La lettre juridique n°669 du 22 septembre 2016

La lettre juridique - Édition n°669

Éditorial

De la crise immobilière... pénitentiaire

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 22 Septembre 2016


"Quand les hommes sortent de prison, neuf fois sur dix leur regard ne se pose plus. Ils ne regardent plus comme des hommes" - André Malraux, L'espoir

Fin août, les esprits s'échauffaient à nouveau, et pas uniquement au sujet de la tenue de bain républicaine adéquate. Les esprits s'échauffaient face aux conditions de sécurités de plus en plus déplorables au sein des prisons françaises ; conditions de sécurité intimement liées aux conditions de vie, tout simplement, de ces détenus en surnombre.

La solution de fin de quinquennat béni-oui-oui ne s'est pas faite attendre : il manque 10 000 places en prison ? Qu'à cela ne tienne, construisions ces 10 000 (voire 15 000) places... dans les 10 années à venir. Cela ne mange pas de pain... tout juste le budget de la Chancellerie qui, bien qu'en augmentation, reste accaparé par une dépense carcérale incapable de résorber le mal-vivre, le mal-être des prisons depuis plus de trente ans.

Et pour cause : la seule réponse apportée par les gouvernements successifs fut inexorablement de construire toujours plus de place en prison. Plus de 60 % du parc pénitentiaire en 30 ans, avec les résultats et l'efficacité que l'on sait.

Une énième loi vient d'être présentée en conseil des ministres par un Garde des Sceaux fier que son plan soit "concret et précis", et surtout "financé"... certainement à coup de partenariats publics-privés, de manière à accélérer le financement et la construction des prisons ou antennes manquantes.

68 819 détenus au 1er août pour 58 507 places : l'équation est pourtant simple nous dit-on. Et toute la stratégie de l'Etat se résume à un parcours personnalisé vers la prison adéquate : une classification des établissements plus adaptée aux besoins ; de la prison de haute sécurité pour détenus dangereux, jusqu'aux établissements ouverts pour les condamnés en semi-liberté ou les détenus qui, en fin de peine, entrent dans des programmes de réinsertion, nous livre le Monde daté du 20 septembre 2016.

Sauf que la durée moyenne des peines de prison ferme est de onze mois ; sauf que le surnombre carcéral ne concerne que les détentions provisoires (28 % des détenus aujourd'hui).

La voilà l'équation à deux inconnues qu'il faut résoudre plutôt que de sempiternellement s'attacher à l'équation immobilière en matière de politique pénitentiaire. Bien évidemment, évitons la mixité entre détenus provisoires et détenus condamnés, bien que cette dernière population ne soit pas en surnombre carcéral -dans les établissements réservés aux condamnés, maison centrale ou centre de détention, la densité est inférieure à 100 %- : "être en prison pour un crime n'empêche pas de commencer un autre crime" écrivait élégamment Victor Hugo dans ses Misérables. Le meilleur moyen d'encourager la récidive, c'est bien encore de se faire côtoyer apprentis délinquants et maîtres de l'art.

Onze mois pour favoriser une réinsertion, alors que les sorties sont aujourd'hui sèches ! 10 000 détenus provisoires dans l'attente de la tenue de leur procès... sur fond d'échec patent de la contrainte pénale.

Peut-être qu'une politique de suivi et d'accompagnement des détenus pour faciliter leur réinsertion pourrait être envisagée ? Peut-être qu'accroître le nombre de magistrats pour accélérer les procédures pénales en cours pourrait être évoqué ?

En attendant, plus de prisons, soit ; mais qui va garder ces bâtiments trop vite occupés, quand les sous-effectifs chroniques de l'administration pénitentiaire font la une des journaux trop régulièrement ?

Il y a deux ans, nous évoquions la pénitence carcérale comme objectif premier de la prison, aujourd'hui elle constitue une peine à part entière et non plus un sas avant les galères, le bagne ou la mort. Mais "lorsque les mains sont liées, la rage monte au cerveau" nous livre l'injustement condamné Oskar Panizza, les conditions carcérales actuelles sont peu propices à l'examen de conscience, au repentir pour être finalement libre.... Véritablement libre, en dehors de toute question de murs et de préjugés...

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Procédure civile

[Jurisprudence] Temporalité du motif légitime dans la procédure sur requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile et rappel du contradictoire

Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2016, n° 15-21.579, FS-P+B (N° Lexbase : A0081RXB)

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris, cabinet SEFJ, Chargé d'enseignement à l'Université Paris V Responsable des commissions nationales de l'A.C.E. (Association des Avocats Conseils d'Entreprises)

Le 22 Septembre 2016

Par un arrêt de la deuxième chambre civile du 7 juillet 2016, la Cour de cassation précise que, dans le cadre d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, la condition de l'existence d'un motif légitime doit s'apprécier au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de cette requête et de ceux produits ultérieurement devant le juge de la rétractation. Un expert-comptable a cédé son cabinet à une société d'expertise comptable, constituée notamment de son fils et de la compagne de ce dernier. La société, ayant acquis ce cabinet, se plaignit d'un détournement de clientèle, notamment de la part du cédant et de son fils, et a saisi le conseil régional de l'Ordre des experts-comptables, qui régularisa une requête, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier de justice pour procéder à une mesure de constat. Une ordonnance fut rendue le 16 décembre 2011 autorisant la mesure de constat ainsi demandée, laquelle fut réalisée le 25 janvier 2012. Les personnes visées à la requête engagèrent une procédure de référé en rétractation de l'ordonnance ainsi rendue et obtinrent gain de cause, de sorte que les procès-verbaux de constats dressés sur la base de cette ordonnance furent tous annulés.

L'ordonnance de rétractation fit l'objet d'un appel et la cour d'appel d'Aix-en-Provence l'infirma. Un pourvoi en cassation fut régularisé par les personnes visées comme auteurs des actes de détournement contre l'arrêt de la cour les ayant déboutés de leur demande de confirmation de rétractation. L'ordonnance rendue sur requête datait du 16 décembre 2011, l'huissier désigné était autorisé à se rendre au siège d'une société suspectée également de détournement, ce qu'il fit.

Les demandeurs à la rétractation de l'ordonnance se prévalaient du fait que les locaux en cause étaient loués à une autre société depuis le 1er décembre 2011, de sorte que le juge ayant rendu l'ordonnance sur requête devait apprécier l'existence du motif légitime requis au jour du dépôt de la requête initiale. N'ayant pas tiré les conséquences de cette occupation par une autre société que celle visée à la requête, selon les demandeurs au pourvoi, son ordonnance ne pouvait qu'être rétractée.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 7 juillet 2016, rejeta le pourvoi et rappela par un attendu de principe : "mais attendu que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation qui connaît d'une telle demande doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (1) ; qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces que la date de prise d'effet du bail contractuellement fixée au 1er décembre 2011 n'était pas la date de l'entrée effective du preneur dans les lieux qui n'était intervenue qu'en février 2012, faisant ainsi ressortir qu'il n'y a pas eu erreur du juge des requêtes quant à la personne supportant l'exécution de la mesure, la cour d'appel a pu en déduire la légitimité de la mesure de constat."

Cette décision a le mérite de rappeler l'une des conditions essentielles exigées par l'article 145 du Code de procédure civile, l'existence d'un motif légitime, et n'oublie pas le régime de la procédure engagée sur requête, dont le cumul avec l'article 145 pose encore des difficultés d'application par certaines juridictions de fond (1).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond, par ailleurs, à la problématique temporelle de l'appréciation de la condition d'existence du motif légitime ainsi requise (2).

I - L'article 145 et la procédure sur requête

A - L'article 145 du Code de procédure civile

L'attrait des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, s'agissant du fondement à donner à une demande de mesure d'instruction par voie de requête ou d'assignation en référé, en ce qu'elles n'exigent ni urgence (2), ni justification de l'absence de contestation sérieuse (3), et qu'elles ne peuvent souffrir la riposte en défense des dispositions de l'article 146, alinéa 2, du même code (N° Lexbase : L1499H4B) (4), fait souvent oublier au plaideur, ainsi tenté de les retenir, qu'elles contiennent des conditions de recevabilité et de "fond" à ne pas négliger.

L'abondant contentieux en la matière le justifie et l'arrêt commenté en est une fois de plus l'illustration.

Rappelons les dispositions de ce texte : "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".

Deux conditions essentielles au succès d'une demande de mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile sont effectivement à rappeler :

- la première est une condition de recevabilité puisque le juge doit être saisi avant tout procès ; dans un arrêt du 5 juin 2014 (Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-19.967, F-P+B N° Lexbase : A2787MQB) la deuxième chambre civile rappela comme principe "que l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, devait s'apprécier à la date de la saisine du juge des requêtes...". La temporalité de cette première condition fut donc figée à la date de la saisine du juge des requêtes et non étendue à la date où le juge de la rétractation statue ;

- la seconde condition tient à la justification de l'existence d'un motif légitime.

Cette condition n'est pas aussi simple à justifier qu'il n'en paraît.

L'existence de motifs légitimes conditionne le succès d'une demande fondée sur l'article 145.

Il a été jugé à maintes reprises que le demandeur à une mesure sollicitée sur ce fondement doit démontrer l'existence d'un litige plausible et crédible sur lequel pourra influer le résultat de la mesure ordonnée (5).

Le juge doit en particulier contrôler les motivations du demandeur à la mesure et au caractère apparemment sérieux des prétentions qu'il envisage de soumettre ultérieurement au juge du fond.

A cet égard, la jurisprudence a précisé que l'article 145 n'exige pas l'absence de contestation sérieuse sur le fond, l'application de ce texte n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé (6).

Cette autonomie et absence de préjugé sur la responsabilité des personnes appelées est, néanmoins, relative dans la mesure où s'il suffit de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que la solution peut dépendre de la mesure sollicitée et que celle-ci ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux d'autrui (7), il n'en demeure pas moins que, lorsque la prétention au fond est manifestement irrecevable ou vouée à l'échec, le motif légitime n'est pas retenu et la demande fondée sur l'article 145 rejetée (8).

Il existe là un examen souverain du juge des requêtes, donc du juge de la rétractation.

Une fois réunies, les dispositions de l'article 145 ne doivent pas éluder le droit commun de l'ordonnance rendue sur requête.

B - Le droit commun de l'ordonnance sur requête

Alors que l'article 145 du Code de procédure civile prévoit une procédure sur requête autonome, la deuxième chambre civile a rattaché à ce fondement la condition essentielle posée à l'article 493 du même code (N° Lexbase : L6608H7U) (9) : la nécessaire justification de circonstances excluant le respect du contradictoire.

L'article 145 du Code de procédure civile n'y échappe effectivement pas.

Dans son arrêt du 7 juillet 2016, la deuxième chambre civile ne revire pas de position et rappelle en introduction de son attendu de principe, bien que le problème ne se posât pas, l'importance du contradictoire : "[...] la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction [...]".

Depuis plusieurs années la Cour de cassation juge que les mesures d'instruction prévues à l'article 145 ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement (10).

L'existence de motifs légitimes ne peut interférer.

Il a en effet été jugé pour une cour d'appel, qu'en confirmant le refus de rétracter la décision au motif que la requérante justifiait de motifs légitimes, elle n'avait pas donné de base légale à sa décision (11).

Le devoir est de vérifier, même d'office, si le juge a été régulièrement saisi (12).

Au-delà de l'article 145, le pouvoir d'office rappelé par la Cour de cassation donne clairement le ton de la suprématie qu'elle attache au principe de la contradiction.

La procédure sur requête n'est recevable que s'il est justifié "d'office" une dérogation à la règle du contradictoire (13) : "attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter la décision, l'arrêt retient que la société A [...] justifiait au vu des pièces produites d'un motif légitime à voir ordonner la mesure d'expertise ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était tenue de rechercher d'office si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

La seule urgence ne justifie aucunement la dérogation au principe du contradictoire (14) : "attendu que, pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter cette décision, l'arrêt retient que l'urgence liée à la nécessité de procéder dans les meilleurs délais aux constatations, réparations et interrogatoires justifie le recours à la procédure sur requête ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir recherché si la mesure sollicitée exigeait une dérogation à la règle de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

L'ajout de cette condition du droit commun de la procédure des ordonnances rendues sur requête (C. pr. civ., art. 493 N° Lexbase : L6608H7U) à une procédure de saisine sur requête spécifiée par la loi (C. pr. civ., art. 145), préservant ainsi le respect d'un principe général du droit, apporte une certaine clarification à des débats qui laissent malheureusement encore douter les praticiens devant certaines juridictions de fond.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 5 février 2015 (15), a jugé que l'article 493 du Code de procédure civile s'applique seulement aux requêtes "innomées".

La requête prévue par l'article 145 n'est-elle pas une requête "nommée" ?

Le législateur, dans une série d'hypothèses, a subordonné l'accès au juge des requêtes à des conditions spécifiques prévues par chaque texte en particulier.

Tel est bien le cas de l'article 145 du Code de procédure civile.

Comme le relève M. Grégory Mouy dans son article commentant la décision rendue par la deuxième chambre civile le 15 janvier 2009 à propos de l'abandon de la condition d'urgence dans l'ordonnance sur requête probatoire de l'article 145 (16), les ordonnances innommées sont "[...] celles qui ne sont spécialement prévues par aucun texte et qui s'inscrivent dans les pouvoirs généraux du président de juridiction [...]".

Ainsi, selon l'arrêt précité du 5 février 2015, les requêtes fondées sur l'article 145 n'auraient pas à souffrir du respect de la condition posée par l'article 493.

Cette solution résiste au principe inverse rappelé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation un an plus tôt.

Dans un arrêt du 20 mars 2014 (Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B N° Lexbase : A7478MHG) la deuxième chambre civile a pris le soin de poser, dans un premier attendu le principe selon lequel le juge doit examiner seulement deux conditions, au jour où il statue, lorsqu'il est saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile : l'existence ou non d'un motif légitime à ordonner la mesure et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

La question relative à la condition ayant trait au contradictoire ne s'était pas posée dans l'affaire qui a abouti à l'arrêt du 7 juillet 2016.

Ce n'est pas pour autant que la condition de la preuve de circonstances, justifiant de ne pas procéder contradictoirement, a disparu.

L'arrêt du 7 juillet 2016 comprend une incise, visant le rétablissement du contradictoire, à ne pas sous-estimer dans le cadre des procédures sur requête fondées sur l'article 145.

Il serait effectivement souhaitable, au nom du respect du principe général et essentiel du contradictoire dont les exceptions et exclusions doivent être expressément prévues, qu'aucune distinction ne soit effectuée et que le droit commun des ordonnances sur requête, sauf disposition textuelle prévoyant expressément le contraire, s'applique tant aux requêtes nommées qu'à celles innommées.

Il semble que la deuxième chambre civile trace cette voie.

Un attendu de principe encore plus explicite en ce sens serait le bienvenu.

II - Rétractation et moment de l'appréciation de l'existence du motif légitime

A - La procédure de rétractation

S'il n'est pas fait droit à la requête, il n'y a pas de difficulté majeure puisque appel peut être interjeté de l'ordonnance de rejet à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel.

Le délai d'appel est, dans ce cas, de quinze jours (17).

En revanche, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance (18), le juge ayant alors la faculté de modifier ou de rétracter sa décision (19).

La procédure de référé est seule ouverte à ceux auxquels cette décision fait grief (20). Il est à noter qu'il n'existe aucune disposition prévoyant un délai pour engager une telle procédure, ce qui n'est pas un gage de sécurité. L'examen de la demande en rétractation peut, en effet, se situer, dans le temps, loin de celui initial de la requête. Dans l'intervalle, la procédure et les faits peuvent sensiblement évoluer.

Les articles 496 (N° Lexbase : L3892AZ8) et 497 (N° Lexbase : L3893AZ9) du Code de procédure civile, ne prévoyant aucun délai pour en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, il a été jugé que ce dernier a la faculté de la modifier ou de la rétracter même si le juge du fond est saisi de l'affaire (21).

Conjuguées aux autres décisions rendues par la jurisprudence sur le fondement des dispositions des articles 496 et 497, les dispositions de l'article 145, exigeant l'existence d'un motif légitime, posent difficulté.

B - Temporalité

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue, en considérant la situation qui existe à cet instant et non à la date où le premier juge s'est prononcé (22).

La deuxième chambre civile avait déjà apporté une importante précision : le juge ne peut, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs, refuser de tenir compte des faits postérieurs à l'ordonnance attaquée (23).

Il reste pourtant limité par l'objet de la requête : l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées sur la base d'une procédure non contradictoire.

Reste donc l'épineux problème de la date d'appréciation de l'existence du motif légitime requis.

L'arrêt du 7 juillet 2016 rappelle bien ces principes, et dans cette affaire ne se posait pas le problème de la délimitation des pouvoirs du juge des requêtes au regard de ce qui lui était demandé, seule l'appréciation de l'existence du motif légitime et de sa preuve se posant : le juge de la rétractation doit apprécier l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de cette requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le motif légitime doit donc être prouvé au jour de la requête initiale ainsi que par toutes autres pièces produites devant le juge de la rétractation.

La deuxième chambre civile, dans son arrêt du 7 juillet 2016, ne se basant pas que sur la date à laquelle le juge de la rétractation statue, rappelle et confirme clairement que le juge de la rétractation doit prendre en considération, au-delà des faits, l'évolution des preuves entre la requête initiale et le jour où il statue.

Le juge, ayant statué sur la requête initiale, n'avait apparemment pas à son dossier la preuve que la prise effective du bail par le preneur autre que la société visée à la requête était en février 2012 et non au 1er décembre 2012.

C'est le débat contradictoire et les pièces produites dans le cadre de la procédure en rétractation qui permirent d'éclairer le juge de la rétractation sur la réalité de la situation à la date de la requête initiale.

Le juge de la requête initiale aurait donc pu se tromper au regard des seules pièces qui étaient jointes à la requête initiale. L'échange contradictoire était donc primordial et les pièces communiquées postérieurement pour renforcer la preuve de la situation d'origine qui justifiait le bien-fondé de la requête étaient donc recevables au soutien du rejet de la rétractation demandée.

Il faut s'en féliciter car cette solution est de bon sens.

Il sera utile de rappeler, quant à ce problème de temporalité de l'appréciation des conditions posées par l'article 145 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 juin 2014 précité.

La deuxième chambre civile estima que l'absence d'instance au fond, requise par l'article 145, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge des requêtes.

Les solutions posées quant à la temporalité d'appréciation du motif légitime, de l'absence de tout procès au fond et de délimitation des débats suggèrent donc une distinction entre, d'une part, l'évolution des faits et des preuves, que le juge de la rétractation doit prendre en considération au jour où il statue, et d'autre part, l'évolution de la procédure et de l'objet, figés au jour où le juge des requêtes est saisi.


(1) Souligné par l'auteur.
(2) Cass. com., 25 octobre 1983, n° 82-13.595 (N° Lexbase : A0606MWD), Bull. civ., IV, n° 275.
(3) Cass. civ. 3, 10 décembre 1980, n° 79 -11.035 (N° Lexbase : A9750CG9), Gaz. Pal., 1981, 1, 287.
(4) C. pr. civ., art. 146, al. 2 (N° Lexbase : L1499H4B) : "en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve" - Cass. mixte, 7 mai 1982, n° 79-11.814 (N° Lexbase : A4594CGA), D., 1982, 541 ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 05-15.039, F-P+B (N° Lexbase : A5119DNW), Bull. civ. II, n° 70 ; Cass. civ. 2, 10 mars 2011, n° 10-11.732, F-P+B (N° Lexbase : A1660HDT), Bull. civ. II, n° 65.
(5) CA Nancy, 22 juin 2011, n° 09/03180 (N° Lexbase : A0851HWG).
(6) CA Paris, 19 avril 2000, n° 1999/22563 (N° Lexbase : A3925EKL), D., 2000, IR, 193.
(7) Voir arrêt note 5 supra.
(8) Cass. civ. 1, 29 avril 1985, n° 84-10.401 (N° Lexbase : A2924AAK), Bull. civ. I, n° 131 ; CA Orléans, 4 mars 1983, D., 1983 ; 343, note Jeantin; CA Versailles, 28 février 2001, D., 2001, Somm., 2719, obs. Julien.
(9) Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B (N° Lexbase : A7478MHG)
(10) Cass. civ. 2, 13 mai 1987, n° 86-11.098 (N° Lexbase : A7669AAB), Bull. civ. II, n° 112 ; Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-11.342, F-P+B (N° Lexbase : A0503ESG), Bull. civ. II., n° 32.
(11) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, Bull. civ. II, n° 105.
(12) Cass. civ. 2, 11 février 2010, préc. supra, note 8.
(13) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, préc. supra, note 9 ; Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399, FS-P+B (N° Lexbase : A3714DPA), Bull. civ. II, n° 128 ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2011, n° 10-25.403, F-P+B (N° Lexbase : A5445HXX), Bull. civ. II, n° 68.
(14) Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399, FS-P+B (N° Lexbase : A3714DPA), Bull. civ. II, n° 128.
(15) CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 5 février 2015, n° 13/01247 (N° Lexbase : A9448NA8), JCP éd. G., 2015, 435, note Foulon et Strickler.
(16) Abandon de la condition de l'urgence dans l'ordonnance sur requête probatoire de l'article 145 du Code de procédure civile. G. Mouy, recueil Dalloz, 2009, n° 21, p. 1455 et s..
(17) C. pr. civ., art. 496, al. 1.
(18) C. pr. civ., art. 496, al. 2.
(19) C. pr. civ., art. 497.
(20) Cass. civ. 2, 6 avril 1987, n° 85-18.192 (N° Lexbase : A6702AAH), Bull. civ. II, n° 85.
(21) Cass. civ. 2, 26 novembre 1990, n° 89-18.207 (N° Lexbase : A4730AHN), Bull. civ. II, n° 247.
(22) Cass. civ. 3, 2 octobre 2001, n° 99-12.382 (N° Lexbase : A1499AWG).
(23) Cass. civ. 1, 20 novembre 1985, n° 84-14.473 (N° Lexbase : A3703AAE), Bull. civ. II, n° 176 ; Cass. civ. 2, 12 janvier 1994, n° 92-14.605 (N° Lexbase : A6967ABN), Bull. civ. II, n°25.

