La lettre juridique n°524 du 18 avril 2013 : Expropriation

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'expropriation - Avril 2013

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE)

le 23 Octobre 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de l'expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Elle traitera, tout d'abord, d'un arrêt rendu le 16 janvier 2013 par lequel la Cour de cassation retient que l'appréciation de la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique dans le cadre d'une action en rétrocession doit également prendre en compte les parcelles acquises par voie amiable (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 11-24.213, FS-P+B). Dans la deuxième décision commentée, la Cour suprême précise que le pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation est sans effet sur le délai dont dispose l'exproprié pour saisir le juge de l'expropriation d'une demande en restitution et en indemnisation (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 12-10.107, FS-P+B). Enfin, dans le troisième arrêt étudié, les juges du Quai de l'Horloge rappellent que l'inaction pendant de longues années des propriétaires successifs de parcelles, en pleine connaissance de l'ouvrage réalisé, s'oppose à la reconnaissance d'une voie de fait (Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-21.616, FP-P+B).
  • L'appréciation de la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique dans le cadre d'une action en rétrocession doit également prendre en compte les parcelles acquises par voie amiable (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 11-24.213, FS-P+B N° Lexbase : A4911I3B)

Dans le cadre d'une action en rétrocession, régie par les articles L. 12-6 (N° Lexbase : L2915HLK) et R. 12-6 (N° Lexbase : L3096HLA) du Code de l'expropriation, la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération. On rappellera que, selon l'article L. 12-6 du Code de l'expropriation, dont les dispositions viennent d'être jugées conformes à la Constitution (1), "si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique". L'arrêt du 16 janvier 2013 confirme la jurisprudence antérieure relative à l'interprétation de ces dispositions, tout en lui apportant une précision utile.

Une difficulté récurrente consiste à apprécier si la demande de rétrocession peut être accueillie dans les cas où les travaux prévus par la déclaration d'utilité publique n'ont pas été entièrement réalisés. A l'occasion d'un arrêt rendu le 8 mai 1995, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que "la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation de l'opération" (2), et non pas seulement pour les parcelles appartenant au demandeur de la rétrocession. Ainsi, il a, notamment, été jugé que "l'affectation partielle du bien à sa destination suffit à faire échec au droit de rétrocession et au droit de priorité" (3). Une difficulté peut, également, se présenter dans l'hypothèse où la déclaration d'utilité publique fixe à l'immeuble plusieurs destinations et qu'il n'a fait l'objet que d'une affectation partielle. Le juge considère, dans ce cas, qu'une demande de rétrocession n'est pas recevable (4). Il a, ainsi, été jugé que la réalisation d'un parc de stationnement sur une partie d'un terrain exproprié en vue de la réalisation d'un groupe scolaire fait obstacle à une demande de rétrocession, dès lors que ce parking est nécessaire au bon fonctionnement de l'école (5).

En l'espèce, les consorts X avaient assigné une commune dans le but d'obtenir la rétrocession de leur parcelle expropriée dans le cadre d'un projet de création d'une zone d'aménagement concerté. La cour d'appel de Caen avait fait droit à leur demande, après avoir apprécié la conformité des objectifs mentionnés dans la déclaration d'utilité publique des travaux réalisés au regard de l'ensemble des seules parcelles expropriées. Or, toutes les parcelles acquises pour la réalisation de l'opération projetée, à l'exception de celle dont les consorts X étaient propriétaires, l'avaient été par cession amiable. Ainsi, la cour d'appel n'avait pris en considération, pour apprécier la réalisation des objectifs définis par la déclaration d'utilité publique, que la situation de la seule parcelle propriété des intéressés. Cette parcelle n'ayant fait l'objet d'aucun travaux, la demande de rétrocession avait été accueillie par la cour d'appel. Celle-ci avait donc appliqué au pied de la lettre la jurisprudence de la Cour de cassation qui fait bien référence, à la prise en compte de "l'ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation de l'opération". Manifestement, cependant, ce raisonnement ne respectait pas l'esprit de cette jurisprudence. En effet, l'examen d'une demande de rétrocession nécessite que soient confrontés l'objet de la déclaration d'utilité publique et la situation, au moment de la demande, des parcelles acquises pour ce projet. Opérer une distinction entre les parcelles acquises par voie d'expropriation et celles acquises par voie amiable ne permet pas de procéder à cette confrontation, et cela d'autant plus, qu'en l'espèce, à l'exception de la parcelle dont les consorts X sont les propriétaires, toutes les autres parcelles avaient été acquises dans le cadre de cessions amiables. Le raisonnement de la cour d'appel est donc logiquement censuré par la Cour de cassation, qui considère que "la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique, doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique", et non pas des seules parcelles acquises par voie d'expropriation.

