Jurisprudence : CJCE, 17-11-1998, aff. C-228/96, Aprile Srl, en liquidation, c/ Amministrazione delle Finanze dello Stato

CJCE, 17-11-1998, aff. C-228/96, Aprile Srl, en liquidation, c/ Amministrazione delle Finanze dello Stato

A1843AW8

Référence

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Cour de justice des Communautés européennes

17 novembre 1998

Affaire n°C-228/96

Aprile Srl, en liquidation,
c/
Amministrazione delle Finanze dello Stato



61996J0228

Arrêt de la Cour
du 17 novembre 1998.

Aprile Srl, en liquidation, contre Amministrazione delle Finanze dello Stato.

Demande de décision préjudicielle: Giudice conciliatore di Milano - Italie.

Taxes d'effet équivalent - Répétition de l'indu - Délais procéduraux nationaux.

Affaire C-228/96.

Recueil de Jurisprudence 1998 page I-7141

1 Droit communautaire - Effet direct - Taxes nationales incompatibles avec le droit communautaire - Restitution - Modalités - Application du droit national - Délais de forclusion - Admissibilité - Conditions - Respect du principe de l'effectivité du droit communautaire - Respect du principe de l'équivalence des conditions de l'action en répétition avec celles des réclamations semblables de nature interne

2 Droit communautaire - Effet direct - Taxes nationales incompatibles avec le droit communautaire - Restitution - Modalités - Possibilité d'opposer au justiciable des règles nationales concernant les délais de recours avant l'application correcte du droit communautaire - Admissibilité - Conditions

1 En l'absence de réglementation communautaire en matière de restitution de taxes nationales indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant, d'une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et, d'autre part, qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).

S'agissant du principe d'effectivité, est compatible avec le droit communautaire la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. A cet égard, un délai national de forclusion de trois ans qui court à compter de la date du paiement contesté apparaît raisonnable.

Le respect du principe de l'équivalence suppose, de son côté, que la modalité litigieuse s'applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit communautaire et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne, s'agissant d'un même type de taxes ou redevances. Ce principe ne saurait en revanche être interprété comme obligeant un État membre à étendre à l'ensemble des actions en restitution de taxes ou redevances perçues en violation du droit communautaire son régime de remboursement le plus favorable. Ainsi, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que la législation d'un État membre comporte, à côté d'un délai de prescription de droit commun applicable aux actions en répétition de l'indu entre particuliers, des modalités particulières de réclamation et de recours en justice moins favorables pour la contestation des taxes et autres impositions. Il n'en irait autrement que si ces modalités n'étaient applicables qu'aux seules actions en remboursement de ces taxes ou impositions fondées sur le droit communautaire.

Il s'ensuit que le droit communautaire ne s'oppose pas à l'application d'une disposition nationale tendant à substituer, pour l'ensemble des actions en remboursement en matière douanière, un délai spécial de forclusion, de cinq puis de trois ans, au délai ordinaire de prescription, de dix ans, prévu pour l'action en répétition de l'indu, dès lors que ce délai de forclusion, qui est analogue à celui déjà prévu pour différentes impositions, s'applique de la même manière aux actions en remboursement qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne.

2 Le droit communautaire n'interdit pas à un État membre d'opposer un délai national de forclusion aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation de dispositions communautaires, même si cet État membre n'a pas encore modifié ses règles nationales pour les rendre compatibles avec ces dispositions, dès lors, d'une part, qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que le comportement des autorités nationales combiné avec l'existence du délai litigieux ait abouti à priver totalement la requérante de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales.

Dans l'affaire C-228/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Giudice conciliatore di Milano (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Aprile Srl, en liquidation,

Amministrazione delle Finanze dello Stato,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du droit communautaire en matière de répétition de l'indu,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. J. G. Kapteyn et J.-P. Puissochet (rapporteur), présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, L. Sevón, M. Wathelet, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Aprile Srl, en liquidation, par Mes Ernesto Beretta et Aldo Bozzi, avocats au barreau de Milan,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Ivo M. Braguglia, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Gautier Mignot, secrétaire à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant Treasury solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. Nicholas Paines, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales d'Aprile Srl, en liquidation, représentée par Me Aldo Bozzi, du gouvernement italien, représenté par M. Ivo M. Braguglia, du gouvernement français, représenté par M. Gautier Mignot, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme Stephanie Ridley, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d'agent, et M. Nicholas Paines, et de la Commission, représentée par M. Enrico Traversa, à l'audience du 17 février 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 2 avril 1998,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 25 juin 1996, parvenue à la Cour le 28 juin suivant, le Giudice conciliatore di Milano a posé, en application de l'article 177 du traité CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation du droit communautaire en matière de répétition de l'indu.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Aprile Srl, en liquidation (ci-après "Aprile"), à l'Amministrazione delle Finanze dello Stato au sujet du refus de cette dernière de rembourser à Aprile des taxes perçues en violation du droit communautaire à l'occasion d'opérations douanières.

3 Dans les arrêts du 30 mai 1989, Commission/Italie (340/87, Rec. p. 1483), et du 21 mars 1991, Commission/Italie (C-209/89, Rec. p. I-1575), la Cour a constaté que la République italienne avait manqué aux dispositions du traité relatives à l'interdiction des taxes d'effet équivalent en mettant à la charge des opérateurs économiques, dans le commerce intracommunautaire, le coût des contrôles et formalités administratives effectués pendant une partie des heures normales d'ouverture des bureaux de douane des postes frontières, telle que fixée par la directive 83/643/CEE du Conseil, du 1er décembre 1983, relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres (JO L 359, p. 8), telle que modifiée par la directive 87/53/CEE du Conseil, du 15 décembre 1986 (JO 1987, L 24, p. 33), et en exigeant, à l'occasion de l'accomplissement des formalités douanières dans le cadre des échanges intracommunautaires, de chaque entreprise individuellement, lorsque des services sont rendus simultanément à plusieurs entreprises, le paiement d'une rémunération disproportionnée par rapport au coût des services rendus.

