La lettre juridique n°193 du 8 décembre 2005

La lettre juridique - Édition n°193

Éditorial

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom...
*

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N1794AKN

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


N'y-a-t-il pas une certaine gageure à écarter d'un revers de main et ostraciser de notre culture populaire les mythes helléniques ? Reconnaissons que peu d'entre-nous ont fait nos humanités et clamons, avec dévotion, les allégories mythologiques qui nous rappellent combien notre sort est déterminé et combien nos espérances sont vaines... Prenons, par exemple, Epiméthée (celui qui réfléchit après coup), fils du titan Japet et frère de Prométhée (le prévoyant), qui acceptera Pandore et l'épousera malgré les mises en garde de son frère. L'allégorie morale veut que sa femme -remarquons le genre- ait ouvert la fameuse "boîte" de tous les maux de l'humanité, enfermant, par mégarde, l'espérance qui tarda à venir. Une histoire, un conte, nous direz-vous, qui traduit l'idée selon laquelle celui qui n'est pas prévoyant -associé à une femme, bien entendu-, est bien le père de tous les travers humains. Mais, revenons à notre époque : remplaçons donc l'espérance par une vertu plus moderne, mais tout aussi difficile à atteindre, l'égalité -n'est-ce pas Balzac qui disait que "l'égalité peut être un droit, mais aucune puissance humaine ne saurait la convertir en fait"-. Et l'on comprendra qu'il n'est rien de plus difficile à assurer qu'une égalité de fait, notamment, lorsque la loi l'instituant n'a pas été suffisamment prévoyante. Pour exemple, le passage aux 35 heures a plongé les entreprises françaises dans des difficultés juridiques qui peuvent sembler insolubles. Le 1er décembre 2005, la Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi exclu un salarié du bénéfice de garanties mensuelles de rémunération conventionnelles, en raison de la date de son embauche, alors qu'il invoquait à son secours le principe "A travail égal, salaire égal". La Haute juridiction considère qu'il se trouvait dans une situation différente de celle de ses collègues, qui justifiait la différence de traitement. S'il est certain que l'on ne tarira pas -selon que vous serez- sur les bienfaits et les méfaits des "35 heures", reconnaissons que les "désagréments" des lois "Aubry" sont loin d'avoir tous été identifiés lors de son adoption. Charge aux lois postérieures et à la jurisprudence de colmater les effets indésirables ; mais, comme le montre cette décision, pas toujours au bénéfice du salarié... Plus globalement, cet arrêt se situe dans le prolongement des réflexions de la Haute cour sur le fameux principe ; principe auquel il peut être dérogé, comme le souligne Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, dans sa chronique de cette semaine, si les salariés ne se trouvent pas dans une situation personnelle équivalente, soit en raison de leur position de force sur le marché de l'emploi soit, au contraire, en raison des risques particuliers auxquels leur situation les expose, comme c'était ici le cas des salariés menacés par une réduction de leur rémunération. Au vu de ces exceptions, il est d'ailleurs permis de s'interroger, tout bonnement, sur sa réelle acceptation dans l'inconscient collectif. Il est passé de mode d'avoir recours au Général, mais ne nous en privons pas pour autant : "le désir du privilège et le goût de l'égalité, passions dominantes et contradictoires des Français de toute époque". Ah ! nous allions oublier : rappelons, en aparté, qu'il est un mal bien français que celui de la discrimination salariale, à commencer par la discrimination homme-femme. Alors, si pour les frères Goncourt, "l'égalité est la plus horrible des injustices", interrogeons-nous sur le fait qu'à l'heure actuelle, selon l'Insee, perdure un écart de rémunération entre les femmes et les hommes de l'ordre de 25 % en moyenne. Or, si en 45 ans, de 1950 et 1995, l'écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes s'est réduit de moitié, passant de plus de 50 % à environ 25 % (soit une réduction de 1,1 % tous les 2 ans), statistiquement, la simple continuation de ce mouvement depuis 1995 aurait du réduire l'écart d'un peu plus de 3 % en 6 ans. Mais, entre 1996 et 2002, il n'a régressé que d'1% (de 25,2 à 24,2 %), ce qui traduit un très net essoufflement (rapport d'information n° 429 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé au bureau du Sénat le 28 juin 2005). Egalité, idole des Français, au détriment de leur liberté, selon Chateaubriand ?

* Paul Eluard, Liberté, in Poésies et Vérité

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le principe "A travail égal, salaire égal" impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures

Réf. : Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, Société Transports de tourisme de l'océan, OCECARS c/ M. Jean-Pierre Gandon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8452DLM)

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N1672AK7

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Le passage aux 35 heures a plongé les entreprises françaises dans des difficultés juridiques qui peuvent sembler insolubles. Les lois successives n'ont, en effet, pas réglé toutes les difficultés, comme le montre cet arrêt rendu le 1er décembre 2005 par la Chambre sociale de la Cour de cassation où un salarié, exclu du bénéfice de garanties mensuelles de rémunération conventionnelles, en raison de la date de son embauche, invoquait à son secours le principe "A travail égal, salaire égal". L'argument a été ici rejeté, la Haute juridiction ayant considéré qu'il se trouvait dans une situation différente de celle de ses collègues, qui justifiait la différence de traitement (1). Cette décision semble justifiée, même si elle risque de décevoir fortement bon nombre de salariés (2).
Décision

Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, Société Transports de tourisme de l'océan, Ocecars c/ M. Jean-Pierre Gandon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8452DLM)

Cassation partielle (conseil de prud'hommes de la Rochelle, section commerce, 22 septembre 2003)

Textes visés : principe "A travail égal, salaire égal"

Mots-clefs : principe "A travail égal, salaire égal" ; différence de traitement ; justification ; salariés placés dans des situations différentes ; passage aux 35 heures.

Lien bases :

Résumé

Est justifiée la différence de traitement introduite entre des salariés ayant un travail égal, dans la mesure où la perception par certains d'entre-eux d'une garantie mensuelle de rémunération conventionnelle était destinée à éviter la réduction de leur rémunération.

Faits

1. M. Gandon a été employé du 11 mars 2002 au 30 juin 2002 en qualité de chauffeur par la société Ocecars, selon contrat à durée déterminée à temps complet.

Le 6 février 2002, intervenait un accord d'établissement de réduction du temps de travail prévoyant que le personnel employé à temps complet et présent à la date de signature de l'accord percevrait une indemnité différentielle destinée à compenser la réduction du salaire de base par l'effet de la réduction du temps de travail, les nouveaux embauchés étant expressément exclus du bénéfice de cette indemnité.

Soutenant avoir perçu une rémunération inférieure à celle d'un autre salarié employé selon contrat à durée indéterminée, ayant la même qualification, occupant la même fonction et percevant ladite indemnité différentielle, M. Gandon a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de rappels de salaires sur le fondement de l'article L. 122-3-3 du Code du travail (N° Lexbase : L5460AC9).

2. Pour accueillir ses demandes, le jugement énonce qu'un accord d'entreprise ne saurait mettre en échec le principe "A travail égal, salaire égal" posé par les articles L. 122-3-3 (N° Lexbase : L5460AC9), L. 133-5, 4° (N° Lexbase : L1364G9E), L. 136-2, 8° (N° Lexbase : L1373G9Q) et L. 140-2 (N° Lexbase : L5726AC3) du Code du travail.

Solution

1. "Vu le principe 'A travail égal, salaire égal'",

"Ne méconnaît pas le principe 'A travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L. 122-3-3, L. 133-5, 4°, L. 136-2, 8° et L. 140-2 du Code du travail, l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale".

"Un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif de réduction du temps de travail, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et ayant subi une diminution de leur salaire de base consécutive à la réduction de la durée du travail, diminution que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser".

2. "En statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé, par fausse application, la règle susvisée".

"Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société au paiement de sommes au titre de la différence de salaires, du 13ème mois, de la prime de précarité et des congés payés, le jugement rendu le 22 septembre 2003, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de la Rochelle ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Poitiers".

Commentaire

1. Les avatars de la réduction légale du travail à 35 heures

  • Les incidences du passage aux 35 heures sur les rémunérations

L'abaissement de la durée légale de travail de 39 à 35 heures, par la loi n° 98-461du 13 juin 1998 dite "Aubry I" (N° Lexbase : L7982AIH), n'a pas manqué de poser de délicats problèmes juridiques.

Le premier concerne les conséquences de la réduction de la durée légale du travail sur les rémunérations.

Plutôt que de procéder de manière autoritaire, le Parlement a préféré inciter les partenaires sociaux à négocier les conditions du maintien des rémunérations en accordant aux entreprises concernées des exonérations de charges sociales destinées à compenser la hausse du coût horaire de main-d'oeuvre consécutive au maintien des rémunérations à leur niveau antérieur en dépit de la réduction de la durée du travail.

Pour permettre l'abaissement effectif de la durée du travail dans les entreprises qui s'étaient engagées à maintenir les rémunérations à leur niveau antérieur, la loi a également imposé de considérer que la seule réduction de la durée du travail, par application d'un accord de réduction du temps de travail, ne saurait constituer une modification du contrat de travail (C. trav., art. L. 212-3 N° Lexbase : L7966AIU), et que tout refus d'une modification du contrat, c'est-à-dire toute modification de la rémunération, en application de la réduction de la durée légale, serait soumise non pas à la procédure du licenciement pour motif économique, mais bien à celle du licenciement pour motif personnel (art. 30-II de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 N° Lexbase : L0988AH3)

Ce n'est que pour les salariés payés au Smic que la loi Aubry II, du 19 janvier 2000, a imposé le maintien des rémunérations antérieures grâce à la mise en place de garanties mensuelles de rémunérations (voir notre étude, Smic et réduction du temps de travail : la politique des petits pas, Dr. soc. 1999, p. 986), dont le régime a été réformé par la loi du 17 janvier 2003 (loi n° 2003-47, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi N° Lexbase : L0300A9Y) (voir notre étude, Smic et réduction du temps de travail : la fin du cauchemar, Dr. soc. 2003, p. 18).

  • Les inégalités de traitement induites par le maintien des rémunérations

Le maintien des rémunérations acquises, en dépit de la réduction de la durée du travail, pose incontestablement un problème d'égalité de traitement entre les salariés embauchés sous l'empire de l'ancienne durée du travail à 39 heures, et qui continuent à être payés sur une même base tout en ne travaillant que 35 heures, et ceux qui ont été embauchés après, et qui risquent de n'être payés que sur une base hebdomadaire de 35 heures.

La question avait été parfaitement perçue par le législateur qui a étendu, dans la loi du 19 janvier 2000, le bénéfice du système des garanties mensuelles de rémunération légales aux salariés payés au Smic et embauchés sur la base d'un Smic 35 heures, dès lors qu'ils occupent "des emplois équivalents".

Mais, qu'en est-il pour les salariés qui ne sont pas payés au Smic et qui échappent au champ d'application de la règle légale d'égalité de traitement ? Doit-on considérer que les nouveaux salariés, embauchés sur la base d'une durée légale du travail à 35 heures, doivent percevoir la même rémunération que leurs collègues embauchés sous l'empire d'une durée légale à 39 heures, au nom de l'application du principe "A travail égal, salaire égal" ?

Dans de nombreuses hypothèses, ce sont les partenaires sociaux qui ont réglé le problème en organisant les conditions de l'égalité de traitement mais, généralement, en en limitant le bénéfice aux salariés embauchés avant une certaine date. Comment allait réagir la Cour de cassation dans les hypothèses où les accords collectifs n'avaient rien prévu, compte tenu des récents développements de la jurisprudence en matière d'égalité salariale, ou avaient décidé d'écarter certains salariés du bénéfice du maintien de la rémunération antérieure ?

  • Situation en l'espèce

C'est à cette délicate question que devait répondre la Chambre sociale de la Cour de cassation dans cette affaire. Un salarié avait été recruté le 11 mars 2002 en qualité de chauffeur selon un contrat à durée déterminée à temps complet. Quelques jours plus tôt, un accord d'établissement de réduction du temps de travail prévoyant que le personnel employé à temps complet et présent à la date de signature de l'accord percevrait une indemnité différentielle destinée à compenser la réduction du salaire de base par l'effet de la réduction du temps de travail, et excluant expressément les nouveaux embauchés du bénéfice de cette indemnité, avait été conclu dans l'entreprise. Ce salarié, embauché quelques jours après l'entrée en vigueur de ce texte, avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement du complément différentiel conventionnel, au nom du respect du principe "A travail égal, salaire égal".

Le conseil de prud'hommes saisi lui avait donné raison, après avoir considéré qu'un accord d'entreprise ne saurait mettre en échec le principe "A travail égal, salaire égal" posé par les articles L. 122-3-3, L. 133-5, 4°, L. 136-2, 8° et L. 140-2 du Code du travail.

Et pourtant, l'argument, qui paraissait séduisant, n'a pas convaincu la Haute juridiction qui a cassé le jugement.

Il convient ici de bien mesurer la portée de l'argument pour l'apprécier pleinement.

2. Une solution justifiée

  • Le recours au principe "A travail égal, salaire égal"

On comprend parfaitement la colère des nouveaux embauchés qui travaillent dans les mêmes conditions que leurs camarades plus anciens et qui perçoivent, pour un travail rigoureusement identique, une rémunération inférieure de plus de 10 %, qui plus est lorsqu'ils percevaient, dans une autre entreprise et pour un travail identique, un salaire plus important lorsqu'ils travaillaient sous l'empire de l'ancienne durée du travail.

Certes, ce différentiel a été aujourd'hui absorbé en raison des hausses massives du Smic horaire intervenues jusqu'au 1er juillet 2005 pour combler l'écart avec les salariés payés sur une base 39 heures, hausse qui s'est, pour ces derniers, accompagnée d'une baisse proportionnelle de la garantie mensuelle de rémunération. Mais le "mal social" a été fait, entraînant ces procès qui remontent aujourd'hui jusqu'à la Cour de cassation.

Puisque cette différence de traitement résultait mécaniquement du passage aux 35 heures, restait à déterminer si le principe "A travail égal, salaire égal", pouvait être de nature à étendre le bénéfice des garanties mensuelles de rémunération à tous les salariés exerçant la même activité, le cas échéant en entraînant la nullité des dispositions conventionnelles en ayant limité le bénéfice à certains salariés, embauchés avant leur entrée en vigueur, comme c'était le cas dans cette affaire.

