La lettre juridique n°524 du 18 avril 2013 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Avril 2013

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP

le 18 Avril 2013

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts publiés au Bulletin rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mars 2013. Dans le premier commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Haute juridiction consacre le caractère obligatoire de la demande en revendication nonobstant la poursuite du contrat (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.729, FS-P+B). Dans le second commentaire de cette chronique, le Professeur La Corre revient sur un arrêt dans lequel la Cour répond à la question de savoir si une dette de loyers d'un bail à usage d'habitation constitue ou non une créance postérieure méritante (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.365, FS-P+B+I).
  • Caractère obligatoire de la demande en revendication nonobstant la poursuite du contrat (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.729, FS-P+B N° Lexbase : A9689I9Q)

En application des dispositions de l'article L. 624-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L3492ICC), le propriétaire d'un bien meuble qui n'est pas titulaire d'un contrat publié est tenu de revendiquer son bien dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc. Quel contenu formel doit revêtir cette demande ? Cette démarche demeure-t-elle impérative lorsque, dans ce même délai, une option pour la continuation du contrat en cours aura été formulée à la suite d'une mise en demeure adressée par le cocontractant d'avoir à opter sur la poursuite du contrat ?

Telles sont les questions au coeur d'un arrêt, rendu le 12 mars 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, appelé à la publication au Bulletin.

Au regard des faits de l'espèce, sur mise en demeure d'avoir à opter sur le sort du contrat adressée par le propriétaire, le locataire d'un bien meuble avait régulièrement poursuivi le contrat, avec l'avis conforme du mandataire judiciaire. Quelques mois après l'ouverture du redressement, la procédure fut convertie en liquidation judiciaire et le mandataire judiciaire désigné en qualité de liquidateur. Le propriétaire avait alors présenté une revendication, dont le bien-fondé fut diversement apprécié par les juges du fond, certains (le juge-commissaire et la cour d'appel) ayant accueilli celle-ci, d'autres (le tribunal) n'y ayant pas fait droit. Pour sa part, la Chambre commerciale casse l'arrêt d'appel (CA Besançon, 27 juillet 2011, n° 10/03007 N° Lexbase : A1176HXT) qui avait considéré que le courrier de demande de prise de position sur la poursuite du contrat, qui avait été transmis au mandataire judiciaire, devait s'analyser en une demande de revendication susceptible d'acquiescement. Sa position est motivée ainsi : "en statuant ainsi, alors que la lettre précitée [la mise en demeure d'avoir à opter sur le sort du contrat], qui n'invitait pas son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété de la bailleresse sur le bien, ne valait pas demande en revendication, la cour d'appel a violé les textes susvisés [articles L. 624-9 et R. 624-13 N° Lexbase : L0913HZT du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT et du décret du 12 février 2009 N° Lexbase : L9187ICA]".

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt.

Le premier -le plus évident- tient à ce que la demande en revendication doit impérativement inviter son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété. La solution apparaît parfaitement logique dans la mesure où la revendication a pour objet de rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété. Or, aucune invitation en ce sens n'est contenue dans une mise en demeure d'avoir à opter sur la poursuite d'un contrat en cours. Comme l'a remarqué un auteur, il faut en outre constater "que la continuation du contrat en cours et l'action en revendication ne mettent pas en jeu les mêmes rapports juridiques. La continuation du contrat n'intéresse que les rapports entre les parties au contrat, à savoir le cocontractant et le débiteur. Au contraire, l'action en revendication n'a pas d'effet immédiat entre les parties au contrat. Elle intéresse les rapports entre le propriétaire du bien et la procédure collective. Il s'agit, pour le premier, d'opposer son droit de propriété à la procédure collective" (1).

Il n'en demeure pas moins que, ainsi que le souligne l'arrêt rapporté, dans l'hypothèse où le destinataire de la demande en revendication est également celui de la mise en demeure d'avoir à opter, rien n'interdit à celui qui revendique d'interroger le destinataire, en même temps et donc dans le même courrier, sur la poursuite du contrat portant sur le bien revendiqué.

