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N2220BW7
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 07 Avril 2016
Ce texte prévoit la "refondation" du Code du travail ; de nouvelles dispositions relatives au temps de travail (titre I) ; entend favoriser une culture du dialogue et de la négociation (titre II) ; assurer la sécurisation des parcours professionnels (titre III) ; favoriser l'emploi (titre IV) ; et moderniser la médecine du travail (titre V), renforcer la lutte contre le détachement illégal (titre VI)... Thèmes, tour à tour développés par notre équipe éditoriale, sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux.
Alors que la recodification intervenue en 2008 était censée doter la France d'un Code du travail stabilisé jusqu'en 2020, le projet de loi propose rien de moins qu'une "refondation de notre modèle social".
Si certains salariés, du secteur public essentiellement, et les syndicats ont manifesté leur rejet du premier texte présenté, voici que la jeunesse de France reprend la flamme contestataire contre un projet qu'elle accuse de favoriser la précarité de l'emploi. Tout y passe, du régime de l'apprentissage au CDD à répétition, des demandes d'allocation de transition entre la fin des études et la première embauche... à une révision du régime des cautions locatives.
"La jeunesse est la seule génération raisonnable", nous livrait Françoise Sagan en 1994.
Il est certain que la méthode gouvernementale visant à réécrire le droit du travail peu avant les prochaines échéances électorales laisse pantois. Il est encore certain que, si les motifs du projet de loi sont louables et que toute liberté ou toute protection commence déjà par obtenir un emploi à l'ère du chômage de masse, un déficit de communication et de synthèse aura nui à l'intelligibilité du texte.
Désormais, "les nuits debout" se succèdent ; les quinquas vont écouter cette jeunesse qui se sent "mal aimée", mal intégrée dans le monde de l'entreprise... mais pour quel résultat ?
Ne nous y trompons pas, malgré quelques débordements, la "gronde" est plutôt pacifiste ; la négociation est recherchée. Mais, l'absence de mixité sociale dans les quartiers parisiens, dans les Universités et les grandes écoles, comme dans les entreprises elles-mêmes, la jeunesse populaire, la première laissée sur le carreau de l'emploi craint qu'on ne la prive encore d'une chance d'intégration dans la vie active. C'est cette crainte qu'on ne lui vole une révolution du Code du travail annonciatrice d'horizons sociaux plus favorables à l'emploi, au seul bénéfice d'une satisfaction patronale ou syndicale, qui l'anime chaque nuit.
Les éléments de la Commune de 1871 sont là : la fracture entre gouvernant "d'Ancien régime" et jeunesse populaire s'accentue de plus en plus ; la défaite contre le chômage souffre de tant de "Sedan" ; les droits sociaux, s'ils sont une réalité pesante pour les PME, ne suffisent plus à apporter l'espérance légitime d'une jeunesse en quête de place dans la société professionnelle moderne. Le temps de travail, le travail clandestin, les bureaux de placement de la main d'oeuvre, le "sous-salariat", autant de thèmes ayant conduit les communards à choisir la scission avec le Gouvernement conservateur de Versailles.
Gageons que la comparaison s'arrête là ; que le climat insurrectionnel de la jeunesse de France ne puisse conduire aux effusions de sang qui ont entaché la révolution prolétarienne de ce printemps 1871. Mais, la question du sacrifice se pose-t-elle encore en ces termes : la jeunesse ou l'entreprise ?
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 30 mars 2016, n° 375529, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1696RBG)
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N2145BWD
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Le 08 Avril 2016
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Réf. : Projet de loi "Sapin II", 30 mars 2016
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N2092BWE
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Le 07 Avril 2016
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 9 mars 2016, n° 393589, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5450QYI)
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N2098BWM
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par Vincent Corneloup, Docteur en droit, Avocat associé, spécialiste en droit public, DSC Avocats
Le 07 Avril 2016
La soumission des services juridiques au Code des marchés publics a ainsi fait l'objet d'une valse-hésitation (I) qui trouve un terme, au moins momentané, dans le nouveau code, à travers une fine distinction (II) entre les services juridiques liés à l'activité de représentation et les services juridiques de consultation stricto sensu.
I - La soumission des services juridiques au Code des marchés publics : histoire d'une valse-hésitation
Sans doute symbole de la difficulté de concilier l'intuitu personae qui s'attache à de nombreuses prestations fournies par les avocats, c'est une valse-hésitation qui, de code en code, a soumis plus ou moins les services juridiques à la réglementation des marchés publics depuis environ deux décennies (A). C'est la même valse-hésitation, poussée à son paroxysme, à laquelle l'on a assisté lors de l'élaboration du nouveau Code des marchés publics, dans le cadre de la transposition de la Directive du 26 février 2014 (B).
A - Au fil des Codes des marchés publics depuis 1998
C'est la Directive 92/50/CEE du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI), qui a prévu, pour la première fois, la mise en concurrence des prestations juridiques. Pour transposer cette disposition de la Directive, le code issu du décret n° 98-111, du 27 février 1998, modifiant le Code des marchés publics, en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services (N° Lexbase : L3814HPX) assujettissait donc les marchés de "services juridiques" au régime des marchés négociés après mise en concurrence préalable.
Cette première soumission des prestations juridiques au Code des marchés publics allait toutefois être de courte durée puisque le Conseil d'Etat, dans un arrêt d'Assemblée du 9 avril 1999 (CE, 9 avril 1999, n° 196177 N° Lexbase : A3909AX3) jugeait cette disposition illégale mais uniquement faute pour le gouvernement d'avoir édicter les prescriptions nécessaires pour que les marchés relatifs à une représentation en justice soient conclus et exécutés dans des conditions respectant les principes essentiels de la profession d'avocat. L'intérêt de cet arrêt n'est toutefois pas dans cette censure mais dans l'affirmation qu'aucun principe "ne fait obstacle à ce que les contrats conclus entre un avocat et une collectivité publique pour la représentation en justice de celle-ci doivent être précédés d'une procédure de mise en concurrence préalable".
Dès lors, le Gouvernement français pouvait prévoir, dans le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, portant Code des marchés publics (N° Lexbase : L7289ARE), que tous les services juridiques devaient être mis en concurrence mais, conformément à la Directive de 1992, uniquement par le biais d'une définition des prestations par référence à des normes ainsi qu'à l'envoi d'un avis d'attribution. Dans son arrêt d'Assemblée du 5 mars 2003 (CE 7 s-s., 3 septembre 2008, n° 290398 N° Lexbase : A0992EAY), le Conseil d'Etat jugeait ces nouvelles dispositions parfaitement légales.
Dans le Code des marchés publics, issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4612HKZ), qui, plusieurs fois modifiés, aura tout de même perduré jusqu'au 31 mars 2016, les prestations juridiques allaient être réunifiés sous le régime unique de la procédure adaptée, qu'il s'agisse ou non d'activités contentieuses, ces dernières ne se distinguant plus que par l'absence de transmission au préfet (à propos des services juridiques, le Code de 2006 reprenait en grande partie les dispositions du décret n° 2005-1008 du 24 août 2015, transposant la Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, venu modifier le code de 2004 qui initialement reproduisait les dispositions de celui de 2001).
B - Dans le cadre de la transposition de la Directive du 26 février 2014
La Directive 2014/24/UE du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics (N° Lexbase : L8592IZA), est revenue sur les disposions de celles de 2004 à propos des services juridiques et a prévu, à son article 10, qu'elle ne s'applique pas aux marchés de services ayant pour objet, soit la représentation d'un client par un avocat dans le cadre d'un arbitrage, d'une consultation ou d'une procédure devant une juridiction ou une autorité publique, soit le conseil juridique fourni par un avocat en vue de la préparation d'une telle procédure ou "lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une procédure". L'activité de représentation, au sens le plus large, est ainsi exclue des marchés publics par la Directive.
Mais le Gouvernement français n'a pas entendu suivre la Directive sur ce point et a souhaité maintenir l'obligation d'une mise en concurrence pour l'ensemble des services juridiques. C'est ainsi que, par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9077KBS), il s'est abstenu d'exclure les prestations de représentation telles que définies par la Directive. Cette ordonnance a alors fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat de la part notamment du Conseil national des barreaux.
Le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 9 mars 2016, a rejeté cette requête en jugeant que "si les Etats membres ne peuvent, dans le cadre de la transposition de cette Directive, instituer des obligations de publicité et de mise en concurrence moins contraignante que celles qu'elle prévoit, hors les cas où elle ouvrirait elle-même une telle faculté, il leur est possible de décider de soumettre aux dispositions prises pour sa transposition des marchés qu'elle exclut de son champ d'application ou de prévoir, pour des marchés qui entrent dans son champ d'application, des règles plus contraignantes que celles qu'elle définit, dès lors que la soumission à ces règles est compatibles avec le respect du droit de l'Union européenne".
Cette solution n'est en rien une surprise : en matière de transposition, il est parfaitement possible d'aller au-delà des exigences des Directives, à condition de ne pas violer le droit de l'Union européenne (TPIUE, 14 mai 2014, aff. T-198/12 N° Lexbase : A1093ML3). Or, en l'espèce, comme le note le Conseil d'Etat, aucune règle ou principe ne s'oppose à la mise en concurrence des prestations de représentation d'un client par un avocat. En elle-même, une telle mesure n'est pas non plus discriminatoire puisque tous les avocats, de tous les Etats membres, sont alors soumis au même régime pour les prestations à effectuer dans un seul et même pays.
Mais nonobstant cette décision du Conseil d'Etat qui lui permettait de maintenir strictement sa position et de reconduire les obligations de publicité et de mise en concurrence qui prévalaient sous l'égide du code de 2006, par l'article 29 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics, le Gouvernement a finalement décidé, à propos des services juridiques liées à la représentation, de n'imposer aux acheteurs publics que de définir "librement les modalités de publicité et de mise en concurrence en fonction du montant et des caractéristiques du marché public".
Cette disposition réglementaire ne contrevient en rien à l'ordonnance du 23 juillet 2015 qui se contentait de ne pas exclure ce type de marchés du champ d'application du code, permet de se rapprocher de la ligne de la Directive transposée (tout en demeurant plus contraignant) et de faire droit aux revendications des organisations professionnelles des avocats.
Il convient maintenant d'examiner la distinction opérée par le nouveau Code des marchés publics au sein des services juridiques.
II - Les services juridiques dans le nouveau Code des marchés publics. Analyse d'une fine distinction
L'article 29 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 prévoit précisément que :
"I. - à l'exception des articles 2, 4, 5, 12, 20 à 23, 30, 48 à 55, 60, 107, 108 et du titre IV de la présente partie, les dispositions du présent décret ne s'appliquent pas aux marchés publics de services juridiques suivants :
1° les services juridiques de représentation légale d'un client par un avocat dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d'un mode alternatif de règlement des conflits ;
2° les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l'alinéa précédent ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l'objet d'une telle procédure.
L'acheteur définit librement les modalités de publicité et de mise en concurrence en fonction du montant et des caractéristiques du marché public".
Toutes les activités en lien avec les services juridiques de représentation sont désormais exclues du "régime général" du Code des marchés publics (A). Le régime applicable à ce type de services est désormais assez léger (B).
A - L'exclusion de toutes les activités en lien avec l'activité de représentation du "régime général" du Code des marchés publics
L'exclusion ne concerne, tout d'abord, que les services réalisés par un avocat, aucun autre professionnel, du droit ou non, ne pouvant s'en prévaloir.
Ensuite, tous les services juridiques de représentation par un avocat sont exclus. Cette exclusion ne se limite pas au contentieux. En effet, le décret prévoit que la représentation concernée par l'exclusion peut être faite devant une juridiction, devant une autorité publique (autre qu'une juridiction donc) ou encore devant une institution internationale (qui peut être une juridiction et une autorité publique). La rédaction de la Directive est, à ce sujet, plus claire et complète puisque qu'elle vise les procédures "devant les juridictions ou les autorités publiques d'un Etat membre ou d'un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales". L'on notera ainsi que la représentation devant les juridictions ou les autorités publiques d'un autre Etat (membre ou non de l'Union européenne) paraît ne pas être exclue par le décret alors qu'elle l'est par la Directive.
Par ailleurs, que faut-il entendre par une autorité publique autre qu'une juridiction ? Un conseil de discipline ou un comité médical sont-ils des autorités publiques ? Une représentation d'une collectivité territoriale en dehors de tout contentieux devant l'autorité préfectorale ou devant un commissaire-enquêteur est-elle concernée par l'exclusion ? L'on serait tenté de répondre de façon positive compte-tenu du caractère général de la rédaction de l'article 29 du décret mais, nécessairement, certaines hypothèses devront être examinées par le juge administratif.
Les services juridiques de représentation par un avocat dans le cadre d'un mode alternatif de règlement des conflits sont également exclus. Là encore, la rédaction de la Directive est différente puisqu'elle vise plus précisément les activités menées dans le cadre d'un "arbitrage ou d'une conciliation". La rédaction plus générale du décret à ce sujet conduit toutefois à penser que ce sont bien tous les modes alternatifs de règlement des conflits, tels que définis dans la circulaire 6 avril 2011, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (N° Lexbase : L9314IPN), à savoir l'arbitrage, la conciliation mais aussi la médiation qui sont concernés, la différence entre la conciliation et la médiation étant plus une question de degré que de nature.
Enfin, les services de consultation juridique fournis par un avocat sont également exclus lorsqu'ils sont réalisés "en vue de la préparation de toute procédure visée à l'alinéa précédent". C'est-à-dire qu'une consultation relative à la meilleure stratégie contentieuse à arrêter est nécessairement exclue. Dans la mesure où les procédures visées sont également celles menées devant les autorités publiques non juridictionnelles, l'on peut supposer qu'une consultation réalisée pour déterminer le mode opératoire à retenir devant un organisme consultatif de type conseil de discipline est également exclue. Mais en va-t-il de même pour une consultation relative à la manière d'éviter tout contentieux ? Rien n'est moins certain puisque l'une des finalités de tout conseil juridique n'est-elle pas d'éviter un contentieux ? Assurément, il ne s'agit alors pas d'une consultation menée "en vue de la préparation de toute procédure". Le décret, reprenant sur ce point strictement la rédaction de la Directive, étend toutefois l'exclusion aux situations dans lesquelles il "existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l'objet d'une telle procédure". L'on peine à comprendre les hypothèses envisagées et surtout la mise en oeuvre de cette exclusion. En effet, n'est-ce pas uniquement lorsque la consultation est terminée que l'on peut déterminer s'il "existe des signes tangibles et de fortes probabilités" d'une procédure ? Ainsi, une consultation réalisée pour éviter tout contentieux ne sera pas, par principe, exclue... sauf si sa conclusion est qu'il semble bien difficile de ne pas s'exposer à une procédure. Mais il sera alors trop tard pour mettre en oeuvre l'exclusion ! Les éclairages du juge administratif sur cette obscure disposition seront les bienvenus.