  • Le pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation est sans effet sur le délai dont dispose l'exproprié pour saisir le juge de l'expropriation d'une demande en restitution et en indemnisation (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 12-10.107, FS-P+B N° Lexbase : A4790I3S)

Compte tenu du caractère non suspensif des voies de recours devant les juridictions administratives, il n'est pas rare que l'annulation d'une déclaration d'utilité publique ou d'un arrêté de cessibilité intervienne après que soit intervenue l'ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété des biens. Jusqu'à l'intervention de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS), cette situation aboutissait, lorsque l'ordonnance avait un caractère définitif, à ne pas sanctionner l'illégalité de la phase administrative et à ne pas restituer à l'exproprié son bien. Cette situation était d'autant plus dommageable que l'ordonnance d'expropriation ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation, dans un délai qui était à l'origine fixé à quinze jours, avant d'être porté au délai de droit commun de deux mois par le décret n° 2004-1420 du 23 décembre 2004, modifiant certaines règles de procédure civile relatives à l'appel et au pourvoi en cassation (N° Lexbase : L5101GUH) (6).

Dans l'hypothèse, toutefois, où la Cour de cassation a été régulièrement saisie d'un pourvoi en cassation dans ce délai, aucune difficulté particulière ne s'est jamais posée. L'ordonnance d'expropriation n'étant pas devenue définitive, la décision irrévocable d'une juridiction administrative annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité entraîne "par voie de conséquence" l'annulation de l'ordonnance par la Cour de cassation (7). Les difficultés concernent l'hypothèse où l'ordonnance d'expropriation n'a pas été contestée dans les délais et celle où, un pourvoi en cassation ayant été formé, il a été rejeté par une décision de la Cour de cassation devenue irrévocable. Dans ce cas, "l'ordonnance [...] devenue irrévocable, continue à produire ses effets en dépit de l'annulation ultérieure de l'arrêté de déclaration d'utilité publique" (8). L'impossibilité pour l'exproprié de se voir restituer son bien, suite à une procédure irrégulière, a pu être assimilé par certains auteurs à un "déni de justice" (9). En tout cas, elle constituait, sans nul doute, le principal inconvénient lié à la distinction des phases administrative et judiciaire de la procédure d'expropriation.

Ainsi que l'avait suggéré la Cour de cassation dans son rapport annuel de 2001 (10), l'article L. 12-5 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2914HLI) a été complété par la loi du 2 février 1995 en vue de résoudre cette difficulté. Désormais, "en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale".

Il faut noter, toutefois, que cette possibilité nouvelle offerte à l'exproprié ne lui interdit pas de former par anticipation un pourvoi contre l'ordonnance pour en demander l'annulation "par voie de conséquence" de l'annulation à intervenir de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité (11). Dans cette hypothèse, l'issue du recours contentieux formé devant le juge administratif conditionnant l'examen du pourvoi, il y a donc lieu de radier l'affaire, le pourvoi devant être ultérieurement rétabli au rang des affaires à juger à la demande de la personne la plus diligente au vu de la décision irrévocable intervenue sur le recours formé devant la juridiction administrative.

