Le Quotidien du 29 juin 2023

Le Quotidien

Commissaires de justice

[Point de vue...] La « fauxtographie » et le constat

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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement, Expert près l’UIHJ

Le 28 Juillet 2023

Mots-clés : commissaire de justice • preuve • photographie • fauxtographie

À l’ère de l’intelligence artificielle, ChatGPT et Dall-E, survient le spectre du « grand remplacement » des intellectuels. Sans verser dans ce débat, les lignes qui suivent interrogent le juriste sur son rapport à la preuve par l’image, et sa connaissance de la « fauxtographie », c’est-à-dire la photographie frauduleuse en ce qu’elle ne représente pas exactement la réalité. Plus largement, la photographie intelligente doit-elle convaincre de tout, bénéficiant d’une force probante inégalable ? La réponse est négative comme les développements suivants l’expliquent, démontrant que le garant contre la « fauxtographie » juridique est le commissaire de justice.


 

                                                          

Le pape en doudoune ? « Je n’en crois pas mes yeux! ».

Lexclamation signifiait auparavant un ahurissement devant la réalité, mais tend à devenir aujourdhui l’expression d’un véritable doute de la réalité, lit du complotisme.

Cependant, au sens premier du terme, lexpression signifie bien que les yeux sont censés donner une réalité devant simposer à la raison, ce qui explique en un sens la place de limage aujourdhui, laquelle tend même à remplacer l’écriture par une simple émoticône.

Hélas, l’époque où la photographie représentait la vérité de la réalité est révolue, puisque l’image peut aujourdhui être altérée, par le photographe ou à l’insu de celui-ci.

D’abord, l’image peut être manipulée par le photographe, lorsquil maîtrise les logiciels de retouche (manipulation a posteriori) et les techniques de prise de vue (manipulation a priori).

Ensuite, l’image peut être manipulée à linsu du photographe, lorsque lappareil quil utilise est pourvu dun logiciel dont la destinée est doptimiser limage capturée par l’obturateur du smartphone par exemple. C’est ainsi qu’il est possible de voir fleurir sur les façades des monuments des publicités glorifiant des smartphones et leurs photographies nocturnes ou en mode macro, montrant le plus infime et intime détail en pixels. Tout utilisateur de smartphone en a dailleurs fait lexpérience : qui na pas été impressionné par sa photographie basse luminosité montrant des éléments quil ne peut même pas voir lui-même ? Qui n’a pas été déçu après avoir visité un studio tout petit, loin de limage grand angle qui illustrait lannonce immobilière ?

Cest donc un fait : la photographie par smartphone a pour objectif doffrir de belles images, améliorées et optimisées à linsu du consommateur lambda, et non la réalité. Le canon est esthétique, quitte à déformer la réalité. Qu’importe la réalité, pourvu que sa représentation séduise le regard et flirte avec l’art ! L’image est donc aujourd’hui libérée de la réalité, et peut tromper la confiance traditionnellement placée en elle.

Le concept de « fauxtographie » n’est pas récent, et son histoire est presque aussi ancienne que les photographes de presse. Intimement lié à l’éthique de ces professionnels, Le Monde y avait notamment consacré un article fort intéressant [1], soulignant que la tentation du trucage a toujours existé, mais est aujourd’hui accessible très facilement grâce à la technologie, voire utilisé à l’insu du photographe comme il a été précédemment exposé.

Bien que le commissaire de justice constatant réalise mensuellement des milliers de photographies, il est plus un artiste de la preuve que de l’image, et son souci est davantage de représenter ses constatations que de faire de son procès-verbal une œuvre d’art ou un article de la presse… Ainsi, son acte est traditionnellement qualifié d’œil du juge.

Au-delà de s’interroger sur la défiance que peut inspirer la photographie, la question qui se pose réellement est de savoir si cette méfiance peut entamer la confiance du juge dans le constat de commissaire de justice.