B - Le régime spécifique aux activités liées aux services juridiques de représentation
Alors que sous l'égide du Code des marchés publics de 2006, les activités juridiques, prises dans leur ensemble, étaient soumises aux règles régissant les procédures adaptées, à compter du 1er avril 2016, les activités liées aux services juridiques de représentation ne sont plus soumises qu'à un régime allégé puisque les acheteurs doivent à leur propos définir "librement les modalités de publicité et de mise en concurrence en fonction du montant et des caractéristiques du marché public" et ne tenir compte que des articles suivants :
- décret n° 2016-360, art. 2 : détermination des règles applicables à certains organismes (la Banque de France ou la Caisse de dépôts par exemple) ;
- décret n° 2016-360, art. 4 : possibilité d'effectuer des consultations ou de réaliser des études de marché, de solliciter des avis ou d'informer les opérateurs économiques du projet et de ses exigences ;
- décret n° 2016-360, art. 5 : mise en place des mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure d'un opérateur économique qui aurait eu accès, en raison de sa participation à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres opérateurs ;
- décret n° 2016-360, art. 12 : respect des règles spécifiques à l'allotissement ;
- décret n° 2016-360, art. 20 à 23 : détermination de la valeur estimée du besoin ;
- décret n° 2016-360, art. 30 : réglementation des marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables ;
- décret n° 2016-360, art. 48 à 55 : présentation des candidatures, détermination des documents justificatifs et vérification des conditions de participation à la procédure ;
- décret n° 2016-360, art. 60 : réglementation des offres anormalement basses ;
- décret n° 2016-360, art. 107 : organisation d'un accès libre, direct et complet aux données essentielles de chaque marché conclu ;
- décret n° 2016-360, art. 108 : garde des pièces contractuelles et de celles relatives à la passation pendant 5 ans ;
- décret n° 2016-360, art. 109 à 142 (titre IV de la première partie du code) : exécution des marchés publics.
Ce qui signifie que pour les services juridiques de représentation, l'ensemble des règles de passation autres que celles mentionnées ci-dessus ne s'applique pas, notamment le chapitre IV fixant les règles générales (par exemple celles relatives à la mise à disposition du dossier de consultation, aux délais de remise des offres, aux variantes, aux critères de sélection, etc.) et le chapitre VIII fixant les règles relatives à l'achèvement du marché.
Par rapport au code de 2006 qui soumettait tous les services juridiques à l'ensemble des règles qu'il contenait en dehors de celles propres aux procédures formalisées, l'assouplissement n'est pas négligeable même si la France reste plus exigeante que la Directive du 26 février 2014. Désormais, les acheteurs publics seront libres de fixer les règles de publicité et de mise en concurrence qu'ils souhaitent pour ces services juridiques liés à une activité de représentation, à condition de tenir compte du montant et des caractéristiques du marché.
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Réf. : Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (N° Lexbase : L3874K7M)
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Le 07 Avril 2016
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Réf. : Cass. crim., 22 mars 2016, deux arrêts, n° 15-83.206, FS-P+B (N° Lexbase : A6046Q8G) et n° 15-83.205, FS-P+B (N° Lexbase : A7139Q9B)
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Le 07 Avril 2016
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Réf. : Cass. civ. 3, 17 mars 2016, n° 14-24.748, FS-P+B (N° Lexbase : A3598Q8R)
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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) de l'Institut du droit des affaires (IDA), Directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés
Le 07 Avril 2016
I - Le sous-bail commercial peut durer moins longtemps que le bail commercial restant à courir
Il s'agissait en l'espèce d'un locataire qui, en vertu d'un bail commercial à effet du 27 mai 2003, avait donné les locaux en sous-location selon un bail du 18 mai 2005 devant s'achever le 26 mai 2009. On voit ainsi que le sous-bail durait moins de neuf ans, et même moins longtemps que le bail principal restant à courir puisque, pour ce dernier, il restait bien plus de quatre années à courir alors que le sous-bail durait à peine plus de quatre ans. La durée du sous-bail devait permettre au locataire principal de délivrer congé à son bailleur à l'expiration de la deuxième période triennale de son propre bail.
Le problème vient de ce que la société sous-locataire en a déduit que le locataire renonçait à se prévaloir du statut des baux commerciaux, si bien que ledit sous-locataire a, par lettre recommandée du 26 janvier 2009, donné un congé à effet du 26 mai 2009.
Estimant au contraire que le statut des baux commerciaux s'appliquait, le locataire a contesté la validité de ce congé, poussant le sous-locataire à régulariser la situation en délivrant, par acte extrajudiciaire du 26 juin 2009, un congé à effet du 31 décembre 2009.
Mais le locataire a campé sur ses positions. Il a ainsi assigné le sous-locataire en nullité du congé délivré le 26 janvier 2009 et en paiement de loyers et charges jusqu'au 18 mars 2011, date d'échéance de la période triennale du bail de sous-location à laquelle le congé du 26 juin 2009 produisait ses effets.
Les juges du fond ont déclaré nul le congé délivré le 26 janvier 2009 et condamné le sous-locataire à payer les loyers et charges arrêtées au 31 décembre 2009 (3).
La Cour de cassation confirme cette analyse. Elle a rejeté le pourvoi formé par ce dernier au motif qu'un sous-bail commercial peut être conclu pour une durée inférieure à celle, restant à courir, du bail principal. La durée prévue du sous-bail ne constituant pas une renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions du statut des baux commerciaux qui impose la délivrance d'un congé par acte extrajudiciaire, le premier congé notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception était donc nul.
Il résulte de cette solution, d'une part, qu'un sous-bail commercial peut avoir une durée différente de celle du bail commercial, d'autre part, que cette durée peut même être plus courte que celle de la durée du bail commercial restant à courir (voire, de dernière part, que le sous-bail peut prendre effet plus tard que le bail principal). Cela signifie que le sous-bail, du moins pour la durée, est complètement autonome par rapport au bail commercial principal.
De ce point de vue, la solution de la Cour de cassation s'inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence selon laquelle le sous-bail commercial n'est pas "un simple décalque" (4) du bail commercial et aux termes de laquelle elle admet et fixe un régime propre à la sous-location. A ce titre, elle a pu estimer que le bail adossé à un crédit-bail relève du statut des baux commerciaux (5).
Comme notre collègue Frédéric Planckeel l'a relevé (6), la Cour de cassation a poussé le principe d'autonomie jusqu'à admettre l'application du statut, alors même que la sous-location aurait été irrégulièrement consentie (7). Elle a même considéré que l'achat de l'immeuble par le locataire principal n'emporte pas, malgré l'extinction par confusion du bail principal, résiliation de la sous-location (8).
Le premier apport de l'arrêt commenté est de venir finaliser cette autonomie du sous-bail par rapport au bail commercial, ici au regard de la durée, ce dont on ne doutait guère car il avait déjà été jugé que la loi n'impose pas une coïncidence entre l'expiration de la sous-location et celle du bail principal (9).
Cependant, la solution a le mérite de la clarté : le sous-bail peut commencer dans le temps plus tard que le bail commercial et finir plus tôt que ce dernier.
En d'autres termes, le sous-bail commercial, et par dérogation à l'article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2010KGK) disposant que le bail commercial ne peut pas durer moins de neuf ans, sauf congé régulièrement donné avant la fin de cette durée, est un contrat qui peut durer, en toute légalité, moins de neuf ans, ce qui a l'avantage de favoriser la liberté contractuelle.
En conséquence de quoi on aurait pu en déduire, avec le sous-locataire que, dans la mesure où il peut durer moins de neuf ans, le sous-bail n'est pas un bail commercial soumis au statut pour partie d'ordre public, et qu'il est possible par exemple, dès lors que le contrat n'est pas soumis au statut, de délivrer congé par LRAR.
C'était oublier que le sous-bail est, par principe, régi par le statut des baux commerciaux, et surtout, que stipuler une durée plus courte ne signifie pas renonciation au statut, laquelle renonciation ne peut être qu'expresse (à l'instar des règles relatives aux baux commerciaux).
II - La durée du sous-bail commercial plus courte que celle du bail principal ne vaut toutefois pas renonciation au statut
S'il est autonome par rapport au bail principal, le sous-bail n'en reste pas moins très proche du bail commercial auquel il est intimement lié. C'est la raison pour laquelle il est soumis, par principe, au statut des baux commerciaux et ce, même si sa durée n'est pas de neuf années.
Aussi et dans ces conditions, si l'une des parties à un sous-bail souhaite délivrer congé, elle doit le faire dans les formes de l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L2009KGI), c'est-à-dire exclusivement par acte extrajudiciaire, et non par LRAR (ce qu'avait permis la loi "Pinel" n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D, mais ce sur quoi est revenue la loi "Macron" n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC). Tant et si bien qu'un congé donné par LRAR, que ce soit par le locataire ou le sous-locataire, doit être considéré comme nul. C'est précisément ce qu'ont jugé les juges de la cour d'appel dont l'arrêt a été confirmé par la Cour de cassation.
La raison est simple : nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet ; nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même (10). Le locataire principal ne peut conférer au sous-locataire plus de droits que ceux qui lui sont octroyés par le bail principal (11), ce qui se traduit, en l'occurrence, par le fait que le preneur ne peut pas, dès lors que le bailleur ne lui a pas permis, dénier le statut des baux commerciaux au sous-locataire en l'autorisant par exemple à délivrer congé par LRAR.
Et en l'espèce précisément, que ce soit le bailleur et/ou le preneur, ces deux parties plaidaient en faveur du bail commercial, à l'inverse du sous-locataire qui, et c'est assez rare pour être souligné, soutenait que la sous-location n'était pas soumise au statut (12), pour pouvoir plus facilement s'en délier.
Or, si nul ne peut transmettre à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même, cela signifie, d'abord, que la liberté contractuelle du locataire et du sous-locataire n'est peut-être pas si forte ; ensuite, que le sous-bail n'est peut-être pas également si émancipé au regard du bail commercial.
Dès lors, ce pourrait-il, par exemple, que le bailleur permette au locataire, auquel il autorise la sous-location, de ne pas appliquer le statut des baux commerciaux ? Au regard du congé, cela ne paraît pas possible puisque dorénavant, depuis la loi "Macron" du 6 août 2015, seul l'acte extrajudiciaire est ici de mise.
Néanmoins, il nous semble que, sous réserve de l'accord du bailleur, locataire et sous-locataire pourrait s'entendre pour ne pas appliquer, entre eux seulement, le statut des baux commerciaux, et qu'ainsi par exemple un congé puisse être délivré par LRAR. En d'autres termes, un sous-bail, adossé à un bail commercial, pourrait admettre la non-application du statut en stipulant, par exemple, qu'un congé peut être donné par LRAR. En d'autres termes encore, un sous-bail peut être commercial même si un bail principal ne l'est pas (13). Inversement, un sous-bail peut ne pas être commercial alors qu'un bail principal le sera (14).
Encore faut-il, toutefois, que cela résulte d'un accord exprès des parties et même des trois parties (bailleur, locataire et sous-locataire), la stipulation d'une durée inférieure à celle du bail principal restant à courir étant insuffisante, en l'état, à établir une telle volonté.
Tel est le message que délivre ici la Cour de cassation, rapprochant en cela bail commercial et sous-location : pour ne pas appliquer le statut, il faut un accord exprès des parties, dénué d'équivoque et, surtout, que la renonciation intervienne une fois le droit acquis (et pas avant que le droit ne soit né). Cela est même plus contraignant dans le cadre de la sous-location car il semblerait qu'outre l'accord du locataire et du sous-locataire, il faille également l'accord du bailleur.
Cela étant, un tel choix, qui a le mérite de renforcer, dans une certaine mesure, la liberté contractuelle, voire l'autonomie du sous-bail par rapport au bail commercial principal, puisqu'elle reviendrait à appliquer le bail commercial entre bailleur et locataire et d'autres règles entre locataire et sous-locataire, pourrait poser de réelles difficultés pratiques, surtout lorsque les deux contrats apparaissent indivisibles.
Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation juge aujourd'hui qu'un sous-bail commercial peut être conclu pour une durée inférieure à celle, restant à courir, du bail principal, et qu'une telle durée ne vaut pas renonciation aux dispositions du statut des baux commerciaux, deux nouveaux apports très importants en matière de baux commerciaux et sous-location.
(1) H. Kenfack et M. Pédamon, Droit commercial, 4ème éd., Précis Dalloz, 2015, n° 377 et s. ; J. Debeaurain, Guide des baux commerciaux, 17ème éd., 2013, n° 487 et s..
(2) Dont la vitalité n'est plus à démontrer : H. Kenfack, Actualité de la sous-location, AJDI, 2007, p. 812.
(3) CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 18 juin 2014, n° 12/15445 (N° Lexbase : A4630MRW) ; cf. égal. C. Denizot in Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 2015-2016, n° 350.10.
(4) L'expression est de F. Planckeel, La durée de la sous-location commerciale, Rev. loyers, 2013, p. 218. Adde D. Bert et F. Planckeel, Cours de droit commercial et des affaires, Gualino, Lextenso éd., 2015, n° 866 et s..
(5) Cass. civ. 3, 10 décembre 2002, n° 01-15.062, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4231A4H), Bull. civ. III, n° 257 ; D., 2003, p. 136, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr., 2003, comm. n° 36, obs. Ph.- H. Brault et P. Pereira- Osouf ; Gaz. Pal., 2003, 1, jur., p. 1782, note J.-D. Barbier ; Rev. loyers, 2003, p. 84, obs. Ch. Quément.
(6) Art. préc. note 4.
(7) Cass. civ. 3, 30 mars 1978, n° 76-14.923, publié (N° Lexbase : A7243AGD), Bull. civ. III, n° 131.
