La lettre juridique n°244 du 18 janvier 2007 : Entreprises en difficulté

[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

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N7781A93

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le 07 Octobre 2010


Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouvent, au premier plan de cette actualité, la question de la détermination du "créancier intéressé", destinataire du courrier de contestation de créance, ainsi que la voie de recours ouverte à l'associé d'une SCI à l'encontre du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société et, enfin, les conséquences, après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, de la fraude du débiteur sur les droits du créancier qui n'avait pas déclaré sa créance dans les délais.
  • Le destinataire du courrier de contestation de créance (Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-19.115, Institution de prévoyance du bâtiment et des travaux publics (BTP Prévoyance), anciennement dénommée Caisse nationale de prévoyance des ouvriers du bâtiment et des travaux publics (CNPO), F-P+B N° Lexbase : A1007DTH)

Le mandataire de justice, représentant des créanciers -devenu le mandataire judiciaire sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT)- est le destinataire des courriers contenant la déclaration de créance au passif. Il procède, ensuite, à leur examen, qui ressemble à une forme d'instruction de la mesure que devra, par la suite, rendre le juge-commissaire à propos de la créance déclarée dans les délais. Dans cette tâche, il est assisté par le débiteur, l'administrateur judiciaire de ce dernier qui aurait reçu mission d'administration, ainsi que par les contrôleurs. S'il estime que la demande présentée par le créancier n'est pas fondée, il lui appartient de déclencher une contestation, laquelle est régie par les dispositions de l'article L. 621-47 du Code de commerce (N° Lexbase : L6899AID), devenu, avec la loi de sauvegarde des entreprises, l'article L. 622-27 du même code (N° Lexbase : L3747HBE).

Selon cette disposition, "s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 621-125 (N° Lexbase : L6977AIA), le représentant des créanciers en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications". La loi de sauvegarde conserve la rédaction sous la double réserve qu'elle substitue au vocable de représentant des créanciers celui de mandataire judiciaire et que, désormais, est visé l'article L. 625-1 (N° Lexbase : L4092HB8) au lieu de l'article L. 621-125. La question au centre de l'arrêt commenté est de savoir si le terme de "créancier intéressé" utilisé par le Code de commerce doit s'entendre strictement ou si le courrier de contestation peut valablement être adressé, également, au mandataire qui aurait déclaré la créance au nom et pour le compte du créancier.

En l'espèce, une société est mise en redressement judiciaire et un organisme social déclare, par l'intermédiaire de son avocat, une créance au passif. Le représentant des créanciers conteste la créance et adresse le courrier de contestation au créancier personnellement, sans rendre destinataire du courrier de contestation l'avocat de ce dernier. Dans ces conditions, la contestation de créance est-elle efficace et habile à faire courir le délai de réponse à contestation, et dans l'affirmative, prive-t-elle du droit d'interjeter appel le créancier n'ayant pas répondu dans le dit délai à la contestation de créance ? Oui, répond ici la Cour de cassation, dans un arrêt appelé à la publication au Bulletin. C'est assez dire l'importance qu'attache à cette solution pratique la Cour de cassation. Pour ce faire, elle énonce que, "lorsqu'un créancier déclare sa créance par l'intermédiaire d'un mandataire, la lettre par laquelle le représentant des créanciers avise que la créance déclarée fait l'objet d'une contestation peut être adressée soit au mandataire qui a déclaré la créance soit au créancier lui-même ; qu'ayant relevé que le représentant des créanciers avait avisé la Caisse [...] de la contestation portant sur la créance et que cette dernière n'avait pas répondu dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre, la cour d'appel a légalement justifié sa décision", ayant déclaré irrecevable l'appel formé par le créancier.

