La lettre juridique n°668 du 15 septembre 2016

La lettre juridique - Édition n°668

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] FIVA : suspension du délai de contestation de l'offre d'indemnisation entre la saisine du juge des tutelles des mineurs et la décision de ce dernier

Réf. : Cass. civ. 2, 8 septembre 2016, n° 15-23.041, FS-P+B (N° Lexbase : A5139RZD)

Lecture: 2 min

N4257BWL

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Le 22 Septembre 2016

Il résulte de la combinaison des articles 53-V, alinéa 1er, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 (N° Lexbase : L5178AR9), 25, alinéa 1er, du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 (décret relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L9812ATL), ensemble l'article 389-6 du Code civil (N° Lexbase : L8359HWI), applicable en la cause et de la règle contra non valentem agere non currit praescriptio que, lorsque le demandeur est un mineur, l'offre d'indemnisation présentée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ne peut être valablement acceptée par l'administrateur légal sous contrôle judiciaire qu'avec l'autorisation du juge aux affaires familiales, en sa qualité de juge des tutelles des mineurs. Partant, le délai de deux mois prévu pour saisir la cour d'appel de la contestation de l'offre est suspendu entre la date de la saisine de ce juge et sa décision. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 septembre 2016 (Cass. civ. 2, 8 septembre 2016, n° 15-23.041, FS-P+B N° Lexbase : A5139RZD).
Dans cette affaire, après le décès de M. P., en 2010, des suites d'une maladie provoquée par l'exposition à l'amiante, Mme I., veuve du fils du défunt, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, K., petit-fils du défunt, a saisi le 10 avril 2013 le FIVA aux fins d'indemnisation du préjudice subi par l'enfant du fait du décès de son grand-père. Par lettre recommandée avec accusé réception du 29 juillet 2013, le FIVA a notifié à Mme I. une offre d'indemnisation en lui demandant de lui adresser l'approbation du juge des tutelles territorialement compétent. Cette dernière a donc par lettre du 4 septembre 2013, saisi le juge des tutelles du tribunal de grande instance. Le juge des tutelles a indiqué le 11 février 2014 qu'il estimait que l'offre du FIVA était insuffisante et par ordonnance du 21 février 2014, a désigné Mme G., en qualité d'administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur dans la procédure de contestation de l'offre du FIVA devant la cour d'appel, saisie opérée le 18 mars 2014. La cour d'appel, pour déclarer irrecevable le recours formé par l'administrateur de K., retient que le délai de deux mois pour saisir la cour d'appel d'un recours contre l'offre d'indemnisation du FIVA n'est pas un délai de prescription, mais un délai préfix non soumis aux dispositions relatives à la prescription et ne pouvant pas être suspendu pendant la minorité ni pendant la durée de la procédure devant le juge des tutelles.
L'administrateur de K. forme donc un pourvoi en cassation auquel la Haute juridiction accède. Enonçant la solution précitée, elle casse et annule l'arrêt de la cour d'appel au visa des articles susmentionnés (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E3194ETH).

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Du débiteur du passif des honoraires d'avocat contracté précédemment par le cédant

Réf. : CA Nîmes, 8 septembre 2016, n° 16/01156 (N° Lexbase : A3618RZZ)

Lecture: 1 min

N4252BWE

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Le 24 Septembre 2016

Devant le vide de la convention de cession d'un cabinet d'architecture, concernant le passif des honoraires d'avocat contracté précédemment par le cédant, la convention s'interprétant en faveur de celui qui contracte, en application de l'article 1162 du Code civil (N° Lexbase : L1264ABG), il doit être considéré que ce passif n'a pas été transmis au cessionnaire ; si les parties entendaient que les risques et conséquences des contentieux en cours et ceux à venir soient pris en charge par le cessionnaire il n'aurait pas manqué de le faire figurer au contrat et ce d'autant plus que l'avocat créditeur ne conteste pas être le concubin de l'un des cédants-cessionnaires et avait déjà en charge des entiers contentieux. Telle est la solution d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes, rendu le 8 septembre 2016 (CA Nîmes, 8 septembre 2016, n° 16/01156 N° Lexbase : A3618RZZ). Dans cette affaire, l'avocat réclamait le paiement de ses honoraires auprès du cessionnaire d'un cabinet d'architecture auquel il avait apporté son concours. Or, si, de manière générale, le cessionnaire s'obligeait à acquitter à compter du jour de l'entrée en jouissance, toutes les charges inhérentes à l'exploitation de la clientèle, et notamment les contributions, impôts, taxes, primes et cotisation d'assurance de toute nature, inhérentes à l'exploitation, la convention de cession stipulait qu'il n'existait aucune instance judiciaire, prud'homale ou autre tant en demandant qu'en défendant, susceptible d'affecter l'exploitation ou la pérennité du cabinet. Il est vrai qu'à la date de signature deux contentieux étaient engagés un devant la juridiction administrative où il était demandé plus de 100 000 euros et un devant la juridiction judiciaire pour un montant supérieur à 170 000 euros. Aussi, pour la cour, les parties ont entendu exclure, au regard des circonstances, une reprise du passif des honoraires d'avocat par le cessionnaire du cabinet (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4931E4E).

newsid:454252

Avocats/Publicité

[Brèves] Non-conformité des mentions (domaines du droit, valeurs et qualités des avocats) apposées sur la vitrine d'un cabinet

Réf. : CA Rouen, 7 septembre 2016, n° 16/02218 (N° Lexbase : A1503RZP), n° 16/02220 (N° Lexbase : A1547RZC), n° 16/02222 (N° Lexbase : A1268RZY), n° 16/02223 (N° Lexbase : A1132RZX)

Lecture: 2 min

N4250BWC

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Le 28 Septembre 2016

Doivent être retirées de la vitrine d'un cabinet d'avocats les mentions se rapportant clairement, d'une part, à des domaines du droit, et, d'autre part, à des valeurs et qualités (légalité, proximité, sécurité, juridique, réactivité, accessibilité) dont on comprend qu'elles seraient incarnées par les avocats qui composent le cabinet, alors qu'aucun des avocats membres de la structure n'était titulaire d'une mention de spécialité. Telle est la solution d'une série d'arrêts rendus par la cour d'appel de Rouen, le 7 septembre 2016 (CA Rouen, 7 septembre 2016, n° 16/02218 N° Lexbase : A1503RZP, n° 16/02220 N° Lexbase : A1547RZC, n° 16/02222 N° Lexbase : A1268RZY, n° 16/02223 N° Lexbase : A1132RZX). La cour rappelle, d'abord, que la publicité permet de diffuser des éléments distinctifs de l'avocat par l'intermédiaire d'un médium auprès d'un vaste public. L'information professionnelle s'inscrit dans un champ différent ; plaque professionnelle, carte de visite ou correspondance sont destinées à un public restreint, chaland ou client et sont soumises aux mêmes dispositions. En ce sens, les affichages litigieux (bandeaux en façade ou mentions sur les vitrines) s'apparentent à de l'information professionnelle dans la mesure où il s'agit d'une information "statique", sur les lieux mêmes où se situe le cabinet, visibles du seul passant ou du client qui rejoint le cabinet à l'adresse qu'il connaît. Leur conformité aux principes essentiels de la profession et à la réglementation issue du RIN est examinée au regard des dispositions visant la plaque professionnelle (10.6.2 N° Lexbase : L4063IP8) de laquelle, par leur position et situation géographique, ils se rapprochent incontestablement. Ensuite, au titre de l'article 10.2 du RIN, sont prohibées les mentions susceptibles de créer l'apparence d'une qualification professionnelle non reconnue de sorte que les valeurs et qualités revendiquées, qui ont vocation à être incarnées par tout représentant de la profession, ne peuvent faire l'objet d'une forme d'appropriation susceptible d'induire le public en erreur sur une spécificité qui n'en est pas une. Et, au titre de l'article 10.6 du RIN, ne sont autorisées que les mentions de spécialisations régulièrement obtenues à l'exclusion des domaines d'activités. Or, aucun des avocats membres de la structure n'était titulaire d'une mention de spécialité. Les autres mentions, qui ne correspondent pas à la définition stricte d'une spécialité, apparaissent clairement comme déterminant les domaines d'activité du droit où les membres de la structure prétendent disposer d'une capacité certaine. Ce n'est pas la question de la capacité en elle-même qui fait débat mais celle de la mention du domaine d'activité qui est expressément interdite par les dispositions susvisées. Dès lors, les mentions qui figuraient sur les vitrines du cabinet le sont en infraction avec les dispositions du RIN qui régissent la communication de la profession d'avocat (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1788E7D).

newsid:454250

Avocats/Statut social et fiscal

[Jurisprudence] Assujettissement à la TVA des prestations de services rendues par des avocats : absence de violation du droit à un recours effectif et de l'égalité des armes

Réf. : CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-543/14 (N° Lexbase : A0129RYG)

Lecture: 5 min

N4321BWX

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Phnom Penh (URDSE) et à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 15 Septembre 2016

Invention française (1) exportée avec succès (2) et harmonisée par le droit de l'Union européenne, la TVA est, dans les faits, économiquement supportée par les non assujettis non redevables que sont principalement les consommateurs. En effet, les entreprises ayant les qualités d'assujettis et de redevables peuvent imputer la taxe facturée par leurs prestataires de services sur la TVA collectée auprès de leurs clients. Cette différence de traitement a entraîné une distorsion économique entre les entreprises qui peuvent déduire la TVA d'amont et les particuliers qui ont tenté en France, sans succès, d'en contester la légalité au moyen de la question prioritaire de constitutionnalité (3). L'arrêt du 28 juillet 2016 s'inscrit dans une procédure à l'initiative de l'Ordre des barreaux francophones et germanophones réclamant l'annulation de l'article 60 de la loi du 30 juillet 2013 qui a mis un terme à l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations servies par les avocats belges. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi été saisie par voie préjudicielle par la Cour constitutionnelle de Belgique afin d'interpréter la Directive 2006/112 (Directive (CE) 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée N° Lexbase : L7664HTZ) et de statuer sur la violation du droit à un recours effectif (I) et sur le principe de l'égalité des armes entre les justiciables (II) à la suite de l'assujettissement à la TVA depuis le 1er janvier 2014 des prestations servies par les avocats exerçant en Belgique. I - Absence de violation du droit à un recours effectif

La décision rendue le 28 juillet 2016 par la Cour de justice de l'Union européenne intéresse également les avocats français qui, par la voix du barreau de Paris, ont saisi le Conseil d'Etat (CE 8 s-s., 9 décembre 2015, n° 386143 N° Lexbase : A9028NYZ) tendant à l'abrogation des articles du Code général des impôts (CGI, ann. II, art. 205 N° Lexbase : L3739HZI et 206 N° Lexbase : L6611K8D) qui n'ont pas prévu la possibilité pour une personne non assujettie à la TVA de pouvoir la déduire dans le cadre d'une action en justice. La question mériterait également de se poser en matière de conseil juridique et fiscal si l'on veut bien considérer toute l'importance que revêt la prévention en droit. Ordonnant le sursis à statuer jusqu'à l'arrêt "Ordre des barreaux francophones et germanophone" rendu le 28 juillet 2016 par la CJUE, l'assujettissement à la TVA des prestations des avocats est un feuilleton à épisodes qui doit être rappelé au moins pour la France : après avoir soumis leurs prestations à la TVA en 1992 (loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 N° Lexbase : L6960IBE ; décret n° 92-1244 du 27 novembre 1992, N° Lexbase : L0576LAL ; loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 N° Lexbase : L0528IDW), les autorités publiques avaient autorisé l'application du taux réduit de 5,5 % pour les rémunérations des avocats et des avoués perçues dans le cadre de l'aide juridictionnelle tenant compte de leur caractère social (4), bien que les prestations des avocats ne figuraient pas explicitement sur la liste annexée à la Directive 92/77, portant sur certaines opérations économiques pouvant supporter un taux réduit de TVA ([LXB=L7511AUQ)]). Ce point de vue ne fut pas partagé par la CJUE (CJUE, 17 juin 2010, aff. C-492/08 N° Lexbase : A1922E3L) et le législateur français supprima l'application du taux réduit de TVA pour les prestations des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle (loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 N° Lexbase : L9902IN3). En effet, la profession ne pouvait pas être qualifiée "d'organismes ayant un caractère social et engagée dans des oeuvres d'aide et de sécurité sociales" (5) et ce motif sera repris par la CJUE dans son arrêt "Ordre des barreaux francophones et germanophone" du 28 juillet 2016 ajoutant que l'aide juridictionnelle n'est assurée que par des volontaires inscrits sur une liste spéciale et non par l'ensemble de la profession. Si le différentiel de TVA supporté par les plaideurs est un frein incontestable à la saisine du juge, il ne constitue pas une violation du droit à un recours effectif (6) sauf s'il présente à lui-seul un caractère insurmontable rendant l'exercice des droits pratiquement impossible ou excessivement difficile selon la CJUE : le cas paraîtrait d'école... Pour autant, l'augmentation du taux de TVA implique-t-elle un renchérissement mécanique du coût des prestations des avocats ? La relation de cause à effet n'est pas certaine : la concurrence entre les auxiliaires de justice que sont les avocats -sans compter les consultants et autres braconniers du droit- invite les avocats à ne pas répercuter l'augmentation du taux de TVA sur leurs factures. Pour la CJUE, le droit à un recours effectif n'est en définitive pas violé dès lors que la TVA ne représente qu'une fraction d'un coût global d'accès au juge qui ne semble pas être déterminante quant à la décision du justiciable de faire valoir ses droits en justice.

II - Absence de violation du principe d'égalité des armes

Le principe d'égalité des armes, qui ne se conçoit pas sans un procès équitable, assure un équilibre procédural entre les parties. Il porte, en outre, sur l'administration de leurs preuves devant une juridiction (CJUE, 6 novembre 2012, aff. C-199/11 N° Lexbase : A3764IWC). Mais ce principe d'égalité des armes ne s'étend pas aux coûts financiers devant être supportés par les justiciables selon la CJUE. On peut le regretter quand certaines activités économiques profitent d'une exonération de TVA ou d'un régime de faveur dérogatoire au droit commun (7) pour en faciliter l'accès au plus grand nombre : les prestations servies par les avocats auraient pu également en bénéficier si l'on veut bien prendre en considération le rôle de ces auxiliaires de justice dans la défense des intérêts des justiciables. Selon la Cour, l'avantage pécuniaire issu de la possibilité pour un assujetti redevable d'exercer un droit à déduction de la TVA facturée par un auxiliaire de justice n'"affecte pas l'équilibre procédural des parties" alors que le mécanisme juridique de la TVA, neutre pour un assujetti redevable, se heurte à une logique économique implacable : le consommateur supporte le poids économique de cette imposition alors que, sur le plan juridique, il n'est ni un assujetti, ni un redevable (8). Pour la Cour de justice de l'Union européenne, un plaideur n'ayant pas accès à l'aide juridictionnelle dispose nécessairement des ressources financières lui permettant d'être assister et représenter en justice par un avocat. Cette motivation n'emporte pas l'adhésion : que ce soit en France ou en Belgique, l'aide juridictionnelle est loin de profiter à l'ensemble des justiciables car seuls les plus démunis ont droit à une aide totale de l'Etat. L'exclusion d'un régime d'aide juridictionnelle ne permet pas de considérer qu'un justiciable pourrait faire face aux honoraires de son avocat tant les plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle totale ou partielle sont faibles. A nouveau, il est suggéré aux avocats de modérer leurs honoraires en fonction de la qualité d'assujettis ou non à la TVA de leurs mandants dans un régime de tarification libre de leurs honoraires ; ce qui revient à leur faire supporter les conséquences de la politique fiscale d'accès à la justice. La CJUE ajoute que seules les prestations des avocats sont soumises à la TVA au taux de droit commun et non l'ensemble des coûts de procédure alors que la prestation de l'avocat constituera l'essentiel du coût de la procédure supportée directement par le justiciable dans un grand nombre de litiges. L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, qui ne convainc guère quant à la motivation retenue, permettra peut-être de relancer le débat quant à un meilleur accès concret au droit comprenant la représentation en justice et l'activité de conseil juridique et fiscal qui devraient profiter au plus grand nombre. Ce débat permettrait de freiner la politique suivie avec constance par les autorités publiques depuis de nombreuses années : tarir l'offre pour limiter la demande.


(1) Lorsque Maurice Lauré a proposé aux autorités publiques la taxe sur la valeur ajoutée, il s'agissait d'assurer le primat de l'économie sur le droit. Mais quelques années après son introduction dans l'ordonnancement juridique en 1954, il soulignera le mal sournois dont la TVA était alors rongée : "la complexité" (M. Lauré, Au secours de la TVA, PUF, 1957, introduction) qu'il faut comprendre comme résultant des lois et de la réglementation qui ont accompagné son adoption. L'auteur déplorait la lecture juridique de l'impôt, le "juridisme" : "le législateur et l'Administration ont tendance à bâtir l'impôt d'après les classifications juridiques beaucoup plus que d'après la réalité économique". (M. Lauré, Traité de politique fiscale, PUF, 1956, p. 331 cité par C. Heckly, Rationalité économique et décisions fiscales, LGDJ, coll. : Bibliothèque de science financière, 1987, p. 178). A la lecture des arrêts de la CJUE, le droit de l'Union européenne contribuerait-il à cette "complexité" ?
(2) L'un des derniers Etats à avoir étendu la TVA à l'ensemble de son territoire est la Chine en 2013 après une période de test notamment à Shanghai.
(3) CE 3° et 8° s-s-r, 9 juillet 2010, n° 339398 (N° Lexbase : A1409E4X), concl. L. Olléon, Dr. fisc. 2010, comm. 536.
(4) JO Sénat, 23 septembre 1999, n° 18495, p. 3160.
(5) CJUE, 17 juin 2010, aff. C-492/08, § 47 (N° Lexbase : A1922E3L). V. Annexe III de la Directive 2006/112/UE, § 15.
(6) Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47 (N° Lexbase : L8117ANX).
(7) Il en est ainsi dans le secteur médical ou dans l'enseignement par exemple.
(8) Pour une démonstration : "si un procès oppose un particulier à une entreprise à l'occasion duquel chacun se voit facturer 100 euros de frais d'avocat, d'huissier, d'expert ou autres auxiliaires, l'entreprise récupérera les 19,6 euros de TVA, tandis qu'elle déduira les frais de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et de la valeur ajoutée imposable à la contribution économique territoriale, ce qui représentera en outre une économie fiscale de 35,4 %. Au total, les 119,6 euros de frais TTC ne lui auront coûté que 64,6 euros. En revanche, le particulier, qui n'a ni la possibilité de déduire la TVA grevant les frais, ni celle de déduire les frais eux-mêmes de ses revenus imposables, devra supporter l'intégralité du coût, soit 119,6 euros. Mme M. en déduit que le coût des frais d'auxiliaires de justice pour un particulier est de 85 % supérieur à celui d'une entreprise, ce qui est rigoureusement exact" (concl. L. Olléon sous CE 3° et 8° s-s-r, 9 juillet 2010, n° 339398 N° Lexbase : A1409E4X, Dr. fisc., 2010, comm. 536).

