Lexbase Fiscal n°599 du 29 janvier 2015 : Fiscal général

[Questions à...] Vers une fiscalité simplifiée ? - Questions à Maître Aurélie Charvot, Avocat à la Cour, et Chargée d'enseignement à l'Université Paris-Dauphine

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[Questions à...] Vers une fiscalité simplifiée ? - Questions à Maître Aurélie Charvot, Avocat à la Cour, et Chargée d'enseignement à l'Université Paris-Dauphine. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/22830547-questions-a-vers-une-fiscalite-simplifiee-questions-a-b-maitre-aurelie-charvot-avocat-a-la-cour-et-c
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 17 Mars 2015

L'idée revient régulièrement sur le devant de la scène médiatique dès qu'il s'agit d'évoquer un futur chantier législatif : la réforme visant une simplification fiscale. Evoquée par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 8 avril 2014, cette réforme devrait faire l'objet d'un projet de loi en 2015. Toutefois, la simplification fiscale ne semblerait pas être à la hauteur des attentes, notamment s'agissant de l'assiette et au mode de perception de l'impôt sur le revenu, et ne serait pas prête de voir le jour de si tôt. Pour en savoir plus sur cette question, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Maître Aurélie Charvot, Avocat à la Cour, et Chargée d'enseignement à l'Université Paris-Dauphine (www.charvot-avocat.com).

Lexbase : Un projet de loi pour une simplification fiscale devrait voir le jour en 2015, avec comme principal enjeu une meilleure lisibilité du droit fiscal. Pensez-vous concrètement qu'une telle mesure peut être réalisable, au regard du nombre de règles applicables et de la multiplicité des cas possibles en la matière ? Le droit fiscal, par essence, est-il voué à une éternelle complexité ?

Aurélie Charvot : Des réformes sont engagées, depuis un peu plus d'un an, visant à simplifier les démarches administratives et les normes législatives et règlementaires.

C'est dans ce contexte plus général qu'intervient ce projet de simplification fiscale, annoncé concrètement en novembre dernier. La matière fiscale, excessivement technique, est ressentie comme complexe par les contribuables, mais également par les professionnels. Ce sentiment est d'abord généré par des modifications législatives très rapprochées et souvent rétroactives, comme en matière de plus-values, par exemple.

Ensuite, par des obligations déclaratives qui peuvent sembler ingérables, tant pour les entreprises que pour les particuliers. 

Enfin, lors de la consultation nationale "quelles sont les démarches administratives qui vous irritent le plus ?", les usagers relèvent que "la réglementation fiscale paraît complexe et difficilement accessible par les usagers". Ces mêmes usagers soulignent qu'ils ne savent pas où s'adresser pour obtenir un renseignement fiable et que les réponses peuvent diverger en fonction des interlocuteurs.

Ces réflexions se confirment dans les faits. Par exemple, il est arrivé qu'un contribuable consulte son centre des Finances publiques afin de connaître le régime applicable à une indemnité. Il lui a été indiqué que cette indemnité n'était pas imposable. Deux ans plus tard, une proposition de rectification est envoyée, le service estimant que cette indemnité aurait dû être imposée. Cette anecdote vécue prouve, d'une part, que la complexité fiscale rend la fiscalité illisible aux professionnels et, d'autre part, qu'une réponse donnée par un agent, peut être remise en cause, ce qui est difficilement admissible. Une erreur commise, lors d'une interprétation par un service fiscal, qui serait favorable au contribuable, en présence d'un texte illisible, ne devrait pouvoir donner lieu à aucune rectification. La multiplicité des situations individuelles commande inévitablement une certaine complexité du droit fiscal.

Cette complexité n'est en soi pas critiquable. Le sont beaucoup plus en revanche l'insécurité juridique engendrée par une succession mal conduite de modifications législatives et l'absence d'une réelle qualité d'information des usagers par l'administration fiscale.

Lexbase : Concernant l'impôt sur le revenu, il est régulièrement évoqué l'instauration du prélèvement à la source. Serait-ce une bonne mesure, et pourrait-elle être applicable pour d'autres impositions ? Selon vous, quelles seraient les meilleures solutions afin de simplifier la fiscalité des particuliers ?

Aurélie Charvot : Lors de la consultation nationale "quelles sont les démarches administratives qui vous irritent le plus ?", en matière fiscale, la première demande des contribuables sur 146 contributions est la mise en place d'une retenue à la source de l'impôt. Le but étant de ne pas avoir à procéder à la rédaction d'une déclaration d'impôt. L'enjeu pour l'usager est donc en réalité la simplification des formalités déclaratives, plus que les modalités de paiement de l'impôt. Pourtant, ce voeu est également partagé par l'ensemble des partis politiques puisque l'enjeu essentiel de la mise en place d'un prélèvement à la source est de rendre l'impôt "indolore". L'impôt est d'une manière générale mieux accepté lorsqu'il est prélevé directement par l'entité qui verse un revenu. A l'inverse, lorsque l'on perçoit nos revenus, pour ensuite en reverser une partie, ce paiement est synonyme d'efforts.