Un premier constat s'impose. L'application du principe "A travail égal, salaire égal", dégagé en 1996, ne s'applique qu'entre salariés appartenant à la même entreprise (Cass. soc., 6 juillet 2005, n° 03-43.074, FS-P+B N° Lexbase : A8883DIT, lire nos obs., Principe "A travail égal, salaire égal" : comparaison n'est pas raison, Lexbase Hebdo n° 177 du 21 juillet 2005 - édition sociale N° Lexbase : N6687AII), exception faite des salariés appartenant à une même UES "dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans un même établissement" (Cass. soc., 1er juin 2005, n° 04-42.143, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4890DIX, lire nos obs., Les limites du principe "A travail égal, salaire égal" entre salariés d'une même UES, Lexbase Hebdo n° 171 du 9 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5223AIB).

Mais, au sein de la même entreprise, comment justifier cette différence de traitement, une fois établi que les salariés en comparaison avaient un travail égal ou, à tout le moins, équivalent ?

Une première explication pouvait être recherchée dans les termes mêmes de la convention collective. La jurisprudence a, en effet, admis qu'au sein d'une même entreprise, des salariés pouvaient valablement être traités différemment dès lors qu'ils dépendaient d'accords d'établissements distincts (Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 98-40.769, Electricité de France c/ M. Chaize et autres N° Lexbase : A4844AGI, Dr. Soc. 2000, p. 189, chron. G. Couturier ; Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 02-45.608, FS-P N° Lexbase : A0168DGC, Dr. soc. 2005, p. 323, obs. Ch. Radé ; D. 2005, p. 1270, note A. Bugada).

Mais, cette explication ne pouvait être admise ici puisque les salariés appartenaient au même établissement (en réalité une entreprise unique). La différence de traitement ne résultait donc pas de l'application d'accords collectifs différents, mais bien du même accord collectif. Or, le principe "A travail égal, salaire égal", a incontestablement valeur législative et s'oppose, en principe, à ce qu'un même accord traite différemment des salariés exerçant un travail identique.

  • La justification de la différence de traitement au regard de la différence de situation

Il convenait alors de se tourner vers une analyse des justifications de la différence de traitement, ce qu'a fait la Cour de cassation. Alors que dans les affaires les plus récentes la justification avait été cherchée et trouvée dans la nécessité dans laquelle se trouvait l'entreprise de faire venir à elle des salariés dont elle avait absolument besoin (directrice de crèche : Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983DII, lire nos obs., La justification des inégalités de rémunération, Lexbase Hebdo n° 174 du 30 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N6023AIW ; chercheurs étrangers : Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B N° Lexbase : A5949DLW, lire nos obs, Nouvelle illustration d'une différence de traitement justifiée en matière de rémunération, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1188AK9), c'est cette fois-ci une analyse de la situation des salariés qui conduit à justifier la différence de traitement.

Après avoir rappelé que "ne méconnaît pas le principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L. 122-3-3, L. 133-5, 4°, L. 136-2, 8° et L. 140-2 du Code du travail, l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale", la Haute juridiction a considéré qu'"un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif de réduction du temps de travail, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et ayant subi une diminution de leur salaire de base consécutive à la réduction de la durée du travail, diminution que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser".

L'argument opposé par la Chambre sociale de la Cour de cassation se comprend parfaitement au regard de la situation des salariés en comparaison. Ceux qui ont été embauchés avant l'entrée en vigueur des 35 heures risquent, en effet, de perdre une partie de leur rémunération, puisque leur salaire, calculé sur une base mensuelle amputée de 11,42 %, risque d'être diminué d'autant si l'employeur décidait de répercuter l'abaissement de la durée légale. Pour leur garantir le maintien de leur rémunération et éviter un différend à venir, puisqu'il s'agirait alors d'une modification de leur contrat de travail que le salarié pourrait refuser, la convention collective prévoit le maintien de la rémunération par le biais d'une garantie mensuelle de rémunération, directement inspirée par le dispositif légal dont seuls les salariés payés au Smic sont bénéficiaires.

Les salariés embauchés sur une base 35 heures sont, pour leur part, dans une situation différente puisqu'ils ne subissent aucune baisse de leur rémunération contractuelle, fixée dès le départ sur une base 35 heures.

On peut, par conséquent, déduire que le seul constat d'une différence entre les dates d'embauche ne suffit pas à justifier la différence de traitement, et que d'autres justifications sont nécessaires (dans le même sens : Cass. soc., 4 mars 2003, n° 01-46.219, Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Yonne c/ M. Pascal Felut, FS-D N° Lexbase : A3779A74 ; Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04-40.169, Société The Hôtel Ritz Limited c/ Mme Stoyanka Smilov, FS-P+B N° Lexbase : A4304DIA), comme le fait que certains salariés bénéficiaient du maintien des avantages individuels acquis sur le fondement d'un accord collectif dénoncé (Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 02-45.608, FS-P N° Lexbase : A0168DGC, Dr. soc. 2005, p. 323, obs. Ch. Radé).

Ce n'est, d'ailleurs, pas la première fois que la Haute juridiction avait à se pencher sur la question d'une différence de traitement consécutive à l'introduction de minima conventionnels différentiels. Dans une affaire comparable, mais qui n'avait pas donné lieu à publication, la Cour de cassation avait déjà justifié une différence de traitement après avoir relevé que des "différences de salaires trouvaient leur cause dans l'application aux intéressés de dispositions d'ordre général, relatives d'une part au salaire d'embauche constitué par un 'minimum maison' suivant les évolutions des minima fixés par la convention collective de branche, et, d'autre part, des augmentations générales de salaires négociées" (Cass. soc., 11 décembre 2002, n° 00-46.800, F-D N° Lexbase : A4175A4E).

  • L'intérêt de la décision

Cette analyse est donc juridiquement parfaitement fondée, même si elle souligne les difficultés sociales entraînées par l'abaissement de la durée du travail, en même temps que les limites du principe "A travail égal, salaire égal".

Cet arrêt répond donc à une véritable difficulté et permet de mieux appréhender les modalités de mise en oeuvre du principe "A travail égal, salaire égal", principe qui peut se décliner en trois temps : le principe ne s'applique qu'aux salariés appartenant à la même entreprise ; le droit à l'égalité de traitement naît de l'accomplissement d'un travail identique, ou équivalent ; il ne peut être dérogé au principe d'égalité de traitement que si les salariés ne se trouvent pas dans une situation personnelle équivalente, soit en raison de leur position de force sur le marché de l'emploi soit, au contraire, en raison des risques particuliers auxquels leur situation les expose, comme c'était ici le cas des salariés menacés par une réduction de leur rémunération.

newsid:81672

Sécurité sociale

[Evénement] Transferts d'entreprise et protection sociale d'entreprise : les droits acquis dans le séisme de la restructuration

Réf. : 27ème colloque organisé par Droit social et présidé par Jean-Emmanuel Ray sur les Restructurations

Lecture: 10 min

N1643AK3

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par Propos recueillis par Aurélie Serrano, SGR - Droit social

Le 07 Octobre 2010

A la différence des contrats de travail, transférés au cessionnaire par l'effet de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), les droits à prestation de vieillesse ne sont pas transférés au nouvel employeur. Dès lors, se pose la question de l'impact d'un transfert d'entreprise sur les régimes de protection sociale. La révision d'un régime de prévoyance complémentaire peut se révéler nécessaire, notamment en cas de transfert d'entreprise, lorsque l'équilibre financier du régime est menacé. Pourtant, une telle révision risque de se heurter aux droits acquis des salariés. Dès lors, comment peut-on concilier ces deux intérêts a priori divergents ? Patrick Morvan, Professeur à l'Université Paris II - Panthéon Assas, est intervenu, lors du 27ème colloque sur les restructurations organisé par Droit social, le 1er décembre dernier, sur le thème "Transferts d'entreprise et protection sociale d'entreprise : les droits acquis des salariés dans le séisme de la restructuration". Sur ce sujet majeur mais rarement abordé, le Professeur Morvan a développé les axes suivants.
  • La nécessaire adaptation du régime de prévoyance et la préservation des droits acquis des salariés

Les relations juridiques triangulaires qui se nouent entre l'assureur, l'employeur et les salariés à l'occasion d'un contrat de prévoyance sont, par nature, d'une grande complexité (lire Patrick Morvan, Les transferts d'entreprise et les régimes de protection sociale, Dr. soc. n° 7-8, juillet-août 2005, p. 772). Le contrat d'assurance conclu entre l'employeur et l'assureur est inopposable aux salariés. La norme collective instituant dans l'entreprise un régime de protection sociale est, quant à elle, inopposable à l'assureur. Il existe donc un risque de décalage entre les engagements de l'assureur et ceux de l'employeur. Lors d'un transfert d'entreprise, ces liens peuvent être rompus ou réorganisés, ce qui complique encore un peu le paysage juridique.

L'enjeu financier pour l'employeur est extrêmement important. En effet, il reste le débiteur à titre principal des prestations complémentaires, l'assureur n'étant tenu de servir les prestations que dans la limite des actifs disponibles. L'employeur doit donc supporter un éventuel déficit des fonds collectifs. Là encore, ces enjeux financiers sont accrus en cas de restructuration.

Le transfert d'entreprise peut rendre nécessaire une adaptation de la couverture sociale et du contrat d'assurance. Pourtant, les salariés peuvent opposer à leur employeur leur contrat de travail et leur statut collectif. De même, l'employeur ne pourra pas remettre en cause les droits acquis des salariés.

  • La pauvreté des textes applicables

Le législateur, tant au niveau communautaire qu'au niveau national, se montre peu prolixe sur la question de l'évolution d'un régime de protection sociale en cas de transfert d'entreprise.

La Directive du 12 mars 2001 (Directive (CE) n° 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements N° Lexbase : L8084AUX) dispose que les Etats membres doivent adopter "les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des travailleurs ainsi que des personnes qui ont déjà quitté l'établissement du cédant au moment du transfert, en ce qui concerne leurs droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants" au titre des régimes complémentaires. En effet, à la différence des contrats de travail, transférés au cessionnaire par l'effet de l'article L. 122-12, les droits à prestation de vieillesse ne sont pas transférés au nouvel employeur. Toutefois, il n'existe aucune disposition spécifique sur la protection sociale.

En droit interne, l'article L. 913-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5842ADQ) dispose qu'"aucune disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de retraite, y compris à la réversion, des salariés ou anciens salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur ou de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre employeur, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion, ne peut être insérée à peine de nullité dans les conventions, accords ou décisions unilatérales mentionnés à l'article L. 911-1". Mais ce texte se contente de prévoir une cause de nullité sans prévoir la garantie des droits des salariés.

De même, la loi "Evin" (loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques N° Lexbase : L5011E4D) est extrêmement lacunaire s'agissant de la protection des droits des salariés, notamment en cas de transfert d'entreprises.

  • L'intangibilité de la pension liquidée

En tout état de cause, le principe est celui de l'intangibilité de la pension de retraite liquidée, tant en ce qui concerne les régimes de base (Cass. soc., 13 mai 1980, n° 79-11457, Duroux c/ Cram Rhône-Alpes, publié N° Lexbase : A3028CHM) que les régimes complémentaires obligatoires (Cass. soc., 13 mai 1980, n° 79-11457, Duroux c/ Cram Rhône-Alpes, publié N° Lexbase : A3028CHM) et supplémentaires (Cass. soc., 11 juin 1992, n° 90-13.000, M Jean-Marie c/ Caisse de prévoyance de la Société française des pétroles BP, publié N° Lexbase : A5114ABZ). La dénonciation d'un usage instituant un avantage vieillesse n'a plus d'effet une fois que la retraite a été liquidée. La Cour de cassation lie ainsi l'employeur, en matière de prestations vieillesse, par un engagement perpétuel.

  • Révision et dénonciation des normes collectives mettant en place un régime de protection sociale

En dehors des principes précédemment énoncés, le sort d'un régime de prévoyance mis en place dépendra de la norme collective qui est à sa source. Aux termes de l'article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD) et de la loi Evin (N° Lexbase : L5011E4D), les seules sources pouvant instaurer un régime de prévoyance, en dehors des dispositions législatives ou réglementaires, sont les conventions ou accords collectifs, les projets d'accords ratifiés à la majorité des intéressés et les engagements unilatéraux de l'employeur. Dès lors, trois cas sont à étudier.

- Quand une convention ou un accord collectif est à la source du régime, l'article L. 132-7 du Code du travail (N° Lexbase : L4696DZX) fixe les modalités de révision.

La convention et l'accord collectif de travail prévoient les formes selon lesquelles et l'époque à laquelle ils pourront être renouvelés ou révisés. Les organisations syndicales de salariés représentatives qui sont signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou qui y ont adhéré sont seules habilitées à signer, dans les conditions visées à l'article L. 132-2-2, les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord. Enfin, l'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie et est opposable, dans les conditions fixées à l'article L. 132-10, à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord collectif de travail.

L'article L. 132-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5688ACN) fixe les modalités de dénonciation des accords collectifs et les règles applicables postérieurement à cette dénonciation. A défaut de dispositions contraires prévues par l'accord initial, les parties doivent, tout d'abord, respecter un préavis de 3 mois avant que cette dénonciation ne puisse être effective. Passé ce délai de 3 mois, la convention collective continue de produire ses effets pendant une durée n'excédant pas 12 mois, sauf délai conventionnel plus long. Pendant cette période, la conclusion d'un nouvel accord mettra un terme à la survie du précédent. En revanche, si aucun accord de substitution n'a été conclu au-delà de ce délai, les salariés ne conservent que le bénéfice des avantages individuels acquis sur le fondement de l'accord dénoncé.

En cas de dénonciation d'un accord dans une entreprise, durant la période de survie provisoire, deux accords peuvent coexister. En cas de transfert d'entreprise, les salariés transférés pourront revendiquer l'application de l'accord le plus favorable. En outre, en cas de transfert d'entreprise, se pose la question du maintien provisoire de l'accord collectif mis en cause, au profit des salariés transférés au sein de l'entreprise cessionnaire. Un tel maintien est loin d'être évident. En effet, le transfert d'entreprise risque de pousser l'assureur à résilier le contrat d'assurance avec le nouvel employeur. D'une manière générale, il est souhaitable de mettre fin au plus vite à la coexistence d'accords au sein d'une même entreprise par la conclusion d'un accord de substitution.