Si la loi du 2 février 1995 constitue manifestement un progrès, il a fallu attendre plus de dix ans pour qu'intervienne le décret n° 2005-467 du 13 mai 2005, portant modification du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L4622G8P) (12), codifié aux articles R. 12-5-1 à R. 12-5-9 du Code de l'expropriation, créant une nouvelle sous-section intitulée "Perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation". L'article R. 12-5-1 précise, désormais, que, "dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 12-5, l'exproprié qui entend faire constater par le juge le manque de base légale de l'ordonnance portant transfert de sa propriété transmet au greffe de la juridiction qui a prononcé l'expropriation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité, un dossier qui comprend les copies [...] de la décision d'annulation de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité [...] de l'ordonnance d'expropriation [...] le cas échéant, de la convention ou de la décision fixant les indemnités d'expropriation [...] d'un certificat de non-recours contre la décision fixant les indemnités d'expropriation".

La question s'est rapidement posée de déterminer si le délai de deux mois visé par cet article était un délai impératif ou seulement indicatif. A cette question, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu, dans un arrêt rendu le 17 mars 2010 (13), que "le délai de deux mois du dépôt de dossier prévu par l'article R. 12-5-1 du Code de l'expropriation, pour la saisine du juge de l'expropriation en vue de faire constater la perte de fondement légal de l'ordonnance portant transfert de propriété, est un délai pour agir dont le non-respect est sanctionné par la forclusion de l'action qu'il concerne". Manifestement, cette solution est dictée par des considérations de sécurité juridique, mais elle peut être de nature à léser la personne expropriée, qui n'obtiendra pas la restitution de son bien, étant observé qu'elle dispose d'un délai somme toute assez bref pour saisir le juge de l'expropriation après avoir obtenu gain de cause devant la juridiction administrative.

C'est cette solution rigoureuse qui est confirmée en l'espèce. Etaient ici en cause un arrêté du préfet de la Loire déclarant d'utilité publique un projet d'assainissement et l'arrêté de cessibilité pris sur son fondement. Par une ordonnance du 1er juin 2007, le juge de l'expropriation avait prononcé l'expropriation des parcelles des requérants, mais par la suite, une décision du tribunal administratif de Lyon du 14 juin 2009 avait annulé les arrêtés de déclaration d'utilité publique et de cessibilité. En conséquence, par un arrêt du 8 juin 2010 (14), la Cour de cassation a annulé l'ordonnance d'expropriation pour défaut de base légale consécutivement au jugement du tribunal administratif. A la suite de cette ordonnance, les propriétaires évincés ont saisi le 2 août 2010 le juge de l'expropriation de demandes en restitution et indemnisation, sur le fondement de l'article R. 12-5-1 du Code de l'expropriation. C'est ce recours que juge irrecevable la Cour de cassation, le délai prévu par cet article, dont le caractère impératif est rappelé, courant à partir de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité. L'exercice d'un pourvoi en cassation contre l'ordonnance d'expropriation est donc sans effet sur le délai dont dispose l'exproprié pour saisir le juge de l'expropriation d'une demande en restitution et en indemnisation.

A la lecture du texte, la solution est cohérente, puisque l'article R. 12-5-1 ne distingue pas selon que l'ordonnance d'expropriation a fait, ou non, l'objet d'une annulation préalable par la Cour de cassation. Cependant, la solution peut paraître sévère et peu lisible pour les expropriés qui sont déjà engagés dans une action visant à contester le bien-fondé de l'ordonnance d'expropriation au moment où survient la décision du juge annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité. Plus généralement, elle semble faire peu de cas de l'objectif qui inspirait la loi n° 95-101 du 2 février 1995 qui était de corriger les effets négatifs du dualisme juridictionnel en améliorant l'articulation entre les phases administrative et judiciaire de la procédure. Plus loin, il n'est pas certain que la solution retenue soit conforme aux stipulations de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9). Il serait, en conséquence, souhaitable que l'article R. 12-5-1 fasse l'objet d'une modification et que soit clairement distinguées deux hypothèses : celle où l'exproprié, au moment de la survenance de la décision, n'a pas engagé de recours en cassation contre l'ordonnance d'expropriation ; celle où il a exercé un recours en cassation et où il peut donc légitimement espérer autre chose qu'une invalidation platonique de l'ordonnance d'expropriation.