(8) Le contrat de location consenti par le crédit-preneur à une société commerciale inscrite au RCS et exploitant un fonds de commerce dans les lieux loués, distinct du contrat de crédit-bail et obéissant à des règles qui lui sont propres, est soumis au statut des baux commerciaux : Cass. civ. 3, 2 octobre 2002, n° 00-16.867, FS-P+B (N° Lexbase : A8988AZW), Bull. civ. III, n° 188 ; AJDI, 2003, p. 27, obs. J.-P. Blatter ; Loyers et copr., 2003, comm. n° 40, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers, 2003, p. 623, obs. M.-O. Vaissié. V. les autres réf. in F. Planckeel, art. préc. note 4.
(9) Cass. civ. 3, 24 février 1988, n° 86-15.458, publié (N° Lexbase : A6924AAP), Bull. civ. III, n° 44 ; D., 1988, IR 66.
(10) Sur lequel V., Y. Rouquet, obs. sous Cass. civ. 3, 17 mars 2016, n° 14-24.748, Dalloz Actualité, 24 mars 2016.
(11) Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-20.741 (N° Lexbase : A0882CLA), RDI, 1998, 142, obs. F. Collart-Dutilleul et J. Derruppé, cité par Y. Rouquet, obs. préc..
(12) F. Auque, Statut des baux commerciaux et sous-location, Ann. des loyers, 2003, p. 2 114.
(13) Cass. civ. 3, 9 mai 1979, Rev. loyers, 1979, 424, note J. V.. Dans le même sens, à propos d'un bail d'habitation et d'une sous-location commerciale, Cass. civ. 3, 10 février 2004, n° 02-20.439, F-D (N° Lexbase : A2772DBB), AJDI, 2004, 453, note C. Denizot.
(14) Cass. civ. 3, 24 avril 1974, n° 72-14.788, publié (N° Lexbase : A6967AG7), Bull. civ. III, n° 167 : sous-location à usage d'habitation adossée à un bail commercial.
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Réf. : Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-19.711, FS-P+B (N° Lexbase : A1537RBK)
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Le 08 Avril 2016
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Réf. : Cass. com., 30 mars 2016, n° 14-25.627, FS-P+B (N° Lexbase : A1506RBE)
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N2149BWI
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Le 14 Avril 2016
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Réf. : Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, 24 mars 2016
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par Pascal Lokiec, Professeur à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le 07 Avril 2016
Le feuilleton autour du plafonnement des indemnités de licenciement a commencé avec la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), dite "Macron", qui avait instauré un plafonnement obligatoire des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Admis dans son principe par le Conseil constitutionnel, le plafonnement a été censuré dans ses modalités au motif que le critère de différenciation à raison de la taille de l'entreprise était sans lien avec le préjudice subi par le salarié et contrevenait au principe d'égalité devant la loi (1). C'est pour cela que le plafonnement prévu par l'avant-projet de loi "El Khomri" ne retenait plus comme critère la taille de l'entreprise, mais seulement l'ancienneté (de trois mois pour les salariés ayant une ancienneté dans l'entreprise inférieure à deux ans jusqu'à quinze mois pour ceux ayant une ancienneté supérieure à vingt ans). Ce dispositif a finalement été écarté du projet de loi "El Khomri", du fait notamment de l'hostilité de l'ensemble des organisations syndicales de salariés.
La confusion entretenue autour des objectifs dudit plafonnement a largement contribué à attiser les tensions autour de ce dispositif. Le premier objectif consistait à permettre aux entreprises de connaître à l'avance le coût d'un licenciement injustifié. On conférait par là même un caractère parfaitement prévisible à la rupture du contrat de travail, avec cette idée sous-jacente que l'entreprise, qui est capable de provisionner au centime près le coût de licenciements éventuels, sera plus encline à embaucher en CDI. Une idée confortée, comme c'est de plus en plus le cas aujourd'hui, par l'appel aux droits étrangers, en l'occurrence le Jobs Act italien. Matteo Renzi a, en effet, instauré un nouveau contrat de travail dit "à droits progressifs", lequel se traduit concrètement par la mise en place d'un plafonnement obligatoire s'étalant jusqu'à vingt quatre mois pour les salariés ayant la plus forte ancienneté. L'introduction de ce contrat a été suivie par une baisse sensible du chômage, ce qui en a aussitôt fait un exemple à suivre dans la lutte contre le chômage. Sauf que cette baisse a été concomitante à une politique massive d'exonération de charges patronales (à hauteur de 8 000 euros par contrat de travail la première année), rendant très difficile, voire impossible l'établissement d'un lien de causalité entre le nombre de CDI nouvellement créés et le plafonnement des indemnités de licenciement. Un second objectif, très présent également dans les débats français, consiste à harmoniser les indemnisations prononcées aux prud'hommes, afin de donner aux conseiller prud'homaux des "indications" sur ce qui se pratique en moyenne dans les autres juridictions ! Si le premier objectif ne peut être atteint que par l'adoption d'un plafonnement obligatoire, il n'en va pas de même de l'objectif d'harmonisation (il n'est pas question d'uniformiser, ne serait-ce parce que le juge doit pouvoir apprécier le préjudice subi au regard des circonstances de la cause) qui se satisfait d'un référentiel indicatif. C'est finalement ce second objectif qui l'a emporté.
L'abandon du plafonnement obligatoire s'est traduit par la suppression de toute référence à un quelconque barème dans le projet de loi, le référentiel indicatif ayant d'ores et déjà été voté dans le cadre de la loi "Macron". On attendait uniquement le décret d'application (resté en suspens dans la perspective de l'adoption ou non du plafonnement obligatoire) qui, du coup, sera très vraisemblablement édicté (2). Le référentiel "Macron" est construit autour de critères liés à l'ancienneté, à l'âge et à la situation du demandeur par rapport à l'emploi, et peut être utilisé devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes si les parties en font conjointement la demande. Même si les montants dudit référentiel ne devraient pas être discutés devant le Parlement, leur fixation constitue évidemment un enjeu essentiel, un référentiel -fut-il indicatif- ayant nécessairement une influence sur les niveaux d'indemnisation. La question va notamment se poser de son harmonisation avec le référentiel d'ores et déjà applicable devant le bureau de conciliation (institué par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi de sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU), lequel est très peu utilisé en raison de montants notoirement beaucoup trop faibles (entre deux mois et quatorze mois de salaire selon l'ancienneté).
II - Les nouvelles règles sur le licenciement pour motif économique
Dans un pays en proie à des difficultés économiques, le droit du licenciement pour motif économique constitue un enjeu central. Si la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 avait considérablement modifié la procédure de licenciement, c'est au motif que s'attaque le projet de loi "El Khomri".
A - Les contours du motif
Deux séries de modifications sont prévues.
La première est à droit constant. Le projet de loi inscrit dans le Code du travail les motifs de licenciement que la Cour de cassation avait ajouté au fil du temps sur le fondement du fameux "notamment" figurant à l'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7). Il s'agit, d'une part, de la "cessation d'activité de l'entreprise" (3), d'autre part, de la "réorganisation nécessaire à la compétitivité de l'entreprise" (4). L'inscription de ce second motif dans le Code du travail n'est pas anodine, d'un point de vue politique, alors qu'un certain nombre de propositions ont vu le jour, du côté notamment du parti "Les Républicains", afin de consacrer le motif de réorganisation en supprimant la référence à la sauvegarde de la compétitivité (5). L'article L. 1233-3 comportera désormais quatre motifs économiques de licenciement : les difficultés économiques, la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, les mutations technologiques et la cessation d'activité de l'entreprise. Notons que le "notamment" a néanmoins été maintenu, ce qui laisse la possibilité à la Cour de cassation, comme elle l'a fait par le passé, d'user de son rôle prétorien pour compléter la liste.
La seconde modification est plus significative, car elle n'est pas à droit constant. La notion de difficultés économiques est "objectivée" ; le texte fait état de "difficultés économiques, caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés" (partie "ordre public"). Il est prévu qu'en l'absence d'accord collectif de branche, la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires devra être de quatre trimestres consécutifs et la durée des pertes d'exploitation d'un semestre (partie "dispositions supplétives"). Ces dispositions sont supplétives, ce qui veut dire qu'un accord peut fixer une autre durée de baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, laquelle ne peut, à lire le projet, être inférieure à deux trimestres consécutifs, ou une durée des pertes d'exploitation qui ne peut être inférieure à un trimestre (partie "champ de la négociation collective").
Ces changements, qui préfigurent ce que sera la nouvelle architecture du Code du travail (est-ce vraiment plus simple que l'architecture actuelle du Code ?), conduisent à substituer à l'appréciation du juge des critères prédéterminés et chiffrés. La Cour de cassation exige, en effet, actuellement, que les difficultés économiques soient "importantes", autrement dit que les juges du fond contrôlent au cas par cas l'existence d'une cause "sérieuse". Il est question de " baisses importantes de chiffres d'affaires plusieurs années de suite" (6), de "difficultés économiques caractérisées par d'importantes pertes financières" (7), d'une "perte d'exploitation importante" (8). L'importance du changement ne sera plus un critère en soi, sauf pour la dégradation de trésorerie qui, à la lecture du projet de loi, doit être "importante".
Est-on à droit constant ? Une réponse négative s'impose car si la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes peut aujourd'hui constituer un indice pour retenir l'existence d'un motif économique de licenciement (9), une baisse d'activité passagère ne suffit pas ! Il a ainsi été jugé que "ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre de 1992 à 1993, ni la baisse des bénéfices réalisés pendant la même période ne suffisaient à caractériser la réalité des difficultés économiques alléguées par l'employeur" (10).
Outre que, prise à la lettre, elle prive le juge de son pouvoir d'appréciation, cette liste pose trois séries de difficultés. Les deux premières sont inhérentes à tout système de liste. D'abord, le Gouvernement n'a eu d'autre choix que de compléter la liste par un critère "fourre-tout" qui permet au juge d'appréhender une situation qui n'y figure pas. A la fin de la liste de l'article 30, on peut, en effet, lire que les difficultés pourront être caractérisées par "tout élément de nature à justifier de ces difficultés" ! La loi britannique sur le licenciement qui, elle aussi, repose sur une liste de motifs admissibles de licenciement (cette liste comprend tous les motifs, pas seulement les motifs économiques), est également complétée par une catégorie "fourre-tout", d'ailleurs formulée en termes assez voisins : "any other substantial reason" (11) ! Ensuite, une liste trop précise, satisfaisante eu égard à l'impératif de sécurité juridique, empêche l'adaptation de la règle à son contexte. Cela veut dire, en l'occurrence, que les baisses de commandes ou de chiffre d'affaires, ou les pertes d'exploitation seront appréciées de la même façon quelle que soit la taille de l'entreprise (12). Un nombre donné de trimestres de baisse de commandes n'a pas la même signification, et le même impact sur la survie de l'entreprise, pour la TPE et pour la grande entreprise. Ce qui explique qu'il soit envisagé, sous réserve de ne pas se heurter à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'égalité devant la loi (13), d'adopter des critères spécifiques en fonction de la taille de l'entreprise !
Malgré les velléités du Gouvernement de sécuriser le motif économique de licenciement, on ne voit pas comment la prise en compte de l'importance des difficultés économiques pourrait être totalement écartée par la loi nouvelle ! Le projet de loi est, en effet, silencieux sur le pourcentage de baisse de chiffre d'affaires, du volume des commandes ou des pertes d'exploitation. Il ne pouvait en être autrement au risque de transformer les tribunaux en simples chambres d'enregistrement de données comptables et ainsi de heurter la Convention 158 de l'OIT. Parce qu'il est inconcevable qu'une baisse de chiffre d'affaires de 0,1 ou 0,2 %, même sur plusieurs trimestres, suffise à justifier le licenciement, il faut prendre acte de ce que le nouveau dispositif -et c'est une bonne chose- ne pourra, in fine, écarter l'appréciation du juge sur le motif économique de licenciement.
B - Le périmètre d'appréciation du motif
En l'état actuel de la jurisprudence, "lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise" (14). Cela veut dire que les difficultés de l'entreprise ne peuvent suffire à justifier un licenciement économique si le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient est prospère, et que si, inversement, ledit secteur connaît des difficultés, un licenciement est possible alors même que la société qui licencie connaît une situation économique satisfaisante (15). Cette règle, à laquelle le projet de loi ne touche pas, s'apprécie traditionnellement dans un périmètre international. Et c'est là que se situe le bouleversement ! Le groupe, qui sert à définir le périmètre d'appréciation des difficultés économiques est, à ce jour, pris dans son entièreté, dans sa dimension nationale et internationale. Tant la Cour de cassation que le Conseil d'Etat exigent que soient pris en compte les résultats du secteur d'activité "à l'étranger" (16), ce que formule la Haute juridiction administrative dans les termes suivants : "lorsque la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, l'examen de la situation économique doit porter sur l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner l'examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France, ni aux établissements de ce groupe situés en France" (17).
Ces jurisprudences seront caduques si le texte est adopté puisqu'il est prévu que "l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité s'effectue au niveau de l'entreprise si cette dernière n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient". Une telle disposition permettra à un groupe florissant de licencier les salariés de sa filiale française qui connait des baisses de commandes ou de chiffre d'affaires, ce qui a immédiatement attisé des craintes de fraude ou de sacrifice de filiales françaises (par exemple, décision d'externaliser une partie de l'activité de la filiale, entraînant une forte baisse de chiffre d'affaires).
D'où l'ajout d'un alinéa à l'article 30, à la suite de la lecture du projet par le Conseil d'Etat : "ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emplois". Cette adjonction suffira-t-elle à apaiser les inquiétudes ? Force est d'admettre qu'il n'y a, dans ce texte qui s'apparente à un contrôle de la fraude à la loi, rien de réellement nouveau, puisque la Cour de cassation a déjà jugé que les difficultés économiques ne sont pas un motif de licenciement lorsque "la situation économique invoquée pour justifier les licenciements résultait d'une attitude intentionnelle et frauduleuse du groupe" (18). La preuve de l'artifice devrait être particulièrement difficile à apporter, et ce d'autant plus que texte est particulièrement restrictif ; il convient que l'artifice ait pour seule fin la suppression des emplois, ce qui devrait exclure le cas de l'entreprise qui a fraudé le trésor public et subit des difficultés du fait du redressement fiscal subséquent.
C - L'obligation de revitalisation
On rappellera que la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49), a créé une obligation territoriale à la charge des entreprises de plus de 1 000 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés, dont les restructurations affectent, par leur ampleur, l'équilibre du ou des territoires où elles sont implantées. L'entreprise a alors l'obligation de contribuer à la recréation d'activité et au développement des emplois dans ces territoires. Cette obligation, qui s'inscrit dans le cadre de ce qu'il est convenu de dénommer "responsabilité sociale des entreprises", est aménagée dans ses modalités (délai de conclusion, dispositif spécifique lorsque les suppressions touchent au moins trois départements, ...), et surtout généralisée, puisqu'elle concernera, désormais, toutes les procédures de licenciement pour motif économiques, y compris celles concernant moins de dix salariés sur trente jours.
