Jurisprudence : CAA Nantes, 18-11-1992, n° 90NT00497

Cour administrative d'appel de Nantes

Statuant au contentieux
EGLISE DE SCIENTOLOGIE


ISAIA, Rapporteur
LEMAI, Commissaire du gouvernement


Lecture du 18 novembre 1992



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 1990, présentée pour l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE', qui a son siège 12, rue Max Richard à ANGERS (Maine-et-Loire), par Me Barbier, avocat à la Cour ;

    L'EGLISE DE SCIENTOLOGIE demande à la Cour :

    1°) d'annuler le jugement du 21 juin 1990 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1983, des impositions supplémentaires à la taxe d'apprentissage dues au titre des années 1980 à 1983 et enfin des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle mises à sa charge au titre des années 1979 à 1984 ;

    2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;

    VU les autres pièces du dossier ;

    VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

    VU la 6ème directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

    VU la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

    VU le décret n° 83.1025 du 28 novembre 1983 ;

    VU le code général des impôts ;

    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 1992 :

    - le rapport de M. ISAIA, conseiller,

    - les observation de Me Philippe Losappio, avocat de l'EGLISE DE SCIENTOLOGIE,

    - et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,


    Sur la régularité du jugement attaqué :

    Considérant que l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' ne précise pas les moyens auxquels le tribunal administratif aurait omis de répondre ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de mentionner dans leur jugement les faits de l'espèce ; que, par suite, l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;

    Sur le principe de l'imposition :


____Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 206 du code général des impôts que sont notamment passibles de l'impôt sur les sociétés les personnes morales se livrant à une exploitation à caractère lucratif_; que ces mêmes personnes morales sont également passibles de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés et de la taxe d'apprentissage sur le fondement des dispositions des articles 223 septies et 224 du même code_; qu'enfin, en vertu de l'article 256, sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de service réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel_; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période concernée l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' a tiré la plus grande part de ses ressources de la facturation de prestations de services rendus à ses membres sous forme de cours, d'auditions dites de 'conseil pastoral' ainsi que de la vente de documents et de matériels destinés à faire connaître la doctrine de la scientologie, à en exposer les pratiques et les méthodes et à en vanter les bienfaits_; que s'il n'est pas contesté que cette activité était conforme aux buts statutaires de l'association, il résulte également de l'instruction que celle-ci a procédé à une recherche permanente d'excédents de recettes, en pratiquant notamment des tarifs supérieurs au coût de revient des prestations, et qu'elle s'est livrée, à cet effet, à une propagande qui faisait un large appel aux méthodes de publicité commerciale_; qu'ainsi, nonobstant l'objet religieux des prestations fournies et sans que puisse y faire obstacle le versement de dons par les adhérents, les opérations effectuées par l'association présentaient un caractère lucratif les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés et de la taxe d'apprentissage ; que si l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' soutient que les confessions et auditions ne procèdent pas d'une activité économique au sens de la 6ème directive des communautés européennes et ne seraient pas passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, il résulte de l'instruction que ces prestations sont, comme il a été dit ci-dessus, facturées spécifiquement aux adhérents de même que les autres prestations de services et correspondent, de ce fait, à des opérations réalisées à titre onéreux par un assujetti ; que ces confessions et auditions font l'objet d'une exploitation destinée à procurer des recettes ayant un caractère de permanence et constituent ainsi l'exercice d'une activité économique au sens des dispositions des articles 256 et 256 A du code général des impôts pris pour l'application des dispositions, au demeurant claires, des articles 2 et 4 de la 6ème directive ; que, dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que lesdites prestations devraient être exonérées, d'une part, de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 261-7 du code général des impôts, lesquelles ne visent que les organismes sans but lucratif et, d'autre part, de l'impôt sur les sociétés, par application de l'article 207-5° bis, lequel renvoie au même article 261-7 ; que, par conséquent, elle n'est pas non plus fondée à soutenir qu'elle devrait être exonérée de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés et de la taxe d'apprentissage au motif que son activité n'aurait pas un caractère lucratif et ne serait pas de nature

commerciale ; que l'association requérante ne peut revendiquer le bénéfice d'une instruction administrative de 1977 dont elle ne remplit pas toutes les conditions ; que la circonstance que des administrations fiscales étrangères appliqueraient à des activités identiques à celles de l'association requérante le régime fiscal des organismes sans but lucratif ne saurait avoir d'incidence sur les conditions d'application de la loi fiscale française ; que la qualification juridique des faits par le juge pénal ne peut être utilement invoqué ; que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité des citoyens est inopérant dès lors que les impositions contestées ont été établies conformément à la loi ; que l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés des activités auxquelles se livre l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' ne saurait constituer une atteinte aux dispositions concernant la liberté religieuse prévues par l'article 9-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