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Concurrence

[Chronique] Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - septembre 2016

Lecture: 11 min

N4320BWW

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par Pauline Le More, Avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat

Le 15 Septembre 2016

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit de la concurrence et de la distribution, animée par Maître Pauline Le More, Cabinet LeMore Avocat. L'auteur commente, tout d'abord, l'arrêt rendu le 14 juillet 2016 par la deuxième chambre de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-196/15) ayant trait à la compétence du juge français auquel est soumis un litige portant sur une rupture brutale de relations commerciales dans un contexte international. Est ensuite étudié l'avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales portant sur l'application du plafond légal des délais de paiement dans un contexte international (CEPC, avis n°16-12 du 16 juin 2016). Enfin, Maître Le More revient sur l'arrêt rendu le 5 juillet 2016 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation portant sur la réparation de la victime d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie (Cass, com. 5 juillet 2016, n° 15-17.004, FS-P+B).
  • Rupture brutale de relations commerciales et compétence du juge français en cas de litige international (CJUE, 2ème ch., 14 juillet 2016, aff. C-196/15 N° Lexbase : A2153RXZ)

Par arrêt du 14 juillet 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après CJUE) a été saisie d'une question préjudicielle par la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 7 avril 2015, n° 14/17985 N° Lexbase : A1326NG9) au titre de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2581IPB) sur l'application des règles de compétence en application du Règlement européen primordial en Droit international privé : le Règlement (CE) n° 44/2001 dit "Bruxelles I" du 22 décembre 2000 (N° Lexbase : L7541A8S), remplacé depuis le 1er janvier 2015 par le Règlement (UE) n° 1215/2012 dit "Bruxelles IBis " (N° Lexbase : L9189IUU). C'est ce Règlement n° 44/2001 qui a vocation à permettre la désignation du juge compétent en cas de litiges présentant un caractère d'extranéité européen.

En effet, en vertu de l'article 5, 1) et 3) de ce Règlement, le Tribunal compétent en cas de litige contractuel, est celui de l'Etat membre dans lequel l'obligation de base à la demande a été ou doit être exécutée. Plus précisément, dans le cadre d'une vente de marchandises, est compétent le tribunal de l'Etat membre dans lequel les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, tandis que s'agissant d'une fourniture de services, le tribunal compétent est celui de l'Etat membre où les services ont été ou auraient dû être fournis (article 5, 1, b)). Quant aux litiges de nature délictuelle, le même Règlement établit la compétence du tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire (article 5, 3)).

La qualification juridique s'avère donc déterminante pour apprécier la compétence des juridictions françaises ou italiennes dans l'affaire au principal, étant précisé que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM) prévoyant la réparation de la victime d'une rupture brutale de relations commerciales est susceptible d'être plus généreuse que celle accordée par les juridictions étrangères.

En l'espèce, deux sociétés commerciales, dont une établie en France (Ambrosi) et une autre en Italie (Granarolo), collaboraient ensemble sans contrat-cadre ni stipulation d'exclusivité depuis de longues années. Plus précisément, la société Ambrosi distribuait en France les produits alimentaires élaborés par Granarolo. Néanmoins, après 25 ans de collaboration, la société italienne décide par lettre recommandée de mettre un terme à ses relations avec Ambrosi et de confier à une autre société la distribution de ses produits à compter du 1er janvier 2013. La société Ambrosi saisit alors le tribunal de commerce de Marseille en action indemnitaire afin de contester ladite lettre jugée par l'entreprise française comme constitutive d'une rupture brutale des relations commerciales au titre de l'article L. 446-6 du Code de commerce.

Le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour la demande en cause au motif que l'action portée devant elle présentait un caractère délictuel et que par conséquent, au vu de l'article 5, 3) du Règlement n° 44/2001, le lieu de survenance du dommage étant à Nice, il était de fait compétent. Par contredit, la société italienne invoque, au contraire, le caractère contractuel du litige en vertu des contrats successifs conclus pour chaque livraison, lesquels mentionnaient le lieu où la marchandise étaient livrées au regard de la mention dans les factures "Ex works" (départ d'usine), soit au départ de l'Italie.

Invoquant le caractère autonome des notions "délictuelle" et "contractuelle", la cour d'appel de Paris demandait aux juges du Luxembourg si l'article 5, 3) du Règlement "Bruxelles I" s'applique à une action indemnitaire pour rupture brutale des relations commerciales établies consistant en la fourniture de marchandises pendant plusieurs années à un distributeur sans contrat-cadre ni exclusivité. La cour d'appel demande également si, en cas de réponse négative à la première question, la relation commerciale du cas d'espèce devait être qualifiée de "contrat de vente de marchandises" ou de "contrat de fourniture de services".

S'agissant de la première question, la CJUE relève que des relations commerciales de longue date nouée en l'absence de contrat écrit peuvent "en principe" être relevées de relations contractuelles tacites. Par conséquent, en cas de différend entre les parties, sera engagée une responsabilité de nature contractuelle (considérant 23). Cependant, afin qu'une telle relation soit considérée comme contractuellement tacite, une obligation contractuelle née tacitement doit être notifiée. Cela peut résulter "d'actes non équivoques exprimant la volonté des parties" (considérant 24). L'existence d'une telle relation tacite doit être démontrée, selon la Cour, au regard de faisceaux d'éléments parmi lesquels doit être pris en compte :
- l'existence de relations commerciales établies de longue date ;
- la bonne foi entre les parties ;
- la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur ;
- les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés ;
- la correspondance échangée. (considérant 26)

Ainsi, selon la CJUE, l'article 5, 3) du Règlement CE n° 44/2001 n'est pas applicable à une action indemnitaire pour rupture abusive des relations commerciales s'ils existaient entre les parties une relation contractuelle tacite, ce dont il revient à la juridiction nationale de vérifier.

Sur la seconde question, la Cour de justice de l'Union européenne énonce qu'un contrat dont "l'obligation caractéristique est la livraison d'un bien doit être, doit être qualifié de " vente de marchandises" " et qu'une telle qualification peut s'appliquer à "une relation commerciale établie de longue date entre deux opérateurs économiques lorsque cette relation se limite à des accords successifs ayant pour objet la livraison et l'enlèvement de marchandises" (considérant 35). Dans le cas d'espèce, en cas de contrat conclut oralement ou tacitement, il peut être considéré comme contrat de vente de marchandises si la mention "Ex works" figure bien de "manière systématique" dans les contrats successifs entre les parties (considérant 36). S'agissant des contrats de fourniture de service, la CJUE énonce que de tels contrats ont pour critère :
- l'existence d'une activité de distribution de produits par une partie contribuant au développement de l'autre partie et
- une rémunération accordée en contrepartie de l'activité qui fait l'objet en réalité d'un avantage concurrentiel auprès de la partie chargée de la distribution (considérant 41)

Ainsi, selon la CJUE, la juridiction française, en l'occurrence la cour d'appel de Paris doit apprécier "l'ensemble des circonstances et des éléments caractérisant l'activité déployée en France par Ambrosi aux fins de vendre, sur le marché de cet Etat membre, les produits Granarolo" pour déterminer si dans le cadre de l'article 5 pt. 1 le contrat en cause est un contrat de vente de marchandise ou un contrat de prestation de services.

L'arrêt de la cour d'appel à venir permettra ainsi de clarifier les règles de compétence d'un différend international dans le contexte européen. Le litige a le mérite de rappeler l'importance de la conclusion de contrats écrits pour éviter l'incertitude juridique entourant les relations d'affaires de deux sociétés situées dans des Etats membres de l'Union européenne distincts. Le présent arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne est susceptible, en tout état de cause, d'insuffler un souffle nouveau à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle a tendance à permettre à la victime d'une rupture brutale de relation commerciale d'invoquer l'application du droit français et de saisir les juridictions françaises (voir par ex. Cass com., 20 mai 2014, n° 12-26.705, F-P+B N° Lexbase : A5055MM8).

  • Application du plafond légal des délais de paiement à un contrat international (CEPC, avis n° 16-12 du 16 juin 2016, rendu public le 24 juin 2016)

Saisie par un avocat sur l'application du plafond légal des délais de paiement à un contrat international relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980, sur la vente internationale de marchandises (N° Lexbase : L6800BHC ci-après la Convention de Vienne), la Commission d'examen des pratiques commerciales (ci-après la CEPC) a fait le choix du pragmatisme plutôt que du dogmatisme juridique. Le vendeur établi à l'étranger peut-il invoquer le respect du plafond légal des délais de paiement auprès de son client acheteur établi en France alors même que la Convention de Vienne s'applique au litige ?

En France, l'article L., 441-6, I, alinéa 9, du Code de commerce (N° Lexbase : L1780KGZ), inspiré de la Directive 2011/7 du 16 février 2011, concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales (N° Lexbase : L4082IPU), impose, sous peine de sanctions administratives, que "[l]e délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier".

Une telle disposition n'existe pas dans la convention de Vienne, entrée en vigueur le 1er janvier 1988 et constituant le droit commun de la vente internationale en droit français (Cass. com., 13 septembre 2011, n° 09-70.305, F-D N° Lexbase : A7523HXW). Les articles 58 et 59 de la convention de Vienne, ratifiée à ce jour par 85 Etats parties à travers le monde, laissent les parties libres de déterminer le moment du paiement.

Le délai maximal d'ordre public économique interne et européen que prévoit le droit commun de la vente en droit français, énoncé par l'article L. 441-6, I, alinéa 9, du Code de commerce, prime-t-il sur un contrat international de vente relevant de la Convention de Vienne ? Certes, en pratique, les clauses des contrats internationaux accordent des délais de paiement. Mais cette liberté laissée aux parties peut-elle heurter ce plafond légal ?

La CEPC rappelle qu'à sa connaissance, cette question n'a pas "été tranchée clairement ni par la jurisprudence française ni par des décisions étrangères ou arbitrales transmises au secrétariat de la CNUDCI (v. Précis de jurisprudence de la CNUDCI concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises)". La doctrine est quant à elle partagée (1).

Elle note également, à titre liminaire, que ce débat n'est pas affecté par la qualification, reconnue par la CEPC de "loi de police de l'article L. 441-6, I, alinéa 9 du Code de commerce" (CEPC, avis n°16-1 du 16 janvier 2016, relatif à une demande d'avis d'un avocat sur le caractère impératif des délais de paiement dans le cadre d'un contrat international).

Elle privilégie une "troisième voie de solution". Considérant que la Convention de Vienne ne prévoit aucun délai de paiement supplétif de volonté et n'institue aucune limite aux délais que les parties peuvent convenir contractuellement, la CEPC est d'avis que ce texte présente sur cette question des délais de paiement une lacune interne.

Pour palier cette lacune, il convient de se référer, en application de l'article 7 § 2 de la Convention de Vienne, aux "principes généraux dont elle s'inspire", parmi lesquels figurent les principes de l'autonomie des parties et de bonne foi. Or, les délais de paiement excessifs sont susceptibles, selon le cas d'espèce, de violer de tels principes. Parallèlement, la CEPC considère que la convention de Vienne "devrait faire l'objet -au sein de l'Union européenne- d'une interprétation et d'une application conformes à la Directive 2011/7/UE", laquelle, dans son article 7 et considérants 13 et 28, "prohibe les clauses et pratiques contractuelles constituant un abus manifeste à l'égard du créancier".

En conclusion, la CEPC considère que "les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l'article L. 441-6, I, alinéa 9, du Code de commerce. Par l'application combinée de la convention, des principes généraux dont elle s'inspire et de la Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier, c'est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit".

Si cette bonne pratique de technique contractuelle ne peut qu'être prise en compte, seule la jurisprudence française, voire européenne pourra conférer une autorité de la chose jugée à cette interprétation de la Convention de Vienne.

  • Réparation de la victime d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie (Cass. com., 5 juillet 2016, n° 15-17.004, FS-P+B N° Lexbase : A0080RXA)

Par arrêt du 5 juillet 2016, publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation était à nouveau amenée à trancher le litige opposant BMW France à l'un de ses anciens concessionnaires, mis entre temps en liquidation judiciaire, à la suite du refus de la cour d'appel de renvoi de se soumettre à un premier arrêt de la Cour de cassation intervenu dans cette même affaire (Cass.com., 14 mai 2013, n° 12-15.390, F-D N° Lexbase : A5243KDK)

En l'espèce, la société concessionnaire a, dans le dernier état de leurs relations, conclu deux contrats le 1er octobre 2003, à durée déterminée avec la société BMW France, aux termes duquel chaque partie devait, avec un préavis de six mois avant le terme, notifier à l'autre partie son intention de ne pas renouveler le contrat par lettre recommandée avec avis de réception. BMW France n'ayant pas renouvelé ces contrats à leur échéance, la société concessionnaire l'a assignée en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

S'agissant de la durée de la relation commerciale, antérieure aux derniers contrats conclus, la Cour de cassation confirme l'appréciation de la cour d'appel, selon laquelle une relation fort ancienne dès 1964 existait entre la société concessionnaire, ou les personnes à qui elle s'est substituée, et les importateurs successifs de véhicules de la marque. Pour autant et dans la droite ligne du premier arrêt de la cour de cassation, une certaine précarisation des relations est prise en considération, puisque le fournisseur BMW France avait indiqué à son partenaire qu'il ne pouvait pas lui promettre le renouvellement de son contrat, qui arrivait à échéance dans quelques mois.

En effet, cette précarisation a vocation à impacter le calcul des dommages et intérêts qui ne peuvent être évalués mécaniquement au regard de la perte de marge brute. Ainsi, la Cour de cassation casse, entre autres, l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 18 février 2015 pour avoir condamné la société BMW France à payer la somme de 215 000 euros au titre de la baisse de l'activité après-vente. Dans un attendu de principe, la Cour de cassation assoit le principe selon lequel "seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même" (en ce sens également, Cass. com., 20 octobre 2015, n° 14-18.753, F-D N° Lexbase : A0162NUK).


(1) Pour l'exclusion de l'application de l'article L. 441-6, I, alinéa 9, du Code de commerce : v. par exemple A. Garnier, C. Baudoin, Réforme des délais de paiement - Mode d'emploi à l'usage des praticiens, JCP éd. E n°18, 30 avril 2009, 1445 ; la position du Ministre du commerce extérieur : QE n° 22748 de Mme Chantal Guittet, JOANQ 2 avril 2013, réponse publ. 30 juillet 2013, p. 8237, 14ème législature (N° Lexbase : L1715KB7), QE n° 22749 de M. Jean-René Marsac, JOANQ 2 avril 2013, réponse publ. 1er juillet 2014 p. 5509, 14ème législature (N° Lexbase : L1716KB8) ; Contra Cl. Witz, Chronique de Droit uniforme de la vente internationale de marchandises, Juillet 2013-Décembre 2014, D., 2015 p. 881.

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Congés

[Jurisprudence] De nouvelles précisions sur le régime européen des congés payés annuels

Réf. : CJUE, 20 juillet 2016, aff. C-341/15 (N° Lexbase : A3545RXL)

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 15 Septembre 2016

La Directive 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), ne compte qu'un unique article 7, composé de deux alinéas, relatif au droit à congés payés. Trop laconique, ce texte donne régulièrement lieu à interprétation de la Cour de justice de l'Union européenne qui en précise le régime depuis une quinzaine d'années. L'idée force de cette jurisprudence réside dans le caractère fondamental du droit à congé et la sanctuarisation des quatre semaines minimales annuelles que les législations nationales doivent octroyer aux salariés. Par une décision rendue le 20 juillet 2016, la CJUE apporte de nouvelles précisions relatives au droit à indemnité au moment de la rupture du contrat de travail, à l'incidence de la maladie du travail sur ses droits à congés et à la faculté laissée aux Etats d'améliorer les minima européens (I). Comme toujours, l'intervention de la CJUE dans ce domaine doit être mise en perspective du droit français du travail pour identifier les points de contrariété qui peuvent subsister (II).
La Directive 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), s'oppose à une législation nationale qui prive du droit à une indemnité financière pour congés annuels payés non pris le travailleur, dont la relation de travail a pris fin à la suite de sa demande de mise à la retraite et qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits à congé avant la fin de cette relation de travail.

Un travailleur dont la relation de travail prend fin et qui, en vertu d'un accord conclu avec son employeur, tout en continuant à percevoir son salaire, était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail durant une période déterminée qui précédait son départ à la retraite, n'a pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé non pris durant cette période, sauf s'il n'a pas pu épuiser ces droits en raison d'une maladie.

La Directive ne s'oppose pas à des dispositions internes qui prévoient un congé annuel payé d'une durée supérieure à la période minimale de quatre semaines garantie par la Directive et accordé dans les conditions d'obtention et d'octroi fixées par le droit national. Les Etats membres peuvent donc prévoir d'accorder à un travailleur qui, en raison d'une maladie, n'a pas pu épuiser, avant la fin de sa relation de travail, l'intégralité de son congé annuel payé supplémentaire, un droit à une indemnité financière correspondant à cette période supplémentaire.

Commentaire

I - Les précisions apportées par le juge européen au droit à congés payés

Congés payés et application de la Directive 2003/88. La Directive 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), encadre le droit des salariés des pays de l'Union à bénéficier de congés payés annuels. Ces règles figurent à l'article 7 de la Directive qui impose aux Etats membres de prendre les "mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales" et ajoute que cette période minimale de congé "ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail".

Cette réglementation demeure toutefois un peu laconique, si bien que chaque décision rendue par la CJUE est scrutée avec attention. Après avoir solennellement énoncé que le droit aux congés constituait un "principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière" et ne pouvait pas "être soumis à d'autres conditions que celles prévues par la directive" (1), la Cour en a précisé le régime.

Les législations nationales doivent "en tout état de cause respecter le droit à un congé annuel payé d'au moins quatre semaines" (2). Cette formule très générale emporte diverses conséquences.