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Collectivités territoriales

[Brèves] Conformité à la Constitution de la suppression de la clause de compétence générale des départements

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016 (N° Lexbase : A2488R3K)

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Le 22 Septembre 2016

La suppression de la clause de compétence générale des départements est conforme à la Constitution. Telle est la solution d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 16 septembre 2016 (Cons. const., décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016 N° Lexbase : A2488R3K). Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 juin 2016 par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8307KGR), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République (N° Lexbase : L1379KG8). L'assemblée des départements de France soutenait qu'en supprimant la "clause de compétence générale" reconnue aux départements, y compris pour les compétences non attribuées par la loi à une autre collectivité, le législateur avait méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L0904AHX). Le Conseil constitutionnel a déduit des dispositions du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution qu'il est loisible au législateur d'énumérer limitativement les attributions effectives dont doit être dotée l'assemblée délibérante de toute collectivité territoriale. Les Sages ont jugé, d'une part, que le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution n'implique pas, par lui-même, que les collectivités territoriales doivent pouvoir intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d'une compétence attribuée par la loi. D'autre part, compte tenu de l'étendue des attributions dévolues aux départements par les dispositions législatives en vigueur, les dispositions contestées ne privent pas les départements d'attributions effectives. Ecartant le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, ils rejettent donc la QPC.

newsid:454341

Construction

[Brèves] Qualité à agir de l'acquéreur de l'immeuble en paiement des indemnités d'assurance

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.630, FS-P+B (N° Lexbase : A2416R3U)

Lecture: 2 min

N4375BWX

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Le 22 Septembre 2016

Sauf clause contraire, l'acquéreur de l'immeuble a seul qualité à agir en paiement des indemnités d'assurance contre l'assureur garantissant les dommages à l'ouvrage, même si la déclaration de sinistre a été effectuée avant la vente. Telle est la solution formulée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 septembre 2016 (Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.630, FS-P+B N° Lexbase : A2416R3U). En l'espèce, la société B. a donné en crédit-bail des locaux à usage industriel à la société T.. En 1993, la société C. est venue aux droits et obligations de la société B. à la suite d'une opération de fusion-absorption. En 1999/2000, d'importantes dégradations du revêtement de sol en carrelage sont apparues et ont donné lieu à une déclaration de sinistre auprès de la société A., assureur dommages ouvrage, laquelle a, après expertise amiable, donné une réponse favorable à la mise en oeuvre de la garantie en proposant un règlement définitif du sinistre à hauteur de 91 390,14 euros. Fin 2000, la société T. est devenue propriétaire de l'immeuble à la suite de la levée de l'option d'achat et, le même jour, l'immeuble a été revendu à la société E. et à la société S., un nouveau contrat de crédit-bail étant conclu entre ces sociétés et la société T., aux termes duquel le preneur se voyait conférer la faculté de décider s'il y avait lieu ou non d'accepter les indemnités proposées par la compagnie d'assurances. En 2004, l'assureur a notifié son refus de règlement du sinistre. En 2006, la société G. a procédé à la dissolution anticipée sans liquidation de la société T., dont elle était devenue l'associée unique. La société G. et la société C. ont assigné l'assureur et le courtier en indemnisation des préjudices subis du fait des dommages ayant donné lieu à la déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages ouvrage. En cause d'appel, pour rejeter les demandes formées contre l'assureur, l'arrêt a retenu que c'était à juste titre que celui-ci soulevait l'absence de droit des sociétés C. et G. à se prévaloir d'une créance d'indemnité pour un sinistre déclaré en février 2000 (CA Paris, Pôle 4, 6ème ch., 15 septembre 2015, n° 09/15046 N° Lexbase : A8963NHG). A tort selon la Haute juridiction qui censure les juges d'appel au visa des articles L. 242-1 (N° Lexbase : L1892IBP) et L. 121-10 (N° Lexbase : L0086AAG) du Code des assurances, ensemble l'article 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) du Code civil.

newsid:454375

Contrat de travail

[Brèves] Reprise du versement du salaire en cas d'inaptitude physique pour le salarié en CDD

Réf. : Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-16.764, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7921RZE)

Lecture: 2 min

N4356BWA

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Le 22 Septembre 2016

Il résulte de la combinaison des articles L. 1226-2 (N° Lexbase : L1006H97), L. 1226-4 (N° Lexbase : L5819ISC) et L. 1242-15 (N° Lexbase : L1451H9M) du Code du travail interprétés à la lumière de la clause 4 de l'accord-cadre du 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 (N° Lexbase : L0072AWL), que, lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d'un accident du travail ou d'une maladie non-professionnelle, n'est pas reclassé dans l'entreprise, l'employeur doit, comme pour les salariés sous contrat à durée indéterminée, reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail. Telle est la solution apportée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 septembre 2016 (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-16.764, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7921RZE ; voir en ce sens, Cass. soc., 6 février 2008, n° 06-45.551, F-P+B N° Lexbase : A7283D4I).
En l'espèce, un avenant, signé le même jour que l'engagement d'un joueur professionnel, prévoit le renouvellement automatique du contrat de travail pour trois saisons. Le joueur est placé en arrêt de travail en raison d'une pathologie d'origine non-professionnelle et à l'issue d'une visite unique justifiée par un danger immédiat, le médecin du travail émet un avis d'inaptitude au poste de footballeur professionnel et déclare le salarié apte à tous postes ne nécessitant pas d'efforts physiques intenses. Le club propose au salarié un reclassement en qualité d'éducateur à temps plein dans une école de football ou de secrétaire administratif que le salarié refuse pareillement.
La cour d'appel d'Angers (CA Angers, 17 février 2015, n° 12/02784 N° Lexbase : A5122NBC) déboute l'intéressé de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts. Le joueur forme alors un pourvoi en cassation. En énonçant la règle susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers. En statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3284ETS).

newsid:454356

Environnement

[Brèves] Information en matière de cession d'immeuble ayant abrité une installation classée soumise à autorisation : pas d'obligation d'annexer à la DIA les éléments relatis à la pollution potentielle du bien

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.916, FS-P+B (N° Lexbase : A2375R3D)

Lecture: 2 min

N4414BWE

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Le 23 Septembre 2016

Si, aux termes de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur au 28 septembre 2011 (N° Lexbase : L3399IEM), date de la déclaration d'intention d'aliéner, le vendeur avait l'obligation d'informer par écrit l'acheteur qu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement avait été exploitée sur le terrain (voir Cass. civ. 3, 11 mars 2014, n° 12-29.556, F-D N° Lexbase : A9297MGG), ni ce texte, ni aucun autre à cette date, n'imposait au vendeur d'annexer à la déclaration d'intention d'aliéner les éléments relatifs à la pollution potentielle du bien, de sorte qu'en se fondant sur l'absence de ces éléments, le titulaire du droit de préemption ne peut se prévaloir des droits réservés à l'acheteur par l'alinéa 3 du texte précité. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 septembre 2016 (Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.916, FS-P+B N° Lexbase : A2375R3D). La société X, bénéficiaire d'une délégation du droit de préemption urbain consentie par la commune d'Ivry-sur-Seine, a décidé d'exercer ce droit, à l'occasion d'une déclaration d'intention d'aliéner un terrain faite par la société Y. Le juge de l'expropriation, saisi par la société X, a fixé le prix à la somme de 3 640 000 euros. Celle-ci ayant refusé de signer l'acte de vente en invoquant un manquement du vendeur à l'obligation d'information environnementale, prévue par l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, la société Y l'a assignée en réitération de la vente par voie judiciaire. La société X fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, pour refuser de payer le prix tel que fixé par le juge de l'expropriation, et de la condamner à payer à la société Y la somme de 1 140 000 euros au titre du solde du prix et celle de 30 000 euros de dommages et intérêts. Toutefois, la Cour suprême indique qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à 2014 (N° Lexbase : L0733IHM), le vendeur n'avait pas l'obligation formelle d'informer le titulaire du droit de préemption, dans la déclaration d'intention d'aliéner, qu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement avait été antérieurement exploitée sur le terrain, objet de la vente, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la société X ne pouvait se prévaloir de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement.

newsid:454414

Environnement

[Brèves] Information en matière de cession d'immeuble ayant abrité une installation classée soumise à autorisation : pas d'obligation d'annexer à la DIA les éléments relatis à la pollution potentielle du bien

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.916, FS-P+B (N° Lexbase : A2375R3D)

Lecture: 2 min

N4414BWE

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Le 23 Septembre 2016

Si, aux termes de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur au 28 septembre 2011 (N° Lexbase : L3399IEM), date de la déclaration d'intention d'aliéner, le vendeur avait l'obligation d'informer par écrit l'acheteur qu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement avait été exploitée sur le terrain (voir Cass. civ. 3, 11 mars 2014, n° 12-29.556, F-D N° Lexbase : A9297MGG), ni ce texte, ni aucun autre à cette date, n'imposait au vendeur d'annexer à la déclaration d'intention d'aliéner les éléments relatifs à la pollution potentielle du bien, de sorte qu'en se fondant sur l'absence de ces éléments, le titulaire du droit de préemption ne peut se prévaloir des droits réservés à l'acheteur par l'alinéa 3 du texte précité. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 septembre 2016 (Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.916, FS-P+B N° Lexbase : A2375R3D). La société X, bénéficiaire d'une délégation du droit de préemption urbain consentie par la commune d'Ivry-sur-Seine, a décidé d'exercer ce droit, à l'occasion d'une déclaration d'intention d'aliéner un terrain faite par la société Y. Le juge de l'expropriation, saisi par la société X, a fixé le prix à la somme de 3 640 000 euros. Celle-ci ayant refusé de signer l'acte de vente en invoquant un manquement du vendeur à l'obligation d'information environnementale, prévue par l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, la société Y l'a assignée en réitération de la vente par voie judiciaire. La société X fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, pour refuser de payer le prix tel que fixé par le juge de l'expropriation, et de la condamner à payer à la société Y la somme de 1 140 000 euros au titre du solde du prix et celle de 30 000 euros de dommages et intérêts. Toutefois, la Cour suprême indique qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à 2014 (N° Lexbase : L0733IHM), le vendeur n'avait pas l'obligation formelle d'informer le titulaire du droit de préemption, dans la déclaration d'intention d'aliéner, qu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement avait été antérieurement exploitée sur le terrain, objet de la vente, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la société X ne pouvait se prévaloir de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement.

newsid:454414

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Imposition des revenus distribués : conformité à la Constitution de la présomption à l'égard du maître de l'affaire

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 14 septembre 2016, n° 400882, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9148RZT)

Lecture: 2 min

N4379BW4

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Le 23 Septembre 2016

La présomption à l'égard du maître de l'affaire qui aurait perçu des revenus distribués est conforme à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 14 septembre 2016 (CE 3° et 8° ch.-r., 14 septembre 2016, n° 400882, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9148RZT). En l'espèce, les requérants soutiennent qu'en se bornant à donner une simple définition des revenus distribués, sans déterminer les critères ou les conditions d'appréhension de ces revenus afin de les intégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu et en soumettant le maître de l'affaire à la présomption irréfragable qu'il aurait perçu des revenus distribués, le 1° du 1 de l'article 109 du CGI (N° Lexbase : L2060HLU), tel qu'interprété par la jurisprudence, méconnaît le critères des facultés contributives, qui découle du principe d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, la Haute juridiction ne leur a pas donné raison. En effet, si l'administration fiscale entend imposer des revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du CGI au nom du maître de l'affaire, elle doit, tout d'abord, justifier de cette qualification. Le contribuable peut, par la suite, établir que les éléments apportés par l'administration sont insuffisants pour justifier de cette qualification ; la présomption n'est pas irréfragable. En outre, il existe ainsi une différence de situation entre, d'une part, les personnes qui sont imposées sur les revenus réputés distribués qu'elles ont appréhendés et, d'autre part, le maître de l'affaire qui est réputé avoir reçu la totalité des revenus réputés distribués. Toutefois, les impositions sur les revenus réputés distribués mises à la charge de ce dernier résultent de l'application des règles et barèmes communs à tous les contribuables ayant perçu des revenus réputés distribués. Elles sont ainsi en relation avec la capacité contributive de ce contribuable et ne sont pas confiscatoires. Pour autant, il semble louable de penser que les arguments des requérants ont un sens au regard, notamment, d'un arrêt de principe rendu en 1982 par le Conseil d'Etat qui énonce que dans la mesure où le dirigeant d'une société peut être regardé comme le seul maître de l'affaire, l'administration est réputée rapporter la preuve que celui-ci est le véritable bénéficiaire de sommes distribuées par la société (CE 7° et 9° s-s-r., 20 octobre 1982, n° 23942, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9117AKU : confirmé récemment par cet autre arrêt : CE 3° et 8° ch.-r., 13 juin 2016, n° 391240, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7768RSI, concl. V. Daumas, Lexbase, éd. fisc., n° 665, 2016 N° Lexbase : N3976BW8) .

newsid:454379

Fiscalité internationale

[Brèves] QPC : quid de la présomption irréfragable s'agissant de la retenue à la source de 75 % appliquée aux produits distribués dans un ETNC ?

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 14 septembre 2016, n° 400867, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9154RZ3)

Lecture: 1 min

N4380BW7

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Le 29 Septembre 2016

A été renvoyée devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la présomption irréfragable s'agissant de la retenue à la source de 75 % appliquée aux produits distribués dans un Etat ou territoire non coopératif. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 14 septembre 2016 (CE 3° et 8° ch.-r., 14 septembre 2016, n° 400867, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9154RZ3). En l'espèce, la société requérante a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions du 2 de l'article 187 du CGI (N° Lexbase : L3953KWC) dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009, de finances rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE), modifiée par la loi de finances du 29 décembre 2012 pour 2013 (loi n° 2012-1509 N° Lexbase : L7971IUR). Elle soutient que cette retenue à la source méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de légalité des délits et des peines, et le principe de liberté d'entreprendre. Pour les Hauts magistrats, qui ont accepté cette requête, hormis le taux qu'elles fixent, qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 (N° Lexbase : A6288IZW), ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Ainsi, les dispositions litigieuses institueraient une présomption irréfragable empêchant le contribuable d'apporter la preuve que les opérations auxquelles correspondent les sommes taxées ont principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation de ces distributions dans un Etat ou territoire non coopératif .

newsid:454380

Libertés publiques

[Doctrine] Le juge administratif, nouveau gardien de la liberté individuelle ? (seconde partie)

Lecture: 12 min

N4334BWG

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 22 Septembre 2016

C'est au juge judiciaire que le pouvoir constituant de 1958 a décidé de confier la protection de la liberté individuelle. Toutefois, beaucoup d'éléments permettent aujourd'hui un rééquilibrage de la fonction de gardien de la liberté individuelle voire, plus largement des libertés vers le juge administratif montrant l'égale vocation de ce dernier à garantir les libertés fondamentales, égale vocation qui a toujours existé et qui, depuis longtemps, guide son office (lire N° Lexbase : N4232BWN). Ce rééquilibrage a notamment été permis par le développement conséquent de certains pouvoirs lui permettant d'assurer, au même titre que le juge judiciaire, une protection effective des droits et libertés (II). II - Des pouvoirs qui permettent, au même titre que le juge judiciaire, d'assurer une protection effective

Le système de recours tel qu'il a été appliqué à la justice administrative jusqu'à la fin du XXème siècle a révélé, en dépit de ses mérites, des insuffisances au niveau de l'efficacité de la protection des libertés si on devait le comparer, notamment, à celui existant dans le cadre du système de recours alors existant dans l'ordre judiciaire. Le recours pour excès de pouvoir permet d'annuler les décisions administratives qui ont méconnu les droits et libertés mais, il n'est pas, en principe, suspensif et, compte tenu des délais de jugement, l'annulation peut intervenir alors que des atteintes irréversibles aux libertés ont été portées. Mais depuis ces quarante dernières années, le modèle classique a connu une profonde mutation sous l'influence de la jurisprudence européenne et celle, parallèle, du juge constitutionnel. Devant la concurrence du juge judiciaire, le Conseil d'Etat s'est donné les moyens pour acquérir une nouvelle légitimité et devenir, à son tour, un protecteur des libertés fondamentales. Il peut, aujourd'hui, devenir ce protecteur grâce à une emprise plus directe et plus forte sur l'action administrative (A). Si celle-ci a été permise par le législateur, cela n'a pas empêché le juge d'aller au-delà des considérations légales pour adapter son office à travers une optique plus subjective de protection des libertés (B).

A - Une emprise plus directe et plus forte du juge administratif sur l'action administrative

C'est d'abord grâce à l'action du législateur que les pouvoirs du juge administratif ont été élargis. Il manquait des moyens permettant à ce que les sentences du juge administratif puissent intervenir rapidement en cas de besoin afin de ne pas être platoniques. De plus, le caractère exécutoire des actes administratifs a longtemps conféré, en principe, un effet non suspensif aux recours dirigés contre eux afin d'éviter les contentieux purement dilatoires. Pour palier à ces défauts, des procédures d'urgence ont été mises en place assez rapidement dont le sursis à exécution ou ce qu'on a appelé la procédure du "déféré-liberté", procédure qui, à l'initiative du préfet, permet au juge administratif de suspendre, dans un délai de 48 heures, l'exécution d'un acte d'une collectivité territoriale de "nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle" (1) mais ces procédures étaient tenues de "ne pas faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative" (2) et étaient beaucoup moins efficaces que celles à disposition du juge civil des référés (3) et il était donc tentant de soumettre à ce dernier, via une conception très extensive de la notion de voie de fait, de nombreux litiges mettant en cause l'administration.

Les mêmes règles (juge unique, délai bref) sont retenues, à partir de 1990, pour le contentieux des mesures d'éloignement des étrangers, permettant de contester des arrêtés de reconduite à la frontière (4) et, depuis 2006, des obligations de quitter le territoire français (5). Ces procédures spécifiques ont préfiguré la réforme d'ensemble des procédures de référé issue de la loi du 30 juin 2000 (6), dans le sillage de laquelle s'est développée une véritable culture de l'urgence au sein des juridictions administratives. L'institution centrale est forcément la procédure du référé-liberté (CJA, art. L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT) permettant au juge de prendre les mesures nécessaires lorsqu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. D'une part, les pouvoirs du juge y sont très larges puisqu'il peut prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés atteintes ou menacées telles que notamment des mesures de suspension ou d'injonction, ces mesures pouvant même être irréversibles (7). Comme il l'a déjà affirmé en 2003 (8), les décisions du juge des référés, qui ne sont pas revêtues de l'autorité de chose jugée, sont néanmoins exécutoires et obligatoires. Par conséquent, l'administration ne peut reprendre la même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prendre sa décision.

Les injonctions peuvent être très contraignantes pour l'administration comme, par exemple, en matière de détention dans les établissements pénitentiaires. Une première ordonnance remarquée a concerné la prison des Baumettes à Marseille en 2012 où le juge du référé-liberté avait ordonné à l'administration de procéder, dans un délai de dix jours, à la détermination des mesures nécessaires à l'éradication des animaux nuisibles présents dans les locaux du centre pénitentiaire (9).Trois ans après, c'est la maison d'arrêt de Nîmes qui fait à son tour l'objet de la même procédure. L'ordonnance rendue reconnaissant, s'agissant des pouvoirs du juge, que celui-ci puisse ordonner à l'autorité administrative de prendre des mesures d'organisation du service relativement aux conditions matérielles d'installation des détenus durant la nuit, l'accès aux produits d'entretien des cellules et à des draps et couvertures propres ou encore à la dotation de l'accueil des familles d'un moyen d'alarme ou la modification du système sécurité incendie (10). Le juge des référés a pu opérer de même, plus récemment, concernant l'hébergement des migrants au centre d'accueil de Calais (11) ou encore contre le refus persistant d'ouverture d'une mosquée (12). Dans ce dernier exemple qui concernait le refus du maire d'autoriser l'ouverture d'une mosquée, le Conseil d'Etat a fait un usage poussé de son pouvoir d'injonction. Comme, suite à une première décision en référé, le maire s'était abstenu de réexaminer la demande dans un délai déterminé, comme l'imposait la décision du juge devenue définitive, le Conseil d'Etat lui a, cette fois-ci, enjoint de délivrer une autorisation provisoire et a placé le maire en situation de compétence liée, celui-ci ne disposant en effet d'aucune liberté de choix quant au contenu de la décision.

D'autre part, la procédure du référé liberté s'applique à toute atteinte (décision, agissement, action positive ou abstention) portée à une liberté fondamentale, cette dernière notion étant, de plus, entendue de manière propre au référé avec un champ d'application très large (13). Pour terminer, il faut aussi évoquer, outre le référé-liberté les autres référés généraux (référé-suspension et référé-mesures utiles), qui n'ont certes pas pour objet de protéger les libertés mais peuvent néanmoins servir à cela, les référés ouverts à certaines autorités administratives indépendantes (CSA, CNIL, Défenseur des droits...) qui s'exercent à travers les référés de droit commun mais qui font apparaître le juge administratif comme un auxiliaire de ces autorités.

Dans le cadre du contentieux de l'annulation, la loi du 16 juillet 1980 (14) a institué un mécanisme original permettant au Conseil d'Etat, et depuis la loi du 8 février 1995 (15) à toutes les juridictions administratives, de prononcer, d'office ou sur demande des bénéficiaires de la décision une astreinte pour faire exécuter leur sentence (CJA, art. L. 911-4 N° Lexbase : L3332ALY et L. 911-5 N° Lexbase : L3333ALZ). Cette transposition au contentieux administratif des voies d'exécution du droit privé a d'abord été interprétée restrictivement (16). Mais la forte augmentation des demandes a entraîné celles des astreintes prononcées et liquidées, y compris contre l'Etat (17), ce qui a entraîné une meilleure exécution des décisions de justice par l'administration. Le Conseil d'Etat n'a cessé depuis d'élargir les conditions de recevabilité des demandes d'astreinte (18).

Dans la même logique, la reconnaissance du pouvoir d'injonction par la loi du 8 février 1995 n'est pas spécifiquement conçue pour protéger les droits et libertés mais ce dernier permet de mettre en oeuvre le droit à l'exécution des décisions de justice qui est un aspect du droit à un recours effectif et les mesures impliquées par la chose jugée peuvent permettre de réaliser alors un droit ou une liberté. Par exemple, l'annulation du refus de prendre les mesures positives nécessaires à la réalisation de droits créances pourra déboucher sur l'injonction de prendre ces mesures. Ce nouveau pouvoir a conduit le juge administratif, dans le contentieux de l'annulation, à modifier quelque peu son office dans un sens plus direct vers le respect des droits et libertés. Grâce aux injonctions "préventives", le juge administratif peut, au moment même où il annule une décision, ordonner à l'administration de prendre une mesure d'exécution dans un sens déterminé (CJA, art. L. 911-1 N° Lexbase : L3329ALU) ou de procéder à une nouvelle instruction de la demande litigieuse (CJA, art. L. 911-2 N° Lexbase : L3330ALW).

Il donne ainsi une portée utile à ces décisions en prévenant tout risque d'inertie administrative. Il a précisé, par exemple, que l'administration ne peut plus retirer une décision illégale mais non annulée, au nom du principe de sécurité juridique (19), principe qui lui permet, aussi, d'imposer à l'administration l'édiction de mesures provisoires dans les actes réglementaires (20) dans les limites de sa compétence mais avec effet immédiat sur les situations en cours (21). Il se permet également de fixer la date d'effet dans le temps de ses décisions d'annulation en indiquant à l'administration les solutions envisageables (22) et même de moduler dans le temps les conséquences de ses arrêts en annulant un acte seulement pour l'avenir, afin d'éviter "les conséquences manifestement excessives de la rétroactivité [...] pour les divers intérêts publics et privés en présence" (23).

B - Le dépassement des limites légales mises à l'action du juge

Tous les moyens ont été donnés au juge administratif pour qu'il dispose des mêmes pouvoirs que le juge judiciaire pour exercer complètement son office mais, au-delà des possibilités légales nouvellement données, le juge administratif a su pleinement transformé son office pour une protection réellement effective des droits et libertés. Cela l'a amené à clairement dépasser les limites légales des moyens qui lui ont été attribuées. Ce dépassement a d'abord existé en matière d'injonctions. Le pouvoir d'injonction s'est affranchi au-delà de l'injonction légale et en dehors du cadre législatif. Il constitue, par exemple, l'objet même du recours "DALO" (24). De même, le juge administratif les prononce d'office et sans les nommer pour assurer l'exécution concrète de ses décisions de justice : la pratique a été inaugurée dans les arrêts "Société Toulouse football club" (25), "Vassilikiotis" (26) et "Titran" (27).

Ce n'est certes pas la première fois que le juge de la légalité prend l'initiative de préciser les obligations découlant pour l'administration de l'annulation prononcée (28) mais ce n'est pas seulement dans les motifs de la décision que se lisent les obligations résultant pour l'administration de l'annulation. Celles-ci apparaissent également dans le dispositif même du jugement, le Conseil d'Etat ayant pris soin de préciser, dans chacune des affaires citées ici, que les annulations prononcées "comportent les obligations énoncées aux motifs". Cette technique marque clairement la volonté du juge d'ordonner à l'administration un comportement précis et déroge, en conséquence, singulièrement à l'interdiction de statuer ultra petita.

Le phénomène d'injonction jurisprudentielle existe sur une échelle limitée dans le cadre du recours pour excès de pouvoir mais de telles injonctions se sont multipliées au coeur des trois référés-urgence. L'injonction, à côté de la suspension d'un acte administratif, constitue l'objet de l'essentiel des saisines du juge des référés liberté, suspension et mesures utiles. Par exemple, pour donner toute son efficacité à la suspension, le juge du référé suspension, quand il suspend une décision de rejet, s'est reconnu le pouvoir d'assortir sa décision de l'indication des obligations en découlant pour l'administration, et cela de sa propre initiative, ce qui revient à prononcer une injonction d'office (29). Mais c'est surtout en matière de référé-liberté que l'on constate davantage la pratique et derrière cela, le dépassement des limites légales mises à l'action du juge. L'affranchissement au devoir de prononcer toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté justifiant alors le dépassement de certaines conditions légales.

Plusieurs solutions jurisprudentielles récentes confirment cet état de fait. On a déjà pu voir que, contrairement à la volonté certaine du législateur et à la lettre de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative, le juge du référé-liberté s'était déclaré compétent pour enjoindre à l'administration de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété quand bien même cette atteinte aurait le caractère de voie de fait (30). On a pu voir aussi que le juge de l'urgence s'était affranchi du principe selon lequel il ne statue que par des mesures provisoires, il peut aller outre et prendre des mesures définitives quand aucune mesure provisoire n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale en cause (31). Pour agir vite et juger avec toute la célérité nécessaire, il a été jugé aussi que le délai de 48 heures, pas plus qu'il ne constitue un délai butoir prescrit à peine de dessaisissement, n'a pas le caractère d'un délai plancher qu'il conviendrait pour le juge d'épuiser avant de se prononcer. Les ordonnances rendues dans l'affaire "Dieudonné" (32) ont ainsi, malgré les critiques émises à leur encontre (33), été présentées comme une belle revanche sur le calendrier resté tristement célèbre de l'affaire "Benjamin" où le juge de l'excès de pouvoir, avait été dans l'incapacité d'empêcher la tenue des conférences (34). Le juge des référés ne s'est pas permis d'aller seulement plus vite que le juge du fond, il s'est aussi permis d'agir plus efficacement. Il s'est ainsi reconnu le pouvoir de suspendre l'exécution de la décision attaquée à titre conservatoire, avant de statuer sur le référé, revenant ainsi à donner un effet suspensif à sa saisine ce qui a notamment été le cas dans l'affaire "Lambert" (35). Le Conseil d'Etat a posé, de même, dans le cadre du contentieux des mesures relatives à l'état d'urgence, le principe de présomption d'urgence pour statuer sur une demande de suspension, en référé-liberté, d'une mesure d'assignation à résidence (36). Cette présomption d'urgence ouvrant ainsi largement le prétoire du juge du référé-liberté. Le juge s'est enfin autorisé à exercer un plein contrôle de légalité sur la décision portant atteinte à la liberté alors que normalement seule une illégalité manifeste l'autorise à agir, le juge ne se limitant pas, par conséquent, à un contrôle de l'erreur manifeste. Le juge a agi ainsi dans son contrôle de la décision d'arrêt de traitement dans l'affaire "Lambert" (37) mais aussi, dans le cadre des mesures prises à travers l'état d'urgence, pour caractériser les comportements constituant une menace pour la sécurité et l'ordre public (38).

Enfin, il faut mentionner tout un ensemble plus général de pouvoirs que s'est octroyé le juge administratif dans l'optique d'un contrôle plus effectif des droits et libertés. Le juge s'est ainsi attaché à contrôler, de manière croissante, la sphère de discrétionnarité de l'administration, notamment par la réduction de la théorie des actes de gouvernement (39), celle des mesures d'ordre intérieur ou l'accroissement du contrôle normal au détriment de celui de l'erreur manifeste d'appréciation ou de disproportion manifeste. Sans rentrer dans le détail d'autres contentieux, l'exemple du contrôle aujourd'hui opéré sur les mesures prises dans le cadre pénitentiaire est très révélateur à cet égard, l'office du juge administratif juge pénitentiaire se rapprochant de celui "de droit commun" et conduisant le Conseil d'Etat à faire davantage pénétrer le respect de l'ordre juridique et partant des droits et libertés dans le milieu carcéral. Après avoir diminué progressivement le flot des mesures d'ordre intérieur en milieu carcéral parce que notamment atteinte à des droits et libertés (40), le juge administratif s'emploie désormais à développer un autre pan de ce contentieux : le contrôle même des sanctions où il a, aujourd'hui, dédoublé son contrôle : contrôle de la qualification juridique des faits stricto sensu pour déterminer si ceux-ci sont "de nature à justifier une sanction" et contrôle de proportionnalité pour déterminer si la sanction est appropriée eu égard à la gravité des fautes (41).

En conclusion, on peut dire que le juge administratif s'est vu octroyer un rôle accru dans le contrôle juridictionnel des mesures attentatoires non seulement en matière de libertés fondamentales mais aussi, tout particulièrement, en matière de libertés individuelles, champ de compétence, par nature, réservé au juge judiciaire. C'est le cas, on l'a vu, à travers la compétence acquise en matière de voie de fait, de placement en rétention administrative ou encore d'assignation à résidence dans le cadre des mesures prises à travers l'état d'urgence. Ce contexte d'exception ayant provoqué, qui plus est, une scission de compétence au sein même de la liberté individuelle, ne conservant au profit de l'autorité judiciaire que la partie la plus symbolique : la mesure privative de liberté. Au-delà de ce contexte d'exception, le critère de la gestion publique a pris le pas sur le principe traditionnel faisant de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. Au fond, aujourd'hui, rien ne s'oppose à ce que le juge administratif soit le nouveau gardien de la liberté individuelle, les garanties d'indépendance et d'impartialité sont au même niveau que celle du juge judiciaire et, parce qu'il applique les principes du procès équitable, il a une égale vocation à garantir les droits et libertés. Mais plus que le nouveau gardien, il serait souhaitable qu'il soit le gardien conjoint de cette liberté individuelle et que le dialogue des juges l'emporte sur le conflit entre juge et se poursuive avec pragmatisme en tenant compte de la place dorénavant acquise par le juge administratif et de sa participation dorénavant conjointe à la mise en place de l'état de droit et à la protection des droits et libertés.


(1) CGCT, art. L. 2136-1 (N° Lexbase : L3816IBX), L. 3132-1 (N° Lexbase : L6905I7U) et L. 4142-1 (N° Lexbase : L9526AA3), depuis la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (N° Lexbase : L7770AIM) (JO, 3 mars 1982, p. 730).
(2) CE, 27 novembre 1967, n° 54962, 54963 (N° Lexbase : A8730B8T), Rec. CE, Tables p. 889.
(3) C. pr. civ., art. 484 (N° Lexbase : L6598H7I) à 492-1, 808 (N° Lexbase : L0695H4I) à 811, 848 (N° Lexbase : L0812H4T) à 852.
(4) Loi n° 90-34 du 10 janvier 1990, modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, art. 1er (N° Lexbase : L0982LAM) (JO, 12 janvier 1990, p. 489).
(5) Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l'immigration et à l'intégration (N° Lexbase : L3439HKL) (JO, 25 juillet 2006, p. 11047).
(6) Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives (N° Lexbase : L0703AIU) (JO, 1er juillet 2000, p. 9948).
(7) Par exemple, en ce qui concerne la liberté syndicale : CE réféfé, 31 mai 2007, n° 298293 (N° Lexbase : A5282DWK), Rec. CE, p. 223, AJDA, 2007 p. 1237, chron. F. Lenica et J. Boucher.
(8) CE Sect., 5 novembre 2003, n° 259339 (N° Lexbase : A1062DAL), Rec. CE, p. 444, concl. F. Lamy, AJDA 2003, p. 2253, chron. F. Donnat et D. Casas, P. Cassia, RFDA, 2004, p. 601, concl. F. Lamy.
(9) CE référé, 22 décembre 2012, n° 364584 (N° Lexbase : A6320IZ4), Rec. CE, p. 496, D., 2013, p. 1304, obs. E. Péchillon, AJ pénal, 2013, p.232, obs. E. Péchillon, JCP éd. G, 2013, n° 87, note O. Le Bot.
(10) CE référé, 30 juillet 2015, n° 392043 (N° Lexbase : A0856NNZ), AJDA, 2015, p. 2216, note O. Le Bot.
(11) CE référé, 23 novembre 2015, n° 395540, AJDA, 2016, p. 556, note J. Schmitz, D. 2016, p. 336, obs. K. Parrot où le juge a enjoint, d'abord à l'Etat, de procéder à un recensement des mineurs isolés en situation de détresse puis, ensuite, à la commune de Calais et toujours à l'Etat, de procéder à un nettoyage du site, de créer des accès pour les services d'urgence et, le cas échéant, des services de collecte des ordures.
(12) CE référé, 9 novembre 2015, n° 394333 (N° Lexbase : A3571NW8), AJDA, 2016, p. 385, note E. Debaets.
(13) Seuls certains droits créances ont été exclus comme, par exemple, le droit à la santé ou le droit d'occuper un emploi, voir L. Favoreu, La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés, D., 2001, p. 1739.
(14) Loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public (N° Lexbase : L3531HD7) (JO, 17 juillet 1980, p. 1799).
(15) Loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative (N° Lexbase : L1139ATD) (JO, 9 février 1995, p. 2175).
(16) Le Conseil d'Etat a d'abord rejeté les demandes d'astreintes formulées alors que le refus d'exécution n'avait pas été lui-même attaqué dans le délai de recours pour excès de pouvoir : CE, 2 juillet 1982, n° 35367 (N° Lexbase : A1319ALG), Rec. CE, p. 264, ou CE, Sect., 5 mai 1986, n° 63851 (N° Lexbase : A4751AMW), Rec. CE, p. 130.
(17) CE, 11 mars 1994, n° 144575 (N° Lexbase : A0147ASA), Rec. CE, p. 115, ou CE, 28 avril 2006, n° 242727 (N° Lexbase : A3809DPR).
(18) Admettant, par exemple, celle d'un requérant non partie au litige initial mais ayant intérêt à l'exécution du jugement : CE, Sect., 7 janvier 1994, n° 120263 (N° Lexbase : A9146AR8), Rec. CE, p. 11 ; ou acceptant de prononcer plusieurs astreintes pour obtenir l'exécution d'une même décision : CE, 28 décembre 2005, n° 274527 (N° Lexbase : A1936DMN).
(19) CE, Ass., 26 octobre 2001, n° 197018 (N° Lexbase : A1913AX7), Rec. CE, p. 497.
(20) CE, Ass., 24 mars 2006, n° 288460 (N° Lexbase : A7837DNL), Rec. CE, p. 154, AJDA, 2006, p. 1028, chron. C. Landais et F. Lenica, RFDA, 2006, p. 463, concl. Y. Aguila, BJCP, 2006, p. 173, concl. Y. Aguila.
(21) CE, Sect., 13 décembre 2006, n° 287845 (N° Lexbase : A8911DST).
(22) CE, 11 janvier 2006, n° 267251 (N° Lexbase : A5285DMP), Rec. CE, p. 11.
(23) CE, Ass., 11 mai 2004, n° 255886 (N° Lexbase : A1829DCQ), Rec. CE, p. 197 ; CE, Sect., 27 octobre 2006, n° 260767 (N° Lexbase : A4778DSR).
(24) Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (N° Lexbase : L5929HU7) (JO, 6 mars 2007, p. 4190).
(25) CE, Sect., 25 juin 2001, n° 234363 (N° Lexbase : A5536AUL), Rec. CE, p. 281, AJDA, 2001, p. 887, note G. Simon, RFDA, 2003, p. 47, étude J.-M. Duval.
(26) CE, Ass., 29 juin 2001, n° 213229 (N° Lexbase : A5087AUX), Rec. CE, p.303, concl. Lamy, AJDA, 2001, p. 1046, chron. M. Guyomar et P. Collin.
(27) CE, 27 juillet 2001, n° 222509 (N° Lexbase : A5264AUI), Rec. CE, p. 411, AJDA, 2001, p. 1046, chron. M. Guyomar et P. Collin.
(28) Il l'a fait dans l'arrêt CE, 26 décembre 1925, n° 88369 (N° Lexbase : A8230B8C), Rec. CE, p. 1065, S.,1925.3.49, note M. Hauriou, RDP, 1926, p. 32 concl. J. Cahen-Salvador.
(29) Voir, par exemple, CE, 27 juillet 2001, n° 232603 (N° Lexbase : A5519AUX), Rec. CE, p. 416.
(30) Cf. CE, référé, 23 janvier 2013, n° 365262, préc. et T. conf., 17 juin 2013, n° 3911 (N° Lexbase : A2154KHA).
(31) CE, 31 mai 2007, n° 298293, préc..
(32) CE, référé., 9 janvier 2014, n° 374508 (N° Lexbase : A0741KTM) puis CE, 10 janvier 2014, n° 374528 (N° Lexbase : A2082KTB) et CE, 11 janvier 2014, n° 374552 (N° Lexbase : A2516KTD), AJDA, 2014, p. 129, tribune B. Seiller, p. 473, tribune C. Broyelle, note J. Petit, AJCT, 2014, p. 157, obs. G. Le Chatelier, D., 2014, obs. J.-M. Pastor, RFDA, 2014, p. 87, note O. Gohin.
(33) Il ne s'agissait pas, dans ces espèces, d'une sanction de la liberté d'expression de manière générale mais bien d'une interdiction de propos pénalement répréhensibles et particulièrement, rappelle l'ordonnance n° 374508, de "l'apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale".
(34) Il a fallu attendre 1936 pour que M. Benjamin obtienne une compensation par rapport au fait que le juge de l'excès de pouvoir n'avait pas pu empêcher la tenue des conférences : CE, Sect., 3 avril 1936, Syndicat d'initiative de Nevers et Benjamin, Rec. CE, p. 453.
(35) CE, Ass., 14 février 2014, n°s 375081, 375090, 375091 (N° Lexbase : A5009MEA), AJDA, 2014, p. 790, chron. A. Bretonneau et J. Lessi, p. 1225, tribune P. Cassia, RFDA, 2014, p. 255, concl. R. Keller et CE, Ass., 24 juin 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A6298MRP), RFDA, 2014, p. 657, concl. R. Keller, et p. 702, note P. Delvolvé, AJDA, 2014, p. 1669, note D. Truchet, D., 2014, p. 1856, note D. Vigneau, RDP, 2015, p. 41, note M. Canedo-Paris, JCP éd. A, 2014, n° 2283, note G. Koerckel, n° 2284, comm. H. Pauliat, D. Bordessoule, S. Tragneux-Signol et S. Moreau.
(36) CE, Sect., 11 décembre 2015, n° 395009 (N° Lexbase : A2118NZH), AJDA, 2016, p. 247, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, RFDA, 2016, p. 105, concl. X. Domino, p. 123, note A. Roblot-Troizier.
(37) CE, Ass., 14 février 2014, n°s 375081, 375090, 375091, préc. et CE, Ass., 24 juin 2014, n° 375081 préc..
(38) CE, 23 décembre 2015, n° 395229 (N° Lexbase : A0131N3A) ; CE référé, 18 janvier 2016, n° 396066 (N° Lexbase : A0517PLQ) ; CE, référé, 29 janvier 2016, n° 396280 (N° Lexbase : A0518PLR).
(39) La théorie de l'acte de Gouvernement est toujours bien vivante, le Conseil d'Etat vient de le confirmer d'une manière qui dépasse la simple illustration : CE, 30 décembre 2015, n° 384321 (N° Lexbase : A1907N3Z), Rec. CE, p. 486, en qualifiant logiquement d'acte de Gouvernement la décision du Gouvernement français de reconnaître le statut diplomatique à une institution étrangère, mais il faudra bien au juge français admettre un jour la possibilité d'un recours contentieux contre les actes portant atteinte à un droit ou à une liberté garanti par la Convention européenne, sous peine de s'exposer à la condamnation de la Cour de Strasbourg.
(40) Voir notamment : CE, 14 décembre 2007, n° 290730 (N° Lexbase : A0918D3E), Rec. CE, p. 495.
(41) Voir, par ex., CE, 1er juin 2015, n° 380449 (N° Lexbase : A9222NIE).

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Procédure civile

[Jurisprudence] Temporalité du motif légitime dans la procédure sur requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile et rappel du contradictoire

Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2016, n° 15-21.579, FS-P+B (N° Lexbase : A0081RXB)

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris, cabinet SEFJ, Chargé d'enseignement à l'Université Paris V Responsable des commissions nationales de l'A.C.E. (Association des Avocats Conseils d'Entreprises)

Le 22 Septembre 2016

Par un arrêt de la deuxième chambre civile du 7 juillet 2016, la Cour de cassation précise que, dans le cadre d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, la condition de l'existence d'un motif légitime doit s'apprécier au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de cette requête et de ceux produits ultérieurement devant le juge de la rétractation. Un expert-comptable a cédé son cabinet à une société d'expertise comptable, constituée notamment de son fils et de la compagne de ce dernier. La société, ayant acquis ce cabinet, se plaignit d'un détournement de clientèle, notamment de la part du cédant et de son fils, et a saisi le conseil régional de l'Ordre des experts-comptables, qui régularisa une requête, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier de justice pour procéder à une mesure de constat. Une ordonnance fut rendue le 16 décembre 2011 autorisant la mesure de constat ainsi demandée, laquelle fut réalisée le 25 janvier 2012. Les personnes visées à la requête engagèrent une procédure de référé en rétractation de l'ordonnance ainsi rendue et obtinrent gain de cause, de sorte que les procès-verbaux de constats dressés sur la base de cette ordonnance furent tous annulés.

L'ordonnance de rétractation fit l'objet d'un appel et la cour d'appel d'Aix-en-Provence l'infirma. Un pourvoi en cassation fut régularisé par les personnes visées comme auteurs des actes de détournement contre l'arrêt de la cour les ayant déboutés de leur demande de confirmation de rétractation. L'ordonnance rendue sur requête datait du 16 décembre 2011, l'huissier désigné était autorisé à se rendre au siège d'une société suspectée également de détournement, ce qu'il fit.

