La lettre juridique n°943 du 20 avril 2023 : Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l’expropriation – Avril 2023

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par Pierre Tifine, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, Doyen de la faculté de droit, économie et administration de Metz

le 19 Avril 2023

Dans la première décision commentée, la Cour de cassation précise que le propriétaire de deux lots ne correspondant pas aux critères du logement décent n’est pas dans une situation juridiquement protégée ce qui exclut son indemnisation (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B). Dans une deuxième décision elle indique que les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire des immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B). Le Conseil d’État précise que les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité, et cela même dans le cas où les parcelles en cause appartiennent au même propriétaire (CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon). La Cour de cassation juge que pour la qualification de terrain à bâtir, la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D). Elle précise les conditions de mise en œuvre du droit de priorité des anciens propriétaires de terrains agricoles (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B). Elle précise aussi quelle date de référence doit être utilisée pour la détermination de l’indemnité d’expropriation concernant les terrains à bâtir soumis au droit de préemption (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11-467, FS-B). Elle indique enfin qu’un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété (Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B).

 

Sommaire

I. Pas d’indemnisation pour le propriétaire évincé pour des locations ne correspondant pas aux critères du logement décent

Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B

II. Les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire des immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d'utilité publique

Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B

III. Les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité

CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon

IV. Qualification de terrain à bâtir : la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites

Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D

V. Conditions de mise en œuvre du droit de priorité des anciens propriétaires de terrains agricoles

Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B

VI. Date de référence pour les terrains à bâtir soumis au droit de préemption

Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11-467, FS-B

VII. Un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété

Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B


I. Pas d’indemnisation pour le propriétaire évincé pour des locations ne correspondant pas aux critères du logement décent (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B N° Lexbase : A6453877)

Le préjudice subi par le propriétaire évincé n’est réparable qu’à condition qu’il porte sur des droits reconnus par la loi, ce qui a pour effet d’exclure la réparation d’un certain nombre de dommages qui se rapportent à des situations qui ne sont pas juridiquement protégées.

La jurisprudence fournit de nombreux exemples de refus d’indemnisation pour un tel motif. Ainsi, ne donnera pas lieu au versement d’une indemnité l’expropriation de bâtiments nouveaux ainsi que les transformations apportées à des immeubles existants qui ont été réalisés en violation des règles d’urbanisme [1]. Il en va de même s’agissant de locataires qui se sont illégalement maintenus dans les lieux alors que le bail était expiré ou encore des personnes qui, à la date de l’ordonnance, ne disposent plus d’une autorisation administrative régulière leur permettant d’exploiter un fonds de commerce [2].

Dans la présente affaire, pour allouer une indemnité pour perte de revenus locatifs à une SCI expropriée, une cour d’appel avait retenu que celle-ci justifiait du droit de propriété et de la conclusion de baux. Elle pouvait en conséquence se prévaloir d’un droit juridiquement protégé, et cela alors même que ce droit concerne des logements indécents au regard de leur superficie inférieure à 9 m².

Or, selon l’article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, relatif aux caractéristiques du logement décent N° Lexbase : L4298A3L, [3] pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY [4], un logement, pour être qualifié de décent et pouvoir être mis en location, doit  disposer « au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ». En l’espèce, l’expropriation portait sur deux chambres de service louées qui ne répondaient pas, au regard de leur superficie, aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son locataire. L’arrêt contesté est en conséquence cassé.

II. Les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire d’immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B N° Lexbase : A647087R)

L’ancien article L. 21-1 du Code de l’expropriation, dont l’essentiel des dispositions ont été reprises par l’article L. 411-1 du Code actuellement en vigueur N° Lexbase : L2615LRB, prévoit qu’en vue de la réalisation de certains types d’opérations les immeubles expropriés peuvent être cédés de gré à gré ou concédés temporairement à des personnes de droit privé ou de droit public, sous condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par le cahier des charges annexé à l’acte de cession ou de concession temporaire.

Ce cahier des charges doit notamment préciser les conditions selon lesquelles les cessions et les concessions temporaires seront consenties et résolues en cas d’inexécution des charges[5]. On notera ici qu’avant l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’expropriation, le cahier des charges devait comprendre des clauses types prévues par le décret n° 55-216 du 3 février 1955 N° Lexbase : L1208HCQ. Désormais ces clauses types figurent aux annexes 1 à 5 à la partie réglementaire du Code de l’expropriation.