La Cour a ainsi jugé que les législations nationales ne pouvaient subordonner le droit à congé à une période de travail effectif minimale de dix jours ou d'un mois pendant la période de référence (3), ce qui entraîna d'ailleurs la suppression de cette condition en droit français (4). S'agissant toujours de l'acquisition de droits à congés, la Cour européenne a ajouté que les législations nationales ne pouvaient distinguer selon l'origine de la suspension du contrat de travail d'un salarié en raison de son état de santé pour déterminer ses droits à congés (5), règle avec laquelle le droit français reste encore en partie en contradiction (6).

La Cour a également précisé que le salarié, privé de ses congés payés à la suite d'une suspension de son contrat de travail liée à son état de santé, devait bénéficier d'un report de ses congés (7). Les législations nationales peuvent toutefois fixer une limite temporelle au-delà de laquelle le salarié cesse de cumuler des congés (8).

De nombreuses questions restent toutefois en suspens et l'arrêt rendu par la CJUE le 20 juillet 2016 leur apporte quelques nouvelles réponses.

L'affaire. Un fonctionnaire, entré au service de la ville de Vienne en 1978, ne se présente plus à son poste de travail entre le 15 novembre 2010 et le 30 juin 2012, date de son départ à la retraite. Pour la période s'étalant du 15 novembre au 31 décembre 2010, le fonctionnaire est absent pour cause de maladie. En revanche, du 1er janvier 2011 au 30 juin 2012, son absence résulte de deux conventions conclues entre le fonctionnaire et son employeur, par lesquelles ce dernier renonce à la prestation de travail tout en maintenant le salaire du travailleur. Le fonctionnaire soutient avoir été malade dans la période précédant son départ à la retraite, ne pas avoir été en mesure de prendre ses congés annuels et demande par conséquent le bénéfice d'une indemnité compensant ces congés annuels non pris.

L'employeur refuse de verser une indemnité de congés payés, s'appuyant pour cela sur l'article 41 a, § 2, alinéa 3, de la loi relative au régime pécuniaire des fonctionnaires de la capitale fédérale Vienne (Gesetz über das Besoldungsrecht der Beamten der Bundeshauptstadt Wien). Ce texte exclut du bénéficie d'une indemnité de congés payés le fonctionnaire qui n'a pas soldé ses congés et qui est admis au bénéfice de la retraite à sa demande. Saisi d'un recours formé par le fonctionnaire, le tribunal administratif de Vienne (Verwaltungsgericht Wien) émet des doutes quant à la compatibilité de l'article 41 a de la loi relative au régime pécuniaire des fonctionnaires avec la Directive 2003/88. Il sursoit à statuer et pose à la CJUE trois questions préjudicielles (9).

Le tribunal interroge d'abord la CJUE sur la compatibilité à l'article 7 de la Directive de la privation de toute indemnité lorsque le salarié part à la retraite à sa demande. Une disposition nationale imposant au salarié de faire tout le nécessaire pour épuiser ses droits à congés avant le départ à la retraite est-elle compatible avec l'article 7 de la Directive ?

Les juges viennois demandent ensuite si le fonctionnaire, qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits à congés en raison d'une incapacité de travail, n'a droit à une indemnité qu'à condition d'avoir informé rapidement l'employeur de son incapacité et d'avoir apporté la preuve de celle-ci. Si ces conditions ne sont pas imposées par la Directive, les dispositions autrichiennes imposant ces conditions sont-elles compatibles avec la Directive ?

La juridiction autrichienne conclut, enfin, en demandant si le fait que le législateur ait aménagé un droit à indemnité plus généreux que les droits prévus par la Directive a pour conséquence que les personnes privées d'indemnités, en violation de la Directive, peuvent bénéficier de ce régime plus généreux offert à d'autres travailleurs.

La décision. Par un arrêt rendu le 20 juillet 2016, la CJUE répond aux questions préjudicielles posées par le juge autrichien.

La Cour s'intéresse, en premier lieu, au droit à indemnités en cas de rupture de la relation de travail. Elle rappelle que "l'article 7, paragraphe 2, de la Directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l'ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d'une part, que la relation de travail a pris fin et, d'autre part, que le travailleur n'a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin" (10). Elle poursuit en jugeant "qu'un travailleur, qui n'a pas été en mesure de prendre tous ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris" et que "le motif pour lequel la relation de travail a pris fin" n'a pas à être pris en considération. Dès lors, l'initiative du salarié de partir à la retraite "n'a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu'il n'a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail" (11).

En second lieu, la Cour rappelle que les dispositions nationales ne peuvent prévoir que, "lors de la fin de la relation de travail, aucune indemnité financière de congé annuel payé non pris [ne soit] versée au travailleur qui a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et/ou d'une période de report, raison pour laquelle il n'a pas pu exercer son droit au congé annuel payé" (12). Le fonctionnaire autrichien avait "droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en raison du fait qu'il n'a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie" (13).

En troisième lieu, la Cour rappelle les fonctions du droit à congés qui permet "au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail [...] et disposer d'une période de détente et de loisirs". Elle en déduit que le travailleur qui, "tout en continuant à percevoir son salaire, était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail durant une période déterminée qui précédait son départ à la retraite, n'a pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé non pris durant cette période, sauf s'il n'a pas pu épuiser ces droits en raison d'une maladie" (14).

La Cour achève son argumentation en considérant que "si la Directive 2003/88 a pour objet de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, que les Etats membres sont tenus de respecter, ces derniers disposent, conformément à l'article 15 de cette directive, de la faculté d'introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs". Le texte ne s'oppose donc pas "à des dispositions internes prévoyant un congé annuel payé d'une durée supérieure à la période minimale de quatre semaines". Les Etats peuvent accorder au travailleur qui n'a pu bénéficier de ses congés une indemnité correspondant à cette période supplémentaire et fixer les conditions de ce droit à indemnité (15).

II - Les incidences en droit français des précisions apportées par la Cour de justice

Inconditionnalité du droit à indemnité à la rupture du contrat de travail. La formule très générale employée par la CJUE ne semble laisser aucune place au doute : le travailleur qui n'a pas été en mesure de solder ses congés au moment de la rupture de son contrat de travail a droit à une indemnité compensatrice.

Si, en l'espèce, c'est le départ à la retraite du salarié qui était en cause, les autres cas de rupture de la relation de travail sont concernés. L'article 41 a, § 2 de la loi relative au régime pécuniaire des fonctionnaires de la capitale fédérale Vienne n'exclut pas seulement le départ à la retraite mais dispose également que le fonctionnaire démissionnaire, révoqué ou licencié pour faute, est privé d'indemnités. L'ensemble du texte est donc contraire à l'interprétation délivrée par la CJUE.

La solution rendue ne reçoit plus aucun écho en droit français. Comme pour toute rupture de son contrat de travail, le salarié qui part à la retraite a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de ses congés payés non soldés (16). Après avoir un temps projeté de les réintégrer au Code du travail (17), la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C) n'a finalement pas repris les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel qui privaient le salarié d'indemnités de congés payés en cas de faute lourde (18). Sur cette question, le droit français est désormais conforme aux prescriptions de la CJUE.

Incidence de la maladie sur l'indemnité de congés payés. Les législations des Etats membres ne peuvent priver un salarié d'indemnités de congés payés en raison d'une absence du salarié pour cause de maladie durant la période de référence ou la période de report.

La règle est, là encore, posée de façon très générale. Elle confirme d'abord, par sa généralité, que la CJUE refuse qu'il soit distingué selon l'origine de la suspension du contrat (professionnelle ou non professionnelle). Elle précise ensuite que les suspensions pour maladie sont sans effet sur le droit à la prise effective des congés ou, par substitut, au droit à indemnités servies en cas de rupture : le salarié malade pendant la période durant laquelle il aurait dû prendre ses congés a droit à un report.

Dans ce domaine également, le droit français a progressivement été mis en conformité au droit de l'Union par la Cour de cassation. Depuis longtemps déjà, le salarié placé en arrêt de travail pour maladie avant la date de son départ en congés ou pendant ses congés conserve le bénéfice de ses congés qui seront reportés, que la suspension soit ou non d'origine professionnelle (19). Puisqu'il ne perd pas ses droits à congés acquis, une indemnité compensatrice lui reste due si le contrat de travail est rompu.

Seule la question de la durée du report reste encore posée. La CJUE a admis que cette durée pouvait être limitée à quinze mois, sans que la Cour de cassation ait eu à ce jour l'occasion de faire application de cette limite (20).

Incidence des autres cas de suspension du contrat sur les congés payés. La CJUE juge enfin que le fonctionnaire viennois ne peut obtenir le paiement d'indemnités de congés payés en raison de congés non pris, pour les périodes durant lesquelles il "était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail" tout en percevant sa rémunération par l'effet d'une convention conclue avec son employeur. Le soin que prend la Cour pour préciser les conditions dans lesquelles ce droit à indemnités est exclu amène à penser que cette privation d'indemnité doit demeurer exceptionnelle.

On imagine mal, ainsi, que cette exclusion puisse être étendue à d'autres périodes durant lesquelles un salarié ne travaille pas effectivement mais perçoit une rémunération telles que, par exemple, les heures de délégation d'un représentant du personnel ou des périodes de formation au cours desquelles le salarié est rémunéré. En effet, outre que dans ces hypothèses, le contrat de travail n'est pas suspendu par l'effet d'une "convention" conclue avec l'employeur, le salarié n'est dans ces cas aucunement "tenu" de ne pas se présenter sur son lieu de travail puisqu'il a généralement choisi cette suspension.

On peut en définitive douter que les périodes de suspension assimilées à du temps de travail effectif par le Code du travail puissent faire perdre au salarié son droit à indemnités de congés payés.

L'amélioration des prescriptions minimales de la Directive. Les quatre semaines de congés annuels prévus par la Directive sont protégées tel un sanctuaire et aucune dérogation ou presque ne peut être admise. Les législations nationales peuvent toutefois améliorer ce droit minimal, comme cela est d'ailleurs le cas en France où cinq semaines de congés sont en principe octroyées aux salariés du secteur privé.

La CJUE apporte toutefois une précision d'importance à propos de ces améliorations : lorsque les droits à congés sont accrus au-delà de quatre semaines, les Etats membres doivent "fixer les conditions de cet octroi". Le législateur national retrouve une grande latitude pour aménager les conditions d'octroi et, probablement, des conditions de prise des congés voire d'indemnisation de ces congés supplémentaires.

Les lacunes de la loi du 8 août 2016. En reprenant l'ensemble des dispositions relatives au temps de travail et aux temps de repos, la loi du 8 août 2016 avait la formidable occasion de modifier les règles relatives aux congés pour les mettre en conformité avec le droit de l'Union, en particulier s'agissant de la prise en compte des suspensions pour maladie ordinaire pour l'acquisition de droits à congés. Aucune modification n'a toutefois été apportée. Cette lacune est fâcheuse puisqu'elle conduira certainement l'Etat français à des condamnations, les premières ayant déjà été prononcées (21).

Dans un registre tout à fait différent, le législateur aurait pu, s'il l'avait souhaité, aménager les règles relatives à cinquième semaine de congés payés qui est bien moins protégée par le droit de l'Union. Le droit français connaît déjà quelques particularités. C'est ainsi, par exemple, que cette cinquième semaine peut être monétisée sur le compte épargne temps alors que cela est formellement interdit pour les quatre premières. Sur le plan technique, il est envisageable d'aller plus loin. Sur le plan social et humain, en revanche, le durcissement des conditions de cette cinquième semaine de congé paraît plus difficilement envisageable.


(1) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 (N° Lexbase : A1717AWI).
(2) CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI).
(3) CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 (N° Lexbase : A2471IB7), RDT, 2012, p. 371, obs. M. Véricel ; RJS, 2012, p. 261, note H. Tissandier ; RTD eur., 2012, p. 490, obs. S. Robin-Olivier.
(4) Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN).
(5) CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 (N° Lexbase : A3596EC8), RJS, 2009, p. 263, note J.-Ph. Lhernould ; CJUE, 3 mai 2012, aff. C-337/10 (N° Lexbase : A5062IKP).
(6) La Cour de cassation assimile les suspensions pour accident de trajet à des suspensions pour accident de travail, permettant leur prise en compte pour l'acquisition de congés (technique de l'interprétation conforme, v. Cass. soc., 3 juillet 2012, n° 08-44.834, FP-P+B, N° Lexbase : A2923IQC et nos obs., Lexbase, éd. soc., 2012, n° 494 N° Lexbase : N3018BTX ; RDT, 2012, p. 565, note M. Véricel). Elle n'a pas pu, en revanche, assimiler les suspensions pour maladie ordinaire à du temps de travail effectif car cela l'aurait amené à une interprétation contraire aux dispositions législatives internes (Cass. soc., 2 juin 2016, n° 15-11.422, F-D, N° Lexbase : A8646RRN ; Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, FS-P+B, N° Lexbase : A9780I94, RDT, 2013, p. 341, note M. Véricel ; Dr. soc., 2013, p. 564, obs. S. Laulom).
(7) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 (N° Lexbase : A1717AWI), pt. 43 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), pt. 29, RJS, 2004, p. 439, note J.-Ph. Lhernould ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC), JCP éd. S, 2006, 1308, note G. Vachet ; CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et C-520/06 (N° Lexbase : A3596EC8), RJS, 2009, p. 263, note J.-Ph. Lhernould. En dernier lieu, v. CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 (N° Lexbase : A9722HZ4) et les obs. de Ch. Willmann, Lexbase, éd. soc., 2011, n° 465 (N° Lexbase : N9160BS3) ; RDT, 2012, p. 371, obs. M. Véricel. Ce droit a report est mieux admis en droit français, v. Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A8674ICA) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 476, 2012 (N° Lexbase : N0627BTE). A propos des contrariétés qui subsistent entre droit français et droit de l'Union en matière de congés, v. N. Chavrier et L. Chabaud, Les congés payés : panorama des obligations françaises à l'aune des exigences du droit de l'Union européenne, JCP éd. S, 2015, 1359 ; P. Florès, Les congés payés à l'heure de la directive, SSL, 11 juillet 2016, n° 1731, p. 7.
(8) CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10, préc., limite admise à 15 mois en l'espèce.
(9) La traduction de l'allemand au français rend l'exacte compréhension des questions posées à la CJUE assez délicate....
(10) V. déjà CJUE, 12 juin 2014, aff. C-118/13 (N° Lexbase : A5445MQQ) et les obs. d'A. Fabre, Lexbase, éd. soc., 2014, n° 577 (N° Lexbase : N2923BUS).
(11) Points 25 à 30.
(12) V. déjà CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06, préc. ; CJUE, 3 mai 2012, aff. C-337/10, préc..
(13) Points 31 à 33.
(14) Points 34 à 37.
(15) Points 38 et 39.
(16) C. trav., art. L. 3141-28 (N° Lexbase : L6921K99) : "lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur".
(17) V. notre étude, Lexbase, éd. soc., 2016, n° 650 (N° Lexbase : N2116BWB).
(18) Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., 2016, n° 647 (N° Lexbase : N1762BW8).
(19) Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 05-42.293, FP-P+B+R (N° Lexbase : A5775DYK) ; Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44.488, FS-P+B (N° Lexbase : A3973EDI) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., 2009, n° 341 (N° Lexbase : N7759BI9).
(20) CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10, préc.. V. également Dr. soc., 2016, p. 782, note J. Mouly qui considère que la limite de douze mois d'arrêt de travail pour maladie ou accident professionnel fixée par l'article L. 3141-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6944K93), s'agissant de l'acquisition de droits à congés, pourrait ne pas être conforme à cette limite européenne de quinze mois.
(21) L'Etat a d'ores et déjà été condamné pour ne pas avoir transposé la Directive dans ce domaine : TA Clermont-Ferrand, 6 avril 2016, n° 1500608 (N° Lexbase : A7060RNS).

Décision

CJUE, 20 juillet 2016, aff. C-341/15 (N° Lexbase : A3545RXL).

Renvoi préjudiciel, Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche), 22 juin 2015.

Textes concernés : Directive 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, art. 7 (N° Lexbase : L5806DLM).

Mots-clés : congés payés ; indemnité financière ; CJUE.