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion d'apporter certaines précisions à propos du destinataire du courrier de contestation de la créance. C'est ainsi qu'elle avait d'abord jugé que, si la créance a été déclarée par avocat, la lettre de contestation pouvait valablement lui être envoyée et faisait courir le délai de contestation (Cass. com., 12 novembre 1997, n° 95-14.225, Société Guérin Diesbecq, ès qualités de liquidateur de la société MHC c/ Consorts de Seguin et autre N° Lexbase : A1840AC7, JCP éd. E, 1998, pan. 13 ; D. Affaires 1997, p. 1425, n° 11-1 ; D. 1997, IR p. 258). La circonstance que l'avocat, qui avait déclaré la créance, ne défendît plus, ensuite, les intérêts du créancier, dès lors qu'aucune information n'avait été portée à la connaissance du mandataire de justice, auteur de la contestation, était même apparue indifférente (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 26 novembre 2004, n° 03/17702, SCP Brouard Daude c/ Maître Jean-Claude Pierrel N° Lexbase : A3758DHN), alors pourtant qu'elle pouvait présenter certains dangers pour le créancier, qui ne pouvaient être réglés que par la recherche de la responsabilité civile professionnelle de l'avocat. La solution à tenir pour efficace la contestation de créance et à faire courir le délai de réponse à contestation de trente jours à partir de la réception par l'avocat et, plus généralement, par le mandataire du créancier suppose, toutefois, que ce mandataire retire le courrier recommandé de contestation auprès des services de la Poste. Au contraire, il a été jugé que le délai de réponse à la contestation de trente jours, ne peut courir si l'avocat ne retire pas le courrier recommandé.

La jurisprudence avait déjà, également, eu l'occasion de préciser que la lettre de contestation pouvait valablement être envoyée au créancier directement, fut-il étranger, alors que la déclaration de créance avait été faite par avocat (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 3 décembre 2004, n° 03/20651, Société MIX Société de droit italien c/ Maître Philippe Jacques Garnier N° Lexbase : A5487DEX). C'est cette solution que reprend ici la Cour de cassation en croyant bon d'ajouter que, lorsque la déclaration de créance est faite par mandataire, le courrier contenant la contestation de créance peut être adressé "soit au mandataire qui a déclaré la créance, soit au créancier lui-même".

Il importe de remarquer que l'article 72, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5367A4K) prévoit que, "si une créance autre que celle mentionnée à l'article 123 de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6505AHE) est contestée, le représentant des créanciers en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception". Or, ce texte ne distingue pas selon que la créance a été déclarée par l'un ou l'autre pour déterminer le destinataire du courrier de contestation. Ainsi, le principe ubi lex... justifie la solution posée ici par la Cour de cassation.

L'article 103, alinéa 2, du décret du 28 décembre 2005 (décret n° 2005-1677, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L3297HET) reprend fidèlement la solution de la législation antérieure, sous réserve de la substitution au vocable de représentant des créanciers de celui de mandataire judiciaire.

La solution posée par la Cour de cassation a le mérite d'assurer une symétrie parfaite -un parallélisme des formes dira-t-on-, entre trois questions intimement liées : la déclaration de créance, la contestation de créance et la notification de la décision d'admission ou de rejet d'une créance contestée. Dans les trois cas, l'intervention d'un mandataire est permise. Il est, dès lors, logique de décider que celui qui peut déclarer la créance peut aussi être rendu destinataire de la contestation de ladite créance et de la notification de la décision qui statue après contestation sur cette créance déclarée. Faute de précision des textes, dans les deux derniers cas -contestation et notification- peu importera l'auteur de la démarche première, à savoir la déclaration de créance.

  • L'associé de SCI et la voie de recours à l'encontre du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société (Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-14.816, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9941DSY)

