La lettre juridique n°943 du 20 avril 2023 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] Droit d'option du locataire et indemnité d'occupation

Réf. : Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 21-19.707, FS-B N° Lexbase : A80189HG

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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Directeur du master Ingénierie des sociétés, Membre du Centre de droit économique (UR 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence

le 19 Avril 2023

Mots-clés : droit d’option du locataire • indemnité d’occupation • point de départ du délai de prescription biennale • maintien dans les lieux • indemnité d’occupation de droit commun • prescription quinquennale

L'action en paiement de l’indemnité d'occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option, est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce, qui ne court qu'à compter du jour où le bailleur est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option. Par ailleurs, lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.


 

1. Le bailleur n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de l'indemnité d'occupation qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de la prescription biennale ne court qu'à compter de cette date et lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

2. Telle est la solution de principe qui ressort d’un important arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 16 mars 2023, arrêt qui a essentiellement trait à l’exercice du droit d’option par le locataire, la nature juridique de l’indemnité d’occupation et aux prescriptions applicables. Ainsi et un peu plus précisément, selon cet arrêt, le locataire qui exerce son droit d’option doit, pour la période ayant précédé l’exercice de ce droit, une indemnité d’occupation qui trouve son origine dans l’application de l’article L. 145-57 du Code de commerce N° Lexbase : L5785AI4, et l’action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 de ce même code N° Lexbase : L8519AID qui court à compter de l’exercice du droit d’option. De plus, si le locataire se maintient dans les lieux après l’exercice de ce droit, il est alors redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun qui, quant à elle, est soumise à la prescription quinquennale dont le délai court à compter du même jour.

3. Quels étaient les faits ? La SCI bailleresse a délivré à sa locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 2014. La locataire a répondu à sa bailleresse qu’elle n’acceptait le renouvellement du bail qu’aux mêmes clauses et conditions, notamment de loyer, puis, par un acte délivré le 30 juin 2015, a signifié à sa bailleresse un congé à effet du 31 décembre suivant. La bailleresse a alors assigné sa locataire devant le juge des loyers pour faire fixer le prix du bail renouvelé au 1er janvier 2014, ce dont elle a été déboutée. Elle a ensuite saisi le tribunal d’une demande en paiement d’une indemnité d’occupation à l’encontre de la société locataire, laquelle n’a quitté les lieux en définitive que le 13 mars 2017. La société locataire avait alors soulevé la prescription de l’action. Elle en a été déboutée, de même que la société propriétaire a été déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation. Devant la cour d’appel de Poitiers saisie par la bailleresse d’une demande en fixation d’une indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2014 au 13 mars 2017, la société locataire a opposé de nouveau la prescription. Cette fin de non-recevoir a été écartée et la locataire a été condamnée à payer une certaine somme au titre de l’indemnité d’occupation sans droit ni titre entre le 1er janvier 2014 et le 13 mars 2017 [1].

4. La situation peut paraître complexe, sinon confuse, mais au vrai, l’acte de la société locataire formulé en tant que congé le 30 juin 2015 pour le 31 décembre suivant ne pouvait pas en être un puisqu’il avait déjà été mis fin au bail, certes avec une offre de renouvellement du bailleur pour le 1er janvier 2014. Ce congé devait nécessairement être requalifié en droit d’option signifié en application de l’article L. 145-57 du Code de commerce.

5. Dès lors, la question se posait tout d’abord de la qualification juridique de l’indemnité d’occupation, le choix devant s’opérer entre soit une indemnité statutaire, soit une indemnité de droit commun.

6. On le sait, en cas d'option du bailleur, à laquelle va succéder une procédure en fixation de l'indemnité d'éviction, la Cour de cassation considère que l'indemnité d'occupation due par le preneur est statutaire et, comme telle, doit correspondre à la valeur locative déterminée en application de l'article L. 145-28 du Code de commerce N° Lexbase : L0346LTY  [2].

7. Lorsqu’au contraire, comme en l’espèce, c'est le locataire qui opte, la solution a pu ici évoluer. Longtemps il était jugé que le locataire qui renonce au renouvellement se trouve, pour la période postérieure à la date d'expiration du bail, dans la situation d'un occupant sans titre justifiant le paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun (compensatoire et indemnitaire) dont le montant peut excéder la valeur locative [3]. Toutefois, par un arrêt du 5 février 2003, la Cour de cassation a modifié sa position estimant que, pour la période comprise entre la fin du bail et l'exercice du droit d'option l'indemnité trouve son origine dans l'application de l'article L. 145-57 du Code de commerce [4].