Liens base : (N° Lexbase : E0097ETR) ; .

newsid:454255

Consommation

[Brèves] Logiciels préinstallés et pratiques commerciales déloyales : les réponses de la CJUE

Réf. : CJUE, 7 septembre 2016, aff. C-310/15 (N° Lexbase : A1007RZC)

Lecture: 2 min

N4224BWD

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Le 15 Septembre 2016

La vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en soi, une pratique commerciale déloyale au sens de la Directive 2005/29 (N° Lexbase : L5072G9Q), dès lors qu'une telle offre n'est pas contraire aux exigences de la diligence professionnelle et n'altère pas le comportement économique des consommateurs. Par ailleurs l'absence d'indication du prix de chacun des logiciels préinstallés ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 7 septembre 2016 (CJUE, 7 septembre 2016, aff. C-310/15 N° Lexbase : A1007RZC) qui avait alors été saisie d'une question préjudicielle par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 17 juin 2015, n° 14-11.437, FS-P+B N° Lexbase : A5227NL8). La Cour relève ainsi, tout d'abord, que la vente d'ordinateurs équipés est susceptible de répondre aux exigences de la diligence professionnelle, compte tenu du fait que (i) la vente par Sony d'ordinateurs équipés de logiciels préinstallés répond aux attentes importante des consommateurs qui préfèrent l'acquisition d'un ordinateur ainsi équipé et d'utilisation immédiate à l'acquisition séparée d'un ordinateur et de logiciels, (ii) avant de procéder à l'achat de l'ordinateur, le consommateur a été dûment informé par l'intermédiaire du revendeur de l'existence des logiciels préinstallés et des caractéristiques précises de chacun de ces logiciels et (iii), après l'achat, lors de la première utilisation de l'ordinateur, le fabricant a offert au consommateur la possibilité de souscrire au CLUF ou d'obtenir la révocation de la vente. Il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier ce point. Ensuite, tout en rappelant que les informations fournies, avant la conclusion d'un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences d'une telle conclusion sont d'une importance fondamentale pour les consommateurs, la Cour indique que la juridiction nationale devra déterminer si, dans le cas où un consommateur est informé avant l'achat que le modèle d'ordinateur n'est pas commercialisé sans logiciels préinstallés et est ainsi libre de choisir un modèle d'ordinateur d'une autre marque pourvu de caractéristiques techniques comparables et vendu sans logiciels, l'aptitude de ce consommateur à prendre une décision commerciale en connaissance de cause a été sensiblement compromise. S'agissant de la seconde question, la Cour estime que, dans le cadre d'une offre conjointe consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l'absence d'indication du prix de chacun des logiciels n'est ni de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause, ni susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. Le prix de chacun de ces logiciels ne constituant ainsi pas une information substantielle, l'absence d'indication du prix des logiciels ne saurait être considérée comme une pratique commerciale trompeuse.

newsid:454224

Droit des étrangers

[Brèves] Ressortissant d'un pays hors UE ayant la garde exclusive d'un citoyen mineur de l'UE : les antécédents pénaux sont insuffisants pour justifier le refus de séjour ou l'expulsion

Réf. : CJUE, deux arrêts du 13 septembre 2016, aff. C-304/14 (N° Lexbase : A6021RZZ) et aff. C-165/14 (N° Lexbase : A6020RZY)

Lecture: 2 min

N4260BWP

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Le 15 Septembre 2016

Le droit de l'UE s'oppose à une réglementation nationale qui, de manière automatique, refuse un permis de séjour ou impose une expulsion à un ressortissant d'un pays hors UE qui a la garde exclusive d'un citoyen mineur de l'UE au seul motif que ce ressortissant a des antécédents pénaux, dès lors que ce refus ou cette expulsion oblige l'enfant à quitter le territoire de l'Union. Telle est la solution apportée par la CJUE dans deux décisions du 13 septembre 2016 (CJUE, deux arrêts du 13 septembre 2016, aff. C-304/14 N° Lexbase : A6021RZZ et aff. C-165/14 N° Lexbase : A6020RZY). Dans les deux espèces, en raison d'antécédents pénaux, deux ressortissants non UE se sont vus notifier un refus de permis de séjour et une décision d'expulsion par l'Etat membre d'accueil et de nationalité de leurs enfants citoyens de l'UE dont ils ont la garde. Les juridictions espagnoles et britanniques interrogeaient la CJUE sur le point de savoir si l'existence d'antécédents pénaux pouvait, à elle seule, justifier le refus d'un droit de séjour ou l'expulsion d'un ressortissant d'un pays non UE qui a la garde exclusive d'un citoyen mineur de l'UE. La Cour constate d'abord que M. M., sa fille polonaise, son fils espagnol et l'enfant de Mme C. bénéficie du droit de séjour. Elle indique, ensuite, que le TFUE (art. 20 N° Lexbase : L2120IP9 ; art. 21 N° Lexbase : L2121IPA) s'oppose à ce qu'une mesure nationale prive un citoyen de l'UE de ses droits et qu'une telle privation résulterait d'un refus de séjour ou de l'expulsion d'un ressortissant non UE obligeant son enfant citoyen de l'UE à quitter le territoire de l'UE. La CJUE précise, toutefois, qu'il est possible pour les Etats de justifier d'une dérogation au droit au séjour pour des raisons d'ordre ou de sécurité publique à condition qu'elle soit conforme au principe de proportionnalité. Selon la Cour, dans la première espèce, la condamnation ne peut justifier le refus de séjour de M. M. sans évaluation de son comportement personnel, ni de l'éventuel danger qu'il pouvait représenter pour l'ordre public ou la sécurité publique. La Cour précise, ensuite, qu'il est, aussi, possible dans des circonstances exceptionnelles, qu'un Etat puisse adopter une mesure d'expulsion en invoquant l'exception liée au maintien de l'ordre public et à la sauvegarde de la sécurité publique. Pour cela, il est nécessaire d'évaluer si, compte tenu des infractions pénales commises par un ressortissant d'un pays non UE ayant la garde exclusive d'un citoyen mineur de l'UE, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pouvant porter atteinte à un intérêt fondamental de la société. Il appartiendra, sur ce point, à la juridiction britannique d'apprécier le degré de dangerosité de Mme C. en mettant en balance les intérêts en présence et, particulièrement, l'intérêt supérieur de l'enfant.

newsid:454260

Droit des étrangers

[Brèves] Application du régime de libération conditionnelle de droit commun à l'étranger ne faisant pas l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire

Réf. : Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-81.679, F-P+B (N° Lexbase : A5168RZG)

Lecture: 2 min

N4247BW9

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Le 17 Septembre 2016

La libération conditionnelle d'un étranger condamné, qui n'est pas l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, doit répondre aux conditions de forme et de fond de droit commun, applicables à tout condamné, quelle que soit sa nationalité. Telle est l'une des précisions apportées par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 septembre 2016 (Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-81.679, F-P+B N° Lexbase : A5168RZG). En l'espèce, M. A., de nationalité libanaise, a été condamné, d'une part, le 10 juillet 1986, par le tribunal correctionnel de Lyon, à quatre ans d'emprisonnement et à cinq ans d'interdiction de séjour pour association de malfaiteurs, usage de documents administratifs falsifiés, infractions à la législation sur les armes, d'autre part, le 28 février 1987, par la cour d'assises de Paris, spécialement composée, à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat. Le 21 mars 2014, il a sollicité sa libération conditionnelle, dans le but affirmé de quitter définitivement le territoire français et regagner le Liban. Le tribunal d'application des peines de Paris, par jugement du 5 novembre 2014, a déclaré irrecevable la demande présentée, à titre principal, sur le fondement des articles 729-2 (N° Lexbase : L8436I49) et D. 535 (N° Lexbase : L2863HIU) du Code de procédure pénale, et a rejeté celle présentée, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 729 (N° Lexbase : L9863I3P) du même code. M. A. a interjeté appel de cette décision. La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement, tout en déclarant, dans ses motifs, la demande subsidiaire du condamné irrecevable. La Chambre criminelle précise que la cour d'appel, abstraction faite d'une terminologie impropre mais exempte de contradiction, a fait une exacte application de la loi. Elle rend la solution susvisée et vient, également, préciser qu'en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, les juridictions de l'application des peines ne peuvent accorder la libération conditionnelle tant que le condamné n'a pas été placé sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique pendant une période d'au moins un an et que cette disposition est applicable à un étranger condamné qui n'est pas l'objet de l'une des mesures d'éloignement du territoire français prévues à l'article 729-2 précité. La Haute juridiction rejette, par conséquent, le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E3888EYN).

newsid:454247

Fiscalité immobilière

[Questions à...] L'avenir de la jurisprudence "Quéméner" - Questions à Maître Christine Daric, Avocat - Partner au sein du cabinet Fairway AARPI

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 6 juillet 2016, n° 377904, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6113RWC)

Lecture: 8 min

N4325BW4

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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 17 Septembre 2016

La jurisprudence "Quéméner" (CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2000, n° 133296, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0346AUD) a connu cet été un rebondissement. La règle dégagée par cette jurisprudence a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale et trouve notamment à s'appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l'associé d'une société soumise à ce régime lorsque ces bénéfices résultent d'une réévaluation des actifs sociaux, qu'elle soit opérée par l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d'accroître rétroactivement la base d'imposition de la société au titre de la période d'imposition close par la dissolution de la société et l'annulation consécutive des parts détenues par l'associé ou que cette réévaluation intervienne au moment de la dissolution de la société soumise au régime spécifique. Toutefois, le Conseil d'Etat a décidé, le 6 juillet 2016, que ce principe ne pouvait trouver à s'appliquer que pour éviter une double imposition d'une société qui réalise une opération de dissolution. Pour en savoir plus sur ce sujet, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Maître Christine Daric, Avocat - Partner au sein du cabinet Fairway AARPI.

Lexbase : Pouvez-vous nous définir quel sont le principe et les conséquences pratiques de la jurisprudence "Quéméner" du 16 février 2000 ?

Christine Daric : Le Conseil d'Etat a fixé dans sa décision de principe "Quéméner" les règles de détermination des plus ou moins-values professionnelles réalisées en cas de cession des parts sociales de sociétés de personnes détenues par des entreprises. Ces plus ou moins-values professionnelles doivent être calculées en retenant comme prix de revient des parts, leur valeur d'acquisition :

- majorée (i) de la quote-part des bénéfices de la société de personnes dont les titres sont cédés revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime prévu aux articles 8 (N° Lexbase : L1176ITQ), 8 ter (N° Lexbase : L1039HL3), 239 quater B (N° Lexbase : L3225IQI) ou 239 quater C (N° Lexbase : L4974HLS) du CGI, et (ii) des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis,

- minorée (i) des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et (ii) des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé.

Pour juger ainsi, le Conseil d'Etat s'est appuyé non sur la loi mais sur une conception d'équité "pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés" de personnes, l'objectif recherché étant d'éviter une double déduction injustifiée ou une double-imposition pour les entreprises qui cèdent leurs parts de société de personnes.

Cet arrêt a trouvé de nombreuses applications pratiques et ces principes ont été étendus tant par la jurisprudence que par la doctrine de l'administration fiscale à d'autres situations que la simple vente de parts et notamment aux cas de détermination de la plus ou moins-value réalisée lors de l'annulation de parts sociales en cas de dissolution par confusion de patrimoine de la société de personnes. C'est ainsi que dans le secteur immobilier, depuis quelques années, un acquéreur de parts de SCI détenant un actif immobilier a la faculté dans la foulée de son acquisition de faire procéder par la SCI à une réévaluation libre de ses actifs suivie de la dissolution par confusion de patrimoine de ladite SCI. Cette opération de restructuration lui permet par la mécanique de correction "Quéméner" de porter la valeur des actifs immobiliers à leur valeur de transaction moyennant un coût se limitant à environ 1 % de la valeur de l'immeuble concerné (taxe de publicité foncière au taux de 0,715 % augmentée de la contribution de sécurité immobilière de 0,1 % et des honoraires de notaires).

L'administration fiscale a, depuis plusieurs années, confirmé de manière claire l'application des principes "Quéméner" à ce type d'opération de restructuration dans un rescrit (1) en précisant que "pour la détermination des plus ou moins-values d'annulation de parts de la SCI consécutive à la dissolution de ladite société, leur prix d'acquisition sera déterminé en tenant compte de l'ensemble des résultats fiscaux et des flux financiers (distributions de bénéfices et comblements de pertes) intervenus entre la date de leur acquisition et la date de leur annulation, y compris la plus-value constatée sur les biens immobiliers composant l'actif de cette société à l'occasion de la réévaluation de ce dernier".

Le Conseil d'Etat (2) a également récemment eu l'occasion de confirmer l'application de la jurisprudence "Quéméner" dans l'hypothèse de l'annulation des parts à la suite d'une dissolution de société ayant été précédée par une réévaluation des actifs sociaux opérée par l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle, qui a eu pour effet d'accroître rétroactivement la base d'imposition de la société associée au titre de la période d'imposition close par la dissolution de la société. Le prix de revient des parts pour déterminer la plus ou moins-value d'annulation devait ainsi être majoré du montant de la réévaluation imposable.

La question que tout le monde se pose aujourd'hui est de savoir si la récente décision du Conseil d'Etat du 6 juillet 2016 remet en cause ces principes et ces pratiques.

Lexbase : Comment la solution rendue le 6 juillet 2016 se justifie-t-elle ?

Christine Daric : Les faits précisément méritent d'être rappelés.

La structure de détention avant les opérations de restructuration peut être résumée ainsi : une société luxembourgeoise (Hold Co Lux) détenait d'une part 100 % des titres d'une société française (Hold Co France) et d'autre part 100 % des titres d'une autre société luxembourgeoise (Prop Co Lux) qui détenait elle-même 100 % des titres d'une SCI française propriétaire d'un immeuble.

Etape 1 : le 28 mars 2006, Hold Co France acquiert les actions de Prop Co Lux.

Etape 2 : le 29 mars 2006, Prop Co Lux procède à une réévaluation des parts de SCI à l'actif de son bilan. Le même jour, Hold Co France décide la dissolution sans liquidation de Prop Co Lux et reçoit les titres de SCI à leur valeur réévaluée. Le profit résultant de la réévaluation des parts de SCI n'a pas été imposé en France du fait des dispositions applicables à l'époque de la Convention fiscale entre la France et le Luxembourg (N° Lexbase : L6716BH9). A l'issue de cette opération, Hold Co Lux détient 100 % des parts de Hold Co France qui détient les parts de la SCI propriétaire de l'immeuble situé en France.

Etape 3 : le 30 mars 2006, la SCI a réévalué les immeubles à l'actif de son bilan. Le profit résultant de cette réévaluation a été compris dans le résultat imposable de Hold Co France du fait du régime de transparence fiscale de la SCI.

Etape 4 : le 31 mars 2006, Hold Co France a décidé la dissolution sans liquidation de la SCI Hold Co France, a déterminé le résultat fiscal de l'annulation des parts de SCI en calculant leur valeur fiscale d'après leur valeur comptable à l'actif de son bilan augmentée du profit de réévaluation (étape 3), et dégagea ainsi une perte fiscale égale à la différence entre l'actif net reçu de la SCI dissoute et la valeur fiscale des titres de cette SCI (mécanisme "Quéméner"). Dès lors que la valeur comptable des titres de SCI était une valeur réévaluée, la perte fiscale était égale au profit de réévaluation des actifs de la SCI de sorte que le résultat fiscal cumulé des étapes 2 et 3 était nul.

A l'issue de ces opérations, Hold Co Lux détient 100 % des parts de Hold Co France qui détient directement l'immeuble situé en France pour une valeur réévaluée.

Tant le tribunal administratif de Paris (3) que la cour administrative d'appel de Paris (4), avaient considéré que le fait que la plus-value de réévaluation des parts de SCI n'avait pas été imposée ne faisait pas obstacle à l'application du mécanisme "Quéméner". Ainsi, en première instance et en appel, il a été confirmé que le résultat fiscal de l'annulation des titres de la SCI devait bien être calculé en retenant une valeur fiscale des parts de la SCI tenant compte du résultat de réévaluation transféré à Hold Co France lors de la réévaluation de ses actifs par la SCI.

Le Conseil d'Etat, infirmant la position prise par la cour administrative d'appel de Paris, a jugé, dans sa décision du 6 juillet 2016, que le mécanisme "Quéméner" ne pouvait être appliqué au cas d'espèce dans la mesure où Hold Co France n'avait pas subi une double imposition de la même plus-value, à savoir la plus-value sur les parts de SCI, et celle sur les immeubles détenus par la SCI.

Cette décision est motivée par l'absence d'imposition du profit de réévaluation des parts de SCI (étape 2). Une autre raison non exprimée dans les considérants peut être que la restructuration en question avait été entreprise peu de temps avant la signature de l'avenant du 24 novembre 2006 à la Convention fiscale franco-luxembourgeoise, entré en application à compter du 1er janvier 2008.

Lexbase : Quelles suites peut-on donner à cette décision ?

Christine Daric : Cette décision crée une certaine confusion dans la mesure où l'on ne voit pas très bien quelle différence il y a pour l'application du mécanisme "Quéméner" entre une société qui a acquis les titres d'une SCI auprès d'un tiers et celle qui les a reçus dans le cadre d'une fusion ou opération assimilée, quand bien même les titres reçus l'auraient été à leur valeur vénale. Au surplus, au cas particulier, tout laisse penser que les actions de Prop Co Lux avaient été acquises à un prix de marché.

Compte tenu de l'existence du rescrit postérieur aux faits de l'arrêt du 6 juillet 2016 qui est à ce jour maintenu dans la doctrine opposable de l'administration, de l'arrêt de 2015 ci-dessus précité et des circonstances particulières de l'espèce, nous ne pensons pas que cette décision, à elle-seule, remette en cause l'application du mécanisme "Quéméner" en cas d'acquisition des titres d'une société fiscalement transparente. En revanche, le mécanisme "Quéméner" ne trouve plus à s'appliquer sur la base de cette jurisprudence dans la situation où les titres de la société transparente ont été reçus dans le cadre d'une opération de fusion ou assimilée à une valeur réévaluée et où la réévaluation de ces titres s'est faite en franchise d'impôt. Si cela devait être confirmé, il s'agirait d'un regrettable pas en arrière dans la construction jurisprudentielle du mécanisme "Quéméner".

En conclusion, même si des solutions alternatives se dessinent pour sécuriser l'absence de décote pour fiscalité latente en cas de cession portant sur des parts de société de personnes détenant un actif immobilier, il serait souhaitable que l'administration fiscale maintienne son rescrit dans sa doctrine opposable et que la cour administrative d'appel qui doit se prononcer au fond sur renvoi du Conseil d'Etat reconnaisse que la double imposition est caractérisée dans les circonstances de l'arrêt du 6 juillet 2016.

Lexbase : Selon vous, fallait-il légiférer cette création prétorienne ? Quelles seraient les améliorations à apporter à ce mécanisme ?

Christine Daric : Une tentative avortée de légalisation de la jurisprudence "Quéméner" a déjà eu lieu dans le cadre de l'article 12 du projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui avait vocation à réformer de manière profonde le régime fiscal des sociétés de personnes (SCI/SNC/GIE...). Une telle légalisation aurait probablement permis d'éviter que la jurisprudence fluctue au gré des circonstances de l'espèce au détriment de la sécurité juridique mais si elle intervenait, elle devrait, selon nous, nécessairement s'inscrire comme il était prévu en 2010 dans le cadre d'une refonte du régime des sociétés de personnes.


(1) Rescrit du 11 décembre 2007, n° 2007/54 (N° Lexbase : L0843IRN) ; BOI-BIC-PVMV-4030-20, n° 90 (N° Lexbase : X5707ALX).
(2) CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 362025, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0733NNH).
(3) TA Paris, 18 juillet 2012, n° 1105856 et n° 1105857.
(4) CAA Paris, 18 février 2014, n° 12PA03961 (N° Lexbase : A0173MP4) et n° 12PA03962 (N° Lexbase : A1814MGB).

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Libertés publiques

[Doctrine] Le juge administratif, nouveau gardien de la liberté individuelle ? (première partie)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 15 Septembre 2016

C'est au juge judiciaire que le pouvoir constituant de 1958 a décidé de confier la protection de la liberté individuelle. L'article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM) dispose, en ce cens, que : "Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi". Pourquoi avoir reconnu au seul juge judiciaire un tel privilège alors que cette reconnaissance était déjà en contradiction avec la réalité juridique du moment qui ne consacrait pas une incompétence généralisée du juge administratif en la matière ? Les atteintes les plus graves ne résultent-elles pas, en majorité, de décisions directement prises par la puissance publique ? D'abord, cette protection n'avait jusque là jamais été hissée au niveau suprême, aucune des déclarations des droits ni aucun préambule constitutionnel antérieurs, n'avait prévu de garanties aussi solennellement proclamées ni aussi complètes de la liberté individuelle. La tradition issue de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (1) avait seulement conduit jusque là, dans le cadre du Code d'instruction criminelle de 1808, à un certain nombre de dispositions qui, sur le plan de la procédure judiciaire, assuraient une entière garantie du respect des libertés fondamentales (2). Entretenant une foi inébranlable en la Justice, ce que souhaitait alors, avant tout, le constituant de l'époque, c'était de graver, dans le marbre, l'obligation de comparution devant le juge, seul organe habilité à assurer une véritable protection des droits essentiels (3). Cette vision des choses n'était, pourtant, pas celle qui prédominait dans la conception que l'on se faisait, traditionnellement, en France, du rôle du juge.

