Jurisprudence : CAA Paris, 2ème ch., B, 06-12-2002, n° 98PA04089

CAA Paris, 2ème ch., B, 06-12-2002, n° 98PA04089

A7450A4P

Référence

CAA Paris, 2ème ch., B, 06-12-2002, n° 98PA04089. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1125754-caa-paris-2eme-ch-b-06122002-n-98pa04089
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Abstract

Les dispositions de l'article 164 C du CGI ne sont pas susceptibles d'engendrer une discrimination à raison de la nationalité contraire aux stipulations de l'article 6 du traité de Rome ni à la libre circulation des capitaux protégée par les articles 73 B du traité (CAA Paris, 2ème ch., 6 décembre 2002, n° 98PA04089, M. . Von Bernewitz c/ Administration fiscale)..



N°s 98PA04089 99PA00622 --------------- M. VON BERNEWITZ --------------- M. COUZINET, Président --------------- Mme ESCAUT, Rapporteur --------------- M. BATAILLE, Commissaire du Gouvernement --------------- Séance du 22 novembre 2002 Lecture du 6 décembre 2002 C.P.
LA COUR ADMINISTRATIVE D=APPEL DE PARIS

(2ème chambre B)

VU I), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 novembre 1998, sous le n° 98PA04089, présentée pour M. Wolf Georg Freiherr VON BERNEWITZ, demeurant Austrasse 52, Vaduz, Liechtenstein, élisant domicile au cabinet de son avocat, par Me SAVOIE, avocat ; M. VON BERNEWITZ demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9405705/1 du 30 avril 1998, rectifié le 7 juillet 1998, par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions contestées ;
…………………………………………………………………………………………..

Classement CNIJ : 19-01-01-01-01
C+ 19-01-01-05

VU II), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mars 1999, sous le n° 99PA00622, présentée pour M. VON BERNEWITZ, par Me SAVOIE, avocat ; M. VON BERNEWITZ demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 9502229/1 et 9502230/1 du 9 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a conclu au non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions portant sur l'impôt sur le revenu des années 1988 et 1989 et n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions contestées ;
…………………………………………………………………………………………..

VU les autres pièces des dossiers ;

VU la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et son protocole additionnel du 20 mars 1952 ;

VU le traité de Rome instituant la Communauté européenne en date du 25 mars 1957 ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2002 :

- le rapport de Mme ESCAUT, premier conseiller,

-et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. VON BERNEWITZ concernent l'impôt sur le revenu auquel celui-ci a été assujetti au titre d'années successives ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que M. VON BERNEWITZ demande l'annulation, d'une part, du jugement en date du 30 avril 1998, rectifié le 7 juillet 1998, par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 et, d'autre part, du jugement en date du 9 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer en ce qui concerne les impositions sur le revenu des années 1988 et 1989 et n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1991 et 1992 ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant que M. VON BERNEWITZ soutient que, dans les jugements attaqués, le tribunal n'aurait procédé qu'à une analyse abstraite de la conformité de l'article 164 C du code général des impôts aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son protocole additionnel ainsi que du traité de Rome, négligeant ainsi de répondre à son argumentation portant sur l'analyse concrète des impositions en litige au regard de ses droits résultant desdites dispositions; que cependant, d'une part, en ce qui concerne la branche du moyen relative à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à son protocole additionnel, il ressort des motifs des jugements attaqués que le tribunal a bien répondu à l'argumentation susrappelée du requérant ; que, d'autre part, en ce qui concerne la branche du moyen relative au traité de Rome, la réponse donnée par le tribunal incluait implicitement mais nécessairement la réponse à ladite argumentation ; que par suite l'omission à statuer alléguée par M. VON BERNEWITZ manque en fait ; que, dès lors, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à invoquer l'irrégularité des jugements attaqués ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant qu'aux termes de l'article 164 C du code général des impôts : « Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujettis à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt… » ;

Considérant que M. VON BERNEWITZ, qui résidait, au cours des années en litige, au Liechtenstein, a été imposé, en application des dispositions précitées de l'article 164 C du code général des impôts, sur le fondement de la valeur locative de la résidence qu'il avait achetée à Gassin, dans le Var ; que M. VON BERNEWITZ conteste ces impositions ;

En ce qui concerne la valeur locative de la villa de M. VON BERNEWITZ :