- Lorsqu'un accord référendaire est à la source du régime, les dispositions applicables en matière de révision et de dénonciation ne sont pas aussi précises. En effet, le décret d'application de l'article L. 911-5 du Code de la Sécurité sociale qui devait préciser les conditions de révision ou de mise en cause d'un accord référendaire n'a toujours pas vu le jour.

En principe, un régime complémentaire institué par accord référendaire peut être modifié ou révisé par accord collectif ou par accord référendaire. Il est, en revanche, moins sûr qu'un accord référendaire puisse modifier un accord collectif. La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 26 septembre 2002 (Cass. soc., 26 septembre 2002, n° 01-00.550, FS-D N° Lexbase : A4826AZR) que si la dénonciation unilatérale d'un accord référendaire instituant un régime de retraite supplémentaire et créé sur initiative de l'employeur intervient en dehors de toute fraude ou conditions fautives et respecte les droits acquis, elle est valable pour l'avenir.

- Quand un engagement unilatéral est à la source du régime, il est en principe transmis au nouvel employeur par le simple effet du transfert d'entreprise (Cass. soc., 4 février 1997, n° 95-41.468, Société Total raffinage distribution c/ Consorts Rocaboy et autres N° Lexbase : A2094ACK).

Le nouvel employeur ne peut mettre fin à l'engagement unilatéral pris par l'ancien employeur qu'à la condition de prévenir individuellement et par écrit les salariés et les institutions représentatives du personnel dans un délai permettant d'éventuelles négociations (Cass. soc., 31 janvier 1995, n° 91-43.822, Société anonyme Etablissements Barrault, agisssant par la personne de son président-directeur général M Claude Barrault c/ M Gérard Fichepain, inédit N° Lexbase : A1862AA9).

  • Remise en cause de la protection sociale et droits acquis

La dénonciation régulière de la convention ou de l'accord collectif, de l'accord référendaire ou de l'engagement unilatéral s'applique de plein droit aux salariés. Cependant, les avantages acquis des salariés ne peuvent, en principe, pas être remis en cause par l'employeur. Cette solution a été consacrée par l'arrêt "Naphtachimie" du 3 juin 1997 (Cass. soc., 3 juin 1997, n° 94-40.347, Société Naphtachimie c/ M Charrier, publié N° Lexbase : A1590ACU). De même, la Cour de cassation précise, dans un arrêt du 30 novembre 2004, que "le versement volontaire par l'employeur d'une prime dite de milieu d'année postérieurement à la mise en retraite du salarié entraîne la transformation de la prime versée pendant la période d'activité en un avantage de retraite et que, dès lors, la dénonciation de l'usage instituant la prime ne remet pas en cause cet avantage après la liquidation de la retraite" (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.367, FS-P+B N° Lexbase : A1245DET).

Dans un arrêt du 17 mai 2005 (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46.581, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2996DIS, lire Emilie Zieleskiewicz, Avantage de retraite et dénonciation de l'accord collectif, Lexbase Hebdo n° 171 du 8 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5203AIK), la Chambre sociale de la Cour de cassation vient définir de manière plus précise les contours de la notion de droits acquis en matière de prestation de retraite, auxquels un accord de substitution ne peut porter atteinte et, ce faisant, qualifie d'avantages collectifs susceptibles d'être remis en cause les modalités de revalorisation de la pension de retraite. Ainsi, les salariés ont droit au niveau de la pension atteint au jour de la dénonciation, mais ils ne bénéficient pas des modalités de revalorisation.

La Cour de cassation consacre, dans ces arrêts, l'engagement perpétuel de l'employeur. La seule porte de sortie est de substituer à l'engagement unilatéral un accord collectif, fût-ce dans un sens moins favorable, à condition que celui-ci ait le même objet. Toutefois, le contrôle des juges sur l'identité d'objet est très strict, ainsi qu'en témoigne un arrêt de la Cour de cassation du 12 avril 1995 (Cass. soc., 12 avril 1995, n° 91-41.470, Caisse mutuelle d'assurance sur la vie de la métallurgie, des houillères et des mines (CMAV) c/ Mme Simone Lellouche, inédit N° Lexbase : A9198CR4).

  • La distinction entre les droits acquis et les droits éventuels

La remise en cause des droits issus d'un régime de protection sociale d'entreprise dépendra du système mis en place.

Dans les régimes à prestations définies, les droits des salariés sont  subordonnés à la liquidation de la retraite. En outre, une condition de présence est inscrite. Il s'agit donc de droits éventuels qui peuvent disparaître en cas d'accord de révision. Ces droits sont perdus si le travailleur n'est pas présent dans l'entreprise au moment où il prend sa retraite.

S'agissant de la condition de présence, il importe peu, pour que celle-ci s'applique, que le licenciement ait une cause réelle et sérieuse. La seule limite, exceptionnelle, est la mauvaise foi de l'employeur. Ainsi, la Cour de cassation juge que la condition est réputée accomplie "lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement" (Cass. soc., 13 novembre 2002, n° 00-46.448, Société Transport du Val-de-Seine (TVS) c/ Mme Brigitte Montibert, F-D N° Lexbase : A7377A3M). Dans cette espèce, l'employeur s'était engagé au paiement d'une prime d'objectifs à la condition que le salarié soit présent dans l'entreprise au moment de son versement. L'employeur ayant licencié le salarié, la condition de présence de celui-ci dans l'entreprise au moment du versement de la prime n'était pas remplie. Pourtant, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation rappelle qu'en l'espèce, c'est l'employeur qui a empêché la condition de se réaliser en licenciant le salarié sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, les autres conditions de versement de la prime étant remplies, celle-ci était due au salarié.

Plus généralement, le manquement à l'obligation de bonne foi peut engager la responsabilité contractuelle de l'employeur (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-42.280, FS-P N° Lexbase : A8583AYK).

En cas de transfert d'entreprise, la défaillance de la condition de présence est liée à la décision de l'employeur de céder le contrat de travail. Pour autant, le travailleur ne peut engager la responsabilité de l'employeur puisque le transfert est bien "un effet de la loi et non de la volonté de l'employeur". La seule limite reste, ici encore, le respect de l'obligation de bonne foi et l'absence de fraude.

En revanche, dans les régimes à cotisations définies, les droits sont acquis par le travailleur au fur et à mesure de sa contribution et ne peuvent pas être remis en cause par un accord postérieur. Il s'agit donc de droits acquis, immuables, et qui constituent le seul rempart des salariés en cas de remise en cause d'un régime de protection sociale.

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Social général

[Jurisprudence] La mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2005-892 relative aux seuils d'effectifs fortement compromise

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 286440, Confédération générale du travail - Force ouvrière (N° Lexbase : A7291DLM)

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Le 07 Octobre 2010

Alors que le Conseil d'Etat a pleinement validé la mesure phare (la plus médiatisée) des ordonnances sur l'emploi de cet été 2005, le contrat nouvelles embauches, l'ordonnance n° 2005-892 excluant les jeunes de moins de 26 ans du calcul des seuils d'effectifs (ordonnance du 2 août 2005, n° 2005-892, relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN) connaît, au contraire, un sort judiciaire qui en compromet définitivement la mise en place. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat avait, en effet, prononcé un sursis à statuer sur les requêtes déposées par les principaux syndicats de salariés demandant l'annulation de cette ordonnance, jusqu'à ce que la CJCE se soient prononcée sur des difficultés sérieuses d'interprétation (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération Générale du Travail et autres N° Lexbase : A9978DKR, lire nos obs., Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte, Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0047AKX). Puis, moins d'un mois plus tard, le Conseil d'Etat statue à nouveau, cette fois-ci sur une demande tendant à la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892, parce que l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Des l'origine, cette ordonnance avait été très discutée, en raison de ses postulats de depart (1) ; sa remise en cause par le Conseil d'Etat n'est pas très surprenante (2).
Décision

CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 286440, Confédération générale du travail - Force ouvrière (N° Lexbase : A7291DLM)

Textes applicables : Loi 26 juillet 2005, n° 2005-846, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ; Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatifs aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS) ; Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U).

Lien bases :

Résumé

L'ordonnance n° 2005-892 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises est suspendue par le Conseil d'Etat.

Faits

Requête de la CGT-FO : demande la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises ; à titre subsidiaire, la suspension de l'exécution de cette ordonnance en tant qu'elle s'applique aux établissements comportant plus de 20 travailleurs.

Solution

1. Au nombre des dispositions dont l'application peut se trouver écartée ou différée par l'ordonnance n° 2005-892, figurent celles qui imposent aux entreprises la mise en place d'institutions représentatives du personnel appelées, notamment, à intervenir dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique : l'application de cette mesure porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la CGT-FO.

La condition tenant à l'urgence doit être considérée comme remplie.

2. Par décision en date du 19 octobre 2005, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur les questions suivantes : compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, qui est le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette Directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ? Ces moyens sont propres à faire naître un doute serieux sur la légalité de l'ordonnance n° 2005-892.

3. Le Conseil d'Etat prononce la suspension de l'ordonnance n° 2005-892.

Commentaire

1. Un constat de départ : la référence très discutée à l'"effet de seuil"

1.1. La notion d'effet de seuil

La notion d'effet de seuils doit être entendue comme l'influence exercée sur l'emploi par les différents seuils, constituant par là-même un frein à la croissance des entreprises. Les entreprises hésiteraient à procéder à des recrutements supplémentaires lorsque leur effectif approche ces seuils légaux. Mais, les travaux publiés par les économistes et statisticiens ne sont pas unanimes sur ces prétendus effets de seuil (1), et les juristes sont très partagés (2).

Pourtant, le pouvoir réglementaire et certains parlementaires ont repris à leur compte cette notion d'effet de seuils, en relevant que les entreprises renoncent souvent à créer de nouveaux emplois en raison des obligations qui résulteraient pour elles du franchissement des seuils, ce qui expliquerait que le nombre d'entreprises de 9 salariés soit deux fois plus élevé que celui des entreprises de 10 salariés ou qu'un effet de seuil encore plus marqué soit observé pour le nombre d'entreprises de 49 et de 50 salariés.

Le Conseil constitutionnel (opinion exprimée par la voie des cahiers du Conseil constitutionnel, et non dans sa décision DC 2005/521 rendue le 22 juillet 2005 N° Lexbase : A1642DKZ), paraît partager cette analyse, en estimant "que la crainte des conséquences du franchissement des seuils influe de façon dissuasive sur les décisions d'embauche. Comment expliquer que l'évolution de l'emploi dans les entreprises se situant juste en dessous du seuil de 50 salariés apparaisse aussi ralentie ? Il s'agit là d'un constat statistique et non d'un présupposé arbitraire" (3).

1.2. Une réponse juridique inadaptée

La dimension désincitative des seuils d'effectifs, qui n'a pas convaincu les économistes et les statisticiens, a pourtant influencé directement le legislateur (loi d'habilitation n° 2005-846 du 26 juillet 2005) et le pouvoir reglementaire (ordonnance n° 2005-892) dans une nouvelle mesure pour l'emploi, dispensant les employeurs d'intégrer dans le calcul des effectifs les jeunes de moins de 26 ans.

Cette ordonnance a été critiquée sur la portée juridique de cette neutralisation des jeunes sur le calcul des effectifs (dimension juridique), d'une part, et sur l'intérêt réel que l'employeur pouvait trouver dans cette mesure (dimension financière), d'autre part.

  • Dimension juridique

En excluant du calcul des effectifs de l'entreprise les jeunes de moins de 26 ans, l'ordonnance n° 2005-892 permet, par exception au principe général défini par l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7732HBY), une non-prise en compte des jeunes de moins de 26 ans dans le calcul des effectifs dans toutes les dispositions du Code du travail qui font intervenir la variable seuil d'effectifs : seuil de déclenchement de la mise en place des institutions représentatives du personnel, seuil de déclenchement d'un régime propre dans le droit des licenciements, dispositions liant l'obtention de certains droits des salariés à des seuils (procédures de licenciement, participation, congés, formation...) ainsi que celles qui sont relatives à l'hygiène et à la sécurité (locaux de premiers secours, CHSCT...).

Ni le pouvoir législatif (loi d'habilitation du 26 juillet 2005), ni le pouvoir réglementaire (ordonnance n° 2005-892), n'ont exclu cette nouvelle règle de décompte des effectifs dans le droit de la représentation du personnel. Le Conseil constitutionnel les a soutenus, alors que les requérants invoquaient le fait que cette loi d'habilitation permettrait au Gouvernement de dispenser les petites entreprises du respect de certaines exigences constitutionnelles destinées à protéger les salariés, sur la base d'une violation des alinéas 8 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

Il y aurait disproportion entre incitation à l'emploi (au profit des employeurs) et renonciation (au détriment des salariés) à une représentation du personnel du fait de l'application de l'ordonnance n° 2005-892. Permettre aux entreprises de contourner les seuils sociaux pour ne pas avoir à organiser des élections de délégués du personnel pour celles employant plus de 10 salariés, ou à désigner un délégué syndical pour celle ayant plus de 50 salariés, serait indifférent au regard de l'objet de la loi, selon ces parlementaires.

Mais, selon le Conseil constitutionnel, l'article 1-5° de la loi d'habilitation n° 2005-846 du 26 juillet 2005 n'autorise qu'un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, et non du contenu desdites dispositions ou obligations (Conseil constitutionnel, déc. DC 2005/521, 22 juillet 2005)

  • Dimension financière

En application de l'ordonnance n° 2005-892, les jeunes de moins de 26 ans ne sont pas décomptés dans les effectifs de l'entreprise, pour le calcul du seuil à partir duquel sont dues certaines charges sociales : versement transports ; versement Fnal (art. 3 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7564HBR : taux 0,10 % pour toutes les entreprises, quels que soient les effectifs ; pour les entreprises de plus de 9 salariés, taux portée à 0,40 %, calculé sur la totalité du salaire) ; participation à la construction (art. 4 de l'ordonnance, modifiant le septième alinéa de l'article L. 313-1 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L7556DK3).

Or, l'ordonnance n° 2005-892, qui organise une exonération sur le versement Fnal, doit être analysée dans une mise en confrontation avec d'autres dispositions prises par le pouvoir réglementaires le même jour (ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005 relevant certains seuils de prélèvements obligatoires et tendant à favoriser l'exercice d'une activité salariée dans des secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement N° Lexbase : L0753HBI) ou quelques semaines plus tôt (ordonnance 8 juin 2005, n° 2005-655, relative au logement et à la construction N° Lexbase : L8527G8C).

