suite, un pont supportant une route départementale appartient à la voirie départementale » [35].
Conclusion.
Le cheminement intellectuel se concrétise au niveau du résultat. La démarche est invisible, ce qui rend parfois son aboutissement difficilement compréhensible. Quant à la fiction, c'est une création de l'imagination, dans les cas concernant les ports elle utilise l'irréel pour faciliter le réel, comme par exemple la régularisation d'un aménagement économiquement et socialement utile à l'intérêt général.
La science juridique dispose suffisamment de ressources sans qu'il soit nécessaire de recourir à des sciences occultes pour régler des litiges.
[1] L'absence de certains visas dans un décret est sans influence sur sa légalité (CE, 11 juillet 2001, n° 219494 N° Lexbase : A5543AUT).
[2] CE, 20 mai 2011, n° 325552 N° Lexbase : A0315HSH.
[3] Ce texte de l'article 1er de la loi est désormais repris à l'article L. 321-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L8799K8E.
[4] Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement N° Lexbase : O4198ARW. Ce texte a une valeur constitutionnelle (Cons. const., décisions n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 N° Lexbase : A2111D93 et n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 N° Lexbase : A8792MKT).
[5] CE, 15 mai 2025, n° 493392 N° Lexbase : A460209C ; CE, 25 juin 2024, n° 487915 N° Lexbase : A13775LL.
[6] C. Malverti, conclusions (arianeweb) sous CE, 13 juin 2024, n° 470886 N° Lexbase : A94065HT.
[7] CE, 25 janvier 2023, n° 448911 N° Lexbase : A20559AD.
[8] CE, 19 juillet 2022, n° 449111 N° Lexbase : A25878CS.
[9] CE, 19 juillet 2024, n° 467621 N° Lexbase : A27835SU.
[10] CE, 17 mars 2025, n° 492664 N° Lexbase : A617267Q ; CE, 22 juillet 2025, n° 495231 N° Lexbase : B0783AZZ ; CE, 31 décembre 2024, n° 488380 N° Lexbase : A48826PI.
[11] CE, 24 juillet 2024, n° 489976 N° Lexbase : A54605TE.
[12] L'intérêt général, in Rapport public 1999, notamment page 261, Études et documents n° 50, La documentation française (1999).
[13] Sécurité juridique et complexité du droit, in Rapport public 2006, p. 223 à 337, Études et documents n° 57, La documentation française (2006).
[14] CE, 20 mai 2011, n° 325552 N° Lexbase : A0315HSH.
[15] C. Beaufils, conclusions (arianeweb) sous CE, 16 juillet 2025, n° 495941, 497605 et 498251 N° Lexbase : B6955AXU ; Mme D. Pradines, conclusions (arianeweb) sous CE, 28 octobre 2024, n° 491057N° Lexbase : A89206CD.
[16] N. Labrune, conclusions (arianeweb) sous CE, 9 juin 2023, n° 462649 N° Lexbase : A09509Z9 ; V. Villette, conclusions (arianeweb) sous CE, 15 juillet 2020, n° 436276 N° Lexbase : A20793RG.
[17] N. Labrune, conclusions (arianeweb) sous CE, 5 avril 2024, n° 489280 N° Lexbase : A95842ZY.
[18] Mme S. Roussel, conclusions (arianeweb) sous CE, 30 décembre 2021, n° 445128 N° Lexbase : A42857H8.
[19] Mme A. Iljic, conclusions (arianeweb) sous CE, 5 avril 2019, n° 416542 N° Lexbase : A2929YBY ; cf. CRPA, art. L. 114-2 N° Lexbase : L1788KNK.
[20] Mme A. Bretonneau, conclusions (arianeweb) sous CE, 7 novembre 2018, n° 408101 N° Lexbase : A6377YKE.
[21] V. Daumas, conclusions (arianeweb) sous CE, 11 décembre 2015, n° 386441 N° Lexbase : A2059NZ9.
[22] CE Ass., 29 décembre 1978, n° 95260 N° Lexbase : A2663AIH.
[23] La procédure d'instruction mixte a été instaurée par la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 et le décret n° 55-1064 du 4 août 1955, elle a été abrogée par l'ordonnance n° 2003-902 du 19 septembre 2003 N° Lexbase : L5290DSQ et le décret n° 2003-1205 du 18 décembre 2003 N° Lexbase : L2361MUY ; C. Enckell, Requiem pour l'instruction mixte, AJDA, 2004 p. 209.
[24] A. Lallet, conclusions (arianeweb) sous CE Ass., 12 avril 2013, n° 342409 N° Lexbase : A0988KCL.
[25] CE, avis, 22 mars 1979, n° 324.455.
[26] CE, 16 novembre 1977, n° 01786 N° Lexbase : A1411B8R.
[27] CE, Sect. 26 juillet 1991, n° 51086 N° Lexbase : A8980AQN.
[28] CE, 29 décembre 1993, n° 148567 N° Lexbase : A7945AM9.