4 La République italienne s'est conformée à ces arrêts en adaptant sa réglementation avec effet, respectivement, au 13 juin 1991 et au 1er novembre 1992. Toutefois, ces mesures n'ont pas visé les situations antérieures à leur entrée en vigueur et, en particulier, le remboursement par l'administration aux opérateurs économiques concernés des sommes perçues par les bureaux de douane en violation du droit communautaire.

5 C'est dans ce contexte qu'est intervenu le litige pendant devant le Giudice conciliatore di Milano, qui a, par un précédent renvoi préjudiciel, interrogé la Cour notamment sur l'applicabilité aux échanges avec les pays tiers de la directive 83/643, telle que modifiée par la directive 87/53, ainsi que des dispositions du traité relatives à l'interdiction des taxes d'effet équivalent.

6 Par arrêt du 5 octobre 1995, Aprile (C-125/94, Rec. p. I-2919, ci-après l'arrêt "Aprile I"), la Cour a dit pour droit, d'une part, que la directive 83/643, telle que modifiée par la directive 87/53, n'est pas applicable aux opérations douanières relatives aux marchandises en provenance de pays tiers et, d'autre part, que les États membres ne peuvent pas imposer unilatéralement des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec ces pays.

7 A la suite de l'arrêt Aprile I, le juge de renvoi a été amené à examiner une exception soulevée par l'administration défenderesse et tirée de la prescription du droit au remboursement allégué par Aprile, en application des dispositions de l'article 29 de la loi italienne n° 428/1990, du 29 décembre 1990 (loi communautaire pour 1990, GURI n° 10 du 12 janvier 1991), qui porte sur le "remboursement des taxes reconnues incompatibles avec les règles communautaires". Aux termes du paragraphe 1 de cet article:

"Le délai quinquennal de forclusion prévu par l'article 91 du texte unique des dispositions législatives douanières... doit être entendu comme s'appliquant à toutes les demandes et actions visant au remboursement de sommes payées en relation avec des opérations douanières. A compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le délai précité et le délai de prescription prévu par l'article 84 du même texte unique sont réduits à trois ans."

8 A cet égard, le Giudice conciliatore di Milano a notamment relevé que, bien que formulées comme des dispositions interprétatives de la législation existante, lesdites dispositions avaient en réalité pour objet de modifier cette législation, telle qu'elle était interprétée par la Corte suprema di cassazione. Selon la jurisprudence de cette dernière, en effet, alors que la forclusion quinquennale prévue par la législation douanière est limitée aux seuls cas "d'erreurs de calcul dans la liquidation ou d'application d'un droit non fixé par tarif", l'action en répétition de sommes indûment payées en violation du droit communautaire, qui constituent un "indu objectif" tel que celui prévu par l'article 2033 du code civil, est soumise au délai ordinaire de prescription décennale de l'article 2946 du même code.

9 Ayant des doutes sur la compatibilité des dispositions litigieuses avec différents principes du droit communautaire, le Giudice conciliatore di Milano a posé à la Cour les nouvelles questions préjudicielles suivantes:

"1) Les principes de sécurité juridique, de protection effective des droits découlant du droit communautaire et de non-discrimination dans la protection assurée à ces droits (selon lesquels les modalités procédurales de droit interne ne doivent pas être moins favorables et ne doivent, en tout état de cause, pas rendre excessivement difficile l'exercice de ces droits), tels qu'ils ont été élaborés par la jurisprudence de la Cour de justice, font-ils obstacle à l'introduction de dispositions nationales qui, comme celles de l'article 29, premier alinéa, de la loi n° 428 du 29 décembre 1990 qui est apparemment formulé comme une disposition d'interprétation, s'appliquant donc rétroactivement, ont en réalité remplacé le délai ordinaire de prescription (décennal) par un délai de forclusion (quinquennal); et empêchent-ils que, après une réduction ultérieure du délai à trois ans, on considère que les délais courent déjà au moment de son entrée en vigueur, dérogeant ainsi, sans justification apparente, aussi au principe général énoncé par l'article 252 des modalités d'application transitoires du code civil, sur la base duquel, lorsque l'exercice d'un droit est soumis à un délai plus bref que celui fixé par la législation antérieure, le nouveau délai applicable aussi à l'exercice des droits nés antérieurement ne commence à courir qu'à partir de la date d'entrée en vigueur de la nouvelle disposition?

2) Le principe selon lequel les modalités procédurales de droit interne pour la protection des droits découlant du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (arrêts du 15 décembre 1976, Rewe et Comet, Rec. p. 1989 et 2043, et rappelé dans d'autres arrêts ultérieurs) fait-il obstacle à l'introduction d'une disposition nationale, comme celle prévue dans l'article 29, premier alinéa, de la loi n° 428 du 29 décembre 1990, qui est destinée à unifier les délais pour le remboursement des sommes payées en relation avec les opérations de douane et a en réalité (comme le montrent la note et le texte même de la disposition) pour effet d'étendre les délais de forclusion déjà prévus par l'article 91 de la loi douanière (applicables uniquement en cas d'erreur de calcul ou d'application d'un droit différent de celui fixé par tarif) à l'indu objectif dérivant de la violation du droit communautaire, alors que l'action analogue en répétition de l'indu objectif de droit interne commun (article 2033 du code civil) est soumise à un délai de prescription décennal?

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