III - Le transfert d'entreprise
Bien que ce changement ait suscité peu d'attention (19), le projet de loi apporte une petite révolution au droit des transferts d'entreprise en permettant, sous certaines conditions, au cédant de procéder au licenciement des salariés non repris. Il faut pour cela qu'on se situe dans une entreprise d'au moins 1 000 salariés et que le plan de sauvegarde de l'emploi comporte, en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, le transfert d'une ou plusieurs entités économiques, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois. Le périmètre de la règle nouvelle est donc le même que celui défini par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 (N° Lexbase : L9440IZN) à propos de l'obligation de recherche d'un repreneur. La finalité recherchée est, dans le prolongement de la loi précitée, de favoriser la reprise des sites et, plus précisément, de mettre fin à une difficulté pratique ; l'entreprise qui entame un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est obligée, dans le cas où un repreneur se manifeste dans le cadre d'un processus de recherche de repreneur lancé parallèlement, d'interrompre son PSE (20).
C'est, en effet, en l'état actuel du droit (non seulement interne mais aussi européen (21), ce qui pourrait conduire à des discussions sur la conventionalité du nouveau dispositif), au repreneur d'engager les licenciements nécessaires une fois la reprise réalisée. Le transfert est automatique, seuls les licenciements sans lien avec le transfert étant possibles avant qu'il ait lieu ; à défaut ces licenciements sont "sans effet" (22). Cette situation peut "décourager le repreneur potentiel, notamment lorsque son offre de reprise porte sur une entité économique autonome mais dont il ne lui est pas possible de conserver la totalité des emplois", énonce l'étude d'impact (23). Le projet de loi aménage aussi le contenu des PSE pour intégrer cette nouvelle hypothèse : les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de projet de transfert d'une ou plusieurs entités économiques pourront être définies par la voie de cet accord collectif majoritaire.
IV - Les accords sur l'emploi
Le dispositif des accords de maintien de l'emploi (AME) se voit compléter d'un nouveau dispositif, qui s'apparente aux accords de compétitivité conclus chez PSA, Renault ou Michelin ces dernières années. Depuis l'échec des premières années de mise en place du dispositif institué par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 (au 15 mars 2015, seuls neuf accords avaient été conclus (24)), le Gouvernement a affiché sa volonté de le "déverouiller", selon une expression à la mode. La loi "Macron" l'a fait une première fois, en allongeant la durée possible de ces accords (de deux ans maximum à cinq ans), en facilitant la suspension de l'accord (qui ne nécessite plus une saisine en référés du président du TGI) et en facilitant le licenciement (économique) du salarié récalcitrant qui, notamment, ne peut plus en contester la cause réelle et sérieuse devant le juge. Le projet de loi va beaucoup plus loin, en créant un nouveau dispositif qui, en pratique, a toutes les chances de se substituer à celui (non abrogé) des accords de maintien de l'emploi.
Premièrement, il n'est pas nécessaire, à suivre le texte, que l'entreprise connaisse des difficultés conjoncturelles graves, puisqu'il suffira que l'accord ait été conclu "en vue de la préservation ou du développement de l'emploi". L'accord devrait pouvoir, en conséquence, porter sur tout sujet dès lors qu'il répond à la justification ci-dessus, sous réserve de ne pas diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Il est donc possible d'augmenter la durée du travail (passer de 35 à 39 heures, par exemple) et de maintenir le même salaire mensuel, ce qui équivaut à une baisse de salaire.
Deuxièmement, le licenciement n'est pas pour motif économique ; il s'agit d'un licenciement de droit commun (improprement qualifié de sui generis), soumis aux règles générales sur le licenciement, si bien que la procédure de licenciement pour motif économique (dont un certain nombre de règles, notamment celles liées au plan de sauvegarde de l'emploi et à l'information-consultation du comité d'entreprise) est désormais totalement exclue.
Concrètement, cela veut dire que si le préambule d'un accord portant sur les congés, sur les astreintes ou sur tout autre sujet, prévoit que ledit accord est conclu en vue de maintenir ou de développer l'emploi, l'ensemble des salariés concernés seront privés de la protection du licenciement pour motif économique et de la possibilité de contester le motif de leur licenciement devant le juge ! Le législateur a fait le choix de consacrer, à demi-mot, la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail, à la condition que l'emploi soit en jeu (sans pour autant que l'entreprise soit engagée, comme c'est aujourd'hui le cas, à maintenir l'emploi). Le projet de loi va aussi loin dans la supériorité accordée à l'accord collectif sur le contrat que semble le permettre le Conseil constitutionnel, qui a, d'ores et déjà, admis que l'intérêt général, dont la lutte contre le chômage est bien évidemment une déclinaison, justifie une restriction à l'économie générale des conventions (25). Restriction manifeste en l'occurrence, puisqu'il est expressément prévu à l'article 11 du projet de loi que les stipulations de l'accord collectif se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Reste qu'avec un critère aussi flou ("en vue de la préservation ou du développement de l'emploi"), l'existence d'un lien suffisant entre la restriction apportée à l'économie des conventions et la poursuite de l'intérêt général n'a pas force d'évidence !
V - L'appui aux petites entreprises
La réforme du Code du travail est partie du constat de la difficulté qu'ont les patrons de petites entreprises, dépourvus de ressources juridiques en interne, à appliquer le droit du travail. Il paraît donc nécessaire de leur donner ces ressources (ou de les aider à les acquérir), d'où l'intérêt de l'article 28 du projet de loi.
Il en ressort que, pour tenir compte des difficultés spécifiques d'accès au droit du travail pour les entreprises de moins de trois cents salariés, tout employeur d'une de ces entreprises a le droit d'obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu'il sollicite l'administration sur une question relative à l'application d'une disposition du droit du travail ou des accords et conventions collectives qui lui sont applicables.
Parce qu'à moyens constants (il faudra en tout état de cause renforcer les moyens de l'administration pour que l'information puisse être délivrée dans un délai raisonnable), l'administration ne peut, seule, assurer cette mission, il est prévu que, pour assurer la mise en oeuvre de ce droit, des services d'information dédiés seront mis en place par l'autorité administrative compétente, qui peut y associer des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales et professionnelles, ou tout autre acteur qu'elle estime compétent.
Même si le texte ne dit rien de l'articulation entre les différents acteurs, parmi lesquels il faut compter les chambres des métiers mais aussi les avocats, qui jouent un rôle central dans l'accès au droit, il constitue un premier pas intéressant vers la consécration d'un service public de l'accès au droit pour les petites entreprises. Un service public que les Etats-Unis pratiquent avec succès depuis plus de soixante ans (guides, guichets, médiateurs, etc.).
(1) Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG).
(2) Voir à ce sujet les analyses de Florence Mehrez, actuel-rh.fr, 15 mars 2016.
(3) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, FS-P+B (N° Lexbase : A2160AIT).
(4) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690 ([LXB=4018AA3]).
(5) En ce sens, voir l'article sur F. Fillon et son "Pacte pour la France".
(6) Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 99-44.934, FS-D (N° Lexbase : A9007AWI).
(7) Cass. soc.. 23 mars 2005, n° 03-41.354, F-D (N° Lexbase : A5143DIC).
(8) Cass. soc.. 29 janvier 2008, n° 06-44.189, F-D (N° Lexbase : A6071D4M).
(9) Cass. soc., 3 mai 1994, n° 92-44.421 (N° Lexbase : A2011AAQ).
(10) Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41.036 (N° Lexbase : A6341AGX).
(11) S. 94, Employment rights Act, 1996.
(12) Voir l'article dans Les Echos.
(13) V. Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, préc..
(14) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-43.866 (N° Lexbase : A4026AAD).
(15) Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-40.489, FS-P+B (N° Lexbase : A9466DZM).
(16) Cass. soc., 12 juin 2001, n° 99-41.839, publié (N° Lexbase : A5361AGN).
(17) CE, 8° et 3° s-s-r., 8 juillet 2002, n° 226471, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1502AZN).
(18) Cass. soc. 13 janvier 1993, n° 91-45.894, publié (N° Lexbase : A3884AA4).
(19) V. cependant P. Bailly, Le PSE avant transfert d'entreprise dans l'avant-projet de loi, SSL, 2016, n° 1714.
(20) V. étude d'impact sur le projet de loi travail, p. 317.
(21) Directive 2001/23 du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (N° Lexbase : L8084AUX), art. 4 : "le transfert [...] ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi".
(22) Cass. soc., 3 avril 2001, n° 98-44.778, publié (N° Lexbase : A2006ATH) ; Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-43.923, FS-P+B (N° Lexbase : A9867DME).
(23) Etude d'impact préc., p. 318
(24) Voir le bilan de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi de sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU).
(25) Cons. const., décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012 (N° Lexbase : A7449IEM).
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 3 février 2016, n° 387140, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5064PKR) ; Cass. civ. 3, 21 janvier 2016, n° 14-23.940, F-D (N° Lexbase : A5626N47) ; Cons. const., décision n° 2015-518 QPC du 2 février 2016 (N° Lexbase : A3780PAA)
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine, directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE) et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 07 Avril 2016
1 - Lorsqu'une déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant doit adresser au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à une enquête publique préalable, un dossier qui doit contenir un certain nombre d'éléments visés par l'article R. 11-3 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3015HLA) (1). La question du contenu de ce dossier, particulièrement s'agissant de l'obligation de fournir une "appréciation sommaire des dépenses" fait l'objet d'une jurisprudence foisonnante, comme l'illustre l'arrêt rapporté du 3 février 2016.
2 - En application de l'article 6 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires (N° Lexbase : L7446A4K), c'est le service des domaines qui doit être saisi en vue de fournir une estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation de l'opération projetée. Il peut toutefois s'écouler un délai plus ou moins long -trois ans dans la présente affaire- entre la date à laquelle l'avis a été formulé et celle à laquelle la déclaration d'utilité publique a été prise.
A l'occasion d'un arrêt "Ministre de l'Intérieur c/ Consorts Hottinguer" du 2 octobre 1996 (2), le Conseil d'Etat avait considéré que "l'obligation ainsi faite à l'autorité qui poursuit la déclaration d'utilité publique de l'acquisition d'immeubles a pour objet de permettre aux intéressés de s'assurer que cette acquisition, compte tenu de son coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, a un caractère d'utilité publique". Or, dans cette affaire, il s'était écoulé onze ans entre la date de l'avis et l'acte portant déclaration d'utilité publique. Le Conseil d'Etat avait décidé en conséquence que le changement de circonstances de droit et de fait nécessitait que soit requis un nouvel avis. En effet, durant ces onze années, la règlementation en matière d'urbanisme avait évolué ainsi que la valeur des terrains.
Dans la présente affaire, c'est "l'évolution du marché de l'immobilier" qui aurait dû, selon la cour administrative d'appel de Bordeaux, conduire l'expropriant à solliciter un nouvel avis du service des domaines. Plus précisément, la parcelle litigieuse, qui avait été évaluée à 120 000 euros par le service des domaines, avait vu sa valeur chiffrée à 350 000 par un jugement du juge de l'expropriation du 15 décembre 2011. Pour arriver à ce montant, le juge avait pris en considération la mutation du marché de l'immobilier, lié notamment à l'extension d'un centre commercial situé à proximité immédiate et à différents aménagements facilitant l'accession à cette parcelle.
La problématique ne se posait pas exactement dans les mêmes termes que celles de la jurisprudence "Ministre de l'Intérieur c/ Consorts Hottinguer". En effet, s'est sous l'angle de la jurisprudence "Danthony" qu'est ici abordée la question de la régularité du dossier d'enquête publique. Rappelons ici qu'en application de l'arrêt d'Assemblée "Danthony" du 23 décembre 2011, il existe un principe "selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon des formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie" (3). En application de cette jurisprudence, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait considéré qu'en ne sollicitant pas un nouvel avis du service des domaines, l'expropriant "avait privé le public d'une garantie dans la mesure où l'estimation des dépenses portée au dossier d'enquête ne reflétait pas le coût réel de l'opération".
La question de l'éventuelle neutralisation de vices de procédures en application la jurisprudence "Danthony" n'est pas inédite en droit de l'expropriation. A l'occasion d'un arrêt rendu le 3 juin 2013, le Conseil d'Etat avait ainsi refusé de sanctionner l'irrégularité constituée par le fait que l'un des journaux dans lequel la publication de l'avis d'enquête publique était assurée ne bénéficiait pas d'une diffusion dans tout le département, alors même que le journal en cause figurait sur la liste des journaux autorisés, par arrêté préfectoral, à publier les annonces légales dans le département (4). Cette solution a été ensuite logiquement transposée aux enquêtes publiques relevant des dispositions du code de l'environnement, à l'occasion d'un arrêt du 27 février 2015 (5). Dans cette affaire, le Conseil d'Etat avait ainsi refusé de sanctionner l'omission par le préfet de l'indication dans l'arrêté annonçant l'ouverture d'enquêtes publiques, de la présence dans le dossier de l'étude d'impact, comme l'exige pourtant l'article R. 123-13 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0748ISI).
Contrairement à la cour administrative d'appel de Lyon, le Conseil d'Etat va considérer qu'il n'y a pas lieu de sanctionner en l'espèce le vice de procédure allégué. Il censure en conséquence l'erreur de droit commise par la cour au motif que "les dispositions de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 n'imposent pas aux collectivités et services expropriants, déjà titulaires d'un avis du service des domaines sur la valeur d'une parcelle, de procéder à une seconde saisine de ce service". En d'autres termes, les personnes expropriées ne pouvaient se prévaloir d'une garantie qui n'est pas prévue par la réglementation applicable.