La procédure décrite par l’article L. 21-1 peut notamment être utilisée en vue d’opérations dans les zones d’aménagement concerté. En l’espèce, l’Etablissement public d'aménagement de Marne-la-Vallée (Epamarne), s'était porté acquéreur en 1975 et 1976 de nombreuses parcelles situées dans la zone d’aménagement concerté Paris Est. Le 25 juin 2014, elle a vendu à des particuliers un terrain issu de la réunion de plusieurs de ces parcelles, sur lequel ils avaient édifié et exploité un restaurant, sans autorisation. L’acte de vente comporte un cahier des charges prévoyant notamment que la vente était consentie en vue de la démolition du bâtiment existant et de la construction d’un restaurant conforme à un permis de construire délivré aux acquéreurs le 18 octobre 2013, ces derniers ayant l’obligation de commencer les travaux au plus tard le 1er octobre 2014 et de les achever au plus tard le 1er octobre 2015. Ces travaux n’ayant pas été effectués, la résolution de la vente pouvait légalement être prononcée.

III. Les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité (CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08579AY)

L’article L. 131-2 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7945I4Z précise que « l’autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation de l’opération d’utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d’utilité publique ». Ces dispositions n’exigent pas formellement l’intervention d’un arrêté de cessibilité unique pour tous les terrains d’une même opération déclarée d’utilité publique et elles ont fait l’objet d’interprétations contradictoires de plusieurs cours administratives d’appel que le Conseil d’État est amené à arbitrer dans la présente affaire.

Jusqu’à présent le Conseil d’État avait seulement considéré que si l’administration n’est pas tenue de déclarer cessibles tous les terrains visés par l’acte déclaratif d'utilité publique, dès lors que l’acquisition de certains de ces terrains n’apparaît pas nécessaire à la réalisation du projet d’utilité publique, elle doit faire figurer dans l’arrêté de cessibilité tous ceux de ces terrains dont elle entend poursuivre l’acquisition [6].

La cour administrative de Lyon avait ainsi eu l’occasion de juger à l’occasion d’un arrêt « SCI Ulysse » du 28 avril 2016 [7] qui ni les dispositions du Code de l’expropriation, « ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’imposent, à peine d’illégalité, que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité ». En conséquence, « la circonstance que plusieurs arrêtés de cessibilité sont intervenus est dès lors, à elle seule, sans incidence sur la légalité des actes contestés ».

En sens contraire, la cour administrative d’appel de Nancy, dans un arrêt « Ministre de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer » du 7 décembre 2006 avait estimé « qu’en cas de pluralité de parcelles à exproprier, le préfet doit, à l’issue de l’enquête parcellaire, prendre un seul arrêté de cessibilité, mentionnant la liste de toutes les parcelles figurant au plan parcellaire pour lesquelles l’administration entend poursuivre la procédure d’expropriation » [8]. Cet arrêt n’opérait donc pas de distinction selon la pluralité ou non de propriétaires. La cour avait ensuite jugé que « le respect de cette procédure, de nature à permettre de vérifier la conformité de l’expropriation avec l’opération autorisée par la déclaration d’utilité publique, présente un caractère substantiel ». C’est une solution équivalente qui avait été retenue par la cour administrative d’appel de Versailles dans l’affaire soumise au Conseil d’État [9].

Notons que dans un arrêt du 29 juin 2019 [10], la cour administrative d’appel de Bordeaux avait opté pour une position intermédiaire en précisant que les dispositions du Code de l’expropriation devaient s’entendre « comme imposant à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie ». En revanche, « aucune disposition ni aucun principe n’impose (…) à l’autorité administrative de mentionner dans l’arrêté de cessibilité qu’elle adresse à un propriétaire les parcelles à exproprier appartenant à d’autres propriétaires ».

C’est une solution encore plus libérale qui est consacrée ici par le Conseil d’État qui rappelle d’abord que « ni l’article L. 132-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique N° Lexbase : L7945I4Z, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire n’impose que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité ». Il en résulte que « des arrêtés de cessibilité peuvent dès lors être pris successivement si l’expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique ». Plus précisément, « la circonstance que des parcelles faisant l’objet de ces arrêtés successifs appartiennent à un même propriétaire est à cet égard sans incidence ». En conséquence, des arrêtés de cessibilité peuvent être pris successivement même - et cela est l’apport du présent arrêt - s’il s’agit du même propriétaire.

