La lettre juridique n°366 du 8 octobre 2009 : Éditorial

Avocat, au-delà de la radicule, le cotylédon : éveil d'une communauté de juristes

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Avocat, au-delà de la radicule, le cotylédon : éveil d'une communauté de juristes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212016-avocat-audela-de-la-radicule-le-cotyledon-eveil-dune-communaute-de-juristes
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"Il n'y a plus de corporations dans l'Etat ; il n'y a plus que l'intérêt de chaque individu et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux autres citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation". Fallait-il que Isaac-René-Guy Le Chapelier, inspirateur de la loi de 1791 interdisant les associations et les corporations, fut avocat, pour oublier, tel un cordonnier -bien qu'il fut plutôt Jacobin- mal chaussé, qu'une corporation peut avoir aussi comme ambition noble, la promotion de l'intérêt général -en l'occurrence celle du droit, des libertés fondamentales et de l'efficacité de la justice-.

Certes, la profession d'avocat, réunie autour des Ordres, de la Conférence des Bâtonniers et du Conseil national des Barreaux sait défendre ses intérêts et, à travers eux, l'intérêt général. Car, comme l'a sensiblement rappelé le Garde des Sceaux, lors de l'Assemblée générale du CNB, le 25 septembre dernier, sur lequel revient, cette semaine notre toute nouvelle édition professions : "Là où est la société est le droit. Là où est le droit est l'avocat". Et, de poursuivre : "Nos sociétés changent, les enjeux changent, les modalités de création et d'application du droit changent. Le métier d'avocat doit s'adapter, se moderniser, se diversifier". Le ton est donné -nous l'avions tout de même perçu auparavant-, la profession d'avocat, et plus généralement les professions du droit, sont "à la croisée des chemins", non pour accomplir une révolution, mais pour inventer le métier d'avocat de demain, lui pour lequel la capitulaire de Charlemagne de 802 et l'ordonnance de Philippe III le Hardi, organisant la profession, résonnent, encore parfois, comme le serment d'Hippocrate à l'oreille des médecins, pour mieux rappeler les siècles qui le contemplent.

Au menu de cette modernisation -que d'aucuns trouveront à marche forcée, mais qui pourtant aura été inspirée par un rapport remis au Président de la République par l'un des leurs, Jean-Michel Darrois-, le Président du CNB, Thierry Wickers, ne manqua pas de souligner la nécessité de faire naître en France une véritable communauté de juristes, à l'instar de ce qui existe dans la plupart des pays au monde. "L'homme ne peut rien faire en bien ou en mal qu'en s'associant. Il n'y a pas d'armure plus solide contre l'oppression ni d'outils plus merveilleux pour les grandes oeuvres", écrivait Pierre Waldeck-Rousseau, éminent avocat au barreau de Saint-Nazaire, à l'origine de la loi relative à la liberté des associations professionnelles ouvrières et patronales.

Ainsi, il convient, non seulement, de prévoir une formation professionnelle commune aux professions juridiques, mais aussi de favoriser la collaboration entre avocats et notaires. Renforcer la place du droit par un meilleur respect des conventions, tel est le but que permettra d'atteindre l'adoption de l'acte contresigné par avocat, introduit par le rapport "Darrois" et déjà en discussion parlementaire au travers la proposition de loi "Blanc". La procédure participative y contribuera également. Il s'agit pour les parties, assistées de leurs avocats, agissant dans le cadre d'une convention respectant le principe du contradictoire, et dans l'ombre portée du juge, de rechercher une solution à leur litige.

Dans le même sens, la proposition de loi du sénateur Béteille consacre la fusion entre avocats et les conseils en propriété intellectuelle. Et, si la fusion entre avocats et avoués, qui n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2011, est déjà sur les rails, le rapport "Darrois" tente aussi de répondre à une question qui donne lieu à des débats particulièrement vifs : celle de l'exercice de la profession d'avocat en entreprise -sur lequel l'Association française des juristes d'entreprise arécemment donné son sentiment (cf. notre édition professionnelle de la semaine dernière)-.

Mais attention, comme le soulignait judicieusement le ministre de la Justice, "la fusion n'est pas l'alpha et l'oméga du rapprochement des professions". "Ce qui rapproche, ce n'est pas la communauté des opinions, c'est la consanguinité des esprits" ironisait Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu. L'histoire de chaque profession juridique est ancienne, riche et singulière ; elle mérite d'être respectée, car elle a contribué à l'émergence, puis la défense, de la démocratie, de l'Etat de droit et, ce faisant, des libertés fondamentales. Et, chacun conviendra, avec le cardinal Mazarin, que "dans une communauté d'intérêts, il y a danger dès qu'un membre devient trop puissant"... C'est donc un savant dosage entre rapprochement des professions, cohésion de la communauté des juristes, et respect des identités professionnelles que le Gouvernement, à travers son arsenal législatif et réglementaire, aura les moyens d'ancrer le métier d'avocat dans le XXIème siècle ; comme semble être l'ambition du nouveau garde des Sceaux. Il ne s'agit pas de rire devant La Farce de Maître Pathelin, et qu'"à malin, malin et demi".

En attendant, les regroupements d'avocats sont un facteur de modernisation de la profession et une réponse à la concurrence internationale. Et, ces regroupements peuvent prendre la forme d'associations pour la réflexion juridique, dans de nouveaux domaines du droit applicable à de nouvelles activités économiques. Cyberlex est l'une de ces associations, véritable lieu d'échanges, où chacun s'exprime et tous débattent sur les orientations législatives, les affaires en cours, les prises de positions des acteurs, l'économie du numérique et les incidences des innovations technologiques sur le droit. Elle a pour particularité de réunir tous les profils des acteurs concernés : juristes d'entreprise ou d'organisations professionnelles, avocats et professionnels du marché et des technologies numériques. C'est parce que cette association s'inscrit dans le cadre d'un lieu d'échange interprofessionnel juridique que Lexbase - édition professions a rencontré le nouveau président de Cyberlex, Maître Jean-Marc Coblence, avocat associé du cabinet Coblence.

"Le droit est la plus puissante des écoles de l'imagination. Jamais poète n'a interprété la nature aussi librement qu'un juriste la réalité", écrivait Jean Giraudoux, dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu. Au-delà des murailles, c'est cette imagination dont les professionnels du droit ont besoin, aujourd'hui, pour élaborer la carte professionnelle juridique de demain.

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