3 - Il restait alors à déterminer si "l'évaluation sommaire des dépenses" figurant au dossier de l'enquête publique répondait aux exigences de la jurisprudence. Comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil d'Etat, cette évaluation est censée "permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces acquisitions, travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique" (6). Ce n'est que dans les cas d'une sous-évaluation manifeste que la déclaration d'utilité publique fera l'objet d'une annulation par le juge administratif. Ainsi, par exemple, si une sous-évaluation de plus de 90 % du montant des dépenses représentée par l'opération est sanctionnée (7), ce ne sera pas le cas dans une hypothèse où ce pourcentage est environ de 13 % (8). En outre, une sous-évaluation de la valeur d'une seule parcelle ne sera pas sanctionnée dès lors que le juge place son analyse au niveau des coûts représentés par l'ensemble de l'opération qui fait l'objet de la déclaration d'utilité publique. En l'espèce, toutefois, on ne manquera pas de relever que la sous-évaluation de l'ensemble de l'opération paraît importante. En effet, le service des domaines avait estimé un coût prévisionnel à la somme de 320 000 euros, comprenant la réalisation des travaux pour un montant de 200 000 euros et l'acquisition de la parcelle objet du litige pour un montant de 120 000 euros. Or, comme on l'a mentionné plus haut, c'est à un montant de 350 000 euros qu'a été fixée l'indemnité d'expropriation. Même si l'on rapporte ce montant au coût total de l'opération, le total de 470 000 euros obtenu est supérieur d'environ 68 % ce qui n'est pas loin, à notre avis, de constituer une sous-évaluation manifeste, alors même, comme le précise le Conseil d'Etat que "le commissaire-enquêteur avait insisté sur la diminution des dépenses résultant de la réorganisation à l'origine du projet".
A l'occasion d'un arrêt rendu le 21 janvier 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu'en application de l'article 625 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2882AD4), "sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé". Dans la présente affaire, la cour d'appel de Saint-Denis avait écarté la qualification de terrains à bâtir pour les parcelles litigieuses au motif que cette qualification n'avait pas été retenue par le premier jugement d'appel en date du 22 décembre 2008 qui avait repris à son compte les conclusions d'un rapport d'expertise. Pour la juridiction de renvoi, en effet, dès lors que la première décision n'avait pas été cassée sur ce point, celui-ci ne pouvait plus être débattu à nouveau. En conséquence, la qualification de terrain à bâtir étant exclue, les parcelles expropriées devaient être évaluées en fonction de leur seul usage effectif à la date de référence conformément au dernier alinéa de l'article L. 13-15 II-1° du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L9115IZM), c'est-à-dire, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation. En effet, dans une telle hypothèse, la cause et les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé (9). En l'espèce, l'arrêt prononcé le 22 septembre 2008 avait fait l'objet d'une cassation totale. Or, comme a déjà eu l'occasion de le juger la Cour de cassation, "la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire" (10). L'appréciation de la cour d'appel de Saint-Denis sur le montant des indemnités, si elle pouvait prendre en compte le rapport d'expertise, ne pouvait donc être conditionnée par l'appréciation portée sur celui-ci par les premiers juges d'appel. En jugeant ainsi, alors que l'arrêt du 22 septembre 2008 avait fait l'objet d'une cassation totale, la cour d'appel de Saint-Denis, "qui ne s'est pas appropriée le rapport d'expertise sur ce point", a violé les dispositions de l'article 625 du Code de procédure civile.
1 - Par sa décision en date du 2 février 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 3° de l'article L. 323-4 du Code de l'énergie (N° Lexbase : L2579IQL). En application de cet article, les concessionnaires des réseaux d'électricité ont la possibilité d'installer après déclaration d'utilité, sur des terrains privés non bâtis et non clôturés, des canalisations souterraines ou -ce qui est en cause dans l'affaire qui a donné lieu à la mise en oeuvre de la procédure de QPC- des pylônes pour le transport de l'électricité.
2 - A l'appui de leur recours, les requérants invoquaient en premier lieu l'article 7 de la Charte de l'environnement, relatif au droit de toute personne à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. On rappellera sur cette question que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat reconnaissent la valeur constitutionnelle de l'ensemble des dispositions contenues dans la Charte de l'environnement (11). S'agissant plus spécialement des dispositions de l'article 7, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de considérer que ces dispositions "figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit" et qu'elles sont donc invocables à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité (12). Concernant cet article, le Conseil constitutionnel a censuré a plusieurs reprises l'incompétence négative du législateur qui n'avait pas mis en oeuvre de dispositifs garantissant la participation du public (13).
En l'espèce, les juges vont d'abord considérer que "les décisions établissant les servitudes instituées par les dispositions contestées sont des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement". Toutefois, si le projet de travaux n'est pas soumis à enquête publique en application du Code de l'environnement, l'article L. 323-3 prévoit bien l'organisation d'une consultation du public sur le dossier de déclaration d'utilité publique et en fixe les modalités. L'existence de telles dispositions, qui permettent notamment au public de formuler des observations dont la synthèse réalisée par le maître de l'ouvrage sera transmise au service instructeur avant que ne soit prise la décision relative à la déclaration d'utilité publique, satisfont aux exigences de l'article 7 de la Charte de l'environnement.
3 - Le second grief soulevé par les requérants à l'encontre des dispositions de l'article L. 323-4, 3° du Code de l'énergie, concerne l'atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. La question de la conformité à ces dispositions de textes de loi prévoyant l'établissement de servitudes est loin d'être inédite. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de juger que si l'établissement d'une servitude d'intérêt public "ne constitue pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de ladite Déclaration (N° Lexbase : L1364A9E) [...] il en serait autrement si la sujétion ainsi imposée devait aboutir à vider de son contenu le droit de propriété" (14).
C'est cette solution, qui concernait l'institution d'une servitude permettant l'installation et l'exploitation des moyens de diffusion par voie hertzienne et des équipements nécessaires à leur fonctionnement, qui est transposée en l'espèce. Il en résulte que la déclaration de conformité des dispositions litigieuses est assortie d'une réserve d'interprétation. Les juges considèrent ainsi, dans un premier temps, que les servitudes pouvant être instituées en application de l'article L. 323-4, 3° du Code de l'énergie ne constituent pas une privation du droit de propriété, mais une simple limitation à ce droit, ce qui pose la question de la conformité des ces dispositions à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1366A9H). Le Conseil constitutionnel rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle "en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi" (15). Ces conditions sont respectées par les dispositions litigieuses. En effet, d'une part, "en instituant ces servitudes le législateur a entendu faciliter la réalisation des infrastructures de transport et de distribution de l'électricité [...] il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général". Les propriétaires disposent quant à eux d'un certain nombre de garanties. Comme on l'a vu, du point de vue de la procédure, l'établissement de la servitude est subordonné à une déclaration d'utilité publique. Sur le fond, elle ne peut grever que des terrains non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes et elle ne constitue pas un obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir ou encore d'opérer toutes modifications de sa propriété conformes à son utilisation normale. Enfin, les propriétaires disposent du droit de percevoir une indemnité lorsque cette servitude entraîne un "préjudice direct, matériel et certain" en application de l'article L. 323-7 du Code de l'énergie. Il en résulte que "l'atteinte portée au droit de propriété par les dispositions contestées est proportionnée à l'objectif poursuivi", ce qui conduit le Conseil constitutionnel à déclarer leur conformité à la Constitution.
(1) Ces dispositions sont désormais codifiées à l'article R. 112-4 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2045I7U) depuis l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2015, du décret n° 2014-1635 du 26 décembre 2014, relatif à la partie réglementaire du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L1511I74).
(2) CE, 2 octobre 1996, n° 91296 (N° Lexbase : A1498AP8), Rec. tables, p. 950, Dr. adm., 1996, 533, obs. L.T., Administrer mars 1999, n° 309, p. 41, obs. J.-P. Lay ; voir également CE, 3 novembre 2004, n° 260398 (N° Lexbase : A8979DDW).
(3) CE Ass., 23 décembre 2011, n° 335033 (N° Lexbase : A9048H8M), Rec. p. 649, JCP éd. A, 2012, 2089, note C. Broyelle, JCP éd. G, 2012, 558, note D. Connil, Dr. adm., 2012, 22, note F. Melleray, AJDA, 2012, p. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumourtier et note P. Cassia.
(4) CE, 3 juin 2013, n° 345174 (N° Lexbase : A3359KGI), AJDA, 2013, p. 1193, obs. R. Grand, AJDA, 2014, p. 515, note N. Ach, BJCL, n° 12, 2014, p. 796, concl. A. Vialettes, RD imm., 2013, p. 349 et 423, note R. Hostiou, Dr. rur., 2013, 206, nos obs.
(5) CE, 27 février 2015, n° 382502 (N° Lexbase : A5184NCY), Rev. Adm., 2015, 35, note A. Tchameni.
(6) CE, 23 janvier 1970, n° 68324 (N° Lexbase : A5678B8S), Rec. p. 446, concl. J. Baudouin, AJDA, 1970, p. 298, note A. Homont ; CE, 22 juin 2012, n° 337343 (N° Lexbase : A5158IPQ) ; CE, 8 juillet 2011, n° 327729 (N° Lexbase : A9396HUK).
(7) CAA Lyon, 11 décembre 2007, n° 06LY01359 (N° Lexbase : A7597D47).
(8) CE, 22 juin 2005, n° 264294 (N° Lexbase : A8269DI4).
(9) Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 06-12.293, FS-P+B (N° Lexbase : A1184DTZ), Bull. civ. II, n° 362.
(10) Cass. civ. 3, 31 octobre 2001, n° 99-12.181, publié au bulletin (N° Lexbase : A9911AWY), Bull. civ. III, n° 116, Gaz. Pal., 9-20 octobre 2002, p. 32, obs. A. Perdriau.
(11) V. respectivement : Cons. const., décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (N° Lexbase : A2111D93) ; CE, 3 octobre 2008, n° 297931 (N° Lexbase : A5992EA8), AJDA, 2008, p. 2166, chron. E. Geffray et S-.J. Liéber, Dr. env., octobre 2008, p. 19, Environnement, 2008, alerte 66, note J.-M. Février, JCP éd. A, 2008, 2279, note P. Billet, LPA, 2 décembre 2008, n° 241, note J.-L. Pissaloux, RFDA, 2008, p. 1158, note L. Janicot.
(12) Cons. const., décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 (N° Lexbase : A7387HYA).
(13) V. par exemple : Cons. const., décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012 (N° Lexbase : A0586IR7) ; Cons. const., décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4204IXY) ; Cons. const., décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4205IXZ) ; Cons. const., décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8793MKU).
(14) Cons. const., décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985 (N° Lexbase : A8117ACM). V. également : Cons. const., décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011 (N° Lexbase : A7386HY9), RD imm., 2011, p. 99, obs. L. Tranchant, JCP éd. G, 2011, 323, obs. H. Périnet-Marquet.
(15) Cons. const., décision n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 3522659, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cons. const., d\u00e9cision n\u00b0 2010-60 QPC, du 12-11-2010", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A4179GGU"}}) ; Cons. const., décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011, préc..
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Réf. : Cass. civ. 1, 31 mars 2016, n° 15-13.147, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6795RAW)
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Le 07 Avril 2016
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Réf. : CE 9° s-s., 30 mars 2016, n° 387164, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6782RAG)
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Le 08 Avril 2016
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Réf. : Cass. crim., 16 mars 2016, n° 15-82.676, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4888Q78)
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par Romain Ollard, Professeur à l'Université de La Réunion et Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit pénal", "Droit pénal spécial" et "Procédure pénale"
Le 07 Avril 2016
Rôle du consentement dans les qualifications d'atteintes à la vie privée. La solution permet d'éclairer l'articulation des deux qualifications d'atteintes à la vie privée, prévues aux articles 226-1 et 226-2 du Code pénal. Tandis que la première de ces qualifications incrimine des actes d'investigation et d'espionnage portant atteinte à l'intimité d'autrui (fixation de l'image d'une personne dans un lieu privé ou captation de paroles prononcées à titre confidentiel), la seconde sanctionne des actes -par hypothèse postérieurs- de divulgation des informations ainsi recueillies. Or, le délit d'espionnage d'autrui constitue un délit privé en ce sens que le défaut de consentement de la victime est un élément constitutif de l'infraction (1), ainsi que vient d'ailleurs le préciser expressément le texte d'incrimination qui exige que la captation, l'enregistrement ou la transmission de l'image ou des paroles aient été réalisés "sans le consentement" de la victime. Cette restriction se justifie dans la mesure où la personne qui consent à la captation de son image ou de ses paroles ne saurait invoquer une "atteinte" à l'intimité de sa vie privée. En conséquence, pour que soit caractérisée l'infraction -définie à l'article 226-2- de diffusion de "document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 du Code pénal", faut-il nécessairement que l'enregistrement ou la fixation de l'image sur un support aient été réalisés sans le consentement de la victime. Tout comme le recel de choses, le délit de l'article 226-2 constitue, en effet, une infraction de conséquence dont la répression implique ipso facto la constitution de celle d'espionnage d'autrui : si l'infraction préalable d'espionnage d'autrui n'est pas constituée dès lors que le modèle a consenti à la fixation de son image, l'infraction de conséquence de diffusion de cette image ne saurait elle-même être considérée comme constituée, quand bien même l'acte de diffusion n'aurait pas été consenti.
Solution fondée sur l'interprétation stricte. Rendue au visa de l'article 111-4 du Code pénal, la solution semble ainsi parfaitement fondée sur le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale. L'on sait toutefois que ce principe est parfois utilisé par la Cour de cassation comme un instrument de politique juridique en son pouvoir lui permettant de réprimer ou au contraire de relaxer les prévenus, au gré des espèces. Par exemple, l'on se souvient à cet égard que la Cour de cassation -tant la Chambre criminelle (2) que l'Assemblée plénière (3)- a pu décider, précisément au nom du principe de l'interprétation stricte, que le foetus ne pouvait être considéré comme la victime d'un homicide par imprudence. Ce faisant, la haute juridiction refusait d'assimiler l'enfant à naître à un "autrui" au sens du texte d'incrimination et admettait, plus loin, que seule une personne juridique peut être victime d'un homicide par imprudence, lors même que le Code pénal intègre cette infraction parmi les atteintes à la "personne humaine" (4). Reposant sur une pétition de principe (5), la solution ne peut s'expliquer que par des considérations de pure opportunité, sans qu'il soit ici question de s'interroger sur leur bien-fondé. A l'inverse, la Cour de cassation a pu juger que l'infraction d'appels téléphoniques malveillants (6) pouvait être constituée par l'envoi répété de simples SMS, dès lors du moins que ceux-ci se manifestaient par un signal sonore (7), considérant ainsi que le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale n'interdisait pas de considérer des messages écrits comme des "appels" téléphoniques (8). On le voit à travers ces quelques exemples qu'il serait possible de multiplier à l'envi, le principe de l'interprétation stricte est parfois mobilisé par la jurisprudence comme un instrument -bien commode- lui permettant de rendre des solutions en opportunité -en équité ?-, sous couvert de solutions juridiquement fondées sur l'analyse exégétique des textes.