Un second enseignement semble devoir être tiré de cet arrêt. On peut, en effet, en déduire que l'option en faveur de la poursuite du contrat (qui avait été exercée en l'espèce, ainsi que le mentionne le moyen annexé au pourvoi) ne dispense pas le propriétaire d'avoir à revendiquer. Cette question divisait jusqu'alors la doctrine, un auteur considérant que la continuation du contrat ne dispensait pas le propriétaire d'avoir à revendiquer (2), cependant qu'un autre, focalisé sur une jurisprudence ancienne rendue sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction initiale, était d'un avis contraire (3). Cette question est en effet loin d'être nouvelle et sa réponse a connu une évolution induite par les législations successives.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction initiale (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), aucune coordination n'avait été opérée par le législateur entre les règles de la continuation des contrats et celles des revendications. Devant le silence du texte sur la question, la Cour de cassation (4) avait tranché en faveur de l'absence de nécessité de revendiquer lorsque le contrat avait été régulièrement continué à l'intérieur du délai de revendication (à l'époque, trois mois à compter du jugement d'ouverture).

Sous l'empire de la loi de 1985 modifiée par la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7), puis sous l'empire de la loi de sauvegarde dans sa rédaction initiale (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), la question de savoir si le propriétaire était contraint de revendiquer alors que le contrat était poursuivi ne se posait plus car le législateur avait pris le soin de coordonner les règles de la continuation des contrats et des revendications. En effet, si le bien faisait l'objet d'un contrat en cours, le délai de revendication ne commençait à courir qu'à compter de la résiliation ou du terme du contrat (C. com., art. L. 624-9, al. 2, ancien N° Lexbase : L3777HBI). En conséquence, il n'était pas question de revendiquer tant que le contrat était continué puisque le contrat demeurait alors en cours.

Puis l'ordonnance du 18 décembre 2008 a abrogé l'alinéa 2 de l'article L. 624-9, de sorte que le délai de revendication court désormais systématiquement de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc. La question se posait alors de savoir si cela devait redonner de l'intérêt à la jurisprudence rendue sous l'empire de la 1985 et un éminent auteur (5) avait suggéré de reconduire, sous l'empire de l'ordonnance du 18 décembre 2008, la solution selon laquelle la revendication deviendrait inutile lorsqu'une option en faveur de la continuation aurait été formulée sur la continuation du contrat avant l'expiration du délai de revendication.

Une position contraire, vers laquelle semble pencher l'arrêt rapporté, était soutenue par le Professeur Le Corre (6), en raison d'un tout autre contexte législatif. En effet, contrairement à la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction initiale, l'ordonnance du 18 décembre 2008 prévoit une coordination entre les règles de la continuation des contrats en cours et celles de l'action en revendication car l'ordonnance a inséré dans le Code de commerce un article L. 624-10-1 (N° Lexbase : L3522ICG) prévoyant que lorsque le bien fait l'objet d'un contrat en cours, la restitution effective intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat. Il n'y a donc plus place, comme sous l'empire de la loi de 1985 initiale, à faire "parler le mutisme législatif" (7) qui posait problème car le texte ne prévoyait pas à l'époque que la restitution effective du bien (découlant du succès de l'action en revendication) était différée jusqu'au terme du contrat.

La solution qui se dégage de l'arrêt rapporté doit donc être approuvée sans réserve. Elle doit conduire le propriétaire à présenter systématiquement une demande en acquiescement de revendication, cela que le contrat ait ou non été poursuivi. Il veillera, en outre, à ce que son courrier invite effectivement le destinataire à se prononcer sur son droit de propriété.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, membre du CERDP

  • La dette de loyers d'un bail à usage d'habitation, une créance postérieure méritante ? (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.365, FS-P+B+I N° Lexbase : A6604I9H)

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le législateur exige du créancier qu'il remplisse trois conditions cumulatives pour prétendre être traité comme un créancier postérieur élu, la où, sous l'empire de la législation antérieure, deux conditions suffisaient. Comme par le passé, la créance doit être née après le jugement d'ouverture et être née régulièrement, c'est-à-dire dans le respect des règles de répartition de pouvoirs entre le débiteur et les organes de la procédure collective, règles dites de l'administration contrôlée en période d'observation, règles du dessaisissement en liquidation judiciaire. A ces deux premiers critères traditionnels qualifiés pour le premier de critère chronologique et pour le second de critère organique, s'ajoute, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, un troisième critère : celui de finalité. On évoque ainsi le critère téléologique.