Certes, ce sont les cours de justice et les parlements provinciaux de l'Ancien Régime qui, en condamnant les abus de la monarchie absolue, avaient concouru, pour la première fois, à l'émergence de droits individuels opposables à tous, même au Roi faisant d'eux les gardiens de la liberté au XVIIème siècle (4). Mais, si la Révolution a été le chantre de la consécration de la liberté individuelle, les révolutionnaires ont, tout de suite, catégoriquement refusé toute médiation des juges dans la sauvegarde des libertés eu égard à leurs abus sous l'Ancien régime (pouvoir d'adresser des remontrances au Roi, refus d'enregistrement des lois, blocage de leur entrée en vigueur,...). Si ce pouvoir d'opposition voire de juge constitutionnel, protecteur des droits fondamentaux (5), serait peut-être apprécié différemment aujourd'hui, il a été à l'origine d'une défiance généralisée envers ces "juges", magistrats membres de la noblesse et défenseurs de leurs privilèges sous l'Ancien Régime (6). C'est dans la loi, expression de la volonté générale, et, à travers elle, le législateur que devait, seulement, se trouver la garantie essentielle des droits et libertés.

D'où vient alors l'origine de l'article 66 de la Constitution ? Cette origine est, comme pourrait la qualifier le professeur Chapus, "lointaine" (7) dans la mesure où elle dérive de la loi Napoléonienne du 8 mars 1810 sur les expropriations pour cause d'utilité publique (8). Pour faire face à l'impopularité logique des mesures d'expropriation, celle-ci a confié au juge judiciaire, alors le plus naturellement porté à protéger les droits privés, la charge de prononcer le transfert du droit de propriété (après vérification de l'observation par l'administration des formalités prescrites) et la tâche d'évaluer et de fixer les indemnités à payer aux ayants droit. Un raisonnement simple va être tenu, par la suite, tenant à faire le lien, au début du XIXème siècle, entre le droit fondamental du droit de propriété et les autres droits fondamentaux comme la liberté individuelle. Si les atteintes portées au droit de propriété provoquent l'intervention de l'autorité judiciaire, il est logique qu'elle intervienne aussi en cas d'obstacles mis à l'exercice des libertés qui sont tout autant important que la propriété immobilière (9).

C'est la jurisprudence, et notamment le tribunal des conflits, qui allait, ensuite, mettre sur un pied d'égalité la propriété privée et la liberté individuelle et en déduire la compétence du juge judiciaire à travers une sorte de coutume jurisprudentielle (10). Le fait que le juge administratif avait cessé de pouvoir être suspecté de ne pas assurer une protection normale des droits et libertés est resté sans conséquence sur l'état du droit. Ce qui prédominait c'était l'idée d'une justice administrative encore trop partiale vis-à-vis du Gouvernement et de l'administration qui ne pouvait valablement assurer la fonction de "juge". La fonction du juge administratif n'étant pas prioritairement de protéger les libertés mais de réguler l'action de l'administration dans son intérêt même, c'est-à-dire dans l'intérêt public. Pourtant, à une époque où les libertés et les droits fondamentaux n'avaient pas encore acquis de valeur constitutionnelle, le juge administratif protégeait et faisait déjà vivre la DDHC du 26 août 1789 (11). Dans tous les domaines de l'action publique, il affirmait la prééminence des libertés en exerçant un entier contrôle de proportionnalité sur les mesures de police administrative (12), en renforçant progressivement l'étendue et le degré de son contrôle en matière de recours pour excès de pouvoir (13), en veillant au respect des principes généraux du droit (14), parfois en allant même directement contredire l'exécutif (15). D'un droit de privilège de l'Etat, qui disposait de sa propre juridiction, l'ordre administratif et le droit public s'étaient déjà transformés ainsi en un outil de soumission de l'Etat au droit.

Le principe de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle continuait, malgré cela, à être illustré et confirmé par différentes solutions législatives. Par exemple, depuis 1957 (16), aux termes de l'article 136 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0943DYL), les tribunaux judiciaires sont "toujours exclusivement compétents" pour statuer dans les "instances civiles" fondées sur des faits constitutifs d'atteinte à la liberté individuelle réprimées par le Code pénal et cela que ces instances soient dirigées contre l'administration ou qu'elles le soient contre ses agents (17). Il en a été de même par le biais de solutions jurisprudentielles dont la plus emblématique est celle relative à la théorie de la voie de fait (18). C'est le Conseil d'Etat, lui-même, auteur de la notion au XIXème siècle (19), qui a accepté de renoncer à un contentieux qui lui revenait normalement de droit à condition qu'il soit seul compétent pour constater et qualifier une voie de fait avant de la renvoyer devant le juge judiciaire. Mais en pratique, le juge judiciaire s'est approprié le pouvoir de constat de façon quasi-exclusive avant, qu'en 1966, le Tribunal des conflits n'intervienne pour établir une compétence partagée en la matière (20). On ne serait revenir sur le caractère plus que controversé de la théorie si bien décrit par le professeur Chapus : "C'est la folle du logis, présente là où on l'attend le moins, et perturbatrice au-delà de l'acceptable, du fait de la difficulté fréquente du diagnostic comme de l'usage aisément abusif qu'en font maints magistrats judiciaires, que le Tribunal des conflits, trop souvent sollicité, ne parvient guère, cependant, à ramener dans le droit chemin" (21).

C'est donc en quelque sorte "par défaut" que l'autorité judiciaire s'est auréolée d'une fonction "naturelle" quasi sacrée de gardienne de la liberté individuelle. Cette fonction étant, en réalité, le fruit de la conjonction historique de plusieurs facteurs juridiques et politiques qui sont directement à l'origine de ce choix qui, en définitive, a fait l'objet de la constitutionnalisation de l'article 66 C. Or, là encore, force est de constater que le recours aux travaux préparatoires laisse planer un doute certain sur l'intention exacte des auteurs de la Constitution. A la simple lecture de l'article, il semble que l'autorité judiciaire ne soit gardienne que de "la" liberté individuelle, celle qui recouvre historiquement la notion d'Habeas Corpus, c'est-à-dire la protection contre l'arrestation et la détention arbitraires telles que mentionnée dans la Magna Carta de 1215, l'Habeas Corpus de 1679 ou par le législateur de la IIIème république qui avait expressément confiné "la" liberté individuelle à la protection contre l'arrestation et la détention arbitraires (22). Certes, d'autres éléments montrent, au contraire, qu'une conception extensive de la compétence de l'autorité judiciaire en matière de protection "des" libertés ait pu être envisagée (23). Mais il ne fait guère de doute que, dans le contexte de 1958 (évènements de la guerre d'Algérie), il y ait eu un choix rédactionnel précis opéré par le Constituant, le Gouvernement ne cherchant pas à étendre le rôle de l'autorité judiciaire au-delà de l'Habeas Corpus (24).

Les facteurs juridiques et politiques qui ont amené à faire de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle sont clairement remis en cause aujourd'hui. C'est le contexte d'exception actuel et les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, faisant du juge administratif le principal garant de la légalité des mesures attentatoires à la liberté individuelle, qui ont mis en lumière cet état de fait (25). Mais son origine est bien plus lointaine et réside dans l'élargissement des pouvoirs du juge administratif et la mise en place de contrôles et de procédures plus performants. Si on pouvait, fut un temps et de manière pertinente, souligner la réalité des pouvoirs juridictionnels plus importants du juge judiciaire par rapport au juge administratif pour sanctionner et, surtout, prévenir une atteinte à un droit protégé, ce constat se référait, pour l'essentiel, à des pouvoirs et outils juridictionnels (référé, pouvoir d'injonction...) dont le juge administratif est désormais investi. Beaucoup d'éléments permettent aujourd'hui un rééquilibrage de la fonction de gardien de la liberté individuelle voire, plus largement des libertés vers le juge administratif montrant l'égale vocation de ce dernier à garantir les libertés fondamentales, égale vocation qui a toujours existé et qui, depuis longtemps, guide son office (I). Ce rééquilibrage a notamment été permis par le développement conséquent de certains pouvoirs lui permettant d'assurer, au même titre que le juge judiciaire, une protection effective des droits et libertés (II).

I - Des éléments qui permettent un rééquilibrage de la fonction vers le juge administratif

On a vu que les textes législatifs récents avaient quelque peu marginalisé la compétence du juge judiciaire en matière de défense des libertés en inscrivant les mesures attentatoires dans une logique de police administrative ayant comme conséquence la compétence du juge administratif dans leur contrôle. C'est d'abord le Conseil constitutionnel qui, en restreignant le champ d'application de l'article 66, a permis cette évolution des choses (A). A cela, il faut ajouter des remises en causes postérieures, à la fois législatives et jurisprudentielles, de la compétence même du juge judiciaire en la matière (B).

A - La restriction du champ d'application de l'article 66 par le Conseil constitutionnel

Contrairement au choix rédactionnel précis effectué par le constituant de l'article 66 de la Constitution mais conformément à la loi du 3 juin 1958 (N° Lexbase : L6838BUS) et à sa conception plurielle des libertés, le Conseil constitutionnel est longtemps resté fidèle à une interprétation large de la compétence du juge judiciaire. Jusque là délaissé, l'article 66 fit l'objet d'une première réactivation par le biais d'une décision du 12 janvier 1977 dite "fouille des véhicules" (26), le Conseil constitutionnel incluant la protection de la vie privée dans la liberté individuelle. Il en fit de même, par la suite, pour la liberté d'aller et venir (27), tout comme pour la question de l'inviolabilité du domicile (28). Dès la fin des années 1980, le Tribunal des conflits et le Conseil d'Etat vont prendre leurs distances par rapport à cette conception extensive tant de l'application de l'article 66 que de la notion même de liberté individuelle qui s'éloignait de la lettre même du texte constitutionnel. C'est en 1986 que le Tribunal des conflits va détacher la liberté d'aller et venir de l'article 66 pour la rapporter à la DDHC (29). Il sera suivi en cela par le Conseil d'Etat, en 1987, qui jugera, à son tour, que "la liberté fondamentale d'aller et venir" constitue un droit reconnu par la DDHC et non par l'article 66 (30). Les deux juridictions renouaient ainsi avec une interprétation de l'article 66 comme un Habeas Corpus portant non sur l'ensemble des libertés individuelles mais sur la seule liberté de ne pas être détenu arbitrairement.

Cela n'a pas empêché les magistrats de la Cour de cassation, dans le sillage du Conseil constitutionnel, de continuer à considérer que le secret des correspondances relevait lui aussi de la liberté individuelle. Ainsi, en matière d'écoutes téléphoniques (judiciaires en l'espèce), un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation de 1989 établissait, pour la première fois, un lien entre l'article 66, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances (31). Le Conseil constitutionnel maintiendra lui aussi sa jurisprudence en confirmant le rattachement à la liberté individuelle de la liberté d'aller et venir, de la liberté de mariage et de la sûreté personnelle (32), du respect de la vie privée (33) et, enfin, de l'inviolabilité du domicile (34). C'est seulement à partir de 1998 qu'il renoua avec l'esprit du constituant de 1958 en rattachant explicitement le droit au respect de la vie privée à la "liberté personnelle" garantie à l'article 2 de la DDHC (N° Lexbase : L1366A9H) (35), combiné ensuite avec l'article 4 de cette même DDHC (N° Lexbase : L1368A9K) (36). Il fit ensuite de même pour la liberté d'aller et de venir (37), l'inviolabilité du domicile privé (38), le secret des correspondances (39) et la liberté du mariage (40). Le Conseil constitutionnel indiquant même, dans le commentaire de l'une de ses décisions, avoir ainsi "stabilisé" sa jurisprudence autour d'une définition plus étroite de la liberté individuelle, en ne se référant à l'article 66 de la Constitution que dans le domaine des privations de liberté (garde à vue, détention, rétention, hospitalisation sans consentement) (41).

La consécration de la notion de "liberté personnelle" afin de définir toutes les libertés qui ne relèvent pas de l'article 66 se retrouve également dans la jurisprudence du Conseil d'Etat (42). Si la notion fut d'abord malaisée à appréhender, elle a eu le mérite de clarifier la compétence respective des deux juges dans le contrôle de la mise en oeuvre des mesures de police administrative, un contrôle systématique du juge judiciaire apparaissant excessif en la matière. Dans ces décisions les plus récentes, notamment celles relatives aux lois "renseignement" (43) et "état d'urgence" (44), le juge constitutionnel a confirmé cette évolution, la compétence de juge judiciaire ne cessant ainsi de s'effriter, y compris pour des mesures aussi graves que des perquisitions ou des assignations à résidence. Le Conseil constitutionnel allant même jusqu'à préciser, dans la décision "état d'urgence", que la privation de liberté ne constitue une atteinte à la liberté individuelle qu'à partir de la treizième heure, ce qui a pour effet de ne pas soumettre au contrôle de l'autorité judiciaire l'astreinte à domicile ne dépassant pas douze heures dans le cadre d'une assignation à résidence (45). En plaçant le juge administratif au centre du système de contrôle de mesures de police prises dans le cadre de l'état d'urgence, le législateur n'a, cependant, rien révolutionné, il s'inscrit bien dans la distinction classique entre police administrative et police judiciaire, entre prévention et répression, tout en se conformant à la théorie du privilège du préalable interdisant le contrôle a priori de l'administration.

C'est la finalité d'une opération de police, selon qu'elle est préventive ou répressive, qui permet de déterminer l'ordre de juridiction compétent et, en cas d'opération mixte, administrative et judiciaire, c'est l'objet principal et le but essentiel de l'opération qui est pris en compte. Le juge administratif ne saurait ainsi connaître des mesures qui ont pour objet de constater une infraction pénale déterminée, d'en rassembler les preuves ou d'en rechercher les auteurs (46). C'est dans ses limites que, selon le Conseil constitutionnel, le juge administratif a pu contrôler des mesures de réquisition (47) ou de recueil de renseignement (48). Il en a été de même à l'occasion de trois questions prioritaires de constitutionnalité transmises par le Conseil d'Etat concernant des mesures de police prises au titre de l'état d'urgence à savoir des mesures d'assignations à résidence (49), de fermetures de lieu de réunion (50) ou de perquisition (51).

B - Des remises en cause législatives et jurisprudentielles de la compétence du juge judiciaire

Il y a aujourd'hui une approche générale tendant à ne plus se tourner vers le juge judiciaire pour défendre les droits et libertés que ce soit à travers l'action du législateur ou que ce soit à travers l'action du juge. La tendance législative est ainsi de se tourner davantage vers des autorités administratives indépendantes ou réputées telles pour défendre les libertés. Leur apparition sur la scène juridique, il y a une trentaine d'années (52), a opéré une rupture dans la tradition administrative française, fondée sur le principe hiérarchique et la dépendance de l'administration vis-à-vis de l'autorité politique et, parmi les justifications essentielles qui ont pu être avancées pour leur création, figure le souci "d'offrir à l'opinion une garantie d'impartialité renforcée des interventions de l'Etat" (53). Autrement dit, la mise en place de ces autorités a souvent répondu au besoin de protéger les libertés dans une perspective où l'intervention de l'Etat est à la fois redoutée et recherchée par des méthodes non conventionnelles.

Au fil des ans, ces autorités ont proliféré, sans ligne directrice ni plan d'ensemble et, par un étonnant retournement de situation, ce qui avait pu apparaître comme une anomalie dans notre dispositif institutionnel est devenue une sorte de remède universel contre tous les maux, capable de résoudre tous les problèmes et ralliant (presque) tous les suffrages. Réponses ponctuelles à des difficultés momentanées ou comme autant de solutions miracles à des dysfonctionnements structurels, certaines de ses autorités sont nées au hasard de l'actualité et des intentions du Gouvernement. A un problème donné, jugé généralement sensible par le Gouvernement, on répond par une autorité administrative indépendante chargée de gérer cette situation. Plusieurs autorités sont nées à la suite d'un scandale politique auquel le Gouvernement souhaitait apporter une réponse législative (54). Leur champ d'intervention n'a cessé de s'étendre provoquant de multiples désordres et si, à plusieurs reprises dans leur brève histoire, des mises en garde ont été formulées à ce sujet (55), on peut dire aujourd'hui que tous les secteurs de l'action publique sont concernés, y compris ceux qui correspondent à des prérogatives régaliennes de l'Etat classique (56). Par ondes successives, les AAI ont gagné de nouveaux territoires que l'on pouvait penser inaccessibles (57).

Au-delà de la perturbation des équilibres institutionnels (58), les autorités administratives indépendantes ont aussi et surtout été envisagées comme des substituts au juge. Si, dans un premier temps, le Conseil constitutionnel s'est refusé à voir ces autorités comme des juridictions (59), fidèle en cela au rattachement qu'il faisait de ces autorités à l'exercice du pouvoir exécutif, il s'est, par la suite, rallié aux exigences de la jurisprudence européenne. Prenant acte de la coloration juridictionnelle qui entoure une partie de leurs décisions, le juge constitutionnel s'est résolu à imposer une stricte séparation entre l'autorité de poursuite et la formation de jugement au sein de l'autorité administrative indépendante lorsqu'elle inflige une sanction administrative (60). Jugé plus efficace et rapide que la répression pénale devant l'autorité judiciaire, le recours aux sanctions administratives confiées à des autorités indépendantes du Gouvernement a prospéré. Ce mouvement devrait encore aller plus loin dans la mesure où, jusqu'à présent, il faisait coexister action pénale et sanction administrative, ce qui n'est plus le cas grâce à une décision récente du Conseil constitutionnel interdisant de réprimer par une sanction pénale et une sanction administratives distinctes le même comportement (61). Cette substitution de sanctions administratives à des sanctions pénales a pour effet de transférer des pans du contentieux de l'autorité judiciaire vers la juridiction administrative, juge naturel de l'excès de pouvoir dans l'exercice des prérogatives de puissance publique.