Raisonnements alternatifs ? Dans ces conditions, un autre raisonnement aurait-il pu être mené en l'espèce en considérant notamment que, malgré le consentement de la victime à la fixation de son image -ce qui interdisait assurément de caractériser le délit d'espionnage d'autrui-, le défaut de consentement à sa diffusion suffisait à caractériser l'infraction prévue à l'article 226-2 ? Une telle analyse pourrait se targuer des solutions forgées en matière de recel de choses qui se contentent, pour admettre la répression du receleur, d'une infraction d'origine objectivement punissable, peu important que l'infraction préalable soit effectivement poursuivie ou punie. Bien plus, une jurisprudence singulière s'est développée en matière de complicité qui décide qu'il suffit, pour caractériser l'existence d'un fait principal punissable, que l'auteur ait commis une infraction réalisée en son seul élément matériel. Alors qu'en vertu de la théorie classique de l'emprunt de criminalité, la répression du complice suppose que l'auteur principal ait commis une infraction réalisée en tous ses éléments constitutifs, tant matériel que moral, la théorie dite de l'emprunt de matérialité ainsi développée se satisfait d'une infraction constituée en son seul élément matériel, c'est-à-dire d'un acte objectivement illicite accompli par l'auteur. Ainsi, dans une affaire où le passager d'un véhicule automobile avait dissimulé en son sein de la drogue à l'insu du conducteur propriétaire, la Chambre criminelle a pu admettre de punir le passager comme complice par provocation de l'infraction de transport de stupéfiants lors même que le conducteur ne pouvait être puni comme auteur, à défaut d'élément moral (9) : même si l'auteur principal échappe à la répression à défaut d'intention coupable, le complice, lui, peut être sanctionné en présence d'un "fait principal punissable" conçu comme un acte objectivement illicite, jugé suffisant (10). Par mimétisme, n'était-il pas possible de considérer en l'espèce que l'infraction préalable d'espionnage d'autrui était constituée en son élément matériel, par un acte objectif de fixation de l'image de la victime ? Il s'agirait alors d'admettre que, pour constituer l'infraction préalable nécessaire à la répression de l'article 226-2 du Code pénal, celle de l'article 226-1 est suffisamment constituée par un acte de fixation de l'image, peu important à cet égard la présence ou non des éléments subjectifs de la répression, tels que l'élément psychologique de l'infraction ou, comme en l'espèce, le consentement de la victime. Une telle analyse pourrait d'ailleurs se prévaloir de la lettre même de l'article 226-2 du Code pénal qui sanctionne la diffusion d'un document obtenu à l'aide de "l'un des actes" défini à l'article précédent, si bien que la seule matérialité des actes de fixation de l'image serait suffisante à constituer l'infraction préalable de l'article 226-1 du Code pénal.
Quoique séduisante, l'analyse semblait toutefois difficilement pouvoir être retenue en l'espèce car si un acte objectif de fixation de l'image d'autrui pouvait sans doute être retenu, un tel acte n'était pas objectivement illicite en raison du consentement donné par le modèle. En présence d'un tel accord, aucun acte d'investigation ou d'espionnage d'autrui n'avait en effet été réalisé de sorte que l'infraction définie à l'article 226-1, même conçue en son seul élément matériel, ne pouvait être considérée comme constituée. Admettre le contraire reviendrait à trahir l'esprit du texte qui implique que les actes décrits aient été réalisés dans la clandestinité (11). Dans ces conditions, à défaut de constitution de l'infraction préalable d'espionnage d'autrui, celle -de conséquence- incriminée à l'article 226-2 ne saurait être réprimée. Aussi gênante soit la solution, le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale imposait donc, comme l'a fort justement décidé la Cour de cassation, de conclure à l'impunité en l'espèce.
Qualifications alternatives ? D'autres qualifications pénales étaient-elles envisageables en l'espèce ? Evidemment, la qualification générale de recel, qui incrimine le fait "de bénéficier, par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit" (12), vient immédiatement à l'esprit. Toutefois, en sa qualité d'infraction de conséquence impliquant là encore la caractérisation d'une infraction d'origine, la qualification doit être exclue pour les mêmes raisons : l'infraction d'espionnage d'autrui n'étant pas constituée en raison du consentement du modèle, l'infraction de conséquence de recel ne saurait elle-même être réprimée. Une qualification largement méconnue -au moins de l'auteur des poursuites- paraissait pourtant s'appliquer parfaitement aux faits de l'espèce. La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 (N° Lexbase : L5066IPC) a, en effet, introduit un nouvel article 226-4-1 dans notre Code pénal (N° Lexbase : L7408IP3) qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, y compris au moyen d'un "réseau de communication au public en ligne", "d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération". Or, il s'agissait là semble-t-il de la qualification idoine dès lors, d'une part, que l'image d'une personne diffusée sur internet constitue une "donnée" permettant son identification et, d'autre part, que la représentation de la nudité de la victime est assurément de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération.
Autorité de la chose jugée. Dans ces conditions, il est regrettable que les poursuites n'aient pas été mieux fondées dès l'origine car une telle erreur de qualification est devenue irrattrapable. En présence d'une décision -celle de la Cour de cassation- définitive et insusceptible de recours, l'action publique se trouve en effet irrémédiablement éteinte en vertu de l'autorité de la chose jugée, laquelle interdit qu'une personne définitivement jugée pour un fait puisse à nouveau être poursuivie "à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente" (13). Aussi injuste que puisse paraître la solution en l'espèce, c'est là la résultante -classique- de l'effet conjugué du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale et de la règle non bis in idem...
(1) Délit privé quant à la constitution de l'infraction dès lors que le défaut de consentement de la victime en est un élément constitutif, le délit d'espionnage d'autrui l'est encore au regard de sa répression puisque, par exception au principe de l'opportunité des poursuites, l'ouverture de l'action publique est subordonnée à un dépôt de plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droit (C. pén., art. 226-6 N° Lexbase : L2179AMN). Dans ce prolongement, lorsqu'une plainte préalablement déposée est retirée, ce retrait est une cause d'extinction de l'action publique, en application de l'article 6, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9881IQZ).
(2) Cass. crim., 30 juin 1999, n° 97-82.351 (N° Lexbase : A6337AGS), D., 1999, p. 710 ; JCP éd. G, 2000, II, 10231 ; Cass. crim., 4 mai 2004, n° 03-86.175, F-P+B (N° Lexbase : A2091DCG), Bull. crim. n° 108.
(3) Ass. plén., 29 juin 2001, n° 99-85.973 (N° Lexbase : A6448ATY), D., 2001, p. 2917 ; JCP éd. G, 2001, II, 10569, rapp. Sargos et note M.-L. Rassat.
(4) C. pén., Titre 2, Livre 2.
(5) M.-L. Rassat, note précitée.
(6) C. pén., art. 222-16 (N° Lexbase : L9322I3N).
(7) Cass. crim., 30 septembre 2009, n° 09-80.373, F-P+F (N° Lexbase : A2996EMW), RPDP, 2010, p. 899, note V. Malabat.
(8) Depuis lors, l'article 222-16 (N° Lexbase : L9322I3N) dans sa rédaction nouvelle issue de la loi n° 2014-873 (N° Lexbase : L9079I3N) prévoit toutefois que l'infraction peut être constituée non seulement par des appels téléphoniques malveillants réitérés mais encore des "envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques".
(9) Cass. crim., 8 janvier 2003, n° 01-88.065, F-P+F ([LXB=A5987A4I ]), D., 2003, J. 2661, note E. Bonis-Garçon.
(10) Sur la question, J.-H. Robert, Imputation et complicité, JCP éd. G, 1975, I, 2720 ; J.-Ch. Saint-Pau, V. Malabat, DP, 2004, Chr. 2.
(11) Cass. crim., 4 mars 1997, n° 96-84-773 (N° Lexbase : A0021CGU), Bull. n° 83 ; Rev. sc. crim. 1997, p. 669, obs. Dintilhac.
(12) C. pén., art. 321-1, al. 2 (N° Lexbase : L1940AMS).
(13) C. proc. pén., art. 368, applicable en matière criminelle (N° Lexbase : L4375AZ3).
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Réf. : Cass. crim., 30 mars 2016, n° 15-81.606, FS-P+B (N° Lexbase : A1677RBQ)
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par Thierry Lambert, Professeur à Aix-Marseille Université
Le 07 Avril 2016
Une fois encore, la question de l'obligation d'information sur les renseignements obtenus de tiers, qui pèse sur l'administration, est posée. En effet, dans l'affaire qui nous occupe, un contribuable faisait valoir que la procédure d'imposition à laquelle il a été soumis était irrégulière, au motif qu'il n'avait pas été suffisamment informé, avant la mise en recouvrement des impositions mises à sa charge, de l'origine et de la teneur des informations relatives aux situations de son frère et de sa soeur.
L'obligation est aujourd'hui sous l'article L. 76 du LPF (N° Lexbase : L5568G4Y) (1). Mais avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 (N° Lexbase : L4620HDH), d'où est issue cet article, cette obligation, qui s'impose à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Le principe trouve à s'appliquer à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rectifier, soit d'arrêter d'office la base d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers et qu'elle a utilisé pour fonder les impositions. Ceci doit se faire avec une précision suffisante pour permettre au contribuable de demander que les documents qui contiennent ces informations soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui lui sont consécutives.
Lorsque le contribuable demande à connaître des documents ainsi obtenus, l'administration est tenue de lui communiquer les documents, ou copies des documents, contenant les informations obtenues auprès de tiers qui lui sont opposés. Il a été jugé qu'il en va ainsi y compris lorsque le contribuable a pu avoir connaissance de ces informations, ou de certaines d'entre elles, afin de lui permettre d'en vérifier et d'en discuter la teneur et l'authenticité (2). La portée de l'obligation, qui incombe à l'administration, se limite aux documents qui contiennent des informations qu'elle a effectivement utilisées pour procéder aux rectifications (3). En conséquence, l'administration n'est pas tenue de communiquer au contribuable des informations obtenues auprès de tiers qui lui ont seulement permis de corroborer des informations trouvées au sein de l'entreprise vérifiée sans pour autant fonder les rappels notifiés (4).
L'obligation d'information ne se limite pas aux informations et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. L'obligation ne s'étend pas nécessairement aux éléments détenus par les différents services de la DGFiP en application des dispositions législatives et réglementaires. Mais quand ce sont des tiers qui sont obligés, au regard de l'article 170 du CGI (N° Lexbase : L3813KW7), de souscrire des déclarations de revenus, l'administration est-elle en droit de tirer des informations de ces documents pour les opposer au contribuable ?
Au cas particulier, il a été jugé que l'administration peut, à bon droit, exploiter les informations fournies à l'administration par des contribuables tiers qui n'ont fait, en réalité, que souscrire régulièrement leurs déclarations de revenus. Autrement dit, l'administration devait-elle informer le contribuable que la rectification était fondée sur les déclarations de revenus de son frère et de ses soeurs ? Il a déjà été jugé que lorsque l'administration fiscale, dans le cadre de son droit de communication, a pris des copies de documents détenus dans un autre service, elle doit les mettre à la disposition du contribuable qui se limite à demander l'examen de ces copies (5). La chose se fait sans formalisme particulier. Il appartient à l'administration de répondre à la demande de communication du contribuable en lui proposant des modalités pratiques qui soient compatibles avec la nature et le volume des documents qu'il souhaite consulter (6). Du point de vue de la charge de la preuve, il appartient au contribuable d'établir qu'il a demandé à l'administration la communication des documents, sur lesquels elle se fonde pour rectifier, avant la mise en recouvrement des impositions (7).
A suivre le Conseil d'Etat, l'administration est tenue d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements sur la foi desquels elle se fonde pour établir une rectification, qui sont issus des déclarations souscrites auprès d'elle par des tiers ainsi que les pièces justificatives dont les déclarations doivent, le cas échéant, être assorties. Ainsi, il est fait obligation d'informer le contribuable rectifié en raison de déclarations de revenus souscrites par des tiers.
Un jugement déchargeant un contribuable d'un impôt local dans les rôles d'une commune constitue-t-il un événement susceptible de rouvrir le délai de réclamation concernant cet impôt dans une autre commune ?
L'article R. 196-2, b du LPF (N° Lexbase : L4379IXH) fixe pour principe que "pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle [...] de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation".
Dans cette affaire, le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 10 avril 2008, a accordé à la société une réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Lille de 2003 à 2005.
La société s'est prévalue du jugement du tribunal administratif de Lille pour demander la réouverture du délai de réclamation contre les cotisations de la taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Nancy, à raison d'un autre établissement situé sur le territoire de cette commune, au titre des années 2001, 2004 et 2005.
Elle a alors demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations auxquelles elle a été assujettie, dans les rôles de la commune de Nancy, au titre des années 2001, 2004 et 2005. A cette occasion il a été jugé que lorsque le tribunal administratif a prononcé la décharge de la taxe professionnelle à laquelle la société a été assujettie, son jugement ne constitue pas un événement au sens de l'article R. 196-2, b précité ouvrant à la société un nouveau délai pour contester la taxe mise à sa charge au titre de l'exploitation d'un établissement dans une autre ville (8).
La cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt rendu le 18 juin 2013, a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et prononcé la réduction des cotisations demandées par la société (CAA Versailles, 18 juin 2013, n° 12VE02457, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5894KKI).
Il a été jugé, depuis très longtemps (9), que constitue un événement ce qui est de nature à exercer une influence sur le bien-fondé d'une imposition soit dans son principe, soit dans son montant. Par exemple, la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire de taxe professionnelle constitue un événement de nature à motiver la réclamation d'un contribuable à l'encontre de l'imposition primitive, et fait courir le délai prévu par l'article précité pour introduire à bon droit une demande de plafonnement (10).
A l'inverse, ne constitue pas un événement le jugement d'un tribunal administratif, rendu dans un litige de plein contentieux intéressant un autre contribuable, ainsi qu'un arrêt du Conseil d'Etat qui ne se prononce pas sur la compatibilité d'une disposition législative avec une Directive communautaire (11). De même, ne constitue pas un événement la décision par laquelle le Conseil d'Etat qualifie les véhicules utilisés par une auto-école au regard du droit à déduction de la taxe ayant grevé l'acquisition, dès lors qu'elle n'a ni pour objet d'annuler ou de déclarer illégal le fondement de l'imposition, ni de modifier l'ordonnancement juridique (12).