Parce que le procès-verbal de constat de commissaire de justice doit être le réceptacle juridique dune vérité factuelle, et que limage désormais si accessible y acquiert une place croissante au point quelle peut devenir elle-même constatation [2], il apparaît légitime de sinterroger sur lutilisation raisonnée et conditionnée de lutilisation de la photographie par le constatant. 

Pour répondre à cette interrogation, il convient d’analyser les causes de la « fauxtographie » (I) et en comprendre les conséquences (II).

I. Les causes de la « fauxtographie »

Si la « fauxtogaphie » peut être rencontrée dans un constat de commissaire de justice, cela s’explique davantage par une cause technologique (B) que morale (A).

A. L’exclusion de la cause morale

Il est dérangeant d’imaginer que la « fauxtographie » puisse apparaître dans le constat du commissaire de justice, car cela revient à penser à une remise en cause de la neutralité de cet officier public et ministériel. Le raccourci est cependant à exclure puisque la « fauxtographie » peut être traditionnellement réalisée de trois manières, que la probité du commissaire de justice exclut sous peine de sévères sanctions.

La première méthode de « fauxtographie » est la retouche d'image. Les logiciels de retouche permettent d'altérer les couleurs, les formes, la texture, etc., créant ainsi des images qui ne reflètent pas fidèlement la réalité.

La deuxième méthode de « fauxtographie » est le montage photographique qui permet, en fusionnant plusieurs images ou en superposant des éléments, de créer des scènes totalement fictives, trompant ainsi le spectateur. Au montage photographique, il est possible d’associer aujourd’hui les générateurs d’images par intelligence artificielle tels que Midjourney, Dall-E, Bing Image Creator, NightCafe ou Text to image, qui permettent de créer de fausses photographies, promettant de « matérialiser » les pensées de l’utilisateur.

La troisième et dernière méthode de « fauxtographie » est l’altération contextuelle. En changeant le contexte d'une photographie, il est possible de lui donner une signification différente ou manipuler l'opinion du spectateur. Les techniques de prise de vue s’assimilent à cette altération textuelle, plaçant la photographie sous un angle de vue ignoré par le spectateur, dont l’imagination peut s’enflammer ou être orientée.

Il faut se féliciter que la stricte déontologie du commissaire de justice lui interdit de recourir à ces trois méthodes de « fauxtographie » sans le mentionner expressément. Son procès-verbal contextualise la photographie, explique l’angle de prise de vue et précise la correspondance entre l’image par lui réalisée (et qu’il certifie souvent par l’apposition de son sceau) et ses constatations.

Pour autant, les trois méthodes de « fauxtographie » précédemment évoquées évoquent la création ou la manipulation a posteriori d’images par l’auteur, et n’envisagent pas la cause technologique, à l’insu du photographe.

B. L’admission de la cause technologique

La réalité d’une scène peut être altérée à l’insu du photographe lorsqu’il utilise son smartphone. Si le commissaire de justice n’est pas vigilant, cela peut expliquer qu’une « fauxtographie » puisse se trouver dans son procès-verbal, contredisant parfois ses constatations écrites. Il en sera ainsi s’il précise qu’une pièce n’est pas éclairée lors de ses constatations, mais que la photographie du smartphone a été réalisée en mode nuit !

Pour comprendre que la « fauxtographie » puisse naître à l’insu de l’utilisateur d’un smartphone, il convient de comprendre le mécanisme de la prise de photographie sur un « téléphone intelligent ». La photographie y est rendue possible grâce à une combinaison de matériels et de logiciels spécialement conçus pour offrir une expérience de prise de vue intuitive et de haute qualité. Cela fonctionne généralement ainsi :

