La lettre juridique n°943 du 20 avril 2023 : Construction

[Brèves] L’usufruitier ou le nu-propriétaire : qui est bénéficiaire de la décennale ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 22-10.487, FS-B N° Lexbase : A02499PW

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 19 Avril 2023

► L’usufruitier ne peut pas agir sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs sauf si la construction lui appartient ; dans ce cas, le nu-propriétaire ne peut pas agir.

Le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est de nature contractuelle. Pour autant, tous les cocontractants du constructeur n’ont pas la qualité pour agir sur ce fondement. Tous ne sont pas bénéficiaire de la responsabilité civile décennale. La jurisprudence le rappelle régulièrement à propos du locataire (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, n° 11-18.850, F-D N° Lexbase : A0560IWN) mais elle le fait bien plus rarement à l’égard de l’usufruitier. Rien qu’en cela, l’arrêt rapporté mérite, non seulement, d’être publié mais, également, cette brève, même s’il est confirmatif d’une solution récemment rappelée (Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB).

En l’espèce, un maître d’ouvrage a confié à un constructeur la maîtrise d’œuvre de la construction d’une piscine couverte sur un terrain appartenant à une SCI dont il a l’usufruit. La réalisation des travaux est confiée à une entreprise. Se plaignant de désordres survenus après réception, la SCI assigne les constructeurs et leur assureur de responsabilité civile décennale. L’usufruitier intervient volontairement.

La cour d’appel de Douai, dans un arrêt rendu le 2 décembre 2021, déclare l’action de la SCI irrecevable faute pour elle de justifier de sa qualité à agir (CA Douai, 2 décembre 2021, n° 20/02320 N° Lexbase : A99657DG). Elle forme un pourvoi en cassation aux termes duquel elle articule que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et, qu’en tout état de cause, dans le cas d’un partage de propriété entre nu-propriétaire et usufruitier, c’est le nu-propriétaire qui dispose de la qualité de maître d’ouvrage, quand bien même ce serait l’usufruitier qui aurait ordonné la construction de l’ouvrage.

Par sa nouvelle technique dite de la motivation enrichie, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Si en vertu de l’article 552 du Code civil N° Lexbase : L3131ABL, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l’absence de convention réglant le sort de cette construction, par l’article 555 du même code N° Lexbase : L3134ABP et n’opère qu’à la fin de l’usufruit (Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-15.460, FS-P+B N° Lexbase : A2420ITS).

Les juges du fond ayant relevé que la construction appartient à l’usufruitier, il lui appartient d’agir sur le fondement de la décennale.

La solution n’est donc pas surprenante mais reste critiquable. Il ressort de la lettre de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ la possibilité d’agir du maître d’ouvrage sans évoquer sa qualité de propriétaire.

C’est encore de manière trop générale que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2012 (Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, précité), prive le preneur pourtant maître d’ouvrage des travaux litigieux de son droit à agir sur le fondement de l’article 1792, en reprenant l’expression utilisée à l’occasion de son arrêt du 1er juillet 2009 (Cass. civ. 3, 1er juillet 2009, n° 08-14.714, FS-P+B N° Lexbase : A5830EIR), savoir que le locataire n’était titulaire « que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont il n’avait pas la propriété » et n’était donc pas recevable à agir.

Si certaines cours d’appel distinguent, selon nous à juste raison, la qualité de propriétaire de celle du maître de l’ouvrage réalisé à l’intérieur d’un bâtiment (pour exemple CA Nîmes, 27 juin 2006), d’autres ne le font malheureusement pas (pour exemple CA Dijon, 18 décembre 2007).

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