[29] CE, 17 décembre 2003, n° 236827 N° Lexbase : A7975GBY.
[30] T. confl., 4 juillet 2016, n° 4055, N° Lexbase : A4262RWR.
[31] R. Rézenthel et F. Pitron note sous CE, 27 juillet 1984, n° 45338 N° Lexbase : A7112ALY, AJDA, 1985 p. 47.
[32] CE Sect., 2 juin 1972 N° Lexbase : A1705B7B, Rec. p. 407, AJDA, 1972, p. 646, concl. M. Rougevin-Baville
[33] CE, avis, 16 octobre 1980, n° 327.217.
[34] R. Rézenthel, Les ponts, des ouvrages d'art mal connus, Lexbase, 5 décembre 2024 N° Lexbase : N1184B3A.
[35] CE, 31 octobre 2014, n° 370718, N° Lexbase : A4977MZD.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492878
Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 24 juillet 2025, n° 503768, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B0955A3R
Lecture: 7 min
N2905B3Y
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Thibault Fromentin, avocat, Gide Loyrette Nouel
Le 17 Septembre 2025
Mots clés : autorisation d’urbanisme • infraction • travaux irréguliers • régularisation • mise en conformité
Par un avis du 24 juillet 2025, le Conseil d’État précise que la mise en demeure de régulariser des travaux contraires au droit de l’urbanisme n’est possible que s’ils ne sont pas couverts par la prescription de l’action publique. Elle ne peut donc intervenir que dans un délai de 6 ans suivant leur achèvement (ou suivant la commission de l’infraction s’il s’agit d’une occupation irrégulière sans travaux).
En 2019, le législateur a dénoncé l’ « effectivité insuffisante » du droit de l’urbanisme et la « charge excessive » que représente le contentieux qui en découle pour la juridiction pénale, peu adaptée au traitement des irrégularités de faible gravité.
Dans ce prolongement, il a dressé le constat que les atteintes au droit de l’urbanisme restent trop souvent impunies, ce qui crée un décalage difficilement compréhensible pour les administrés entre la compétence des collectivités locales en cette matière et les moyens limités à leur main pour parvenir à l’encadrer [1].
L’adoption de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique du 27 décembre 2019 [2] a donc permis de doter les maires d’un nouvel outil, voulu plus efficace, pour renforcer le respect des règles d’utilisation des sols et ainsi mettre rapidement un terme aux infractions relevées.
Désormais, lorsque le maire a constaté une infraction aux règles d’urbanisme et qu’il en a dressé un procès-verbal, il peut mettre en demeure l’intéressé de procéder aux « opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction » ou à sa régularisation, le cas échéant à peine d’astreinte (cette faculté, qui suppose d’avoir au préalable invité l’intéressé à présenter ses observations, s’exerce indépendamment des poursuites pénales qui sont susceptibles d’être engagées) [3].
À titre d’exemple, la possibilité d’ordonner la « mise en conformité » de la construction permet à l’administration d’en exiger la démolition, lorsqu’elle s’impose [4].
Les mesures que ce dispositif autorise peuvent donc être particulièrement contraignantes pour l’auteur des travaux. Pourtant, la question de sa prescription n’avait, jusqu’à très récemment, jamais été formellement abordée ni tranchée par la jurisprudence.
I. La prescription des diverses sanctions applicables aux travaux irréguliers
Outre la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L1046MMP et analysée par le Conseil d’État dans son avis du 24 juillet 2025, l’auteur d’une infraction au droit de l’urbanisme s’expose à plusieurs actions et sanctions parallèles (pénales et civiles) dont la mise en œuvre est temporellement circonscrite.
De plus, les constructions existantes irrégulières font l’objet d’un régime administratif particulier afin de subordonner, pendant un certain temps, leur évolution à leur régularisation préalable ou simultanée.
D’abord, l’édification d’une construction en méconnaissance d’une autorisation d’urbanisme (ou sans autorisation alors qu’elle était requise) est une infraction de nature délictuelle, sanctionnée par les articles L. 480-1 N° Lexbase : L0742LZI et suivants du Code de l’urbanisme.
L’auteur des travaux encourt alors diverses sanctions (amende, démolition, etc.) qui se prescrivent par 6 ans [5].
Ensuite, la méconnaissance des règles relatives à l’utilisation des sols expose son auteur à un double risque civil.
D’une part, les tiers (à qui la construction porte préjudice) peuvent introduire une action sur le fondement du droit commun de la responsabilité délictuelle. Néanmoins, elle ne peut aboutir que s’il existe une relation directe de causalité entre l’infraction au droit de l’urbanisme et le préjudice allégué [6].
Cette action, qui se prescrit désormais par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » [7], se prescrivait autrefois par 10 ans « à compter de la manifestation du dommage » [8].
D’autre part, l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme peut introduire une action en démolition ou tendant à la mise en conformité d’une construction irrégulière. Celle-ci se prescrit par 10 ans à compter de l’achèvement des travaux [9].
