La lettre juridique n°524 du 18 avril 2013 : Éditorial

La censure du bonus-malus sur les tarifs de l'énergie ou la "journée de la marmotte"

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La censure du bonus-malus sur les tarifs de l'énergie ou la "journée de la marmotte". Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8065904-la-censure-du-i-bonusmalus-i-sur-les-tarifs-de-lenergie-ou-la-journee-de-la-marmotte
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"On dit aux gouvernants, aux hommes d'Etat, aux peuples de s'instruire principalement par l'expérience de l'histoire. Mais ce qu'enseignent l'expérience et l'histoire, c'est que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire et n'ont jamais agi suivant des maximes qu'on en aurait pu retirer"... Malheureusement -c'est selon-, la sentence d'Hegel ( in Leçons sur la philosophie de l'histoire) s'applique une nouvelle fois à nos gouvernants amnésiques, persuadés qu'il suffit de vouloir pour pouvoir...

La censure constitutionnelle du bonus-malus sur les tarifs de l'énergie, le 11 avril 2013, n'est une surprise ni pour les fiscalistes avertis, ni pour l'opposition parlementaire ayant déjà essuyé pareille déconvenue avec la "taxe carbone", ni même pour le présent Gouvernement habitué à la censure de ses dispositifs les plus emblématiques (la taxe à 75 %, la loi sur le logement social, la taxe sur les boissons énergisantes...).

Bref, entre "les affaires", les mauvais sondages, la récession et le "bashing", c'est un peu la "journée de la marmotte" pour le Président ! Comme dans ce film des années 90' d'Harold Ramis, avec Bill Murray et Andie MacDowell (pour les connaisseurs du genre), où le héros se lève et revit la même journée avec la somme de ses déboires, le Gouvernement reçoit son lot quotidien de déconvenues politiques, économiques et juridiques, sans pouvoir interférer sur le cours de l'histoire de ce "jour sans fin".

Pourtant, lorsque, par une décision du 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a retoqué la contribution carbone sur les produits énergétiques (dite "taxe carbone"), dont le régime était présenté à l'article 7 de la petite loi de finances pour 2010, les Sages avaient clairement donné leurs instructions, pour ne pas dire "fait la leçon". Dans un "considérant" des plus cinglants, ils retenaient alors que "par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée [étaient] contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et [créaient] une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques".

Que disent les Sages, renouvelés depuis lors, dans leur décision du 11 avril 2013 ? "Considérant, en premier lieu, que le dispositif de bonus-malus prévu par les dispositions de l'article 2 est réservé aux seules consommations domestiques ; que, d'une part, l'exclusion de toutes les consommations professionnelles est sans rapport avec l'objectif de maîtrise des coûts de production et de distribution des énergies de réseau ; que, d'autre part, l'exclusion du secteur tertiaire est de nature à conduire à ce que, en particulier dans les immeubles à usage collectif, des locaux dotés de dispositifs de chauffage et d'isolation identiques, soumis aux mêmes règles tarifaires au regard de la consommation d'électricité et de gaz et, pour certains, utilisant un dispositif collectif de chauffage commun, soient exclus ou non du régime de bonus-malus du seul fait qu'ils ne sont pas utilisés à des fins domestiques ; que ni les dispositions de l'article 2 ni aucune autre disposition ne prévoient, à l'égard des professionnels, un régime produisant des effets équivalents à un dispositif de tarification progressive ou de bonus-malus qui poursuive l'objectif que s'est assigné le législateur d'inciter chaque consommateur à réduire sa consommation d'énergies de réseau [...] ; qu'au regard de l'objectif poursuivi, les différences de traitement qui résultent du choix de réserver le dispositif prévu par l'article 2 aux seules consommations domestiques méconnaissent l'égalité devant les charges publiques". Enfin, "dans des immeubles collectifs d'habitation pourvus d'installations communes de chauffage, les dispositions de l'article 2 de la loi ne fixent pas des conditions de répartition du bonus-malus en rapport avec l'objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d'énergie de réseau ; [...] ces dispositions n'assurent pas le respect de l'égalité devant les charges publiques, d'une part, entre les consommateurs qui résident dans ces immeubles collectifs et, d'autre part, avec les consommateurs domestiques demeurant dans un site de consommation résidentiel individuel". Fermez le ban, la messe est dite ! Et, c'est toute la substance de la loi "Brottes" qui s'envole.

En 2010 nous dénoncions déjà la "dentelle du bourreau de Béthune", la condamnation du 11 avril 2013 confirme la censure de ces dispositifs si alambiqués et emprunts d'exceptions qu'ils conduisent, au mieux, à leur inefficacité, au pire, à l'injustice sociale. "Le mieux est l'ennemi du bien", enseigne la vulgate...

Un brin bravache, le ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie note que "le Conseil constitutionnel n'a pas censuré le bonus-malus dans son principe mais dans son périmètre d'application" : la connaissance de nos Institutions enseignerait qu'il n'appartient pas aux Sages d'édicter la politique économique, sociale et fiscale de la Nation, mais de s'assurer de sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. La rue de Montpensier ne condamnera jamais un dispositif fiscal en tant que tel, mais son régime ou ses modalités d'application, souvent pour rupture d'égalité justement, imprécision encore, ou obscurité de la loi. "Y a qu'à" élargir le dispositif à la consommation professionnelle et aller plus loin dans le décompte des consommations individuelles dans les immeubles équipés de chauffages collectifs, nous rassure-t-on ! Pour mémoire, c'est au forceps que le Gouvernement a arraché le vote de ce bonus-malus contesté dans les propres rangs de la majorité parlementaire... Aussi, il n'est pas certain que l'agenda des Assemblées permette un nouveau "tour de manège législatif" pour ce dispositif décrié ; ou alors, juste le temps qu'une éventuelle alternance parlementaire ne démantèle cette "usine à gaz"... Instabilité fiscale oblige.

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