Aux termes de l'article 1857 du Code civil (N° Lexbase : L2054ABP), "à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements". Avant la loi de sauvegarde des entreprises, une différence essentielle séparait de tels associés, indéfiniment tenus des dettes sociales, mais sans solidarité, des associés tenus indéfiniment et solidairement du passif. Les seconds étaient, en effet, obligatoirement, mais non automatiquement, puisqu'il fallait une décision distincte à leur égard, placés sous procédure collective si le groupement dont ils étaient tenus des dettes était, lui-même, placé sous procédure collective. La loi de sauvegarde a mis fin à cette situation en supprimant toutes les fausses extensions de procédures, dont celle posée par l'article L. 624-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L7040AIL). Remarquons d'ailleurs que, même si la procédure a été ouverte contre la personne morale avant le 1er janvier 2006, elle ne peut plus l'être contre l'associé après cette même date (loi du 26 juillet 2005, art. 192 ; Circ. min., n° CIV 2006-02, du 9 janvier 2006, relative aux mesures législatives et réglementaires applicables de la loi de sauvegarde des entreprises applicables aux procédures en cours N° Lexbase : L3711HP7, Gaz. Pal. 22-24 janvier 2006, p. 38), alors que si la procédure a été ouverte contre l'associé avant le 1er janvier 2006, l'obligation d'ouverture de la procédure contre l'associé subsiste (Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-16.200, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A1171DQG, D. 2006, AJ p. 1890, obs. A. Lienhard ; lire F. Labasque, Application de l'article 192 de la loi de sauvegarde des entreprises et date de cessation des paiements dans le cadre d'une procédure ouverte sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce, Lexbase Hebdo n° 222 du 6 juillet 2006 - édition affaires N° Lexbase : N0537ALH).

Désormais, les associés indéfiniment tenus du passif social sans solidarité sont placés sur un pied d'égalité par rapport aux associés indéfiniment et solidairement responsables du passif au regard de cette question de l'ouverture de la procédure. Elle ne peut résulter du seul fait de l'ouverture de la procédure contre le groupement.

L'associé indéfiniment responsable du passif du groupement, tel que l'associé d'une société civile immobilière, peut être tenu de payer le passif à proportion de sa détention dans le capital social de la société, ainsi que l'indique l'article 1857, alinéa 1er, du Code civil, au jour de la cessation des paiements, laquelle peut donc précéder la date d'ouverture de la procédure. On comprend, dès lors, l'attention que doit porter à l'ouverture d'une procédure collective contre la SCI son associé. Par principe, il ne sera pas poursuivi immédiatement. Sa poursuite sera cependant possible pendant la procédure collective du groupement (CA Dijon, 1ère ch., sect. 2, 12 septembre 1997, LPA 15 janvier 1999, n° 11, note C. Lebel), mais il faudra préalablement démontrer l'insuffisance du patrimoine du groupement pour répondre des dettes sociales (Cass. civ. 3, 6 janvier 1999, n° 97-10.645, Société Alain Chevalier Conseil c/ M. Travert et autres, publié N° Lexbase : A2757CG9, Bull. civ. III, n° 5 ; LPA 11 mars 1999, n° 50, p. 5 ; Bull. Joly 1999, n° 94, 455, note P. Le Cannu ; Cass. com., 6 décembre 2005, n° 04-14.352, Société Négociation achat de créances contentieuses (NACC) c/ Société Promofi, F-D N° Lexbase : A9212DLR). Le fait que la société ait été déclarée en liquidation judiciaire sera insuffisant à caractériser l'insuffisance du patrimoine social pour payer la dette (Cass. civ. 3, 18 juillet 2001, n° 99-20.084, Société en nom collectif Clinique d'Accouchements de Suresnes c/ Société à responsabilité limitée Clinique d'Accouchements de Suresnes N° Lexbase : A2497AUZ, Act. proc. coll. 2001/15, n° 192, obs. J. Vallansan), alors même que la procédure de saisie immobilière de l'immeuble appartenant à la société aurait été entamée (Cass. com., 11 juin 2003, n° 99-17.271, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Sud-Ouest c/ M. Jean-Claude Saint-Martin, F-D N° Lexbase : A7330C8Y). Il en est de même de l'arrêté d'un plan de cession (Cass. civ. 1, 30 mars 2005, n° 03-10.872, M. Victor Eyraud c/ Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat  (l'ANAH), F-D N° Lexbase : A4463DHR). A fortiori, si la société obtient un plan de sauvegarde ou de continuation, les délais du plan empêcheront la poursuite de l'associé (Cass. civ. 3, 23 février 2000, n° 98-14.540, Consorts Angelini c/ Consorts Vincensini-Ciabrini et autre, P N° Lexbase : A3644AUI, Bull. civ. III, n° 43 ; RTD com. 2000, p. 681, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; RD Banc. et fin. 2000/3, n° 123, obs. F.-X. Lucas ; Defrénois 2000, 1188, n° 6, note J. Hovasse ; Bull. Joly 2000, n° 138).