IV. Qualification de terrain à bâtir : la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D N° Lexbase : A67279C7)

La valeur des terrains à bâtir est, en règle générale, très supérieure à celle des terres agricoles, ce qui explique que la jurisprudence consacrée à cette notion soit particulièrement abondante. Cette qualification implique notamment, comme le précise l’article L. 322-3, 2° du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7995I4U que les parcelles considérées soient « effectivement desservies par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ». Le même article précise que « lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone ». Cette disposition concerne précisément le cas des terrains périurbains qui sont classés par le plan local d’urbanisme dans une zone à urbaniser dont le règlement n’autorise la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction que sous certaines conditions relatives à la taille de l’opération ou aux équipements qui doivent la desservir. Dans cette hypothèse, la qualification de terrain à bâtir est fréquemment refusée à des terrains déjà desservis par des équipements, dès lors que la capacité de ceux-ci ne correspond pas aux besoins de l’opération qui seule permet de construire dans cette zone [11]. La Cour de cassation considère que ces dispositions ont vocation à s’appliquer également à l’hypothèse d’une opération multisites.

En l’espèce, pour conférer la qualité de terrains à bâtir à des parcelles expropriées, une cour d’appel avait estimé que dès lors que le Code de l’expropriation n’a pas prévu l’hypothèse d’une opération multisites - qui concerne ici une zone d’aménagement concerté - la capacité des réseaux devait « être appréciée au regard des besoins de l’aménagement du secteur considéré et non au regard des besoins d’autres secteurs, situés pour certains aux extrémités opposées de la commune ». La cour d’appel avait aussi relevé qu’apprécier la capacité des réseaux au regard de l’ensemble de la zone d’aménagement concerté - qu’ils n’ont pas vocation à desservir - serait dépourvu de toute pertinence économique et ne saurait servir pour la qualification juridique d’un terrain. En statuant ainsi, alors que les parcelles expropriées étant classées dans une zone d’aménagement concerté, la dimension des réseaux les desservant devait s’apprécier au regard de l’ensemble de cette zone, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées.

V. Conditions de mise en œuvre du droit de priorité concernant des portions de parcelles non utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B N° Lexbase : A18019GS)

L’article L. 422-1 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L8026I4Z précise que dans les cas prévus à l’article L. 411-1 du même code N° Lexbase : L2615LRB, « les propriétaires expropriés qui ont déclaré, au cours de l’enquête, leur intention de construire, pour leurs besoins ou ceux de leur famille, bénéficient d’un droit de priorité pour l’attribution d’un des terrains à bâtir mis en vente à l’occasion de l’opération en vue de laquelle a été réalisée l’expropriation ». La question de pose ici de savoir dans quelle mesure ce droit peut être exercé dans l’hypothèse où sont concernées des parcelles qui n’ont pas été utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique. Dans la présente affaire, des terrains agricoles avaient été expropriés au profit d’un département aux fins de réalisation d’une infrastructure routière déclarée d’utilité publique. Après la réalisation des travaux, le département avait vendu à une société des reliquats de parcelles non utilisés ayant appartenu aux expropriés. Ces derniers avaient alors assigné le département en indemnisation des préjudices résultant de la méconnaissance de leur droit de priorité.  La Cour juge que le droit de priorité « ne trouve sa cause qu’en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d’intérêt général défini par la déclaration d’utilité publique et se rattache au droit de rétrocession prévu à l’article L. 421-1 du même code N° Lexbase : L8022I4U et, comme lui, ne s’applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique si l’essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination ».

Or en l’espèce, les anciennes parcelles non affectées à l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique ne représentaient que 3,2 % de la surface totale de l’opération d’expropriation, ce qui fait que la condition de non-affectation à l’usage prévu n’était pas remplie et que les expropriés ne bénéficiaient pas d’un droit de priorité lors de la cession à un tiers des parcelles concernées. Les juges relèvent aussi que l’expropriant avait réalisé l’opération en conformité avec le projet déclaré d’utilité publique, que les biens expropriés avaient été affectés dans leur quasi-totalité à l’usage prévu par ce projet d’intérêt général et que, dans ces conditions, les expropriés ne bénéficiaient pas d’un droit de priorité. Il en résulte que les expropriés n’avaient pas indûment été privés d’une plus-value et n’avaient pas subi une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

VI. Date de référence pour les terrains à bâtir soumis au droit de préemption (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11.467, FS-B N° Lexbase : A18039GU)

Conformément aux articles L. 213-4, a) N° Lexbase : L8209I4S, et L. 213-6 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L1310LDU, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien [12]. La Cour de cassation confirme que cette date de référence, qui déroge à celle prévue à l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L9923LMH, s’applique également pour la qualification de terrain à bâtir, régie par l’article L. 322-3 du même code N° Lexbase : L7995I4U.