  • caméra : les smartphones sont souvent équipés de caméras haute résolution et de qualité supérieure. Les modèles récents peuvent comporter plusieurs objectifs, tels qu'un grand angle, un téléobjectif et un objectif ultra grand angle, ce qui permet une plus grande polyvalence dans la prise de vue ;
  • appareil photo natif : chaque smartphone est livré avec une application d'appareil photo intégrée qui offre diverses fonctionnalités et modes de prise de vue. L'application fournit une interface utilisateur conviviale, permettant aux utilisateurs de contrôler des paramètres tels que l'exposition, la mise au point, le mode HDR, le flash et bien d'autres encore… ;
  • traitement d'image : les smartphones utilisent un puissant processeur d'image pour capturer et traiter les photos. Ce processeur permet d'améliorer automatiquement les images en ajustant les couleurs, la luminosité, le contraste et d'autres paramètres afin d'obtenir un résultat optimisé ;
  • intelligence artificielle : les smartphones intègrent également diverses technologies avancées pour améliorer la qualité des photos. Parmi elles, se trouvent la stabilisation optique de l'image (OIS), la réduction du bruit, la détection des visages, la capture en mode rafale, la mise au point automatique, la détection de scène…

En déclenchant une photographie, c’est donc une véritable machine qui se met en branle pour offrir à l’œil du photographe la plus belle image possible, flattant tant son ego que celui du sujet de l’image.

Appartient-il au commissaire de justice de bannir sans distinction toute photographie réalisée par un smartphone ?

Une réponse négative s’impose, puisque le commissaire de justice s’assure de la correspondance de l’image avec la réalité au moment de la rédaction de son procès-verbal. C’est pour cela que la loi prévoit en plusieurs hypothèses le recours à la photographie par le commissaire de justice [3].

Plus encore, la « fauxtographie » peut constituer une alliée de cet urgentiste du droit, à condition qu’il sache utiliser cet outil. Il sera ainsi de la photographie 360° qui permet la naissance du constat immersif [4], du constat par drone qui permet au commissaire de justice d’offrir un point de vue inédit, ou de la maîtrise de prise de vue permettant la mise en exergue d’un point précis (floutage de l’arrière-plan ou de données personnelles par exemple, utilisation d’un objectif grand angle qui a tendance à déformer les bords d’image).

La « fauxtographie » n’en demeure pas moins dangereuse dans ses conséquences si elle n’est pas contrôlée, comme il sera exposé dans les développements suivants.

II. Les conséquences de la « fauxtographie »

La falsification des photographies est un défi majeur à l'ère numérique. Elle remet en question la perception de la réalité et peut avoir des conséquences néfastes sur la confiance du justiciable, surtout si elle est censée constituer une preuve, mot dérivé du latin probus qui signifie bon, honnête...

L’existence de la « fauxtographie » présente de réels défis juridiques (A) aux réelles conséquences pour le justiciable tenté de recourir à des technologies de certification de photographies (B).

A. Conséquences juridiques

La conséquence de la « fauxtographie » est la perte de foi en l’image-preuve, et son incapacité à prouver, c’est-à-dire convaincre de la vraisemblance d’un fait. Une banalisation de la « fauxtographie » aurait de graves conséquences juridiques, tant pour le demandeur, le défendeur que le magistrat.

Pour le demandeur, la conséquence juridique de la « fauxtographie » est l’impossibilité de purger de soupçon la preuve qu’il produit, au risque de l’empêcher de prouver et obtenir gain de cause.

Pour le défendeur, la conséquence juridique de « fauxtographie » est la nécessité de rapporter la preuve contraire, ce qui peut s’avérer extrêmement onéreux.

Pour le magistrat, la conséquence juridique de la « fauxtographie » est le risque d’instrumentalisation de son office, notamment lorsque la procédure est non contradictoire comme en matière de mesures d’instruction in futurum.

Plus encore, et parce que le doute profite à l’accusé comme le commande l’adage in dubio pro reo, le prétexte de la « fauxtographie » peut être invoqué par une partie pour s’exonérer de sa responsabilité. Cette situation n’est pas théorique puisque l’argument du deepfake [5] a déjà été soulevé en justice en septembre 2022 [6]. Ainsi, renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit d’injure publique à caractère racial, à la suite d’une vidéo mise en ligne sur son site, un célèbre « humoriste » contestait en être l’auteur, soutenant que la personne qui y apparaissait présentait une apparence et une voix différentes des siennes, et que la vidéo litigieuse était en réalité un « deepfake ». Le tribunal réfuta son argumentation en s’appuyant sur différents faits, dont une expertise du département « Signal Image et Parole » de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale qui a écarté le recours à la technique du deepfake.