En effet, l'ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005 avait déjà relevé certains seuils de prélèvements obligatoires, dans le but de favoriser l'exercice d'une activité salariée dans des secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement. L'ordonnance n° 2005-895 a, dès lors, modifié l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale, permettant ainsi de relever le seuil des employeurs dispensés de la contribution au Fnal.

Désormais, les employeurs occupant moins de 20 salariés (contre 10 salariés précédemment) sont dispensés de la contribution. Seuls les employeurs occupant plus de 20 salariés seront désormais assujettis à cette cotisation supplémentaire de 0,4 % due sur la totalité des salaires. Tous les employeurs employant entre 10 et 19 salariés cessent donc d'être redevables de cette cotisation. Cette suppression ne vaut que pour la part supplémentaire de cotisation.

De plus, de nombreux salariés sont déjà exclus du calcul des effectifs. La loi du 26 juillet 1985 avait déjà prévu que les apprentis ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'effectif du personnel des entreprises dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives ou réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum de salariés, exception faite de celles qui concernent la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 117-11-1 N° Lexbase : L5421ACR).

Les bénéficiaires des CIE n'étaient pas non plus pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives et réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum de salariés, exception faite de celles qui concernent la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 322-4-5 N° Lexbase : L3108DC4). Le nouveau CIE, tel que mis en place par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, reproduit à l'identique cette règle (C. trav., art. L. 322-4-8 N° Lexbase : L8937G77), pourtant très critiquée par la doctrine (4). Enfin, s'agissant du contrat de professionnalisation (C. trav., art. L. 981-1 et s. N° Lexbase : L4799DZR), le législateur applique cette règle de non-déclenchement d'un seuil d'effectif par l'embauche d'un jeune (C. trav., art. L. 981-8 N° Lexbase : L4806DZZ).

2. A l'arrivée : remise en cause de l'ordonnance n° 2005-892 par le Conseil d'Etat

2.1. Arrêt du Conseil d'Etat, 19 octobre 2005 : renvoi préjudiciel devant la CJCE

Le Conseil d'Etat n'avait pas désavoué le pouvoir réglementaire ni la decision rendue quelques semaines plus tôt par le Conseil constitutionnel, mais avait tout de même prononcé un renvoi prejudiciel devant la CJCE. On se souvient, en effet, que le Conseil d'Etat, dans cet arrêt rendu le 19 octobre 2005, avait prononcé un sursis à statuer jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur deux questions (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération Générale du Travail et autres N° Lexbase : A9978DKR).

Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 (N° Lexbase : L7543A8U), le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 (N° Lexbase : L9997AUS) peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

Il était demandé à la CJCE que ces questions, dont la réponse, eu égard au caractère limité dans le temps du dispositif litigieux qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007, présente un caractère exceptionnellement urgent, soient examinées conformément à la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure. Bref, selon le Conseil d'Etat, il paraissait clair que l'ordonnance n° 2005-892 n'était pas (ne paraissait pas) conforme au droit de la consultation des représentants du personnel au titre de la réglementation communautaire sur le licenciement.

2.2. La suspension immediate de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892

Le juge des référés, saisi d'une demande en annulation ou reformation, peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative (ou de certains de ses effets), lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Le Conseil d'Etat, saisi en tant que juridicition de référé, ordonne la suspension de l'ordonnance, parce qu'il considère que ces deux conditions sont remplies.

  • Sur la condition d'urgence

Le Conseil d'Etat rappelle que la condition d'urgence, qui subordonne le prononcé d'une mesure de suspension, est remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre.

Or, l'ordonnance n° 2005-892 permet, pour l'application des dispositions du Code du travail subordonnant leur application à une condition d'effectif, d'exclure les salariés âgés de moins de 26 ans du décompte de cet effectif. Au nombre des dispositions dont l'application peut ainsi se trouver écartée ou différée, figurent celles qui imposent aux entreprises la mise en place d'institutions représentatives du personnel appelées, notamment, à intervenir dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique.

L'application de cette mesure porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la CGT-FO, selon le Conseil d'Etat (arrêt rapporté). Même si le ministre de l'Emploi fait valoir que l'ordonnance n° 2005-892 a été inspirée par l'objectif de favoriser l'emploi, le Conseil d'Etat conclut que la condition tenant à l'urgence doit être regardée comme remplie.

  • Sur l'existence d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision

Le Conseil d'Etat a, comme on le sait, sursis à statuer sur les requêtes tendant à l'annulation de l'ordonnance du 2 août 2005 jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur les difficultés sérieuses d'interprétation que posent ces deux directives, et dont dépend la légalité de cette ordonnance n° 2005-892. Or, selon le Conseil d'Etat, pour des motifs de la même nature que ceux ayant conduit à prononcer ce renvoi préjudiciel, ces moyens sont, en l'état de l'instruction, propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance contestée.

C'est la première fois, à notre connaissance, qu'une haute juridiction française intervient à visage si découvert, dans le débat sur les contrats aidés et les aides à l'emploi. Le Conseil constitutionnel s'était déjà exprimé à plusieurs reprises sur certaines lois dont l'objet était l'emploi : mais, la plupart du temps, les décisions rendues ne prononçaient pas la censure.

L'arrêt rapporté par le Conseil d'Etat n'en a que plus d'importance et de poids. Jusqu'à présent, il existait, en effet, en France, un consensus général, le plus souvent exprimé seulement au niveau de l'inconscient, selon lequel l'emploi (les contrats aidés, les aides à l'emploi) constituait la priorité absolue, fût-ce au prix de sacrifices par les salariés (ou les employeurs), qui pouvaient être sollicités pour renoncer à certaines dispositions du Code du travail. Le Conseil d'Etat brise ce tabou d'un arbitrage systématiquement favorable à l'emploi, et rétablit un rééquilibrage entre emploi et renonciation aux prérogatives juridiques nées du Code du travail.

Christophe Willmann
Professeur à l'université de Haute Alsace


(1) P. Cahuc, F. Kramarz et S. Perez-Duarte, La question des seuils de taille d'entreprise, Dr. soc. 2005, p. 1139.

(2) C. Sachs-Durand, Les seuils d'effectif en droit du travail, préc. ; J. Prieur et P. Goyard (dir.), Seuils légaux et dimensions de l'entreprise Droits commercial, fiscal, social et économique, Avant-propos de A. Sayag, LITEC, 1990 ; P. Bourguignon, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981], Ass. nat. n° 567, 1re session ord. 1981-1982 ; CNPF, Les effets des seuils d'effectif de l'entreprise, doc. ronéoté, Direction générale des Affaires sociales, Paris, 1984 ; M. Coffineau, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983], Ass. nat., n° 1451, 2e session ord. 1982-1983 ; E. Dailly, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981], Sénat, n° 20, 1re session ord. 1981-1982 ; J. Roger-Machart, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984], Ass. nat., n° 1526, 2e session ord. 1982-1983 ; M.-C.Boutard-Labarde et R. Saint-Esteben, Réflexions sur le seuil de sensibilité en droit de la concurrence, JCP éd. E. 1989, II, 15406 ; M. Kalika, La structure organisationnelle et la taille de l'entreprise, Les Petites Affiches 1er déc. 1989, p. 11 ; G. Lang et C. Thelot, Taille des établissements et effets de seuil, Economie et statistique janv. 1985, n° 173, p. 3 ; (C. Willmann, L'exclusion du calcul des effectifs des jeunes de moins de 26 ans (Ord. 2005-892 du 2 août 2005), Dr. soc. 2005 ; V. enfin, pour une lecture critique de cette ord., B. Gauriau, Commentaire de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises, JCP-S 6 sept. 2005, étude n° 1121, p. 41.

(3) Toutes ces données sont accessibles sur site internet du Conseil constitutionnel.

(4) L. Gamet, Les contrats de travail conclus au titre des dispositifs publics de mise à l'emploi, prec.

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Evaluation des immeubles : notion de "biens intrinsèquement similaires"

Réf. : CA Paris, 1ère, B, 21 octobre 2005, n° 03/21809, M. René Louvel c/ Ministre de l'Economie (N° Lexbase : A2552DL4) et CA Paris, 1ère, B, 28 octobre 2005, n° 03/18828, M. Jean-Jacques Georges Nigon et autres c/ Ministre de l'Economie (N° Lexbase : A2889DLL)

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N1798AKS

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Pour contester l'évaluation retenue par un redevable de droits de mutation à titre gratuit, l'administration n'est pas contrainte de justifier de la valeur qu'elle retient par comparaison avec des cessions de biens strictement identiques dans le temps, dans l'environnement et dans l'emplacement. En revanche, elle doit produire des éléments de comparaison tirés de la cession de "biens intrinsèquement similaires". Tel est le rappel que vient faire la cour d'appel de Paris dans deux affaires qui lui étaient soumises récemment. On sait que, parce qu'elle s'appuie sur les données du marché, la méthode d'évaluation par comparaison constitue la règle, lorsque l'administration fiscale entend contester la valeur retenue dans un acte de transmission à titre gratuit. Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il peut être dérogé à ce principe (Cass. com., 10 mai 1988, n° 87-13.554, M Dalbos c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2837AHK, par exemple pour l'évaluation d'un terrain attenant à un immeuble d'habitation ; en l'espèce, sa valeur avait été fixée au montant de la dépréciation que subirait l'ensemble immobilier si le terrain venait à être détaché). Cette méthode par comparaison consiste à déterminer la valeur d'un immeuble par référence au prix de vente de biens qui lui sont comparables et qui présentent les mêmes caractéristiques. En l'état actuel de la jurisprudence, l'administration doit s'appuyer sur des mutations à titre onéreux, antérieures au fait générateur de l'impôt, constituant des mutations de "biens intrinsèquement similaires". 1. Recours à des mutations à titre onéreux....

Les éléments de comparaison invoqués par le service des impôts pour démontrer une insuffisance d'évaluation ne peuvent être que des cessions à titre onéreux. Cet impératif découle de la méthode elle-même, puisqu'elle repose sur des valeurs de marché. Ainsi, ni l'administration ni le redevable ne peuvent invoquer la valeur retenue par les héritiers dans une déclaration de succession, cette-ci n'étant qu'une estimation et non une valeur de marché (Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-14.874, DGI c/ Consorts El Azem N° Lexbase : A9707ATP). Il en est de même de l'estimation faite d'un bien par le service des Domaines, dès lors qu'il n'est pas fait état qu'une transaction soit intervenue sur cette base (Cass. com., 4 avril 1995, n° 93-18.683, M. Jacques Dauphin c/ Directeur général des impôts et autres, inédit, Rejet N° Lexbase : A3538CMY).

2. ...antérieures au fait générateur...

Le raisonnement, qui sous-tend ce principe, est le suivant : les cessions à retenir pour justifier de l'évaluation retenue par l'administration fiscale doivent être connues à la date du transfert de propriété du bien à évaluer. A défaut, autoriser le service à produire des ventes intervenues postérieurement introduirait, sans contestation possible, une insécurité fiscale. Ce principe a été retenu par le juge, qui a précisé que l'évaluation d'un domaine faisant l'objet d'une donation ne saurait être déterminée en fonction du prix de vente de ce bien intervenue ultérieurement, vente "insusceptible de constituer un élément adéquat de comparaison" (Cass. com., 29 novembre 1994, n° 2216 D). De même, la valeur réelle d'un immeuble ne peut être déterminée en retenant le prix de vente postérieur du bien, avec application d'un coefficient d'érosion monétaire (Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-19.159, M. Georges Gras c/ M. le directeur général des impôts et autres, inédit au bulletin, Rejet N° Lexbase : A7735CXR). On notera une décision dissidente dans laquelle la cour a estimé que le service pouvait valablement contester la valeur d'un immeuble successoral, en invoquant la cession d'un bien similaire deux jours après le décès, au motif que le prix avait "à l'évidence" été convenu avant le décès (Cass. com., 27 mars 2001, n° 98-15.302, F-D N° Lexbase : A0927ATI). Cependant, cette décision doit être considérée comme un arrêt d'espèce, au double motif que le terme "évidence" paraît dépourvu de toute signification juridique et qu'il n'était pas démontré que le prix fixé l'avait été dans le cadre d'une promesse synallagmatique, seule susceptible de formaliser un accord sur la chose et le prix. Bien entendu, le nécessaire maintien du principe d'antériorité des mutations par rapport au fait générateur de l'impôt n'interdit pas, mais uniquement pour corroborer le résultat de la recherche, de faire état, dans le cadre de la procédure contradictoire, d'éléments postérieurs. Ce que font les services qui mentionnent, parfois, dans leurs propositions de rectifications des cessions postérieures citées "à titre indicatif".

3. ...portant sur des biens intrinsèquement similaires.

Pour déterminer la valeur d'un bien immobilier, il est impératif de tenir compte de sa localisation, de ses caractéristiques physiques proprement dites et de sa conception intérieure. Pour cette raison, l'évaluation d'un immeuble s'effectue par comparaison à des cessions de "biens intrinsèquement similaires" (Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-13.643, DGI Paris 12e c/ Epoux Brunet, inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A7669CKA). Cependant, cette exigence n'implique pas que les biens, dont la cession est invoquée à titre d'élément de comparaison, soient strictement identiques dans le temps, dans l'environnement et dans l'emplacement à ceux qui constituent l'objet du litige (Cass. com., 12 janvier 1993, n° 90-21.494, Société du Chemin des Anes c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A6355ABY). Répondent à cette définition les biens immobiliers qui sont situés dans la même commune que le bien à évaluer, avec des dates de construction voisines, un classement cadastral et des surfaces habitables comparables (Cass. com., 19 décembre 2000, n° 98-12.260, M. le directeur général des impôts c/ M. Jean-Marie Le Pen N° Lexbase : A2329APX). Cependant des décisions se révèlent moins exigeantes. Ainsi, pour évaluer un blockhaus, bien atypique, il a été jugé possible d'invoquer, comme termes de comparaison, des cessions portant sur des constructions traditionnelles datant de la même époque et situées dans la même commune (Cass. com., 5 décembre 2000, n° 97-21.553, Société du Merlot, société civile immobilière c/ Directeur des services fiscaux de la Gironde N° Lexbase : A0305AUT). De même, dans l'une des deux affaires examinées par la cour d'appel de Paris, en l'absence de biens de même catégorie, le juge a estimé que des constructions datant de la fin du XIXème siècle pouvaient constituer des biens intrinsèquement similaires à une construction datant, elle, des années 1970 (CA Paris, 1ère, B, 28 octobre 2005 , n° 03/18828, M. Jean-Jacques Georges Nigon et autres c/ Ministre de l'Economie). Dans la seconde affaire soumises à la même Cour, un appartement de 197 m², situé dans un immeuble en pierre de taille, construit en 1906, a été, à juste titre, évalué en retenant le prix de cessions d'appartements, d'une surface de 140 m², 217 m² et 232 m², situés dans le même secteur, dans des immeubles construits en 1880 et 1913 (CA Paris, 1ère, B, 21 octobre 2005, n° 03/21809, M. René Louvel c/ Ministre de l'Economie). En revanche, ont été jugés impropres à contester la valeur d'un immeuble des références consistant dans des immeubles du même quartier construits en pierre ou en plâtre et de qualité d'entretien médiocre, présentant des écarts de valeur au moins de un à trois, au motif qu'il n'était pas apporté dans la notification de redressements aucune précision sur l'état intérieur de ces immeubles (Cass. com., 30 mai 2000, n° 97-17.361, M. Roger Ternon c/ M. Le Directeur général des impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3459AUN).