Les demandeurs à la rétractation de l'ordonnance se prévalaient du fait que les locaux en cause étaient loués à une autre société depuis le 1er décembre 2011, de sorte que le juge ayant rendu l'ordonnance sur requête devait apprécier l'existence du motif légitime requis au jour du dépôt de la requête initiale. N'ayant pas tiré les conséquences de cette occupation par une autre société que celle visée à la requête, selon les demandeurs au pourvoi, son ordonnance ne pouvait qu'être rétractée.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 7 juillet 2016, rejeta le pourvoi et rappela par un attendu de principe : "mais attendu que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation qui connaît d'une telle demande doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (1) ; qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces que la date de prise d'effet du bail contractuellement fixée au 1er décembre 2011 n'était pas la date de l'entrée effective du preneur dans les lieux qui n'était intervenue qu'en février 2012, faisant ainsi ressortir qu'il n'y a pas eu erreur du juge des requêtes quant à la personne supportant l'exécution de la mesure, la cour d'appel a pu en déduire la légitimité de la mesure de constat."

Cette décision a le mérite de rappeler l'une des conditions essentielles exigées par l'article 145 du Code de procédure civile, l'existence d'un motif légitime, et n'oublie pas le régime de la procédure engagée sur requête, dont le cumul avec l'article 145 pose encore des difficultés d'application par certaines juridictions de fond (1).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond, par ailleurs, à la problématique temporelle de l'appréciation de la condition d'existence du motif légitime ainsi requise (2).

I - L'article 145 et la procédure sur requête

A - L'article 145 du Code de procédure civile

L'attrait des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, s'agissant du fondement à donner à une demande de mesure d'instruction par voie de requête ou d'assignation en référé, en ce qu'elles n'exigent ni urgence (2), ni justification de l'absence de contestation sérieuse (3), et qu'elles ne peuvent souffrir la riposte en défense des dispositions de l'article 146, alinéa 2, du même code (N° Lexbase : L1499H4B) (4), fait souvent oublier au plaideur, ainsi tenté de les retenir, qu'elles contiennent des conditions de recevabilité et de "fond" à ne pas négliger.

L'abondant contentieux en la matière le justifie et l'arrêt commenté en est une fois de plus l'illustration.

Rappelons les dispositions de ce texte : "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".

Deux conditions essentielles au succès d'une demande de mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile sont effectivement à rappeler :

- la première est une condition de recevabilité puisque le juge doit être saisi avant tout procès ; dans un arrêt du 5 juin 2014 (Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-19.967, F-P+B N° Lexbase : A2787MQB) la deuxième chambre civile rappela comme principe "que l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, devait s'apprécier à la date de la saisine du juge des requêtes...". La temporalité de cette première condition fut donc figée à la date de la saisine du juge des requêtes et non étendue à la date où le juge de la rétractation statue ;

- la seconde condition tient à la justification de l'existence d'un motif légitime.

Cette condition n'est pas aussi simple à justifier qu'il n'en paraît.

L'existence de motifs légitimes conditionne le succès d'une demande fondée sur l'article 145.

Il a été jugé à maintes reprises que le demandeur à une mesure sollicitée sur ce fondement doit démontrer l'existence d'un litige plausible et crédible sur lequel pourra influer le résultat de la mesure ordonnée (5).

Le juge doit en particulier contrôler les motivations du demandeur à la mesure et au caractère apparemment sérieux des prétentions qu'il envisage de soumettre ultérieurement au juge du fond.

A cet égard, la jurisprudence a précisé que l'article 145 n'exige pas l'absence de contestation sérieuse sur le fond, l'application de ce texte n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé (6).

Cette autonomie et absence de préjugé sur la responsabilité des personnes appelées est, néanmoins, relative dans la mesure où s'il suffit de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que la solution peut dépendre de la mesure sollicitée et que celle-ci ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux d'autrui (7), il n'en demeure pas moins que, lorsque la prétention au fond est manifestement irrecevable ou vouée à l'échec, le motif légitime n'est pas retenu et la demande fondée sur l'article 145 rejetée (8).

Il existe là un examen souverain du juge des requêtes, donc du juge de la rétractation.

Une fois réunies, les dispositions de l'article 145 ne doivent pas éluder le droit commun de l'ordonnance rendue sur requête.

B - Le droit commun de l'ordonnance sur requête

Alors que l'article 145 du Code de procédure civile prévoit une procédure sur requête autonome, la deuxième chambre civile a rattaché à ce fondement la condition essentielle posée à l'article 493 du même code (N° Lexbase : L6608H7U) (9) : la nécessaire justification de circonstances excluant le respect du contradictoire.

L'article 145 du Code de procédure civile n'y échappe effectivement pas.

Dans son arrêt du 7 juillet 2016, la deuxième chambre civile ne revire pas de position et rappelle en introduction de son attendu de principe, bien que le problème ne se posât pas, l'importance du contradictoire : "[...] la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction [...]".

Depuis plusieurs années la Cour de cassation juge que les mesures d'instruction prévues à l'article 145 ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement (10).

L'existence de motifs légitimes ne peut interférer.

Il a en effet été jugé pour une cour d'appel, qu'en confirmant le refus de rétracter la décision au motif que la requérante justifiait de motifs légitimes, elle n'avait pas donné de base légale à sa décision (11).

Le devoir est de vérifier, même d'office, si le juge a été régulièrement saisi (12).

Au-delà de l'article 145, le pouvoir d'office rappelé par la Cour de cassation donne clairement le ton de la suprématie qu'elle attache au principe de la contradiction.

La procédure sur requête n'est recevable que s'il est justifié "d'office" une dérogation à la règle du contradictoire (13) : "attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter la décision, l'arrêt retient que la société A [...] justifiait au vu des pièces produites d'un motif légitime à voir ordonner la mesure d'expertise ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était tenue de rechercher d'office si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

La seule urgence ne justifie aucunement la dérogation au principe du contradictoire (14) : "attendu que, pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter cette décision, l'arrêt retient que l'urgence liée à la nécessité de procéder dans les meilleurs délais aux constatations, réparations et interrogatoires justifie le recours à la procédure sur requête ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir recherché si la mesure sollicitée exigeait une dérogation à la règle de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

L'ajout de cette condition du droit commun de la procédure des ordonnances rendues sur requête (C. pr. civ., art. 493 N° Lexbase : L6608H7U) à une procédure de saisine sur requête spécifiée par la loi (C. pr. civ., art. 145), préservant ainsi le respect d'un principe général du droit, apporte une certaine clarification à des débats qui laissent malheureusement encore douter les praticiens devant certaines juridictions de fond.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 5 février 2015 (15), a jugé que l'article 493 du Code de procédure civile s'applique seulement aux requêtes "innomées".

La requête prévue par l'article 145 n'est-elle pas une requête "nommée" ?

Le législateur, dans une série d'hypothèses, a subordonné l'accès au juge des requêtes à des conditions spécifiques prévues par chaque texte en particulier.

Tel est bien le cas de l'article 145 du Code de procédure civile.

Comme le relève M. Grégory Mouy dans son article commentant la décision rendue par la deuxième chambre civile le 15 janvier 2009 à propos de l'abandon de la condition d'urgence dans l'ordonnance sur requête probatoire de l'article 145 (16), les ordonnances innommées sont "[...] celles qui ne sont spécialement prévues par aucun texte et qui s'inscrivent dans les pouvoirs généraux du président de juridiction [...]".

Ainsi, selon l'arrêt précité du 5 février 2015, les requêtes fondées sur l'article 145 n'auraient pas à souffrir du respect de la condition posée par l'article 493.

Cette solution résiste au principe inverse rappelé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation un an plus tôt.

Dans un arrêt du 20 mars 2014 (Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B N° Lexbase : A7478MHG) la deuxième chambre civile a pris le soin de poser, dans un premier attendu le principe selon lequel le juge doit examiner seulement deux conditions, au jour où il statue, lorsqu'il est saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile : l'existence ou non d'un motif légitime à ordonner la mesure et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

La question relative à la condition ayant trait au contradictoire ne s'était pas posée dans l'affaire qui a abouti à l'arrêt du 7 juillet 2016.

Ce n'est pas pour autant que la condition de la preuve de circonstances, justifiant de ne pas procéder contradictoirement, a disparu.

L'arrêt du 7 juillet 2016 comprend une incise, visant le rétablissement du contradictoire, à ne pas sous-estimer dans le cadre des procédures sur requête fondées sur l'article 145.

Il serait effectivement souhaitable, au nom du respect du principe général et essentiel du contradictoire dont les exceptions et exclusions doivent être expressément prévues, qu'aucune distinction ne soit effectuée et que le droit commun des ordonnances sur requête, sauf disposition textuelle prévoyant expressément le contraire, s'applique tant aux requêtes nommées qu'à celles innommées.

Il semble que la deuxième chambre civile trace cette voie.

Un attendu de principe encore plus explicite en ce sens serait le bienvenu.

II - Rétractation et moment de l'appréciation de l'existence du motif légitime

A - La procédure de rétractation

S'il n'est pas fait droit à la requête, il n'y a pas de difficulté majeure puisque appel peut être interjeté de l'ordonnance de rejet à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel.

Le délai d'appel est, dans ce cas, de quinze jours (17).

En revanche, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance (18), le juge ayant alors la faculté de modifier ou de rétracter sa décision (19).

La procédure de référé est seule ouverte à ceux auxquels cette décision fait grief (20). Il est à noter qu'il n'existe aucune disposition prévoyant un délai pour engager une telle procédure, ce qui n'est pas un gage de sécurité. L'examen de la demande en rétractation peut, en effet, se situer, dans le temps, loin de celui initial de la requête. Dans l'intervalle, la procédure et les faits peuvent sensiblement évoluer.

Les articles 496 (N° Lexbase : L3892AZ8) et 497 (N° Lexbase : L3893AZ9) du Code de procédure civile, ne prévoyant aucun délai pour en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, il a été jugé que ce dernier a la faculté de la modifier ou de la rétracter même si le juge du fond est saisi de l'affaire (21).

Conjuguées aux autres décisions rendues par la jurisprudence sur le fondement des dispositions des articles 496 et 497, les dispositions de l'article 145, exigeant l'existence d'un motif légitime, posent difficulté.

B - Temporalité

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue, en considérant la situation qui existe à cet instant et non à la date où le premier juge s'est prononcé (22).

La deuxième chambre civile avait déjà apporté une importante précision : le juge ne peut, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs, refuser de tenir compte des faits postérieurs à l'ordonnance attaquée (23).

Il reste pourtant limité par l'objet de la requête : l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées sur la base d'une procédure non contradictoire.

Reste donc l'épineux problème de la date d'appréciation de l'existence du motif légitime requis.

L'arrêt du 7 juillet 2016 rappelle bien ces principes, et dans cette affaire ne se posait pas le problème de la délimitation des pouvoirs du juge des requêtes au regard de ce qui lui était demandé, seule l'appréciation de l'existence du motif légitime et de sa preuve se posant : le juge de la rétractation doit apprécier l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de cette requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le motif légitime doit donc être prouvé au jour de la requête initiale ainsi que par toutes autres pièces produites devant le juge de la rétractation.

La deuxième chambre civile, dans son arrêt du 7 juillet 2016, ne se basant pas que sur la date à laquelle le juge de la rétractation statue, rappelle et confirme clairement que le juge de la rétractation doit prendre en considération, au-delà des faits, l'évolution des preuves entre la requête initiale et le jour où il statue.

Le juge, ayant statué sur la requête initiale, n'avait apparemment pas à son dossier la preuve que la prise effective du bail par le preneur autre que la société visée à la requête était en février 2012 et non au 1er décembre 2012.

C'est le débat contradictoire et les pièces produites dans le cadre de la procédure en rétractation qui permirent d'éclairer le juge de la rétractation sur la réalité de la situation à la date de la requête initiale.

Le juge de la requête initiale aurait donc pu se tromper au regard des seules pièces qui étaient jointes à la requête initiale. L'échange contradictoire était donc primordial et les pièces communiquées postérieurement pour renforcer la preuve de la situation d'origine qui justifiait le bien-fondé de la requête étaient donc recevables au soutien du rejet de la rétractation demandée.

Il faut s'en féliciter car cette solution est de bon sens.

Il sera utile de rappeler, quant à ce problème de temporalité de l'appréciation des conditions posées par l'article 145 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 juin 2014 précité.

La deuxième chambre civile estima que l'absence d'instance au fond, requise par l'article 145, doit s'apprécier à la date de la saisine du juge des requêtes.

Les solutions posées quant à la temporalité d'appréciation du motif légitime, de l'absence de tout procès au fond et de délimitation des débats suggèrent donc une distinction entre, d'une part, l'évolution des faits et des preuves, que le juge de la rétractation doit prendre en considération au jour où il statue, et d'autre part, l'évolution de la procédure et de l'objet, figés au jour où le juge des requêtes est saisi.


(1) Souligné par l'auteur.
(2) Cass. com., 25 octobre 1983, n° 82-13.595 (N° Lexbase : A0606MWD), Bull. civ., IV, n° 275.
(3) Cass. civ. 3, 10 décembre 1980, n° 79 -11.035 (N° Lexbase : A9750CG9), Gaz. Pal., 1981, 1, 287.
(4) C. pr. civ., art. 146, al. 2 (N° Lexbase : L1499H4B) : "en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve" - Cass. mixte, 7 mai 1982, n° 79-11.814 (N° Lexbase : A4594CGA), D., 1982, 541 ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 05-15.039, F-P+B (N° Lexbase : A5119DNW), Bull. civ. II, n° 70 ; Cass. civ. 2, 10 mars 2011, n° 10-11.732, F-P+B (N° Lexbase : A1660HDT), Bull. civ. II, n° 65.
(5) CA Nancy, 22 juin 2011, n° 09/03180 (N° Lexbase : A0851HWG).
(6) CA Paris, 19 avril 2000, n° 1999/22563 (N° Lexbase : A3925EKL), D., 2000, IR, 193.
(7) Voir arrêt note 5 supra.
(8) Cass. civ. 1, 29 avril 1985, n° 84-10.401 (N° Lexbase : A2924AAK), Bull. civ. I, n° 131 ; CA Orléans, 4 mars 1983, D., 1983 ; 343, note Jeantin; CA Versailles, 28 février 2001, D., 2001, Somm., 2719, obs. Julien.
(9) Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B (N° Lexbase : A7478MHG)
(10) Cass. civ. 2, 13 mai 1987, n° 86-11.098 (N° Lexbase : A7669AAB), Bull. civ. II, n° 112 ; Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-11.342, F-P+B (N° Lexbase : A0503ESG), Bull. civ. II., n° 32.
(11) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, Bull. civ. II, n° 105.
(12) Cass. civ. 2, 11 février 2010, préc. supra, note 8.
(13) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, préc. supra, note 9 ; Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399, FS-P+B (N° Lexbase : A3714DPA), Bull. civ. II, n° 128 ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2011, n° 10-25.403, F-P+B (N° Lexbase : A5445HXX), Bull. civ. II, n° 68.
(14) Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399, FS-P+B (N° Lexbase : A3714DPA), Bull. civ. II, n° 128.
(15) CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 5 février 2015, n° 13/01247 (N° Lexbase : A9448NA8), JCP éd. G., 2015, 435, note Foulon et Strickler.
(16) Abandon de la condition de l'urgence dans l'ordonnance sur requête probatoire de l'article 145 du Code de procédure civile. G. Mouy, recueil Dalloz, 2009, n° 21, p. 1455 et s..
(17) C. pr. civ., art. 496, al. 1.
(18) C. pr. civ., art. 496, al. 2.
(19) C. pr. civ., art. 497.
(20) Cass. civ. 2, 6 avril 1987, n° 85-18.192 (N° Lexbase : A6702AAH), Bull. civ. II, n° 85.
(21) Cass. civ. 2, 26 novembre 1990, n° 89-18.207 (N° Lexbase : A4730AHN), Bull. civ. II, n° 247.
(22) Cass. civ. 3, 2 octobre 2001, n° 99-12.382 (N° Lexbase : A1499AWG).
(23) Cass. civ. 1, 20 novembre 1985, n° 84-14.473 (N° Lexbase : A3703AAE), Bull. civ. II, n° 176 ; Cass. civ. 2, 12 janvier 1994, n° 92-14.605 (N° Lexbase : A6967ABN), Bull. civ. II, n°25.

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Procédure civile

[Jurisprudence] Intervention principale à fin de contestation d'une ordonnance sur requête, ou lorsque la référence au fond potentiel sert de critère de clarification du régime de l'instance au provisoire

Réf. : Cass. civ. 2, 1er septembre 2016, n° 15-19.799, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8821RYD)

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par Sâmi Hazoug, Maître de conférences à l'Université de Franche Comté, CRJFC (EA 3225)

Le 22 Septembre 2016

Parée des attraits du non-contradictoire, l'ordonnance sur requête peut sembler fort séduisante pour qui en ignore les subtilités, sinon les dangers. Et ce n'est point l'arrêt rendu le 1er septembre 2016 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui contredira ce constat ! Des faits de l'espèce, pour le moins simples, sera retenue la demande tendant à l'obtention d'une ordonnance sur requête, au titre de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), à fin d'établissement de la preuve d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Forte de l'obtention de la décision désignant un huissier missionné à rechercher dans les locaux de la société A. (société du groupe A.) "tous documents de nature à établir l'existence de relations contractuelles avec certains clients", la demanderesse (la société T.) avait certainement pu croire à une victoire, dont l'euphorie fut de courte durée. Dans un premier temps, la société AN., demanda la rétractation de l'ordonnance par voie de référé, avant d'interjeter appel de la décision de rejet. La réformation obtenue, ce fut la société T. qui se pourvut en cassation, et obtint une cassation partielle. Dans un deuxième temps, la société A., et deux de ses salariés affectés à la société AN., décidèrent d'intervenir, à titre principal, devant la cour d'appel de renvoi, qui rejettera ces demandes. C'est alors, dans un troisième temps, que pourvoi est formé qui aboutira au présent arrêt de cassation.

Pour rejeter les demandes en intervention, la cour d'appel de Douai (CA Douai, 26 mars 2015, n° 14/02028 N° Lexbase : A6366NEI) avait considéré qu'en ce que, d'une part, la mesure ordonnée ne prévoyait pas d'investigations susceptibles de se dérouler dans les locaux de la société A., et que, d'autre part, le constat d'huissier ne citait pas les deux salariés qui ne lui avaient pas opposé le caractère personnel de leurs ordinateurs, ni la société A., ni ses deux salariés, n'auraient été recevables à agir en rétractation devant le premier juge. Analyse qui n'emporte pas l'adhésion de la Cour de cassation. Celle-ci censure l'arrêt, après avoir visé les articles 145, 329 (N° Lexbase : L2005H4Z), 495 (N° Lexbase : L6612H7Z) et 496 (N° Lexbase : L6613H73) du Code de procédure civile, et énoncé, dans un chapeau interne, qu'"il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête, le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens du quatrième des textes susvisés même si cette ordonnance ne lui est pas opposée au sens du troisième de ces textes". Le tiers intéressé, en droit d'exercer le référé rétractation de l'article 496 du Code de procédure civile, n'est donc pas la seule personne à laquelle est laissée, conformément à l'article 495 du même code, copie de la requête et de l'ordonnance qui lui est opposée (1). Et de reprendre ce critère dans le motif décisif en retenant qu'"en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société A. ainsi que MM. X. et Y. avaient la qualité de défendeurs potentiels à l'action au fond envisagée, ce qui leur aurait conféré un droit propre à intervenir à titre principal en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale". L'on relève alors que la qualité de défendeur potentiel à l'action au fond envisagée induit tant celle de tiers intéressé -habile à contester l'ordonnance rendue- que de tiers intervenant, en droit de s'opposer à la demande tendant au maintien de l'ordonnance. Sans qu'il ne soit permis d'y voir un glissement, le lien opéré entre les deux facettes de la contestation impose de s'y intéresser lorsqu'elle est opérée à titre principal (I), et à titre accessoire (II).

I - La contestation à titre principal

Ecarté, le contradictoire ne l'est qu'un temps, et l'article 496, alinéa 2, en prévoit la réintroduction. Rappelons, d'ailleurs, qu'il n'appartient pas au demandeur d'emprunter à sa guise la voie unilatérale, et que le juge est tenu de caractériser les circonstances exigeant une dérogation à la contradiction (2). En l'espèce, ce point n'était pas discuté ; et il est vrai que le seul risque d'atteinte au "secret des affaires" n'aurait pas été de nature à remettre en cause l'ordonnance (3), sous réserve, naturellement, de la proportionnalité de la mesure, à l'objectif recherché (4). Or, ici l'ordonnance autorisait de "se faire communiquer tout document de nature à établir le cas échéant à l'origine de cette relation [devis, acompte, échange de mails, fax, courriers, contrats etc.], entre la société A. et chacun des clients listés [et à] avoir accès à l'ensemble des serveurs et postes informatiques se trouvant sur place", mission dont l'étendue pouvait être discutée, et qui n'a pas manqué de l'être.

Ce point qui, parmi d'autres, fondait le pourvoi ayant conduit à l'obtention du premier arrêt de cassation (5), sera rejeté au motif que "la mission d'investigation donnée à l'huissier était circonscrite aux faits de concurrence déloyale dénoncés par la société T. dont pouvait dépendre la solution du litige, qu'elle était limitée géographiquement aux seuls locaux de la société AN., qu'elle était également limitée aux seules relations contractuelles de cette société avec un nombre limité de clients sur une durée déterminée, de sorte que, ne portant atteinte à aucune liberté fondamentale, elle constituait un mode de preuve légalement admissible", dont on retiendra, plus que la limitation géographique, même s'il était question d'un groupe de sociétés, l'admission de la mesure en raison de la restriction apportée aux relations visées pendant une période donnée, sans laquelle cette mesure aurait plus difficilement pu être valablement ordonnée : l'établissement d'une preuve ne devant pas servir de prétexte à l'espionnage d'un concurrent.

