La lettre juridique n°583 du 18 septembre 2014 : Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] Retrait d'un associé d'une SCP : quand le ver est dans le fruit, comment jeter (rapidement ?) la pomme de la Discorde ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 18 Septembre 2014

Les lois ne sont pas toutes adoptées sous le coup de l'émotion. Et, parce que "la dispute alimente la dispute et engloutit ceux qui s'y plongent" (Sénèque), la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, relative aux sociétés civiles professionnelles (SCP) (N° Lexbase : L3146AID), fait figure, quant aux conditions de retrait de l'associé, d'un stoïcisme hors pair -mais il est vrai qu'elle fut promulguée en d'autres temps et sous d'autres moeurs que l'immédiateté-. Tout est organisé pour que, en principe, la rupture soit rapidement consommée et que les situations de blocage soient évitées et que la société puisse poursuivre son activité sans mésentente préjudiciable. Une loi sur l'apaisement du "divorce" professionnel, avant l'heure, en somme. "Divorce" professionnel ? Bien souvent le retrait intervient dans le cadre d'une mésentente entre les associés de la SCP : d'où la dramatisation naturelle d'une telle séparation. Encore que, si la mésentente entre associés doit être "préalable" à la mise en oeuvre par le notaire associé de son retrait (hors arrêté de destitution) (Cass. civ. 1, 21 février 1995, n° 93-11.662, publié au bulletin N° Lexbase : A6242AHN), une telle mésentente n'est en rien une condition au retrait d'un associé qui n'est pas officier ministériel. Et, la jurisprudence prendra soin de préciser, au passage, que les difficultés relatives au contrat de maintenance Lexis Nexis et à l'embauche du personnel ne sont pas de nature à paralyser le fonctionnement d'une SCP (CA Versailles, 1ère ch., 29 mai 2008, n° 07/08835 N° Lexbase : A0359ERQ). C'est dire le pragmatisme avec lequel le juge analyse les sources de conflits entre associés -l'analyse prévaut-elle, en 2014, au sein d'une SCP d'avocats ?-.

Quelques arrêts récents, ainsi que l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, relative au droit des sociétés (N° Lexbase : L1321I4P), incite à une synthétisation des conditions et modalités d'exercice du droit de retrait.

Pour atteindre une telle pacification de l'exercice du droit retrait et, surtout, pour éviter les situations et blocages abusifs liés, il est vrai toutefois, le plus souvent à une certaine mésentente entre associés, les dispositions de loi du 29 novembre 1966 et ses décrets d'application propres à chaque profession libérale concernée sont donc d'ordre public. Mais, les statuts de la SCP peuvent aménager et préciser les modalités de ce retrait (I). Et, parce que la mésentente empêche toute objectivité dans l'évaluation des parts rachetée, la désignation d'un expert impartial est fondamentale (II). Par ailleurs, le rachat des parts du retrayant, in fine par la SCP, n'intervient aucunement d'office : une action en exécution forcée étant impérative, le juge appréciant que l'ensemble des conditions requises soient remplies (III). Enfin, durant la période transitoire, entre la décision de retrait et le retrait effectif, chacun, associés et retrayant, navigue en eaux troubles : le retrayant reste pleinement associé sans vouloir l'être et l'abus de droit pointe son nez au tort de la SCP (IV).

I - Réglementation des modalités de retrait par la loi et les statuts

Législation et réglementation en vigueur. L'article 19 de la loi précitée dispose que "les parts sociales peuvent être transmises ou cédées à des tiers avec le consentement des associés représentant au moins les trois quarts des voix. Toutefois, les statuts peuvent imposer l'exigence d'une majorité plus forte ou de l'unanimité des associés. La transmission ou le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois, à compter de la dernière des notifications, le consentement est implicitement donné. Si la société a refusé de donner son consentement, les associés sont tenus, dans le délai de six mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales, un prix fixé dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34)".

Par ailleurs, les cessions entre vifs par un associé sont régies par les articles 24 à 30 du décret du 20 juillet 1992 (décret n° 92-680 N° Lexbase : L7112AZG). Aussi, il résulte des articles 21 de la loi du 29 novembre 1966 et 28 du décret du 20 juillet 1992 que l'expiration du délai de six mois ouvert à une société civile professionnelle saisie de la demande d'un associé retrayant en rachat et annulation de ses parts, marquant le terme extinctif du temps à elle imparti pour exécuter son obligation légale, permet à l'intéressé d'exercer une action en réalisation forcée de celle-ci. L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée, à défaut d'accord, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil par un expert désigné par le président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.