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Procédures fiscales

[Le point sur...] La Convention européenne des droits de l'Homme à l'épreuve de la confrontation fiscale : l'impact incertain de la CESDH circonscrit à la matière fiscale (1ère partie)

Lecture: 18 min

N1760AKE

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

La dimension, désormais, européenne de la gestion de la fiscalité par le contribuable s'illustre dans l'invocation de ses droits garantis plus par le Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE), au regard de la jurisprudence la plus récente, que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) dont l'applicabilité à la fiscalité se trouve, pour un temps, remise en cause. A la différence des dispositions du Traité CE, qui visent essentiellement des droits économiques, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales vise les droits attachés à la personne, distinguant les droits substantiels des droits processuels. Il sera observé que le préambule de la Convention se réfère à la Déclaration des droits de l'homme proclamée par l'Assemblée générale des Nations-Unies en décembre 1948. Les dispositions en question ont un effet direct et sont directement invocables en droit interne et supérieurs à celui-ci par application des dispositions de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R). Quand est-il en matière fiscale de l'application desdites dispositions ? Peut-on, en effet, valablement et avec la même efficacité que pour le Traité CE utiliser les dispositions de la Convention pour contester une loi fiscale de procédure ou de fond ? Et quand est-il de l'application à la fiscalité de l'entreprise ? N'y a-t-il pas un paradoxe à l'application à la matière fiscale de la Convention européenne des droits de l'homme ? En ce qui concerne ce dernier point il convient d'observer que la Convention n'est pas seulement applicable aux particuliers, personnes physiques, mais aussi aux entreprises, selon la jurisprudence de la Cour, par référence aux dispositions de l'article 34 de la CESDH (N° Lexbase : L4769AQP) portant sur le droit de recours individuel et l'article 41 de la même Convention (N° Lexbase : L4777AQY) portant sur le droit à réparation (CEDH, 6 avril 2000, req. 35382/97, Comingersoll SA c/ Portugal N° Lexbase : A6763AWE ; CEDH, 16 avril 2002, req. 37971/97, Sociétété Colas Est et autres c/ France N° Lexbase : A5397AYK). En revanche, en ce qui concerne les collectivités territoriales ou locales, l'application de la Convention paraît soulever des difficultés sérieuses tenant au fait qu'elles sont considérées comme "les pendants de l'Etat" et qu'on ne pourrait démembrer un Etat, étant observé que ce dernier ne peut intenter un procès à lui-même.

1. Un champ d'application à la matière fiscale a priori large mais controversé des droits substantiels et processuels de la CESDH

L'invocation de la Convention par le contribuable à l'appui de ses recours ne répond pas dans la majorité des cas à ses attentes, se soldant le plus souvent par des décisions de rejet qui sont autant de déclarations de conformité des dispositions de droit interne à la Convention.

Mais il y a plus, le doute s'est introduit dans les esprits sur l'applicabilité de la Convention à la matière fiscale laissant la place à la controverse.

1.1. Les droits substantiels attachés à la personne, aux biens, ainsi qu'à la propriété

  • Pour ce qui concerne les premiers, parmi les droits dont la conformité a été examinée sur le plan fiscal avec la Convention, nous trouvons dans l'ordre :

- le respect de la personne humaine (CESDH, art. 3 N° Lexbase : L4764AQI) ;
- le droit à la liberté et à la sûreté (CESDH, art. 5.1.b N° Lexbase : L4786AQC) ;
- le droit au respect de la vie et du domicile (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR) ;
- le droit au respect de la liberté religieuse (CESDH, art. 9 N° Lexbase : L4799AQS) ;
- le droit au respect de la liberté d'expression (CESDH, art. 10 N° Lexbase : L4743AQQ).

C'est en premier lieu, en matière de condamnation pénale pour fraude fiscale que s'est exercé le contrôle de conventionalité, notamment sur le point de savoir si les peines complémentaires d'affichages d'un jugement pénal constituaient ou non au regard du respect de la personne humaine un traitement dégradant. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la négative (Cass. crim., 26 mars 1990, n° 89-82.637, Blanchet Louis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7829BSR). De même, le régime de la contrainte par corps n'a pas été jugé dans un premier temps incompatible au regard du droit à la liberté et à la sûreté (Cass. com., 12 octobre 1993 n° 1453 D) alors que la CEDH (CEDH, 8 juin 1995, req. 11/1994/458/539, Jamil c/ France N° Lexbase : A6664AWQ) devait juger ultérieurement que ses dispositions étaient contraires à l'article 7 de la CESDH (N° Lexbase : L4797AQQ), dans la mesure où la contrainte revêtait le caractère d'une peine laquelle ne pouvait être ordonnée que par un juge.

En matière de procédure, telle celle afférente aux demandes d'éclaircissements ou de justifications visées à l'article L. 16 du LPF (N° Lexbase : L5579G4E), ou encore celle portant vérification de comptabilité ou organisant les visites domiciliaires de l'article L. 16 B (N° Lexbase : L8235DNC) n'ont pas été jugées contraires au regard du respect de la vie privée et du domicile, dès lors que ces procédures se trouveraient entourées de garanties suffisantes et effectives (CE, Contentieux, 1er juin 1990, n° 52470, Boix c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4747AQU ; CE, Contentieux, 15 décembre 1993, n° 84181, M. Miquel c/ Ministre du Budget N° Lexbase : A1693ANZ ; Cass. com., 9 février 1993, n° 91-21.699, M Feingold c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A6628AB4 ; CEDH, 8 janvier 2002, Req. 51578/99, Keslassy c/ France N° Lexbase : A9798DDA).

En matière de taxation, qu'il s'agisse de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) frappant des activités à caractère lucratif ou d'une taxe spécifique frappant des services interactifs à caractère pornographique, ces cotisations d'impôt n'ont pas été déclarées contraires à la Convention (CAA Nantes, 18 novembre 1992, n° 90NT00497, Eglise de scientologie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7492A8Y).

  • Pour ce qui concerne les seconds, parmi les droits dont la conformité a été examinée sur le plan fiscal avec la Convention, nous trouvons dans l'ordre :

- le droit au respect des biens et de la propriété (CESDH, protocole additionnel art. 1er [LXB=]) ;
- l'interdiction des discriminations (CESDH, art. 14 N° Lexbase : L4747AQU).

Le respect du droit au respect des biens et de la propriété trouve une application en matière fiscale qui a été reconnue par la CEDH et le Conseil d'Etat aussi bien dans les litiges portant sur la détermination de l'assiette de l'impôt que sur le recouvrement de ce dernier (CEDH, 23 octobre 1990, req. 17/1989/177/233, Darby c/ Suède N° Lexbase : A6337AWM ; CE 19 mai 1990, Gonzales de Gaspard, n° 88782/95932 ; CE, Contentieux, 30 juin 2000, n° 181003, M. Manchec c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0646AWT ; CE, Contentieux, 25 avril 2001, n° 213460, Société Parfival c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3587ATZ).

Toutefois, l'attention doit être attirée sur le fait que ce principe ne fait pas obstacle à ce que chaque Etat mette en oeuvre les lois nécessaires pour assurer le paiement de l'impôt sous réserve que la mise en oeuvre de ces dernières ne soit ni arbitraire, ni sélective et imprévisible et qu'elles respectent le principe de proportionnalité (CEDH, 22 septembre 1994, req. 13616/88, Hentrich c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5109AYU).

Concernant ce dernier point, les contribuables ont été amenés à s'interroger sur le point de savoir si certaines impositions n'étaient pas susceptibles de porter une atteinte excessive au droit de propriété, en raison de la disproportion observée entre le montant des cotisations d'impôt ou de taxes et les facultés contributives du contribuable propriétaire. Il en a été, ainsi, dans l'hypothèse du refus d'exonération de la taxe foncière en cas de vacance de locataires et des dispositions de l'article 164 C du CGI assujettissant les personnes non domiciliées en France, mais y disposant une habitation, à une imposition sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de l'habitation (CAA Paris, 1ère ch., A, 29 novembre 2002, n° 01PA03042, Société Les Gâtines c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7463A48 ; CAA Paris, 2ème ch., B, 6 décembre 2002, n° 98PA04089, M. Von Bernwitz c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7450A4P). Dans ces deux affaires, si le juge de l'impôt a accepté de regarder l'applicabilité des dispositions de l'article 1er du premier protocole à ces deux situations, il les a écartées, au motif tiré de ce qu'elles découlaient de l'application du texte fiscal et de ce que le contribuable ne justifiait pas au vu des éléments du dossier du caractère confiscatoire.

A l'occasion de la contestation des lois rétroactives ou de validation, la question s'est posée préalablement de savoir pour l'invocation desdites dispositions si le droit à remboursement pouvait être assimilé à un droit à créance (CE, 9° et 10° s-s., 21 décembre 2001, n° 211663, SCI Le Complexe c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9769AX4 ; CE, 3° et 8° s-s., 22 mai 2002, n° 231105, SARL Berre Station c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8251AYA), ce qui a été admis par le Conseil d'Etat qui, pour autant, n'a pas censuré ces lois, au motif tiré qu'elles poursuivent un motif d'intérêt général de nature à justifier la validation qu'elles prononcent.

La CEDH (CEDH, 16 avril 2002, req. 37971/97, Sociétés Colas Est et Autres c/ France, précité) a condamné la France, sur le fondement des dispositions dudit protocole en considérant qu'une créance, voire "une espérance légitime" constituent des biens au sens de ces dernières dans une affaire où un contribuable invoquant une violation du droit communautaire demandait réparation, par la voie du recours en responsabilité, du préjudice subi pour lui du paiement d'une imposition dont il n'avait pu obtenir la décharge par la voie du recours plein contentieux.

L'interdiction de discrimination, équivalent au principe d'égalité en droit interne, ne peut que concerner les discriminations de situations entre contribuables et non celles entre les contribuables et l'Etat (CE, Contentieux, 12 avril 2002, n° 239693, SA Financière Labeyrie c/ Ministre de l'Econommie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6303AY4).

1.2. Les droits processuels attachés à garantir le droit à un procès équitable (pour les litiges portant contestation sur des droits et obligations de caractère civil ou portant sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale)

Selon l'article 6, §1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle [...]".

On observera l'article 6 § 3 (a) de la CESDH, d'après lequel "tout accusé à droit à être informé dans le plus court délai [...] d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui".

La question s'est posée de savoir si ces droits ne s'appliquaient seulement qu'à la seule phase juridictionnelle des litiges à l'exclusion de la phase administrative contentieuse (CE, 9° et 8° s-s., 18 mars 1994, n° 68799, SA Sovemarco Europe c/ Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget N° Lexbase : A2246B8P). Il semble que depuis cette dernière jurisprudence et, notamment, la jurisprudence de la CEDH (CEDH, 26 septembre 1996, req. 47/1995/553/639, Miailhe c/ France N° Lexbase : A3186AUK ; Cass. crim., 28 janvier 1991, n° 90-81.526, Lavigne Daniel c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3374ACX) sur l'applicabilité de l'article 6 § 1 à la procédure suivie devant la Commission des infractions fiscales (CIF), les deux hautes cours des deux ordres de juridiction admettent l'application desdites dispositions dans la phase administrative préalable des contestations fiscales devant des organismes "pseudo-juridictionnels" (CE, Plén. 5 février 1999, COB c/ Oury, pour la commission des opérations de bourse ; CE, Contentieux, 3 décembre 1999, n° 207434, Didier c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3242AUM).

Par ailleurs la Cour a sanctionné la France sur le fondement des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention au nom de l'impartialité objective (CEDH, 7 juin 2001, req. 39594/98, Kress c/ France N° Lexbase : A2964AUC ; CEDH, 10 octobre 2002, req. 44565/98, Théraude c/ France N° Lexbase : A9620AZC) en considérant que violait lesdites dispositions la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement. La jurisprudence de la Cour à l'appui de ces mêmes arrêts a, également, condamné la France pour la longueur déraisonnable de la procédure contentieuse subie par les requérants.

En revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, n'a pas été considéré contraire au regard de ces dernières et comme portant atteinte au procès fiscal le fait pour l'administration de disposer dans le cadre de la procédure de redressement d'un délai de réponse plus long que celui accordé au contribuable.

N'a pas été également considéré contraire, au regard du Pacte international de New York, l'inégalité instituée entre le contribuable et l'administration fiscale concernant les délais d'appel différents visés à l'article R. 200-18 du LPF (N° Lexbase : L4995AEQ), validant ainsi l'existence nécessairement disproportionnée des relations entre ces derniers (CE, Contentieux, 3 juin 1991, n° 71610, SA "Etablissements Bernstein" c/ Ministre du Budget N° Lexbase : A9083AQH).