Ainsi, même si la poursuite de l'associé de la société civile immobilière ne se produira généralement pas au jour de l'ouverture de la procédure collective, son obligation indéfinie à la dette le conduit à s'intéresser de près à la situation du groupement dont il est associé. Se pose, dès lors, la question de savoir s'il peut remettre en cause, par une voie de recours, la décision qui viendrait à ouvrir la procédure à l'encontre du groupement et, dans l'affirmative, laquelle ?

C'est à cette question que répond l'arrêt rapporté.

En l'espèce, une mutuelle était associée d'une société civile immobilière. A la suite d'une mésentente entre les associés, le juge des référés a désigné un administrateur provisoire de la société civile immobilière. Ce dernier a déclaré la cessation des paiements de la société civile immobilière. C'est dans ces conditions que le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de cette société. La mutuelle, associée de cette société immobilière, a formé une tierce opposition contre le jugement de liquidation judiciaire. La cour d'appel a considéré que la mutuelle était associée de la société civile immobilière et qu'elle a été représentée, en conséquence, par le mandataire social à l'instance ayant abouti au jugement de liquidation judiciaire de la SCI pour déclarer irrecevable la tierce opposition formée par la mutuelle. La question se pose donc de savoir si l'associé d'une société civile immobilière a qualité et intérêt à former une tierce opposition à l'encontre du jugement d'ouverture d'une procédure collective d'une société civile immobilière.

La Cour de cassation répond à la question par l'affirmative en énonçant que "le droit effectif au juge implique que l'associé d'une SCI, qui répond indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital social, soit recevable à former tierce opposition à l'encontre du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la SCI", ce dont il résulte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 6§1 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) et 583 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2833ADB).

La solution ne peut que s'imposer. Il est d'abord certain que l'associé d'une société ne peut être assimilé à la société elle-même. Il n'est donc pas une partie au jugement d'ouverture. Le fait qu'il soit représenté à l'instance par le mandataire social de la SCI est inopérant pour le priver du droit d'accès au juge. Il y aurait violation du droit au procès équitable à décider le contraire. La solution s'impose d'autant que la Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser à l'égard de l'associé d'une société civile professionnelle d'huissier de justice que cet associé n'était pas une partie et ne pouvait former appel à l'encontre du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société (Cass. com., 13 juin 2006, n° 05-12.748, F-D N° Lexbase : A9965DPR), alors même que cet associé est indéfiniment et solidairement responsable du passif et devait, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, être déclaré lui-même en redressement ou en liquidation judiciaire du fait de l'ouverture de la procédure contre le groupement dont il est associé. Cette solution doit immédiatement être rapprochée de celle qui interdit à l'associé d'une société de demander l'ouverture de la procédure (pour une SCI, v. CA Paris, 20 octobre 1995, Dr. sociétés 1996, n° 31, obs. Y. Chaput), à moins qu'il ne soit créancier. C'est, alors, en cette dernière qualité qu'il pourra saisir la juridiction.

Si l'associé n'est pas une partie au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société, il ne peut donc être qu'un tiers. C'est ce qu'affirme, ici, la Cour de cassation. La seule voie de recours concevable est, en conséquence, la tierce opposition.

La qualité à exercer une voie de recours est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Encore faut-il que l'intéressé ait un intérêt à agir. Cet intérêt est incontestable pour l'associé d'une société civile immobilière, puisqu'il répond indéfiniment du passif du groupement et que cette éventualité de supporter le passif social se précise singulièrement lorsque la société est déclarée en redressement et, a fortiori, en liquidation judiciaire. C'est cet élément qui est ici mis en avant par la Cour de cassation pour justifier l'intérêt à agir.