Considérant que l'administration a, faute d'éléments de comparaison disponibles, fixé la valeur locative de la résidence achetée par M. VON BERNEWITZ à Gassin le 30 novembre 1987, en appliquant un coefficient à la valeur vénale du bien ; que si M. VON BERNEWITZ ne critique ni la méthode suivie, ni la valeur vénale de son bien retenue par l'administration, il conteste, en revanche, la valeur du coefficient qui a été appliqué ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration avait initialement retenu un coefficient de 6 % avant de le ramener à 5 % dans le cadre de l'instruction des réclamations préalables du contribuable ; que, par les jugements attaqués, le tribunal a considéré que le taux de ce coefficient n'était pas justifié et a appliqué un taux de 4 % ; que, d'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal n'a commis aucune erreur de fait en retenant un taux de 4 % sur la base du rapport établi par un expert immobilier à la demande de M . VON BERNEWITZ dès lors que ce taux correspond bien à celui proposé dans ledit rapport pour la rentabilité locative annuelle de biens comparables à celui de l'intéressé ; que, d'autre part, si M. VON BERNEWITZ demande l'application d'un taux de 1,66 %, ce taux ne correspond pas au taux de 4 % fixé par le rapport d'expertise produit par le requérant lui-même devant le tribunal et admis, en appel, par l'administration et il n'est corroboré par aucun élément du dossier ; qu'enfin, si M. VON BERNEWITZ fait valoir que seule une location saisonnière limitée à quelques mois par an serait possible, les éléments qu'il fournit ne sont pas suffisants pour établir l'impossibilité de louer à l'année sa maison ; que, par suite, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à contester le coefficient de 4 % retenu par les premiers juges ;

En ce qui concerne la violation de règles internationales :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » et qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l'origine nationale ou sociale ou toute autre situation » ;

Considérant M. VON BERNEWITZ soutient que les impositions mises à sa charge en application des dispositions précitées de l'article 164 C du code général des impôts constitueraient une atteinte à son droit de propriété protégé par les stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, d'une part, dès lors que l'article 7 de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 dont est issu l'article 164 C du code général des impôts a été régulièrement publié au Journal officiel le 30 décembre 1976, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas pu être informé en temps utile des conséquences fiscales de l'achat d'une résidence en France ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, les impositions de M. VON BERNEWITZ, au titre des années 1988, 1989, 1991 et 1992, ont été établies en exécution des jugements attaqués sur la base d'une valeur locative de sa maison correspondant à 4 % de sa valeur vénale ; qu'eu égard au rapport existant entre les impositions ainsi établies et la valeur de son bien immobilier, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à soutenir que ces impositions constitueraient une atteinte excessive à son droit de propriété ; que, par suite, quels que soient les objectifs poursuivis par l'institution de l'article 164 C du code général des impôts, M. VON BERNEWITZ ne saurait soutenir que les impositions dont il a fait l'objet porteraient atteinte à son droit de propriété en violation des stipulations susrappelées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, dès lors que les impositions mises à la charge de M. VON BERNEWITZ résultent de l'application de l'article 164 C qui est applicable à toutes les personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France mais y disposant d'une ou plusieurs habitations, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à soutenir que lesdites impositions constitueraient une discrimination dans la jouissance de son droit de propriété en violation des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 alors applicable du traité instituant les Communautés européennes : « Dans le champ d'application du présent traité et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en fonction de la nationalité » et qu'aux termes de l'article 73 B, alors applicable, du même traité : « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et les pays tiers sont interdites » ; que si l'article 73 D, alors applicable, de ce traité prévoit que les Etats sont en droit « d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis », son paragraphe 3 précise « ces mesures ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements… » ;

Considérant que, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, les dispositions de l'article 164 C du code général des impôts ont pour objet d'assujettir à l'impôt sur le revenu en France toutes les personnes n'y ayant pas leur domicile fiscal mais y disposant d'une ou plusieurs habitations ; que, par suite, ces dispositions ne sont pas susceptibles d'engendrer une discrimination à raison de la nationalité contraire aux stipulations précitées de l'article 6 du traité de Rome ; que, par ailleurs, l'imposition résultant de l'application de l'article 164 C du code général des impôts n'a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte à la libre circulation des capitaux protégée par les articles 73 B et suivants du traité de Rome ;

Considérant que, par suite, M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à soutenir que les impositions litigieuses méconnaîtraient les stipulations susrappelées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son protocole ainsi que du traité de Rome ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. VON BERNEWITZ n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à ses demandes ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°s 98PA04089 et 99PA00622 de M. VON BERNEWITZ sont rejetées.

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