En l’espèce, l’arrêt contesté fixait le montant des indemnités revenant à l’exproprié pour l’expropriation d’une parcelle située dans un périmètre soumis au droit de préemption urbain. L’exproprié faisait grief à l’arrêt de fixer la date de référence au 18 avril 2011 pour l’estimation de sa parcelle, puis de condamner l’autorité expropriante à lui payer des indemnités alternatives.

La Cour de cassation juge que la cour d’appel a exactement fixé cette date. En effet, le bien exproprié était soumis à un droit de préemption et la dernière modification du plan local d’urbanisme intéressant la zone dans laquelle est situé le bien était intervenue le 12 avril 2011 et était devenue effective le 18 avril 2011 après accomplissement des mesures de publicité.

VII. Un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété (Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B N° Lexbase : A80149HB)

L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7987I4L précise que « les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation », l’article L. 321-2 précisant quant à lui que « le juge prononce des indemnités distinctes en faveur des parties qui les demandent à des titres différents ».

En l’espèce, une cour d’appel avait alloué à un syndicat des copropriétaires une indemnité de dépréciation du surplus, résultant de la disparition de près d’un tiers des emplacements de parking matérialisés. Elle avait retenu qu’en zone urbaine, une telle réduction du nombre de places de stationnement était de nature à dissuader fortement les candidats acquéreurs et à diminuer la valeur marchande au mètre carré de la copropriété. Elle avait en conséquence considéré que cette dépréciation, évaluée à 20 %, devait s’appliquer au prix moyen de vente au mètre carré d’après des exemples de ventes de lots privatifs au sein de la copropriété.

Ce raisonnement est logiquement censuré par la Cour de cassation qui relève que le syndicat des copropriétaires ne peut représenter chaque copropriétaire pour la défense de ses droits sur son lot. Il ne pouvait donc, en conséquence, se voir allouer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété.

 

[1] CA Versailles, 26 octobre 1982, Société d’aménagement et d’équipement du Département d’Eure-et-Loir, AJPI, 1983, p. 23.

[2] Cass. civ. 3, 25 février 1998, n° 97-70.004 N° Lexbase : A9841AGL, AJDI 1998, p. 939, note A. Lévy ; Cass. civ. 3, 31 octobre 2001, n° 00-70.176 N° Lexbase : A9906AWS, AJDI, 2002, p. 234, obs. C. Morel, RD imm., 2002, p. 533, obs. C. Morel.

[3] JO, 31 janvier 2002, texte n° 32.

[4] JO, 14 décembre 2000, texte n° 2.

[5] C. expr. art. L 21-3 ancien, devenu L. 411-2.

[6] CE, 3°-5° s-s-r., 23 décembre 1988, n° 69011 N° Lexbase : A0446AQL.

[7] CAA Lyon, 28 avril 2016, n° 15LY01826 N° Lexbase : A7034RNT.

[8] CAA Nancy, 7 décembre 2006, n° 05NC00248 N° Lexbase : A8708DTP.

[9] CAA Versailles, 29 septembre 2021, n° 19VE04281, n° 19VE04282, n° 20VE00076 N° Lexbase : A58227ZN.

[10] CAA Bordeaux, 28 juin 2019, n° 17BX02947 N° Lexbase : A3341ZH9.

[11] Cass. civ. 3, 28 avril 1993, n° 91-70.095 N° Lexbase : A5801C4M, JCP éd. G, 1994, II, comm. 22187, JCP éd. N, 1994, II, comm. 264, obs. A. Bernard ; v. aussi Cass. civ. 3., 1er décembre 2010, n° 09-13.940, FS-D N° Lexbase : A4538GMZ

[12] V. Cass. civ. 3, 10 juillet 2002, n° 01-70.229 N° Lexbase : A0931AZI, Bull. civ. III, n° 166, AJDI, 2002, p. 871, note R. Hostiou, JCP éd. G, 2002, IV, 2560, JCP éd. G, 2002, II, 10196, note A. Bernard ; Cass. civ. 3, 11 octobre 2006, n° 05-13.053 et n° 05-13.595, FS-P+B N° Lexbase : A7768DR7, Bull. civ. III, n° 197, AJDA, 2006, p. 2301 ; Cass. civ. 3, 10 mai 2007, n° 05-20.623, FS-P+B N° Lexbase : A1099DWM, Bull. civ. III, n° 76, AJDI, 2008, p. 135, note A. Lévy ; Cass. civ. 3, 28 janvier 2009, n° 08-10.333, FS-P+B N° Lexbase : A9610ECW, RD imm., 2009, p. 223 et 348, obs. C. Morel.

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