Ce dernier critère a partiellement évolué, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008. Il se décompose en réalité en trois sous-critères alternatifs.

Le premier de ces critères est celui des besoins du déroulement de la procédure. Ce critère se distingue des deux autres sur un point important : il ne connaît pas de limite temporelle autres que celle de la procédure collective elle-même. Tout spécialement, et la remarque est importante, toutes créances nées pendant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure collective sera éligible au traitement préférentiel, alors que, pour les deux autres critères, le législateur va exiger, si la créance apparaît en liquidation judiciaire, qu'elle soit née pendant la seule poursuite provisoire d'activité.

Le deuxième est le critère des besoins de la poursuite de la période d'observation et ceux de la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. On peut considérer, puisque la période d'observation et celle de poursuite d'activité en liquidation judiciaire sont toutes deux des périodes de poursuite d'activité, qu'il s'agit plus largement du critère des besoins de la poursuite d'activité.

Le troisième critère a évolué. Dans la version d'origine de la loi de sauvegarde des entreprises, le législateur rendait exigible au traitement préférentiel les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour les besoins de son activité professionnelle. Ces créances devaient en outre être nées soit pendant la période d'observation, soit pendant la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. Comme les créances nées pour les besoins de la poursuite d'activité, ce type de créances est donc enfermé dans des limites temporelles de naissance, en liquidation judiciaire. L'ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié ce critère en supprimant la restriction qui concernait le lien entre la créance et les besoins de l'activité professionnelle du débiteur. Ainsi, désormais, toute créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, qu'elle soit ou non en rapport avec son activité professionnelle, est éligible au traitement préférentiel. Mais encore faut-il qu'elle soit née en période d'observation, ou, comme l'exige l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3405IC4), pendant la poursuite d'activité en liquidation judiciaire.

Précisons immédiatement que, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine, les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour des besoins extra-professionnels pouvait avoir un régime particulier si elles étaient considérées comme des créances nées pour les besoins de la vie courante. Ces créances postérieures, non éligibles au traitement préférentiel, échappaient à la discipline collective applicable par principe aux créances postérieures non méritantes, globalement traitées comme des créances antérieures. En effet, ces créances postérieures nées pour les besoins de la vie courante pouvaient être payées par le débiteur et échappaient à l'obligation de déclaration au passif.

Le régime qui vient d'être décrit aurait pu être appliqué aux fais de l'espèce si la procédure collective avait été ouverte entre le 1er janvier 2006 et le 14 février 2009. Mais, ouverte à compter du 15 février 2009 -en l'espèce le 25 juin 2009-, s'applique le régime issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Le problème qui se posait en l'espèce était de déterminer les règles applicables à une créance de loyers d'un bail à usage d'habitation, contrat qui avait été poursuivi en liquidation judiciaire et même après la poursuite provisoire d'activité. Si, pour la phase de poursuite provisoire d'activité, il n'y avait pas de difficulté à considérer que les loyers étaient couverts par le régime préférentiel applicable aux créances postérieures, le problème surgissait pour les loyers du bail d'habitation nées au-delà de la poursuite provisoire d'activité.

Le bailleur entendait en obtenir le paiement de la part du liquidateur. Il avait bien compris que s'il appliquait à la lettre les dispositions de l'article L. 641-13 du Code de commerce, il aurait quelques difficultés à faire considérer comme couvert par le traitement préférentiel sa créance de loyers usage d'habitation. Aussi, ingénieusement avait-il essayé de déplacer le débat sur le terrain des dettes nées pour les besoins du déroulement de la procédure. C'était bien vu.

