La lettre juridique n°366 du 8 octobre 2009 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] Sur les conséquences de l'exercice du droit d'option

Réf. : Cass. civ. 3, 16 septembre 2009, n° 08-15.741, Société Institut conseil, FS-P+B (N° Lexbase : A0989EL9)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 07 Octobre 2010

Les frais qui sont mis à la charge du bailleur qui, exerçant son droit d'option, refuse le renouvellement du bail, sont exclusivement les frais exposés avant l'exercice de ce droit et non ceux d'une nouvelle procédure engagée postérieurement pour fixer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation. Tel est l'enseignement inédit d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 16 septembre 2009. En l'espèce, par acte du 26 juillet 1999, le propriétaire de locaux à usage commercial donné à bail avait signifié à son preneur un congé avec offre de renouvellement, moyennant un certain loyer qui avait, ensuite, été fixé judiciairement. Le propriétaire avait exercé, le 24 juin 2002, son droit d'option comportant refus de renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction et avait assigné le locataire en fixation de cette indemnité et de l'indemnité d'occupation. Une expertise avait été ordonnée pour déterminer le montant de ces indemnités. En cause d'appel, et après expertise, ces indemnités avaient été fixées et les frais de cette expertise ont été répartis pour moitié entre le propriétaire et le locataire (CA Paris, 16ème ch., sect. B, 20 mars 2008, n° 06/17172, SARL Institut Conseil c/ Mme Claude Lahalle N° Lexbase : A6278D8Z). Le preneur s'est alors pourvu en cassation sur cette répartition des frais d'expertise en soutenant qu'ils devaient incomber dans leur intégralité au propriétaire.

I - Sur le mécanisme du droit d'option

Le droit d'option est un mécanisme particulier qui permet au bailleur ou au preneur d'un bail commercial de refuser le renouvellement alors que les parties étaient initialement d'accord sur le principe du renouvellement. Hormis l'hypothèse d'un accord express et amiable sur le renouvellement du bail commercial, qui peut même être stipulé dès la conclusion du contrat (Cass. civ. 3, 27 octobre 2004, n° 03-15.769, FS-P+B N° Lexbase : A7412DDU, nos obs., Rev. loyers, 2004/252, n° 20, p. 682,), un renouvellement peut s'opérer, soit par la délivrance d'un congé du bailleur portant offre de renouvellement (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2243IBP), généralement avec une proposition de nouveau loyer, soit par l'acceptation, tacite ou expresse, du bailleur d'une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L2308IB4).

A moins qu'un accord ne soit trouvé entre les parties sur le montant du loyer, l'acceptation du renouvellement pouvant s'effectuer sans cet accord, le juge des loyers est généralement saisi afin de fixer le montant du loyer en renouvellement (sur ce point, cf. l’Ouvrage "baux commerciaux", Le litige portant sur la détermination du loyer du bail révisé ou renouvelé : la compétence du président du TGI [LXB= E6901AZM]).

Cependant, même une fois amorcé, le processus de renouvellement du bail commercial n'est pas irrémédiable puisqu'aux termes du statut des baux commerciaux : "pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.
Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais
" (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4).

Ce texte reconnaît aux parties un "droit d'option" qui leur permet, alors même qu'une instance en fixation du loyer en renouvellement serait en cours, de renoncer au renouvellement. Ce droit doit être exercé avant l'expiration du délai d'un mois courant à compter de la signification de la décision définitive statuant sur le montant du loyer en renouvellement. Si ce texte est rédigé de telle manière qu'il envisage l'exercice du droit d'option dans l'hypothèse où un jugement statuant sur le loyer en renouvellement serait rendu, la Cour de cassation a précisé que le délai d'un mois, dont dispose les parties pour exercer leur droit d'option, constituait une limite maximale pour renoncer au bénéfice du renouvellement et que les parties pouvaient l'exercer antérieurement (Cass. civ. 3, 9 octobre 1974, n° 73-11.561, Epoux Doléans c/ Maire d'Angers N° Lexbase : A8414AH4 ; Cass. civ. 3, 15 février 1983, n° 81-11.486, Consorts Auboin c/ Compagnie Assurances Le Nord N° Lexbase : A7589AG8 ; Cass. civ. 3, 2 décembre 1992, n° 90-18.844, Société Arts Litho c/ M. Leclert N° Lexbase : A3220ACA). L'absence de corrélation entre une procédure en fixation du loyer et le droit d'option a conduit la Cour de cassation a admettre que ce dernier pouvait être exercé même en présence d'une clause recettes (Cass. civ. 3, 24 novembre 2004, n° 03-14.620, FS-P+B N° Lexbase : A0368DED ; Cass. civ. 3, 11 janvier 2006, n° 04-18.475, Société Compagnie restaurants et caféterias (CRC) c/ Société Sogefin, FS-D N° Lexbase : A3439DMC), étant rappelé que l'existence d'une telle clause rend impossible toute fixation judiciaire du loyer en renouvellement (Cass. civ. 3, 10 mars 1993, n° 91-13.418, Théâtre Saint-Georges c/ Compagnie foncière Saint-Dominique N° Lexbase : A5622ABT).

