La lettre juridique n°559 du 20 février 2014 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Février 2014

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP

le 20 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts publiés au Bulletin rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Dans le premier, en date du 14 janvier 2014 et commenté par le Professeur Le Corre, la Haute juridiction énonce à la manière d'un principe, qu'"est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire" (Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B). Dans le second commentaire de cette chronique, Emmanuelle Le Corre-Broly nous livre ses réflexions sur un arrêt en date du 28 janvier 2014 qui revient sur les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire en matière d'admission des créances (Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-35.048, F-P+B).
  • L'absence de validité des clauses affectant la situation du débiteur du fait de l'ouverture d'une procédure collective (Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B N° Lexbase : A7900KTR ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : A7900KTR)

Le contrat est une source de richesse pour l'entreprise. Elle devient un bien précieux à conserver si une procédure collective s'ouvre. C'est ce qui explique que le législateur ait cru bon de poser un certain nombre de règles dérogatoires au droit commun, en la matière, afin de ne pas laisser au bon vouloir du cocontractant du débiteur la poursuite des relations contractuelles.

On sait d'abord que le législateur interdit la résolution ou résiliation, après jugement d'ouverture, d'un contrat pour une inexécution financière antérieure au jugement d'ouverture. Pour être plus précis, la disparition du contrat pour cause touchant à son inexécution, ne peut avoir pour fondement le non paiement d'une créance née avant le jugement d'ouverture.

Le législateur est allé beaucoup plus loin dans la réglementation. Il a également mis à l'écart des clauses de résiliation de plein droit pour survenance de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire. L'article L. 621-28, alinéa 6, du Code de commerce (N° Lexbase : L6880AIN, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT, anciennement, loi du 25 janvier 1985, art. 37, al. 6 N° Lexbase : L4126BMR), invalide les clauses de résiliation de plein droit pour survenance du redressement judiciaire. La solution a été reprise par la loi de sauvegarde des entreprises, le texte de l'article L. 622-13, alinéa 6 (N° Lexbase : L3872HBZ, devenu C. com., art. L. 622-13, I, al. 1er N° Lexbase : L3352IC7, réd. ordonnance du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT) visant la procédure de sauvegarde. Ce texte est rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L. 631-14 (N° Lexbase : L2453IEL).

La jurisprudence y a logiquement assimilé les clauses de résiliation de plein droit fondées sur l'état de cessation des paiements, puisque le constat d'un tel état conduit à l'ouverture de la procédure (1). La résiliation de plein droit pour insolvabilité ne nous semble pas davantage pouvoir produire effet.

Aucune des parties ne peut se prévaloir d'une clause aux termes de laquelle la résiliation du contrat est possible par lettre simple en cas de procédure collective atteignant l'une des parties, fut-ce pour conclure à l'irrecevabilité des demandes présentées par l'autre contre elle (2).

Les textes ci-dessus privent également d'efficacité les clauses d'indivisibilité. Seule l'indivisibilité conventionnelle est prohibée. Il est évident que l'indivisibilité objective ne saurait être écartée, puisque la continuation d'un des contrats ne présenterait alors, par hypothèse, aucun intérêt si l'autre contrat n'était pas continué. En outre, l'indivisibilité stipulée entre les obligations ne peut tenir en échec la distinction des créances antérieures et des créances postérieures et les conséquences qui y sont attachées, ce qui oblige le cocontractant à continuer le contrat, malgré l'inexécution financière antérieure au jugement d'ouverture du débiteur.

L'intérêt de l'arrêt de la Chambre commerciale du 14 janvier 2014 est de proposer un critère plus large que ceux énoncés par les textes, pour invalider certaines clauses stipulées pour le cas de survenance d'une procédure collective.

En l'espèce, un contrat d'assurance avait été souscrit par une société. Des incendies étaient survenus dans les locaux assurés. La société a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire. Le liquidateur a assigné l'assureur aux fins d'obtenir paiement de l'indemnité au titre de la perte de valeur du fonds de commerce. L'assureur s'est retranché derrière une clause du contrat stipulant que l'assurance ne garantissait pas la perte de valeur du fonds de commerce consécutive à un sinistre survenu pendant une période de chômage de l'établissement ou après la cessation de l'exploitation ou l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les juges du fond avaient admis la prétention de l'assureur car, selon eux, la disposition du contrat d'assurance ne remettait pas en cause le bénéfice des autres garanties et aucune assimilation ne pouvait être faite entre l'exclusion d'une garantie spécifique et la résiliation du contrat.

La censure intervient au motif énoncé à la manière d'un principe, qu'"est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire".

La Cour de cassation casse, ici, un arrêt de la cour d'appel de Douai qui avait été remarqué (3). Nous avions indiqué à son sujet que "la solution peut être discutée, car, ainsi que cela a été observé (4), cela revient à permettre une résiliation partielle du contrat au seul motif de l'ouverture d'une procédure collective, en violation avec le principe selon lequel le jugement d'ouverture n'entraîne pas la résiliation d'un contrat, toute clause contraire étant réputée non écrite" (5).

Avant de porter une appréciation sur la solution posée par la Cour de cassation, il importe de procéder à un bref rappel intéressant le contrat d'assurance confronté à la problématique de la continuation des contrats en cours.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, le contrat d'assurance terrestre est l'objet d'une réglementation particulière. L'article 221 de la loi du 25 janvier 1985 (disposition non codifiée), modifiant l'article L. 113-6 du Code des assurances (N° Lexbase : L0067AAQ), prévoit qu'en cas de redressement judiciaire de l'assuré, chacune des parties a le droit de résilier le contrat dans les trois mois du jugement d'ouverture. Passé ce délai, la résiliation n'est plus possible (6). Il y a là une véritable dérogation au droit commun de la continuation des contrats en cours, l'article L. 113-6 du Code des assurances étant indépendant de l'article L. 113-4 du même code (N° Lexbase : L0063AAL), de sorte que cette faculté existe indépendamment de l'aggravation des risques couverts, laquelle autorise la résiliation en application de l'article L. 113-4 (7). Contrairement au droit commun posé par l'article L. 621-40 du Code de commerce (N° Lexbase : L6892AI4 anciennement, loi du 25 janvier 1985, art. 47), le non-paiement après jugement d'ouverture d'une prime antérieure à ce jugement entraîne résiliation de plein droit du contrat (8), sur le fondement de l'article L. 132-20 du Code des assurances (N° Lexbase : L0149AAR).

La loi de sauvegarde des entreprises a supprimé le premier alinéa de l'article L. 113-6 du Code des assurances (N° Lexbase : L7572HB3). Il en résulte que le contrat d'assurance est, désormais, soumis au droit commun de la continuation des contrats en cours.

Une fois ces précisions apportées, il est possible d'apporter une appréciation sur la présente décision. La solution posée par la Cour de cassation ne peut que susciter l'adhésion.

Certes, il ne peut être discuté que les clauses prévoyant une résiliation unilatérale participent du principe d'autonomie de la volonté. Si la loi ne les interdit pas explicitement, elles devraient donc pouvoir s'appliquer. Les exceptions sont de droit étroit et ne peuvent donc exister sans texte. De même, il peut être remarqué que les règles restrictives de droit sont d'interprétation stricte. Elles ne peuvent donc être étendues, par principe, au-delà de leur lettre. Or, les règles du droit des entreprises en difficulté qui invalident une clause de résiliation d'un contrat sont restrictives de droit.

Pour autant, admettre d'aggraver la situation contractuelle d'une partie au motif qu'elle a été placée en redressement judiciaire, c'est tout simplement interdire à cette dernière la poursuite d'un contrat, peut-être indispensable à la poursuite de son activité. C'est donc porter une atteinte grave à son droit au sauvetage. La Cour de cassation va même au-delà puisque la solution vaut également pour le cas de survenance d'une liquidation judiciaire.

Au-delà de la lettre du texte, la Cour de cassation a donc clairement fait prévaloir l'esprit de ce dernier pour estimer qu'il y a place à invalidation de toutes les clauses aggravant la situation du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective. Ce faisant, la Cour de cassation pose un principe clair de neutralité contractuelle face à l'ouverture d'une procédure collective. Le partenaire contractuel du débiteur ne peut tirer argument de cette situation pour se dérober à ses obligations : telles qu'elles étaient avant l'ouverture de la procédure, telles elles doivent demeurer après. L'aménagement contractuel, en la matière, n'est pas de mise.