On retrouve la même tendance à travers l'activité juridictionnelle classique notamment en ce qui concerne la mise en application, par les juges, du nouvel équilibre dans la théorie de la voie de fait. C'est d'abord le Conseil d'Etat qui, profitant de règles plus souples en matière de référé dans la répartition des compétences entre les deux ordres, a entrepris d'agir sur des situations relevant normalement de la voie de fait et de la compétence du juge judiciaire. Il s'est ainsi déclaré officiellement compétent à faire cesser les situations de voie de fait d'abord par la voie du référé conservatoire (62) puis à travers la procédure du référé liberté (63). C'est le Tribunal des conflits, ensuite, en 2013 (64), qui a redéfini les contours de la voie de fait dans un sens plus strict en limitant l'application de la théorie à l'atteinte à la liberté individuelle, l'atteinte au droit de propriété devant être tellement grave qu'elle entraîne ipso facto l'extinction de la théorie dans ce cadre. La Cour de cassation a rapidement tiré toutes les conséquences du changement de perspective et de la compétence conséquente limitée du juge judiciaire en la matière (65). A la suite de son arrêt "Bergoend", le Tribunal des conflits est également revenu sur la distinction classique existante en matière d'emprise irrégulière, puisque, désormais, que ce soit en cas d'emprise régulière ou irrégulière le juge administratif sera compétent pour faire cesser et réparer l'atteinte (66). Seuls seront de la compétence du juge judiciaire les cas où l'atteinte ira jusqu'à entraîner l'extinction du droit de propriété, qui sont donc uniquement les cas constitutifs de voie de fait (67).

Enfin, en matière de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière et faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, le juge administratif, en prenant le contre pied du tribunal des conflits, a consacré une compétence parallèle des deux ordres de juridiction. Il était classiquement admis que le juge administratif était compétent pour statuer, par le biais d'une procédure spéciale dans un délai de 72 heures (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 512-1 III N° Lexbase : L7203IQT), sur la légalité de la mesure d'éloignement et du placement en rétention, le juge judiciaire (en l'espèce le juge de la liberté et de la détention) étant, lui, compétent pour la prolongation de la rétention. Mais le Tribunal des conflits a pu estimer que, si les circonstances de fait ou de droit le justifiaient, le juge judiciaire pouvait mettre fin à tout moment à la rétention (68). Le Conseil d'Etat a alors jugé qu'il en appartenait de même au juge administratif dans le cadre de la procédure de référé en cas d'atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté personnelle de l'intéressé (69).

La répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire a été profondément renouvelée dans la fonction de gardien des libertés mais elle n'a été possible que parce que le juge administratif a su adapter son office pour le rendre plus effectif dans la protection des libertés.


(1) Voir les articles 7 (N° Lexbase : L1371A9N) ("Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites [...]") et 9 de la DDHC (N° Lexbase : L1373A9Q) ("Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi").
(2) Le mandat de comparution, le mandat d'amener, le mandat d'arrêt, l'exécution des jugements sont aménagés de façon à assurer les garanties les plus sérieuses de la liberté individuelle.
(3) Voir, en ce sens, D. Salles, Michel Debré et la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire, Cahiers du CC, 2009, août, n° 26.
(4) Cf. par ex. : P.-P.-N. Henrion De Pansey, De l'autorité judiciaire en France, Paris, Librairie Théophile Barois Père, 1818 ; J.-L. Lafon, La révolution française face au système judiciaire d'Ancien-Régime, Genève, Paris, Librairie Droz, 2001 ; F. Oliver-Martin, L'absolutisme français et les parlements contre l'absolutisme traditionnel au XVIIIème siècle, Paris, LGDJ, 1997 ; J. Poumarede et J. Thomas, Les Parlements de province : pouvoirs, justice et société du XVème au XVIIIème siècle, Toulouse, Framespas, 1996 ; F. Saint-Bonnet et Y. Sassier, Histoire des institutions avant 1789, LGDJ-Domat "Droit public", 5ème éd., 2015.
(5) Cf., par ex., F. Saint-Bonnet, Un droit constitutionnel avant le droit constitutionnel ?, Droits 2000, n° 32, p. 7 ; Le parlement, juge constitutionnel (XVIe-XVIIIe), Droits, 2001, n° 34, p. 177 ; Le pouvoir normatif des anciens juges. Le contrôle juridictionnel a priori des lois du roi, Cahiers du CC, 2009, n° 24, p. 86 ; Le contrôle a posteriori : les Parlements de l'Ancien Régime et la neutralisation de la loi, Cahiers du CC, 2010, n° 28, p. 23 ; Le "constitutionnalisme" des parlementaires et la justice politique ; Les équivoques des "lits de justice" du XVIIIe siècle, Revue Parlement[s], Revue d'histoire politique 2011, n° 15, n° spécial, Parlements et parlementaires de France au XVIIIème siècle, p. 16.
(6) Les révolutionnaires vont notamment le rappeler par l'article 13 des lois des 16 et 24 août 1790  ("Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions") et le décret du 16 fructidor an III (2 septembre 1795) ("défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit"). Les textes normatifs du début de la Révolution concernent les juges et tribunaux dans leur ensemble mais ils s'appliquent, de fait, aux magistrats judiciaires.
(7) R. Chapus, Droit administratif général, Tome 1er, 14ème éd., 2000, p. 839, n° 1078.
(8) Cf. par ex., le dossier sur le bicentenaire de la loi de 1810 sur l'expropriation organisé par l'Association française pour la recherche en droit administratif à Tours, JCP éd. A, 2011, n°s 2069 à 2078.
(9) Cf. en ce sens : R. Chapus, Droit administratif général, n° 1078, préc. et R. Desgorces, Les armes du juge judiciaire dans la protection des libertés fondamentales : le point de vue de la doctrine ; G. Eveillard (dir.), La guerre des juges aura-t-elle lieu ? Analyse comparée des offices du juge administratif et du juge judiciaire dans la protection des libertés fondamentales, 2016, Revue generale du droit (en ligne)
(10) Cf. T. conf., 8 avril 1935, n° 00822 (N° Lexbase : A8174BD4), Rec. CE, p. 1226, D.P., 1935, 3, p. 25, concl. D. Josse, note M. Waline où : "L'autorité judiciaire doit être compétente et doit assurer la protection des administrés contre les agissements les plus graves, les abus les plus inadmissibles envers les libertés susceptibles d'être commis par la puissance publique" ; T. conf., 4 juin 1940, Société Schneider et Compagnie, Rec. CE, p. 248 : "la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire" ; T. conf., 18 décembre 1947, Hilaire et Dame Cortesi, Rec. CE, p. 516, D. 1948, p. 62 note M. Fréjaville, JCP 1948, n° 4087, note G. Vedel : "La sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de la propriété privée rentrent essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire".
(11) Le Conseil d'Etat a été beaucoup plus prompt que le Conseil constitutionnel à reconnaître la valeur juridique du préambule de la Constitution le faisant déjà sous la IVème République (CE, Ass., 7 juillet 1950, n° 01645 N° Lexbase : A5106B7A), Rec. CE, p. 426, D., 1950, p. 538, note Gervais, JCP 1950, II, 5681, concl. Gazier, RDP 1950, p. 691, concl. Gazier, note Waline, RA, 1950, p. 366, concl. Gazier, S., 1950, III, p.109, note J.D.V. La Déclaration de 1789 (déjà part du Préambule de la Constitution de 1946) a été directement appliquée par le Conseil d'Etat dès juin 1957 dans l'arrêt "Condamine" (CE, 7 juin 1957, Condamine, RDP 1958, p. 98, note M. Waline), dans lequel il applique directement ses articles 9 et 10. Cette jurisprudence deviendra constante dès la Vème République, avec notamment l'arrêt "Société Eky" (CE, Sect., 12 février 1960, n° 46922), dans lequel le Conseil d'Etat applique directement l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P), Rec., p.101, S., 1960, III, p. 131, concl. Kahn, D. 1960, jurispr. p. 263, note L'Huillier, JCP 1960, n° 11629, note G. Vedel.
(12) CE, Ass., 19 mai 1933, n° 17413, 17520 (N° Lexbase : A3106B8K), Rec. CE, p. 541, S. 1934, I, concl. Michel, note Mestre, D. 1933, III, p.354, concl. Michel.
(13) CE, 4 avril 1914, n° 55125 (N° Lexbase : A2800B7T), Rec. CE, p. 488, S., 1917, III, p. 25, note Hauriou, qui précise la notion de qualification juridique des faits, ou CE, 14 janvier 1916, Camino, req. n° 59619, 59679 (N° Lexbase : A9867B7L), Rec. CE, p. 15, RDP, 1917, p. 463, concl. Corneille, note G. Jèze, S., 1922, III, p.10, concl. Corneille, qui précise la notion d'erreur de fait.
(14) CE, Ass., 5 mai 1944, n° 69751 (N° Lexbase : A3591B77), Rec. CE, p.133, D.,1945, p.110, concl. Chenot, note de Soto, RDP, 1944, p. 256, concl. Chenot, note G. Jèze ; CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu et autres, Rec. CE, p. 213, D., 1946, p. 158, note Morange, EDCE, 1947, n° 1, p.48, concl. Odent, S., 1946, III, p.1, concl. Odent.
(15) A propos de l'application de l'article 16 de la Constitution (N° Lexbase : L0842AHN) et des pouvoirs de crise du Gouvernement : CE, Ass., 19 octobre 1962, n° 58502 (N° Lexbase : A3284B87), Rec. CE, p. 552, JCP éd. G, 1963, II, n° 13068, note C. Debbasch, AJDA, 1962, p. 612, chron. A. de Laubadère, RA, 1962, p. 623, note G. Liet-Veaux Canal.
(16) Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957, portant institution d'un Code de procédure pénale (JO, 8 janvier 1958, p. 258).
(17) La précision a été rajoutée car elle ne figurait pas dans l'ancien article 112 du Code d'instruction criminelle et le tribunal des conflits avait jugé que l'article ne pouvait donner compétence au juge judiciaire qu'à l'égard des actions exercées contre les agents publics auteurs de la mesure attentatoire : T. conf., 27 mars 1952, n° 01339 (N° Lexbase : A8474BD9), Rec. CE, p. 626, D., 1954, p. 291, note C. Eisenmann, RA, 1952, p. 268, note G. Liet-Veaux, RDP, 1952, p. 757, note M. Waline, S. 1952.3.81, note M. Gravitz.
(18) Qui veut, on le rappelle brièvement, que lorsque l'administration porte gravement atteinte aux propriétés privées et aux libertés, les particuliers disposent normalement d'un recours en annulation et en indemnité devant le juge administratif. Au-delà d'un certain degré dans l'irrégularité commise par l'administration, l'agissement en cause perd son caractère administratif et c'est au juge judiciaire d'assurer la protection de la victime.
(19) CE, 21 sept. 1827, Rousseau, Rec. CE, p. 504, la théorie ayant été systématisé par la décision T. conf., 8 avril 1935, précitée, qui fixe les conditions de la voie de fait.
(20) T. conf., 27 juin 1966, n° 1889 (N° Lexbase : A8485BDM), Rec. CE, p. 830, JCP, 1967, II, n° 15135 (N° Lexbase : A7789AIC), concl. R. Lindon, AJDA, 1966, p. 547, note A. de Laubadère, D., 1968, p. 7, note J.-C. Douence.
(21) R. Chapus, Droit administratif général, précité, n° 1087.
(22) Loi du 7 février 1933, dite "loi sur les garanties de la liberté individuelle", qui modifie ou abroge certains articles du Code d'instruction criminelle de 1808 et du Code pénal de 1804.
(23) Cf. B. Louvel, premier président de la Cour de cassation in L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ou des libertés individuelle ? Réflexion à l'occasion de la rencontre annuelle des premiers présidents de cour d'appel et de la Cour de cassation (online), qui évoque notamment la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui expose le principe que "l'autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d'assurer le respect des libertés essentielles telles qu'elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il se réfère".
(24) Voir, en ce sens, par ex., C. Tukov, L'autorité judiciaire, gardienne exclusive de la liberté individuelle ?, AJDA, 2016, p. 936, D. Maus, Habeas Corpus, liberté individuelle et contrôle du juge : quel juge ?, D. 2016, p. 671, J.-M. Sauvé, Quel juge pour les libertés ?, D., 2016, p. 936.
(25) Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L8220I49) (JO, 14 novembre 2014, p.19162). Loi n° 2015-912, relative au renseignement (N° Lexbase : L9309KBE) (JO, 26 juillet 2015, p. 12735). Décrets n°s 2015-1475 (N° Lexbase : L2935KQR), 2015-1476 (N° Lexbase : L2933KQP), 2015-1478 (N° Lexbase : L3007KQG) du 14 novembre 2015 (JO, 14 novembre 2015, p. 21297) portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (N° Lexbase : L6821KQP), et toutes lois prorogeant l'état d'urgence : lois n°s 2015-1501 du 20 novembre 2015 (N° Lexbase : L2849KRX) (JO, 21 novembre 2015, p. 21665), 2016-162 du 19 février 2016 (N° Lexbase : L2731KZ8) (JO, 20 février 2016, n° 5), 2016-629 du 20 mai 2016 (N° Lexbase : L2079K8I) (JO, 21 mai 2016, n° 1), 2016-987 du 21 juillet 2016 (N° Lexbase : L4410K99) (JO, 22 juillet 2016, n° 2), 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87) (JO, 4 juin 2016, n°1).
(26) Cons. Const., décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977 (N° Lexbase : A7954ACL), dite "fouille des véhicules", Rec. CC, p. 33.
(27) Cons. Const., décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (N° Lexbase : A8010ACN), Rec. CC, p. 29.
(28) Cons. Const., décision n° 83-164 DC du 9 décembre 1983 (N° Lexbase : A8074ACZ), Rec. CC, p. 67.
(29) T. conf., 9 juin 1986, n° 2434 (N° Lexbase : A8195BDU), Rec. CE, p. 301.
(30) CE, Ass., 8 avril 1987, n° 55895 (N° Lexbase : A3303APZ), Rec. CE, p. 128, concl. J. Massot, AJDA, 1987, p. 327, chron. M. Azibert et M. de Boisdeffre, RFDA, 1987, p. 608, note B. Pacteau, RA, 1987, p. 327, note P. Terneyre.
(31) Cass., crim., 24 novembre 1989, n° 89-84.439, publié au Bulletin (N° Lexbase : A8884CIU), Bull. Crim., 1989, n° 440, p. 1073. Voir, notamment, P. Kayser et T. Renoux, La Cour de cassation et l'article 66 de la Constitution : à propos de l'arrêt de l'assemblée plénière du 24 novembre 1989 sur les écoutes téléphoniques, RFDC, 1990, n° 1, p. 141.
(32) Cons. const., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 (N° Lexbase : A8285ACT), Rec. CC, p. 224, considérant n° 7, pour la liberté de mariage et considérant n° 113 pour la sûreté personnelle.
(33) Cons. const., décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 (N° Lexbase : A8320AC7), Rec. CC, p. 170, considérant n° 3.
(34) Cons. const., décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (N° Lexbase : A8441ACM), Rec. CC, p. 45.
(35) Cons. const., décision  n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 (N° Lexbase : A8751AC4), Rec. CC, p. 326, considérants n°s 60 à 62 ; Cons. const., décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 (N° Lexbase : A8782ACA), Rec. CC, p. 100 considérant n° 45 ; Cons. const., décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 (N° Lexbase : A8783ACB), Rec. CC, p. 116 considérant n° 73 ; Cons. const., décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 (N° Lexbase : A8785ACD), Rec. CC, p. 143, considérant n° 52.
(36) Cons. const., décision n° 2003-467 du 13 mars 2003 (N° Lexbase : A4715A7R), Rec. CC, p. 211, considérant n° 8.
(37) Ibid.
(38) Cons. const., décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (N° Lexbase : A3770DBA), Rec. CC, p. 66, considérant n° 4.
(39) Ibid.
(40) Cons. const., décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011 (N° Lexbase : A7409GQH), Rec. CC, p. 87, considérant n° 6.
(41) Commentaire du Conseil constitutionnel de sa décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013 (N° Lexbase : A4036KQK), Rec. CC, p. 1053, p. 7 du commentaire.
(42) CE, 29 mai 2013, n° 364839 (N° Lexbase : A3747KEI).
(43) Cons. const., décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : A9642NM3), JO, 26 juillet 2015, p.12751.
(44) Cons. const., décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 (N° Lexbase : A9511NZB), JO, 26 décembre 2015, p. 24084.
(45) Ibid., considérant n° 6.
(46) Cons. const., décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 (N° Lexbase : A2186G9T), Rec. CC, p. 122, considérant n° 59.
(47) Cons. const., décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006 (N° Lexbase : A3803DMS), Rec. CC, p. 31, considérant n° 5.
(48) Cons. const., décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, préc., considérant n° 9.
(49) Cons. const., décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7974QDP), JO, 4 mars 2016, n° 121, considérant n° 9.
(50) Cons. const., décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, préc., considérant n° 5.
(51) Cons. const., décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 (N° Lexbase : A9138PLZ), JO, 21 février 2016, n° 26, considérant n° 8.
(52) Instauration de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS) (JO, 7 janvier 1978, p.227).
(53) Conseil d'Etat, Etude sur les Autorités administratives indépendantes, EDCE, 2001, n° 52, p. 275.
(54) Il suffit de songer à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité en 1991 sur fond de scandale des écoutes de l'Elysée ou encore à la mise en place, en 1990, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans le contexte des procès sur le financement illégal des partis politiques. Plus récemment, il est notoirement connu que les débats parlementaires autour de la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en 2013 ont eu lieu sous l'influence de l'affaire "Cahuzac".
(55) Rapport n° 126 de Jacques Mézard sur Le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, déposé le 28 octobre 2015.
(56) Les droits des administrés font l'objet d'une attention particulière, qu'il s'agisse de leur domaine traditionnel d'élection (respect de la vie privée, transparence administrative) ou de nouveaux secteurs où une protection s'impose : sûreté et sécurité, évaluation et expertise, respect et sauvegarde des personnes vulnérables....
(57) C'est le champ de la régulation de l'économie de marché qui représente sans doute la manifestation la plus spectaculaire de cette nouvelle manière d'être de la puissance publique, la régulation traduit le souci d'organiser la liberté économique sur des segments d'activité récemment ouverts à la concurrence, tout en s'assurant que les exigences du service public ou d'autres impératifs d'intérêt général ne sont pas négligés : Autorité des marchés financiers (AMF), Autorité de la concurrence, Commission de régulation de l'énergie (CRE), Autorité de régulation des communications électroniques et postales (ARCEP) en sont les archétypes.
(58) Si certaines autorités administratives indépendantes exercent des missions particulièrement spécialisées qui, de ce fait, les font ignorer de l'opinion publique, d'autres ont acquis au fil du temps une visibilité et une influence indéniables dans le débat public (Autorité de la concurrence, Conseil supérieur de l'audiovisuel, Commission nationale de l'informatique et des libertés, Autorité des marchés financiers, Défenseur des droits...).
(59) Cons. const., décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990 (N° Lexbase : A8223ACK), Rec. CC, p. 21.
(60) A propos de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes : Cons. const., décision n° 2013-331 QPC, 5 juillet 2013 (N° Lexbase : A3984KIE), Rec. CC, p. 876.
(61) A propos de l'Autorité des marchés financiers : Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015 (N° Lexbase : A7983NDZ), JO, 20 mars 2015, p. 5183.
(62) CE, 12 mai 2010, n° 333565 (N° Lexbase : A1893EXE), Rec. CE, tables, p. 904.
(63) CE référé, 23 janvier 2013, n° 365262 (N° Lexbase : A9100I3G), Rec. CE, p. 6, AJDA, 2013, p. 788, chron. A. Bretonneau et X. Domino, DA, 2013, n° 24, note S. Gilbert, JCP éd. A, 2013, n° 2047, note H. Pauliat, n° 2048, note O. Le Bot, RFDA, 2013, p. 299, note P. Delvolvé.
(64) T. conf., 17 juin 2013, n° 3911 (N° Lexbase : A2154KHA), Rec. CE, p. 370, AJDA, 2013, p. 1568, chron. X. Domino et A. Bretonneau, JCP éd. A, 2013, n° 1057, obs. S. Biagini-Girard et n° 2301, obs C.-A. Dubreuil, RJEP, 2013, oct., p. 38, note B. Seiller. obs. Ch.-A. Dubreuil, DA, 2013, comm. n° 86, obs. S. Gilbert.
(65) Cass. civ. 1, 13 mai 2014, n° 12-28.248, F-P+B+I (N° Lexbase : A0459MLL), JCP éd. G, 2014, n° 1129, chron. H. Pétrinet-Marquet ; Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-27.484, F-P+B (N° Lexbase : A6490MYZ) ; Cass. civ. 1, 11 mars 2015, n° 13-24.133, FS-P+B (N° Lexbase : A3188NDG), D., 2015, note N. Reboul-Maupin.
(66) T. conf., 9 décembre 2013, n° 3931 (N° Lexbase : A2513KTA), AJDA, 2013, p. 2519, chron. A. Bretonneau et J. Lessi, RFDA, 2014, p. 61, note P. Delvolvé, RDI, 2014, p. 171, note N. Foulquier.
(67) Par dérogation au principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, lorsque l'emprise était régulière le juge administratif était compétent, alors qu'en cas d'emprise irrégulière c'est le juge judiciaire, en tant que gardien de la propriété, qui voyait ce contentieux lui revenir.
(68) T. conf., 9 février 2015, n° 3986 (N° Lexbase : A2979NBX), Rec. CE, p. 309.
(69) CE, 11 juin 2015, n° 390704 (N° Lexbase : A9048NKC), AJDA, 2015, p. 2042, note L. Fermaud.