La possibilité d'exercer un droit d'option reste, toutefois, subordonnée à l'absence d'accord sur le loyer en renouvellement. Une fois un tel accord intervenu, tant sur le principe du renouvellement que sur le montant du loyer renouvelé, le droit d'option ne peut plus être exercé (Cass. civ. 3, 6 décembre 1995, n° 94-10.611, Société Les Grands Bains Simart, société à responsabilité limitée c/ M. Georges Rohmer et autres N° Lexbase : A8675AGE ; CA Paris, 16ème ch., sect. B, 21 juin 2007, n° 06/09336, SARL Foncière Saint-Honoré c/ SARL Marcellin N° Lexbase : A4905DYC).

Dans l'espèce commentée, le propriétaire avait exercé son droit d'option à la suite d'un jugement ayant fixé le montant du loyer en renouvellement.

Le droit d'option ne doit pas être confondu avec le droit de repentir (C. com., art. L. 145-58 N° Lexbase : L5786AI7) qui est la possibilité accordée au bailleur, qui a refusé de renouveler le bail, de revenir sur sa décision. Tant le droit d'option que celui de repentir ont un caractère irrévocable (C. com., art. L. 145-59 N° Lexbase : L5787AI8).

Le droit d'option permet donc à la partie qui préfère ne pas voir le bail se renouveler, éventuellement en raison du prix fixé par le juge des loyers (pas assez élevé pour le bailleur ou trop élevé pour le preneur) de mettre un terme à leurs relations contractuelles.

II - Sur les conséquences financières de l'exercice du droit d'option

Lorsque le bailleur exerce son droit d'option, il devient, en principe, débiteur d'une indemnité d'éviction dont la vocation est de réparer le préjudice subi par le preneur du fait de son éviction (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII).

La fixation du montant de l'indemnité d'éviction s'effectuera, en principe, sauf accord des parties sur son montant, à la suite d'une expertise judiciaire. Le choix du bailleur de renouveler le bail ou de refuser ce renouvellement dépendra, le plus souvent, du montant du loyer et, en comparaison, de celui de l'indemnité d'éviction. Afin d'exercer un choix "éclairé", certains bailleurs, alors même qu'une procédure en fixation du loyer en renouvellement était en cours, avaient saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3) afin de voir désigné un expert judiciaire avec mission de fixer le montant de l'indemnité d'éviction. Si cette demande a pu être accueillie par certains juges du fond, la Cour de cassation a récemment refusé au bailleur la possibilité de recourir à une expertise in futurum à cette fin, en affirmant que tant que le bailleur n'avait pas exercé sont droit d'option, il n'existait pas de litige potentiel (Cass. civ. 3, 16 avril 2008, n° 07-15.486, FS-P+B+I N° Lexbase : A9366D7Z ; cf. les obs. d'E. Vergès, La demande d'expertise in futurum est soumise à l'existence d'un litige potentiel, in La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N3595BGA).

Le bail, dont le renouvellement avait été initialement convenu, prendra fin à sa date d'expiration, à savoir le terme contractuel ou le dernier jour du trimestre civil en cas de tacite prorogation (C. com., art. L. 145-9, L. 145-10 et L. 145-12 N° Lexbase : L2273IBS). Le locataire se trouvera donc rétroactivement occupant sans droit ni titre à compter de cette dernière date alors qu'il aura continué à occuper les lieux compte tenu du renouvellement initialement envisagé du bail. Il deviendra, en conséquence, à compter de la date d'expiration du bail et non à compter de celle de la notification du droit d'option (Cass. civ. 3, 7 novembre 1984, n° 83-13.550, Mme Caillet c/ SARL Margaret N° Lexbase : A2481AA7), débiteur d'une indemnité d'occupation.

