AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 22/05525 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OOPK
Société [5]
C/
CPAM DE LA COTE D'OPALE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 07 Juin 2022
RG : 16/02592
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 13 MAI 2025
APPELANTE :
Société [5]
M. [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DE LA COTE D'OPALE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Avril 2025
Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente
- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
- Anne BRUNNER, conseillère
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Mai 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 ;
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [G] (l'assuré), salarié de la société [5] (l'employeur) a été mis à disposition de la société [6] en qualité d'ouvrier non qualifié.
Le 29 février 2016, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail, survenu le 26 février 2016, au préjudice de l'assuré, dans les circonstances suivantes : 'Il montait à une échelle pour accéder au mignon. Il aurait ressenti un relâchement de son genou, il a glissé mais n'est pas tombé. Il aurait constaté que sa rotule droite était déboîtée'.
Cette déclaration était accompagnée d'un certificat médical initial du 25 février 2016 faisant état d'une 'luxation rotule droite' nécessitant un arrêt de travail jusqu'au 8 mars 2016.
La déclaration d'accident étant assortie de réserves motivées de la part de l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale (la CPAM, la caisse) a mis en oeuvre une enquête à l''issue de laquelle elle a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle et en a informé la société par courrier du 9 mai 2016.
Le 21 juin 2016, l'employeur a saisi la commission de recours amiable aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
En l'absence de réponse, elle a le 13 septembre 2016, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire.
Par décision du 3 novembre 2016, la commission de recours amiable a rendu une décision confirmant l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la caisse.
Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal a déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu à son salarié M. [G] le 23 février 2016 ainsi que des arrêts de travail et soins prescrits du 25 février 2016 au 15 janvier 2017, date de consolidation de l'assuré.
Par déclaration enregistrée le 22 juillet 2022, l'employeur a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 14 août 2024 reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'inopposabilité relative à la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident déclaré par M. [G],
Statuant à nouveau,
-prononcer l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident prétendument déclaré par M. [G] le 23 février 2016.
La caisse, bien que régulièrement convoquée par courrier recommandé du 4 octobre 2023, retourné signé le 9 octobre 2023, n'a pas comparu, ni personne pour elle. Elle n'a pas davantage sollicité de dispense de comparution.
Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.
En application de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que l'appel de l'employeur est circonscrit à la contestation du caractère professionnel de l'accident.
SUR LA DEMANDE D'INOPPOSABILITÉ DE LA DÉCISION DE PRISE EN CHARGE
Poursuivant l'infirmation de la décision critiquée, l'employeur soutient que la caisse ne rapporte pas la preuve de la matérialité de l'accident pris en charge. Il se prévaut de l'absence d'information de l'employeur ou même de plainte à une date proche des faits évoqués, de constatations médicales dans un délai raisonnable au regard de la nature des lésions décrites, et de témoin. Il souligne que le faisceau d'indices dont se prévaut la caisse pour établir le caractère professionnel ne repose que sur les allégations de l'assuré et qu'en l'absence d'élément établissant de manière certaine que le sinistre s'est produit au temps et au lieu du travail, il doit être considéré que la preuve de l'origine professionnelle du sinistre n'est pas rapportée.
Selon l'
article L. 411-1 du code de la sécurité sociale🏛, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Cet article énonce une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au lieu et au temps du travail qui s'applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse.
L'accident du travail se définit comme un événement ou une série d'événements survenus soudainement, à dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Pour que la présomption d'accident du travail trouve à s'appliquer à l'égard de l'employeur, il convient cependant que la caisse, subrogée dans les droits de l'assuré qui affirme avoir été victime d'un accident du travail, démontre la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail.
Les déclarations la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.
En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail que, le 23 février 2016 à 14 heures, l'assuré a ressenti un relâchement de son genou et a glissé d'une échelle. Il précise dans son questionnaire : 'je montais à l'échelle et arrivé à hauteur de 3 ou 2 barreaux, ma rotule a viré sur la droite. Je suis descendu de l'échelle comme je pouvais. Je me suis assis pendant une dizaine de minutes afin de reprendre mes esprits'.
Il est constant que M. [Aa] a poursuivi son activité professionnelle le jour-même et le lendemain, et que cet accident a été porté à la connaissance de l'employeur le 26 février 2016, soit 3 jours plus tard.
Pour expliquer cette information retardée à l'employeur, l'assuré a expliqué dans le cadre de l'enquête, avoir informé son chef sur le chantier, avoir poursuivi son activité faute de pouvoir être remplacé à son poste mais avoir, dès le mercredi suivant, demandé à son chef à pouvoir être remplacé le lendemain. La cour rappelle en tout état de cause que l'information tardive de l'employeur n'est pas à elle-seule suffisante à emporter l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Les premières constatations médicales ont été faites le 25 février 2016 et objectivent une luxation du genou droit.
Il ressort des éléments versés aux débats que si l'accident déclaré apparaît être survenu au temps et au lieu du travail et que les lésions mentionnées dans le certificat médical initial ne sont effectivement pas incompatibles avec les mentions figurant dans la déclaration d'accident du travail, aucun élément extérieur objectif corroborant les déclarations du salarié n'est rapporté par la caisse, étant relevé qu'il n'est pas fait état de la présence de témoin et que le chef de chantier qui selon l'assuré, aurait été informé de l'accident, n'a pas été entendu dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM.
La cour observe également que les constatations médicales ont été faites deux jours après le fait accidentel allégué, ce qui parait peu compatibles d'une part, avec le diagnostic de luxation du genou qui rend la marche particulièrement douloureuse et difficile, et d'autre part, avec l'activité physique exercée par l'assuré dans le cadre de son activité professionnelle.
En conséquence, la cour considère qu'il n'existe pas d'éléments suffisamment objectifs précis et concordants pour établir la matérialité de l'accident déclaré.
Il convient, par suite, d'infirmer le jugement et de dire que la décision de prise en charge de l'accident est inopposable à l'employeur.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'
article R. 144-10 du code de la sécurité sociale🏛 a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2016, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens.
La caisse, qui succombe, sera tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare inopposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident de M. [G] du 29 février 2016,
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE