Le Quotidien du 22 août 2023

Le Quotidien

Fiscalité internationale

[Conclusions] DAC 6 et secret professionnel : le Conseil d’État tire les conséquences de la jurisprudence européenne – Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 14 avril 2023, n° 448486, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A18659Q7

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par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d’État

Le 24 Août 2023

Mots-clés : secret professionnel • avocat • Directive « DAC 6 »

Par une décision du 14 avril 2023, le Conseil d'État confirme que l'avocat ne peut pas notifier l'obligation déclarative à tout autre intermédiaire qui n'est pas son client, se mettant ainsi en conformité avec la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne.

Lexbase Fiscal vous propose les conclusions du Rapporteur public, Romain Victor.


1. Vous vous souvenez sans doute que, le 7 janvier 2021, le Conseil national des barreaux, ensemble la Conférence des bâtonniers et l’Ordre des avocats au barreau de Paris vous ont saisi de conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs publiés au BOFIP-Impôts le 25 novembre 2020 sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-10-20 N° Lexbase : X0221CKE et BOI-CF-CPF-30-40-20 N° Lexbase : X0320CK3, qui ont été pris pour éclairer l’application des articles 1649 AD N° Lexbase : L9972LS7 à 1649 AH N° Lexbase : L9976LSB et 1729 C ter N° Lexbase : L9977LSC du Code général des impôts, issus de l’article 1er d’une ordonnance du 21 octobre 2019 [1] ayant transposé en droit interne les dispositions de la Directive « DAC 6 », c’est-à-dire la Directive (UE) n° 2018/822, du 25 mai 2018, modifiant la Directive (UE) n° 2011/16 du 15 février 2011 en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration N° Lexbase : L6279LKR. Pour mémoire, la Directive « DAC 6 » a institué une obligation de déclaration à l’administration fiscale des montages juridiques susceptibles d’entraîner une perte de matière fiscale impliquant plusieurs États membres de l’Union européenne ou un État membre et un pays tiers, les informations issues de ces déclarations ayant vocation à être spontanément échangées entre les administrations des États membres par l’intermédiaire du réseau commun de communication (RCC) mis en place au sein de l’Union européenne.

Nous rappelons que l’article 1649 AD du CGI est relatif à la déclaration d’un dispositif transfrontière devant être souscrite auprès de l’administration fiscale, au premier chef, « par l’intermédiaire ayant participé à la mise en œuvre de ce dispositif », à défaut seulement « par le contribuable concerné ». Il définit les critères de qualification d’un tel dispositif « transfrontière » (celui-ci doit comporter un élément d’extranéité quelconque) et précise que ce dispositif doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’administration lorsqu’il comporte au moins un « marqueur », c’est-à-dire une caractéristique ou une particularité qui indique un risque potentiel d’évasion fiscale.

Il y a cinq catégories de marqueurs (A, B, C, D, E), tous détaillés à l’article 1649 AH. Certains ne sont retenus qu’à la condition que soit rempli un critère supplémentaire qui tient à ce que l’avantage principal qu’une personne peut raisonnablement s’attendre à retirer du dispositif en cause est l’obtention d’un avantage fiscal. Pour ne prendre qu’un exemple, constitue un marqueur de la catégorie C un dispositif qui prévoit la déduction de paiements transfrontières effectués entre entreprises liées, lorsque le bénéficiaire du paiement est établi dans une juridiction qui ne lève pas d’impôt sur les sociétés ou qui figure sur une liste de juridictions non coopératives.

L’article 1649 AE se préoccupe, quant à lui, de définir qui sont les intermédiaires soumis à l’obligation déclarative. Constitue un intermédiaire, au sens de ses dispositions, toute personne qui « conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre » ou qui « compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l’expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu’elle s’est engagée à fournir, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre ».

Au vu de cette définition, un avocat peut – pourquoi pas ? – avoir la qualité d’intermédiaire.

Le 4° du I de l’article 1649 AE prévoit justement que, lorsque l’intermédiaire est soumis à une obligation de secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du Code pénal N° Lexbase : L5524AIG – tel est le cas des avocats soumis au secret professionnel en vertu de la loi du 31 décembre 1971 [2] – il appartient à cet intermédiaire de recueillir l’accord de son client avant de souscrire la déclaration du dispositif transfrontière.

À défaut de cet accord, ces mêmes dispositions prévoient que l’intermédiaire « notifie à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe » ou, en l’absence d’autre intermédiaire, au contribuable concerné par le dispositif transfrontière, ces notifications étant à effectuer « par tout moyen permettant de leur conférer date certaine ».

L’ensemble de ces dispositions ont été adoptées dans le cadre de la transposition du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive (UE) n° 2011/16 qui a autorisé les États membres à prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire aux règles nationales en matière de secret professionnel, les États membres devant alors mettre en place des règles faisant obligation aux intermédiaires soumis au secret de notifier les obligations déclaratives « […] à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné ».

Enfin, l’article 1729 C ter du CGI dispose que les manquements à une obligation de déclaration ou de notification prévue aux articles 1649 AD et 1649 AE entraînent l’application d’une amende qui ne peut excéder 10 000 euros. Il prévoit que le montant de l’amende ne peut excéder 5 000 euros lorsqu’il s’agit de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes et que le montant de l’amende appliquée à un même intermédiaire ne peut excéder 100 000 euros par année civile.

La requête du CNB et autres a été dirigée contre tous les commentaires de la racine BOI-CF-CPF-30-40 « dont en particulier les paragraphes nos 10 à 210 de ces commentaires publiés sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-10-20 », comme l’indique le « Par ces motifs » de la requête, ces paragraphes correspondant au titre relatif aux « Intermédiaires » (le titre suivant, relatif au « Contribuable concerné » et comprenant les paragraphes nos 220 à 350, n’étant pas contesté).

Même si le « Par ces motifs » n’en porte pas la trace, la requête critique également le paragraphe n° 370 des commentaires publiés sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-20, qui se borne à reprendre les termes de l’article 1729 C ter du CGI relatif à la sanction applicable notamment en cas de manquement par un intermédiaire à ses obligations déclaratives.

La requête est appuyée sur une critique de la validité des dispositions du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive (UE) n° 2011/16 au regard des droits fondamentaux.

Par une décision du 25 juin 2021, vous avez :

  • admis l’intervention de l’Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine ;
  • annulé pour incompétence les alinéas trois à sept du paragraphe n° 180 des commentaires attaqués ;
  • et sursis à statuer sur le surplus de la requête jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la double question de savoir si l’article 8 bis ter, paragraphe 5, de la Directive « DAC 6 » méconnaît le droit à un procès équitable garanti par les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en ce qu’il n’exclut pas, par principe, les avocats intervenant au titre d’une mission juridictionnelle du champ des intermédiaires devant fournir à l’administration fiscale les informations nécessaires à la déclaration d’un montage fiscal transnational ou devant notifier cette obligation à un autre intermédiaire et si ces mêmes dispositions méconnaissent les droits au respect de la correspondance et de la vie privée garantis par les articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, en ce qu’elles n’excluent pas, par principe, les avocats intervenant au titre d’une mission d’évaluation de la situation juridique de leur client du champ des intermédiaires devant fournir à l’administration fiscale les informations nécessaires à la déclaration d’un montage fiscal transnational ou devant notifier cette obligation à un autre intermédiaire.

Le 23 janvier 2023, le greffier de la Cour de justice de l’Union européenne vous a transmis la copie de l’arrêt rendu le 8 décembre 2022 par cette Cour ayant statué, en formation de Grande chambre, dans l’affaire « Orde van Vlaamse Balies » [3] (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-694/20, Orde van Vlaamse Balies N° Lexbase : A02048Y9) e.a., en vous demandant de bien vouloir lui indiquer en retour si, à la lumière de cet arrêt, vous mainteniez le renvoi préjudiciel.

Votre 8ème chambre a informé le président de la Cour de justice que vous retiriez la demande de décision préjudicielle, l’arrêt rendu le 8 décembre 2022 vous permettant de trancher le litige, ce qu’il vous revient à présent de faire.

Par une ordonnance du président de la Cour de justice du 7 mars 2023, l’affaire a été effectivement radiée du registre de la Cour le 7 mars 2023.

2. Dans son arrêt du 8 décembre 2022, la Cour de justice a dit pour droit que l’article 8 bis ter, paragraphe 5, de la Directive n° 2011/16, telle que modifiée par la Directive (UE) n° 2018/822, était invalide au regard de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui reconnaît à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications, et correspond à l’article 8, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La Cour, après avoir rappelé qu’il lui appartenait de tenir compte, dans l’interprétation qu’elle fait des droits garantis par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des droits correspondants garantis par l’article 8, paragraphe 1, de la CESDH, en tant que seuil de protection minimale, a rappelé la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme selon laquelle l’article 8, paragraphe 1, de la convention protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients, la protection recouvrant non seulement l’activité de défense, mais également la consultation juridique, dont le secret doit être nécessairement garanti, qu’il s’agisse de son contenu aussi bien que de son existence.

La Cour de justice a rappelé que, hormis des situations exceptionnelles, les personnes qui consultent un avocat doivent pouvoir légitimement avoir confiance dans le fait que leur avocat ne divulguera à personne, sans leur accord, qu’elles le consultent et que la mission fondamentale de défense des justiciables confiée aux avocats comportait une exigence de loyauté de l’avocat envers son client.

Or, elle a observé que l’obligation faite à un avocat intermédiaire dispensé d’effectuer lui-même la déclaration du dispositif transfrontière en raison du secret professionnel auquel il est tenu, par les dispositions du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive (UE) n° 2011/16, de notifier sans retard aux autres intermédiaires qui ne sont pas ses clients les obligations de déclaration qui leur incombent, comportait nécessairement la conséquence que ces autres intermédiaires acquièrent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire notifiant, de son appréciation selon laquelle le dispositif en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet, cette situation étant constitutive d’une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, redoublée par le fait que l’obligation de notification aboutissait à la divulgation à l’administration fiscale, par les tiers intermédiaires ainsi notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire.

La Cour a reconnu que l’ingérence était prévue par la loi (en l’occurrence par les dispositions nationales transposant la Directive).

Elle a aussi reconnu que les dispositions critiquées de la Directive n’induisaient que de manière limitée la levée, à l’égard d’un tiers intermédiaire et de l’administration fiscale, de la confidentialité des communications entre l’avocat intermédiaire et son client (c’est cela qui est protégé).

Elle a en outre relevé que ces dispositions avaient été adoptées pour concourir à la réalisation des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne de la lutte contre la planification fiscale agressive (une nouveauté dans sa jurisprudence) et de la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales

Elle a cependant estimé que l’ingérence dans le droit au respect des communications était disproportionnée, après avoir relevé que les autres intermédiaires demeuraient soumis à l’obligation déclarative et que l’avocat intermédiaire dispensé de l’obligation déclarative restait tenu de notifier sans retard à son client l’obligation de déclaration incombant à ce dernier en l’absence d’autre intermédiaire, ces règles garantissant que l’administration fiscale soit informée dans tous les cas des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.

En substance, elle a estimé que l’obligation de notification par l’avocat dispensé à un autre intermédiaire déjà soumis à l’obligation déclarative constituait une ingérence dans le droit au respect des communications qui n’était pas nécessaire.

3. Il reste à confronter cette solution avec les différents passages incriminés des deux BOI qui sont plus spécialement critiqués.

En ce qui concerne le BOI commentant les obligations faites aux intermédiaires, il convient de circonscrire la requête aux seuls paragraphes nos 150 à 200 qui explicitent le cas de dispense de déclaration lorsqu’est en cause un intermédiaire soumis au secret professionnel n’ayant pas obtenu l’accord de son client pour déclarer les informations, étant rappelé que vous avez déjà annulé un morceau du paragraphe n° 180.

Les paragraphes nos 150, 160 et 165, qui correspondent au point « a. Définition » du « 2. Secret professionnel », ne nous paraissent pas devoir être annulés.

Le paragraphe n° 150 rappelle qu’en application du premier alinéa du 4° du I de l’article 1649 AE, l’intermédiaire soumis au secret professionnel dont la violation est réprimée par l’article 226-13 du Code pénal « souscrit sa déclaration avec l’accord de son client ».

Ces énonciations réitèrent ces dispositions législatives dont on ne peut pas raisonnablement dire qu’elles ont été prises pour assurer la transposition d’une partie du dispositif du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive (UE) n° 2011/16 qui aurait elle-même été déclarée invalide par la Cour de justice.

L’étape amont dans laquelle l’intermédiaire soumis au secret professionnel demanderait à son client s’il lui donne son accord pour qu’il procède à la déclaration du dispositif transfrontière ne figure pas, en effet, telle quelle, dans la Directive.

Les requérants soutiennent que ces dispositions internes portent une atteinte injustifiée à la protection du secret professionnel de l’avocat protégé par des normes ayant une autorité supérieure à celle de la loi, en l’occurrence par les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les articles 8 et 6 de la CESDH.

Ainsi que nous l’avons dit, la Cour de justice a relevé, au point 27 de son arrêt, que les clients d’un avocat « doivent pouvoir légitimement avoir confiance dans le fait que leur avocat ne divulguera à personne, sans leur accord, qu’elles le consultent ».

À première vue, il semblerait en résulter a contrario que, lorsque le client autorise son avocat à divulguer un élément de leur relation à un tiers, en l’espèce une administration de l’État, il ne saurait y avoir une méconnaissance des textes conventionnels assurant la protection du secret professionnel de l’avocat.

Mais, il faut sans doute pousser plus loin l’analyse et l’inscription de l’affaire à votre rôle, après un premier passage en chambre jugeant seule, nous en donne l’occasion.

Nous commençons par rappeler une évidence : seul l’avocat est tenu au secret professionnel. Pas son client.

Aussi la Cour de cassation juge-t-elle qu’il est loisible au client, qui n’est tenu à aucune obligation de secret, de rendre lui-même publics des éléments de sa correspondance avec son avocat (Cass. civ. 1, 4 avril 2006, n° 04-20.735, FS-P+B, « Salvati c/ Sté Ryv » N° Lexbase : A9671DNI ; Cass. civ. 1, 30 avril 2009, n° 08-13.596, F-D, « Me Achoui c/ Bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris » N° Lexbase : A6517EGH ; Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-27.349, F-P+B, « Sainpy c/ Guillon » N° Lexbase : A2178SXX).

Vous vous prononcez dans le même sens. Vous jugez ainsi que la confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client ne s’impose qu’au premier et non au second qui, n’étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Ainsi, la circonstance que l’administration fiscale ait pris connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat au cours d’une vérification de comptabilité demeure sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens (CE, 3°-8° ch. réunies, 12 décembre 2018, n° 414088, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1490YQA).

Cependant, en l’espèce, si le client donne son accord à l’avocat pour déclarer un dispositif transfrontière sujet à déclaration, ce n’est pas le client qui divulguera les éléments pertinents, mais l’avocat lui-même. La jurisprudence que nous avons rappelée n’est donc pas applicable.

La critique formulée devant vous implique par conséquent de répondre à la question de savoir si le secret professionnel de l’avocat est un absolu qu’il conviendrait de protéger y compris, le cas échéant, contre la volonté du client ou en dépit de la permission accordée par celui-ci, ou s’il s’agit essentiellement d’une exigence dont la portée serait relative, le client pouvant décider à son gré de renoncer à la confidentialité de ses échanges avec son avocat et de la consultation de celui-ci, en déliant son conseil de son obligation au secret.

Assurément, on serait tenté de répondre que le client peut délier l’avocat de son obligation au secret, si l’on avait la conviction que ce secret n’était institué que dans l’intérêt du client. Toutefois cette vision nous paraît difficile à défendre. La jurisprudence et la doctrine retiennent en effet que le secret professionnel de l’avocat est d’abord et avant tout institué dans l’intérêt de la justice.

On relèvera à cet égard qu’aux points 27 et 28 de son arrêt du 8 décembre 2022, la Cour de justice a analysé le secret professionnel comme une charge pour l’avocat et comme une garantie pour son client mais aussi pour le fonctionnement général de la justice dans une société démocratique, compte tenu de la possibilité de s’adresser en toute liberté à un avocat appelé à donner un avis juridique en toute indépendance.

Dans le même sens, statuant sous l’empire des dispositions de l’article 378 de l’ancien Code pénal, comme désormais de l’article 226-13 du Code pénal N° Lexbase : L5524AIG, la Cour de cassation retient que l’obligation au secret professionnel est établie et sanctionnée par cet article « pour assurer la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions » et s’impose aux membres de ces professions « comme un devoir de leur état ». Elle ajoute que cette obligation est « générale et absolue » et qu’il « n’appartient à personne de les en affranchir » (Cass. crim., 8 mai 1947, « Dr Degraene », D., 1948, pp. 109-111 – Cass. crim., 22 décembre 1966, n° 66-92-897, Bull., 1966, n° 305 : pour un médecin également). Cela vaut pour les médecins comme pour les avocats. L’obligation au secret produit en outre ses effets de manière illimitée dans le temps et dans l’espace, comme l’indique le règlement intérieur national de la profession d’avocat adopté par le Conseil national des barreaux, dont vous avez jugé les dispositions conformes aux dispositions de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (CE, 6 s-sect., 16 décembre 2008, n° 289940 N° Lexbase : A8796EBE).

Signe de ce caractère absolu, il est jugé que la circonstance que le fait couvert par le secret soit connu par d’autres personnes n’est pas de nature à enlever à ces faits leur caractère confidentiel et secret (Cass. crim., 16 mai 2000, n° 99-85304, publié au bulletin N° Lexbase : A7207CHE). La circonstance que la personne à laquelle le fait couvert par le secret professionnel soit elle-même tenu à un secret professionnel est également inopérante (même décision).

Et la Cour de cassation juge que caractérise le délit de violation du secret professionnel la cour d'appel qui constate que l'avocat a révélé à un tiers, fût-ce avec l'accord de son client, le contenu de leur entretien avant la première comparution devant le juge d'instruction (Cass. crim., 27 octobre 2004, n° 04-81.513, FS-P+F N° Lexbase : A8547DDW).

Toutefois, il faut lire complètement cette jurisprudence pénale et civile. À chaque fois, les décisions rendues ont le soin de réserver, d’une part, les strictes exigences de la propre défense de l’avocat (Cass. soc., 12 mai 2017, n° 15-29.129, FS-P+B, « M. Cheula c/ Sté Fiducial » N° Lexbase : A8874WCN), mais aussi, d’autre part, les cas de déclaration ou de révélation prévus ou autorisés par la loi (Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, n° 15-14.896, F-P+B, « Sté Christina c/ Sté Du Prado » N° Lexbase : A9566R7G – Cass. civ. 1, 6 avril 2004, n° 00-19.245, FS-D, « Mme Gering-Briggs c/ Procureur général près la cour d’appel de Paris » N° Lexbase : A8219DBZ).

D’ailleurs, l’article 226-14 du Code pénal N° Lexbase : L7491L9C n’écarte-t-il pas l’application de l’article 226-13 dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ?

De même, l’article 12 du tout récent décret n° 2023-146, du 1er mars 2023, relatif au code de déontologie des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation N° Lexbase : L0638MH4 ne prévoit-il pas que « Le secret professionnel de l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, qui est d'ordre public, est général et illimité dans le temps. L'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ne peut en être relevé par son client ni par quelque autorité ou personne que ce soit, sauf dans les cas prévus par la loi » ?

Et l’article 4 du décret n° 2005-790, du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat N° Lexbase : L6025IGA dispose pareillement que « Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l'avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ».

Le secret professionnel de l’avocat est donc un absolu…à moins que la loi n’en dispose autrement.

Et, puisque la critique est formulée sous l’angle de la Convention européenne, il est permis de rappeler que la Cour de Strasbourg, tout en soulignant que le secret professionnel des avocats a une grande importance dans les sociétés démocratiques et que les avocats occupent une situation centrale dans l’administration de la justice, leur qualité d’intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d’auxiliaires de justice, retient que ce secret « n’est […] pas intangible » et peut s’effacer dans certains cas, sous réserve d’un encadrement légal approprié. La Cour retient ainsi que la Convention n’interdit pas d’imposer aux avocats un certain nombre d’obligations susceptibles de concerner les relations avec leurs clients. Il en va ainsi notamment en cas de constat de l’existence d’indices plausibles de participation d’un avocat à une infraction, ou encore dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques, comme le blanchiment de capitaux (CEDH, 6 décembre 2012, Req. 12323/11, Michaud c/ France N° Lexbase : A3982IY7 – CEDH, 21 janvier 2010, Req. 43757/05, Xavier Da Silveira c/ France N° Lexbase : A4497EQM – CEDH, 24 juillet 2008, Req. 18603/03, André et autre c/ France N° Lexbase : A8281D9L).

Les dispositions de la loi, en l’occurrence de la loi fiscale, qui, aux fins de la lutte contre les pratiques de planification fiscale agressive et d’évasion fiscale, laquelle constitue un objectif d’intérêt général, prévoient qu’avec l’accord de son client, donc à l’abri de toute forme de déloyauté, l’avocat souscrit une déclaration d’un dispositif transfrontière, ne paraissent pas, dans ces conditions, porter une atteinte disproportionnée au secret professionnel protégé par l’article 7 de la Charte et l’article 8 de la Convention.

Et il n’y a pas davantage méconnaissance du droit à un procès équitable dans la mesure où, ainsi que l’a relevé la Cour de justice, l’obligation de notification naît à un stade précoce, au plus tard lorsque le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration vient d’être finalisé et est prêt à être mis en œuvre, donc en dehors du cadre d’une procédure judiciaire et en dehors même de sa préparation.

Il est vrai que les dispositions contestées de l’article 1649 AE du CGI aboutissent à ce que l’avocat, s’il recueille l’accord de son client, révèle à l’administration qu’il a pu participer à la conception d’un dispositif transfrontière, mais c’est bien l’effet dissuasif recherché par la législation européenne. Il suffit de relire, à cet égard, les considérants 4 à 6 de la Directive « DAC 6 » : il y est rappelé que « le Parlement européen a plaidé en faveur de mesures plus strictes contre les intermédiaires qui participent à des dispositifs pouvant conduire à l’évasion et la fraude fiscales » et que « certains intermédiaires financiers et autres prestataires de services de conseils fiscaux semblent avoir aidé activement leurs clients à dissimuler des capitaux à l’étranger » ou encore que « La déclaration d’informations sur des dispositifs transfrontières de planification fiscale à caractère potentiellement agressif peut contribuer efficacement aux efforts déployés pour créer un environnement fiscal équitable dans le marché intérieur » et que « faire obligation aux intermédiaires d’informer les autorités fiscales de certains dispositifs transfrontières susceptibles d’être utilisés à des fins de planification fiscale agressive constituerait un pas dans la bonne direction ». Le meilleur moyen de n’avoir pas à signaler à l’administration fiscale, à peine de sanctions administratives, qu’on a œuvré à la confection d’un dispositif favorisant l’évasion fiscale, est encore de s’abstenir de fournir des prestations de conseil juridique en la matière.

Enfin, l’on persiste, dans un mémoire enregistré hier, à vous demander de renvoyer à la Cour de justice une question de « validité » du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive de 2011. Mais nous vous avons dit que les dispositions de la loi française selon lesquelles l’avocat souscrit la déclaration avec l’accord de son client ne transposent pas la Directive. Il n’y a de place que pour une critique tirée de la méconnaissance du droit de l’Union par le droit interne et cette critique n’est pas fondée pour les raisons que nous avons indiquées.

Nous passons au paragraphe n° 160 qui prévoit que le secret professionnel dont la violation est réprimée par l’article 226-13 du Code pénal s’applique aux seules professions dont les textes d’organisation (loi ou règlement) font référence de manière explicite à ce texte d’incrimination et il mentionne, à titre d’exemple, les avocats, les notaires et quelques autres professions.

Ces énonciations, qui ne traitent pas directement de l’obligation de notification à un autre intermédiaire qui ne serait pas le client, ne sont entachées d’aucune illégalité.

Enfin, le paragraphe n° 165 prévoit que l’intermédiaire soumis au secret professionnel informe son client et prend toute disposition pour que celui-ci soit en mesure de lui faire part de sa décision de lever le secret professionnel dans les délais prévus à l’article 1649 AG du CGI. Il fait par ailleurs courir le délai de trente jours imparti pour souscrire la déclaration, par mesure de tolérance, à compter du jour où l’intermédiaire obtient l’accord de son client.

La décision de la CJUE n’implique pas l’annulation de ces dispositions qui apparaissent, elles aussi, étrangères à l’obligation de notification par l’avocat intermédiaire dispensé de déclaration à un intermédiaire qui n’est pas son client.

Le paragraphe n° 170 figure dans un sous-titre « b. Transfert de l’obligation déclarative au cas l’absence d’accord pour la levée de secret professionnel » (sic).

Il prévoit que, « dans le cas où l’intermédiaire soumis au secret professionnel n’obtient pas l’accord de son client de souscrire sa déclaration, l’obligation déclarative incombe alors : à tout autre intermédiaire ; ou, en l’absence d’autre intermédiaire, au contribuable concerné ».

Nous ne voyons pas non plus matière à annulation car ce paragraphe ne traite pas directement et expressément de l’obligation faite à l’avocat intermédiaire de notifier l’obligation de déclarer à un autre intermédiaire qui ne serait pas son client.

Les paragraphes nos 180 à 200 font partie d’un sous-titre « c. Obligation de notification ».

Les deux premiers alinéas du paragraphe n° 180, qui ne sont pas divisibles, doivent être annulés, en complément de l’annulation déjà prononcée des alinéas trois à sept, dès lors que le premier alinéa rappelle l’obligation de notification par l’intermédiaire dispensé « aux personnes auxquelles elle [l’obligation déclarative] incombe et dont il a connaissance, qu’il s’agisse d’un intermédiaire ou d’un contribuable concerné » et que maintenir le deuxième alinéa relatif au procédé de « cette notification » (celle mentionnée au premier alinéa annulé) n’aurait aucun sens.

Le paragraphe n° 190 est relatif au « cas particulier d’une notification au contribuable concerné » et ne nous paraît pas devoir être annulé dès lors que la Cour de justice n’a pas condamné l’obligation faite à l’avocat intermédiaire de notifier son obligation déclarative au contribuable concerné. La Cour a en effet soigneusement circonscrit la portée de la déclaration d’invalidité. Nous comprenons à cet égard que la problématique de protection du secret professionnel ne se pose tout simplement plus lorsque l’avocat intermédiaire notifie son obligation au contribuable concerné – alors même que celui-ci ne serait pas le client de l’avocat qui aurait été mandaté par un autre intermédiaire – car le contribuable concerné par le dispositif transfrontière doit être regardé comme ayant, par construction, connaissance du dispositif ou du projet de dispositif conçu dans son intérêt. L’article 3, point 22, de la Directive de 2011 définit en effet le contribuable concerné comme « toute personne à qui un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, ou qui est disposée à mettre en œuvre un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou qui a mis en œuvre la première étape d’un tel dispositif ».

En outre, dans la mesure où, dans le système du paragraphe 5 de l’article 8 bis ter de la Directive, la notification au contribuable concerné n’intervient qu’à titre subsidiaire, à défaut d’autre intermédiaire, nous comprenons que si l’avocat est le seul intermédiaire dans le paysage, il est alors vraisemblable que le contribuable concerné soit son client, car il faut bien que l’avocat ait été mandaté par quelqu’un… de sorte que, dans cette hypothèse, le « contribuable concerné » et « le client » de l’avocat intermédiaire ne font qu’un.

En revanche, le paragraphe n° 200, qui concerne les modalités d’exécution de « l’obligation de déclaration à un autre intermédiaire » (sic), doit être annulé.

Il reste enfin à statuer sur le paragraphe n° 370 du BOI-CF-CPF-30-40-20 qui reproduit presque mot pour mot l’article 1729 C ter du CGI relatif aux sanctions prévues en cas de manquements « à une obligation de déclaration ou de notification prévue à l’article 1649 AD du CGI, à l’article 1649 AE du CGI et à l’article 1649 AG du CG ».

Il va de soi que si l’obligation de notification par un avocat intermédiaire à un autre intermédiaire qui n’est pas son client est invalide au regard du droit primaire, une telle obligation ne saurait être sanctionnée, fût-ce par le biais d’amendes administratives, et les dispositions de l’article 1729 C ter sont dans cette mesure inconventionnelles.

Simplement, cet article législatif et, par voie de conséquence, le paragraphe n° 370 des commentaires attaqués qui en réitère le contenu, se rapportent à différents manquements et il ne paraît pas impossible d’annuler seulement les mots : « ou de notification » et les mots « , à l’article 1649 AE du CGI et », le surplus ne posant pas de difficulté au regard du droit de l’Union européenne.

PCMNC :

  • à l’annulation des deux premiers alinéas du paragraphe n° 180 et du paragraphe n° 200 des commentaires administratifs publiés au BOFiP-Impôts le 25 novembre 2020 sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-10-20 ainsi qu’à l’annulation des mots « ou de notification » et « , à l’article 1649 AE du CGI et » figurant au premier alinéa du paragraphe n° 370 des commentaires administratifs publiés le même jour au BOFiP-Impôts sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-20 ;
  • à ce que l’État verse la somme globale de 3 000 euros au Conseil national des barreaux et autres au titre de l’article L. 761-1 du CJA N° Lexbase : L1303MAI ;
  • au rejet du surplus des conclusions du Conseil national des barreaux et autres ;
  • enfin, au rejet des conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du CJA par l’Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine qui n’a pas, comme intervenant, la qualité de partie au litige au sens de ces dispositions (CE, 6°-2° s.-sect. réunies, 19 janvier 1994, n° 143421 N° Lexbase : A9188ARQ).

[1] Ordonnance n° 2019-1068, du 21 octobre 2019, relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration N° Lexbase : L9809LS4.

[2] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ.

[3] Ordre des barreaux flamands représentant les treize barreaux néerlandophones de Belgique.

newsid:486034

Formation professionnelle

[Brèves] Taxe d’apprentissage : précisions utiles sur la répartition de son solde

Réf. : Décret n° 2023-606, du 15 juillet 2023, relatif aux modalités d’affectation et de gestion du solde de la taxe d’apprentissage N° Lexbase : L1795MIC et décret n° 2023-607, du même jour, portant diverses dispositions relatives au versement et à la répartition du solde de la taxe d’apprentissage N° Lexbase : L1792MI9

Lecture: 3 min

N6459BZA

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par Lisa Poinsot

Le 21 Août 2023

Publiés au Journal officiel du 16 juillet et entrés en vigueur le 17 juillet 2023, deux décrets du 15 juillet détaillent les modalités de gestion et d’affectation du solde de la taxe d’apprentissage ainsi que ses modalités de versement et de répartition.

Contexte juridique

En 2022, plusieurs changements ont été mis en place. Un interlocuteur unique (l’Urssaf) est désormais prévu pour la déclaration et le recouvrement de la contribution à la formation professionnelle, la contribution du CPF-CDD et la part principale de la taxe d’apprentissage.

  • Conséquence 1 : la déclaration en DSN est mensuelle.
  • Conséquence 2 : l’assujettissement ou le non-assujettissement à chacune de ces contributions/taxes doit continuer d’être déclaré annuellement dans le bloc « Assujettissement fiscal – S21.G00.44 ».

Pour l’année 2023, les opérateurs de compétences conservent le recouvrement des contributions conventionnelles. Depuis le 1er janvier 2022, les sommes sont reversées à France Compétence qui les redistribue aux différentes structures agréées.

En 2023, le solde de la taxe d’apprentissage, qui finance le développement des formations initiales technologiques et professionnelles et l’insertion professionnelle, doit désormais être déclaré et versé annuellement auprès de l’Urssaf/MSA.

Pour ce faire, il faut :

  • étape 1 : calculer. Le solde de la taxe est calculé sur la même assiette que la part principale de la taxe d’apprentissage au taux de 0,09 %, soit la masse salariale de l’année N-1 ;
  • étape 2 : déclarer et payer. Il faut déclarer et payer le solde de la taxe d’apprentissage par établissement d’une entreprise sur la DSN d’avril 2023, exigible le 5 ou le 15 mai 2023. Au contraire, la déclaration des déductions à ce solde, notamment en cas de subventions versées en nature au CFA sous forme d’équipement ou de matériel, doit se faire annuellement. Il en va de même pour la déduction de la créance relative aux alternants ;
  • étape 3 : au 15 juillet 2023, l’employeur doit désigner les établissements destinataires du solde de la taxe d’apprentissage via la plateforme « SOLtéA ». Les sommes sont versées à la Caisse des dépôts et consignations qui est, par la suite, chargée de les affecter aux établissements désignés.

En conséquence, en avril 2023, il s’agit de la première déclaration du solde de la taxe d’apprentissage au titre de la masse salariale en 2022.

Concernant les modalités de gestion et d’affectation du solde de la taxe d’apprentissage, le décret n° 2023-606 précise :

  • l’affectation aux établissements habilités ;
  • la gestion du fonds dédié à la Caisse des dépôts et consignations ;
  • les modalités de versement par la Caisse des dépôts et consignations des sommes réparties aux établissements désignés par les employeurs.
À noter. La Caisse des dépôts est en charge d’informer chaque année les employeurs de la date d’ouverture du service dématérialisé et des modalités de répartition et de versement des fonds aux établissements destinataires.

Sur les modalités de versement et de répartition de la taxe d’apprentissage, le décret n° 2023-607 fixe la liste des informations liées aux employeurs redevables du solde de la taxe d’apprentissage, informations communiquées à la Caisse des dépôts et consignations par les organismes chargés du recouvrement.

Parmi ces informations, se trouvent notamment les numéros d’identification, la période fiscale de référence au titre de laquelle le solde est dû, le montant dû ou recouvré au titre de la taxe d’apprentissage ainsi que le montant de la créance.

À noter. La FAQ de la plateforme Soltéa indique que les employeurs peuvent effectuer leurs choix de répartition jusqu’au 5 octobre 2023 inclus.

Les modalités de désignation par les employeurs des établissements destinataires sur le service dématérialisés mis en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations sont également précisées.

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Procédure civile

[Jurisprudence] Une signification qui fait des vagues

Réf. : CA Versailles, 16e ch., 13 avril 2023, n° 22/06484 N° Lexbase : A78299PN

Lecture: 16 min

N5776BZX

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par Alexandre Duflos, Commissaire de justice associé - Médiateur (SAS Nemesis)

Le 21 Août 2023

Mots-clés : commissaire de justice • signification • dépôt étude • lieu de travail • domicile • avis de passage

La cour d’appel de Versailles consacre l’efficacité de la signification par commissaire de justice en retenant qu’aucune obligation ne lui est faite de signifier à personne sur le lieu de travail dès lors que le domicile du destinataire est certain. Il n’a pas à préciser à quel endroit exactement il a déposé l’avis de passage.


La vie de commissaire de justice n’est pas un long fleuve tranquille.

Ce professionnel du droit se trouve parfois confronté dans son ministère de signification à des habitats insolites, éloignés de la notion classique d’habitation : squats, baraquements le long d’autoroutes, etc. Tel est le cas de la présente espèce où le commissaire de justice devait signifier une décision de justice à un destinataire qui avait fait d’une péniche son habitation principale.     

Dans cette affaire, la Direction générale des Finances publiques a fait procéder à la saisie de la péniche appartenant à la débitrice pour avoir paiement de divers impôts et taxes. Après dénonciation de l’acte de saisie à la débitrice, la créancière a assigné cette dernière devant le juge de l’exécution de Pontoise afin qu’il soit procédé à la vente forcée du bateau, laquelle fut ordonnée selon jugement rendu le 31 mai 2022.

Afin de couvrir la tardiveté de son appel et dire que le délai n’a pas couru, la débitrice demande l’annulation de l’acte de signification du jugement, en reprochant au commissaire de justice :

  • de ne pas avoir tenté une signification sur son lieu de travail, alors qu’il ne pouvait s’assurer de la réalité du domicile du destinataire de l’acte, et que celui-ci était absent ;
  • d’avoir laissé un avis de passage à son adresse sans aucune précision permettant de savoir où et comment il a été déposé.

La cour d’appel de Versailles balaie cette argumentation et déclare l’appel irrecevable comme tardif.

Plus encore, sa lecture apporte des précisions intéressantes sur la place de la remise sur le lieu de travail au sein des modes de signification (I), ainsi que sur l’obligation pour le commissaire de justice de déposer un avis de passage au domicile ou à la résidence du destinataire lorsque la signification à personne s’avère impossible (II).

I. La signification sur le lieu de travail

La cour d’appel confirme que dans la hiérarchie des modes de signification (A), la signification sur le lieu de travail tient une place particulière, pouvant être remise en cause en pratique (B).

A. La hiérarchie traditionnellement acceptée

Le Code de procédure civile instaure une véritable hiérarchie des modes de signification.

L’article 654 N° Lexbase : L6820H7Q pose un principe : la signification doit être faite à personne. Une lecture laisse donc entendre que la signification à personne demeure la règle, les autres modes n’étant que subsidiaires.

Cette primauté est facilement compréhensible, l’essence même de la signification étant la bonne information du justiciable. Remettre l’acte à la personne même du destinataire apporte toutes les garanties nécessaires à sa parfaite compréhension et sécurise la procédure face à d’éventuelles contestations, comme celles soulevées en l’espèce.

L’importance de la remise à personne est d’ailleurs telle qu’elle peut influer sur le cours de la procédure, comme pour l’injonction de payer où la remise à personne va ouvrir au débiteur le délai d’un mois pour former opposition à l’ordonnance [1].

Cet impératif de remise à personne s’impose au commissaire de justice significateur. Contrairement à la notification postale où la qualification de remise à personne dépend de l’attitude du destinataire, selon qu’il ait ou non signé l’avis de réception [2], la signification à personne induit une action de la part du commissaire de justice significateur : la recherche du destinataire pour lui remettre l’acte en mains propres.

Plus généralement, l’article 689 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6890H7C dispose que lorsqu’elle est faite à personne, la notification est valable quel que soit le lieu où elle est délivrée, y compris le lieu de travail. Ainsi, la remise sur le lieu de travail fait bel et bien partie de la famille des remises à personne, seules remises acceptées lorsque le commissaire de justice se transporte à l’extérieur du domicile ou de la résidence.

La signification à personne étant érigée en principe, le commissaire de justice ne doit passer au mode suivant qu’en cas d’échec. Si (et seulement si) la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence [3]. Le commissaire de justice pourra ainsi délivrer l’acte à une personne présente au domicile, à condition que celle-ci l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité, ou déposer son acte à l’étude si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée [4].

Sur le lieu de travail, le commissaire de justice ne pourra délivrer l’acte à une personne autre que le destinataire. Il est impossible d’envisager une remise à un tiers présent, même si celui-ci l’accepte, encore moins une signification par dépôt de l’acte à l’étude, fondé sur la certitude du lieu de travail.

Enfin, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice peut dresser un procès-verbal de recherches infructueuses [5], lequel vaut signification, à la dernière adresse connue.

Et c’est précisément ce qui est reproché ici au commissaire de justice : ne pas avoir respecté la hiérarchie des modes de signification, à défaut d’avoir tenté une signification à personne sur le lieu de travail, préalablement à la signification à domicile.

La cour d’appel de Versailles n’est pas sensible à cet argument et retient que lorsqu’il s’est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent, l’huissier de justice n’est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail. Cette décision remet ainsi opportunément en question la place de la signification sur le lieu de travail au sein de la hiérarchie des modes de signification.

B. Une hiérarchie nouvellement remise en cause

La jurisprudence est venue tempérer l’impératif de remise à personne s’agissant du lieu de travail.

Le présent arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante qui retient que dès lors qu’il s’est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent, le commissaire de justice n’est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail, et peut remettre l’acte à domicile [6]. L’impossibilité de signifier à personne s’apprécie donc au lieu du domicile.

La cour d’appel de Versailles s’aligne sur ce courant. Ce n’est que lorsque le commissaire de justice n’a pu s’assurer de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent qu’il est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail [7]. A contrario, lorsqu’il s’est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent, le commissaire de justice n’est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail.

Pour valider la signification à domicile, la cour retient comme suffisantes les vérifications effectuées par le commissaire de justice, à savoir que le nom figurait sur la péniche et que le signifié était connu de lui, ce qui suppose qu’il l’ait déjà rencontré à son domicile flottant.

La cour relève également que le destinataire ne contestait pas demeurer à l’adresse mentionnée dans l’acte à la date de signification, laquelle figure également au jugement, dans l’acte d’appel transmis au greffe de la cour et dans ses écritures.  

À lire cet arrêt, et même si elle est classiquement positionnée dans les textes au sommet de la pyramide des modes de signification, la remise à personne sur le lieu de travail trouve plus logiquement sa place entre le dépôt de l’acte à l’étude et le procès-verbal de recherches infructueuses.

Cette position se justifie en pratique, la signification à personne sur le lieu de travail pouvant s’avérer semée d’embûches. Ainsi, le commissaire de justice devra d’abord solliciter et obtenir l’autorisation de l’employeur pour pénétrer dans les lieux. Reste encore à trouver le destinataire, lequel ne pourra pas forcément quitter son poste pour recevoir copie de l’acte…

Signifier sur le lieu de travail n’est pas sans soulever la question de la délicatesse et la discrétion auxquelles est soumis le commissaire de justice dans l’exercice de ses fonctions. Rencontrer le destinataire devant ses collègues ou en présence de son employeur pourrait contrevenir au respect de la vie privée [8], générant une faute susceptible de réparation en dommages et intérêts (la nullité de l’acte est une sanction à écarter en l’espèce).

Il convient de s’interroger également sur le risque d’instrumentalisation de la remise sur le lieu de travail par un requérant mal intentionné, qui se rendrait coupable d’un « abus de signification ». Ainsi est-il possible d’imaginer qu’un employeur fasse délivrer à son ancien salarié, dans le seul but de lui nuire, une assignation devant le Conseil de prud’hommes sur son nouveau lieu de travail, alors qu’il est en période d’essai…   

Il est enfin ironique de constater qu’en pratique, il est fréquemment reproché au commissaire de justice par le signifié de s’être présenté sur son lieu de travail, alors qu’il connaissait son domicile. C’est ici tout l’inverse, la destinataire reprochant au commissaire de justice d’avoir déposé l’acte en son étude, sans avoir préalablement tenté de lui remettre sur son lieu de travail !

Afin d’éviter les écueils d’une signification sur le lieu de travail, le commissaire de justice significateur doit donc s’assurer de la réalité du domicile, en multipliant les diligences. Comme le prévoit la loi, le domicile certifié, il lui faut informer le destinataire absent de son passage par le dépôt d’un avis de passage.

II. L’avis de passage

La cour d’appel de Versailles juge que s’il appartient au commissaire de justice signifiant à domicile de déposer un avis de passage (A), il n’a pas à préciser le lieu exact du dépôt de l’avis (B).

A. Un dépôt obligatoire

S’il ne parvient pas à rencontrer personnellement le destinataire de l’acte, le commissaire de justice doit laisser, à son domicile ou à sa résidence, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise [9].

Cet avis revêt une importance toute particulière, car c’est le seul document qui va permettre d’informer immédiatement le destinataire de la visite du commissaire de justice et des modalités pour retirer l’acte. Le commissaire de justice doit également envoyer une lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage. À l’instar de la notification postale, celle-ci n’offre toutefois pas les mêmes garanties que le déplacement au domicile de l’officier public et ministériel.

Le dépôt de l’avis de passage est une formalité substantielle qui doit, à peine de nullité, être mentionnée dans l’acte de signification [10]

Il peut être tentant pour le défendeur qui espère s’affranchir des conséquences procédurales de l’acte signifié, de mettre en doute l’accomplissement de ces formalités, comme en l’espèce où l’appelante déclare ne pas avoir reçu l’avis de passage, pas plus que la lettre simple. 

Mais la cour d’appel de Versailles rappelle ici avec force qu’il n’est pas nécessaire que l’avis de passage soit effectivement parvenu à son destinataire [11]. Elle retient que le commissaire de justice satisfait à son obligation dès lors que la mention du dépôt de l’avis figure dans l’acte de signification et consacre par là même la force probante des mentions relatives à la signification. En effet, les commissaires de justice confèrent à leurs actes l’authenticité [12]. Les diligences mentionnées dans l’acte de signification valent jusqu’à inscription de faux. La simple preuve contraire n’est pas admise.

Le raisonnement de la cour d’appel est implacable. Faute de prétendre s’être inscrite en faux contre la signification de jugement, la contestation visant à remettre en cause le dépôt d’un avis de passage ne peut prospérer.  

Par analogie, elle applique le même raisonnement à la mention de l’envoi de la lettre simple, laquelle vaut également jusqu’à inscription de faux [13], sans qu’il importe que la lettre soit effectivement parvenue au destinataire [14].

Si la mention générique du dépôt de l’avis de passage doit apparaître à peine de nullité dans le procès-verbal de signification, il n’appartient toutefois pas au commissaire de justice de préciser le lieu exact du dépôt.

B. La précision du lieu exact de dépôt inutile

Il résulte des articles 655 et 656 du Code de procédure civile que l’avis de passage doit être laissé au domicile ou à la résidence du destinataire.

Dans la présente affaire, l’appelante reproche au commissaire de justice d’avoir laissé l’avis de passage « à l’adresse du signifié », sans aucune précision permettant de savoir où et comment il a été déposé, ajoutant que si le commissaire de justice avait trouvé une boîte aux lettres, « il en aurait certainement fait mention ».

Il convient de s’interroger au préalable sur la notion de domicile, laquelle revêt un caractère particulièrement large. Le Code civil définit le domicile de tout français, quant à l’exercice de ses droits civils, au lieu où il a son principal établissement [15]. L’utilisation du terme « adresse » vise quant à elle la localisation géographique précise du domicile du destinataire de l’acte.

Le choix du lieu exact de dépôt de l’avis de passage relève quant à lui d’un juste équilibre entre un endroit facilement accessible du destinataire, pour en assurer la bonne information et un affichage trop évident, au vu et au su de tous.

Pour étayer ses contestations, la débitrice a fait constater (par un autre commissaire de justice) l’absence de boîte aux lettres et d’endroit sur la péniche pour y déposer l’avis de passage.

Se pose immédiatement la question déontologique d’un tel constat, dans l’hypothèse où le commissaire de justice constatant connaissait le dessein de son requérant. Le Conseil consultatif de la déontologie des huissiers de justice s’est prononcé sur des sujets proches, retenant d’abord que l’usage d’un constat est de décrire un état de fait à un instant déterminé, sans que le commissaire de justice ait à apprécier l’usage qui sera fait de ses constations ni à aviser sa chambre si le constat était tourné contre un de ses confrères [16]. Il tempéra par la suite sa position en précisant que les actes d’huissiers de justice, qui sont des actes publics, valent jusqu’à inscription de faux, leur contrôle relevant de la seule compétence du juge de l’exécution, et que dès lors, l’huissier de justice requis pour constater les conditions dans lesquelles une exécution est diligentée par un confrère ne peut que décliner sa compétence [17].

En l’espèce, il s’agissait de constater que la péniche était dépourvue de boîte aux lettres et qu’il n’existait aucun autre endroit où laisser l’avis de passage, celui-ci ne pouvant notamment être déposé sous la porte. L’objectivité du constat s’est toutefois retournée contre l’appelante, la cour d’appel relevant, à bon escient, qu’il ressort des constatations que celle-ci disposait bien d’une boîte aux lettres, portant indication du nom de sa péniche, à quelques mètres du quai desservant son bateau.

Il est fréquent pour les commissaires de justice de rencontrer ces batteries de boîtes aux lettres, utilisées pour desservir un lotissement, un immeuble ou un groupe d’habitations difficile d’accès. Tel est le cas des boîtes aux lettres CIDEX (Courrier individuel à distribution exceptionnelle), boîtes aux lettres individuelles et normalisées regroupées en batterie près d’un axe de communication, fournies, installées et entretenues par La Poste.

Mais alors qu’elles sont implantées à l’écart de l’habitation, souvent sur le domaine public, peut-on considérer que le fait d’y laisser l’avis de passage est conforme au dépôt au domicile prévu par les textes ?

Les batteries de boîtes aux lettres se trouvant à une distance raisonnable de l’habitation, il faut les voir comme une extension à part entière du domicile, justifiant que l’avis de passage y soit valablement déposé. Cette extension est bien évidemment inapplicable aux boîtes postales, qui, se trouvant dans un bureau de poste, ne peuvent en aucun cas être assimilées à un domicile. 

Comme le relève très justement la cour d’appel de Versailles, le commissaire de justice a donc bien déposé au domicile du destinataire de l’acte, ainsi qu’il appert de son procès-verbal de signification, celui-ci n’étant pas tenu d’apporter des précisions complémentaires. Demander au commissaire de justice de justifier le lieu exact du dépôt reviendrait à dépasser la lettre de l’article 656 du Code de procédure civile. Cette solution apparaît naturellement transposable au document d’information délivré aux locataires assignés aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation du contrat de bail, lequel doit être déposé au domicile par pli séparé de l’avis de passage [18].

Cet arrêt, qui sacralise le caractère authentique des mentions relatives à la signification, enseigne deux choses :

  • le procès-verbal de signification se suffit à lui-même ;
  • à partir du moment ou le commissaire de justice fait mention de la réalité du domicile, il n’a pas à se transporter sur le lieu de travail, pas plus qu’il ne doit préciser l’endroit exact où il a déposé l’avis de passage.

Un arrêt de bon sens, qui nous prouve quand même que la signification à un destinataire domicilié sur une péniche n’est pas un long fleuve tranquille…

À retenir :

  • la remise à personne sur le lieu de travail n’est obligatoire que si le domicile du destinataire est incertain ou inconnu ;
  • le commissaire de justice n’a pas à préciser dans l’acte de signification l’endroit exact où il a déposé son avis de passage.
 

[1] CPC, art. 1416 N° Lexbase : L6356H7K. À défaut de remise à personne, c’est la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur qui ouvrira le délai d’opposition. La recevabilité d’une contestation du titre au stade de l’exécution fait peser des risques bien plus importants sur le créancier qu’au moment où l’ordonnance est rendue.

[6] Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-24.170, F-B N° Lexbase : A90927D4.

[7] Cass. civ. 2, 8 décembre 2022, n° 21-14.145, F-B N° Lexbase : A10288YQ.

[8] C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY.

[9] CPC, art. 655 et 656, préc.

[10] CA Nîmes, 19 mars 1975 – CA Rennes, 12 novembre 1987.

[11] V. également Cass. civ. 2, 12 novembre 1980, n° 79-15.199, F-B N° Lexbase : A2256CHZ.

[12] Ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice, art. 10 N° Lexbase : Z24501PC.

[13] Cass., mixte, 6 octobre 2006, n° 04-17.070, F-B N° Lexbase : A5094DR4.

[14] Cass. civ. 2, 12 octobre 1972, n° 71-11.981, F-B N° Lexbase : A6804AG4.

[15] C. civ., art. 102 N° Lexbase : L9050IZ9.

[16] Cas n° 2020-27, du 17 septembre 2020.

[17] Cas n° 2021-38, du 29 septembre 2021.

[18] Décret n° 2017-923, du 9 mai 2017, relatif au document d'information en vue de l'audience délivré aux locataires assignés aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation du contrat de bail, art. 1er N° Lexbase : Z97501P4.

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