Lorsque c'est le bailleur qui exerce le droit d'option, l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative conformément à l'article L. 145-28 du Code de commerce (N° Lexbase : L5756AIZ), même si le bail comporte une clause recettes (Cass. civ. 3, 3 octobre 2007, n° 06-17.766, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6191DYX et nos obs., Clause-recettes, droit d'option et indemnité d'occupation, Lexbase Hebdo n° 279 du 1er novembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9106BCA). Cette valeur locative est souvent affectée d'un abattement pour précarité, le preneur ne pouvant pleinement déployer son activité compte tenu de son départ imminent (Cass. civ. 3, 21 février 2001, n° 99-11.035, Société des Etablissements de l'Hôtel de Than c/ Société Union du meuble N° Lexbase : A3348ARG).

L'indemnité d'occupation due par le preneur qui a exercé son droit d'option est, en revanche, une indemnité de droit commun dont le montant peut excéder la valeur locative des lieux (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-22.764, Société Selectinvest c/ Société des Editions Bordas N° Lexbase : A5581ACP). Il a, cependant, été jugé, dans une espèce où le preneur avait exercé son droit d'option, que l'indemnité d'occupation due entre la date à laquelle le bail a pris fin et l'exercice du droit d'option est de nature statutaire et s'établit au montant de la valeur locative en renouvellement (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 24 octobre 2007, n° 04/21937, SARL Gestion Gacey c/ Charmet N° Lexbase : A6204DPH). La cour d'appel de Paris, dans cette même décision, a considéré que, lorsque c'est le locataire qui a librement fait le choix de renoncer au renouvellement du bail qui lui était offert, la valeur locative ne devait pas subir un abattement pour précarité.

Enfin, l'article L. 145-57 du Code de commerce précise que le droit d'option s'exerce "à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord [sur le renouvellement] de supporter tous les frais". La jurisprudence est plutôt rare sur cette notion de "frais". Par analogie avec une décision rendue à propos du droit de repentir et dans la mesure où l'article L. 145-58 du Code de commerce met à la charge du bailleur qui l'exerce "les frais de l'instance", il pourrait être soutenu que ces frais ne se réduisent pas aux frais de procédure c'est-à-dire les frais taxables (Cass. civ. 3, 27 mars 2003, n° 00-22.534, FS-P+B N° Lexbase : A3886AYL).

L'arrêt rapporté, directement relatif à la détermination des frais qui incombent à la partie qui exerce son droit d'option, précise que ces frais ne peuvent concerner que les frais exposés avant l'exercice de ce droit et non ceux de la nouvelle procédure engagée postérieurement en fixation des indemnités d'occupation et d'éviction qui vont se trouver dues. La solution doit être approuvée. Il est justifié, en effet, de faire supporter à la partie qui exerce un droit, qui rend inutile une procédure antérieure de fixation du loyer en renouvellement, les frais engendrés par cette procédure. Il serait, en revanche, injustifié de lui faire supporter à elle seule les frais liés à la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction et d'occupation, frais qui auraient été exposés en tout état de cause si le refus de renouvellement avait eu lieu ab initio, le preneur et le bailleur ayant autant chacun intérêt à ce que le montant de ces indemnités soit fixé.

En l'espèce, le preneur critiquait la décision des juges du fond qui avait réparti par moitié entre chacune des parties les frais d'expertise en soutenant que seul le bailleur, dans la mesure où il avait exercé son droit d'option, devait supporter ces frais. L'argument est rejeté compte tenu de la règle précédemment énoncée selon laquelle les frais supportés par celui qui exerce son droit d'option sont ceux antérieurs à l'exercice de ce droit. La répartition des frais d'expertise judiciaire, qui ressortissent des dépens (C. proc. civ., art. 695 N° Lexbase : L4893GUR), devait donc s'effectuer selon le droit commun (C. proc. civ., art. 696 N° Lexbase : L2972ADG), le juge du fond disposant en la matière, selon l'arrêt rapporté, d'un pouvoir discrétionnaire.

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