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Pénal

[Brèves] Le délit d'atteinte sexuelle, même aggravé, implique un contact corporel entre l'auteur et la victime

Réf. : Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-83.287, FS-P+B (N° Lexbase : A5127RZW)

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N4277BWC

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Le 21 Septembre 2016

Il se déduit de l'article 227-25 du Code pénal (N° Lexbase : L2395AMN) que, pour être constitué, le délit d'atteinte sexuelle, même aggravé par l'une des circonstances de l'article 227-26 (N° Lexbase : L3259IQR) du même code, suppose l'existence d'un contact corporel entre l'auteur et la victime. Tel est l'apport d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 7 septembre 2016 (Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-83.287, FS-P+B N° Lexbase : A5127RZW). En l'espèce, après avoir constaté la prescription de l'action publique concernant des faits d'attouchements, la cour d'appel a déclaré M. N. coupable d'atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ni surprise sur sa belle-fille, Mlle K., mineure de quinze ans, par personne ayant autorité. Elle a relevé que, presque quotidiennement, son beau-père exhibait devant elle ses parties génitales et se masturbait. Les juges ont ajouté que le prévenu avait reconnu auprès de la mère de la mineure ces agissements tout en leur déniant toute connotation sexuelle. La Haute juridiction, procédant à une interprétation stricte de l'article 227-27, censure l'arrêt d'appel en ce qu'il n'a pas établi que le prévenu avait eu un contact corporel avec Mlle K., seule de nature à caractériser une atteinte sexuelle. La cour d'appel aurait dû rechercher si les agissements qu'elle retenait n'étaient pas susceptibles de recevoir une autre qualification pénale (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E6081EXI).

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Propriété

[Brèves] Maison de poésie, acte II : l'absence de limite trentenaire du droit de jouissance spéciale à durée indéterminée

Réf. : Cass. civ. 3, 8 septembre 2016, n° 14-26.953, FS-P+B (N° Lexbase : A5155RZX)

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N4309BWI

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Le 16 Septembre 2016

Le droit réel conférant la jouissance spéciale des locaux, concédé à une fondation pendant toute la durée de son existence, distinct du droit d'usage et d'habitation régi par le Code civil, n'est soumis à aucune disposition légale le limitant à une durée de trente ans. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 8 septembre 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 8 septembre 2016, n° 14-26.953, FS-P+B N° Lexbase : A5155RZX ; rendu sur renvoi après cassation, Cass. civ. 3, 31 octobre 2012, n° 11-16.304, FS-P+B+R N° Lexbase : A3197IWC ; sur cet arrêt, lire les obs. de Séverin Jean et Guillaume Beaussonie, Lexbase, éd. priv., n° 507, 2012 N° Lexbase : N4669BT4). Dans cette affaire, par acte des 7 avril et 30 juin 1932, une société avait acquis un ensemble immobilier d'une fondation. L'acte précisait, d'une part, que n'était pas comprise dans la vente la jouissance ou l'occupation par la fondation des locaux où elle était installée dans l'immeuble, d'autre part, qu'au cas où la société le jugerait nécessaire, elle pourrait demander la mise à sa disposition des locaux occupés par la fondation, à charge d'en édifier dans la propriété d'autres de même importance, avec l'approbation de la fondation ; devant l'accroissement de ses activités, la société avait demandé à recouvrer l'usage des locaux occupés en proposant diverses solutions de relogement de la fondation ; devant les refus de celle-ci, la société l'avait assignée en expulsion. La société faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 4, 1ère ch., 18 septembre 2014, n° 12/21592 N° Lexbase : A6712MWI) de dire la fondation titulaire d'un droit réel lui conférant la jouissance spéciale des locaux pendant toute la durée de son existence, soutenant notamment que la durée de ce droit, qui ne peut être perpétuelle, doit avoir été stipulée par les parties dans la limite de trente ans prévue par les articles 619 (N° Lexbase : L3206ABD) et 625 (N° Lexbase : L3212ABL) du Code civil s'agissant d'un droit conféré à une personne morale. Elle n'obtiendra pas gain de cause. La Cour suprême approuve les juges d'appel qui, ayant relevé que les parties avaient entendu instituer, par l'acte de vente des 7 avril et 30 juin 1932, un droit réel distinct du droit d'usage et d'habitation régi par le Code civil, et constaté que ce droit avait été concédé pour la durée de la fondation, et non à perpétuité, en avaient exactement déduit que ce droit, qui n'était pas régi par les dispositions des articles 619 et 625 du Code civil, n'était pas expiré et qu'aucune disposition légale ne prévoyait qu'il soit limité à une durée de trente ans.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Hyperlien sur un site internet vers des oeuvres protégées par le droit d'auteur et publiées sans l'autorisation de l'auteur sur un autre site internet : "communication au public" ?

Réf. : CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15 (N° Lexbase : A2149RZM)

Lecture: 2 min

N4235BWR

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Le 15 Septembre 2016

Le placement d'un hyperlien sur un site internet vers des oeuvres protégées par le droit d'auteur et publiées sans l'autorisation de l'auteur sur un autre site internet ne constitue pas une "communication au public" lorsque la personne qui place ce lien agit sans but lucratif et sans connaître l'illégalité de la publication de ces oeuvres. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 8 septembre 2016 (CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15 N° Lexbase : A2149RZM). Elle estime que le caractère lucratif d'une communication au public est pertinent. Elle précise que le placement d'hyperliens ne peut être exclu, par principe, de la notion de "communication au public" lorsque les oeuvres en question ont été publiées sur l'autre site sans l'autorisation du titulaire. S'agissant de cette dernière hypothèse, la Cour admet qu'il peut s'avérer difficile, notamment pour des particuliers qui souhaitent placer de tels liens, de vérifier s'il s'agit d'oeuvres protégées et, le cas échéant, si les titulaires des droits d'auteur de ces oeuvres ont autorisé leur publication sur internet. Eu égard à ces circonstances, la Cour juge que, aux fins de l'appréciation individualisée de l'existence d'une "communication au public", il convient, lorsque le placement d'un hyperlien vers une oeuvre librement disponible sur un autre site internet est effectué par une personne qui, ce faisant, ne poursuit pas un but lucratif, de tenir compte de la circonstance que cette personne ne sait pas et ne peut pas raisonnablement savoir que cette oeuvre avait été publiée sur internet sans l'autorisation du titulaire des droits d'auteur. En revanche, lorsqu'il est établi qu'une telle personne savait ou devait savoir que l'hyperlien qu'elle a placé donne accès à une oeuvre illégalement publiée, par exemple en raison du fait qu'elle en a été avertie par les titulaires du droit d'auteur, la fourniture de ce lien constitue une "communication au public". Il en est de même si ce lien permet aux utilisateurs de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l'oeuvre protégée afin d'en restreindre l'accès par le public à ses seuls abonnés. Par ailleurs, lorsque le placement d'hyperliens est effectué dans un but lucratif, il peut être attendu de l'auteur d'un tel placement qu'il réalise les vérifications nécessaires pour s'assurer que l'oeuvre concernée n'est pas illégalement publiée. Partant, il y a lieu de présumer que ce placement est intervenu en pleine connaissance de la nature protégée de l'oeuvre et de l'absence éventuelle d'autorisation de publication sur internet par le titulaire du droit d'auteur. Dans de telles circonstances, et pour autant que cette présomption ne soit pas renversée, l'acte consistant à placer un lien cliquable vers une oeuvre illégalement publiée sur internet constitue une "communication au public".

newsid:454235

Recouvrement de l'impôt

[Brèves] La responsabilité du dirigeant compatible avec la responsabilité encourue par un ayant droit ?

Réf. : Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-14.245, F-D (N° Lexbase : A5092RZM)

Lecture: 1 min

N4287BWP

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Le 16 Septembre 2016

La responsabilité encourue sur le fondement de l'article L. 265 du LPF (N° Lexbase : L4368IQT), concernant les ayant droit, ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre, par l'administration fiscale, des poursuites prévues par l'article L. 267 du même livre (N° Lexbase : L0567IHH), concernant les dirigeants et gérants de sociétés. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 septembre 2016 (Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-14.245, F-D N° Lexbase : A5092RZM). En l'espèce, le comptable des finances publiques, en charge du recouvrement d'impositions dues par une société, a saisi le président du tribunal de grande instance afin que le gérant, requérant, soit déclaré solidairement responsable de leur paiement. L'intéressé soutient notamment que le dirigeant ne peut être déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par une société, s'il est déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, ce que les Hauts magistrats ont contredit dans leur principe. Il soutient également que la responsabilité solidaire du dirigeant ne peut être engagée sur le fondement de l'article L. 267 du LPF que dans le cas où l'inobservation, par le dirigeant, des obligations fiscales de la société est la cause de l'impossibilité de recouvrer les impositions dues par cette dernière. Toutefois, la Chambre commerciale relève que le contrôle effectué par l'administration fiscale a révélé une minoration des déclarations de chiffres d'affaires et de TVA, ayant permis au dirigeant de conserver frauduleusement une partie des fonds collectés au titre de la TVA dans la trésorerie de la société et de retarder la procédure de recouvrement de la dette fiscale .

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Responsabilité

[Doctrine] La responsabilité contractuelle du débiteur dans l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations et dans l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile

Lecture: 12 min

N4241BWY

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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Responsabilité civile"

Le 15 Septembre 2016

1. L'année 2016 est une année importante pour le droit des obligations. Alors en effet que la matière, contrairement à d'autres, n'avait été que très peu retouchée depuis 1804, elle a fait l'objet d'une profonde réforme avec la publication de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK). Un projet de loi, n° 3928, ratifiant l'ordonnance a été déposé le 6 juillet 2016 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. A l'exception des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 (N° Lexbase : L0827KZN), de celles des articles 1158 (N° Lexbase : L0872KZC) et 1183 (N° Lexbase : L0895KZ8), relatives aux nouvelles actions interrogatoires (en matière de pacte de préférence, de représentation et de nullité), immédiatement applicables, les dispositions nouvelles entreront en vigueur, comme le prévoit l'article 9 de l'ordonnance, le 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant, eux, soumis à la loi ancienne (1). Cette réforme devrait logiquement par la suite être complétée par une réforme du droit de la responsabilité civile, réalisant ainsi une réforme d'ensemble du droit des obligations. Moins de trois mois en effet après la publication au Journal officiel de l'ordonnance du 10 février 2016, le très prolifique Garde des Sceaux, M. Jean-Jacques Urvoas, a solennellement procédé, le 29 avril 2016, au lancement des travaux de la réforme du droit de la responsabilité civile en soumettant à consultation publique jusqu'au 31 juillet 2016 un avant-projet de loi. On ne reviendra pas sur les justifications avancées au soutien de cette ambition réformatrice qui fait exploser la numérotation des articles du Code civil, y compris de certains des plus célèbres : moderniser le droit français des obligations afin de le rendre plus lisible et, paraît-il, plus attractif -sauf à relever que l'ordonnance produit plutôt, auprès des cabinets d'affaires en tout cas, un effet repoussoir les incitant à recommander à leurs clients de ne pas soumettre leurs contrats à la loi française ou d'y insérer plus systématiquement qu'auparavant des clauses compromissoires. Il faut dire que la généralisation de la lutte contre les clauses abusives, le contrôle de l'imprévision et le flou de certaines notions ("délai raisonnable", "ignorance légitime", "disproportion", "contrat d'adhésion"...) inquiètent quelque peu, au moins tant qu'elles n'auront pas été précisées par la jurisprudence, ce qui prendra évidemment plusieurs années. 2. Le moins que l'on puisse dire en tout cas, c'est que la réforme du droit des contrats a donné lieu à de très nombreux commentaires et qu'elle a ainsi été examinée "sous toutes les coutures". Depuis quelques mois, les revues généralistes regorgent en effet, toutes les semaines, de commentaires sur tel ou tel aspect de la réforme. Tout y passe, ou presque : la preuve des obligations (2), la source des obligations (3), la promesse de contrat (4), la détermination du prix (5), la violence (6), le déséquilibre significatif (7), la condition (8), le contrat de prestation de service (9), le contrat d'intérêt commun (10), le contrat d'adhésion (11), le devoir d'information (12), les nouvelles actions interrogatoires (13), le régime de la nullité (14), les restitutions (15), le paiement (16), la cession de dette (17), la représentation (18), etc.. L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile n'est au demeurant pas en reste et a lui aussi déjà été abondamment commenté (19). Dans un tel contexte, on pourrait douter de l'intérêt d'y ajouter des observations complémentaires. Pourtant, un point, dont nul ne peut contester l'importance considérable aussi bien théorique que pratique, nous paraît mériter que l'on y revienne : celui de la sanction de l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle. Evidemment, cette question a donné lieu à de savants commentaires par les plus grands spécialistes du droit de la responsabilité civile. Mais ceux-ci ont porté sur les dispositions que l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile propose d'insérer dans le Code civil, et non sur celles issues de l'ordonnance, qui constituent la sous-section 5, intitulée "La réparation du préjudice causé par l'inexécution contractuelle", de la Section 5 "L'inexécution du contrat" du Chapitre IV "Les effets du contrat". Or, si la question suscite encore un intérêt, c 'est que le régime de la sanction de l'inexécution contractuelle tel qu'il résulte de l'ordonnance, qui diffère de celui qui existait jusqu'à présent, n'est pas le même que celui de l'avant-projet de loi. Il convient donc de distinguer trois types de régime juridique différents : celui applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, qui constitue ce que l'on pourrait appeler le régime classique de la responsabilité contractuelle ; celui applicable aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, issu de l'ordonnance, qui nous semble constituer un régime nouveau de responsabilité contractuelle (à supposer que l'on parle encore de responsabilité) beaucoup plus sévère que le régime classique que nous connaissions jusqu'à présent ; et peut-être, si l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile devait être adopté, un régime de responsabilité contractuelle assez proche, dans les grandes lignes, du régime classique. Tout cela est naturellement de nature à complexifier les choses et à poser de sérieuses difficultés de mise en oeuvre. Pour y voir plus clair, il importe de poser les données du problème (I), avant de suggérer quelques pistes qui pourraient permettre de les régler (II).

I - Les données du problème

3. L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile propose d'insérer dans le Titre III du Livre III du Code civil un Sous-titre II "La responsabilité civile", qui prendrait place entre le Sous-titre Ier "Le contrat" et le Sous-titre III "Autres sources d'obligations". Il s'inspire donc directement du projet "Catala" (dont la partie relative à la responsabilité a été préparée par un groupe de travail dirigé par Mme Viney et M. Durry) qui, contrairement au projet de l'Académie des sciences morales et politiques dirigé par M. Terré, suggérait de substituer au droit "des délits" un droit de "la responsabilité civile" englobant la responsabilité contractuelle. L'avant-projet de loi tranche ainsi avec l'ordonnance du 10 février 2016. Alors en effet que celle-ci, s'inspirant du projet Terré, traite des dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution contractuelle dans un chapitre portant sur les effets du contrat (Section 5 "L'inexécution du contrat" du Chapitre IV "Les effets du contrat"), l'avant-projet de loi entend déplacer ces règles du Sous-titre Ier "Le contrat" au Sous-titre II "La responsabilité civile" et abroger, avant même qu'ils ne soient entrés en vigueur, les articles 1231 (N° Lexbase : L0932KZK) à 1245-17 du Code civil supposés résulter de l'ordonnance.