En effet, si le critère de rattachement au traitement préférentiel de la créance de loyers à usage d'habitation est celui de la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, la créance est éligible au traitement préférentiel pendant toute la période d'observation, ainsi que pendant la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. Peu importe, s'agissant d'une procédure collective ouverte à compter du 15 février 2009, que la créance soit en relation avec l'activité professionnelle du débiteur. En revanche, il apparaît qu'elle ne peut être éligible au traitement préférentiel pour la période suivant l'expiration de la poursuite provisoire de l'activité autorisée en liquidation judiciaire.

Alors, pouvait-il s'agir d'une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure collective ? Non répond, fermement la Cour de cassation, en censurant le jugement du tribunal d'instance : "La créance de loyer d'habitation du débiteur, échue postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier, n'est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure".

La solution doit être totalement approuvée. Le législateur a posé trois critères téléologiques distincts d'attribution du traitement préférentiel. Ces critères, par principe, ne sont pas interchangeables. A quoi servirait de poser des critères distincts s'il ne fallait pas leur reconnaître un contenu, et par voie de conséquence, un domaine distinct ? En outre, il n'échappera à personne que le traitement préférentiel accordé à certains créanciers postérieurs est composé, d'une part, de la règle du paiement à l'échéance, et, d'autre part, d'un privilège. N'enseigne-t-on pas que, en droit français, les privilèges sont de droit strict ? Or, cela signifie deux choses : d'une part, ils ne peuvent exister sans texte ; d'autre part, ils ne peuvent être interprétés largement, c'est-à-dire au-delà de ce que prévoient les textes.

A cet égard, on ne peut que dénoncer la tentation de considérer que le traitement préférentiel devrait être accordé sur le seul constat que la créance est utile. Tel n'est pas le problème. Ce concept, qui ajoute à la loi, introduit, dans le domaine de l'interprétation nécessairement strict des privilèges, une dose de subjectivité, indiscutablement source d'insécurité. Il faut, mais il suffit de se demander si la créance répond biens aux prescriptions du législateur.

Schématiquement, on énoncera que la créance est née pour les besoins de la poursuite d'activité si elle peut être rattachée à cette poursuite. Il en sera ainsi spécialement de toutes les obligations légales, fiscales et sociales. La créance en question doit se rattacher à l'activité professionnelle du débiteur.

La créance est la contrepartie d'une prestation lorsque le créancier a fourni une prestation au débiteur, ce qui se rattache schématiquement à la poursuite des contrats en cours et à la conclusion des contrats nouveaux. Peu importe que la créance se rattache à l'activité professionnelle du débiteur.

Ces deux premiers types de créances peuvent être considérés comme contingents par rapport à la procédure collective, ce qui signifie que la créance est née pendant la procédure collective, mais qu'elle aurait parfaitement pu naître en dehors de la poursuite d'activité. Ces créances doivent être nées soit en période d'observation, soit pendant la poursuite d'activité en liquidation judiciaire. Ces créances ne sont plus couvertes par le traitement préférentiel si elles sont nées en liquidation judiciaire en dehors de la poursuite provisoire d'activité.

La créance est née pour les besoins du déroulement de la procédure lorsque la procédure collective est le cadre obligé à la naissance de la créance. Ce type de créance est inhérent à la procédure collective, en ce sens que, par principe, la créance n'aurait pu naître sans l'ouverture de la procédure collective.

