Lexbase Fiscal n°851 du 21 janvier 2021 : Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Régime fiscal des impatriés et modalités d’application de l’article 155 B du Code général des impôts

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 22 décembre 2020, n° 427536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A07454B9)

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par Fleur Chidaine, Avocate au Barreau de Saint-Denis, La Réunion, Séraphin et associés

le 18 Janvier 2021


Mots clés : régime fiscal des impatriés •  CGI, art. 155 B • impôt sur le revenu

Par décision du 22 décembre dernier, le Conseil d’État est venu annuler une décision de la cour administrative d’appel de Paris sur un contentieux qui opposait un contribuable impatrié à l’administration fiscale.


 

Pour rappel, il existe en droit français un régime fiscal en faveur des impatriés leur permettant de bénéficier de mesures temporaires d’exonération d’impôt sur le revenu sous conditions de ne pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des 5 années civiles précédant la prise des fonctions et de fixer en France leur domicile fiscal. Lorsque ces conditions sont réunies, les impatriés peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu en France jusqu’à la huitième année suivant celle de leur prise de poste.

Les faits qui opposaient les contribuables à l’administration française se basaient sur la rédaction de l’article 155 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L8959LN7) dans sa rédaction en vigueur avant l’adoption de la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317, du 28 décembre 2018, de finances pour 2019 N° Lexbase : L6297LNK).

Dans les faits, un contribuable résident fiscal britannique, salarié depuis plus de vingt ans d’une entreprise localisée au Royaume-Uni, avait été approché en interne par une entreprise française du même groupe (HSBC) afin de rejoindre leurs équipes, en France, dans le cadre de nouvelles fonctions de management. Le contribuable a, par conséquent, rompu son contrat de travail pour rejoindre le 1er mars 2010 l’entreprise localisée en France dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Pensant bénéficier du dispositif précité prévu par le code général des impôts (ci-après le « CGI »), le contribuable a demandé l’application de l’exonération d’impôt sur le revenu forfaitaire de 30 % de sa rémunération. En effet, l’article 155 B du CGI dans sa rédaction alors en vigueur prévoyait que :

« I. – 1. Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter (N° Lexbase : L1776HLD) appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre État, à hauteur de 30 % de leur rémunération ».

À la suite d’un contrôle sur pièce des déclarations de revenus du couple, l’administration fiscale leur a transmis une proposition de rectification en date du 22 juillet 2014 dans laquelle elle a remis en cause le bénéfice du régime forfaitaire prévu à l’article 155 B du CGI dans la mesure où le contribuable en question se serait prévalu du dispositif alors même qu’il n’avait pas bénéficié d’un recrutement direct de l’étranger par une entreprise établie en France mais d’une mobilité entre société appartenant au même groupe. En d’autres termes, l’administration fiscale distinguait les premiers impatriés visés par l’article précité, savoir ceux « appelés de l’étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée », des seconds, savoir « ceux qui n’avaient pas été appelés par une entreprise établie dans un autre État ».

Leur demande ayant été rejetée par le tribunal administratif de Paris [1], les contribuables ont demandé l’annulation de cette décision devant la cour administrative d’appel de Paris [2], laquelle a, dans un arrêt du 5 décembre 2018, prononcé la décharge des impositions mises à leur charge au motif que le changement de poste du contribuable était dû non pas à une mobilité intragroupe mais à un recrutement à l’étranger par une entreprise établie en France. Selon la cour administrative d’appel, il convenait uniquement de s’intéresser aux modalités de recrutement du contribuable.

C’est dans ce contexte que le ministre de l’action et des comptes publics a demandé au Conseil d’État l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris.

Ce dernier, reprenant la lettre de l’article 155 B du CGI dans sa rédaction en vigueur à l’époque, précise qu’ « il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie de laquelle elles sont issues, que seules les personnes recrutées directement à l’étranger par une entreprise installée en France, et non les personnes effectuant une mobilité entre entités d’un même groupe, peuvent bénéficier, sur option, de l’exonération d’imposition forfaitaire de 30 % de leur rémunération ». Analysant les pièces du dossier, le Conseil d’État relève que si le contribuable avait « rompu tout lien juridique avec la société HSBC UK avant de conclure un contrat à durée indéterminée avec la société HSBC France, il a néanmoins continué à travailler au sein du même groupe, a bénéficié, lors de son embauche en France, d’une dispense de période d’essai ainsi que de la reprise intégrale de son ancienneté dans le groupe et s’en est d’ailleurs lui-même prévalu, dans un courrier adressé le 26 mai 2014 à l’administration fiscale, d’avoir fait l’objet d’une mobilité intragroupe ».

Tirant les conséquences de ces éléments, le Conseil d’État ajoute qu’ « il s’ensuit qu’en jugeant que M. A avait fait l’objet d’un recrutement direct à l’étranger par une entreprise établie en France et pouvait, en conséquence, bénéficier de l’option en faveur de l’exonération forfaitaire d’imposition de sa rémunération prévue par l’article 155 B du CGI, alors que son embauche en France résultait d’une mobilité au sein du groupe HSBC, la cour a inexactement qualifié les faits ». L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris est donc annulé et l’affaire renvoyée.