En définitive, la conséquence juridique de l’existence de la « fauxtographie » est l’impossibilité de produire une photographie en justice sans être en mesure de la resituer dans son contexte spatial (lieu de l’image), temporel (date et heure de l’image), juridique (image réalisée loyalement ou non ?) et, surtout, de garantir sa fidélité à la réalité. Il s’agit des critères cumulatifs de conditions de réalisation et de production de l’image, tels que nous l’avons démontré par le passé [7], qui conditionnent sa force probante.

B. Conséquences technologiques

Les thuriféraires de la technologie, ou plutôt de la fortune qu’elle permet de faire, promeuvent des solutions innovantes de certifications de photographies, reléguant la figure du commissaire de justice comme un vestige de l’Ancien Monde [8], oubliant par là même que toute technologie est éphémère, elle-même vouée à la désuétude, même si elle est réputée infaillible [9].

Séduit par le discours commercial sur les métadonnées [10] (constatées ou « certifiées » (sic) par commissaire de justice, ou ancrées dans des blockchains) des photographies, le justiciable/consommateur peu regardant peut se laisser tromper et accorder trop de foi dans une application dont il ne maîtrise pas le fonctionnement. En effet, les métadonnées peuvent être modifiées ou supprimées à l'aide d'outils spécifiques, tels que des éditeurs d'images ou des logiciels de manipulation de métadonnées. Il convient cependant de noter que bien que les métadonnées puissent être modifiées, cela ne signifie pas automatiquement que la photographie elle-même a été altérée. Les métadonnées peuvent être modifiées pour des raisons légitimes, telles que la correction d'une date ou la rotation de l'image. En d’autres termes, les métadonnées ne peuvent constituer au mieux que des indices, mais nullement des preuves juridiquement fiables.

Les métadonnées, qu’elles soient exactes ou non, présentent en outre un défaut majeur : elles sont incapables d’attester des conditions juridiques de la réalisation d’une photographie. Celle-ci peut donc être attentatoire à la vie privée, tomber sous le coup de l’article 226-1 du Code pénal N° Lexbase : L8546LXS, réalisée de manière déloyale, et donc impossible à exploiter devant un juge civil ou commercial, même si ses métadonnées ont été « déposées » ou « certifiées » par un commissaire de justice. Les dépôts ou autres « certifications » [11] n’ont de vertu que de prouver l’existence d’un document à une date donnée, sans en garantir l’authenticité, l’auteur et la conformité à la réalité. En d’autres termes, une « fauxtographie », même « déposée » ou « certifiée » chez un commissaire de justice, conserve ses vices.

À défaut de pouvoir être assimilée à un constat de commissaire de justice, une attestation de dépôt (document attestant du dépôt d’un fichier numérique chez un commissaire de justice) peut-elle se targuer de constituer un « début de preuve solide » pour reprendre la rhétorique de certaines applications de dépôt de photographies ? Le problème est que, même si un fait juridique se prouve par tout moyen, aucun dictionnaire ou ouvrage juridique ne définit ce qu’est une « preuve solide », l’analyse de la jurisprudence et l’usage de l’expression par la doctrine tendant à laisser penser qu’il s’agit d’une preuve rendant vraisemblable une allégation grâce à la conjonction de plusieurs éléments. En tout état de cause, il est possible que l’expression « début de preuve solide » soit un euphémisme commercial pour désigner une preuve faible.

La preuve n’est pas la métadonnée, mais l’image. Or, comment attester de sa conformité à la réalité autrement que par son auteur qui, seul, connaît la vérité ? Pour ce motif, il convient de sensibiliser les justiciables et juristes à la facilité de possibilité de déformer ou d’inventer une réalité, qu’ils soient « fauxtographies », deepfake ou deepvoice, et à la nécessité de vérifier l’authenticité du document qui leur est opposé.

Parce que le commissaire de justice est le professionnel de la preuve du fait juridique, il est le seul à constituer un rempart contre l’instrumentalisation du juge par la « fauxtographie ». Il constitue une source sûre, publique, crédible de vérification des faits. Les textes garantissent cela aujourd’hui plus qu’hier puisque l’article 5 du décret n° 2021-1625, du 10 décembre 2021, relatif aux compétences des commissaires de justice N° Lexbase : Z76267TP prévoit que « Le commissaire de justice (…) effectue lui-même les constatations (…). Il se rend personnellement sur les lieux du constat ».

Si saint Appronien est son patron, force est de constater que le commissaire de justice s’apparente à saint Thomas : il ne croit et ne rapporte que ce qu’il voit, que ce qu’il a personnellement expérimenté. Ainsi, tant qu’il ne l’a pas lui-même vu et touché, un commissaire de justice ne se laissera pas berner par l’image du pape en doudoune.[12]


[1] C. Guillot, Guerre du Liban et "fauxtographies", Le Monde, septembre 2006 [en ligne].

[2] S. Dorol, L’image dans le constat, Procédures, 2015, ét. 11, p.9.

[4] Procès-verbal de constat utilisant une technologie d’acquisition d’images à 360°, dans l’esprit des logiciels de cartographie comme Google Street View.

[5] Technique de synthèse multimédia reposant sur l'intelligence artificielle et permettant de créer des vidéos en remplaçant des personnages dans des scènes.

[6] TJ Paris, 17e ch., 15 septembre 2022, Rachel K. et a. c/Dieudonné M.

[7] S.Dorol, L’image dans le constat, Procédures, 2015, ét. 11, p.9.

[8] Pour illustrer un monde où l’huissier est remplacé par un robot.

[9] En témoigne l’attaque brute fondée sur le paradoxe des anniversaires qui décrédibilise dès 2005 l’algorithme SHA-1, ainsi que toute blockchain fondée dessus.

[10] Les métadonnées sont des informations intégrées à un fichier image qui fournissent des détails sur l'appareil photo utilisé, les paramètres de prise de vue, la date et l'heure de la capture, ainsi que d'autres informations pertinentes.

[11] L’auteur utilise sciemment des guillemets car il ignore la force probante des certifications par commissaire de justice, le législateur ne donnant force probante qu’aux constatations. Aucun texte des commissaires de justice ne donne compétence à ce professionnel du droit pour établir des certificats, or en matière de saisie-attribution (certificat de non-contestation ») et irrécouvrabilité. Ces deux certificats portent sur des actions qu’il a lui-même menées et l’autorisent à en tirer des conséquences juridiques.

[12] L'auteur a utilisé l'application "Dawn AI" pour les photographies illustrant cette contribution et "ChatGPT" en partie pour les recherches.

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Fiscalité des management packages : la requalification des gains du dirigeant salarié lors de la levée d’option

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juin 2023, n° 467546, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A70719YK

Lecture: 4 min

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 28 Juin 2023

Le Conseil d’État a rendu un arrêt le 5 juin 2023, relatif aux modalités d’imposition du gain résultant d’une levée d’option à la suite d'une opération de rachat avec effet de levier (LBO).

Le contentieux relatif au gain réalisé par un dirigeant salarié lors de la levée d’une option d’achat a fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Dans trois arrêts rendus en 2021 (CE Plénière, 13 juillet 2021 n° 428506, n° 435452 et n° 437498, publiés au recueil Lebon N° Lexbase : A79804Y9), le Conseil d’État a notamment rappelé que les gains issus de la cession de bons de souscription d’actions sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires lorsqu’ils constituent la contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant.

Lire sur ces arrêts :

  • O. Sube, Précisions sur le traitement fiscal des gains issus des « Management Packages », Lexbase Fiscal, septembre 2021, n° 878 N° Lexbase : N8830BYP ;
  • G. Massé, Management package : le gain trouve-t-il sa source essentielle dans l’exercice du contrat de travail ou du mandat social ?, Lexbase Fiscal, avril 2022, n° 902 N° Lexbase : N1118BZG.

En conséquence, la faculté pour le bénéficiaire de bons de souscription d’actions de disposer de la garantie de pouvoir revendre à la société les bons à un prix fixé en amont, n’est pas de nature à exclure les gains tirés de la cession de l’imposition au titre du complément de salaire.

Par ailleurs, dans un arrêt rendu le 17 novembre 2021 (CE, 8e ch., 17 novembre 2021, n° 439609 N° Lexbase : A03797CZ), le Conseil d’État a estimé que les gains nets retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières sont imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers, institué par l’article 150-0 A du CGI, y compris lorsque ces titres ont été acquis ou souscrits auprès d’une société dont le contribuable était dirigeant ou salarié, ou auprès d’une société du même groupe.

Lire en ce sens, M.-C. Sgarra, Nouvelle décision du Conseil d’État sur la requalification des gains dans le cadre d’un management package, Lexbase Fiscal, décembre 2021, n° 886 N° Lexbase : N9592BYW.

Toutefois, il en va autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit essentiellement être regardé comme acquis, en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 N° Lexbase : L1669IPI et 82 N° Lexbase : L1172ITL du CGI.

Rappel des faits et procédure

  • La société Mécatherm a fait l’objet en 2006 d’une opération de rachat avec effet de levier, dite LBO, par le groupe Alpha. À l’issue de l’opération, le capital de la société se partageait entre le groupe Alpha, actionnaire majoritaire et l’équipe de direction.
  • Le groupe Alpha a consenti en 2008 une promesse d’achat lui garantissant un prix de rachat minimum, assorti de clauses d’ajustement pour une partie des actions qu’il détenait.
  • À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale a estimé que les sommes acquittées par le groupe Alpha devaient être considérées comme une rémunération occulte taxable entre les mains du dirigeant, sur le fondement de l’article 111 c) du Code général des impôts.
  • À la suite du rejet de sa réclamation portée à l’administration fiscale, le dirigeant a engagé une action devant les juges du fond afin d’obtenir la décharge des sommes auxquelles il était assujetti.
  • En première instance et en appel, les juges du fond du tribunal administratif de Strasbourg et les juges d’appel de la cour administrative d’appel de Nancy ont débouté le dirigeant de ses prétentions (CAA Nancy, 13 juillet 2022, n° 20NC03789 N° Lexbase : A91408CI). En conséquence, le requérant a formé un pourvoi en cassation.

 

Question de droit. Le Conseil d’État était amené à trancher la question suivante : Les gains obtenus par un dirigeant d’entreprise à raison de ses « management packages » sont-ils imposables au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ?

Solution

Le Conseil d’État casse et annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nancy le 13 juillet 2022. Les juges du Conseil d’État rappellent le principe selon lequel le gain réalisé par un dirigeant salarié lors de la levée d’une option d’achat et vente d’actions est imposable au titre de la plus-value de cession mobilière dès lors qu’il ne trouve pas sa source dans les fonctions exercées.

Toutefois, lorsqu’il trouve sa source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, un tel gain constitue un avantage en argent, au sens de l’article 85 du CGI, imposable dans la catégorie des traitements et salaires.

Ainsi, l’administration a commis une erreur de droit en jugeant que le profit réalisé par le salarié dans le cadre de l’exécution de la promesse d’achat constituait la contrepartie à ses fonctions de dirigeants et un complément à sa rémunération.

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Institutions

[Brèves] Secrétaire d’État « recyclé » dans le même secteur d’activité : risque de prise illégale d'intérêts

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 20 juin 2023, n° 472366, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A094894U

Lecture: 2 min

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par Yann Le Foll

Le 28 Juin 2023

► Un ancien secrétaire d'État souhaitant rejoindre le conseil d'administration d'une entreprise française du secteur dont il avait la charge risque de se retrouver en situation de prise illégale d'intérêts.