Ce pourvoi en cassation ne faisait, cependant, que s'inscrire dans un long processus de contestation de la décision par les demandeurs à la présente décision. L'article 496, qui s'applique dès lors que le juge des requêtes a épuisé sa saisine, écartant ainsi l'application de l'article 150 (N° Lexbase : L1510H4P) (6), offre une alternative simple : au demandeur éconduit la voie de l'appel, du moins lorsque le refus ne procède pas du premier président de la cour d'appel, et au tiers intéressé, celle du référé rétractation (7), qui reste un "véritable" référé (8). C'est celle ci qu'emprunta, à juste titre, la société AN., avant d'interjeter appel de l'ordonnance de rejet (9). Sur ce point, alors que la question n'était pas directement posée, le présent arrêt apporte une utile précision. Ce tiers intéressé, en droit de référer de l'ordonnance, et, le cas échéant d'interjeter appel, s'entend du défendeur potentiel à l'action au fond. Plus exactement, la Cour de cassation énonce, comme déjà précisé, que "le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée". Le défendeur potentiel est donc un tiers intéressé, et l'inversion est autorisée : le tiers intéressé est un défendeur potentiel à l'action au fond. Car l'on ne voit quelle serait la mesure de son intérêt s'il ne pouvait être affecté par la décision au fond, fondée, ne serait ce que partiellement, sur les éléments de preuve obtenus grâce à l'ordonnance contestée. En somme, il ne s'agit que des deux facettes d'un même intérêt : contester le bien fondé de l'ordonnance en instance de référé ou la demande adverse au fond.

Il est, néanmoins, une hypothèse qui impose de nuancer cette position. Le tiers intéressé qui entendrait contester la seule dérogation au contradictoire que n'aurait autorisé aucune nécessité, ne revêtirait pas nécessairement pour autant la qualité de défendeur potentiel au fond. Il n'est pas inutile de rappeler ici que la réintroduction de la contradiction n'est pas de nature à purger l'ordonnance rendue. Il ne s'agit pas, en effet, d'une "session de rattrapage" : le juge de la rétractation (ou de la réformation), s'il doit tenir compte des éléments au jour où il statue, doit s'assurer que la voie unilatérale pouvait valablement aboutir lorsqu'elle a été empruntée (10). L'inversion de la formule de la Cour de cassation reste donc possible, mais la synonymie entre défendeur potentiel au fond et tiers intéressé ne peut, en revanche, être retenue. La catégorie du tiers intéressé est susceptible alors de dépasser celle du seul défendeur potentiel au fond. Reste que la formule retenue par la Cour de cassation permet une heureuse éclaircie de la détermination de la personne de ce tiers intéressé. Il est à noter qu'alors que les moyens du pourvoi faisaient état d'une action engagée au fond, la Cour vise l'action "envisagée", imprimant ainsi une portée plus grande à sa solution. Que l'action soit engagée, et il suffira de vérifier la qualité de défendeur pour connaître du recours en rétractation, ou le rejeter. Qu'elle ne le soit pas, et ce sera par référence à une action "envisagée", soit potentielle, que la détermination de la qualité de tiers intéressé se fera par anticipation de celle de défendeur à l'action, avec la réserve de la remise en cause de la seule dérogation au principe du contradictoire. D'une certaine façon, c'est le fond qui vient au secours du provisoire. Cela étant, et quels que soient les mérites de la solution, en l'occurrence, la question portait non sur la recevabilité du référé rétractation, mais sur celle de l'intervention tendant à la contestation à titre accessoire.

II - La contestation à titre accessoire

C'est par voie d'intervention à titre principal à l'instance devant la cour d'appel de renvoi que la société A., et deux de ses salariés, entendaient critiquer le prononcé de l'ordonnance. Même principale, l'intervention n'en constitue pas moins une demande incidente, et se greffe sur une instance en cours (11). Leurs demandes, tendant à la rétractation de l'ordonnance, ne venaient-elles pas en simple soutien à celle, principale, de la société AN. ? Les interventions n'auraient alors pu être qu'accessoires. Mais les demandeurs alléguaient l'utilisation des documents obtenus à l'occasion d'une action au fond qui les concernerait, et le droit propre, fondant le caractère principal de l'intervention, d'être alors caractérisé. C'est ce dont n'avait pas tenu compte la cour d'appel qui, pour fonder son rejet, retient que les demandeurs qui auraient été irrecevables en rétractation d'une ordonnance ne prévoyant pas de mesures dans les locaux de la société A., et ne visant pas les deux salariés, l'étaient tout autant en intervention à titre principal. Raisonnement qui sera censuré.

Pour ce faire, la Cour de cassation considère qu'il revenait aux juges de fond de rechercher si les demandeurs avaient "la qualité de défendeur potentiels à l'action au fond envisagée", qui leur aurait conféré un droit propre à intervenir. Autrement dit, cette qualité induisant l'intérêt du tiers à agir en rétractation, fonde le caractère volontaire de son intervention. En somme, qui peut le plus, peut le moins. Et alors qu'il s'agissait d'une instance en renvoi, la Cour de cassation préfère au visa de l'article 635 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6796H7T) celui de l'article 329 du même code (N° Lexbase : L2005H4Z). Le premier, spécifique à la procédure devant la juridiction de renvoi, précise que l'intervention relève des règles s'appliquant devant la juridiction dont la décision est cassée, assurant ainsi la continuité de l'instance. S'agissant d'une décision censurée d'appel, c'est alors l'article 554 (N° Lexbase : L6705H7H) qui aurait pu fonder la solution retenue. En lui préférant l'article 329, relevant des dispositions communes à toutes les juridictions, la Cour de cassation retient une solution unique pour toutes les interventions volontaires. Condition nécessaire, dont les critères d'appréciation ont ici été dégagés, le droit propre du tiers intervenant à titre volontaire n'en est pas pour autant suffisant. Sa prétention devra encore se rattacher aux prétentions principales par un "lien suffisant" (12), dont l'appréciation relève du pouvoir souverain du juge du fond (13). Ici, il ne faisait aucun doute qu'il soit établi puisque toutes les demandes tendaient à la réformation de l'ordonnance. La similitude était, d'ailleurs, telle que l'on aurait pu se demander s'il n'y avait pas "communauté d'intérêt" entre les parties. Mais il est vrai qu'une telle communauté aurait été sans incidence, puisque impuissante à fonder une représentation (14) : le tiers intervenant était bien tiers, et n'aurait pu se voir valablement opposer la méconnaissance de l'article 554 qui impose au tiers intervenant de n'avoir été ni partie, ni représenté en première instance.

En somme, ici également, l'éventualité d'une défense au fond suffit à caractériser l'existence d'un droit propre. Le tiers qui pouvait agir en rétractation, est recevable en son intervention. Et le contrôle du lien suffisant de rattachement aux prétentions originaires assurera le juste équilibre auquel contribue cette solution. Pour conclure, retenons de la présente solution que :

- la catégorie de tiers intéressé, au sens de l'article 496 du Code de procédure civile, ne se limite pas à celle des personnes à qui l'ordonnance est opposée par application de l'article 495 du même code ;

- la qualité de défendeur potentiel à l'action au fond envisagée induit celle de tiers intéressé en droit de demander la rétractation de l'ordonnance ;

- cette même qualité confère un droit propre à intervenir à titre principal.

Reste que l'on ne peut achever sans relever qu'après requête tendant au prononcé d'une ordonnance, référé rétractation, appel, cassation, décision de la juridiction de renvoi, à nouveau cassation, une nouvelle décision de renvoi sera prononcée. Cela pour une décision tendant à l'obtention de preuves... avant tout procès ! Sans oublier, et l'enjeu est de taille, que la rétractation (ou réformation) de l'ordonnance emporte l'effacement de tous les éléments qui en découlent (15). L'on en vient à se demander s'il n'eut pas été plus heureux de s'en tenir au contradictoire. Certes l'effet de surprise est parfois nécessaire, mais la réintroduction du débat peut se faire avant la contestation du prononcé de l'ordonnance. Le juge des requêtes prévoira ainsi un débat sur la transmission de documents mis sous séquestre au demandeur, qui ne pourra ainsi trop rapidement en connaître le contenu. Tout en ayant fait droit à la demande, le juge en aura modulé la mise en oeuvre. Il ne s'agira pas alors d'un référé rétractation, mais d'une discussion éclairante sur les suites à donner (16). Tout n'est en définitive que question de juste équilibre... même à titre provisoire !


(1) A laquelle il peut être procédé postérieurement à l'exécution de la mesure, v. Cass. civ. 2, 4 septembre 2014, n° 13-22.971, FS-D (N° Lexbase : A0530MWK), Procédures, 2014, n° 291, obs. Croze ; D., 2015, 296, obs. Fricero.
(2) V. pour des demandes tendant à l'obtention de preuve de concurrence déloyale, Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 12-29.568, FS-P+B (N° Lexbase : A7564MHM), Bull. civ. II, n° 76 ; D., 2014, 783 et 2485, obs. Bretzner ; Gaz. Pal., 25 27 mai 2014, 40, obs. Raschel ; et 7-9 septembre 2014, 22, note Foulon et Strickler ; RTDCiv., 2014, 441, n° 6, obs. Perrot. Cass. civ. 2, 26 juin 2014, n° 13-18.895, F-P+B (N° Lexbase : A1513MST), Bull. civ. II, n° 157 ; Gaz. Pal., 7-9 septembre 2014, 32, obs. Raschel.
(3) Cass. civ. 2, 7 janvier 1999, n° 95-21.934 (N° Lexbase : A3118AUZ), Bull. civ. II, n° 4, qui retient que "le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées" ; D., 1999, IR, 34 ; Procédures, 1999, n° 60, note Perrot ; Bull. Joly, 1999, 666, note Lucas.
(4) V. Cass. civ. 2, 7 janvier 1999, op. cit., ; Bull. civ. II, n° 3, qui énonce que "relevant, sans aucune dénaturation et par des appréciations souveraines sur l'existence d'un motif légitime, que la mesure d'instruction demandée s'analysait en une mesure générale d'investigation portant sur l'ensemble de l'activité de la société Drouot et tendant à apprécier cette activité et à la comparer avec celle de sociétés ayant le même objet, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, en décidant sans ajouter au texte une condition qu'il ne contenait pas, que la mesure demandée excédait les prévisions de cet article".
(5) Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-26.930, F-P+B (N° Lexbase : A6204KPH), Bull. civ. II, n° 222.
(6) V. Cass. mixte, 7 mai 1982, n° 79-11.814 (N° Lexbase : A4594CGA), Bull. Cass. mixte, n° 2 (rendu en matière de référé, la solution peut être étendue à l'ordonnance sur requête) ; D., 1982, 541, concl. Cabannes ; Gaz. Pal., 1982, 2, 571, note Viatte ; RTDCom., 1982, 542, obs. Bénabent et Dubarry ; RTDCiv., 1982, 788, obs. Perrot ; RTDCiv., 1983, 185, obs. Normand. Pour une formulation générale, v. Cass. civ. 2, 21 juin 1995, n° 93-19.107 (N° Lexbase : A6110ABW) ; Bull. civ. II, n° 194.
(7) Du moins en principe, pour des régimes spéciaux V. not. M. Foulon et Y. Strickler, La mention d'un 'recours' dans l'acte de signification d'une ordonnance sur requête, Dr. et proc., 2013, 214.
(8) V. sur ce point M. Foulon et Y. Strickler, Le référé-rétractation (C. pr. civ., art. 496, al. 2 et 497), D., 2010, Chron., p. 456.
(9) V. déjà en ce sens CA Paris, 28 mars 1977, Gaz. Pal., 1977, 2, 446 ; note Viatte ; RTDCiv., 1977, 828, obs. Perrot.
(10) V. par ex. Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-66.338, F-P+B (N° Lexbase : A1881ETT) ; Bull. civ. II, n° 53. Et Sur ce point M. Foulon et Y. Strickler, Le référé rétractation (C. pr. civ., art. 496, al. 2 et 497), préc., spéc., n° 48 ; et des mêmes auteurs, Le constat sur requête avant tout procès - quatre ans après, Dr. et proc., 2010, 307, spéc. n° 10.
(11) A l'extinction de laquelle, il est vrai, elle peut survivre. V. par ex. Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-16.579, FS-P+B (N° Lexbase : A5042DQS), Bull. civ. II, n° 213 ; Procédures, 2006, no 204, obs. Perrot.
(12) Exigence posée par l'article 325 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1992H4K).
(13) Cass. mixte, 9 novembre 2007, n° 06-19.508, P+B+R+I (N° Lexbase : A5534DZY), Bull. Cass. mixte n° 10 ; BICC 15 février 2008, 18, rapp. Lacabarats, avis Domingo ; JCP éd. G., 2008, II, 10070, note Serinet, et I. 138, obs. Amrani Mekki ; Procédures, 2008, n° 5, note Perrot ; Dr. et proc., 2008. 90, note Douchy Oudot.
(14) V. par ex. en matière de tierce opposition, Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-14.385, FS-P+B ([LXB=A0215DDC ]), Bull. civ. II, n° 400.
(15) V. Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n° 14-17.699, F-P +B (N° Lexbase : A2215NKA), Procédures, 2015, n° 8, p. 13, obs. Strickler.
(16) Pour une telle proposition v. not. F. De Bérard, Les mesures d'instruction in futurum : retour sur la procédure de l'article 145 du Code de procédure civile, Gaz. Pal., 2012, n° 343, p. 19 ; M. Foulon et Y. Strickler, Requête in futurum et protection du futur défendeur, Gaz. Pal. 2013, n° 68, p. 17.

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Procédure pénale

[Brèves] Inconstitutionnalité des dispositions relatives à la communication des réquisitions du ministère public aux parties devant la chambre de l'instruction

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-566 QPC, du 16 septembre 2016 (N° Lexbase : A2489R3L)

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N4340BWN

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Le 23 Septembre 2016

Les dispositions de l'article 197 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5025K8M), relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles le dossier déposé au greffe de la chambre de l'instruction est mis à la disposition des parties, ont pour effet de priver les parties non assistées par un avocat de la possibilité d'avoir connaissance des réquisitions du ministère public devant la chambre de l'instruction. Cette exclusion instaure une différence de traitement entre les parties selon qu'elles sont ou non représentées par un avocat. D'une part, dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté d'être assistées par un avocat ou de se défendre seules, le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense exige que toutes les parties à une instance devant la chambre de l'instruction puissent avoir connaissance des réquisitions du ministère public jointes au dossier de la procédure. D'autre part, cette différence de traitement ne trouve pas de justification dans la protection du respect de la vie privée, la sauvegarde de l'ordre public ou l'objectif de recherche des auteurs d'infraction, auxquels concourt le secret de l'information. Il en résulte que les troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (N° Lexbase : L0618AIQ), sont contraires à la Constitution. Telle est la substance de la décision du Conseil constitutionnel, rendue le 16 septembre 2016 (Cons. const., décision n° 2016-566 QPC, du 16 septembre 2016 N° Lexbase : A2489R3L ; cf. la décision de renvoi, Cass. crim., 21 juin 2016, n° 15-85.383, FS-D N° Lexbase : A2352RUN et voir Cass. crim., 17 juin 2008, n° 07-80.339, FS-P+F+I N° Lexbase : A2319D9R, où les juges affirmaient la compatibilité de l'article 197, alinéa 3, du Code de procédure pénale avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme N° Lexbase : L7558AIR). En l'espèce, les requérants ont soutenu que les dispositions de l'article précité méconnaissent le principe d'égalité et le principe du contradictoire en ce qu'elles ne permettent pas aux parties à une instance devant la chambre de l'instruction d'avoir connaissance des réquisitions du procureur général lorsqu'elles ne sont pas assistées par un avocat. A juste titre. Le Conseil constitutionnel, après avoir énoncé les principes susvisés, déclare l'inconstitutionnalité desdites dispositions et précise que leur abrogation prend effet au 31 décembre 2017. Jusqu'à cette date, à compter de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du Code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme interdisant aux parties à une instance devant la chambre de l'instruction, non assistées par un avocat, d'avoir connaissance des réquisitions du procureur général jointes au dossier de la procédure (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4512EUN).

newsid:454340

Propriété intellectuelle

[Brèves] Mise à disposition au public d'un réseau Wi-Fi et violation du droit d'auteur : validité de l'injonction de prendre des mesures de sécurisation du réseau

Réf. : CJUE, 15 septembre 2016, aff. C-484/14 (N° Lexbase : A9161RZC)

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N4331BWC

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Le 23 Septembre 2016

L'exploitant d'un magasin qui propose gratuitement au public un réseau Wi-Fi n'est pas responsable des violations de droits d'auteur commises par un utilisateur. Toutefois, il peut être enjoint à sécuriser son réseau par un mot de passe afin de mettre un terme à ces violations ou de les prévenir. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 15 septembre 2016 (CJUE, 15 septembre 2016, aff. C-484/14 N° Lexbase : A9161RZC). Dans cette affaire, une oeuvre musicale ayant été illicitement proposée au public pour téléchargement via un réseau Wi-Fi que le gérant d'un magasin proposait gratuitement au public, le titulaire des droits a assigné ce dernier. Or, la Directive 2000/31 sur le commerce électronique (N° Lexbase : L8018AUI) exclut la responsabilité des prestataires intermédiaires pour une activité illicite initiée par un tiers, lorsque leur prestation consiste en un "simple transport" des informations, sous réserve de trois conditions cumulatives : (i) le prestataire ne doit pas être à l'origine de la transmission, (ii) il ne doit pas sélectionner le destinataire de la transmission et (iii) il ne doit ni sélectionner ni modifier les informations faisant l'objet de la transmission. La CJUE constate, tout d'abord, que la mise à disposition gratuite d'un réseau Wi-Fi au public afin d'attirer l'attention des clients potentiels sur les produits ou services d'un magasin constitue un "service de la société de l'information" visé par la Directive. Elle retient, ensuite, que cette Directive ne s'oppose pas à ce que le titulaire de droits demande à une autorité ou à une juridiction nationale d'enjoindre à un tel prestataire de mettre fin à toute violation des droits d'auteur commise par ses clients ou de prévenir de telles violations. Enfin, la Cour constate qu'une injonction ordonnant la sécurisation de la connexion à internet au moyen d'un mot de passe est de nature à assurer un équilibre entre, d'une part, les droits de propriété intellectuelle des titulaires de droits et, d'autre part, le droit à la liberté d'entreprise des fournisseurs d'accès et le droit à la liberté d'information des utilisateurs du réseau. La Cour relève, en particulier, qu'une telle mesure est susceptible de dissuader les utilisateurs d'un réseau de violer des droits de propriété intellectuelle. Afin d'assurer la réalisation de cet effet dissuasif, il est nécessaire que les utilisateurs, pour éviter qu'ils n'agissent anonymement, soient obligés de révéler leur identité avant de pouvoir obtenir le mot de passe requis. En revanche, la Directive exclut de manière expresse l'adoption d'une mesure visant la surveillance des informations transmises via un réseau donné. De même, une mesure consistant à arrêter complètement la connexion à internet sans envisager l'adoption de mesures moins attentatoires à la liberté d'entreprise du fournisseur de cette connexion ne serait pas de nature à concilier les droits concurrents précités.

newsid:454331

Rémunération

[Brèves] Egalité de traitement : validité de la différence de rémunération géographique en fonction du coût de la vie

Réf. : Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7920RZD)

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N4329BWA

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Le 22 Septembre 2016

Une différence de traitement établie par un engagement unilatéral peut être pratiquée entre salariés d'une même entreprise, lorsque ceux-ci relèvent d'établissements différents et qu'ils exercent un travail égal ou de valeur égale, mais il faut, pour cela, que cette différence repose sur des raisons objectives dont le juge contrôle la réalité et la pertinence. Partant, la disparité du coût de la vie, invoquée par l'employeur pour justifier la différence de traitement qu'il a mise en place entre les salariés de deux sites, est une justification objective pertinente. Telle est la solution apportée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 septembre 2016 (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7920RZD).
En l'espèce, une société applique sur ses sites de production situés en Ile-de-France des barèmes de rémunération supérieurs à ceux qu'elle applique sur son site de production de Douai. Dénonçant l'atteinte portée au principe de l'égalité de traitement, le syndicat saisit le tribunal de grande instance.
La cour d'appel déboute le syndicat de ses demandes et constate que la disparité du coût de la vie invoquée par la société, pour justifier la différence de traitement entre les salariés des deux sites, est établie. Le syndicat se pourvoit en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le syndicat (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5502EX3).

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Sociétés

[Doctrine] La dissolution des sociétés pour mésentente entre associés - Première partie

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par Deen Gibirila, Professeur émérite (Université Toulouse 1 Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 27 Septembre 2016

Longévité plus importante des personnes morales que des personnes physiques. A l'instar d'une personne physique, une société naît et meurt. Elle prend alors fin par la dissolution qui est la rupture du pacte social. Pourtant, les personnes morales ont en général une longévité plus importante que les personnes physiques ; les institutions publiques ou privées survivent aux êtres humains. Les sociétés ont d'autant moins de raison de procéder à leur dissolution volontaire, qu'elles sont financièrement saines. Certaines, bien que n'ayant plus de véritable activité, ne s'y résolvent pas ; elles restent en sommeil dans l'attente d'une reprise d'activité. Des raisons fiscales justifient souvent ce comportement car la dissolution d'une société emporte transmission de ses biens et taxation des éventuelles plus-values. D'autres enfin, ne disparaissent qu'à la suite d'une liquidation judiciaire consécutive à l'ouverture d'une procédure collective. Dissolution, fusion ou scission des sociétés. La dissolution présente un point commun avec la fusion et la scission en ce qu'une société absorbée ou scindée est une société qui disparaît, puisqu'aux termes de l'article L. 236-3, I, du Code de commerce (N° Lexbase : L6353AI7) "la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent". Cette règle est indirectement reprise par l'article 1844-8, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2028ABQ), relatif à l'effet essentiel de la dissolution qui est la liquidation qu'elle écarte dans les cas prescrits par l'article 1844-4, alinéa 1er (N° Lexbase : L2024ABL), c'est-à-dire l'absorption d'une société par une autre et la scission au profit de plusieurs autres.