Rôle des statuts de la SCP. Pour autant, les statuts de la SCP peuvent reprendre et préciser certaines modalités afférentes à l'exercice du droit de retrait ; mais le coeur du dispositif (loi du 29 novembre 1966, art. 19 et 28) est d'ordre public. Toute clause contraire est réputée non écrite (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 juin 2014, n° 12/21251 N° Lexbase : A3735MRR).

Est également nulle la clause obligeant le cessionnaire de parts de SCP, qui se réinstalle ailleurs, à reverser les rémunérations perçues auprès des anciens clients (Cass. civ. 1, 14 novembre 2012, n° 11-16.439, FS-P+B+I N° Lexbase : A8662IWQ). Le retrait ne doit pas emporter taxation de l'activité future du retrayant !

Enfin, toute contravention aux statuts n'emporte pas nullité du droit retrait : le fait que la notification du retrait du co-associé ait été faite sans mentionner la qualité de co-gérante et à l'adresse personnelle de l'autre co-associé, contrairement aux statuts de la SCP, est sans incidence (CA Montpellier, 2 avril 2013, n° 11/08459 N° Lexbase : A3737KBZ).

C'est donc en matière d'évaluation des parts, finalement, que l'intérêt et l'apport statutaire sont le plus évidents.

La nouvelle rédaction de l'article 1843-4 du Code civil, issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, relative au droit des sociétés, précise désormais que l'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions décrites ci-dessous (II). L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.

Résumons-nous. Une fois sa décision de retrait prise, le retrayant informe les autres associés de sa volonté de se retirer de la SCP, décision emportant cession de ses parts soit à un tiers, qu'il en propose un ou que les associés en adoubent un autre, à l'un ou plusieurs des autres associés eux-mêmes, ou à la société civile professionnelle elle-même, en dernier ressort (cf. CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 juin 2014, n° 12/21251, préc. : "l'associé n'est pas tenu d'acquérir les parts sociales en cause dès lors qu'il a proposé un candidat au rachat ; [...] en tout état de cause, le prix de rachat est, en cas de désaccord, fixé au vu de l'évaluation qui en a été faite par l'expert"). La loi du 29 novembre 1966 qui réglemente les SCP offre donc par le jeu combiné des articles 18 et 21 à l'associé qui entend se retirer deux possibilités : choisir lui-même le cessionnaire ou confier à la société le soin de le choisir (CA Versailles, 18 juin 2009, n° 08/02531 N° Lexbase : A8189G43). Dans tous les cas, une solution de sortie est obligatoire, et le retrayant ne peut rester indéfiniment associé, l'empêchant d'exercer sereinement sa profession dans une autre structure ou individuellement ou, du fait d'une mésentente vive, empêchant la société d'exercer pleinement son activité.

Et, le silence de l'associé n'est en rien à leur avantage. Il peut même se retourner contrer l'associé négligent. En l'absence d'offres concurrentes et d'opposition formée par l'un des associés, la cession peut intervenir au bénéfice d'un seul associé. Dès lors que l'un des associés, pourtant parfaitement informé de la décision de retrait avec cession des parts dans les conditions édictées par les statuts, ne notifie pas sa volonté d'en acquérir la moitié, le retrayant peut céder la totalité de ses parts au troisième associé. Il n'y a, en effet, aucun désaccord entre les associés sur ce point puisqu'un seul associé a accepté le rachat de la moitié ou de la totalité des parts et que l'autre associé n'a manifesté, avant la signature de l'acte litigieux, aucune opposition qui ne peut se déduire de son simple silence lequel vaut acquiescement puisque, bien que tenu de notifier un projet de rachat des parts, il s'est abstenu de répondre (CA Versailles, 1ère ch., 29 mai 2008, n° 07/08835 N° Lexbase : A0359ERQ).

II - Evaluation des parts par un expert désigné par les parties concernées

Désignation de l'expert. En principe, l'article 1843-4 du Code civil prévoit que l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux d'un associé est désigné par les parties concernées. A défaut d'accord entre les parties, l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux est désigné par le président du tribunal de commerce en la forme des référés et sans recours possible (Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-24.587, F-D N° Lexbase : A1515MSW). Ainsi, la demande de désignation d'un expert prévu à l'article 1843-4 du Code civil est portée devant le président du tribunal de commerce pour les sociétés commerciales, ou du tribunal de grande instance dans les autres cas (décret n° 78-704, art. 17 N° Lexbase : L1376AIS). Attention, le président n'a pas le pouvoir de préciser la mission de l'expert (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 23 novembre 2005, n° 05/07615 N° Lexbase : A2976DM8). Il ne peut donc pas encadrer la mission de l'expert par les textes du Code de procédure civile applicables aux seules expertises judiciaires (CA Paris, 14ème ch., sect. B, 30 janvier 2009, n° 08/13762 N° Lexbase : A2188EDE).

Il est précisé que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux appartient au seul président du tribunal, et non à la cour d'appel (Cass. com., 30 novembre 2004, deux arrêts, n° 03-13.756 N° Lexbase : A1303DEY et n° 03-15.278 N° Lexbase : A1324DER, FS-P+B+I+R et Cass. civ. 3, 28 mars 2012, n° 10-26.531, FS-P+B N° Lexbase : A9931IGW). Toutefois, si le président du tribunal a seul le pouvoir de désigner l'expert chargé de l'évaluation des droits, aucun texte ne fait obstacle à ce que l'actualisation du rapport soit confiée au même expert, en cause d'appel, par le conseiller de la mise en état (Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-10.141, FS-P+B+I N° Lexbase : A7104GM3).

Mais la jurisprudence, elle-même, insiste, d'abord, sur la force d'une expertise conjointement désignée. Un expert désigné sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) donne son avis sans que les parties soient liées par le contenu de cet avis ; celles-ci peuvent toujours contester le rapport qu'il a rendu, alors qu'un expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil est le mandataire commun des parties. En effet, en acceptant sa mission, il s'engage à fixer le prix de cession en respectant l'intérêt de chacune des parties ; et le prix qu'il détermine s'impose légitimement erga omnes (CA Aix-en-Provence, 10 octobre 2013, n° 12/16496 N° Lexbase : A5043KMQ.

Les juges apportent des précisions quant à l'initiative et à la responsabilité d'une telle nomination. Ainsi, tout d'abord, la société ne commet pas de faute en s'abstenant d'engager la procédure prévue par l'article 1843-4 du Code civil, aucune norme légale ou contractuelle ne précisant laquelle des parties devait saisir le président du tribunal en cas de désaccord. L'obligation pour la société de racheter les actions de l'actionnaire n'implique pas qu'elle ait aussi l'obligation de faire désigner l'expert de l'article 1843-4 du Code civil (Cass. com., 12 juillet 2005, n° 04-10.379, inédit N° Lexbase : A9296DI7).

Et, il n'appartient pas à la cour d'appel, en application de l'article 1843-4 du Code civil, de désigner, en vue de déterminer la valeur de droits sociaux, un second expert après avoir écarté l'évaluation faite par un premier arbitre (Cass. civ. 1, 25 novembre 2003, n° 00-22.089, publié N° Lexbase : A3015DAW).

Enfin, un tiers cessionnaire de droits sociaux non agréé par la société n'a pas la qualité pour demander la désignation judiciaire d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil (Cass. com., 6 décembre 2000, n° 99-10.233 N° Lexbase : A1804AIN).

Pas de recours possible. La décision rendue par le président du tribunal statuant en la forme de référés juge des référés sur la demande de désignation d'un expert pour la détermination de la valeur de droits sociaux est sans recours possible (Cass. com., 11 mars 2008, n° 07-13.189, FS-P+B N° Lexbase : A4067D7R). Ce principe s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours et il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, F-P+B N° Lexbase : A6991ILI ; Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-16.349, F-P+B N° Lexbase : A6604IKS ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR).

De même, le principe selon lequel la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible, sauf en cas d'excès de pouvoir, s'applique au remplacement d'un premier expert ayant renoncé à sa mission (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, F-P+B, préc.).

Méthode d'évaluation des parts sociales. La valeur des parts sociales devant être déterminée par un expert désigné soit par les parties soit par ordonnance du président du tribunal, la cour d'appel ne saurait déterminer le prix des droits sociaux dont elle ordonne la cession (Cass. civ. 1, 20 décembre 2007, n° 04-20.696, F-P+B N° Lexbase : A1150D3Y). Pour cause : les associés sont invités indirectement à prévoir la méthode et les modalités d'une telle évaluation, au préalable, conventionnellement, notamment dans les statuts de la SCP (cf. supra).

Et, en cas de contestation, la valeur des parts sociales doit être déterminée par l'expert, et non par référence au prix d'une autre cession intervenue en même temps (CA Paris, 25ème ch., sect. A, 22 mars 2002, n° 1999/11020 N° Lexbase : A5446AYD). Il s'agit là  d'un petit rappel sur la prédominance de l'analyse in concreto de l'expertise sur la méthode comparatiste.

III - Action en exécution forcée

Demande judiciaire de l'exécution forcée. Dans un important arrêt du 7 février 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 03-10.850, FS-P+B N° Lexbase : A8374DM4) a décidé, au visa de l'article 21 de loi du 29 novembre 1966 et de l'article 28 du décret du 20 juillet 1992 que "l'expiration du délai de six mois ouvert à une SCP saisie de la demande d'un associé retrayant en rachat et annulation de ses parts, marquant le terme extinctif du temps à elle imparti pour exécuter son obligation légale, permet seulement à l'intéressé une action en réalisation forcée de celle-ci". Ainsi, même si la loi fait obligation, a minima, à la SCP de racheter les parts de l'associé retrayant, ce rachat n'intervient pas d'office. Le retrayant doit en demander judiciairement l'exécution forcée devant le juge. En l'espèce, Mme B., avait, par une première lettre recommandée, fait connaître à son coassocié sa volonté d'user de son droit de retrait. Dans une seconde lettre recommandée, en date du 24 avril 1997, celle-ci avait demandé à la société, en application de l'article 21 précité, qu'elle procède au rachat et à l'annulation de ses parts. Cette seconde requête ouvrait, en vertu de l'article 28 du décret de 1992 susvisé, un délai de six mois à la société pour notifier à l'associé un projet de cession ou de rachat des parts. Cependant, la société n'avait, à l'expiration de ce délai, fait aucune offre à l'associé retrayant. Les juges du fond ont, alors, estimé que ce silence impliquait l'acceptation implicite par la société du rachat des parts litigieuses. Ainsi, le transfert de propriété desdites parts s'est effectué le 25 octobre 1997, soit six mois après la seconde notification. Cette date est également celle de la perte de la qualité d'associé du demandeur. La Cour de cassation casse cet arrêt estimant que l'absence de réponse ne vaut pas consentement implicite de la SCP ; si bien que l'action en exécution forcée est obligatoire.

Demande expresse de l'exécution forcée. A l'issue des six mois le retrayant peut donc demander la cession forcée de ses parts, laquelle en effet ne peut pas résulter de la seule expiration du délai, mais suppose l'introduction d'une instance à cette fin. Aucun accord pour une cession à l'un ou l'autre des associés ou à la SCP n'étant intervenu avant la dissolution et la liquidation subséquente, une telle cession ne peut plus être envisagée. Et, il ne peut être considéré que le fait pour les associés de prendre acte du retrait par l'un des associé de la SCP ou que la demande de désignation d'un expert en référé, que le retrayant avait sollicité par assignation, afin d'évaluer ses parts, aient la valeur d'une demande en cession forcée de parts sociales. Tels sont les rappels et précisions apportés par la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 18 juin 2009, n° 08/02531 N° Lexbase : A8189G43).

Et, dans le même sens, la convention de rachat proposée par un associé étant assortie de modalités concernant non seulement le prix mais aussi les conditions d'exercice du retrayant et étant conditionnée à la renonciation à tout recours contentieux, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que cette proposition n'impliquait, en l'absence d'acceptation de ces conditions et modalités par le retrayant, aucun engagement de la part de son auteur, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait fonder la demande de rachat forcé des parts sociales à la suite d'une dissolution dûment constaté de la SCP (Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-16.093, F-D N° Lexbase : A6771E38).