Plus généralement, seuls les décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure à celle dont il a été fait application, pour fonder une imposition, sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement (13), ainsi que la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du LPF (N° Lexbase : L9530IYM). L'arrêt rendu par le Cour de justice qui interprète la législation, relative à la TVA, différemment de l'administration fiscale, ne rouvre pas le délai de réclamation (14).
Au cas particulier, le Conseil d'Etat a précisé "que seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai au b (de l'article R. 196-2 du LPF) [...] les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul". La décision du tribunal administratif de Lille a réglé un litige précis concernant un établissement de la société installé à Lille. Celle-ci n'a aucune incidence directe sur le principe, le régime ou le mode de calcul des impositions en litige pour un établissement situé dans une autre ville, Nancy.
Finalement le Conseil d'Etat n'a pas suivi la société. En effet l'intervention du jugement du tribunal administratif de Lille n'a pas constitué un événement permettant de rouvrir le délai de réclamation dont disposait la société pour contester les cotisations auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Nancy.
L'affaire n'est pas banale.
Un inspecteur des impôts (nous dirions aujourd'hui "des finances publiques") affecté au pôle contrôle et expertise a été poursuivi du chef de violation du secret professionnel, pour avoir révélé des informations à un contribuable. En réalité l'inspecteur aurait révélé à un contribuable, qui faisait l'objet d'un contrôle fiscal par un autre inspecteur du service, des éléments concernant sa situation fiscale ainsi que les motivations et les objectifs de ce contrôle dont il n'était pas spécialement chargé.
Les juges du second degré, par des motifs propres et adaptés, ont relevé que le secret professionnel n'est pas opposable au contribuable et que l'inspecteur mis en cause n'a fait que de lui communiquer, à l'exclusion de tout tiers, des éléments l'intéressant personnellement. Les juges ont considéré que le prévenu avait, certes, manqué à son obligation de discrétion professionnelle, mais que le délit de violation du secret professionnel n'était pas pour autant constitué.
L'article L. 103 du LPF (N° Lexbase : L8485AEY) énonce : "l'obligation du secret professionnel, telle que définie aux articles 226-13 (N° Lexbase : L5524AIG) et 226-14 (N° Lexbase : L2280KQI) du Code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au CGI".
L'article 226-13 du Code pénal précise que "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Cette disposition n'est pas applicable dans l'hypothèse où la loi impose ou autorise la révélation du secret" (C. pén., art. 226-14).
Le secret professionnel est l'interdiction faite à toutes personnes, visées par les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal, de révéler les dits secrets. La discrétion professionnelle est visée par l'article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), et qui lie tout fonctionnaire pour l'ensemble des faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. L'article L. 103 du LPF transpose en matière fiscale le secret professionnel. Le secret est étendu à toutes les informations recueillies à l'occasion des opérations de contrôle, recouvrement et contentieux, et notamment aux éléments relatifs à la vie privée du contribuable dont le vérificateur a eu connaissance à l'occasion d'un examen de situation fiscale personnelle.
Pour les juridictions administratives, l'article L. 103 précité n'a pas une portée absolue. En effet, l'article L. 107 A du LPF (N° Lexbase : L1905IEB) a créé au profit de toute personne un droit ponctuel de communication auprès de l'administration fiscale des informations relatives aux immeubles situés dans la commune ou l'arrondissement sur lesquels une personne désignée dans la demande dispose d'un droit réel immobilier. Ces informations peuvent notamment porter sur les références cadastrales mais aussi sur la valeur locative cadastrale des immeubles. En conséquence, le Conseil d'Etat a jugé que le secret professionnel auquel sont astreints les agents de l'administration fiscale ne fait pas obstacle à la communication au redevable de l'impôt des procès-verbaux évaluant la valeur locative d'un bien (15).
Rappelons que, lorsque l'administration entend fronder ses rectifications non sur des pratiques habituelles de la profession ou au secteur d'activité, mais sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, au nom du caractère contradictoire de la procédure et ce sans méconnaître le secret professionnel visé par l'article 103 du LPF, désigner nommément ces entreprises mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, même indirectement, les données propres à chacune d'elles (16).
En outre, la méconnaissance par un inspecteur de l'obligation de secret professionnel à laquelle il est tenu dans l'exercice de ses fonctions, à supposer qu'elle soit établie, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition (17).
Dans l'affaire qui nous est soumise, la Chambre criminelle n'a pas donné raison à l'inspecteur en énonçant que les informations révélées revêtaient un caractère secret à l'égard du contribuable à la fois au sens de l'article L. 103 du LPF et de l'article 226-13 du Code pénal. L'arrêt sera lu comme invitant les agents de l'administration à la prudence quant à la nature des informations qu'ils sont susceptibles de divulguer.
(1) V. nos obs., Procédures fiscales, LGDJ, coll. Domat, 2ème éd., 2015, pp. 77 et s..
(2) CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 297308, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1251EKK), DF, 2009, 40, comm. 492, concl. Glaser, note Pierre.
(3) CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2002, n° 217394, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1689AY9), DF, 2002, comm. 623, concl. Mitjavile.
(4) CAA Douai, 5 novembre 2009, n° 07DA01476, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5079EPS), RJF, 2010, 4, comm. 388.
(5) CE 9° et 10° s-s-r., 14 février 2001, n° 203465, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8871AQM), DF, 2001, comm. 734, concl. Courtial.
(6) CE 8° et 9° s-s-r., 19 janvier 1998, n° 169132, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6091ASE), DF, 1998, comm. 309, concl. Arrighi de Casanova.
(7) CE 3° et 8° s-s-r., 1er mars 2000, n° 181665, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9255AGU), RJF, 2000, 4, comm. 524.
(8) TA Cergy-Pontoise, 2 mai 2012, n° 0906363 (N° Lexbase : A2228QY8), RJF, 2013, 1, comm. 87.
(9) CE Ass., 5 janvier 1962, n° 46798, Dupont, 1962, p. 123.
(10) CAA Paris, 22 avril 2003, n° 99PA04092, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7643B9X), RJF, 2004, 7, comm. 775.
(11) CAA Marseille, 28 novembre 2002, n° 99MA00053, RJF, 2003, 8-9, comm. 1034.
(12) CAA Nancy, 3 avril 2003, n° 02NC01097, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6796RAX), RJF, 2003, 8-9, comm. 1035.
(13) LPF, art. R. 196-1, c (N° Lexbase : L4380IXI).
(14) CE Sect., 30 décembre 2013, n° 350100, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9241KS3), RJF, 2014, 3, comm. 290.
(15) CE 9° et 10° s-s-r., 18 juillet 2011, n° 345564, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3205HWM), RJF, 2011, 11, comm. 1169.
(16) CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2013, n° 336592, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3261I7W), RJF, 2013, 4, comm. 421.
(17) CE 7° et 9° s-s-r., 16 décembre 1992, n° 58791, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8562ARK), RJF, 1993, 2, comm. 175.
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Réf. : Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, 24 mars 2016
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par Pascal Lokiec, Professeur à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le 07 Avril 2016
Le feuilleton autour du plafonnement des indemnités de licenciement a commencé avec la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), dite "Macron", qui avait instauré un plafonnement obligatoire des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Admis dans son principe par le Conseil constitutionnel, le plafonnement a été censuré dans ses modalités au motif que le critère de différenciation à raison de la taille de l'entreprise était sans lien avec le préjudice subi par le salarié et contrevenait au principe d'égalité devant la loi (1). C'est pour cela que le plafonnement prévu par l'avant-projet de loi "El Khomri" ne retenait plus comme critère la taille de l'entreprise, mais seulement l'ancienneté (de trois mois pour les salariés ayant une ancienneté dans l'entreprise inférieure à deux ans jusqu'à quinze mois pour ceux ayant une ancienneté supérieure à vingt ans). Ce dispositif a finalement été écarté du projet de loi "El Khomri", du fait notamment de l'hostilité de l'ensemble des organisations syndicales de salariés.
La confusion entretenue autour des objectifs dudit plafonnement a largement contribué à attiser les tensions autour de ce dispositif. Le premier objectif consistait à permettre aux entreprises de connaître à l'avance le coût d'un licenciement injustifié. On conférait par là même un caractère parfaitement prévisible à la rupture du contrat de travail, avec cette idée sous-jacente que l'entreprise, qui est capable de provisionner au centime près le coût de licenciements éventuels, sera plus encline à embaucher en CDI. Une idée confortée, comme c'est de plus en plus le cas aujourd'hui, par l'appel aux droits étrangers, en l'occurrence le Jobs Act italien. Matteo Renzi a, en effet, instauré un nouveau contrat de travail dit "à droits progressifs", lequel se traduit concrètement par la mise en place d'un plafonnement obligatoire s'étalant jusqu'à vingt quatre mois pour les salariés ayant la plus forte ancienneté. L'introduction de ce contrat a été suivie par une baisse sensible du chômage, ce qui en a aussitôt fait un exemple à suivre dans la lutte contre le chômage. Sauf que cette baisse a été concomitante à une politique massive d'exonération de charges patronales (à hauteur de 8 000 euros par contrat de travail la première année), rendant très difficile, voire impossible l'établissement d'un lien de causalité entre le nombre de CDI nouvellement créés et le plafonnement des indemnités de licenciement. Un second objectif, très présent également dans les débats français, consiste à harmoniser les indemnisations prononcées aux prud'hommes, afin de donner aux conseiller prud'homaux des "indications" sur ce qui se pratique en moyenne dans les autres juridictions ! Si le premier objectif ne peut être atteint que par l'adoption d'un plafonnement obligatoire, il n'en va pas de même de l'objectif d'harmonisation (il n'est pas question d'uniformiser, ne serait-ce parce que le juge doit pouvoir apprécier le préjudice subi au regard des circonstances de la cause) qui se satisfait d'un référentiel indicatif. C'est finalement ce second objectif qui l'a emporté.
L'abandon du plafonnement obligatoire s'est traduit par la suppression de toute référence à un quelconque barème dans le projet de loi, le référentiel indicatif ayant d'ores et déjà été voté dans le cadre de la loi "Macron". On attendait uniquement le décret d'application (resté en suspens dans la perspective de l'adoption ou non du plafonnement obligatoire) qui, du coup, sera très vraisemblablement édicté (2). Le référentiel "Macron" est construit autour de critères liés à l'ancienneté, à l'âge et à la situation du demandeur par rapport à l'emploi, et peut être utilisé devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes si les parties en font conjointement la demande. Même si les montants dudit référentiel ne devraient pas être discutés devant le Parlement, leur fixation constitue évidemment un enjeu essentiel, un référentiel -fut-il indicatif- ayant nécessairement une influence sur les niveaux d'indemnisation. La question va notamment se poser de son harmonisation avec le référentiel d'ores et déjà applicable devant le bureau de conciliation (institué par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi de sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU), lequel est très peu utilisé en raison de montants notoirement beaucoup trop faibles (entre deux mois et quatorze mois de salaire selon l'ancienneté).
II - Les nouvelles règles sur le licenciement pour motif économique
Dans un pays en proie à des difficultés économiques, le droit du licenciement pour motif économique constitue un enjeu central. Si la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 avait considérablement modifié la procédure de licenciement, c'est au motif que s'attaque le projet de loi "El Khomri".
A - Les contours du motif
Deux séries de modifications sont prévues.
La première est à droit constant. Le projet de loi inscrit dans le Code du travail les motifs de licenciement que la Cour de cassation avait ajouté au fil du temps sur le fondement du fameux "notamment" figurant à l'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7). Il s'agit, d'une part, de la "cessation d'activité de l'entreprise" (3), d'autre part, de la "réorganisation nécessaire à la compétitivité de l'entreprise" (4). L'inscription de ce second motif dans le Code du travail n'est pas anodine, d'un point de vue politique, alors qu'un certain nombre de propositions ont vu le jour, du côté notamment du parti "Les Républicains", afin de consacrer le motif de réorganisation en supprimant la référence à la sauvegarde de la compétitivité (5). L'article L. 1233-3 comportera désormais quatre motifs économiques de licenciement : les difficultés économiques, la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, les mutations technologiques et la cessation d'activité de l'entreprise. Notons que le "notamment" a néanmoins été maintenu, ce qui laisse la possibilité à la Cour de cassation, comme elle l'a fait par le passé, d'user de son rôle prétorien pour compléter la liste.
La seconde modification est plus significative, car elle n'est pas à droit constant. La notion de difficultés économiques est "objectivée" ; le texte fait état de "difficultés économiques, caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés" (partie "ordre public"). Il est prévu qu'en l'absence d'accord collectif de branche, la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires devra être de quatre trimestres consécutifs et la durée des pertes d'exploitation d'un semestre (partie "dispositions supplétives"). Ces dispositions sont supplétives, ce qui veut dire qu'un accord peut fixer une autre durée de baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, laquelle ne peut, à lire le projet, être inférieure à deux trimestres consécutifs, ou une durée des pertes d'exploitation qui ne peut être inférieure à un trimestre (partie "champ de la négociation collective").
Ces changements, qui préfigurent ce que sera la nouvelle architecture du Code du travail (est-ce vraiment plus simple que l'architecture actuelle du Code ?), conduisent à substituer à l'appréciation du juge des critères prédéterminés et chiffrés. La Cour de cassation exige, en effet, actuellement, que les difficultés économiques soient "importantes", autrement dit que les juges du fond contrôlent au cas par cas l'existence d'une cause "sérieuse". Il est question de " baisses importantes de chiffres d'affaires plusieurs années de suite" (6), de "difficultés économiques caractérisées par d'importantes pertes financières" (7), d'une "perte d'exploitation importante" (8). L'importance du changement ne sera plus un critère en soi, sauf pour la dégradation de trésorerie qui, à la lecture du projet de loi, doit être "importante".
Est-on à droit constant ? Une réponse négative s'impose car si la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes peut aujourd'hui constituer un indice pour retenir l'existence d'un motif économique de licenciement (9), une baisse d'activité passagère ne suffit pas ! Il a ainsi été jugé que "ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre de 1992 à 1993, ni la baisse des bénéfices réalisés pendant la même période ne suffisaient à caractériser la réalité des difficultés économiques alléguées par l'employeur" (10).