C'est à propos de la liquidation que la dissolution se distingue de la fusion ou de la scission. Tandis que la société disparaît définitivement à la date de clôture de sa liquidation, la société absorbée ou scindée n'est pas liquidée, puisqu'il y a transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante. La fusion emporte donc dissolution immédiate de la société absorbée, sans survie de la personnalité morale pour les besoins de la liquidation (1). La société absorbée ou scindée ne disparaît pas complètement ; elle revit à travers une nouvelle structure

Les causes communes de dissolution des sociétés. S'agissant des causes de dissolution, si certaines sont propres à chacune des sociétés, d'autres sont communes à toutes. En théorie, ces dernières sont nombreuses (2). La lecture de l'article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L7356IZH) le montre bien. En pratique, bon nombre d'entre elles n'entraînent que rarement la dissolution de la société. Ainsi, avant même l'arrivée du terme, les associés décident souvent de reconduire la société ; la réunion de toutes les parts dans une même main est la plupart du temps suivie d'une cession de parts permettant l'entrée d'un autre membre dans la société.

Ces causes procèdent, pour certaines, d'un choix des associés, on parle alors de dissolution volontaire ; d'autres, proviennent de circonstances extérieures, il s'agit dans ces cas de dissolution forcée.

La mésentente entre associés (3), objet de la présente étude, relève de la dissolution forcée en ce que les associés ne disposent d'aucun choix, car la décision de justice qui se situe à l'origine de la dissolution va s'imposer à eux. La dissolution d'ordre judiciaire implique un juste motif qui réside soit dans l'inexécution par un associé de ses obligations en vertu d'une application de l'article 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA devenu l'article 1224 N° Lexbase : L0939KZS, avec l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, art. 2 N° Lexbase : L4857KYK, entrant en vigueur le 1er octobre 2016) sur la résolution des contrats pour inexécution, soit dans une mésentente entre associés, autrefois dénommée "mésintelligence", beaucoup plus souvent alléguée que l'inexécution de ses obligations par un associé.

Néanmoins, l'adverbe "notamment" mentionné dans l'article 1847-7, 5°, du Code civil signale clairement, que "l'inexécution par un associé d'une de ses obligations" et "la mésentente entre associés" ne sont pas des cas limitatifs. Le juge dispose donc d'une importante marge d'appréciation du "juste motif", pour prononcer ou non la dissolution de la société sollicitée par un associé.

Les sociétés exposées à la dissolution pour mésentente entre associés. A l'origine de la mésentente, l'abus de majorité ou de minorité est fréquemment avancé, dès l'instant où il existe une dissension entre associés. Cette mésentente touche plus souvent les sociétés de personnes marquées par l'intuitus personae, notamment les sociétés civiles, plus particulièrement les sociétés civiles professionnelles (4) ou les sociétés civiles de moyen (5), et les sociétés civiles immobilières (6), les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple. Elle tient au fait que dans ces sociétés, la plupart des décisions doivent prises à l'unanimité. A défaut de parvenir à celle-ci, faute d'entente entre les associés, les décisions ne peuvent être adoptées, ce qui entraîne un blocage du fonctionnement de la société. Les autres structures sociétaires, SARL, SA, sociétés à capital variable, SAS (7)... ne sont cependant pas épargnées, notamment ces dernières qui ont un caractère contractuel. En toute hypothèse, la mésentente est accrue dans les sociétés à caractère familial (8), que les deux membres soient des couples mariés (9) ou non (10), ou qu'ils appartiennent à une même famille. S'agissant des couples, cette mésentente qui apparaît surtout en cas de divorce ou de séparation, va s'étendre aux relations au sein de la société (11).

Les caractères restrictif et d'ordre public de la dissolution pour mésentente entre associés. Les conditions restrictives qui entourent la dissolution des sociétés pour mésentente entre associés visent à éviter que la disparition d'une société soit un moyen de résoudre les conflits susceptibles de naître au sein des structures sociétaires. En effet, les associés préfèrent souvent provoquer la dissolution d'une société dotée d'un important patrimoine immobilier. Si cette démarche ne soulève aucune difficulté lorsqu'elle est unanimement consentie, au contraire elle suscite souvent des conflits quand certains associés sont encore animés d'affectio societatis, l'opposition d'un minoritaire ou le défaut d'activité de la société ne constituant pas une cause de dissolution de celle-ci (12).

Eu égard au caractère d'ordre public (13) de l'article 1844-7, 5°, du Code civil qui régit la dissolution pour mésentente, "aucune convention et spécialement aucune disposition des statuts ne peut entraver l'exercice du droit d'intenter une action en dissolution" (14). Le juge ne saurait exclure l'associé demandeur en dissolution en l'obligeant à céder ses droits sociaux, en particulier à sa société ou aux associés qui offrent de les racheter (15), et ainsi porter atteinte à son droit de rester associé.

Les remèdes à la dissolution pour mésentente entre associés. Certaines décisions ont cependant, avec des motivations diverses, accepté de substituer à la dissolution l'exclusion de l'associé fautif (16). Elles traduisent le sentiment partagé par la doctrine (17), qu'à défaut de porter atteinte au droit de l'associé de conserver sa place en tant que tel au sein de la société, l'exclusion judiciaire permet d'éviter une dissolution judiciaire, en préservant tous les intérêts en jeu : la dissolution ne procurera pas à l'associé ou aux associés exclus plus d'avantages si, comme l'autorise l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34), ils sont remboursés de l'exacte valeur de leurs droits sociaux ; les autres y trouveront le bénéfice de demeurer associés, sans avoir à reconstituer coûteusement la société dissoute. Mais, elle pourrait être vivement écartée, si l'on y voyait une expropriation pour cause d'intérêt privé (18).

La dissolution peut tout de même être évitée si les associés rachètent les droits sociaux de l'associé demandeur en justice, lorsque cette possibilité résulte d'une acceptation par tous les associés figurant dans les statuts ou exprimée en cours de vie sociale (19), le juge étant alors tenu par la stipulation statutaire ou par la décision unanime des associés. En outre, l'action en dissolution doit être écartée lorsque les faits allégués, bien que connus des demandeurs, n'ont suscité aucune objection de leur part, durant une longue période (20).

La procédure de dissolution pour mésentente entre associés. L'article 1844-7, 5°, du Code civil confère le droit d'agir en dissolution d'une société pour mésentente, à tout associé exclusivement titulaire de la qualité de le mettre en oeuvre (21). Autoriser les créanciers sociaux à agir en dissolution judiciaire serait en effet contraire à la lettre du texte applicable qui énonce une "dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé".

La jurisprudence analyse l'action en dissolution exercée par l'associé, comme un acte de disposition tendant à la liquidation de la chose commune. Il en découle que les indivisaires d'actions ou de parts sociales n'ont pas qualité pour intenter cette action, s'ils ne sont pas d'accord à cet effet. Il est vrai que les statuts prévoient habituellement que les copropriétaires indivis de titres sociaux se fassent représenter au sein de la société par l'un d'entre eux.

L'exercice de la prérogative de dissolution d'une société peut se révéler abusive et, par conséquent, engager la responsabilité de son auteur (22), sous réserve de caractériser l'abus de droit (23).

Nulle partie ne pouvant être jugée sans avoir été entendue ou appelée, en l'occurrence le ou les associés auxquels est imputable le motif de dissolution, à savoir la mésentente, la demande en dissolution d'une société impose de mettre en cause celle-ci (24). Par conséquent, l'action est valablement introduite auprès du tribunal du siège social, même si l'associé dont le comportement est critiqué, est domicilié dans une autre circonscription judiciaire ou à l'étranger. Si l'associé demandeur est en même temps gérant, aucune disposition n'exige de faire désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société au cours de l'instance (25).

Au gré de la nature civile ou commerciale de la structure sociétaire, la juridiction compétente pour statuer sur l'action en dissolution est le TGI ou le tribunal de commerce (26) du siège social, et non le juge des référés (27). Un tribunal arbitral constitué sur le fondement d'une clause compromissoire conclue entre associés peut également prononcer la dissolution (28), dès lors que ladite clause n'apporte aucune restriction au droit d'agir en justice (29). Aussi, dans une affaire, le tribunal de commerce a été déclaré incompétent, compte tenu de la clause d'arbitrage incluse dans le protocole d'accord en contradiction avec les statuts d'une société constituée ultérieurement entre les parties, dès lors que celles-ci avaient prévu que les termes du protocole devaient prévaloir (30).

Le plan de l'étude. S'il est vrai qu'une mésentente entre associés peut se situer à l'origine de la dissolution d'une société (I), la réciproque est tout aussi juste : la dissolution constitue la conséquence de ladite mésentente, si certaines conditions sont remplies (II ; pour cette seconde partie, lire N° Lexbase : N4351BW3).

I - La mésentente entre associés, cause de dissolution des sociétés

La mésentente entre associés est l'expression de l'altération, voire de la disparition de l'affectio societatis (A). En affectant le lien social, elle va inévitablement porter atteinte à l'intérêt social (B).

A - La disparition de l'affectio societatis

L'affectio societatis ou la volonté de collaborer ou encore l'intention de s'associer (31) figure parmi les éléments constitutifs de la société définie par l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ). Elle est illustrée par l'affectation à une entreprise commune par deux ou plusieurs personnes (associés), des biens ou leur industrie, en vue de partager des bénéfices ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. La Cour de cassation la qualifie diversement : "volonté de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun" (32) ; "volonté d'union et acceptation d'aléas communs" (33) ; "volonté de s'associer et de participer aux bénéfices et aux pertes d'une entreprise commune" (34).

L'affectio societatis doit exister à la date de conclusion du contrat de société, même si l'associé n'a pas libéré l'apport qu'il a promis à la société (35), et doit être présente tant que cette dernière vit (36). Si l'absence d'affectio societatis au moment de la constitution de la société est une cause de nullité de celle-ci (37), à moins qu'il s'agisse d'une SARL ou d'une société par actions, sa disparition en cours de vie sociale, bien que ne constituant pas une cause autonome de dissolution pour justes motifs, peut participer à cette dissolution.

A l'origine de la dissolution des sociétés pour cause de mésentente entre associés, la jurisprudence constate parfois une disparition de l'affectio societatis. Ainsi, la dissolution intervient lorsque cette mésentente est grave et permanente et que le défaut d'affectio societatis revêt une telle ampleur que le mandataire ad hoc (38) désigné, pas plus qu'un administrateur provisoire (39), n'a pu mener à bien sa mission Néanmoins, le plus souvent, l'absence d'affectio societatis ne suffit pas, car il convient d'éviter toute confusion entre cette notion et la mésentente justifiant la dissolution judiciaire pour justes motifs. La simple volonté d'une des parties de ne plus avoir l'intention de s'associer ne justifie pas qu'une société puisse disparaître. Elle doit être complétée par la paralysie de la société qui constitue l'élément essentiel, pour aboutir à la dissolution de la société (40). C'est le cas du défaut d'affectio societatis entre deux associés égalitaires, cette situation entraînant une paralysie de la société (41), ou le cas de la disparition de l'affectio societatis faisant suite à la mésentente entre deux associés d'une société civile professionnelle qui ont manifesté successivement leur volonté de se retirer, tandis qu'a échoué toute conciliation entre eux (42).

En définitive, si la disparition de l'affectio societatis peut constituer une cause nécessaire, elle demeure insuffisante pour illustrer isolément un juste motif de dissolution judiciaire d'une société.

Cette orientation jurisprudentielle imprimée par la Cour de cassation (43) est généralement suivie par les juges du fond, notamment la cour d'appel d'Agen qui a accueilli la demande de dissolution d'une société civile de moyens présentée par l'un des quatre médecins qui l'avaient constituée pour faciliter l'exercice de leur activité dans une clinique (44). Cette juridiction avait relevé, outre la disparition de la volonté des associés de collaborer ensemble (l'affectio societatis), l'associé demandeur de la dissolution désirant cesser son activité professionnelle pour raisons de santé, la paralysie du fonctionnement de la société où dominait un fort intuitus personae.

B - L'atteinte à l'intérêt social

Quelles que soient la nature de la société et l'étendue des pouvoirs dont le législateur ou les statuts les ont investis, les organes de direction doivent exercer ceux-ci, non seulement dans la limite de l'objet social, mais encore conformément à l'intérêt social, c'est-à-dire l'intérêt de la société. A défaut, leur responsabilité peut être mise en cause, sachant qu'à l'égard des tiers, le représentant légal d'une SARL ou d'une société par actions peut engager celle-ci même par des actes en dehors de l'objet social. Les décisions prises par les dirigeants doivent donc être utiles ou profitables à la société ou, tout au moins, ne pas être nuisibles à l'intérêt social.

L'intérêt social (45) est le principal fondement de l'intervention du juge dans la vie des sociétés (46). Ce dernier y a recours pour statuer sur les litiges, en particulier, pour sanctionner un abus de majorité ou de minorité, engager la responsabilité d'un dirigeant, désigner un administrateur provisoire. Il se réfère également à cette notion pour statuer sur une demande de dissolution d'une société pour juste motif.

S'agissant d'appréhender la notion d'intérêt social, le Code de commerce n'en donne aucune définition, bien qu'elle soit visée par les articles L. 221-4 (N° Lexbase : L5800AIN) et L. 223-18 (N° Lexbase : L2030KGB), relatifs aux pouvoirs des gérants des SNC et SARL, ainsi que par les articles L. 241-3, 4° (N° Lexbase : L9516IY4) et L. 242-6, 5° (N° Lexbase : L9515IY3), relatifs au délit d'abus de biens et de crédit de la société. Confrontés au mutisme législatif, certains auteurs lui refusent une quelconque signification juridique, tout en lui reconnaissant une utilisation judiciaire fréquente (47). D'autres membres de la doctrine se montrent favorables à une conception large de l'intérêt social ; ils l'assimilent à l'intérêt de l'entreprise, par conséquent à l'ensemble des personnes qui tirent un revenu de la société, à savoir, non seulement les associés ou les dirigeants, mais encore les salariés, les créanciers, les sous-traitants... (48). Ces auteurs dont le Professeur Dominique Schmidt (49), ne distinguent pas l'intérêt social de l'intérêt commun des associés, la société ne vivant pas seulement pour elle mais également pour ceux qui la financent. Un dernier courant doctrinal conçoit l'intérêt social comme l'intérêt de l'ensemble des associés tel qu'il se présente en particulier pour la sanction judiciaire d'un abus de majorité (50). En définitive, l'intérêt social est la "boussole" de la société (51).

Comme exemple d'atteinte à l'intérêt social, citons celui de l'associé majoritaire gérant qui administre et utilise la société comme si elle était son affaire personnelle, sans tenir compte des intérêts de l'autre associé (52), ou sans respecter les règles relatives aux assemblées et à l'information des associés (53). Plus flagrant est le cas de l'associé majoritaire qui, abusant de ses prérogatives, a imposé la réduction de l'activité sociale à des relations commerciales avec deux sociétés auxquelles il était lié et a organisé cette situation contraire à l'intérêt social pour servir ses intérêts au détriment de sa coassociée (54). Relève de ce contexte, la situation de l'associé majoritaire, également gérant, qui prend seul toutes les décisions sociales, ne régularise pas la situation malgré la constatation de la perte de la moitié du capital ainsi que les pertes supplémentaires au cours d'exercices ultérieurs (55).

La dissolution des sociétés pour mésentente entre associés - Seconde partie (N° Lexbase : N4351BW3)