Il est donc probable qu'une telle réforme rencontrerait très peu d'opposants, puisque les usagers y verraient des formalités allégées, tandis que l'avantage pour les politiques serait de rendre le paiement de l'impôt indolore.

Mais sa mise en place est assez complexe. En effet, la difficulté de la mise en place d'un prélèvement à la source repose sur le décalage d'un an entre les deux systèmes d'imposition. Si par exemple en 2015, il était décidé de mettre en place un prélèvement à la source sur les revenus 2015, les contribuables auraient à supporter un double prélèvement. A savoir l'imposition calculée pour la dernière fois sur les revenus de l'année précédente (2014) et l'imposition calculée pour la première fois sur les revenus de l'année en cours (2015). Ce qui rendrait le prélèvement intolérable au titre de cette année. C'est cette réflexion qui était à l'origine de la création de la CSG. L'idée étant de percevoir un nouvel impôt à la source, dont les taux augmenteraient progressivement, et dont la finalité serait de remplacer l'impôt sur le revenu.

Pour la première fois, l'année dernière, un avis unique comportant les prélèvements sociaux et l'impôt sur le revenu a vu le jour. C'est donc le premier aboutissement de cette réflexion sur la nécessité d'un prélèvement à la source qui fait l'objet d'un consensus au sein des gouvernements successifs. Mais il ne semble pas qu'il soit question pour l'instant d'une fusion réelle entre l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. Plusieurs années seront encore nécessaires à une telle fusion.

En revanche, une simplification des modalités déclaratives s'impose, ainsi qu'une nécessaire sécurité fiscale.

Lexbase : En tant que praticienne, quelles seraient les mesures de simplification les plus urgentes à mettre en place (en fiscalité immobilière, fiscalité des entreprises, etc.) ?

Aurélie Charvot : En matière de plus-values, tant mobilière qu'immobilière, les modifications législatives très rapprochées ont rendu la matière illisible. Il est difficilement concevable que des principes juridiques puissent être modifiés plusieurs fois au cours de la même année. En outre, et ce point a déjà fait couler beaucoup d'encre, il est en principe ingérable que sur des points cruciaux, la loi de finances s'applique rétroactivement à l'année déjà écoulée.

Dans la loi de finances pour 2015 (loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, de finances pour 2015 N° Lexbase : L2843I7G), cet écueil semble avoir été en partie évité, puisque de très nombreuses dispositions s'appliquent à compter de l'imposition des revenus 2015 et non 2014. Il a donc été tenu compte des mouvements d'indignation générés par les modifications législatives en matière de plus-values, au moins en ce qui concerne les entreprises. La première simplification repose donc sur une nécessaire stabilité fiscale. La difficulté étant que l'impôt est un puissant instrument politique, qui varie donc au gré des alternances politiques.

Une autre attente très légitime de la part des administrés est la simplification du système déclaratif, bien avant la simplification du système de calcul de l'impôt, qui, finalement, concerne plus l'administration.

Lexbase : La simplification fiscale passe-t-elle essentiellement par une simplification du système déclaratif ? Selon vous, existe-t-il trop de "modalités administratives" ?

Aurélie Charvot : Les déclarations qui doivent être souscrites sont multiples et compliquées.

L'exemple est caricatural, mais l'année dernière, pour un client, une déclaration d'impôt sur le revenu de 41 pages a été envoyée. Les 41 pages comportaient 8 déclarations, 2042, 2042 C, 2042 PRO, 2044 S, 2047, 2074, 2041SP, 3916. Tous les ans, les formulaires sont modifiés et des informations passent d'un formulaire à l'autre. Tout contribuable et tout conseil consciencieux frémissent chaque année au moment de la remise des déclarations, à l'idée d'une erreur ou omission.

Cette angoisse partagée par tous est le signe d'une réelle difficulté à remplir nos obligations déclaratives parfaitement dans les normes. Les formulaires sont trop nombreux et varient constamment. Les formulaires pourraient être moins nombreux et dispersés et ne pas subir de modifications tous les ans. En outre, les erreurs de déclarations par des particuliers ne devraient jamais être assorties de majorations de 40 %. De plus, il est constaté que la dispense de produire des justificatifs lors de la déclaration produit des effets pervers. Depuis la déclaration des revenus 2012, les contribuables qui choisissaient de souscrire leur déclaration par voie électronique étaient dispensés de joindre les justificatifs. Depuis la déclaration des revenus 2013, que la déclaration soit transmise sur papier ou par voie électronique, les contribuables sont désormais dispensés de joindre les justificatifs liés à leur déclaration d'impôts.

Or, notre cabinet constate un afflux de demande de renseignements, visant à demander, a posteriori, les justificatifs que les contribuables étaient obligés de joindre avant 2012. En pratique, la simplification souhaitée par le législateur est donc remise en cause par des demandes ultérieures de l'administration fiscale. Les clients soulignent fréquemment qu'il aurait été plus simple de joindre les justificatifs au moment de la rédaction de la déclaration, plutôt que de réaliser des fouilles deux ans plus tard. 

La volonté législative de simplification doit donc être réellement suivie par l'administration, à défaut de quoi elle s'avère contreproductive.

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