  • L'inaction pendant de longues années des propriétaires successifs de parcelles, en pleine connaissance de l'ouvrage réalisé, s'oppose à la reconnaissance d'une voie de fait (Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-21.616, FP-P+B N° Lexbase : A1799IZN)

Dans la présente affaire, le propriétaire de parcelles sur lesquelles avait été implantée sans titre une ligne électrique aérienne en demande le déplacement à ERDF pour pouvoir procéder à des plantations d'arbres à proximité. La question essentielle posée par cet arrêt concerne la qualification de voie de fait et donc la compétence du juge judiciaire pour connaître de cette demande.

Il ressort clairement de la jurisprudence que la prise de possession d'une propriété privée par l'administration sans justifier d'un titre et sans utiliser les voies légales de l'expropriation est normalement constitutive d'une voie de fait (15). De même, il a été jugé que la prise de possession d'une partie d'un terrain qui n'a fait l'objet ni d'un arrêté de cessibilité, ni d'une cession amiable, mais seulement d'une déclaration d'utilité publique, est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration et est donc constitutif d'une voie de fait (16).

C'est cette solution qui paraît a priori devoir prévaloir, les juges relevant que "ERDF ne justifie pas avoir respecté la réglementation en vigueur lors de l'implantation de la ligne électrique litigieuse". Cependant, cet élément ne permet pas, à lui seul, de retenir la qualification de voie de fait.

Il faut ici rappeler que l'existence d'une atteinte irrégulière portée à la propriété privée par l'administration ne suffit pas à caractériser une voie de fait. Il est nécessaire, tout d'abord, que la l'opération en cause soit réalisée dans des conditions manifestement non susceptibles de se rattacher à l'exercice des pouvoirs de l'administration. Or, en l'espèce, si ERDF n'a pas pu démontrer avoir respecté la réglementation en vigueur, il ne saurait être considéré que l'implantation de la ligne en cause était non susceptible de se rattacher à l'exercice de ses pouvoirs, puisque les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, sur les distributions d'énergie, permettent de recourir à la procédure d'expropriation -ainsi qu'aux servitudes- pour l'installation de lignes de transport électrique. Cette solution doit être rapprochée de celle retenue par la troisième chambre civile dans un arrêt du 5 mai 2010 (17), qui dénote, également, d'une approche restrictive de la voie de fait. Dans cet arrêt la Cour de cassation rejette la qualification de voie de fait dans une hypothèse où les travaux d'édification d'un canal avaient été réalisés sans titre, mais en complément du bassin de retenue auquel il était relié et pour la réalisation duquel le bénéficiaire de l'expropriation bénéficiait d'un titre résultant d'une procédure de déclaration d'utilité publique et d'expropriation régulièrement diligentées.

Les conditions de la reconnaissance d'une voie de fait étant cumulatives, le fait que l'opération en cause se rattache bien à un pouvoir de l'administration aurait suffit à écarter cette qualification en l'espèce. Les juges vont, toutefois, rappeler que pour que la voie de fait soit retenue, il est, également, nécessaire que l'atteinte portée à la propriété privée soit suffisamment grave. Généralement, cette condition est comprise dans un sens matériel, la notion de gravité se rapportant à l'importance de l'empiètement réalisé par l'administration sur une parcelle privée. C'est bien, d'ailleurs, cette approche que l'on retrouve dans l'un des moyens soulevés par le requérant, qui invoque "l'impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14 % de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 euros". Cet élément n'est pas discuté par la Cour de cassation, l'intérêt de la décision commentée consistant à conférer une dimension temporelle à la notion d'atteinte à la propriété privée. En effet, si l'atteinte portée à la propriété privée n'est pas jugée suffisamment grave, c'est seulement parce que "la ligne électrique aérienne était ancienne et [...] que l'inaction pendant de longues années des propriétaires successifs des parcelles, en pleine connaissance de l'ouvrage réalisé, caractérisait une acceptation tacite de cet ouvrage". La qualification de voie de fait est donc écartée et il ne reste qu'aux parties à ce pourvoir devant la juridiction administrative pour obtenir réparation.