Outre que, prise à la lettre, elle prive le juge de son pouvoir d'appréciation, cette liste pose trois séries de difficultés. Les deux premières sont inhérentes à tout système de liste. D'abord, le Gouvernement n'a eu d'autre choix que de compléter la liste par un critère "fourre-tout" qui permet au juge d'appréhender une situation qui n'y figure pas. A la fin de la liste de l'article 30, on peut, en effet, lire que les difficultés pourront être caractérisées par "tout élément de nature à justifier de ces difficultés" ! La loi britannique sur le licenciement qui, elle aussi, repose sur une liste de motifs admissibles de licenciement (cette liste comprend tous les motifs, pas seulement les motifs économiques), est également complétée par une catégorie "fourre-tout", d'ailleurs formulée en termes assez voisins : "any other substantial reason" (11) ! Ensuite, une liste trop précise, satisfaisante eu égard à l'impératif de sécurité juridique, empêche l'adaptation de la règle à son contexte. Cela veut dire, en l'occurrence, que les baisses de commandes ou de chiffre d'affaires, ou les pertes d'exploitation seront appréciées de la même façon quelle que soit la taille de l'entreprise (12). Un nombre donné de trimestres de baisse de commandes n'a pas la même signification, et le même impact sur la survie de l'entreprise, pour la TPE et pour la grande entreprise. Ce qui explique qu'il soit envisagé, sous réserve de ne pas se heurter à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'égalité devant la loi (13), d'adopter des critères spécifiques en fonction de la taille de l'entreprise !
Malgré les velléités du Gouvernement de sécuriser le motif économique de licenciement, on ne voit pas comment la prise en compte de l'importance des difficultés économiques pourrait être totalement écartée par la loi nouvelle ! Le projet de loi est, en effet, silencieux sur le pourcentage de baisse de chiffre d'affaires, du volume des commandes ou des pertes d'exploitation. Il ne pouvait en être autrement au risque de transformer les tribunaux en simples chambres d'enregistrement de données comptables et ainsi de heurter la Convention 158 de l'OIT. Parce qu'il est inconcevable qu'une baisse de chiffre d'affaires de 0,1 ou 0,2 %, même sur plusieurs trimestres, suffise à justifier le licenciement, il faut prendre acte de ce que le nouveau dispositif -et c'est une bonne chose- ne pourra, in fine, écarter l'appréciation du juge sur le motif économique de licenciement.
B - Le périmètre d'appréciation du motif
En l'état actuel de la jurisprudence, "lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise" (14). Cela veut dire que les difficultés de l'entreprise ne peuvent suffire à justifier un licenciement économique si le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient est prospère, et que si, inversement, ledit secteur connaît des difficultés, un licenciement est possible alors même que la société qui licencie connaît une situation économique satisfaisante (15). Cette règle, à laquelle le projet de loi ne touche pas, s'apprécie traditionnellement dans un périmètre international. Et c'est là que se situe le bouleversement ! Le groupe, qui sert à définir le périmètre d'appréciation des difficultés économiques est, à ce jour, pris dans son entièreté, dans sa dimension nationale et internationale. Tant la Cour de cassation que le Conseil d'Etat exigent que soient pris en compte les résultats du secteur d'activité "à l'étranger" (16), ce que formule la Haute juridiction administrative dans les termes suivants : "lorsque la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, l'examen de la situation économique doit porter sur l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner l'examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France, ni aux établissements de ce groupe situés en France" (17).
Ces jurisprudences seront caduques si le texte est adopté puisqu'il est prévu que "l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité s'effectue au niveau de l'entreprise si cette dernière n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient". Une telle disposition permettra à un groupe florissant de licencier les salariés de sa filiale française qui connait des baisses de commandes ou de chiffre d'affaires, ce qui a immédiatement attisé des craintes de fraude ou de sacrifice de filiales françaises (par exemple, décision d'externaliser une partie de l'activité de la filiale, entraînant une forte baisse de chiffre d'affaires).
D'où l'ajout d'un alinéa à l'article 30, à la suite de la lecture du projet par le Conseil d'Etat : "ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emplois". Cette adjonction suffira-t-elle à apaiser les inquiétudes ? Force est d'admettre qu'il n'y a, dans ce texte qui s'apparente à un contrôle de la fraude à la loi, rien de réellement nouveau, puisque la Cour de cassation a déjà jugé que les difficultés économiques ne sont pas un motif de licenciement lorsque "la situation économique invoquée pour justifier les licenciements résultait d'une attitude intentionnelle et frauduleuse du groupe" (18). La preuve de l'artifice devrait être particulièrement difficile à apporter, et ce d'autant plus que texte est particulièrement restrictif ; il convient que l'artifice ait pour seule fin la suppression des emplois, ce qui devrait exclure le cas de l'entreprise qui a fraudé le trésor public et subit des difficultés du fait du redressement fiscal subséquent.
C - L'obligation de revitalisation
On rappellera que la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49), a créé une obligation territoriale à la charge des entreprises de plus de 1 000 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés, dont les restructurations affectent, par leur ampleur, l'équilibre du ou des territoires où elles sont implantées. L'entreprise a alors l'obligation de contribuer à la recréation d'activité et au développement des emplois dans ces territoires. Cette obligation, qui s'inscrit dans le cadre de ce qu'il est convenu de dénommer "responsabilité sociale des entreprises", est aménagée dans ses modalités (délai de conclusion, dispositif spécifique lorsque les suppressions touchent au moins trois départements, ...), et surtout généralisée, puisqu'elle concernera, désormais, toutes les procédures de licenciement pour motif économiques, y compris celles concernant moins de dix salariés sur trente jours.
III - Le transfert d'entreprise
Bien que ce changement ait suscité peu d'attention (19), le projet de loi apporte une petite révolution au droit des transferts d'entreprise en permettant, sous certaines conditions, au cédant de procéder au licenciement des salariés non repris. Il faut pour cela qu'on se situe dans une entreprise d'au moins 1 000 salariés et que le plan de sauvegarde de l'emploi comporte, en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, le transfert d'une ou plusieurs entités économiques, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois. Le périmètre de la règle nouvelle est donc le même que celui défini par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 (N° Lexbase : L9440IZN) à propos de l'obligation de recherche d'un repreneur. La finalité recherchée est, dans le prolongement de la loi précitée, de favoriser la reprise des sites et, plus précisément, de mettre fin à une difficulté pratique ; l'entreprise qui entame un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est obligée, dans le cas où un repreneur se manifeste dans le cadre d'un processus de recherche de repreneur lancé parallèlement, d'interrompre son PSE (20).
C'est, en effet, en l'état actuel du droit (non seulement interne mais aussi européen (21), ce qui pourrait conduire à des discussions sur la conventionalité du nouveau dispositif), au repreneur d'engager les licenciements nécessaires une fois la reprise réalisée. Le transfert est automatique, seuls les licenciements sans lien avec le transfert étant possibles avant qu'il ait lieu ; à défaut ces licenciements sont "sans effet" (22). Cette situation peut "décourager le repreneur potentiel, notamment lorsque son offre de reprise porte sur une entité économique autonome mais dont il ne lui est pas possible de conserver la totalité des emplois", énonce l'étude d'impact (23). Le projet de loi aménage aussi le contenu des PSE pour intégrer cette nouvelle hypothèse : les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de projet de transfert d'une ou plusieurs entités économiques pourront être définies par la voie de cet accord collectif majoritaire.
IV - Les accords sur l'emploi
Le dispositif des accords de maintien de l'emploi (AME) se voit compléter d'un nouveau dispositif, qui s'apparente aux accords de compétitivité conclus chez PSA, Renault ou Michelin ces dernières années. Depuis l'échec des premières années de mise en place du dispositif institué par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 (au 15 mars 2015, seuls neuf accords avaient été conclus (24)), le Gouvernement a affiché sa volonté de le "déverouiller", selon une expression à la mode. La loi "Macron" l'a fait une première fois, en allongeant la durée possible de ces accords (de deux ans maximum à cinq ans), en facilitant la suspension de l'accord (qui ne nécessite plus une saisine en référés du président du TGI) et en facilitant le licenciement (économique) du salarié récalcitrant qui, notamment, ne peut plus en contester la cause réelle et sérieuse devant le juge. Le projet de loi va beaucoup plus loin, en créant un nouveau dispositif qui, en pratique, a toutes les chances de se substituer à celui (non abrogé) des accords de maintien de l'emploi.
Premièrement, il n'est pas nécessaire, à suivre le texte, que l'entreprise connaisse des difficultés conjoncturelles graves, puisqu'il suffira que l'accord ait été conclu "en vue de la préservation ou du développement de l'emploi". L'accord devrait pouvoir, en conséquence, porter sur tout sujet dès lors qu'il répond à la justification ci-dessus, sous réserve de ne pas diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Il est donc possible d'augmenter la durée du travail (passer de 35 à 39 heures, par exemple) et de maintenir le même salaire mensuel, ce qui équivaut à une baisse de salaire.
Deuxièmement, le licenciement n'est pas pour motif économique ; il s'agit d'un licenciement de droit commun (improprement qualifié de sui generis), soumis aux règles générales sur le licenciement, si bien que la procédure de licenciement pour motif économique (dont un certain nombre de règles, notamment celles liées au plan de sauvegarde de l'emploi et à l'information-consultation du comité d'entreprise) est désormais totalement exclue.
Concrètement, cela veut dire que si le préambule d'un accord portant sur les congés, sur les astreintes ou sur tout autre sujet, prévoit que ledit accord est conclu en vue de maintenir ou de développer l'emploi, l'ensemble des salariés concernés seront privés de la protection du licenciement pour motif économique et de la possibilité de contester le motif de leur licenciement devant le juge ! Le législateur a fait le choix de consacrer, à demi-mot, la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail, à la condition que l'emploi soit en jeu (sans pour autant que l'entreprise soit engagée, comme c'est aujourd'hui le cas, à maintenir l'emploi). Le projet de loi va aussi loin dans la supériorité accordée à l'accord collectif sur le contrat que semble le permettre le Conseil constitutionnel, qui a, d'ores et déjà, admis que l'intérêt général, dont la lutte contre le chômage est bien évidemment une déclinaison, justifie une restriction à l'économie générale des conventions (25). Restriction manifeste en l'occurrence, puisqu'il est expressément prévu à l'article 11 du projet de loi que les stipulations de l'accord collectif se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Reste qu'avec un critère aussi flou ("en vue de la préservation ou du développement de l'emploi"), l'existence d'un lien suffisant entre la restriction apportée à l'économie des conventions et la poursuite de l'intérêt général n'a pas force d'évidence !
V - L'appui aux petites entreprises
La réforme du Code du travail est partie du constat de la difficulté qu'ont les patrons de petites entreprises, dépourvus de ressources juridiques en interne, à appliquer le droit du travail. Il paraît donc nécessaire de leur donner ces ressources (ou de les aider à les acquérir), d'où l'intérêt de l'article 28 du projet de loi.
Il en ressort que, pour tenir compte des difficultés spécifiques d'accès au droit du travail pour les entreprises de moins de trois cents salariés, tout employeur d'une de ces entreprises a le droit d'obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu'il sollicite l'administration sur une question relative à l'application d'une disposition du droit du travail ou des accords et conventions collectives qui lui sont applicables.
Parce qu'à moyens constants (il faudra en tout état de cause renforcer les moyens de l'administration pour que l'information puisse être délivrée dans un délai raisonnable), l'administration ne peut, seule, assurer cette mission, il est prévu que, pour assurer la mise en oeuvre de ce droit, des services d'information dédiés seront mis en place par l'autorité administrative compétente, qui peut y associer des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales et professionnelles, ou tout autre acteur qu'elle estime compétent.
Même si le texte ne dit rien de l'articulation entre les différents acteurs, parmi lesquels il faut compter les chambres des métiers mais aussi les avocats, qui jouent un rôle central dans l'accès au droit, il constitue un premier pas intéressant vers la consécration d'un service public de l'accès au droit pour les petites entreprises. Un service public que les Etats-Unis pratiquent avec succès depuis plus de soixante ans (guides, guichets, médiateurs, etc.).
(1) Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG).
(2) Voir à ce sujet les analyses de Florence Mehrez, actuel-rh.fr, 15 mars 2016.
(3) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, FS-P+B (N° Lexbase : A2160AIT).
(4) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690 ([LXB=4018AA3]).
(5) En ce sens, voir l'article sur F. Fillon et son "Pacte pour la France".
(6) Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 99-44.934, FS-D (N° Lexbase : A9007AWI).
(7) Cass. soc.. 23 mars 2005, n° 03-41.354, F-D (N° Lexbase : A5143DIC).
(8) Cass. soc.. 29 janvier 2008, n° 06-44.189, F-D (N° Lexbase : A6071D4M).
(9) Cass. soc., 3 mai 1994, n° 92-44.421 (N° Lexbase : A2011AAQ).
(10) Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41.036 (N° Lexbase : A6341AGX).
(11) S. 94, Employment rights Act, 1996.
(12) Voir l'article dans Les Echos.
(13) V. Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, préc..
(14) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-43.866 (N° Lexbase : A4026AAD).
(15) Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-40.489, FS-P+B (N° Lexbase : A9466DZM).
(16) Cass. soc., 12 juin 2001, n° 99-41.839, publié (N° Lexbase : A5361AGN).
(17) CE, 8° et 3° s-s-r., 8 juillet 2002, n° 226471, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1502AZN).
(18) Cass. soc. 13 janvier 1993, n° 91-45.894, publié (N° Lexbase : A3884AA4).
(19) V. cependant P. Bailly, Le PSE avant transfert d'entreprise dans l'avant-projet de loi, SSL, 2016, n° 1714.
(20) V. étude d'impact sur le projet de loi travail, p. 317.
(21) Directive 2001/23 du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (N° Lexbase : L8084AUX), art. 4 : "le transfert [...] ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi".
(22) Cass. soc., 3 avril 2001, n° 98-44.778, publié (N° Lexbase : A2006ATH) ; Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-43.923, FS-P+B (N° Lexbase : A9867DME).
(23) Etude d'impact préc., p. 318
(24) Voir le bilan de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi de sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU).
(25) Cons. const., décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012 (N° Lexbase : A7449IEM).
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Réf. : Cass. com., 30 mars 2016, n° 14-11.684, FS-P+B (N° Lexbase : A1626RBT)
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Le 08 Avril 2016
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Réf. : CE Sect., 30 mars 2016, n° 383037, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6778RAB)
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Le 09 Avril 2016
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