Ou encore, le tribunal, saisi d'une demande de voir condamnée une SCP à racheter des parts sociales d'un associé retrayant selon un montant évalué par un expert désigné au visa de l'article 145 du Code de procédure civile, a exactement estimé qu'il ne pouvait statuer que sur une demande d'exécution forcée de l'obligation faite à la société de racheter les parts de l'associé à un prix préalablement fixé par un expert désigné conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil (CA Aix-en-Provence, 10 octobre 2013, n° 12/16496 N° Lexbase : A5043KMQ).

IV - Période transitoire entre la décision de retrait et le retrait effectif

Conservation de la qualité d'associé du retrayant. Le retrayant, qui n'a pas perçu la valeur intégrale de ses droits sociaux en capital, conserve sa qualité d'associé et par voie de conséquence son droit à percevoir des dividendes (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-13.957, F-D N° Lexbase : A4367MWN ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 16 janvier 2013, n° 10/21483 N° Lexbase : A2684I3S).

Ainsi, le retrayant, notaire, même destitué par un arrêté du Garde des Sceaux, et peu important que son maintien ait un caractère abusif, a droit, aussi longtemps qu'il est titulaire de ses parts dans la SCP, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués. Il peut dès lors agir non seulement à l'encontre de la SCP, mais aussi à l'encontre de ses associés qui se sont attribué, pour les années précédentes, les sommes devant lui revenir (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D N° Lexbase : A2831MTZ).

C'est pourquoi, la perte des droits patrimoniaux de l'associé retrayant, qui tiennent aussi bien à la valeur de ses parts qu'à la rémunération de son apport, ne saurait être préalable au remboursement de l'intégralité de ses droits sociaux. Ces droits s'exercent aussi longtemps que l'associé retrayant en demeure nominalement titulaire (Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-15.358, F-D N° Lexbase : A6735E3T). Et, en l'absence de toute disposition contractuelle fixant les modalités d'indemnisation de l'associé retrayant, il n'a droit qu'à un partage des bénéfices non distribués, autrement dit des "réserves" ou bien encore, lors de la liquidation, du "boni" (CA Paris, 1ère ch., sect. A, 17 juin 2008, n° 06/03926 N° Lexbase : A2645D9T).

Retrait... du retrait. Par ailleurs, si le prix proposé n'est pas accepté par le retrayant et si celui-ci persiste dans son intention, le prix est fixé à la demande de la partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance ; il en résulte que la renonciation au retrait peut être notifiée aussi longtemps que cette fixation n'est pas intervenue (Cass. civ. 1, 4 janvier 1995, n° 92-21.110, inédit N° Lexbase : A6218AHR).

Abus de droit. Faute de proposition sérieuse de la part de la SCP, le retrayant est en droit de se réinstaller avant le remboursement de ses droits sociaux, dès l'expiration du délai de six mois imparti à la SCP pour procéder à la cession ou au rachat (Cass. civ. 1, 12 juin 2012, n° 11-18.472, F-P+B+I N° Lexbase : A8845INW).

Réciproquement, le notaire destitué par un arrêté du Garde des sceaux qui se maintient dans la SCP depuis de nombreuses années sans y exercer d'activité professionnelle, au mépris des règles déontologiques et de la loyauté due à ses autres associés qu'il avait contraints à intenter contre lui de multiples procédures et recours, qui affirme qu'il "ne souhaite pas vendre" ou alors "contraint et forcé", adopte un comportement constitutif d'un abus de droit aux conséquences pécuniaires dont la SCP et les autres associés sont susceptibles de demander réparation (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D, préc.).

On le voit bien, malgré des dispositions législatives et réglementaires parfaitement claires sur les modalités du retrait de l'associé d'une SCP, afin d'éviter toute union sociale contrainte, et de dénouer le noeud gordien de la discorde, l'affaire n'en demeure pas moins compliquée. Les associés restant n'auront pas nécessairement intérêt à un tel retrait, ni à un rachat des parts ; ils préféreront parfois dissoudre et liquider la SCP, en se déjouant du formalisme du retrait. Par ailleurs, la question de l'expertise et l'évaluation des parts, question à haute envolée contentieuse, reste entière, l'expertise ne satisfaisant "étrangement" personne. A l'image de Salomon, la loi veut trancher vite et bien, pour la plus efficace des justices ; mais attention, à la fin, c'est souvent la SCP qui trinque : d'où l'impérieuse nécessité de statuts prévoyants, autant que le permettent la législation et la réglementation.

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