En ce qui concerne le cumul des sanctions pénales et des sanctions administratives, il convient d'observer que cette anomalie résiste à l'épreuve de la règle "non bis in idem" visée à l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la CESDH, qui interdit un tel cumul, en raison des réserves faites par la France, qui a entendu limiter la portée de cette interdiction aux seules sanctions prononcées par le juge judiciaire statuant en matière pénale (Cass. crim., 20 juin 1996, n° 94-85796, Ponsetti Frédéric c/ Ministre de l'Economie, des Finances et del'Industrie, publié au bulletin, Rejet N° Lexbase : A2863CIU). La position française n'a pas été sanctionnée par la CEDH (CEDH, 14 septembre 1999, n° 36855/97 et 41731/98) qui, de plus, a admis la compatibilité de ce cumul mais dans les limites fixées par le Conseil constitutionnel, lequel a précisé que le total des amendes ne pouvait excéder le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (Cons. const., 30 décembre 1997, n° 97-395 DC N° Lexbase : A8445ACR).

2. Un champ d'application limitée à la matière fiscale des articles 6 § 1, 1er du Protocole additionnel et 14 de la CESDH

Les articles 1er du Protocole additionnel et 6 § 1 et 14 de la Convention ne sont susceptibles de trouver à s'appliquer à la matière fiscale qu'à certaines situations et sous conditions, qui restreignent considérablement leur portée.

2.1. L'application de l'article 6 § 1 cantonnée aux sanctions fiscales

La Cour de cassation s'est alignée sur la jurisprudence de la CEDH (CEDH, 12 juillet 2001, req. 44759/98, Ferrazzini N° Lexbase : A7683AWH) et celle du Conseil d'Etat (CE, Contentieux, 26 novembre 1999, n° 184474, Guénoun c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5161AXG ; CE, Contentieux, 2 juin 1989, n° 66604, De Saint Pern c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1250AQD ; CE, 9° et 10° s-s., 8 mars 2002, n° 211327, Société Banque Nationale de Paris c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4033AYZ) en abandonnant sa jurisprudence sur l'application aux litiges fiscaux (C. cass., Ass. plén., 14 juin 1996, n° 93-21.710, M Kloeckner c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A4628AY3) des dispositions de l'article 6-1 de la CESDH sur le droit de toute personne à un procès équitable (Cass. com., 12 juillet 2004, n° 01-11.403, FS-P+B+I N° Lexbase : A0977DDK).

Toutefois, cette décision ne concerne pas les litiges portant sur l'application des sanctions fiscales ayant un caractère "répressif" (CEDH, 24 février 1994, req. 00012547/86, Bendenoun c/ France N° Lexbase : A2994AUG ; CE, Contentieux, 31 mars 1995, n° 164008, Ministre du Buget c/ Méric N° Lexbase : A3250ANP ; Cass. com., 29 avril 1997, n° 95-20.001, M Ferreira c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2005ACA) comme elle le précise, d'ailleurs, clairement en rappelant dans ses attendus que les juges du fond n'avaient "pas méconnu les dispositions l'article 6-1 de la Convention, qui, en l'absence de toute accusation en matière pénale, n 'est pas applicable au contentieux fiscal".

Il convient d'observer que se trouvent, d'abord, exclu les intérêts de retard d'un commun accord maintenant entre les deux Hautes juridictions (CE, Contentieux, 12 avril 2002, n° 239693, SA Financiers Labeyrie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6303AY4 ; Cass. com., 17 amrs 2004, n° 02-19.276, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6335DBA).

Concernant l'assimilation des sanctions fiscales aux accusations en matière pénale, le problème se pose toujours, aujourd'hui, de savoir si le juge de l'impôt peut ou non user d'un pouvoir de modulation desdites sanctions. En premier lieu, une réponse négative est donnée par le Conseil d'Etat, qui considère que s'il doit exercer un contrôle sur la qualification du comportement du contribuable, il ne dispose pas, en revanche, du pouvoir de moduler le taux de la sanction prévue par la loi pour tenir compte de la gravité de la faute commise par l'intéressé (CE Contentieux, 5 avril 1996, n° 176611, M. Houdmond c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8780ANI ; CE, avis, 8 juillet 1998, n° 195664, Fattell c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9122AHC). En revanche, la Cour de cassation considère, au contraire, que le juge de l'impôt peut moduler (Cass. com., 29 avril 1997, n° 95-20.001, M Ferreira c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2005ACA ; Cass. com., 1er juillet 2003, n° 00-13.966, F-D N° Lexbase : A0433C9W ; Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-20.772, M. Jean-Luc Charnallet c/ Directeur général des impôts, inédit, cassation partielle N° Lexbase : A7772CX7 ; Cass. com., 22 février 2000, n° 97-17.819, M. Gilbert Ferrière c/ M. le Directeur général des impôts N° Lexbase : A3466AUW ; Cass. com., 22 février 2000, n° 97-17.945, Société centrale immobilière du 71, rue Albert, à Paris 2e c/ Direction générale des impôts et autre N° Lexbase : A5247AWA). Pour ce qui concerne la Cour européenne, celle-ci ne s'est pas encore prononcée explicitement sur les sanctions fiscales, mais la Commission européenne, qui l'a précédé dans une affaire "Taddéi" (Comm.EDH, 29 juin 1998, n°36118/97), s'est prononcée négativement sur le pouvoir de modulation des pénalités de mauvaise foi prévue à l'article 1729 du CGI . En effet, la Commission observant que "cet article prévoit que le montant des pénalités est calculé sur la base et en pourcentage du montant des redressements infligés selon qu'il y a mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses", a exprimé l'avis que, "ce faisant, la loi elle-même prévoit et permet d'assurer la proportionnalité de la sanction aux faits reprochés ainsi qu'aux circonstances particulières de l'espèce". Il convient d'observer que la CEDH a, toutefois, apporté une réponse négative en la matière sur un sujet pas très éloigné concernant le retrait de points sur le permis de conduire (CEDH, 23 septembre 1998, req. 68/1997, Malige c/ France N° Lexbase : A0165C9Y).

Il est intéressant à cet égard de noter, que s'agissant de l'application de la majoration d'impôt de 10 % , la CEDH a estimé dans une décision finale sur la recevabilité d'un recours d'un ressortissant français (CEDH, 3 juin 2003, req. 54559/00, Jean Morel c/ France N° Lexbase : A1833DCU) que, "tant par son taux que par son montant en valeur absolue, cette majoration" étant de faible importance, elle était "loin de revêtir l'ampleur considérable des sommes sur lesquelles la Cour s'était fondée dans l'arrêt Benedenoum pour retenir le caractère pénal de l'affaire".

2.2. L'application de l'article 1er du 1er protocole additionnel et l'article 14 de la Convention.

Peut-on, en effet, encore envisager de développer, à défaut de pouvoir appliquer pleinement à la matière fiscale l'article 6 § 1 de ladite Convention, une argumentation fondée sur le non-respect de l'article 1 du 1er protocole additionnel à la CESDH qui garantit le droit au respect des biens.

Cette notion de respect des biens, interprétée largement par la CEDH, a permis à la jurisprudence (Cour européenne et Conseil d'Etat) d'apprécier la compatibilité d'une mesure en matière fiscale avec l'article 1 du 1er Protocole additionnel.

Ainsi, le Conseil d'Etat (CE, Contentieux, 11 juillet 2001, n° 219312, Ministre de la Défense c/ M. Préaud N° Lexbase : A5203AUA ; CE, 3° et 8° s-s., 22 mai 2002, n° 231105, SARL Berre Station c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8251AYA), a analysé la compatibilité d'une disposition législative agissant rétroactivement sur un litige en cours avec l'article 1er du premier protocole additionnel.

De même un tribunal administratif (TA Pau, 6 mai 2003, recours n° 01 1063, M. Richard) a accepté de faire application de l'article 14 de la CESDH, contrairement aux conclusions rendues par son commissaire du Gouvernement, au regard de l'article 1503 du CGI , qui prévoit un régime de contestation différencié et discriminant suivant que le contribuable est ou non "propriétaire ou locataire de plus du dixième du nombre total des locaux de la commune". Ce jugement doit être rapproché de l'avis du Conseil d'Etat "SA Financière Labeyrie" précité, qui rappelle que les dispositions combinées de l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er du 1er Protocole additionnel pourraient être utilement invoquées pour soutenir qu'une disposition fiscale est à l'origine d'une discrimination injustifiée entre contribuables. S'il devait être confirmé que l'impôt est susceptible, dans certaine situation, de porter atteinte au droit de propriété, on pourrait s'attendre dans l'avenir à une réorientation de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui jusqu'à l'intervention de l'avis "SA Financière Labeyrie" s'est toujours refusé à considérer qu'une taxation pouvait être "regardée comme portant atteinte au droit de propriété" ou à écarter l'application des textes fiscaux sur le fondement du principe de l'égalité devant l'impôt ou encore à sanctionner la rupture d'égalité devant les charges publiques faisant suite à une imposition légalement établie (CE, Contentieux, 16 mai 1990, n° 88782, Gonzalez de Gaspard c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4637AQS ; CE, Contentieux, 13 mai 1988, n° 56498, Blondeau c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6704APY ; CE, Contentieux, 25 mars 1987, n° 59394, SA Gibert c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2748APH). C'est, ainsi, que la Haute cour (CE, Contentieux, 27 février 2004, n° 259241, M. Ben Dhaou c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3719DBD) à propos des intérêts moratoires visés par l'article L. 209 ancien du LPF (N° Lexbase : L5583G4K) à considérer qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue "est discriminatoire au sens des l'article 14 de la CESDH, si elle n'est pas assortie de justitifcations objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objctif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels avec les buts de la loi". Dans cette affaire, le Conseil a jugé que l'article L. 209 du LPF n'était pas conforme aux stipulations combinées de l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, dès lors que la différence de situation existant entre les contribuables, en cas de rejet de leur demande par les tribunaux, entre ceux ayant constitué des garanties, redevables d'intérêts moratoires, et ceux ne l'ayant pas fait, non redevables de ces mêmes intérêts, ne se justifiait pas eu égard à l'objet dudit article, qui est de réparer le préjudice subi par l'administration.

Enfin, il a été demandé pour la première fois à la Cour de cassation (Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-15.611, F-D N° Lexbase : A1255DAQ) de faire application des dispositions conventionnelles à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), des principes fondamentaux de non-discrimination et de proportionnalité contenus tant dans les traités internationaux (voir, également, CA Caen, 1ère ch., 12 novembre 2002, n° 01-2233, IT, RJF 5/03, n° 649). La Haute cour, en réponse, a limité la portée de sa décision en rappelant l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la réalité du caractère confiscatoire ou discriminatoire ou encore disproportionné de la charge d'impôt supportée par le contribuable (voir, également, pour l'application de la taxe patrimoniale annuelle de 3 % : CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 9 janvier 2003, rec. n° 01/05552, Clodoald). La Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt du 25 janvier 2005 (Cass. com., 25 janvier 2005, n° 03-10.068, FS-P+B+I N° Lexbase : A1245DG9) en validant, au cas d'espèce, la conformité du mécanisme du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par rapport à l'article 1 du premier protocole à la CESDH, aux termes duquel le droit que possède les Etats de mettre en valeur les lois, qui réglementent l'usage des biens conformément à l'intérêt général, ou pour assurer le paiement de l'impôt, n'est pas contraire au principe selon lequel toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Il est à souligner, enfin, que dans une affaire, déjà ancienne, la Commission européenne des droits de l'Homme (Com.EDH, 5 septembre 1990, req. n° 14382/88, Goujet c/ France) se prononçant sur l'IGF d'un contribuable français qui excipait de la non-conformité de l'inclusion des titres de l'emprunt d'Etat 4,73 % dans l'assiette de cet impôt, a confirmé, tout en jugeant la requête mal fondée (en ce que le requérant ne démontrait pas que l'impôt qu'il avait supporté à raison de ses titres dudit emprunt constituait une confiscation) qu'une "législation nationale définissant l'assujettissement à un impôt ou le mode de calcul de celui-ci n'enfreindrait les droits garantis à l'article 1 du Protocole n° 1 que si elle conduisait à une réelle confiscation d 'une partie des biens du contribuable".

La deuxième partie de cet article sera publié prochainement dans nos colonnes.

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Concurrence

[Jurisprudence] Le "Yalta" du téléphone mobile : Orange France, SFR et Bouygues Télécom fortement sanctionnés par le Conseil de la Concurrence

Réf. : Décision Conseil de la concurrence n° 05-D-65, 30 novembre 2005, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie (N° Lexbase : X4568ADK)

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par Jean-Pierre Lehman, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence

Le 07 Octobre 2010

Le 28 août 2001, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la radiotéléphonie mobile. Le 22 février 2002, l'association UFC-Que Choisir saisissait le Conseil de pratiques mises en oeuvre, dans le même secteur, par les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom. Après une instruction de plus de quatre ans et une analyse juridique et économique particulièrement développée, le Conseil, dans sa séance du 30 novembre 2005 vient de prononcer des sanctions records de 534 millions d'euros. Cette décision au contour médiatique sulfureux évident (voir le Conseil dans un communiqué de presse, tentant d'endiguer les "fuites" relatives au montant des amendes, parues dans la presse quotidienne des derniers jours) se présente, en fait, comme une affaire d'entente des plus classique ne présentant pas d'avancée technique particulière s'agissant de sa qualification au regard du droit de la concurrence. Rappelant sa décision n° 04-D-22 du 21 juin 2004 (décision Conseil de la concurrence n° 04-D-22, 21 juin 2004, relative à la saisine de l'Association françaisedes opérateurs privés en télécommunications (AFOPT) et de l'Association des opérateurs de services de télécommunications (AOST) N° Lexbase : X4761ACC), dans laquelle il avait estimé, que la téléphonie mobile constituait, dés 1999, un marché pertinent distinct des services de téléphonie fixe, le Conseil [point 144], considère, à nouveau, que "les pratiques dénoncées ont pris place sur le marché des services de téléphonie mobile, qui constitue le marché pertinent pour l'examen de ces pratiques".

I - Les pratiques dénoncées par le Conseil

Il ressort des documents saisis et des déclarations recueillies par les enquêteurs que les opérateurs de téléphonie mobiles ont eu recours, pendant les années 2000 à 2002, à deux types de pratiques susceptibles d'entrer dans le champ d'application du Code du commerce : des échanges réguliers d'informations sur leurs parts de marché respectives (premier grief) ; la mise en oeuvre d'un pacte portant sur une stabilisation de leurs parts de marché (second grief). Reprenons successivement ces deux points :

  • Les échanges réguliers d'informations sur leurs parts de marché respectives

Les moyens de preuve sont ici des plus classiques : message électronique [point 28] fournissant les chiffres d'abonnements comparés d'Orange et SFR ; procès verbaux des conseils d'administration des entreprises [point 39, 42] indiquant les chiffres d'abonnements des concurrents ; un cahier manuscrit d'un des dirigeants d'Orange renfermant des données de ventes brutes mensuelles opérateur par opérateur alors que ces statistiques ne sont pas encore publiées par l'observatoire de l'ART (devenu depuis ARCEP, le 7 septembre 2004) [point 43] qui a pourtant en charge l'analyse de ce genre de données quantitatives.