La différence entre les deux situations avait tout son sens, puisqu’ayant un impact sur les modalités d’exonération de la prime d’impatriation. En effet, le contribuable peut solliciter l’exonération de la prime pour son montant réel à condition que ledit montant apparaisse distinctement sur le contrat de travail, ce qui nécessite, si la prime n’est pas fixée pour son montant réel, d’être déterminable sur la base de critères objectifs. Cette possibilité était la seule ouverte pour les personnes « appelées par une entreprise étrangère auprès d’une entreprise établie en France pendant une période limitée » (mobilité interne). La seconde catégorie d’impatriés, les personnes « recrutées directement à l’étranger par une entreprise établie en France », pouvaient quant à elle solliciter l’exonération évaluée de façon forfaitaire et réputée égale à 30 % de la rémunération nette.

Or, dans les faits de l’espèce, le contribuable était, selon la cour administrative d’appel, recruté directement à l’étranger par une entreprise localisée en France, tandis que pour le Conseil d’État les différents éléments rapportés prouvent l’existence d’une mobilité intragroupe, laquelle ne permet pas de bénéficier de l’exonération forfaitaire.

Cette interprétation restrictive des textes pose question, d’autant plus que l’évolution du régime des impatriés a conduit le législateur à unifier les modalités d’exonération de la prime.

Il est intéressant en effet à la lecture des faits qui sont ici rapportés et de l’interprétation qui en est faite tant par les juges du fonds que par le Conseil d’État, de reprendre rapidement l’historique du régime fiscal des impatriés en France.

Le dispositif initial tel que créé par la loi de finances rectificative pour 2003 [3] bénéficiait aux dirigeants et salariés appelés par une entreprise établie à l’étranger à occuper un emploi pour une durée déterminée dans une entreprise établie en France. Le dispositif visé était donc réservé aux contribuables qui étaient préalablement employés par l’entreprise établie hors de France, laquelle devait posséder des liens avec l’entreprise d’origine.

Par la suite, la loi pour la modernisation de l’économie dite loi « LME » du 7 aout 2008 [4] est venu étendre le bénéficie du dispositif aux recrutements directs par une entreprise établie en France. Il en résultait à cette époque, et notamment à l’époque à laquelle le dispositif s’est installé en France, deux catégories d’impatriés :

  • ceux appelés par une entreprise étrangère auprès d’une entreprise établie en France pour une durée déterminée ;
  • ceux recrutés directement de l’étranger par une entreprise établie en France.

Le contribuable opposé à l’administration fiscale se situait selon la cour administrative d’appel dans la seconde de ces deux catégories, lui permettant de bénéficier de l’évaluation de l’exonération forfaitaire de 30 % de sa rémunération, tandis que le Conseil d’État estime au contraire qu’il bénéficiait bien d’une mobilité interne à un groupe, ne bénéficiant pas de l’exonération forfaitaire.

La loi de finances pour 2019 [5] est venue unifier les modalités d’exonération de la prime d’impatriation en étendant la fameuse option pour l’évaluation forfaitaire de 30 % aux personnes s’installant en France dans le cadre d’une mobilité intragroupe en contrat local pour les prises de postes intervenues à compter du 16 novembre 2018. Dorénavant, l’article 155 B du CGI est ainsi rédigé comme suit :

« I. – 1. Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation ou, sur option, à hauteur de 30 % de leur rémunération. »

Il résulte de cette nouvelle rédaction que, dorénavant, bénéficient sur option de l’exonération à hauteur de 30 % de leur rémunérations l’ensemble des salariés et personnes mentionnées à l’article susmentionné appelées de l’étranger à occuper un poste établi en France pendant une période limitée, que la modification soit faite sur la base d’une mobilité intragroupe ou non.

Quel impact dans ma pratique ? dans la mesure où la loi de finances pour 2019 est venue unifier le bénéfice du dispositif de l’évaluation de l’exonération forfaitaire à 30% de leur rémunération à l’ensemble des impatriés visés par l’article 155 B du CGI, la présente décision n’a que peu d’impact pour l’avenir, si ce n’est qu’elle vient éclairer les praticiens sur l’interprétation, restrictive, du texte, par la jurisprudence, dans sa rédaction en vigueur avant la loi de finances pour 2019. En effet, pour les contribuables dont la prise de fonction est antérieure au 16 novembre 2018 et qui se trouvent en contentieux face à l’administration fiscale dans le cadre d’un tel litige, il convient de retenir que la jurisprudence du Conseil d’État interprète de façon stricte le texte et limite l’application de l’évaluation forfaitaire de 30 % aux seuls contribuables recrutés directement de l’étranger par une entreprise établie en France, étant entendu qu’au cas présent le fait que le contribuable ait rompu son contrat de travail pour en signer un nouveau, ou qu’il n’y ait pas eu d’accord entre l’entreprise localisée en France et celle localisée à l’étranger ne suffisent pas pour exclure la mobilité interne au sein d’un même groupe.

[1] TA Paris, 26 octobre 2017, n°1605683/2-2 (N° Lexbase : A2469YRU).

[2] CAA Paris, 5 décembre 2018, n° 17PA03909 (N° Lexbase : A7375YPT).

[3] Loi n° 2003-1312, du 30 décembre 2003, de finances rectificative pour 2003 (N° Lexbase : L6330DME).

[4] Loi n° 2008-776, du 4 août 2008, de modernisation de l’économie (N° Lexbase : O4542AHP).

[5] Loi n° 2018-1317, du 28 décembre 2018, de finances pour 2019, art. 6 (N° Lexbase : L6297LNK).

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