AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
DOUBLE RAPPORTEUR
RG : N° RG 22/08674 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OV7E
Organisme LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)
C/
[C]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 02 Décembre 2022
RG : 20/00525
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 28 JANVIER 2025
APPELANTE :
Organisme LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V) Dénomination sociale complète : La CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V), institution régie par les dispositions du Livre VI, Titre 4, du code de la Sécurité Sociale, sise, [Adresse 3] à [Localité 5], prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Delphine GIORGI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[N] [C]
née le … … … à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Décembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:
Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate
Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère
Anne BRUNNER, Conseillère
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Janvier 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛 ;
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Le 20 mars 2019, Mme [C], traductrice-interprète, sous le statut d'auto-entrepreneur, s'est procurée un relevé de situation individuelle de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) via le site du groupe d'intérêt public (GIP) info retraite.
Le 16 avril 2019, elle a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV aux fins de solliciter la rectification de ses points de retraite de base et complémentaire et la mention de ses trimestres de cotisations acquis.
Le 14 mai 2019, la commission de recours amiable a estimé que sa demande était irrecevable.
Par requête reçue le 24 février 2020, Mme [C] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire aux fins de contestation de cette décision d'irrecevabilité.
Par jugement du 2 décembre 2022, le tribunal :
- déboute la CIPAV de sa fin de non-recevoir relative à l'année 2018,
- déclare irrecevable la contestation de Mme [C] portant sur l'année 2019,
- condamne la CIPAV à créditer et renseigner le relevé de situation individuelle de Mme [C] des trimestres de cotisation d'assurance vieillesse comme suit : 4 trimestres de cotisations d'assurance vieillesse en 2018,
- condamne la CIPAV à créditer et renseigner le relevé de situation individuelle de Mme [C] des points de retraite de base acquis comme suit : 421,6 points en 2018,
- condamne la CIPAV à créditer et renseigner le relevé de situation individuelle de Mme [C] des points de retraite de complémentaire acquis comme suit : 72 points en 2018,
- condamne la CIPAV à transmettre et à rendre accessible à Mme [C], y compris en ligne, selon les prévisions légales et réglementaires, un relevé de situation individuelle conforme dans son contenu, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision,
- déboute Mme [C] de sa demande de condamnation à une astreinte,
- déboute Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- condamne la CIPAV à verser à Mme [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- déboute la CIPAV de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la CIPAV aux dépens de l'instance,
- ordonne l'exécution provisoire de la présente astreinte.
Le 22 décembre 2022, la CIPAV a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 4 juillet 2024 puis reçues à l'audience et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer irrecevable le recours formé par Mme [C],
A titre subsidiaire,
- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023 puis reçues à l'audience et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, Mme [C] demande à la cour de :
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en réparation du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,
Y ajoutant,
En cas de décision d'irrecevabilité sur l'exercice 2018,
- condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3 000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 3 000 euros pour l'année 2018,
- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
En application de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA RECEVABILITE DU RECOURS DE MME [C] PORTANT SUR LE RELEVE DE SITUATION INDIVIDUELLE
La CIPAV soutient que le recours de Mme [C] sur le relevé de situation individuelle est irrecevable au motif que ce document ne constituait pas une décision de sa part susceptible de recours immédiat devant la commission de recours amiable puis le tribunal. Elle relève notamment qu'il ne comporte aucune donnée sur les années 2015 à 2019.
En réponse, Mme [C] prétend que son relevé de situation individuelle constitue une décision de la CIPAV susceptible d'un recours immédiat de sa part. Elle rappelle que ce relevé retranscrit les droits à retraite comptabilisés par chaque caisse de retraite dont le professionnel relève et que la minoration de ses droits figurant dans ledit relevé lui cause nécessairement grief.
Il résulte des dispositions des
article R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale🏛🏛, dans leur rédaction applicable, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.
Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé (
2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956⚖️).
Si le relevé de situation individuelle délivré à l'assuré mentionne « données non disponibles » ou « absence de données carrière », il fait alors état d'une absence de données et ne peut caractériser une ou des décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d'un assuré social, à la différence d'un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence des droits. En cas d'absence de données, l'assuré ne peut donc former une réclamation en se fondant sur un tel relevé qui ne matérialise aucune décision de la CIPAV et son recours direct auprès de la commission de recours amiable puis ensuite devant la juridiction du contentieux général de la sécurité social est irrecevable (
2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi N° 21-12.784⚖️).
Au cas particulier, Mme [C] a constaté l'absence de données enregistrées par la CIPAV sur son relevé de situation individuelle concernant son activité d'auto-entrepreneur. Elle a saisi la commission de recours amiable d'une réclamation tendant à la rectification de l'omission de renseignements quant à ses droits de 2018 et 2019 inclus.
Faisant état d'une absence de données connues (mais non d'une absence de droits) concernant les années précitées, elle ne caractérise pas de décision susceptible de contestation au titre de ces deux années. Le fait que la CIPAV soit légalement tenue de maintenir à jour le relevé de situation individuelle ne permet pas en soi de considérer que l'absence de données est assimilable à une absence de droits, qui serait quant à elle susceptible de contestation. Par ailleurs, le paiement des cotisations est indifférent à la question de l'existence d'une décision de la caisse, décision nécessaire à la formation d'un recours.
Il s'ensuit qu'au regard de l'annualité des points attribués telle que résultant des dispositions du
décret n°79-262 du 21 mars 1979🏛 et en l'absence d'indications afférentes aux annualités en 2019, Mme [C] n'est pas recevable en ses réclamations au titre de cette année.
Le jugement sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il déclare son recours irrecevable pour l'année 2019, Mme [C] ne le contestant au demeurant ….
Il convient, en revanche, de déclarer irrecevable son recours pour l'année 2018, le jugement étant sur ce point infirmé.
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS POUR MANQUEMENT DE LA CAISSE A L'OBLIGATION LEGALE D'INFORMATION
Mme [C] réclame la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement de la CIPAV à son obligation d'information. Elle précise que le droit légal à l'information particulière en cause répond à la nécessité impérieuse du cotisant de s'assurer de la réalité des droits à retraite acquis correspondant à des cotisations effectivement payées. Elle se prévaut d'un préjudice moral, estimant subir le mépris et l'indifférence de la CIPAV, vivre une situation anxiogène, et éprouver de la colère en voyant la caisse exploiter sa propre faute pour le priver partiellement d'un accès au juge.
La CIPAV s'y oppose aux motifs que la divergence d'interprétation des textes ne saurait être constitutive d'une faute de sa part.
Mme [C] ne démontre pas que l'absence de données sur le relevé individuel ressortit d'un manquement fautif de la CIPAV. En effet, ce relevé est édité par le GIE « Info-retraite » et il n'est pas établi que l'absence de données concernant les années 2016-2019 soit consécutive à un défaut de transmission de la CIPAV. Au surplus, si la caisse était tenue par une obligation d'information à l'endroit de Mme [C], le préjudice constitué par le caractère anxiogène d'un mépris à son égard tenant à l'absence d'information n'est pas caractérisé, étant au surplus relevé l'absence de démarche positive établie visant à solliciter directement la caisse.
La demande indemnitaire de Mme [C] sera donc rejetée.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [C], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare le recours formé par Mme [C] irrecevable,
Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [C] pour manquement à l'obligation d'information de la CIPAV,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [C] et la condamne à payer à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse la somme de 600 euros,
Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE