La lettre juridique n°244 du 18 janvier 2007 : Électoral

[Questions à...] Questions à... Catherine Troendle, sénateur du Haut-Rhin, sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

Réf. : Projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

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[Questions à...] Questions à... Catherine Troendle, sénateur du Haut-Rhin, sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208850-questions-a-questions-a-catherine-troendle-senateur-du-hautrhin-sur-legal-acces-des-femmes-et-des-ho
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le 07 Octobre 2010


Présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, lors du Conseil des ministres du mardi 28 novembre dernier, le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a été adopté par le Sénat le 14 décembre 2006. En vue de cet examen, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Gisèle Gautier, a adopté, sur le rapport de Mme Catherine Troendle, sénateur UMP du Haut-Rhin, dix recommandations tendant à améliorer la parité en politique. L'occasion pour nous de revenir, avec cette dernière, sur ces recommandations et, de façon plus générale, sur le projet de loi, qui semble marquer une nouvelle étape dans la promotion de la parité.
Lexbase : Pouvez-vous, pour commencer, nous définir le dispositif juridique existant actuellement en faveur de la parité qui se résume, essentiellement, par le régime électoral issu de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (N° Lexbase : L0458AIS) ?

C. Troendle : Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'était, auparavant, pas possible d'adopter une disposition législative comportant une distinction entre candidats en raison de leur sexe, à moins d'une révision constitutionnelle, qui a été votée le 28 juin 1999, et qui a modifié les articles 3 (N° Lexbase : L1289A9M) et 4 (N° Lexbase : L1300A9Z) de la Constitution. L'article 3 dispose, désormais, que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives" et l'article 4 précise que les partis et groupements politiques "contribuent à la mise en oeuvre du principe [posé à l'article 3] dans les conditions déterminées par la loi".

La loi du 6 juin 2000, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a constitué une première mise en oeuvre des principes arrêtés lors de la révision constitutionnelle de 1999.

Elle concerne, essentiellement, les élections au scrutin de liste, pour lesquelles elle a prévu des obligations de parité des candidatures au moment de la formation des listes. Elle a, ainsi, prévu la parité des listes pour :

- les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants (parité par groupe de six candidats) ;

- les élections européennes (stricte alternance) ;

- les élections sénatoriales à la représentation proportionnelle (stricte alternance).

Par ailleurs, pour les élections législatives, qui se déroulent au scrutin majoritaire, la loi du 6 juin 2000 a prévu un dispositif dissuasif reposant sur une pénalisation financière des partis politiques ne respectant pas l'objectif de parité des candidatures. Ainsi, plus un parti s'écarte de cet objectif, plus le montant de l'aide publique qui lui est versée diminue et plus il est financièrement pénalisé.

Lexbase : Pourquoi et comment la nécessité de modifier un tel dispositif est-elle apparue ? Vous soulignez, notamment, dans votre rapport, le rang de la France dans le cadre d'une comparaison internationale. Pourriez-vous nous éclairer sur votre constat ?

C. Troendle : Il convient, dans un premier temps, de dresser un constat : l'application de la loi sur la parité du 6 juin 2000 a permis de réelles avancées concernant la représentation des femmes en politique, tout en laissant subsister des insuffisances concernant, en particulier, les assemblées élues au scrutin uninominal, les exécutifs des collectivités territoriales et les structures intercommunales.

Je vous présenterai les principaux chiffres, extraits de deux rapports de mars 2005, celui de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et celui établi par le ministère de la Parité et de l'Egalité professionnelle au titre de l'évaluation de la loi. Sans vouloir vous submerger de chiffres, que j'expose largement dans mon rapport écrit, j'indique que l'application de la loi du 6 juin 2000 présente un bilan contrasté.

Les comparaisons internationales soulignent la position médiocre de la France s'agissant de la représentation des femmes au Parlement. En effet, selon l'Union interparlementaire (UIP), notre pays occupait, au 31 octobre dernier, le 84ème rang, sur 135, avec 12,2 % de femmes à l'Assemblée nationale, et 17,6 % au Sénat. Toutes chambres confondues, la France, avec 14,2 % de femmes parlementaires, se situe au dessous de la moyenne mondiale, soit 16,9 %. Notre pays ne se situe au dessus de la moyenne mondiale que pour la proportion des femmes parlementaires membres d'une seconde chambre : 17,6 % des sénateurs français sont des femmes, pour une moyenne mondiale de 16 %.

Le plus regrettable est sans doute que, parmi les 25 Etats membres de l'Union européenne au 31 décembre 2006, 21 assurent une meilleure représentation parlementaire des femmes que la France, qui apparaît, ainsi, comme "le mauvais élève" de la classe européenne en la matière, même si, au niveau local, elle arrive en première position en Europe avec un taux de conseillères municipales de 47,5 % en 2002.

Lexbase : Un autre point négatif pourrait être décerné aux exécutifs locaux, qui restent à ce jour essentiellement masculins. Quelle est la situation dans les communes et structures intercommunales, dans les conseils généraux et les conseils régionaux ? Comment la justifier ?

C. Troendle : En effet, la loi du 6 juin 2000 n'a pas connu le prolongement qui aurait dû être le sien au niveau des exécutifs locaux, l'exercice des responsabilités demeurant concentré entre les mains des hommes, y compris dans les collectivités administrées par des assemblées où les femmes sont représentées de façon quasi paritaire :

- dans les communes de moins de 3 500 habitants, où les femmes représentent 30 % des conseillers municipaux, elles ne sont que 11,9 % des maires et 23,9 % des adjoints ;

- dans les communes de plus de 3 500 habitants, 7,6 % des maires et 36,8 % des adjoints sont des femmes (et souvent dans des délégations prétendument "féminines"), alors que celles-ci représentent 47,4 % des conseillers municipaux ; par ailleurs, la féminisation des conseils municipaux est restée sans effets sur la composition des structures intercommunales, dont seulement 5,5 % sont présidées par une femme ;

- 10,9 % des conseillers généraux sont des femmes, mais seulement 3 % sont présidentes et 12,1 % vice-présidentes ;

- enfin, si 47,6 % des conseillers régionaux sont des femmes, elles ne sont que 3,8 % à occuper la fonction de président et 37,3 % celle de vice-président.

Concernant les communes de plus de 3 500 habitants et le conseil régional, il n'existe aucune excuse préalable car la parité est imposée lors de l'élection.

Les exécutifs restent encore un bastion masculin, sans doute parce que les femmes arrivent dans ces institutions avec leurs doutes, leur manque de confiance encore, alors qu'elles auraient les compétences nécessaires pour s'affirmer au sein des exécutifs. Néanmoins, il faut, également, une volonté réelle de participer activement dans les exécutifs et une compétence adaptée aux différents postes attribués au sein des exécutifs, ceci est primordial pour contribuer efficacement au fonctionnement.

Lexbase : Enfin, vous notez, concernant les élections au scrutin majoritaire, un certain immobilisme. Comment l'expliquer ?

C. Troendle : Les résultats aux élections se déroulant au scrutin majoritaire offrent une illustration a contrario des effets de la loi du 6 juin 2000 : quand l'obligation de parité des candidatures ne s'applique pas, la représentation politique des femmes ne progresse quasiment pas. La comparaison "avant /après" est riche d'enseignement :

- la proportion des conseillères municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants était passée de 21 % en 1995 à 30 % en 2001 ;

- celle des conseillères générales était passée de 8,6 % en 1998 à 10,9 % en 2004 ;

- les femmes ne représentaient que 12,2 % des députés en 2002, après 10,9 % en 1997 ;

- les femmes constituaient 4,4 % des sénateurs élus au scrutin majoritaire en 2004, soit moins qu'en 1995 (4,8 %).

Soulignons, à cet égard, les limites du système de pénalités financières instituées par la loi du 6 juin 2000, dont l'objectif dissuasif n'a été que faiblement atteint. En effet, le montant total des pénalités financières pour non-respect de la parité s'était établi à 7,04 millions d'euros en 2004, quatre formations politiques représentant à elles seules 95,7 % de leur montant : l'UMP (60,8 %), le PS/PRG (23,6 %), l'UDF (9,5 %) et le PCF (1,8 %).

Lexbase : Le projet de loi présenté par M. Nicolas Sarkozy, marque, dans ce contexte, une avancée certaine en faveur de la parité en politique. Pouvez-vous rapidement nous le présenter ? Quelles en sont les mesures phares ? Les lacunes éventuelles ?

C. Troendle : L'une des mesures phares est de doter le conseiller général d'un suppléant de sexe différent, en prévoyant que le suppléant sera appelé à remplacer le titulaire en cas de décès. La lacune majeure de ce dispositif est la restriction de remplacement uniquement en cas de décès. En effet, pour que cette mesure produise pleinement ses effets, le remplacement du titulaire par le suppléant ne doit pas se limiter à la seule éventualité d'un décès, comme le prévoit le projet de loi, mais s'étendre aux autres cas de vacance du mandat et, en particulier, celui de la démission d'un élu devant se mettre en conformité avec la législation sur la limitation du cumul des mandats.

En effet, un élu devant renoncer à l'un de ses mandats pour cause de cumul abandonne le plus souvent son mandat de conseiller général. Ainsi, entre 1999 et 2006, 121 élections cantonales partielles ont été motivées par des démissions liées aux cumuls des mandats (soit 37,7 % au total), alors que seules 108 élections partielles ont eu pour origine le décès du conseiller général titulaire du mandat (soit 33,6 % du total).

Lexbase : La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances a adopté, sur votre rapport, dix recommandations concernant l'ensemble des élections nationales et locales, qu'il s'agisse des élections au scrutin de liste ou des élections au scrutin majoritaire, ainsi que les exécutifs des collectivités territoriales et les EPCI. Quelles sont ces recommandations ?

C. Troendle : 1. Instaurer une alternance stricte entre candidats de l'un et l'autre sexe pour la composition des listes de candidats aux élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants.

2. Abaisser de 3 500 à 2 500 habitants le seuil d'application du scrutin de liste avec obligation de parité pour les élections municipales.

3. Etendre la portée de la disposition du projet de loi tendant à doter le conseiller général d'un suppléant de sexe différent, en prévoyant que le suppléant sera appelé à remplacer le titulaire dans tous les cas de vacance du mandat, et non uniquement dans l'éventualité d'un décès.

4. Approuver le renforcement des pénalités financières applicables aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, prévu par le projet de loi, en portant de la moitié aux trois quarts de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe, rapporté au nombre total de candidats, le pourcentage de l'abattement appliqué sur la première fraction de l'aide publique.

5. Instituer l'obligation pour un candidat aux élections législatives d'avoir un suppléant de sexe différent.

6. Instaurer la parité au sein des exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et des régions, en prévoyant, comme dans le projet de loi, une obligation de parité des candidatures pour l'élection des adjoints au maire, ainsi que de la commission permanente et des vice-présidents des conseils régionaux.

7. Instituer une limitation du cumul des mandats dans le temps en limitant à trois le nombre de mandats consécutifs de même nature.

8. Mettre en place des dispositions destinées à faciliter l'exercice d'un mandat, ce qui permettra aux femmes de mieux concilier celui-ci avec leur vie professionnelle et familiale :

- prévoir, en faveur des élu(e)s locaux, un dispositif de dédommagement systématique des frais de garde d'enfants, ou d'assistance à des personnes dépendantes, liés à l'exercice du mandat, financé pour les petites communes grâce à une réforme de la dotation particulière "élu local" ;

- assurer une application effective des dispositifs de formation prévus en faveur des élu(e)s locaux, également financée pour les petites communes par une réforme de la dotation particulière "élu local" ;

- faciliter la réinsertion professionnelle des élu(e)s à l'issue de leur mandat, grâce à la validation des acquis de l'expérience et à l'extension aux autres élu(e)s du mécanisme de suspension du contrat de travail déjà prévu pour les parlementaires ;

- améliorer le régime de retraite des élu(e)s locaux, en autorisant ceux qui cessent leur activité professionnelle au cours de leur mandat à cotiser aux régimes facultatifs de retraite par rente mis en place sur le fondement de la loi n° 92-108 du 3 février 1992, relative aux conditions de l'exercice des mandats locaux (N° Lexbase : L1854ASH).

9. Etablir des statistiques précises concernant la présence des femmes au sein des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

10. Instaurer la parité au sein des assemblées délibérantes et des exécutifs des EPCI à fiscalité propre à l'occasion d'une réflexion d'ensemble sur le mode de désignation des délégués des communes dans ces structures intercommunales.

Lexbase : Pensez-vous que le projet de loi est réellement susceptible de faire avancer la parité en politique ? La difficulté ne résulte-t-elle pas plus des mentalités que du dispositif juridique existant ?

C. Troendle : C'est une nouvelle étape, une petite avancée qui apporte une première réponse aux difficultés des femmes qui briguent un mandat de conseiller général, mais le dispositif reste restrictif.

Les pénalités pourront, peut-être, contribuer à contraindre les partis à présenter plus de candidates aux élections législatives mais si elles sont prévues sur des circonscriptions impossibles à gagner, cette disposition n'aura qu'un faible impact réel.

Le problème fondamental reste, évidemment, celui de l'évolution des mentalités et du manque de confiance en elle des femmes. Celles qui sont compétences, motivées et volontaires n'attendront pas la mise en oeuvre de ces dispositifs en faveur de la parité.

Aussi, j'aurais souhaité que tout cet arsenal juridique puisse tomber dans quelques années, lorsque les mentalités auront évolué ; les femmes gagneront, alors, à s'affranchir de ces dispositifs. Malheureusement, la temporisation de ces nouvelles dispositions a été rejetée par l'opposition.

Propos recueillis par Fany Lalanne
SGR - Droit public

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