Ainsi, l'associé d'une société est-il un tiers au jugement décidant l'ouverture de la procédure à l'encontre du groupement. Son intérêt est distinct de celui de la collectivité des créanciers chirographaires représentée par le mandataire judiciaire -représentant des créanciers-, ce qui justifie qu'il puise exercer une tierce opposition, au contraire d'un créancier chirographaire (CA Paris, 3ème ch., sect. A, 17 février 2004, n° 2003/10109, Société Sajic Vieira SA c/ Société Roto Ouest Graphic SA N° Lexbase : A6797DCQ).

A peine d'irrecevabilité, la tierce opposition doit être formée par déclaration au greffe du tribunal (décret 27 décembre 1985, art. 156, al. 1 N° Lexbase : L5269A4W ; décret 28 décembre 2005, art. 329, al. 2), dans les dix jours de la publication au Bodacc du jugement ouvrant la procédure (décret 27 décembre 1985, art. 156, al. 2 ; décret 28 décembre 2005, art. 329, al. 2 ; Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-19.730, F-D N° Lexbase : A7124C9Q, D. 2003, AJ p. 2817, note P.-M. Le Corre).

  • La clôture pour insuffisance d'actif, l'absence de déclaration de créance et les conséquences de la fraude du débiteur sur les droits du créancier (Cass. com., 5 décembre 2006, n° 05-17.598, F-D N° Lexbase : A8351DS4)

Le jugement de clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Ce principe souffre certaines exceptions. En effet, l'article L. 622-32, alinéa 3, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L7027AI4), devenu l'article L. 643-11 IV du même code, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L3943HBN), permet aux créanciers de recouvrer leurs droits de poursuite individuelle si le débiteur a commis "une fraude à l'égard des créanciers". L'arrêt rapporté intéresse précisément l'application de cette disposition.

Ayant consenti des prêts à des sociétés qui devaient, par la suite, faire l'objet de procédures de liquidation judiciaire, une banque s'était retournée contre la caution qui, par un protocole d'accord, s'était reconnue débitrice au titre de chacun des cautionnements. Quelques mois plus tard, la caution devait faire l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif. N'en étant pas informée, la banque avait poursuivi la caution et obtenu la condamnation de celle-ci au paiement d'une certaine somme. La caution avait, alors, saisi le juge de l'exécution aux fins de faire constater l'extinction de sa dette du fait de l'absence de déclaration de la créance de la banque au passif de sa procédure. La banque avait, par la suite, assigné la caution en paiement de dommages et intérêts pour fraude, demande à laquelle les juges du fond allaient faire droit. Se pourvoyant en cassation, la caution soutenait que le débiteur mis en liquidation judiciaire en cours d'instance n'avait pas l'obligation d'en informer ni son créancier, ni les tiers et qu'il appartenait au créancier de veiller à la sauvegarde de ses droits en déclarant sa créance dans le délai légal. Balayant cette argumentation, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et approuvé les juges du fond qui avaient considéré que le silence du débiteur qui avait tu sa situation de liquidation judiciaire et n'avait pas fait apparaître le créancier sur la liste certifiée de ses créanciers, et qui s'était gardé de faire état de la procédure collective dont il était l'objet lors des procédures menées à son encontre par la banque, était constitutif de comportements de mauvaise foi sur le plan contractuel et déloyaux sur le plan judiciaire, caractérisant une fraude au sens de l'article L. 622-32 III du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises.