Faits. Les deux décrets d'attributions successifs de l’intéressé, du 10 avril 2019 puis du 14 août 2020, ont prévu, notamment, qu'il « veille au développement des entreprises et acteurs français du numérique », dont il est constant que la société Atos fait partie, et qu’« il participe à la mise en œuvre du programme des investissements d'avenir dans le domaine du numérique ».

Il n'est pas contesté que le cabinet de l’ancien secrétaire d'État, agissant sous son autorité, a effectivement participé, conformément à ces attributions, au processus ayant conduit à l'adoption de plusieurs plans de soutien et comportant le versement de subventions au groupe Atos.

Position CE. Compte tenu de ces circonstances, et alors même que, comme le soutient l’intéressé, l'inclusion du groupe Atos dans les plans de soutien précités se serait imposée avec une évidence telle qu'elle ne nécessitait aucune intervention de sa part ou de son cabinet et que la prise des décisions relatives à ces plans de soutien aurait été le fait d'autres autorités administratives, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)  a pu légalement estimer que le projet de l’ancien secrétaire d'État consistant à devenir administrateur de la société Atos l'exposait au risque de commettre le délit de prise illégale d'intérêts.

Décision. La Haute autorité a pu légalement estimer que les fonctions projetées par l’intéressé l'exposaient à un risque pénal au regard de l'article 432-13 du Code pénal N° Lexbase : L6030LCC, qui punit de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 euros le fait notamment, pour toute personne ayant été chargée en tant que fonctionnaire et dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans cette entreprise avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

Rappel. Pour apprécier ce risque, il appartient à la HATVP, non d'examiner si les éléments constitutifs de ces infractions sont effectivement réunis, mais d'apprécier le risque qu'ils puissent l'être et de se prononcer de telle sorte qu'il soit évité à l'intéressé comme à l'administration d'être mis en cause (CE, 4 novembre 2020, n° 440963, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A518333D). 

newsid:486070

Procédure pénale

[Brèves] Nullité d’interceptions téléphoniques administratives réalisées en détention : à quelle condition la chambre de l’instruction est elle compétente ?

Réf. : Cass. crim., 27 juin 2023, n° 22-86.689, F-B N° Lexbase : A937694Z

Lecture: 3 min

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par Adélaïde Léon

Le 27 Juillet 2023

► Dès lors qu’elles ont été versées à une procédure pénale, la chambre de l’instruction est compétente, dans le cadre du contentieux des nullités, pour apprécier la régularité d’interceptions téléphoniques administratives réalisées au sein d’un établissement pénitentiaire.

Rappel de la procédure. Dans le cadre d’une enquête préliminaire portant sur un trafic de stupéfiants susceptible d’impliquer deux individus dont l’un était détenu, le procureur de la République a donné pour instruction à l’officier de police judiciaire de requérir de l’administration pénitentiaire la communication des enregistrements des conversations téléphonique de plusieurs personnes détenues dont la personne précitée.

Mis en examen du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants ce dernier a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en annulation de diverses pièces de la procédure, dont les écoutes réalisées par l’administration pénitentiaire.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a refusé d’annuler les écoutes opérées par l’administration pénitentiaire estimant qu’elle ne pouvait se prononcer sur la régularité d’écoutes administratives versées dans une procédure judiciaire lesquelles ne constituent pas un acte ou une pièce de la procédure au sens de l’article 173 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7455LPS.

L’intéressé a formé un pourvoi en cassation et a présenté une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 223-1 [LXB= L7407MCC] à L. 223-5 N° Lexbase : L7403MC8 du Code pénitentiaire et 727-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2717MCM en vertu desquels avaient été recueillis, conservés, exploités et transmis les données et enregistrements litigieux.

Moyens du pourvoi. La cassation de l’arrêt de la chambre de l’instruction était sollicitée au motif que l’abrogation des textes objets de la QPC devait conduire à la censure de cette décision.

Par ailleurs, il est fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir dit la requête non fondée et dit n’y avoir lieu à annulation alors que l’intéressé était fondé à invoquer l’irrégularité des interceptions et enregistrement dès lors qu’ils étaient versés au dossier.