8. L'arrêt du 16 mars 2023 reprend cette formulation, citant d'ailleurs expressément l'arrêt de 2003. Ainsi, il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l’action en fixation de cette indemnité d’occupation est fixé à la date de l’exercice du droit d’option. Et puisque cette indemnité est fondée sur l’article L. 145-57 du Code de commerce, elle est de nature statutaire et est en conséquence soumise au délai de prescription de deux ans prévu par l’article L. 145-60 du Code de commerce.

9. En d’autres termes, d'une part, l'indemnité d'occupation due entre la date à laquelle le bail a pris fin et l'exercice du droit d'option est de nature statutaire, elle s'établit dès lors au montant de la valeur locative en renouvellement [5] ; cela étant, l'indemnité due dans l'hypothèse où le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option est, quant à elle, de droit commun [6].

10. La question se posait ensuite de la prescription.

11. Dès lors que le locataire se maintient dans les lieux postérieurement à l’exercice de son droit d’option, il ne s’agit plus d’une situation statutaire. Il est redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun. La prescription est alors quinquennale conformément à l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC.

12. C’est à notre avis la toute première fois ou l’une des toutes premières fois que le juge du droit se prononce sur le régime de la prescription applicable à l'action en paiement de l'indemnité de droit commun, c'est-à-dire celle due par le locataire qui se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option.

13. Mais, au-delà de la qualification d’indemnité d’occupation de droit commun et de l’application de la prescription de droit commun, l’apport de l’arrêt commenté concerne le point de départ de délais de prescription, fixé en l’occurrence à la même date d’exercice du droit d’option du locataire. Cette date fixe donc le point de départ de la prescription de l’action pour le passé, comme pour l’avenir.

14. Ainsi, aux termes de l'arrêt, pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option du locataire, le délai de prescription biennale ne court qu'à compter du jour où le bailleur est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option [7]. Et, surtout, pour la période du maintien dans les lieux du locataire après l'exercice de son droit d'option, le délai de prescription quinquennale court à compter de ce même jour. Soit, conformément à l'article 2224 du Code civil, à compter du jour où le titulaire du droit à percevoir l'indemnité d'occupation (le bailleur) « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

 

[1] CA Poitiers, 18 mai 2021, n° 19/03537 N° Lexbase : A21634SW.

[2] Cass. civ. 3, 30 juin 1999, n° 96-21.449, publié N° Lexbase : A6645AHL, RDI, 2000, p. 257, obs. J. Derruppé ; précisant que cette indemnité est due à compter de la date d'expiration du bail, v. Cass. civ. 3, 7 novembre 1984, n° 83-13.550 N° Lexbase : A2481AA7, cité in Dalloz Actualité, 24 mars 2023, note Y. Rouquet.

[3] Cass civ. 3, 8 décembre 1982, n° 81-10.515, publié N° Lexbase : A7584AGY  – Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-22.764, publié N° Lexbase : A5581ACP, AJDI, 1998, p. 1058 , obs. J.-P. Blatter ; RDI, 1999. 322, obs. J. Derruppé.

[4] Cass. civ. 3, 5 févr. 2003, n° 01-16.882, FS-P+B N° Lexbase : A9069A4N, D., 2003, p. 1095, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2003, p. 411 , obs. J.-P. Blatter, cité in Lettre d’actualité avril 2023, cabinet J.-P. Blatter.

[5] CA Paris, 5-1, 26 février 2014, n° 12/05634 N° Lexbase : A5139NPZ, AJDI 2014, p. 782, obs. C. Denizot et G. Trautmann – CA Paris, 27 octobre 2007, Loyers et copr., 2008, n° 110, obs. Brault ; CA Chambéry, 1er juin 2010, Loyers et copr., 2010, n° 320, obs. E. Chavance.

[6] CA Paris, 24 octobre 2007, Administrer, 2/2008. 21, obs. D. Lipman-W. Boccara ; CA Paris, 16ème ch., sect. A, 12 décembre 2007, n° 06/20286 N° Lexbase : A2293D8G.

[7] Cass. civ. 3, 9 septembre. 2021, n° 20-19.631, F-D N° Lexbase : A253844R, AJDI 2022, p. 282 , obs. T. Brault – Cass. civ. 3, 7 juillet 2016, n° 15-19.485, FS-P+B+I N° Lexbase : A9962RWU, D., 2016, p. 1560, obs. Y. Rouquet ; ibid., p. 2237, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp ; ibid., 2017, p. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2017, p. 111, obs. J.-P. Blatter.

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