  • La mise en oeuvre d'un pacte portant sur une stabilisation de leurs parts de marché

Une note manuscrite du 28 mars 2001, du directeur général de SFR, mentionne [point 54], l'existence d'"un accord entre les trois opérateurs, portant sur l'évolution de leurs parts de marché en ventes brutes en 2000 et en 2001". De même, plusieurs documents, saisis dans les locaux d'Orange France, mentionnent l'existence d'un accord entre les trois opérateurs et celle d'un "Yalta des parts de marché".

Par ailleurs [point 69 à 90], l'enquête de la DGCCRF montre nettement une inflexion de la politique commerciale des trois opérateurs : jusqu'en 2000, les opérateurs se font fortement concurrence ; à partir de 2000, la guerre par les prix cesse afin d'assurer un maximum de rentabilité à chacun des opérateurs sur leurs parts de marché respectives ; un accord est également trouvé s'agissant de l'évolution des rémunérations versés aux distributeurs et le tarif des communications.

II - La mise en oeuvre de ces pratiques a amélioré les performances économiques de l'oligopole

Les points 117 à 126 de la décision contiennent une analyse statistique dès plus rigoureuse de l'évolution des performances de chacun des opérateurs :

  • un ralentissement de la progression du nombre de ventes brutes à partir de 2000, une forte baisse en 2002 qui se poursuit en 2003 pour Orange France, les ventes des deux autres opérateurs se stabilisant [point 117] ;
  • les parts des opérateurs dans le total des abonnés se stabilisent à partir de 2000, la variation autour de la moyenne de 2000 à 2002 étant de 1,3 point pour Orange France, de 0,3 point pour SFR et de 1,5 point pour Bouygues Télécom [point 122] ;
  • sur la période allant de 1998 à 2002, les trois opérateurs ont amélioré de manière continue leur rentabilité économique et la profitabilité de leurs capitaux [point 123].

III - L'appréciation de ces pratiques par le Conseil

Avant que de s'engager plus avant sur la discussion au fond, il convient ici de mentionner que, dans une affaire d'une telle importance, l'instruction a été remarquablement conduite. En effet, le Conseil apporte en moins de trois pages des réponses pertinentes aux quelques observations relatives au secret des affaires, au champ de la saisine, aux droits de la défense, ou encore, à la violation du secret de l'instruction, soulevées par les parties. Cette robustesse sera particulièrement utile... devant la cour d'appel devant laquelle les trois opérateurs ont déjà organisé la saisine.

  • Les échanges réguliers d'informations sur leurs parts de marché respectives

Après avoir repoussé les moyens avancés par les parties et faisant sienne l'application de la jurisprudence "Fiat Agri UK Ltd" et "John Deere Ltd" (TPICE, 27 octobre 1994, aff. T-34/92, Fiatagri UK Ltd et New Holland Ford Ltd c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3029AW4 et aff. T-35/92, John Deere Ltd c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3030AW7, arrêts confirmés par l'arrêt CJCE, 28 mai 1998, aff. C-7/95, John Deere Ltd c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A8056AYZ), le Conseil "ne déduit pas de ce qui précède que ce n'est qu'à compter de l'année 2000, jusqu'à leur abandon à la fin de l'année 2003 à la suite de l'enquête, que ces échanges d'informations doivent être regardés comme contraires à l'article L. 420-1 du code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN), et, le cas échéant, à l'article 81 du traité . Il y a lieu de tenir compte, en effet, comme l'a fait la Commission européenne dans sa décision du 17 février 1992 relative aux échanges d'information sur le marché des tracteurs au Royaume-Uni, au-delà des conséquences immédiates et visibles de l'accord de volonté consacré par l'échange d'informations, de ses effets potentiels et du fait qu'il peut créer une structure susceptible d'être utilisée à des fins préjudiciables à la concurrence, la Commission précisant : l'objectif de l'article 81-1 est de maintenir une structure de concurrence effective au sens de l'article 3 point f) du traité CEE. L'importance de cet objectif s'impose tout particulièrement sur un marché fortement concentré où un accord d'échange d'informations crée une structure de transparence".

En conséquence, pour le Conseil [point 229], "l'accord conclu en 1997 entre les opérateurs pour échanger les informations dénoncées a bien créé, dès cette date, une structure de transparence susceptible d'être utilisée à des fins préjudiciables à la concurrence De fait, à partir de l'année 2000, et jusqu'à ce qu'il y soit mis fin à la mi-2003 à la suite de l'enquête administrative, il a été démontré que la poursuite des échanges a permis, alors que l'intensité de la concurrence sur le marché était fortement atténuée, de révéler aux opérateurs leurs stratégies respectives et de limiter, par leur accord de volonté, la concurrence subsistant sur le marché". Les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom, en échangeant de manière continue entre 1997 et 2003 des informations sur leurs parts de marché respective ont donc enfreints les modalités de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

  • La mise en oeuvre d'un pacte portant sur une stabilisation de leurs parts de marché

Le principal moyen de preuve retenu ici par le Conseil, qui constitue la note du 28 mars 2001, est bien évidemment [points 315] "un faisceau d'indices graves, précis et concordants, démontrant que les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom se sont concertées pour stabiliser leurs parts de marché respectives sur la période 2000-2002 autour d'objectifs définis en commun". Pour le Conseil, il est donc établi que les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom ont, en commettant cette pratique concertée qui a un objet et un effet anti-concurrentiels, méconnu les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

  • Le Commerce intracommunautaire est également affecté par ces pratiques

Le raisonnement suivi par le Conseil est ici le suivant [point 326 notamment] : l'existence de l'entente sur le territoire national. Ces pratiques ont été de nature à décourager des acteurs du secteur des communications électroniques, dont certains sont d'origine européenne, d'intervenir sur le marché national de la téléphonie mobile de détail, notamment, par l'intermédiaire de contrats d'opérateurs virtuels et, en conséquence, les pratiques en cause ont été susceptibles d'avoir affecté le commerce intracommunautaire. Elles doivent donc être également qualifiées au regard de l'article 81 du Traité CE.

Finalement, le Conseil a relevé, en ce qui concerne, notamment, l'entente sur les parts de marché, la particulière gravité des faits et le dommage important causé à l'économie, au détriment des consommateurs.

A ce titre, des sanctions pécuniaires ont été infligées aux trois sociétés, à hauteur de:
- 256 millions d'euros pour Orange France,
- 220 millions d'euros pour SFR,
- 58 millions d'euros pour Bouygues Télécom.

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Responsabilité

[Jurisprudence] Limitation légale de la responsabilité contractuelle du transporteur aérien

Réf. : Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 01-20.778, FP-P+B (N° Lexbase : A7385DL4), n° 02-18.584, FP-P+B (N° Lexbase : A7395DLH) et n° 03-17.395, FP-P+B (N° Lexbase : A7433DLU)

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Le 07 Octobre 2010

A plusieurs reprises, l'occasion a été donnée, ici même, d'insister sur l'importance de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat dans la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle du débiteur, et il n'est pas question d'y revenir une nouvelle fois. Encore convient-il seulement de relever que, une fois tranchée la question de la détermination de la nature de l'obligation et, par suite, du régime juridique correspondant, la responsabilité du débiteur est parfois limitée, soit que la limitation ait été prévue dans la convention liant les parties (clause limitative de responsabilité), soit que la limitation résulte d'une disposition spéciale d'origine légale ou réglementaire (plafond légal ou réglementaire de dommages et intérêts). On se souvient ainsi, par exemple, des solutions récentes de la jurisprudence dans l'affaire Chronopost dans lesquelles la Cour de cassation a, en remplacement de la clause limitative de responsabilité jugée non écrite (1), appliqué les dispositions spéciales applicables au contrat de type messagerie et, donc, le principe d'une limitation légale de la responsabilité du débiteur, sous réserve que puisse être démontrée une faute lourde de sa part (2). Dans un tout autre domaine, trois arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 novembre dernier, à paraître au Bulletin, règlent le point de savoir si la responsabilité de l'organisateur d'un vol en parapente, en deltaplane ou en ULM est, elle aussi, limitée, cette fois-ci par application des dispositions du Code de l'aviation civile. Dans le premier des arrêts (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 01-20.778, M. Nicolas Brenneur-Boyne c/ M. Orhan Mete, FP-P+B), la Cour de cassation censure des juges du fond qui, pour faire droit à l'action en responsabilité tendant à la réparation de son préjudice intentée par la victime d'un accident lors d'un baptême de l'air en parapente biplace réalisé avec l'accompagnement d'un moniteur, avaient considéré que l'organisateur était tenu d'une obligation de résultat déduite de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Or, sous le visa de l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile (N° Lexbase : L4204AWM), la Cour relève que les premiers juges, qui avaient pourtant exactement retenu que le parapente constituait un aéronef, n'ont pas tiré les conséquences légales de leur décision et, ainsi, violé le texte précité. Les faits à l'origine de la seconde affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 02-18.584, Société AGF Mat, nouvelle dénomination de la société SM3A c/ Mme Leigh, FP-P+B) étaient à vrai dire assez proches, à ceci près que, cette fois, le demandeur avait été victime d'un accident à l'occasion d'un baptême de l'air en deltaplane biplace sous la conduite d'un moniteur. Et, de la même manière que dans la première espèce, alors que les juges du fond avaient admis la réparation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, la Cour de cassation, au visa du même article L. 322-3 du Code de l'aviation civile, casse l'arrêt d'appel. Enfin, dans la dernière affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 03-17.395, M. Daniel Maillet c/ Société AGF/MAT, FP-P+B), la victime d'un accident d'ULM, piloté par un instructeur, reprochait aux juges du fond d'avoir, cette fois, non pas fait application du droit commun de la responsabilité contractuelle, mais, précisément, des dispositions spéciales du Code de l'aviation civile alors que, selon le pourvoi, le vol, d'initiation et d'une durée de 25 minutes avec décollage et atterrissage au même lieu, ne pouvait être qualifié de transport aérien, si bien que ce serait à tort que la cour d'appel aurait refusé d'appliquer l'article 1147 du Code civil. Confirmant l'orientation des deux premières décisions rapportées, la Cour de cassation rejette ici le pourvoi au motif que "l'acheminement de passagers par aéronef constitue un transport aérien" et que, précisément, "tel est le cas du baptême de l'air en ULM biplace", et ce, "peu important que le vol ait été circulaire".

Autrement dit, les arrêts du 22 novembre dernier, à supposer la responsabilité contractuelle du transporteur engagée (3), devaient répondre à la question de savoir si, par application des dispositions du Code de l'aviation civile et, plus particulièrement, de l'article L. 322-3, la limitation légale de responsabilité devait, ou non, s'imposer au détriment du créancier. C'est que, en effet, l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile, qui dispose que la responsabilité du transporteur est régie par les dispositions de la Convention de Varsovie, prévoit tout de même une limitation de cette responsabilité, à condition, bien entendu, que le transport au cours duquel l'accident s'est produit puisse être qualifié de transport aérien au sens de l'article L. 310-1 du même code (N° Lexbase : L4189AW3), texte aux termes duquel "le transport aérien consiste à acheminer d'un point d'origine à un point de destination des passagers, des marchandises ou de la poste". Or, tel est bien ce que décide ici la Cour de cassation : le baptême de l'air en parapente, deltaplane ou ULM constitue bien un transport aérien, de telle sorte que doit s'appliquer la limitation légale de responsabilité. La solution était, il faut le dire, assez prévisible puisqu'il avait non seulement déjà été jugé que constitue un transport aérien un vol en ULM, avec pilote et passager, dont l'objet principal est le déplacement d'un aérodrome à un autre (4), tout comme le vol en ULM consistant en une promenade aérienne (5), mais encore parce que la Haute juridiction avait déjà considéré que la qualification de transport aérien devait être retenue dans le cas d'un baptême de l'air en parapente biplace, nonobstant le caractère circulaire du déplacement, l'engin étant un aéronef (6).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632, Société Banchereau c/ Société Chronopost (N° Lexbase : A2343ABE) ; GAJC, 11ème éd., n° 156.
(2) Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-12.554, Société Chronopost c/ Société Banchereau, FP-P (N° Lexbase : A0766AZE), Bull. civ. IV, n° 121 et, en dernier lieu, Cass. mixte, 22 avril 2005, n° 02-18.326, Chronopost SA c/ KA France SARL (N° Lexbase : A0025DIR) et n° 03-14.112, SCPA Dubosc et Landowski c/ Chronopost SA (N° Lexbase : A0026DIS), lire D. Bakouche, L'affaire Chronopost et l'appréciation de la faute lourde susceptible de tenir en échec la limitation de responsabilité, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 (N° Lexbase : N4083AI3) ; JCP éd. G, 2005, II, 10066, note G. Loiseau.
(3) Voir ainsi, jugeant que l'organisateur d'un vol en parapente et le moniteur sont tenus d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de leurs clients pendant les vols sur appareil biplace au cours desquels ils n'ont joué aucun rôle actif : Cass. civ. 1, 21 octobre 1997, n° 95-18.558, M. Brizzi-Nabut c/ M. Charrue et autres, publié (N° Lexbase : A0659ACE), Bull. civ. I, n° 287, D. 1998, p. 271, note Ph. Brun.
(4) Cass. civ. 1, 7 mars 2000, n° 97-15.045, Mme Clément c/ M. Rabanier et autres, publié (N° Lexbase : A5187AWZ), Bull. civ. I, n° 85.
(5) Cass. civ. 1, 3 juillet 2001, n° 00-10.437, Société anonyme Axa global risks c/ Mme Odile Petit, épouse Lescoffit, publié (N° Lexbase : A1093AUZ), Bull., civ. I, n° 206, Resp. civ. et assur. 2001, n° 330, note Vaillier.
(6) Cass. civ. 1, 19 octobre 1999, n° 97-14.759, Caisse primaire d'assurance maladie du Var c/ M. Sarrat et autres, publié (N° Lexbase : A5184AWW), Bull. civ. I, n° 287 et Cass. civ. 1ère, 3 juillet 2001 précité.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'indétermination du prix dans une promesse de cessions d'actions

Réf. : Cass. com., 11 octobre 2005, n° 03-14.144, Société Total Fina Elf Caraïbes c/ Société Barbotteau et compagnie successeurs, F-D (N° Lexbase : A0197DLU)

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Le 07 Octobre 2010

Les praticiens des fusions-acquisitions rédigent les clauses de prix dans les protocoles de cessions d'actions avec un soin particulier. Le risque de nullité pour indétermination du prix, par application de l'article 1591 du Code civil (N° Lexbase : L1677ABQ), n'est pas à négliger, d'autant que ce grief est fréquemment invoqué par le cessionnaire déçu afin d'échapper à son obligation. Tel était le cas dans une espèce à l'origine d'un arrêt particulièrement intéressant rendu par la Cour de cassation le 11 octobre 2005 (Cass. com., 11 octobre 2005, n° 03-14.144, Société Total Fina Elf Caraïbes c/ Société Barbotteau et compagnie successeurs, F-D). Les faits étaient les suivants : selon un protocole en date du 16 juin 1993, les sociétés Total Caraïbes et Barbotteau ont créé un joint venture, la société Total Guadeloupe, dont le capital était réparti à hauteur respectivement de 54 % et 46 % entre Total Caraïbes et Barbotteau.