(1) Cons. const., décision n° 2012-292 QPC, du 15 février 2013 (N° Lexbase : A9638I74), Constr.-urb., comm. 35, note Santoni.
(2) Cass. civ. 3, 8 mars 1995, n° 92-18.791, FS-P+B (N° Lexbase : A7251AB8), Bull. civ. III, 1995, n° 76, AJPI, 1995, p. 800, obs. C. Morel, D., 1996, somm. p. 299, obs. Carrias, JCP éd. G 1995, IV, comm.. 1111, AJPI, 1995, p. 800, obs. C. Morel ; Cass. civ. 3, 26 juin 1996, n° 94-70.300, FS-P+B (N° Lexbase : A6529AHB), Bull. civ. III, 1996, n° 162, RD imm., 1996, p. 552, chron. Morel et Denis-Linton, Gaz. Pal. 28-29 mai 1997, p. 19 ; Cass. civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-20.818, FS-P+B (N° Lexbase : A5123DIL), Bull. civ. III, 2005, n° 105, Dr. adm., 2005, comm. 103, AJDI, 2005, p. 669, RD imm., 2005, p. 271, chron. C. Morel.
(3) Cass. civ. 3, 25 avril 2007, 05-22.017, FS-D (N° Lexbase : A0209DWN), AJDI, 2008, p. 226, note A. Lévy, D. adm., 2008, comm. 1, note Junillon.
(4) CE, 7 novembre 1969, Commune de Thoard, AJDA, 1970, p. 167, note Homont.
(5) Cass. civ. 3, 11 mars 1992, n° 90-17.442 (N° Lexbase : A3158CRE), Ann. Loyers, 1993, p. 44.
(6) JO, 29 décembre 2004.
(7) Cass. civ. 3, 12 décembre 1972, n° 72-70.074 (N° Lexbase : A2308CHX), Bull. civ. III, 1972, n° 675 ; Cass. civ. 3, 15 février 2005, n° 01-70.211, F-D (N° Lexbase : A7324DGD), Cass. civ. 3, 26 février 2013, n° 09-17.181, F-D (N° Lexbase : A8821I89).
(8) Cass. civ. 3, 14 décembre 1982, n° 81-70.449 (N° Lexbase : A4937CHC), Bull. civ. III, n° 250.
(9) Sur cette question, voir, notamment, A. Homont, L'illégalité des déclarations d'utilité publique et les garanties du droit de propriété, JCP 1971, I, comm. 2393, D. Maillot, Sur un imbroglio juridique : le problème de l'efficacité de l'annulation des actes administratifs dans le contentieux de l'expropriation, D., 1971. Chron., p. 103, J. Lemasurier, La sanction des expropriations illégales, RDP, 1971, p. 793.
(10) La Documentation française, 1992, V., p. 30.
(11) Cass. civ. 3, 31 mars 1999, n° 97-70.185 (N° Lexbase : A6398CK8), Bull. civ. III, n° 84, D., 1999, inf. rap. p. 116, AJDI, 1999, p. 916, obs. C. Morel, Rev. gén. proc., 1999, p. 400, chron. Hostiou. ; Cass. civ. 3, 12 janvier 2010, n° 08-20.823, F-D (N° Lexbase : A2996EQZ).
(12) JO, 15 mai 2005.
(13) Cass. civ. 3, 17 mars 2010, n° 09-13.241, FS-P+B (N° Lexbase : A8229ETX).
(14) Cass. civ. 3, 8 juin 2010, n° 07-18.046, F-D (N° Lexbase : A0007EZB).
(15) Cass. civ. 3, 30 novembre 1994, n° 92-19.192 (N° Lexbase : A6523C7Q), D., 1996, somm. p. 297, obs. Carrias.
(16) Cass. civ. 3, 24 novembre 1993, n° 91-18.184 (N° Lexbase : A5924AHU), Bull. civ. III, 1993, n° 154, RD imm., 1994, p. 30, note C. Morel.
(17) Cass. civ. 3, 5 mai 2010, n° 09-66.131, FS-P+B (N° Lexbase : A0833EX7).

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