Il n'est pas sans intérêt de rapprocher ces solutions de celles contenues dans le projet d'ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté, qui invalide les clauses aggravant la situation de l'une des parties pour nomination d'un mandataire ad hoc ou ouverture et même simple demande d'ouverture d'une procédure de conciliation.

Terminons en indiquant que l'article L. 113-4 du Code des assurances, pour sa part, ne s'est pas trouvé affecté par la modification résultant de la loi de sauvegarde des entreprises. Il en résulte que l'assureur pourra continuer à se protéger des conséquences d'une aggravation des risques couverts (9). Mais, il faut immédiatement comprendre que la simple ouverture d'une procédure collective sera insuffisante à justifier l'application du texte, parce qu'elle n'induit pas, à elle seule, une aggravation des risques au sens du texte (10).

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance (11). Le juge-commissaire est le personnage clef de cette procédure puisqu'au rang de ses attributions, figure celle de décider de l'admission ou du rejet des créances. L'article L. 624-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3758HBS) énonce en effet que "au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence".

A la lecture de cette disposition, il semble résulter clairement qu'il appartient au juge commissaire de statuer sur la créance, à deux exceptions près.

La première exception concerne l'hypothèse dans laquelle une instance est en cours au jour du jugement d'ouverture. Dans cette hypothèse, l'instance, suspendue par l'effet du jugement d'ouverture, pourra reprendre son cours après mise en cause des organes de la procédure, dans les prévisions de l'article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L3742HB9). L'instance reprise ne tendra plus alors qu'à la fixation de la créance. Une fois la décision obtenue, le créancier devra demander au greffier de reporter le contenu de la décision sur l'état des créances (C. com., art. R. 624-11, alinéa 1er N° Lexbase : L0911HZR).

La seconde exception concerne l'hypothèse dans laquelle la contestation de la créance ne relève pas de la compétence du juge-commissaire mais de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Par exemple, le juge-commissaire est incompétent, au profit du juge de l'impôt pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impôts. De même, s'il s'agit de déterminer le fait générateur de la créance de cotisations sociales pour calculer les cotisations, la compétence du juge-commissaire est écartée au profit du tribunal des affaires de Sécurité sociale. Il en serait également de même si une difficulté surgissait au sujet d'un crédit à la consommation, puisqu'en application de l'article L. 311-52 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9554IMS), le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application des dispositions spécifiques aux crédits à la consommation. Dans ces hypothèses, ici encore, une fois la décision rendue, le contenu de celle-ci devra être reporté sur l'état des créances.

En dehors de ces deux cas, l'article L. 624-2 du Code de commerce semble laisser toute latitude au juge-commissaire pour se prononcer sur l'admission ou le rejet de la créance. Tel n'est cependant pas ce qui ressort de l'état actuel de la jurisprudence, comme en témoigne un arrêt rendu le 28 janvier 2014 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l'espèce, une banque avait déclaré au passif de l'emprunteur, ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, une créance correspondant au capital restant dû au titre d'un prêt immobilier. Le débiteur avait contesté la créance au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6772ABG) aux termes desquelles, l'offre de crédit immobilier doit être acceptée par l'emprunteur par lettre, après l'écoulement d'un délai de dix jours après la réception de l'offre de prêt. Le défaut de respect de cette obligation légale est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts. En l'espèce, l'emprunteur avait soulevé la déchéance du droit aux intérêts et fait valoir une créance de restitution d'intérêts versés avant l'ouverture de la procédure. La question s'était alors posée de savoir si le juge-commissaire, et à sa suite la cour d'appel, pouvaient statuer sur l'admission de la créance.

La cour d'appel avait, d'une part, admis la créance déclarée au passif et, d'autre part, considéré que la demande du débiteur fondée sur la méconnaissance par la banque de l'article L. 312-10 du Code de la consommation et la déchéance de son droit à intérêt n'était pas recevable dans la procédure de vérification des créances et qu'il appartenait au débiteur de saisir la juridiction compétente pour faire trancher le litige relatif à la faute de la banque.