(1) Cass. com., 11 février 1986, n° 84-12.337 (N° Lexbase : A3016AAX), Bull. civ. IV, n° 15 ; Rev. sociétés, 1986, p. 626, note Y. Guyon ; Bull. Joly Sociétés, 1986, p. 627, note PLC.
(2) J. Guyénot, Les huit causes communes de dissolution des sociétés civiles et commerciales [C. civ., art. 1844-7], Gaz. Pal., 1980, 2, doctr. p. 357.
(3) C. civ., art. 1847-7, 5° (N° Lexbase : L7356IZH) ; P. Canin, La mésentente entre associés, cause de dissolution judiciaire anticipée des sociétés, Dr. sociétés, janvier 1998, p. 4 ; H. Matsopoulou, La dissolution pour mésentente entre associés, Rev. sociétés, 1998, p. 21.
(4) A propos d'une SCP de notaires, Cass. civ. 1, 16 octobre 2013, n° 12-26.729, F-P+B (N° Lexbase : A0902KNQ), Lexbase, éd. aff., 2013, n° 356 (N° Lexbase : N9100BT9) ; BRDA, 22/2013, n° 6 ; RJDA, 4/2014, n° 339 ; Dr. sociétés, février 2014, n° 22, obs. R. Mortier ; Bull. Joly Sociétés, 2014, p. 39, note E. Forget, rejet du pourvoi formé contre CA Amiens, 17 mars 2011, n° 10/01041 (N° Lexbase : A4567HDI) ; sur cet arrêt, A.-C. Deville, Retour sur la dissolution judiciaire pour mésentente entre associés, RLDA janvier 2014, n° 4902 ; Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-16.323, F-D (N° Lexbase : A1142HRQ), Rev. sociétés, 2011, p. 566, note B. Saintourens, société constituée entre trois notaires.
(5) Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-21.928, F-P+B (N° Lexbase : A5155HUH), Bull. civ. IV, n° 106 ; BRDA, 23/2011, n° 1 ; RJDA, 11/2011 n° 920 ; JCP éd. E, 2011, n° 42, 1736, note R. Marsin-Rose ; Droit des sociétés, octobre 2011, n° 167, obs. R. Mortier ; nos obs., Lexbase, éd. aff., 2011, n° 263 (N° Lexbase : N7521BSD) ; Rev. sociétés, 2012, p. 241, note C. Tabourot-Hyest, SCM constituée initialement entre deux médecins.
(6) Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-20.044, F-D (N° Lexbase : A1708MS3), RJDA, 10/2014, n° 768 ; nos obs., Lexbase, éd. aff., 2014, n° 390 (N° Lexbase : N3169BUW) ; CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 31 mars 2016, n° 15/13327 (N° Lexbase : A7473RAZ), BRDA, 9/2016, n° 3 ; RJDA, 7/2016, n° 538.
(7) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 12 septembre 2003, n° 2002/13335 (N° Lexbase : A6805C9W) Rev. sociétés, 2004, p. 170, obs. I. Urbain-Parléani, Dr. sociétés, 2004, n° 45, obs. J. Monnet, à propos d'une SAS réunissant quatre sociétés et ayant pour objet le fret aérien ; CA Pau, 13 décembre 2007, n° 05/03202, SAS créée entre une société et une personne physique ; CA Reims, 9 avril 2013, n° 11/02807 (N° Lexbase : A8488KBY), RJDA 2013, n° 631.
(8) Cass. com., 9 octobre 2012, n° 11-21.761, F-D (N° Lexbase : A3521IUX) ; CA Pau, 13 mars 2008, n° 04/01496, Dr. sociétés, 2008, n° 220, obs. M.-L. Coquelet, couple marié et leur fils aîné ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 13 juin 2006, n° 05/13608 (N° Lexbase : A5687DR3), concubins et leur fille commune ; CA Versailles, 15 mars 2007, n° 06/03721 (N° Lexbase : A3295ERH), RJDA, 2008, n° 279, couple marié, avec leurs enfants communs et les enfants d'une première union ; CA Lyon, 1er décembre 2005, n° 04/03968, père et fils ; CA Bastia, 16 février 2011, n° 09/00223 (N° Lexbase : A2783GXD), deux soeurs et leurs époux respectifs.
(9) CA Pau, 23 janvier 2006, n° 04/04044.
(10) CA Toulouse, 5 mars 2008, n° 06/02069 (N° Lexbase : A6578G87).
(11) CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 12 janvier 2016, n° 14/24537 (N° Lexbase : A4791N3T), RJDA, 3/2016, n° 196 ; CA Paris, 31 mars 2016, n° 15/13327, préc., note 6 ; Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-20.044, préc., note 6, divorce des associés fondateurs d'une SCI, mais rejet de la demande de dissolution.
(12) Cass. civ. 3, 5 mai 2015, n° 14-13.060, F-D (N° Lexbase : A7140NHW), Rev. sociétés, 2015, p. 460, obs. S. Prévost ; Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 478, note A. Cerati-Gauthier.
(12) E. Schaeffer, Des causes d'ordre public de dissolution des sociétés, inDix ans de conférences d'agrégation, Etudes de droit commercial offertes à J. Hamel, p. 227.
(14) Cass. com., 23 janvier 1950, D., 1950, jur. p. 300 ; Cass. com., 12 juin 1961, n° 58-12.517 (N° Lexbase : A6202CEG), Gaz. Pal., 1961, II, p. 176, D., 1961, jurispr. p. 661, S. 1962, p. 121, note Autesserre, selon lequel c'est à bon droit que les juges du fond déclarent une société dissoute, nonobstant la clause des statuts prévoyant une procédure spéciale pour aboutir à la dissolution amiable de la société ; CA Agen, 4 juillet 2011, n° 10/00713 (N° Lexbase : A5425HWT), RJDA, 2012, n° 919, Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 43, note F.-X. Lucas, pour qui les dispositions statutaires relatives au retrait d'un associé ne sauraient priver les autres associés du droit d'ordre public de demander la dissolution de la société.
(15) Cass. com., 12 mars 1996, n° 93-17.813 (N° Lexbase : A9395ABL), Rev. sociétés, 1996, p. 554, note D. Bureau ; RTDCiv., 1996, p. 897, obs. J. Mestre ; Dr. sociétés, 1996, n° 96, obs. Th. Bonneau ; JCP éd. E, 1996, II, 831, note Y. Paclot ; D., 1997, p. 133, note Th. Langlès, à propos d'une SNC.
(16) T. com. Poitiers, 30 juin 1975, RTDCom., 1976, p. 373, n° 10, obs. C. Champaud ; CA Paris, 10 novembre 1964, JCP éd. G, 1965, II, 14133, note J. R. ; CA Rouen, 8 février 1974, Rev. sociétés, 1974, p. 507, note R. Rodière ; CA Reims, 24 avril 1989, Gaz. Pal., 1989, 2, somm. p. 431, note P. de Fontbressin, RTDCom., 1989, p. 683, n° 8, obs. Y. Reinhard, Rev. sociétés, 1990, p. 77, obs. Y. G., LPA, 31 mai 1991, n° 65, p. 26, note S. Majerowicz, J.-P. Storck, La continuation d'une société par l'élimination d'un associé, Rev. sociétés, 1982, p. 233, J.-M. de Bermond de Vaulx, La mésentente entre associés pourrait-elle devenir un juste motif d'exclusion d'un associé d'une société ?, JCP éd. E, 1990, II, 15921
(17) J.-J. Daigre, L'exclusion d'un associé en réponse à une demande de dissolution, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 576.
(18) CA Aix-en-Provence, 26 juin 1984, D., 1985, jurispr. p. 372, note J. Mestre.
(19) Cass. com., 3 juin 1966, Bull. civ. III, n° 282.
(20) CA Paris, 5 juillet 1988, Bull. Joly Sociétés, 1988, p. 674, durée de dix ans, en l'espèce.
(21) Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-14.786, F-D (N° Lexbase : A4643DDC), RJDA, 1/2005, n° 39, 1ère esp., Dr. sociétés, 2005, n° 35, obs. F.-X. Lucas, soulignant le monopole d'action de l'associé et déniant corrélativement le droit d'agir au syndic de la liquidation des biens d'un associé ; CA Rouen, 14 avril 2004, RJDA, 2005, n° 39, 2ème esp., selon lequel le juge ne peut autoriser un créancier à agir, même en exerçant l'action oblique ; CA Orléans, 22 septembre 2005, n° 04/2603 (N° Lexbase : A4782DNG), RJDA, 1/2006, n° 31 ; Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 228, note M.-N. Legrand, irrecevabilité de l'action en dissolution exercée par le liquidateur judiciaire d'un associé de SCI ; contra, Cass. civ. 1, 20 octobre 1965, n° 63-12.258 (N° Lexbase : A6203CEH), Bull. civ. I, n° 562 ; Cass. com., 22 juin 1970, n° 68-11.340 (N° Lexbase : A5670CIT), Bull. civ. IV, n° 215, admettant que les créanciers sociaux pouvaient demander la dissolution judiciaire pour justes motifs.
(22) T. com. Versailles, 18 janvier 1967, RTDCom., 1967, p. 700, n° 3, obs. C. Champaud ; Cass. com., 14 décembre 2004, n° 02-14.749, F-D (N° Lexbase : A4636DEG), RJDA, 2005, n° 391, approuvant la cour d'appel d'Orléans d'avoir condamné à des dommages-intérêts à l'égard des associés et de la société, l'associé demandeur qui a pris l'initiative de refuser les tâches lui ayant été attribuées par les statuts, qui n'a recherché aucune entente avec ses co-associés et a eu un comportement excessif.
(23) Espèces dans lesquelles l'abus de droit n'a pas été mis en évidence, Cass. com., 13 février 1996, n° 93-16.238 (N° Lexbase : A1212ABI), Bull. civ. IV, n° 49, BRDA, 5/1996, p. 3, RJDA, 1996, n° 641, Rev. sociétés, 1996, p. 563, note J. Honorat, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 498, note J.-J. Daigre, Dr. sociétés, 1996, n° 95, obs. Th. Bonneau, JCP éd. E, 1996, II, 831, note Y. Paclot, D., 1997, p. 108, nos obs., Cass. civ. 1, 9 juin 1993, n° 91-18.241 (N° Lexbase : A3724ACW), Bull. civ. I, n° 215, Bull. Joly Sociétés, 1993, p. 921, note P. Le Cannu.
(24) Cass. civ. 1, 4 juillet 1995, n° 93-12.749 (N° Lexbase : A7639ABK), Bull. civ. I, n° 299 ; BRDA, 15-16/1995, p. 5 ; RJDA, 1995, n° 1100 ; Dr. sociétés, 1995, n° 206, obs. Th. Bonneau ; Defrénois 1996, p. 660, obs. J. Honorat.
(25) CA Pau, 13 mars 2008, n° 04/01496, préc., note 8.
(26) C. com., art. R. 210-15 (N° Lexbase : L0080HZY).
(27) CA Paris, 28 octobre 1987, Bull. Joly Sociétés, 1987, p. 858 ; RTDCom., 1988, p. 247, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(28) CA Colmar, 21 septembre 1993, RJ com., 1994, p. 154, note C. Jarrosson ; Rev. sociétés, p. 336, obs. Y. Guyon ; pour une étude générale, D. Cohen, Arbitrage et société, LGDJ 1993.
(29) Cass. com., 30 janvier 1967, JCP éd. G. 1967, II, 15215, note P. L., RTDCom., 1967, p. 483, obs. Boitard, RTDCom., 1968, p. 361, obs. C. Champaud ; v. aussi, Cass. civ. 1, 18 juillet 1995, n° 93-19.449 (N° Lexbase : A6135ABT), Bull. civ. I, n° 320, RJDA, 1995, n° 1116, D. Affaires, 1995, n° 3, p. 72, Bull. Joly Sociétés 1995, p. 981, note B. Saintourens, JCP éd. E, 1995, I, 505, n° 4, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, qui signale que l'article 1844-7, 5° reconnaît aux associés "la prérogative générale et d'ordre public de solliciter la dissolution de la société pour mésentente".
(30) Cass. civ. 1, 27 février 2013, n° 12-16.328, F-D (N° Lexbase : A8750I8L), RJDA, 11/2013, n° 964.
(31) Pour une étude générale, I. Tchotourian, Vers une définition de l'affectio societatis lors de la constitution d'une société, LGDJ, Bibl. dr. pr., t. 522.
(32) Cass. civ. 1, 20 janvier 2010, n° 08-13.200, FS-P+B (N° Lexbase : A4595EQA) Bull. civ. I, n° 11 ; Bull. Joly Sociétés, 2010, p. 448, 2e esp., note J. Vallansan.
(33) Cass. com., 19 février 1991, n° 89-16.590 (N° Lexbase : A8199CWL).
(34) Cass. 1re civ., 18 juillet 1995, n° 93-19.449, préc., note 29 ; 3 décembre 2008, n° 07-13.043, FS-D (N° Lexbase : A5147EBA) "existence d'une volonté commune des époux de s'associer sur un pied d'égalité en partageant les bénéfices et les pertes".
(35) CA Paris, 16ème ch., sect. A, 10 mars 2004, n° 02/11747 (N° Lexbase : A6652DCD), RJDA, 8-9/2004, n° 1002.
(36) TGI Paris, 14 mars 1973, Gaz. Pal. 1973, II, p. 973.
(37) Cass. civ. 3, 8 janvier 1975, n° 73-13.635 (N° Lexbase : A8787AHW), Bull. civ. III, n° 2, Rev. sociétés, 1976, p. 301, note I. Balensi ; Cass. civ. 3, 22 juin 1976, n° 74-10.119 (N° Lexbase : A8194AGL), D. 1977, jur. p. 619, note P. Diener ; Cass. civ. 1, 24 octobre 1978, n° 77-13.884 (N° Lexbase : A3359AGI), Bull. civ. I, n° 118.
(38) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 5 mars 2002, n° 2001/11922 (N° Lexbase : A0857A37), RJDA, 7/2002, n° 770.
(39) CA Paris, 12 septembre 2003, préc., note 7 ; Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-17.753, F-D (N° Lexbase : A7441EIG), RTDCom., 2009, p. 2009, p. 755, obs. C. Champaud et D. Danet, RJDA, 2010, n° 37.
(40) Cass. civ. 3, 16 mars 2011, n° 10-15.459, FS-P+B (N° Lexbase : A1735HDM), BRDA 8/2011, n° 9, RJDA, 6/2011, n° 541, Dr. sociétés, 2011, n° 106, obs. M.-L. Coquelet, Bull. Joly Sociétés, 2011, p. 471, note F.-X. Lucas, sur cet arrêt, Ch. Lebel, Caractéristique de la mésentente, cause de dissolution judiciaire de la société, RLDA, juin 2011, n° 3468 ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 5 juillet 2007, n° 05/23460 (N° Lexbase : A2233DYD), RJDA, 8-9/2008, n° 919 ; contra, CA Versailles, 7 décembre 1995, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 308, selon lequel la disparition de l'affectio societatis ne peut que nuire au bon fonctionnement de la société ; v. aussi, Cass. civ. 3, 6 septembre 2011, n° 10-23.511, F-D (N° Lexbase : A5382HXM), Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 221, note J.-P. Garçon ; Cass. civ. 3, 26 novembre 2015, n° 14-22.077, F-D (N° Lexbase : A0734NYT), Rev. sociétés, 2016, p. 158, note P. Pisoni, disparition d'affectio societatis entre les associés ex concubins, aucune décision collective ne pouvant être prise, même pour statuer sur le sort de la société qui n'avait plus d'activité ; Cass. com., 23 juin 2015, n°14-16.065, F-D (N° Lexbase : A9817NL8), BRDA, 14/2015, n° 5, grave mésentente entre les associés d'une société civile de moyens qui a créé un climat très conflictuel entre les associés, excluant tout affectio societatis, et a abouti à la paralysie du fonctionnement de la société ; CA Paris, 12 septembre 2003, préc., note 7, pour qui "la mésentente entre associés qui fonde la demande de dissolution de la société, n'étant pas déniée, une telle situation de disparition de l'affectio societatis ne peut avoir pour conséquence que la dissolution de la société".
(41) CA Versailles, 19 janvier 1989, Bull. Joly Sociétés, 1989, p. 327, dans un cas où la société est cependant bénéficiaire.
(42) Cass. civ. 1, 14 décembre 2004, n° 02-14.749, F-D (N° Lexbase : A4636DEG), Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 525, note J.-J. Daigre.
(43) Cass. civ. 3, 5 mai 2015, n° 14-13.060, préc., note 12, rejet du pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 3 décembre 2013 qui a refusé de dissoudre une SCI familiale, au motif qu'une simple opposition de l'associée minoritaire, n'entraînant pas la paralysie des sociétés et ne compromettant pas leur intérêt social, de justes motifs de dissolution ou de révocation du gérant n'étaient pas démontrés.
(44) CA Agen, 4 juillet 2011, n° 10/00713 (N° Lexbase : A5425HWT), BRDA, 17/2011, n° 4 ; v. aussi, CA Versailles, 2 octobre 2007, n° 06/555, RJDA 12/2008, n° 1264, 2ème esp.
(45) Pour les études les plus récentes, D. Poracchia, Le rôle de l'intérêt social, Rev. sociétés, 2000, p. 223 ; C. Bailly-Masson, L'intérêt social, une notion fondamentale, LPA, 9 novembre 2000, n° 224, p. 6 ; B. Delecourt, L'intérêt social thèse Lille II, 2001 ; B. Dupuis, La notion d'intérêt social, thèse Paris XIII, 2001 ; S. Zeindenberg, L'intérêt social. L'étude du particularisme du contrat de société, thèse Bordeaux IV, 2000 ; A. Couret, Le désintérêt social, Mélanges P. Bézard p. 63, LPA et Montchrestien 2002 ; A. Constantin, L'intérêt social : quel intérêt ? Mélanges B. Mercadal, p. 315, F. Lefebvre 2002 ; G. Goffaux-Callebaut, La définition de l'intérêt social, RTDCom., 2004, p. 35 ; B. Basuyaux, L'intérêt social, une notion aux contours aléatoires qui conduit à des situations paradoxales, LPA, 6 janvier 2005, n° 4, p. 3 ; M.-A Mouthieu-Njandeu, L'intérêt social en droit des sociétés, L'Harmattan, 2009 ; I. Tchotourian, L'intérêt social en droit des sociétés, Rev. sociétés, 2009, p. 735 ; D. Martin et G. Buge, L'intérêt social dans le contentieux des ordonnances sur requêtes en référé et en la forme des référés, RTDCom., 2010, p. 481 ; D. Porachia et D. Martin, Regard sur l'intérêt social, Rev. sociétés, 2012, p. 475.
(46) Pour des références judiciaires récentes à l'intérêt social, Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-24.438, F-D (N° Lexbase : A8873HZN), Rev. sociétés, 2012, p. 238, note A. Viandier ; Cass. com., 17 janvier 2012, n° 10-27.562, F-D (N° Lexbase : A1278IBX), RJDA 2012, n° 413 ; Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-17.948, FS-P+B (N° Lexbase : A7475ISN), Bull. civ. III, n° 121, Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 831, note D. Poracchia ; CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 5 septembre 2013, n° 11/08180 (N° Lexbase : A4549KKP), RJDA, 2014, n° 39.
(47) G. Sousi, L'intérêt social dans le droit français des sociétés commerciales, p. 352, thèse Lyon 1974, pour qui l'intérêt social est une "notion irritante" ; J. Schapira, L'intérêt social et le fonctionnement de la société anonyme, RTDCom., 1971, p. 958, pour qui l'intérêt social est un "concept trop fluide pour être codifié".
(48) J. Paillusseau, La société anonyme, technique d'organisation de l'entreprise, p. 200, Sirey 1957 ; M. Despax, L'entreprise et le droit, LGDJ 1957, Bibl. dr. pr. n° 92, pour qui "l'intérêt de la société n'est en réalité que l'intérêt de l'entreprise".
(49) D. Schmidt, Les conflits d'intérêts dans les sociétés anonymes, n° 4, éd. Joly, 2004, 2ème éd.
(50) Cass. com., 21 janvier 1970, n° 68-11.085 (N° Lexbase : A6545AGI), JCP éd. G, 1970, II, 16541, note B. Oppetit, censurant CA Rennes, 23 février 1969, JCP éd. G, 1969, II, 16122, note J. Paillusseau et R. Contin ; v. aussi, Ph. Goutay et F. Danos, De l'abus de la notion d'intérêt social, D. Affaires, 1997, chron. p. 877.
(51) A. Pirovano, La "boussole" de la société. Intérêt commun, intérêt social, intérêt de l'entreprise, D., 1997, chron. p. 99.
(52) CA Paris, 26 janvier 1996, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 311.
(53) CA Versailles, 18 mai 1995, n° 94/9793 (N° Lexbase : A3500C9I), Bull. Joly Sociétés, 1995, p. 869, note J.-J. Daigre.
(54) Cass. com., 18 mai 1982, n° 80-12.209, n° 80-12.209 (N° Lexbase : A1634AGM), Rev. sociétés, 1982, p. 804, note P. Le Cannu.
(55) CA Paris, 12 novembre 1985, BRDA, 5/1986, p. 8.

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Sociétés

[Brèves] Date d'évaluation de la valeur des droits sociaux des associés cédants, retrayants ou exclus : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-563 QPC, du 16 septembre 2016 (N° Lexbase : A2486R3H)

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Le 22 Septembre 2016

Les dispositions qui fixent dans tous les cas, et quelle que soit la nature des sociétés concernées, la date de l'évaluation de la valeur des droits sociaux à celle qui est la plus proche du remboursement des droits sociaux de l'associé cédant, retrayant ou exclu, sauf disposition contraire des statuts n'introduisent aucune différence de traitement et sont conformes à la Constitution. Tel est le sens d'une décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2016 (Cons. const., décision n° 2016-563 QPC, du 16 septembre 2016 N° Lexbase : A2486R3H) qui avait été saisi d'une QPC par la Cour de cassation (Cass. QPC, 16 juin 2016, n° 16-40.018, F-D N° Lexbase : A5585RTZ). L'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD), dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978 (N° Lexbase : L1471AIC), dispose que "dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible". Selon l'interprétation de la Cour de cassation, ces dispositions exigent que, lors d'une cession de droits sociaux, du retrait ou d'une exclusion d'un associé, l'expert désigné retienne, pour évaluer la valeur de ces droits sociaux, en cas de contestation, la date la plus proche du remboursement des droits sociaux (cf. Cass. com., 4 mai 2010, n° 08-20.693, FS-P+B N° Lexbase : A0671EX7). Le Conseil constitutionnel a, d'abord, relevé que les dispositions contestées, telles qu'interprétées par la jurisprudence, ne prévoient pas, en elles-mêmes, la possibilité d'exclure un associé ou de le forcer à se retirer ou à céder ses titres. Elles se bornent à déterminer la date d'évaluation de la valeur des droits sociaux et n'entraînent donc pas de privation de propriété. Le Conseil constitutionnel a, ensuite, jugé que le délai qui peut s'écouler, en application de la disposition contestée telle qu'interprétée par la jurisprudence, entre la décision de sortie de la société et la date de remboursement des droits sociaux, est susceptible d'entraîner une atteinte au droit de propriété de l'associé cédant, retrayant ou exclu. Toutefois, pendant cette période, l'associé concerné conserve ses droits patrimoniaux et perçoit notamment les dividendes de ses parts sociales. Par ailleurs, cet associé pourrait intenter une action en responsabilité contre ses anciens associés si la perte provisoire de valeur de la société résultait de manoeuvres de leur part. Au regard de leur objectif, qui est de permettre une juste évaluation de la valeur litigieuse des droits sociaux cédés, les dispositions contestées ne portent donc pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Elles sont donc conformes à la Constitution (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E9597ASA).

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Exclusion du droit à déduction à la TVA, fraude et forclusion

Réf. : CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-332/15 (N° Lexbase : A0125RYB)

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N4388BWG

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par Sabrina Le Normand-Caillère, Maître de conférences à l'Université d'Orléans et Co-directrice du Master 2 Droit des affaires et fiscalité

Le 22 Septembre 2016

Le droit à déduction prévu par la Directive-TVA (Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 N° Lexbase : L7664HTZ) génère toujours un abondant contentieux. A l'occasion d'un arrêt du 28 juillet 2016, la Cour de justice de l'Union européenne est revenue sur les limites du droit à déduction de la taxe payée en amont lorsque des exigences formelles n'ont pas été remplies (CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-332/15). Dans cette affaire, la police fiscale et financière italienne a constaté l'impossibilité pour le représentant d'une société de produire des écritures comptables ou encore le registre TVA. Ce contrôle fiscal, initié le 4 juillet 2013, a également révélé que la société avait émis des factures pour un montant imposable à la TVA de 320 205 euros alors qu'elle avait échappé au paiement de 64 041 euros de TVA pour le seul exercice fiscal de 2010. S'agissant des exercices fiscaux ultérieurs, la société n'a présenté aucune déclaration de TVA. Le contrôle a également fait apparaître que la société n'avait pas respecté l'obligation d'enregistrement des factures émises.

Le représentant légal de la société a été poursuivi pénalement devant le tribunal de Trévise pour répondre à l'infraction tenant à la non-présentation de déclaration de TVA pour l'exercice 2010. Au cours de la procédure, le représentant a produit des factures, émises par des entreprises tierces à la société au cours de l'exercice 2010 et non enregistrées dans la comptabilité de la société. Au regard de ces dernières factures, la société disposait d'un crédit de TVA déductible d'un montant de 30 590 euros. Le représentant de la société a dès lors soutenu devant le tribunal que ces factures devaient être prises en compte. Par ce crédit de TVA, le montant de l'impôt restait inférieur au seuil de 30 000 euros fixé dans le texte régissant l'infraction. En l'absence d'infraction condamnable, le représentant légal de la société sollicitait en conséquence sa relaxe. Le tribunal a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

Saisie du litige, cette dernière a ainsi dû répondre à deux questions. La première tient à la forclusion. La Directive-TVA autorise-t-elle les Etats membres à exclure l'exercice du droit à déduction d'un contribuable lorsque celui-ci n'a pas présenté de déclaration, en particulier celle relative à la deuxième année suivant celle durant laquelle le droit à déduction a pris naissance ? La seconde l'a obligé à s'interroger sur la compatibilité des dispositions nationales avec la Directive-TVA lorsque les premières refusent le droit à déduction s'agissant de factures payées mais non enregistrées par l'assujetti.

Dans sa décision du 28 juillet 2016, la Cour de justice de l'Union européenne juge, d'une part, compatible avec la Directive-TVA l'existence d'un délai de forclusion pour l'exercice du droit à déduction à la condition que les principes d'équivalence et d'effectivité soient respectés. D'autre part, elle considère que les Etats membres peuvent légitimement refuser à un assujetti le droit à déduction de la TVA lorsqu'il est établi que ce dernier a manqué de manière frauduleuse aux obligations formelles lui incombant afin de pouvoir prétendre au bénéfice de ce droit.

Par cet arrêt du 28 juillet 2016, la Cour de justice de l'Union européenne admet la validité d'un délai de forclusion s'agissant de l'exercice du droit à déduction (I). Elle autorise également l'exclusion de ce droit lorsque l'assujetti a manqué de manière frauduleuse à la plupart de ses obligations formelles (II).

I - La péremption du droit à déduction

Dans cette affaire, la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît la validité d'un délai de forclusion pour l'exercice du droit à déduction (A), à la condition que les principes d'équivalence et d'effectivité soient respectés (B).

A - La validité du délai de forclusion

Avant d'admettre la validité du délai de forclusion, la Cour de justice de l'Union européenne rappelle que le droit à déduction de la TVA d'amont constitue un principe fondamental du système commun la TVA.

