La lettre juridique n°366 du 8 octobre 2009 : Environnement

[Questions à...] Enjeux de la loi "Grenelle I" : questions à Nicolas Nahmias, avocat associé d'AdDen avocats - cabinet spécialisé en droit public et en droit de l'environnement

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[Questions à...] Enjeux de la loi "Grenelle I" : questions à Nicolas Nahmias, avocat associé d'AdDen avocats - cabinet spécialisé en droit public et en droit de l'environnement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212018-questions-a-enjeux-de-la-loi-grenelle-i-questions-a-b-nicolas-nahmias-avocat-associe-dadden-avocats-
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 07 Octobre 2010

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (N° Lexbase : L6063IEB), a été publiée au Journal officiel du 5 août 2009. Ce texte, sans pour autant comporter de dispositions d'application directe -ce rôle étant dévolu au projet de loi "Grenelle II"-, transcrit, toutefois, des modifications importantes dans tous les secteurs participant à la dégradation de l'environnement ou au changement climatique. Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, le texte confirme l'engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2050, en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de GES dans l'atmosphère. Il prévoit, également, de porter la part des énergies renouvelables à, au moins, 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020. Cet engagement se traduit par différentes mesures touchant, par exemple, au BTP, aux infrastructures routières, à la biodiversité, à l'agriculture ou, encore, à la santé. Pour faire le point sur les enjeux principaux du texte, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Maître Nicolas Nahmias, associé d'AdDen avocats, cabinet d'avocats spécialisé en droit public et en droit de l'environnement. Lexbase : Quelle est la plus-value de la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement par rapport à d'autres textes protecteurs de l'environnement préexistants, telles les lois n° 2008-757 du 1er août 2008, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (N° Lexbase : L7342IA8), ou n° 2005-205 du 1er mars 2005, relative à la Charte de l'environnement (N° Lexbase : L0268G8G) ?

Nicolas Nahmias : La Charte de l'environnement a érigé en principes constitutionnels les principes fondamentaux du droit de l'environnement (principes de précaution, pollueur-payeur, de prévention, et du droit à la santé). Elle a donc constitué une consécration symbolique du droit à un environnement durable.

La loi de 2008 transposait une Directive de 2004 sur "la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux" (Directive (CE) 2004/35 du 21 avril 2004 N° Lexbase : L2058DYU). Il s'agissait donc, principalement, de mettre en oeuvre ce principe pollueur-payeur (C. envir., art. L. 110-1 N° Lexbase : L2175ANU). Elle s'adressait aux exploitants en énumérant les mesures de prévention et de réparation qu'ils doivent prendre, et en précisant les sanctions administratives et pénales qu'ils encourent en cas de manquement.

La loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi "Grenelle I", c'est autre chose. Il ne s'agit plus d'affirmer l'importance de l'environnement, mais de constater la nécessité d'agir vite si l'on veut éviter que la situation ne devienne purement et simplement irréversible (point sur lequel il y a déjà un débat). Plus qu'un énième texte relatif à la protection de l'environnement, la loi "Grenelle I" révèle donc un renversement de perspective accompagnant une prise de conscience d'un nouveau genre.

En pratique, elle fixe donc à l'action de l'Etat des objectifs qualitatifs et quantitatifs face à l'urgence écologique. Cette loi se veut une "boîte à outils" pour l'Etat et les collectivités locales afin de mettre en oeuvre la lutte contre le changement climatique, de préserver la biodiversité, et de contribuer à un environnement respectueux de la santé.

Le nouveau modèle de développement durable présenté par la loi "Grenelle I" intègre, également, des objectifs en termes de gestion des déchets, et l'engagement de l'Etat à créer une contribution "climat-énergie", la fameuse "taxe carbone" figurant dans le projet de loi de finances pour 2010.

Lexbase : Des moyens coercitifs d'application efficients sont-ils prévus par les pouvoirs publics et à quelle échéance, la concrétisation des objectifs prévus dans les textes étant souvent le "talon d'Achille" des textes en matière d'environnement ?

Nicolas Nahmias : Non, la loi "Grenelle I" ne prévoit pas de mesures coercitives.

Elle confirme, toutefois, l'engagement de la France à "diviser par quatre ses émissions de GES entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de GES dans l'atmosphère, afin de ramener, à cette échéance, ses émissions annuelles de GES à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone" (article 2).

Elle fixe également l'engagement de la France à "porter la part des énergies renouvelables à, au moins, 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020" (article 2).

Elle arrête, également, des objectifs nationaux telle que la réduction de la production d'ordures ménagères de 7 % par habitant pendant les cinq prochaines années.

Elle édicte, enfin, quelques normes contraignantes, comme, par exemple, l'obligation, pour les constructions neuves, de ne pas consommer plus de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en 2012.

Mais les mesures concrètes, opérationnelles et véritablement contraignantes résulteront de l'adoption de la loi "Grenelle II", actuellement en discussion au Sénat. Elle devrait apporter des modifications notables au Code de l'environnement (la suppression des zones de publicité autorisée par exemple, ou encore le renforcement de la réglementation concernant la vente de produits phytosanitaires), au Code de l'urbanisme (en ce qui concerne la construction écologique ou l'installation de systèmes solaires thermiques ou photovoltaïques, ou encore l'avis des architectes de Bâtiments de France pour les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager), ainsi qu'au Code général des impôts (la mise en place d'une taxe sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis, résultant de la réalisation d'infrastructures de transports ou l'installation de péages urbains expérimentaux). L'entrée en vigueur de cette loi "Grenelle II" ne devrait pas intervenir avant la fin de l'année.

Lexbase : Les pays européens de poids économique comparable à la France ont-ils pris des mesures semblables ?

Nicolas Nahmias : En matière de contribution "climat-énergie", la Suède fait figure de pionnier, puisqu'elle applique depuis 1991 une taxe carbone sur les combustibles fossiles et qu'elle renforce chaque année ce mécanisme. De 27 euros la tonne de CO² à l'origine, la taxe atteint aujourd'hui 108 euros. Le Gouvernement suédois cherche, désormais, un moyen de contraindre plus fortement les industries : seules 21 % d'entre elles sont actuellement redevables de cette taxe (contre 100 % des ménages).

La présidence française de l'Union européenne durant les six derniers mois de l'année 2008 a coïncidé avec la discussion de cette loi "Grenelle I" devant l'Assemblée nationale. Le Gouvernement avait alors essayé d'influencer nos voisins et de les inciter à mettre en oeuvre des consultations et concertations nationales semblables à celle qui a abouti à cette loi "Grenelle I". Malheureusement, la crise financière les a momentanément détournés de cette priorité, et le sommet européen de Bruxelles de juin dernier sur le climat a été un fiasco.

Le sommet de Copenhague qui aura lieu en décembre prochain devrait replacer la lutte contre le changement climatique sous les feux de l'actualité : l'Australie, la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, le Japon, l'Indonésie et bon nombre de pays européens ont, d'ores et déjà, fait part de leurs bonnes intentions. Le sommet de Bangkok qui se termine cette semaine doit délivrer un document synthétique les résumant, afin de permettre à tous ces intérêts souvent divergents de partir d'une même base. Mais parviendront-ils à trouver un accord et si c'est le cas, à le mettre en oeuvre ?

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