Il faut toutefois considérer que certaines créances contingentes seront nées pour les besoins du déroulement de la procédure. Il en ira ainsi pour des créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la liquidation judiciaire, en dehors de la poursuite d'activité, et qui vont permettre de respecter les finalités de la liquidation judiciaire. Ainsi, la poursuite du bail commercial, qui va rendre possible la cession du fonds de commerce en ce compris le droit au bail, rentre dans cette catégorie. En réalité, on peut remarquer que les créances ont continué à naître au-delà des besoins de l'activité. S'il n'avait pas été question de réaliser au mieux les actifs du débiteur -objectif de la liquidation judiciaire-, le bail aurait du être résilié et les locaux restitués au bailleur. Finalement, on s'aperçoit que les loyers supplémentaires qui sont nés, au-delà des stricts besoins de la poursuite d'activité, s'inscrivent dans les besoins du déroulement de la liquidation judiciaire. En ce sens, on peut considérer que ces loyers supplémentaires ne sont pas simplement contingents par rapport à la liquidation judiciaire. S'ils n'avaient pas été question de réaliser le fonds de commerce avec le droit au bail, ces loyers supplémentaires ne seraient pas nés. Ainsi, il apparaît que les loyers supplémentaires nés pour permettre la cession du fonds de commerce sont bien inhérents à la liquidation judiciaire. Ils ne seraient pas nés en nombre aussi importants s'il n'avait été question des exigences du déroulement de la liquidation judiciaire et des opérations de réalisations d'actifs qu'elle comporte.

On le voit, la notion de créance inhérente à la procédure collective peut donc permettre de rendre compte de toutes les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure.

Terminons en indiquant la curieuse situation dans laquelle se trouve en l'espèce le bailleur à usage d'habitation. Il ne peut être payé au titre des loyers du bail nés après expiration de la poursuite d'activité autorisée en liquidation judiciaire -et non simplement échus comme l'énonce la Cour de cassation, l'exigibilité ne permettant pas de répondre du fait générateur d'une créance- puisque sa créance n'est pas éligible au traitement préférentiel. La règle de l'interdiction des paiements de l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3389ICI) s'applique à lui. Pas davantage, il ne peut agir en résiliation de son contrat, faute de pouvoir fonder son action sur une créance postérieure méritante (C. com., art. L. 622-21, I, 2° N° Lexbase : L3452ICT). Ainsi, il apparaît prisonnier d'un contrat, dont il ne pourra obtenir paiement.

N'est-ce pas beau, ça ? Cela porte un nom : c'est une malfaçon législative, qui ne nous semble guère constitutionnelle en ce qu'elle méconnaît totalement le droit de créance, qui peut être appréhendé comme un droit de propriété, et que le législateur pourrait penser à corriger s'il lui advenait de revoir prochainement sa copie, comme on l'annonce.

Pour cela, le législateur pourra penser à modifier l'article L. 641-13, I du Code de commerce en supprimant à la fin de cette disposition l'expression "pendant ce maintien d'activité" et la remplaçant par l'expression "pendant la liquidation judiciaire". Il n'est en effet pas judicieux d'avoir déconnecté les règles de la continuation des contrats en cours, qui continuent à s'appliquer en dehors de toute poursuite provisoire d'activité en liquidation judiciaire, de celles qui attribuent aux créanciers postérieurs un traitement préférentiel : si le contrat se poursuit pendant la liquidation judiciaire, indépendamment de toute poursuite d'activité, le cocontractant doit pouvoir recevoir son paiement.

Simple et logique, non ?

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise


(1) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 6ème éd., 2012/2013, n° 813.54.
(2) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.
(3) En ce sens Ph. Pétel, Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II - commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, JCP éd. E, 2009, 1049, n° 37.
(4) Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-19.100, publié (N° Lexbase : A4739AB7), Bull. civ. IV, n° 316, Dr. sociétés, 1994, n° 93, obs. Y. Chaput ; Cass. com., 6 décembre 1994, deux arrêts, n° 92-18.722, publié (N° Lexbase : A3941ACX) et n° 92-16.931, publié (N° Lexbase : A7137ABX), Bull. civ. IV, n° 365 et n° 367, LPA, 23 janvier 1995, p. 10, note B. Soinne, Rev. huissiers, 1995, 449, note Courtier, JCP éd. E, 1995, I, 457, n° 14, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 1995, II, 698, note L. Leveneur ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-16.113, publié (N° Lexbase : A1207ABC), Bull. civ. IV, n° 11, D., 1996, somm. 213, obs. F. Pérochon.
(5) En ce sens Ph. Pétel, Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II - commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008", préc..
(6) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.
(7) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.

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