Le droit à déduction, principe fondamental du système TVA. Le régime des déductions organisé par la Directive-TVA a vocation à soulager l'assujetti de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Il a également pour objectif d'assurer la neutralité de l'impôt quels que soient les buts ou encore les résultats des activités de l'assujetti à la condition que celles-ci soient elles-mêmes soumises à la TVA. Au regard des articles 167 et 179 de la Directive-TVA, le droit à déduction doit s'exercer en principe au cours de la même période que celle pendant laquelle il a pris naissance. En conséquence, l'assujetti doit exercer son droit à déduction au moment où la taxe devient exigible, c'est-à-dire lors de la réalisation de la livraison de biens ou de la prestation de services (sauf option pour les débits). Néanmoins, la Cour de justice de l'Union européenne, à plusieurs reprises, a autorisé un assujetti à procéder à la déduction de la TVA même lorsque celui-ci n'avait pas exercé son droit au cours de la période pendant laquelle celui-ci avait pris naissance. L'assujetti a ainsi la possibilité de mentionner la taxe dont la déduction a été omise sur des déclarations ultérieures. Ce droit ne peut toutefois être exercé sans limite de temps. Les Etats membres ont la possibilité de prévoir un délai de forclusion afin d'assurer leur sécurité juridique.

Le délai de forclusion. Dans cette affaire, l'article 19 du décret du 26 octobre 1972 du Président de la République italien dispose in fine que "le droit déduction de la taxe relative aux biens et aux services achetés ou emportés prend naissance au moment où la taxe devient exigible et il peut être exercé, au plus tard, dans la déclaration relative à la deuxième année suivant celle durant laquelle le droit à déduction a pris naissance et aux conditions existant au moment de la naissance du droit lui-même". Sur le fondement des articles 167 et suivants, 179 et 180, et 196 de la Directive-TVA, la Cour de justice de l'Union européenne confirme la compatibilité d'une telle disposition avec la Directive-TVA. Cette solution avait déjà été adoptée par la Cour de justice de l'Union européenne, à plusieurs reprises, dans le contexte de l'application du mécanisme d'autoliquidation (1). Ainsi, à titre d'exemple, dans une décision du 8 mai 2008, la Cour de justice a considéré qu'un délai de forclusion dont l'échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, celui-ci ayant promis de réclamer la déduction de la TVA d'amont lui faisant perdre son droit à déduction, ne saurait être considéré comme incompatible avec la Directive-TVA. Par cette décision, la Cour de justice de l'Union européenne retient, pour la première fois, la validité d'un tel délai hors du contexte de l'autoliquidation.

Toutefois, la validité d'un tel délai n'est pas sans limite. Le délai de forclusion se doit de respecter les principes d'équivalence et d'effectivité au système de TVA.

B - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions de droit interne ont l'obligation de vérifier la compatibilité des dispositions nationales avec le droit de l'Union à l'égard du principe tant d'équivalence que d'effectivité (2). La Cour leur donne toutefois certains éléments d'appréciation.

Principe d'équivalence. Le principe d'équivalence impose que le délai de forclusion "s'applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit communautaire". Ce principe a d'ores et déjà été appliqué par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire "Marks & Spencer" s'agissant des délais de forclusion d'actions en répétition de l'indu fondées sur la non conformité d'une règle nationale à une règle communautaire (4). Par la décision du 8 mai 2008 précitée (5), elle l'a étendu au délai d'exercice du droit à déduction à la TVA. La Cour ne précise pas toutefois ce qu'elle entend précisément par la notion de "droits analogues" avec lesquels il conviendra de faire la comparaison. En l'espèce, elle considère que le droit italien respecte ce principe.

Principe d'effectivité. Le principe d'effectivité a été dégagé dès 1998 lorsque la Cour a énoncé qu'il "appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire" (6). Ce principe impose que le délai ne rende pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à déduction. Lors de sa décision du 8 mai 2008, la Cour avait déjà retenu qu'un délai de deux ans, tel que celui en cause dans le présent litige, répondait à cette condition et ce, alors même que l'administration disposait d'un délai supérieur pour recouvrer la TVA impayée.

La Cour de justice de l'Union européenne valide ainsi logiquement le délai de forclusion imposé par le droit italien. A fortiori, il est possible d'en déduire également la compatibilité de l'article 208, I de l'annexe II au CGI (7) avec le droit communautaire (8). Elle ne déclare pas seulement valide la péremption du droit à déduction mais vient également exclure le droit à déduction de l'assujetti lorsque celui-ci a manqué de manière frauduleuse à ses obligations formelles.

II - Exclusion du droit à déduction pour fraude

Si par principe, le droit à déduction de la TVA grevant des acquisitions ne peut être retiré à un assujetti en cas de non respect des obligations formelles (A), la Cour de justice ne s'oppose pas aux Etats membres de considérer certains manquements comme relevant d'une fraude fiscale et partant, de refuser le bénéfice du droit à déduction (B).

A - Absence d'exclusion du droit à déduction pour manquements aux obligations formelles

Si, en principe, des manquements aux obligations formelles n'entraînent pas une exclusion du droit à déduction, la Cour tend à distinguer celles mineures, sans conséquence sur les recettes de TVA, de celles majeures, susceptibles d'impacter la collecte de l'impôt.

Principe. Le droit à déduction constitue un principe fondamental du système commun de la TVA. En matière d'autoliquidation de la TVA sur les acquisitions intracommunautaires, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, dans un arrêt du 11 décembre 2014, que le principe de neutralité de la TVA exige que la déduction de la TVA d'amont soit accordée si les exigences de fond ont été réalisées et ce, même si certaines obligations formelles auraient été omises par l'assujetti (9). Toutefois, il peut en aller autrement lorsque la violation ce ces dernières a pour effet d'empêcher d'apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites (10). Les Etats membres ne sauraient imposer des conditions supplémentaires ayant pour résultat de réduire à néant l'exercice du droit à déduction (11).

Principe non absolu. Dans d'autres affaires, la Cour de justice de l'Union européenne a fait preuve d'une plus grande sévérité. Elle a ainsi admis par exemple la perte du droit à déduction pour cause de régularisation tardive de facture irrégulière (12). Il en a été de même en cas de déclaration tardive de l'annulation d'une facture où la Cour a confirmé la légalité d'une amende dont le montant était égal à la TVA déduite à tort, était pourtant régularisée (13). Le professeur Yolande Sérandour interprète ces décisions comme "une volonté de ne pas sanctionner des irrégularités formelles sans conséquence sur les recettes de TVA lorsque la régularité de fond est certaine et que l'administration fiscale peut effectuer les contrôles permettant de vérifier la déductibilité de la TVA" (14). La décision de la Cour du 28 juillet 2016 confirme cette analyse en autorisant l'exclusion du droit à déduction lorsque les manquements aux obligations formelles sont constitutifs d'une fraude.

B - Exclusion du droit à déduction pour manquements aux obligations formelles constitutifs d'une fraude

L'absence de dépôt de déclaration de TVA et d'enregistrement des factures émises et acquittées est susceptible selon la Cour d'empêcher l'exacte perception de la taxe et, partant, de compromettre le bon fonctionnement du système commun de la TVA. La Cour s'appuie ainsi sur les obligations incombant aux assujettis redevables par la Directive-TVA. A lire cette décision, ces manquements ne sont pas exhaustifs. Chaque Etat membre à la faculté de prévoir d'autres obligations qu'il jugera nécessaire afin d'assurer la perception de la TVA et éviter ainsi toute fraude. Toutefois, ils ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs. La lutte contre la fraude reste évidemment l'un des objectifs encouragés par la Directive-TVA, comme en témoigne par exemple, l'article 272, 3 du CGI (N° Lexbase : L3960KWL) remettant en cause le droit à déduction d'un assujetti dans le cas d'une fraude carrousel (15). Pour éviter tout abus dans l'appréciation d'une éventuelle fraude, les juridictions nationales devront à tout le moins vérifier que l'exclusion du droit à déduction est justifiée par des éléments suffisamment objectifs établissant l'existence d'une fraude.


(1) CJUE, 8 mai 2008, aff. C-95/07 et C-96/07 (N° Lexbase : A5448D8B), RJF, 7/08, n° 920 ; CJUE, 12 juillet 2012, aff. C-284/11 (N° Lexbase : A8483IQA), RJF, 11/12, n° 1093.
(2) J.-C. Bouchard et J. Hayden Miller, La TVA : une question de principe. - Analyse des grands principes communautaires, Dr. fiscal, 2009, n° 7, étude 182.
(3) Par exemple, v. CJUE, 27 février 2003, aff. C-327/00 (N° Lexbase : A3331A7I), Rec. p. I-1877, point 55 ; CJUE, 11 octobre 2007, aff. C-241/06 (N° Lexbase : A7176DYG), point 52.
(4) CJCE, 11 juillet 2002, aff. C-62/00 (N° Lexbase : A0755AZY), Rec. CJCE, 2002, I, p. 6325 ; Europe, 2002, comm. 317, obs. A. Rigaux et D. Simon ; JCP E, 2002, 1199.
(5) CJCE, 8 mai 2008, aff. C-95/07 et C-96/07, préc. : Dr. fisc., 2008, n° 48, comm. 598, note A. Bonnet ; RJF, 7/2008, n° 920.
(6) CJCE, 17 novembre 1998, aff. C-228/96 (N° Lexbase : A1843AW8) : Rec. CJCE, 1998, I, p. 7141 ; Europe, 1999, comm. 7, M. Pietri et D. Simon ; AJDA, 1999, p. 311, H. Chavrier, H. Legal et G. de Bergues ; RTD com., 1999, p. 550, G. Jazottes, M. Luby et S. Poillot-Peruzzetto ; JDI, 1999, p. 531, R. Medhi. V. également : J.-C. Bouchard et J. Hayden Miller, op.cit..
(7) CGI, ann. II, art. 208, I (N° Lexbase : L3742HZM) : "Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la TVA. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 (N° Lexbase : L3871KWB) doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations".
(8) Y. Sérandour, Le délai d'exercice du droit à déduction de la TVA en cas d'omission, Dr. fiscal, 2009, n° 29, 426.
(9) CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-590/13, pt. 38. (N° Lexbase : A2156M7Y) ; CJCE, 8 mai 2008, aff. C-95/07 et C-96/07, préc., pt. 63; CJUE, 30 septembre 2010, aff. C-392/09, pt. 39 (N° Lexbase : A6582GAZ) ; CJUE, 21 octobre 2010, aff. C-385/09, pt. 42 (N° Lexbase : A2204GCM) : Europe, 2010, comm. 405, note A. Rigaux ; RJF, 1/2011, n° 126 ; CJUE, 12 juillet 2012, aff. C-284/11, préc., pt. 62 : Dr. fisc., 2012, n° 29, act. 315 ; RJF, 11/2012, n° 1093 ; CJUE, 6 février 2014, aff. C-424/12, pt. 34 (N° Lexbase : A9317MDG).
(10) CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-590/13, préc., pt. 39 ; CJUE, 12 juillet 2012, aff. C-284/11, préc., pt. 71.
(11) CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-590/13, préc., pt. 40 ; CJUE, 12 juillet 2012, aff. C-284/11, préc., pt. 62.
(12) CJUE, 8 mai 2013, aff. C-271/12 (N° Lexbase : A1500KDW) : Dr. fisc., 2013, n° 20, act. 270 ; RJF, 8-9/2013, n° 892. V. Y. Sérandour, TVA et irrégularités de forme au sein de l'UE : illustrations récentes : Dr. fisc., 2013, n° 41, 464, spécialement, n° 4.
(13) CJUE, 20 juin 2013, aff. C-259/12 (N° Lexbase : A7914KG9) : Dr. fisc., 2013, n° 36, act. 473 ; RJF, 11/2013, n° 1106. V. Y. Sérandour, TVA et irrégularités de forme au sein de l'UE : illustrations récentes : Dr. fisc., 2013, n° 41, 464, spécialement, n° 5.
(14) Y. Sérandour, Taxe sur la valeur ajoutée : chronique de l'année 2014, Dr. fisc., 2015, n° 9, 169, § 13.
(15) V. nos obs., Preuve de la fraude carrousel lors d'une livraison intracommunautaire, Lexbase, éd. fisc., n° 622, 2015 (N° Lexbase : N8592BUR).

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Temps de travail

[Jurisprudence] Astreinte et temps de travail effectif : cent fois sur le métier...

Réf. : Cass. soc., deux arrêts du 8 septembre 2016, n° 14-26.825, FS-P+B (N° Lexbase : A5156RZY) et n° 14-23.714, FS-P+B (N° Lexbase : A5207RZU)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 22 Septembre 2016

Quelques jours après l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 (loi n° 2016-1088, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C) qui a assoupli la définition et le régime des astreintes, la Chambre sociale de la Cour de cassation rend deux arrêts intéressants, en date du 8 septembre 2016, concernant la qualification d'astreinte au regard des conditions de sa mise en place, nécessairement à l'initiative de l'employeur (I), et de la qualification des temps d'attente au regard de la liberté d'action du salarié (II).
Résumés

Pourvoi n° 14-26.825

Ne constituent pas des périodes d'astreinte un service d'appel téléphonique mis en place par des salariés en dehors de leurs heures de travail et de leur propre initiative, la seule connaissance par l'employeur d'une situation de fait créée par ces salariées ne pouvant transformer cette situation en astreinte.

Pourvoi n° 14-23.714

Ne constitue pas du temps de travail effectif la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences, dans un logement de fonction mis à disposition à proximité de l'établissement afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, et qui ne l'empêche pas de vaquer à des occupations personnelles.

Commentaire

1 - De la preuve de la mise en place d'un système d'astreinte : "qui peut et n'empêche, pèche" ?

Cadre juridique applicable. L'astreinte était définie, jusqu'à la loi du 8 août 2016, par l'article L. 3121-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6908K9Q), comme "une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise". Cette définition a été légèrement remaniée par la loi "Travail" pour tenir compte de la pratique. L'article L. 3121-9 du Code du travail (N° Lexbase : L6904K9L) a ainsi abandonné la référence au "domicile" du salarié pour tenir compte d'un éventuel logement de fonction mis à disposition par l'employeur (cf. infra 2°) ; l'astreinte est désormais définie comme "une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise".

Ce qui demeure inchangé dans la définition de l'astreinte, c'est évidemment qu'il s'agit toujours d'un temps contraint, d'un mode d'organisation du travail décidé par l'employeur qui certes fixe un objectif ("être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise") mais laisse au salarié une certaine latitude concernant son lieu d'attente qui ne doit pas être situé dans l'entreprise.

C'est que confirme cette nouvelle décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un contexte toutefois exceptionnel, celui d'une permanence organisée par la salariée elle-même.

L'affaire. Une infirmière avait été engagée fin 2004 en qualité de coordinatrice d'un service de soins infirmiers à domicile. A la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue en 2011, elle avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives notamment au paiement d'astreintes, mais n'avait pas eu gain de cause.

Pour obtenir la cassation de l'arrêt d'appel, l'intéressée prétendait que la nature même de ses fonctions impliquait dès l'origine que des astreintes soient mises en place, que, si, en principe, tout travail supplémentaire donnant droit à rémunération ne peut être fait qu'à la demande de l'employeur ou avec son accord, il appartient à celui-ci de produire les éléments de nature à justifier, dans le cas où un travail aurait été effectué, qu'il l'a été sans son accord implicite.

Le rejet du pourvoi. Tel n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation pour qui, "dans l'exercice souverain de son pouvoir d'appréciation", la cour d'appel avait constaté "que les salariées avaient mis en place de leur propre initiative un service d'appel téléphonique en dehors de leurs heures de travail et que la seule connaissance par l'employeur d'une situation de fait créée par ces salariées ne saurait transformer cette situation en astreinte".

Une solution sévère. La solution s'explique certainement par la nature même des faits et par le pouvoir qu'exercent les juges du fond sur la qualification des temps de travail. Il n'en demeure pas moins que la solution est sévère, et qu'elle n'est pas indiscutable.

Bien entendu, aucun travail effectif ne peut être caractérisé sans que ce travail n'ait été commandé par l'employeur, et aucun système d'astreinte ne peut exister sans qu'il ait été mis en place dans les conditions prévues par le Code du travail (1). Mais le respect des conditions légales de mise en place des astreintes n'est nécessaire que pour rendre ce régime dérogatoire au droit commun opposable aux salariés, c'est-à-dire très prosaïquement pour que les temps d'attente ne soient pas qualifiés de temps de travail effectif en termes de rémunération et de temps de repos. Mais cela ne signifie pas que les salariés ne peuvent pas réclamer cette qualification lorsqu'ils seraient soumis de fait à un régime d'astreinte.

C'est là que la question rebondit sur le terrain probatoire. Lorsqu'il s'agit de discuter la qualification d'heures supplémentaires, on sait que lorsque l'employeur a connaissance d'heures réalisées par un salarié au-delà de la durée normale et qu'il ne s'y oppose pas, la qualification d'heures supplémentaires peut être admise (2). Cette solution est normale, ne serait-ce que parce que l'employeur doit veiller à ce que ses salariés ne dépassent pas les durées maximales de travail autorisées par la loi, ce qui suppose qu'il exerce un contrôle effectif sur ce qui se passe dans son entreprise, y compris lorsque les salariés ne sont pas soumis aux durées de travail maximum mais uniquement aux temps de repos minimum (salariés en forfaits en jours).

Dans ces conditions, il semble difficile de croire que l'employeur (en pratique ici le président de l'association) ignorait l'organisation mise en place par la salariée et, s'il l'ignorait, alors il a manqué à son obligation de vigilance en matière de respect des temps maximum de travail et minimum de repos puisqu'il est dit que la salariée avait mis en place un système de veille sur ses heures de repos. Il appartenait dès lors à l'employeur de s'y opposer pour veiller à ce que cette salariée prenne effectivement ses temps de repos.

2 - Astreinte, travail effectif et liberté de vaquer à ses occupations personnelles

Cadre juridique applicable. Comme nous l'avons indiqué, la loi du 8 août 2016 a légèrement assoupli la définition de l'astreinte en gommant la référence à la proximité du domicile du salarié, mais sans changer les éléments constitutifs de l'astreinte, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un mode d'organisation du travail mis en place par l'employeur et que les temps d'attente ne sont pas du temps de travail effectif dès lors que les salariés peuvent vaquer à des occupations personnelles.

C'est ce que confirme cette nouvelle décision.

Les faits. Un médecin avait été soumis à un régime d'astreinte et, comme son domicile se trouvait trop éloigné de l'établissement pour lui permettre d'intervenir dans le délai imparti, un logement de fonctions avait été mis à sa disposition. Se fondant sur la définition de l'astreinte en vigueur avant la loi du 8 août 2016 et qui visait explicitement la proximité du domicile du salarié, ce médecin rejetait la qualification d'astreinte et réclamait le paiement d'heures de travail effectif, ce qui lui avait été refusé par les juges du fond.

Il n'aura pas plus de succès devant la Chambre sociale de la Cour de cassation qui rejette son pourvoi.

Pour la Haute juridiction, le fait que les astreintes soient réalisées dans un logement de fonction, et non au domicile ou à proximité, ne s'oppose pas à cette qualification dès lors que, pendant ses heures de disponibilité, le médecin pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles : "ayant constaté que la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences, dans un logement de fonction mis à disposition à proximité de l'établissement afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses énonciations rendaient inopérante, en a exactement déduit que la période litigieuse ne constituait pas du temps de travail effectif".

La confirmation des solutions antérieures. L'anachronisme de la définition légale de l'astreinte, adoptée en 2000, avait été souligné dès les origines, précisément dans l'hypothèse où le salarié accomplissait ses astreintes dans un logement de fonction. La Cour de cassation, s'inscrivant d'ailleurs dans le cadre défini par la CJCE (3), avait très tôt assoupli la définition de l'astreinte pour tenir compte de la variété des situations et favoriser la mise en place des astreintes dans le cadre des logements de fonctions qui, sans être à proprement parler le "domicile" des salariés, peut être qualifié de "résidence", même occasionnelle, leur permettant à tout le moins d'y vaquer à des occupations personnelles (4).

Ce sont d'ailleurs ces hypothèses qui ont conduit le législateur à abandonner la référence au "domicile" du salarié dans le cadre du nouvel article L. 3121-9 du Code du travail, issu de la loi du 8 août 2016.


(1) Accord d'entreprise, à défaut accord de branche, à défaut décision prise par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail (C. trav., art. L. 3121-12 N° Lexbase : L6901K9H). La loi du 8 août 2016 a modifié uniquement l'articulation des niveaux de négociation puisque désormais l'application de l'accord de branche est subsidiaire de celle de l'accord d'entreprise.
(2) Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-21.750, F-D (N° Lexbase : A8722IBN) : "un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur".
(3) CJCE, 3 octobre 2000, aff. C-303/98 (N° Lexbase : A1598ATD).
(4) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-41.595, FS-P+B (N° Lexbase : A7458DPW) : "la cour d'appel, qui a constaté que la sujétion imposée à la salariée de se tenir durant la nuit dans son logement de fonction personnel situé au sein de l'établissement, afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, en a exactement déduit que la période litigieuse constituait une astreinte". Dans le même sens : Cass. soc., 16 juin 2004, n° 02-43.755, publié (N° Lexbase : A7422DCU) ; Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 08-41.217, F-D (N° Lexbase : A5934EIM) ; Cass. soc., 15 juin 2016, n° 14-29.173, F-D (N° Lexbase : A5552RTS).

Décisions

Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-26.825, FS-P+B (N° Lexbase : A5156RZY)

Rejet (CA Caen, 19 septembre 2014)

Textes : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B), L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q), L. 3121-5 (N° Lexbase : L6908K9Q) et L. 3171-4 (N° Lexbase : L0783H9U) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC).

Mot clef : astreinte.

Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-23.714, FS-P+B (N° Lexbase : A5207RZU)

Rejet (CA Nîmes, 24 juin 2014)

Textes : C. trav., art. L. 3121-1 (N° Lexbase : L6912K9U) et L. 3121-5 (N° Lexbase : L6908K9Q).

Mot clef : travail effectif.

Lien base : (N° Lexbase : E0286ETR).

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