Par une promesse unilatérale du même jour, Total Caraïbes s'engageait à racheter la totalité de la participation de Barbotteau. La clause de prix insérée dans la promesse était ainsi rédigée (1) :

"Article 3 : Prix
3.1 Valeur initiale
La valeur initiale des apports du patrimoine et du fonds de commerce terrestre apportée par Barbotteau est estimée à 29114 KF.
Cette valeur représente la somme de 50 % de la valeur patrimoniale des stations apportées (valeur déterminée au coût de reconstruction et de remplacement du matériel et de 50 % de la valeur de rendement de ces actifs, déterminée par l'actualisation au taux de 10 % pendant 15 ans de ces marges nettes après frais fixes et impôts dégagés par les canaux suivants.
3.2 Valeur de rachat future au moment de la levée de la promesse
La valeur de rachat sera égale :
Pour le terrestre, à 50 % de la valeur de rendement instantanée (calculée suivant les mêmes principes qu'en 3.1) et à 50 % de la valeur patrimoniale calculée comme suit :
- valeur des terrains, calculée à dire d'expert ;
- valeur des bâtiments : valeur de reconstruction amortie sur 20 ans depuis la date de construction effective ou la prise d'effet des apports des stations à Total Guadeloupe soit le 1er janvier 1993 ;
- valeur des autre matériels égale à la valeur de remplacement amortie sur 10 ans depuis la date d'installation ou la date des apports pour les matériels apports à Total Guadeloupe ;
- pour l'aviation, à la valeur de rendement de cette activité, qui ne saurait être inférieure à 0
".

Le 26 décembre 2000, la société Barbotteau leva l'option, moyennant un prix de 91 500 000 francs (13 949 000 euros), calculé en fonction des indications figurant dans la clause de prix. Total Caraïbes contesta alors le prix. Le tribunal arbitral, puis la cour d'appel de Basse Terre, considérèrent que le prix devait bien être fixé à 91 500 000 francs, la clause de prix étant parfaitement claire et conforme à la volonté des parties. Selon les juges du fond, le prix était calculé à partir de l'ensemble des actifs de la société Total Guadeloupe.

Dans son pourvoi, la société Total Caraïbes faisait, notamment, valoir que la clause litigieuse, envisagée dans son ensemble, n'était pas claire et ne fixait nullement le prix en fonction des actifs de Total Guadeloupe. Bien au contraire, il résultait selon elle des divers projets de promesses, antérieurs à la signature de l'acte, qu'elle n'avait nullement eu l'intention de racheter la participation de la société Barbotteau au sein de Total Guadeloupe à un prix calculé en fonction de la valeur totale des actifs de la société Barbotteau.

Le pourvoi (2) est cependant rejeté, en ces termes : "ayant retenu que l'article 3 de la promesse intitulé 'prix' ne permettait pas de relever d'ambiguïté dans les stipulations contractuelles arrêtées par les parties et recherché la commune intention de des parties afin de s'assurer si celle-ci était ou non conforme au libellé des stipulation de cet article, la cour d'appel a, sans dénaturation, a pu statuer comme elle fait [...] ; en retenant que la rédaction de l'article 3-2 de la promesse du 16 juin 1993 correspondait à l'intention commune des parties, la cour d'appel n'a pas dénaturé ladite promesse en ne prenant pas en compte un ancien projet rédigé le 9 novembre 1992 qui n'était pas conforme aux stipulations de la convention finalement signée [...] ; en énumérant et en analysant les pièces sur lesquelles elle se fondait pour affirmer que la fixation du prix de rachat de la participation de la société Barbotteau à la valeur total des actifs de la société Total Guadeloupe correspondait à l'intention des parties, la cour d'appel ; qui n'avait pas à s'expliquer sur les pièces qu'elle écartait, a légalement justifié sa décision".

Pour la Cour de cassation, la clause litigieuse, conformément à l'interprétation des juges du fond, établissait un mode de fixation du prix en fonction des actifs de la société émettrice et était donc, à ce titre (3), parfaitement valable.

Afin de mieux cerner l'apport théorique et pratique de cet arrêt (II), il n'est pas inutile de rappeler les règles applicables à la détermination du prix dans une cession d'actions (I).

I - Rappel des règles de détermination du prix dans une cession d'actions

Aux termes de l'article 1591 du Code civil, "le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties". Il ressort de ce texte que la validité de toute vente, et donc d'une cession d'actions, est subordonnée à la présence d'un prix, c'est-à-dire d'une prestation financière (prix déterminé) ou susceptible d'évaluation financière (prix déterminable). En matière de cession d'actions, les parties fixent en pratique un prix provisoire, calculé à partir du dernier bilan établi. Le prix définitif sera fixé par référence soit à une situation intermédiaire établie à la date de la cession, soit au bilan de l'exercice en cours au jour de la cession, une fois celui-ci clos, et devant être établi au plus tard à une date conventionnellement fixée (4).

La nécessité d'un prix déterminé, ou à tout le moins déterminable, à peine de nullité absolue de la cession (5), se décline traditionnellement en deux exigences.

En premier lieu, pour pouvoir être qualifié de déterminable, le prix doit être fixé en vertu des clause-mêmes du contrat en fonction d'éléments objectifs, qui ne dépendent ni de la volonté des parties, ni de la réalisation d'accords ultérieurs. Le calcul du prix doit se faire de façon automatique et algébrique, sans que les parties n'aient à intervenir. C'est ainsi qu'a été annulée pour indétermination du prix la cession de parts sociales d'une société à responsabilité limitée dont le cessionnaire devait reprendre la créance en compte courant du cédant, motif pris que ce dernier pouvait faire varier comme il l'entendait les sommes figurant dans ledit compte courant (6). De la même manière, pour la Cour de cassation, est nulle la cession pour laquelle la détermination du prix définitif nécessitait l'établissement contradictoire du bilan à la veille de la régularisation de la cession, sans que les parties aient prévu une expertise en cas de désaccord, ce dont il résultait la nécessité d'un nouvel acte de volonté (7).

En second lieu, pour que le prix soit déterminable au sens du droit de la vente, la méthode de détermination doit être suffisamment exposée, en des termes dépourvus d'ambiguïté. La Cour de cassation a, ainsi, annulé une cession dont la clause de prix prévoyait que le prix unitaire des titres serait fonction de plusieurs éléments dont la combinaison exigeait une interprétation des termes obscurs et ambigus de l'accord (8). En effet, dès lors que la clause n'est pas claire et est sujette à interprétation, elle empêche le calcul algébrique et mécanique du prix.

En l'espèce, la société Total Caraibes avait choisi de se situer sur le terrain de l'ambiguïté de la clause de prix.

II - Appréciation de l'apport de l'arrêt

En l'occurrence, Total Caraïbes avait choisi de se placer sur le terrain du droit des obligations et avait invoqué l'argument de la dénaturation d'une clause claire et précise par la cour d'appel. On le sait, les juges du fond jouissent d'un pouvoir souverain pour interpréter les clauses d'un contrat, sauf si ceux-ci ont dénaturé une clause claire et précise, contredisant ainsi la volonté des parties (9). Il est vrai que la clause, telle qu'elle était rédigée par les parties, permettait un calcul algébrique et mécanique du prix et qu'un pourvoi fondé sur la violation de l'article 1591 du Code civil aurait eu peu de chances de prospérer.

La cour d'appel avait décelé dans la stipulation litigieuse un mécanisme de détermination du prix en fonction des actifs de l'émetteur. Le pourvoi faisait alors valoir que les parties n'avaient nullement eu l'intention de fixer le prix des titres de cette façon et que, ce faisant, les juges avaient dénaturé une clause claire et précise.

La Cour de cassation est restée insensible à cette argumentation. Puisque la clause en cause est intitulée "Prix", l'interprétation de la cour d'appel ne contredit nullement la volonté des parties (10). De fait, si l'on fait abstraction de l'intitulé, rien n'indique que la stipulation concerne le prix de cession des actions détenues par la société Barbotteau au sein de la société Total Guadeloupe, ni a fortiori que celui-ci serait fonction des actifs de l'émetteur. Elle se contente de mentionner la "valeur de rachat" et ce n'est qu'à la lumière de l'intitulé que l'interprète comprend qu'il s'agit du prix de rétrocession de la participation de la société Barbotteau. Dès lors, tout s'éclaire et les actifs mentionnés dans la clause ne peuvent être que ceux de la société Total Guadeloupe.

Comme nous l'avons dit, la société Total Caraïbes invoquait plusieurs projets précontractuels et documents de travail à l'appui de son argumentation, qui démontraient, selon elle, qu'elle n'avait eu nullement l'intention de racheter la participation de la société Barbotteau à un prix calculé en fonction de l'ensemble des actifs. Cet argument pouvait difficilement aboutir. Le seul document à prendre en compte était la promesse en date du 16 juin 1993, contenant la clause litigieuse, laquelle traduisait l'accord définitif des parties. De fait, en pratique, afin d'éviter que les différents projets ne soient invoqués contre elles à l'occasion d'un contentieux ultérieur, les parties prennent soin d'insérer dans les actes de cession une clause déniant toute valeur juridique, y compris à titre interprétatif, aux divers documents de travail et projets.

La Cour de cassation confirme, par ailleurs, la jurisprudence selon laquelle les règles gouvernant la détermination du prix s'appliquent également aux promesses de cession d'actions (11).

Il est difficile de tirer de cet arrêt une solution de principe. Comme souvent en matière de détermination du prix, il s'agit d'une question de fait et de rédaction de la clause. La décision confirme, cependant, après qu'un arrêt ait pu en faire douter (12), que l'objectivité des éléments retenus pour le calcul du prix n'est pas le seul critère de la détermination de celui-ci. Le critère tenant à la précision des éléments retenus demeure fondamental (13).

De manière plus anecdotique, l'arrêt commenté illustre la nécessité de prévoir dans les protocoles de cession des clauses définissant la valeur juridique des intitulés, ainsi que des clauses prévoyant ou non la possibilité d'invoquer des documents précontractuels à titre interprétatif.

Renee Kaddouch
Docteur en droit
Centre de droit financier de l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne
Avocat à la Cour, JeantetAssociés


(1) Telle que l'arrêt commenté la reprend. Nous n'avons pas pu nous procurer l'arrêt attaqué.
(2) Il invoquait également l'erreur obstacle mais sans plus de succès.
(3) Rappr. Cass. com., 10 mars 1998, n° 96-10.168, Epoux Lenzer et autres c/ M Mayer et autres N° Lexbase : A2599ACA, Bull. Joly 1998 p. 464, note A. Couret, validant la clause fixant le prix en fonction de la "valeur réelle de l'entreprise" ;
(4) Sur l'ensemble de la question, on consultera, parmi une doctrine abondante, V. B. Wertenschlag, Prix déterminable et cession de droits sociaux, JCP éd. N. 1991 I p. 221 ; A. Couret et alli, La maîtrise du risque d'indétermination du prix dans les cessions d'actions, Dr. Sociétés, Actes Pratiques, juin 1992 ; J.-P. Garçon, Fixation d'un prix de cession et référence aux éléments comptables, JCP éd. E. 2000 p. 496.
(5) Par exemple : Cass. com., 30 novembre 1983, n° 82-12.045, Bibie, Loyen c/ SA Elf France, Rivière, publié N° Lexbase : A3720AGU, Bull. IV n° 333 ;
(6) Cass. com. 1er mars 1983, n° 80-13.650, Dr. Sociétés 1982 n° 151 ;
(7) Cass. com., 14 décembre 1999, n° 97-15.654, Epoux Fin c/ M. Baverez et autres, publié N° Lexbase : A8145AGR, Bull. IV n° 234 ;
(8) Cass. com., 5 mai 1970, n° 68-13.523, Société D'Intérêt Collectif Agricole Provençale de Transformation et c/ Bernard et autre,  publié N° Lexbase : A6566AGB, Bull. IV n° 147 ;
(9) Sur cette question, V. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, 9° éd., Dalloz, 2005 , n° 431 et s. ;
(10) En pratique, les protocoles de cession d'actions renferment fréquemment une clause déniant toute valeur juridique aux intitulés, leur reconnaissant seulement un rôle indicatif. Ce type de clause est particulièrement utile en cas de contentieux ultérieur.
(11)  Par exemple, sur la nullité d'une promesse de cession d'actions pour indétermination du prix, Cass. com., 10 décembre 1991, n° 90-15.451, SA Edouard Dubois et fils c/ Trusson, inédit N° Lexbase : A2166AGC, Dr. Sociétés 1992, n° 31, note H. Le Nabasque ; Cass. com., 9 juin 2004, n° 03-11.600, M. Daniel Jeanperin c/ M. Yves Jeanperin, F-D N° Lexbase : A6267DC4, Bull. Joly 2004 p. 1383, note T. Massart ;
(12) Cass. com. 10 mars 1998, précité ;
(13) V. déjà en ce sens, CA Nancy 20 octobre 2004, n° 98-3311, 2ème ch. com., Rousselot c/ SA ITM Entreprises, BRDA 12/2005, p. 2.

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