Cet arrêt d'appel est censuré par la Chambre commerciale qui considère que les juges du fond ont violé l'article L. 624-2 du Code de commerce en statuant ainsi dans la mesure où, ayant constaté que la contestation du débiteur avait une incidence sur le montant de la créance déclarée, la cour d'appel aurait dû surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent. Ainsi, est-il considéré que la contestation du débiteur ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et, à sa suite, de la cour d'appel.

Cette décision se situe dans le droit fil de la position adoptée par la jurisprudence relative à l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire statuant en matière d'admission des créances. Cet arrêt donne l'occasion de faire le point sur cette question.

Il convient, d'abord, de préciser que le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est absolu lorsque ce dernier statue sur la régularité de la déclaration de créances. Peu important que des difficultés sérieuses soient soulevées devant lui à ce sujet, il appartiendra au juge-commissaire de se prononcer sur la régularité de la déclaration de créance (par exemple, sur le respect des délais de déclaration ou sur la question du pouvoir du déclarant).

En revanche, il ressort des décisions rendues par la Cour de cassation que le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est limité lorsqu'il doit connaître du fond de la créance. Ainsi que l'a analysé un auteur (12), l'évidence semble être la frontière au-delà de laquelle le juge-commissaire n'est plus compétent pour admettre la créance. Le Professeur Pierre-Michel Le Corre observe, en effet, que, même si la Cour de cassation n'a jamais officialisé ce point de vue, les Hauts magistrats semblent considérer qu'il appartient au juge-commissaire de statuer comme le ferait le juge des référés, c'est-à-dire en juge de l'évidence.

C'est ainsi qu'il a été jugé que le juge-commissaire statuant dans le cadre de la vérification et de l'admission des créances ne peut pas apprécier l'inopposabilité d'un contrat de cautionnement à la société débitrice, à la procédure de laquelle l'engagement de cautionnement est déclaré, pour défaut d'autorisation du conseil d'administration (13). De la même manière, le juge-commissaire ne peut pas statuer sur l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat (14). De même, comme en témoigne l'arrêt rapporté, il n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire de se prononcer sur la responsabilité contractuelle du prêteur.

Dans toutes ces hypothèses, le juge-commissaire doit, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, surseoir à statuer sur l'admission de la créance jusqu'à ce que le juge compétent ait statué sur la défense au fond. Il convient d'insister ici sur le fait qu'il ne s'agit pas ici d'une exception d'incompétence (au profit, par exemple, du juge de l'impôt ou encore du tribunal des affaires de la Sécurité sociale, cf. supra) mais d'une fin de non-recevoir, qui peut donc être soulevée en tout état de la procédure, contrairement à une exception d'incompétence qui doit être relevée in limine litis. Une fois que le juge compétent aura statué sur la difficulté qui n'entre pas dans l'office juridictionnel du juge-commissaire (c'est-à-dire, dans l'espèce rapportée, tranché la question de l'existence d'une créance de restitution d'intérêt pour méconnaissance par la banque de l'article L. 312-10 du Code de la consommation), le juge-commissaire pourra alors, à la demande de la partie intéressée, rendre la décision d'admission au passif.

Même si la position adoptée par l'arrêt rapporté est conforme à celle déjà suivie par la jurisprudence de la Cour de cassation, une réserve peut-être émise quant à son opportunité. En effet, l'arrêt est rendu au visa de l'article L. 624-2 du Code de commerce. Or, à la lecture de cet article, aucune limitation de l'office juridictionnel du juge-commissaire n'apparaît. La limitation ainsi apportée par la jurisprudence au pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est en conséquence difficilement compréhensible. Elle l'est d'autant moins lorsque l'on constate que, quelle que soit l'ampleur des difficultés juridiques rencontrées, le juge-commissaire est reconnu exclusivement compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance. S'il peut traiter des difficultés complexes rencontrées sur ce terrain, pourquoi ne pourrait-il pas en traiter d'autres portant sur le fond de la créance ? Il conviendrait peut-être, dans le respect de l'article L. 624-2 du Code de commerce, de redonner au juge-commissaire la plénitude du pouvoir juridictionnel que lui attribue ce texte. Cela aurait, en outre, le mérite de ne pas mettre un frein à la vérification du passif et ainsi d'éviter de différer les clôtures de procédures.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP


(1) Cass. com., 2 mars 1993, n° 90-21.849, publié (N° Lexbase : A5481ABM), Bull. civ. IV, n° 87 ; Rev. huissiers, 1993, 866, note Vidal ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 12 janvier 2001, Rev. proc. coll., 2002, p. 189, n° 1, obs. Ph. Roussel Galle.
(2) CA Paris, 5ème ch., sect. B, 14 septembre 2006, n° 03/13950 (N° Lexbase : A9318DSW).
(3) CA Douai, 2ème ch., 2ème sect., 24 mai 2012, n° 10/7659 (N° Lexbase : A4890IM3), D., 2012, actu 1952, note F. Dannenberger.
(4) F. Dannenberger, note sous CA Douai, 2ème sect., 24 mai 2012, préc..
(5) Nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 7ème éd., 2013/2014, n° 435.32.
(6) CA Paris, 7ème ch., sect. A, 28 juin 2005, n° 04/05639 (N° Lexbase : A0636DKR).
(7) Cass. civ. 1, 1er avril 2003, n° 99-21.362, F-P (N° Lexbase : A6505A73), Bull. civ. I, n° 90 ; D., 2003, AJ 1165, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2003/9, n° 113 ; JCP éd. E, 2003, chron. 1396, p. 1574, n° 13, obs. Ph. Pétel ; LPA, 13 novembre 2003, n° 227, p. 9, note C. Léguevaques et Y. Sala ; Rev. proc. coll., 2003, p. 238, n° 5, obs. Ph. Roussel Galle ; Rev. proc. coll., 2004, p. 234, n° 8, obs. F. Macorig-Venier.
(8) Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-21.054, publié (N° Lexbase : A5412A49), Bull. civ. IV, n° 106 ; LPA, 30 juin 1999, n° 129, p. 10, nos obs. ; JCP éd. E, 1999, chron. 1532, n° 1-C-10, obs. crit. Ph. Pétel ; Act. proc. coll., 1999/11, n° 144.
(9) Rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 553 ; adde J. Vallansan, J.-CL. COM., fasc. 2335, [Continuation des contrats en cours], éd. 2007, n° 42.
(10) Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, "Carré droit", Litec 2005, n° 254.
(11) Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-17.773, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, F-D (N° Lexbase : A2656DCD).
(12) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 682.15.
(13) Cass. com., 7 février 2006, n° 04-19.087, F-P+B (N° Lexbase : A8465DMH), Bull. civ. IV, n° 29, D., 2006, AJ 578, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2006/5, n° 45, note J. Vallansan, RD banc. et fin., mars-avril 2006, p. 24, n° 74, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2006/2, p. 45, obs. P.-M. Le Corre ; Cass. com., 7 février 2006, n° 04-19.088, F-D (N° Lexbase : A8466DMI) ; Cass. com., 3 mai 2006, n° 03-17.591, F-D (N° Lexbase : A3448DPE), RD banc. et fin., 2006, n° 167, obs. F.-X. Lucas.
(14) Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-10.868, F-D (N° Lexbase : A8371DIU), Gaz. proc. coll., 2005/3, p. 21, n° 4, obs. S. Gorrias ; Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.129, F-D (N° Lexbase : A8993DIW) ; Cass. com., 27 mai 2008, n° 06-20.357, F-D (N° Lexbase : A7806D8M), Gaz. proc. coll., 2008/3, p. 47, nos obs. ; Cass. com., 24 mars 2009, n° 07-21.567, F-D (N° Lexbase : A1959EEB), Procédures, 2009, comm. 196, note B. Rolland, Rev. proc. coll., 2010/1, § 2, p. 23, note S. Gorrias et V. Manié ; Cass. com., 1er décembre 2009, n° 07-21.695, F-D (N° Lexbase : A3375EPP) ; Cass. com., 16 novembre 2010, n° 09-71.592, F-D (N° Lexbase : A5921GKI).

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