La solution, qui n'est pas nouvelle (Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-12.092, Epoux Morel c/ Caisse d'épargne et de prévoyance des pays du Hainaut, P N° Lexbase : A3369AUC, JCP éd. E, 2000, chron. 128, n° 9, obs. P. Pétel ; JCP éd. E, 2000, jur. 1660, note P.-M. Le Corre ; LPA 3 février 2000, n° 24, p. 6, note P.-M. Le Corre ; D. Affaires 1999, jur. p. 94, obs. A. L. ; Act. proc. coll. 2000/1, obs. J. Vallansan ; RJ com. 2000, p. 209, n° 1556, note J.-L. Courtier ; RD Banc. et Bourse 2000/1, n° 23, obs. F.-X. Lucas ; RTD com. 2001, p. 226, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-16.146, Agence de l'eau Adour-Garonne c/ Société Usine de Longchamp N° Lexbase : A3383ATH, D. 2001, AJ p. 1725, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E, 2001, chron. 1470, n° 10, obs. P. Pétel ; Act. proc. coll. 2001, n° 119, obs. C. Régnaut-Moutier ; Cass. com., 14 janvier 2004, n° 01-01.728, F-D N° Lexbase : A8636DA4, lire P.-M. Le Corre, La fraude et la reprise des poursuites individuelles après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, Lexbase Hebdo n° 112 du 18 mars 2004 - édition affaires N° Lexbase : N0877AB4 ; Cass. com., 15 février 2005, n° 03-14.547, FS-P+B N° Lexbase : A7377DGC ; Cass. com., 12 avril 2005, n° 03-20.901, F-D N° Lexbase : A8732DHU, Gaz. proc. coll. 2005/2, p. 19, obs. D. Voinot ; Gaz. proc. coll. 2005/2, p. 25, obs. P.-M. Le Corre), a déjà fait réagir la doctrine (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2006-2007, n° 592.66 ; F.-X. Lucas, obs. sous Cass. com., 26 octobre 1999 précité, RD Banc. et Bourse 2000/1, n° 23). En effet, si le résultat -la condamnation du débiteur- doit incontestablement être approuvé, le cheminement pour l'atteindre peut laisser interrogatif. Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le défaut de déclaration d'une créance entraînait l'extinction de celle-ci. L'exercice de la faculté de reprise des poursuites individuelles dans les cas prévus par le législateur suppose que la créance, sur le fondement de laquelle reprennent ces poursuites individuelles, ne soit pas éteinte. Or, en l'espèce, la créance d'origine contractuelle née de l'engagement de cautionnement s'est trouvée définitivement éteinte de sorte qu'elle ne peut plus donner lieu à l'exercice de poursuites individuelles. En revanche, une autre créance, de nature délictuelle cette fois, est née en conséquence de la fraude commise par la caution qui a caché au créancier, alors que celui-ci la poursuivait, son état de liquidation judiciaire. Cette créance de dommages-intérêts, de nature délictuelle, résulte de la fraude commise, laquelle est postérieure à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. La créance résultant de cette fraude doit, en conséquence, être considérée comme une créance postérieure au jugement d'ouverture. Or, les créances postérieures ne sont pas concernées par les exceptions à la règle de l'absence de reprise des poursuites individuelles après clôture de la procédure puisqu'elles ne sont pas soumises au principe-même de cette règle...

C'est la raison pour laquelle il peut paraître critiquable de viser les dispositions de l'article L. 622-32 III dans cette hypothèse puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une reprise du droit de poursuites individuelles pour le créancier, mais de la possibilité pour le créancier, nouvellement titulaire d'une créance de dommages et intérêts bien distincte de la créance contractuelle disparue, d'en poursuivre le recouvrement dans la mesure où ce droit de poursuite n'a jamais été arrêté.

Notons que, sous l'empire de la loi de sauvegarde, le défaut de déclaration de la créance dans les délais n'est plus sanctionné par l'extinction de celle-ci mais par la simple inopposabilité de la créance à la procédure (en ce sens, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action n° 665.75), laquelle ne dure que le temps de la procédure. Une fois la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif intervenue, le créancier victime de la fraude pourra donc reprendre -le terme sera ici parfaitement adapté puisque la créance n'aura jamais cessé d'exister- l'exercice de son droit de poursuites individuelles en application de l'article L. 643-11 IV du Code de commerce, si, du moins, il se trouve effectivement dans des cas exceptionnels autorisant la reprise des poursuites individuelles après clôture.

Pierre-Michel Le Corre
Professeur agrégé, Directeur du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon
Emmanuelle Le Corre-Broly
Maître de conférences des Universités
Enseignante du Master Droit de la banque de la faculté de droit de Toulon et du Var

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