4. On ne reviendra pas, pour l'avoir évoqué ailleurs, sur l'incidence théorique d'un tel choix qui n'a pas qu'une visée esthétique (20). En opposant "la réparation du préjudice causé par l'inexécution contractuelle" (Sous-section 5 de la Section 5 du Chapitre IV) à "la responsabilité extracontractuelle" (Sous-titre II), l'ordonnance fait douter de la volonté de traiter la réparation du dommage contractuel comme une véritable "responsabilité" (21). L'idée de spécificité des dommages et intérêts contractuels par rapport à la réparation des dommages d'origine délictuelle qu'on trouve chez Denis Tallon, voire celle de négation de la responsabilité contractuelle défendue par Philippe Rémy et Philippe Le Tourneau ne sont peut-être pas très loin (encore que la Sous-section 5 parle bien de "réparation")... L'avant-projet de loi rompt en tout cas radicalement avec cette présentation en regroupant, sous l'intitulé commun de "responsabilité civile", la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle. On a certes pu dire, pour neutraliser la portée des dispositions de l'ordonnance qui nous intéressent ici, que "la réparation du préjudice causé par l'inexécution du contrat est une branche de la responsabilité civile, laquelle doit faire l'objet d'une réforme ultérieure ; c'est donc à cette occasion que le régime des dommages-intérêts en matière contractuelle sera revu et corrigé" (22). Sauf que, dans le débat, "la première et fondamentale question est [...] non de savoir comment construire un sous-titre consacré à la 'responsabilité civile', mais de savoir si on doit en construire un : dès lors qu'on substitue la "responsabilité civile" aux délits, on prend déjà parti, sinon pour l'assimilation complète de la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle, du moins pour leur rapprochement dans une catégorie commune" (23).

5. Il reste que, au-delà de la place des textes dans le Code civil, c'est leur teneur qui interpelle. Le droit des dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution contractuelle tel qu'on le trouve dans l'ordonnance ne correspond ni à celui que nous connaissions jusqu'à présent, ni à celui qui résulte de l'avant-projet de loi. On peut toujours faire valoir que l'ordonnance n'avait pas pour objet de réformer la responsabilité civile, celle-ci devant faire l'objet d'une réforme ultérieure, si bien que les dispositions de l'ordonnance sur ce point ne mériteraient pas qu'on y prête trop d'attention. Mais il reste que, en l'état, le seul texte dont on est certain qu'il s'appliquera est celui de l'ordonnance, alors que, comme l'a d'ailleurs reconnu le Garde des Sceaux dans son discours de présentation de l'avant-projet de loi, le calendrier parlementaire ne devrait pas permettre que la réforme de la responsabilité civile soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement avant la fin de la législature actuelle. Bref, la réforme de la responsabilité civile, assez hypothétique, n'interviendrait au mieux pas avant la seconde moitié de l'année 2017. Dans ces conditions, les dispositions relatives à la sanction de l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle prévues par l'ordonnance s'appliqueront, à compter du 1er octobre 2016, aux contrats conclus après cette date, et ce jusqu'à ce que la réforme de la responsabilité civile soit adoptée, à supposer qu'elle le soit. On ne peut donc en aucun cas faire comme si les dispositions de l'ordonnance relatives au droit des dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution contractuelle n'existaient pas : pour un temps au moins, ces dispositions s'appliqueront aux contrats conclus après le 1er octobre 2016.

6. Cette application, serait-elle temporaire, du régime prévu par l'ordonnance a de quoi inquiéter. Pour le comprendre, il faut rapidement rappeler que, jusqu'à présent, les tribunaux appliquaient quotidiennement la distinction, qui prend directement appui sur les articles (anciens à compter du 1er octobre 2016) 1137 (N° Lexbase : L9306I33) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, des obligations de moyens et des obligations de résultat. Les conséquences qui y sont attachées, importantes sur le terrain de la responsabilité contractuelle puisqu'elles intéressent aussi bien la charge de la preuve que l'exonération du débiteur, sont bien connues : alors, en effet, que la mise en oeuvre de la responsabilité du débiteur tenu d'une obligation de moyens suppose que le créancier prouve qu'il ne s'est pas comporté en bon père de famille et, donc, qu'il a commis une faute dans l'exécution de ses obligations, la seule inexécution contractuelle suffit à engager sa responsabilité lorsqu'il est, plus sévèrement, tenu d'une obligation de résultat, responsabilité dont il ne peut alors s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère -celle-ci s'entendant soit d'un événement anonyme présentant les caractères de la force majeure, soit du fait d'un tiers, soit du fait de la victime (en matière contractuelle, du créancier), l'exonération pouvant, dans ce dernier cas de figure, être totale ou partielle selon que la faute présente ou non les caractères de la force majeure-. Or, dans l'ordonnance, le seul texte qui régit le droit des dommages et intérêts résultant de l'inexécution par le débiteur de l'obligation est l'article 1231-1 du Code civil (N° Lexbase : L0613KZQ) qui, réécrivant l'ancien article 1147, dispose que "le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure". Il s'agit donc d'un régime particulièrement rigoureux pour le débiteur, qui fait penser à celui de l'obligation de résultat, la responsabilité du débiteur paraissant pouvoir être engagée sur le seul constat de l'inexécution contractuelle, en dehors de toute idée de faute qui lui serait imputable. Ce régime est même en réalité encore plus sévère que l'actuel régime fondé sur l'obligation de résultat puisque, pris à la lettre, le nouvel article 1231-1 ne permet l'exonération du débiteur que par la force majeure, ce qui paraît exclure toute possibilité d'exonération partielle par la faute du créancier qui ne présenterait pas les caractères de la force majeure. Littéralement donc, l'ordonnance, qui ignore la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, paraît bouleverser le régime de la responsabilité contractuelle, qui deviendrait uniquement une responsabilité sans faute, les possibilités d'exonération du débiteur étant pour le moins limitées, l'exonération ne se concevant que totale par la force majeure.

7. Une telle rigueur n'est, évidemment, pas acceptable. Il suffit, pour s'en convaincre, de penser à tous les cas dans lesquels le débiteur, dans le contrat d'entreprise par exemple, est tenu d'accomplir une prestation sans pour autant pouvoir garantir d'atteindre un résultat déterminé. L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile fait d'ailleurs marche arrière. D'abord, le projet d'article 1250, aux termes duquel "toute inexécution d'une obligation contractuelle ayant causé un dommage au créancier oblige le débiteur à en répondre", n'implique pas que la responsabilité contractuelle soit nécessairement une responsabilité sans faute. A ce titre, l'avant-projet s'ouvre en énonçant que "I. Sont abrogés les articles 1231 à 1245-17 du Code civil" et en précisant que "II. L'article 1231 du Code civil est ainsi rédigé : Le créancier d'une obligation issue d'un contrat valablement formé peut, en cas d'inexécution, demander au débiteur réparation de son préjudice dans les conditions prévues au sous-titre II". Ensuite, il propose d'insérer dans le Code civil un Chapitre intitulé "Les causes d'exonération ou d'exclusion de la responsabilité" -dont les dispositions sont en principe applicables à tous les régimes de responsabilité. Le projet d'article 1253 dispose ainsi que "le cas fortuit, le fait du tiers ou de la victime sont totalement exonératoires s'ils remplissent les caractères de la force majeure", tandis que l'article 1254 prévoit que "le manquement de la victime à ses obligations contractuelles, sa faute ou celle d'une personne dont elle doit répondre sont partiellement exonératoires lorsqu'ils ont contribué à la réalisation du dommage". La nouveauté, qui s'inscrit dans la logique de l'avant-projet de loi consistant à réserver un traitement particulier à la réparation du dommage corporel, résulte de la suite du texte, qui dispose qu' "en cas de dommage corporel, seule une faute lourde peut entraîner l'exonération partielle". Quant au fait du tiers, les nouveaux textes maintenant les solutions du droit positif, il n'est pas susceptible de produire un effet partiellement exonératoire.

8. On mesure à quel point il est regrettable d'avoir segmenté la réforme du droit des obligations en isolant la réforme de la responsabilité civile de celle du contrat. Plus exactement, il est regrettable qu'à l'occasion de la réforme du droit des contrats, l'ordonnance ait cru bon de bouleverser le régime classique de la responsabilité contractuelle, bouleversement que l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile s'empresse d'ailleurs d'effacer. Mais encore une fois, à compter du 1er octobre 2016, il faudra pourtant faire avec l'ordonnance, seul texte applicable.

II - Les pistes envisageables

9. Elles sont minces. A supposer que la lecture que l'on fait des textes nouveaux soit exacte, il reste à savoir comment les juges les appliqueront. La première question qui se pose est la suivante : seront-ils prêts à abandonner la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat à laquelle les praticiens sont attachés, en dépit, il est vrai, des hésitations qu'elle suscite parfois ? Devront-ils considérer que toutes les fois que le débiteur est en situation d'inexécution contractuelle, sa responsabilité est engagée, alors même qu'il n'aurait commis aucune faute ? Un texte de l'ordonnance pourrait être exploité afin d'éviter cette solution aberrante : l'article 1197 (N° Lexbase : L0907KZM), qui, reprenant en substance l'ancien article 1137 (N° Lexbase : L9306I33), dispose que "l'obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu'à la délivrance, en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable". On pourrait imaginer que la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat continue d'être appliquée, en considérant qu'elle est, dans l'attente de l'adoption d'une réforme de la responsabilité civile, fondée sur les articles 1197 et 1231-1 du Code civil. Cette interprétation conduirait sans doute à donner à l'article 1197 une portée qu'il n'a en réalité pas, puisqu'il figure dans une sous-section 2 "Effet translatif" de la section 1 "Les effets du contrat entre les parties" du chapitre IV "Les effets du contrat", et qu'il ne concerne donc que "les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit" (C. civ., art. 1196 N° Lexbase : L0908KZN). Or, on sait bien que c'est lorsque l'obligation du débiteur consiste non pas dans le transfert de la propriété mais dans l'accomplissement d'une prestation, autrement dit dans une obligation de faire -avant que l'ordonnance n'abandonne cette terminologie- que la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat est utile.

10. S'agissant des causes d'exonération du débiteur, on pourrait élargir quelque peu la portée de l'article 1231-1 en décidant qu'en visant la "force majeure", il vise en réalité n'importe quel cas de cause étrangère présentant les caractères de la force majeure, de telle sorte qu'il engloberait, parmi les causes d'exonération offertes au débiteur, non seulement la force majeure stricto sensu, que le nouvel article 1218 (N° Lexbase : L0930KZH) définit, en matière contractuelle, comme "un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées [qui] empêche l'exécution de son obligation par le débiteur", mais aussi le fait du tiers ou le fait du créancier, pourvu qu' ils présentent les caractères de la force majeure. Mais il reste qu'il interdit toute possibilité d'exonération partielle, ce qui, hormis le cas du transporteur ferroviaire débiteur d'une obligation de sécurité de résultat (24), ne correspond pas à l'état du droit positif (25).

11. Tout cela incite en tout cas à penser qu'il est préférable et sans doute plus sûr de conclure son contrat le 30 septembre plutôt que le 1er octobre prochain, quitte à retarder la date à laquelle il produira ses effets. Plus généralement, il y a de quoi déplorer qu'on ait pu, à la faveur de réformes présentées dans un laps de temps pourtant très court, louvoyer, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, entre des partis pris très différents. Il faut dire que le travail de compilation de projets doctrinaux peut, entre certaines mains, aboutir à un "patchwork" pour le moins original...


(1) Sur la question, v. not. S. Gaudemet, Dits et non-dits sur l'application dans le temps de la l'ordonnance du 10 février 2016, JCP éd. G, 2016, 559.
(2 ) G. Lardeux, Commentaire du titre IV bis nouveau du livre III du code civil intitulé "De la preuve des obligations", D., 2016, p. 850 ; E. Vergès, Droit de la preuve : une réforme en trompe-l'oeil, JCP éd. G, 2016, 486.
(3) Cl. Brenner, Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l'acte ou acte manqué ?, JCP éd. G, 2016, 524.
(4) I. Najjar, La sanction de la promesse de contrat, D., 2016, p. 848.
(5) J. Moury, La détermination du prix dans le "nouveau" droit commun des contrats, D., 2016, p. 1013 ; F. Labarthe, La fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre et prestations de service, JCP éd. G, 2016, 642.
(6) H. Barbier, La violence par abus de dépendance, JCP éd. G, 2016, 421.
(7) M. Behar-Touchais, Le déséquilibre significatif dans le Code civil, JCP éd. G, 2016, 391.
(8) M. Latina, La condition dans l'ordonnance du 10 février 2016, JCP éd. G, 2016, 875.
(9) G. Lardeux, Le contrat de prestation de service dans les nouvelles dispositions du Code civil, D., 2016, p. 1659.
(10) S. Lequette, Droit commun des contrats et contrats d'intérêt commun, D., 2016, p. 1148.
(11) F. Chénédé, Le contrat d'adhésion de l'article 1110 du Code civil, JCP éd. G, 2016, 776.
(12) M. Fabre-Magnan, Le devoir d'information dans le contrat : essai de tableau général après la réforme, JCP éd. G, 2016, 706.
(13) M. de Fontmichel, Les nouvelles actions interrogatoires, D., 2016, p. 1665 ; E. Jeuland, Les actions interrogatoires en question, JCP éd. G, 2016, 737.
(14) Y.-M. Serinet, La constatation de la nullité par les parties : une entorse limitée au caractère judiciaire de la nullité, JCP éd. G, 2016, 845.
(15) S. Pellet, Les restitutions : et si le dogmatisme avait du bon ?, JCP 2016, 676.
(16) N. Fricero, Une nouvelle réponse déjudiciarisée à l'obstruction au paiement du créancier, JCP éd. G, 2016, 807.
(17) V. Lasserre, La cession de dette consacrée par le Code civil à la lumière du droit allemand, D., 2016, p. 1578.
(18) Ph. Didier, La représentation dans le nouveau droit des contrats, JCP éd. G, 2016, 580.
(19) G. Viney, L'espoir d'une recodification du droit de la responsabilité civile, D., 2016, p. 1378 ; J.-S. Borghetti, Vue d'ensemble de l'avant projet de réforme, D., 2016, p. 1386 ; du même auteur, Commentaire des principales dispositions de l'avant-projet de réforme, D., 2016, p. 1442 ; M. Bacache, Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l'égard des tiers, D., 2016, p. 1454 ; Ph. Stoffel -Munck, C. Bloch, J. Knetsch, J.-S. Borghetti, M. Bacache, F. Leduc, S. Carval, O. Gout, S. Porchy-Simon, S. Hocquet-Berg et D. Bakouche, Avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile : Observations et propositions de modifications, JCP éd. G, 2016, supplément au n° 30-35, 25 juillet 2016.
(20) Nos obs., RCA, 2016, Repère 7.
(21) G. Viney, Après la réforme du contrat, la nécessaire réforme des textes du Code civil relatifs à la responsabilité, JCP éd. G, 2016 , 99, spéc. n° 54.
(22) Y.-M. Laithier, Les règles relatives à l'inexécution des obligations contractuelles, JCP éd. G, 2015, suppl. au n° 21.
(23) Ph. Rémy, Plans d'exposition et catégories du droit des obligations, in F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des contrats, D., 2009, p. 83 et s, spéc. n° 30.
(24) Cass. mixte, 28 novembre 2008, n° 06-12.307, P+B+R+I ([LXB=A4743EBB ]), Bull. ch. mixte n° 3, RTDCiv., 2009, p. 129, obs. P. Jourdain.
(25) Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.440, FS-P+B (N° Lexbase : A9221NGM).

newsid:454241

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Application du droit à déduction malgré un changement d'objet social

Réf. : CAA Bordeaux, 12 juillet 2016, n° 16BX00400, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1486RXC)

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N4288BWQ

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Le 22 Septembre 2016

Le fait, pour une société, de changer d'objet social n'est pas constitutif d'une intention frauduleuse ou abusive permettant de remettre en cause un droit à déduction de TVA. Telle est la solution retenue par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 12 juillet 2016 (CAA Bordeaux, 12 juillet 2016, n° 16BX00400, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1486RXC). En l'espèce, une société, qui a réalisé des travaux de rénovation d'un château et de réalisation sur le domaine d'une longère et de divers équipements et aménagements, a sollicité et obtenu la déduction de la TVA ayant grevé les dépenses correspondantes. En principe, selon les magistrats, la taxe ayant grevé les travaux d'aménagement du domaine en question avait donné lieu à déduction au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 octobre 2011, avant que l'administration ne remette en cause ce droit à déduction et que, s'agissant de cette période, le droit à déduction restait donc acquis à la société sous réserve d'une intention frauduleuse ou abusive. Par la suite, contrairement à ce que soutenait l'administration, les faits de l'espèce, toujours selon les magistrats, ne traduisaient pas une intention frauduleuse ou abusive justifiant la remise en cause de ce droit à déduction. En effet, l'objet social de la société était au départ limité à la culture et l'élevage, et il est exact que, comme le relève l'administration, les travaux d'aménagement du domaine ont commencé sans que cet objet social ait été modifié dans un premier temps. Toutefois, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à révéler une absence d'intention de créer une activité touristique et hôtelière, l'objet social de la société ayant au demeurant été modifié à compter du 26 juin 2008 pour inclure une "activité touristique et restauration". Dès lors, ni le ralentissement des travaux, puis cet arrêt du projet, qui peuvent s'expliquer notamment par les difficultés techniques et administratives dont fait état la société, ni le fait que le représentant légal de la société, des membres de sa famille et les salariés de la société chargés de l'entretien et de l'exploitation du domaine bénéficient de baux d'habitation consentis par la société ne permettent de tenir pour avérée l'intention frauduleuse ou abusive qu'aurait eu la société en revendiquant le droit à déduction de la TVA ayant grevé les travaux d'aménagement réalisés sur le domaine .

newsid:454288

Temps de travail

[Brèves] Convention de forfait en jours : respect par l'employeur de l'accord collectif garantissant la protection de la santé et la sécurité des salariés

Réf. : Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-26.256, FS-P+B (N° Lexbase : A5176RZQ)

Lecture: 2 min

N4271BW4

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Le 16 Septembre 2016

Répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l'avenant dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d'un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d'un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d'entretien auprès du service de ressources humaines. Telle est la solution apportée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 septembre 2016 (Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-26.256, FS-P+B N° Lexbase : A5176RZQ ; voir en ce sens Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5499HU9).
Un salarié est licencié pour motif économique. Il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment au titre d'un rappel d'heures supplémentaires.
La cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 16 septembre 2014, n° 13/02686 N° Lexbase : A5152MWQ) déclare la convention de forfait, conclue en application des accords collectifs d'entreprise, nulle et de nul effet, au motif que le dispositif conventionnel n'est pas de nature à garantir une amplitude de travail raisonnable et une bonne répartition dans le temps de travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. L'employeur se pourvoit en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles au visa des dispositions constitutionnelles et des principes généraux de l'Union européenne relatifs à la protection de la sécurité et de la santé ainsi qu'au repos des travailleurs. Il résulte de ces textes que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et en l'espèce, l'avenant répondait bien aux exigences relatives au droit à la santé et au repos (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4318EX9).

newsid:454271

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