Enfin, lorsqu’il est envisagé d’effectuer des travaux sur une construction existante irrégulière, l’obtention d’une nouvelle autorisation d’urbanisme est subordonnée à la régularisation de la construction initiale.
Autrement dit, la demande d’autorisation doit porter à la fois sur le projet et sur les anciens travaux irrégulièrement réalisés [10].
Cette obligation de régularisation se prescrit, sauf exception, par 10 ans à compter de l’achèvement des travaux [11].
II. La prescription applicable à la mise en demeure de régulariser
Au vu de ce qui précède, il est logique que le nouveau dispositif administratif de régularisation d’une construction soit lui aussi assorti d’une prescription.
En effet, il permet au maire d’ordonner, en dehors de toute procédure judiciaire, la mise en conformité de travaux. La sécurité juridique impose donc que son usage ne puisse plus être admis passé un certain délai suivant leur achèvement.
À cet égard, l’analyse des travaux précédant son adoption met en évidence que ce nouvel outil a été conçu pour le temps court afin d’offrir à l’autorité administrative la faculté de « réagir rapidement » lorsqu’elle a connaissance d’une infraction [12].
En d’autres termes, le législateur a souhaité créer une voie parallèle à la procédure pénale mais, pour assurer la complémentarité de la première procédure avec la seconde, il s’est assuré qu’elles reposent sur un socle commun constitué par le constat d’une infraction pénale au droit de l’urbanisme.
Cela ressort expressément de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, qui énonce que « lorsque des travaux (…) ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par [le droit de l’urbanisme] et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente (…) peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure » de régulariser.
Ce n’est donc qu’après avoir constaté l’infraction pénale par un procès-verbal que l’administration peut exercer son pouvoir de police spéciale pour imposer la régularisation de la situation sans attendre que le juge pénal soit saisi et qu’il se prononce.
Le législateur a donc exclu que ce pouvoir puisse être mis en œuvre sans constat préalable de l’infraction.
De ce fait, le régime de ces sanctions complémentaires au dispositif pénal existant [13], doit nécessairement être rapproché de celui des sanctions pénales exposé plus haut.
Il ne peut donc pas être mis en œuvre au-delà du délai de prescription de l’action publique, soit 6 ans à compter du jour où l'infraction a été commise, c'est-à-dire, en règle générale, 6 ans après l'achèvement des travaux.
Par ailleurs, le Conseil d’État précise que dans le cas où des travaux ont été successivement réalisés de façon irrégulière, seuls les travaux à l'égard desquels l'action publique n'est pas prescrite peuvent donner lieu à la mise en demeure prévue par l'article L. 481-1 du Code de l'urbanisme.
En d’autres termes, lorsque la construction a été achevée il y a plus de six ans, seuls les travaux modificatifs plus récents et irréguliers peuvent être visés par la mise en demeure.
En ce cas, le périmètre de l’obligation de régularisation (i.e. la nécessité de déposer une autorisation sur l’ensemble de la construction) doit être apprécié en tenant compte de l’éventuelle prescription administrative prévue à l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L7106L7C.
[1] Rapport de la commission des lois, 2 octobre 2019 (première lecture au Sénat de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique).
[2] Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique N° Lexbase : L6378MSZ.
[3] C. urb., art. L. 481-1.
[4] CE, 22 décembre 2022, n° 463331 N° Lexbase : A738383T.
[5] C. proc. pén., art. 8 N° Lexbase : L3314MMP et loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription pénale N° Lexbase : L5577MSD. N.B. : La prescription était de 3 ans jusqu’au 1er mars 2017. Néanmoins, l’évolution du délai de prescription est sans effet sur les prescriptions déjà acquises. En effet, les lois relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription de peines ne sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur que si les prescriptions ne sont pas acquises (C. pén., art. 112-2 N° Lexbase : L0454DZT).
[6] C. civ., art. 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 et Cass. civ. 3, 11 février 1998, n° 96-10.257 N° Lexbase : A2603ACE.
[7] C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC, en vigueur depuis le 19 juin 2008.
[8] C. civ., art. 2270-1 abrogé.
[9] C. urb., art. L. 480-14 N° Lexbase : L5020LUH.
[10] CE, 9 juillet 1986, n° 51172 N° Lexbase : A4786AM9.
[11] « Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme » (C. urb., art. L. 421-9). Plusieurs exceptions sont cependant prévues par cet article : notamment si la construction a été édifiée sans aucun permis de construire, si elle présente un danger pour ses usagers ou les tiers, si une action en démolition a été engagée contre elle ou si elle est située dans un espace naturel ou sur le domaine public.
[12] Avis du Conseil d’État sur la lettre rectificative au projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (p. 4).
[13] V. Exposé des motifs de la loi n° 2019-1461 et avis du Conseil d’État sur la lettre rectificative au projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (p. 4).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492905