    Sur la régularité de la procédure d'imposition :

    Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : POLICE 'Sont taxés d'office... 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leurs déclarations de résultats ; 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes.' et qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : POLICE 'Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination' ;


____Considérant qu'il est constant que la déclaration prévue en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 223 du code général des impôts et celle prévue en matière de taxes sur le chiffre d'affaires par l'article 287 du même code n'ont pas été déposées par l'association requérante_; que nonobstant la généralité des termes utilisés par les articles 223 du code général des impôts et L.66 du livre des procédures fiscales pour désigner les déclarations que les contribuables sont tenus de souscrire, le fait, pour l'association, d'avoir souscrit la déclaration exigée des organismes sans but lucratif ne saurait faire obstacle à la taxation d'office encourue à raison du défaut de la déclaration relative au régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés_; que l'administration n'était pas tenue, préalablement à la taxation d'office, de mettre en demeure le contribuable de souscrire les déclarations prévues par la loi_; que l'affirmation, selon laquelle l'administration ne serait pas en droit de taxer d'office un contribuable de bonne foi qui conteste sérieusement le principe de l'imposition, ne repose sur aucune base légale_; que, dès lors, le moyen tiré du détournement de procédure qu'aurait commis le service en la taxant d'office dans de telles circonstances n'est pas fondé et, par suite, ne peut qu'être rejeté_; que la circonstance que la vérification de comptabilité à laquelle l'administration a procédé avant d'arrêter les bases d'imposition n'aurait eu qu'une durée de huit jours ne suffit pas, à elle seule, à démontrer qu'à l'occasion de ce contrôle, l'association requérante aurait été privée de tout débat oral et contradictoire avec le vérificateur_; que s'agissant d'une procédure de taxation d'office, la commission départementale des impôts n'avait pas à être saisie du litige_; que la nature et les modalités de détermination des bases d'imposition ainsi que les raisons de l'application de la procédure de taxation d'office ont été mentionnées dans les notifications de redressements en date du 14 décembre 1983 et du 24 mai 1984, conformément aux dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ; que l'association requérante ne saurait se prévaloir d'une violation des dispositions de l'article L.57 du même livre, dès lors que ledit article, qui concerne uniquement les redressements issus d'une procédure contradictoire, n'était pas applicable en l'espèce ;

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' n'a pas souscrit la déclaration prévue à l'article 229 du code général des impôts indiquant le montant des salaires et autres rémunérations passibles de la taxe d'apprentissage ; que, dès lors, en vertu des dispositions dudit article 229 du code, l'administration a pu à bon droit, l'assujettir d'office à cette taxe ;

    Considérant que l'association requérante ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement, sur le fondement des dispositions du décret du 28 novembre 1983 et de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives postérieures à la mise en recouvrement des impositions contestées ;


    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' a été régulière ; qu'il appartient, dès lors, à l'association requérante de démontrer le caractère exagéré des évaluations retenues par l'administration ;

    Sur le montant des impositions contestées :

    Considérant que si l'association requérante soutient que les impositions contestées seraient excessives au motif que l'administration n'aurait pas pris en considération des charges nécessaires à son fonctionnement, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'en apprécier le bien fondé ;

    Sur les pénalités :

    Considérant que si l'association requérante soutient qu'elle ne pouvait être assujettie qu'à des intérêts de retard, il résulte de l'instruction que, suite au jugement attaqué, seuls ces derniers sont restés à sa charge ; que, par suite, les moyens invoqués au titre des pénalités sont inopérants ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;


Article 1er - La requête de l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à l'association 'EGLISE DE SCIENTOLOGIE' et au ministre du budget.

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