Décision. La Chambre criminelle dit n’y avoir lieu à renvoyer la QPC le grief étant devenu sans objet et casse, au visa des article 6 N° Lexbase : L7558AIR et 13 N° Lexbase : L4746AQT de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, les dispositions relatives à la demande d’annulation des écoutes effectuées par l’administration pénitentiaire et des actes subséquents.

La Haute juridiction affirme qu’en application du droit à un recours juridictionnel effectif, la chambre de l’instruction est compétente, dans le cadre du contentieux des nullités, pour apprécier la régularité d’interceptions téléphoniques administratives réalisées au sein d’un établissement pénitentiaire dès lors qu’elles ont été versées à une procédure pénale.

La Cour renvoie la cause et les parties devant la chambre de l’instruction pour qu’il soit à nouveau jugé dans les limites de la cassation prononcée.

Pour aller plus loin : L. Heinich et H. Diaz, ÉTUDE : Les actes de l'instruction, La contestation des actes de l'instruction, Les actes susceptibles d’être contestés, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E87973A3.

newsid:486111

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Inaptitude : l’employeur doit vérifier la compatibilité du poste créé pour le reclassement du salarié avec les préconisations du médecin du travail

Réf. : Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279 N° Lexbase : A983393L

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N6058BZE

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par Charlotte Moronval

Le 28 Juin 2023

► Lorsque l'employeur propose un poste au salarié déclaré inapte, il doit s'assurer de la compatibilité de ce poste aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l'avis de ce médecin, peu important que le poste ait été créé lors du reclassement.

Faits et procédure. Un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail. Son employeur lui propose un nouveau poste, créé pour les besoins du reclassement.

Après avoir refusé la proposition de reclassement, le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. En l'espèce, l'avis d'inaptitude précisait l'interdiction de maintien long du salarié dans une même position et l'employeur avait proposé un poste qui impliquait la conduite d'un véhicule, dans des conditions et un périmètre non précisés.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses indemnités.

La cour d’appel (CA Rouen, 16 septembre 2021, n° 19/00764 N° Lexbase : A701044E) juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet, elle constate que :

  • l'employeur a proposé au salarié un poste d'assistant administratif créé pour lui ;
  • que ce poste impliquait la conduite d'un véhicule dans des conditions et un périmètre non précisés ;
  • que le médecin du travail, sans exclure les déplacements, avait exclu un maintien long dans une même position ;
  • et que le salarié, qui a refusé le poste, avait évoqué l'incompatibilité du poste avec son état de santé.

La cour d’appel relève ensuite que l'employeur n'a pas pris en compte le motif du refus du salarié et ne s'est pas assuré auprès du médecin du travail de la compatibilité de ce poste avec l'état de santé du salarié ou des possibilités d'aménagements qui auraient pu lui être apportées.

Les juges du fond en ont déduit que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale.

L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il relève notamment que l'obligation légale de reclassement n'implique pas l'obligation d'envisager la création d'un nouveau poste conforme aux prescriptions du médecin du travail. Ainsi, lorsque l'employeur décide, au-delà de son obligation légale de reclassement, de proposer un poste qu'il envisage de créer pour le salarié déclaré inapte, le fait qu'il n'ait pas soumis ce poste à l'appréciation du médecin du travail est, selon lui, sans incidence sur le bien-fondé du licenciement.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation donne raison à la cour d’appel.

L’employeur aurait dû prendre le soin de s’assurer auprès du médecin du travail de la compatibilité du poste qu’il proposait avec l’état de santé du salarié, ou des possibilités d’aménagements qui auraient pu lui être apportées.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La reprise du travail après un accident du travail ou une maladie professionnelle, Le refus légitime de l'emploi proposé par le salarié devenu inapte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3127ETY.

 

newsid:486058

Santé publique

[Brèves] Qualité des eaux de baignade en Bretagne : une méthode de classement à revoir

Réf. : TA Rennes, 22 juin 2023, n° 2104845 N° Lexbase : A294094N

Lecture: 3 min

N6107BZ9

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par Yann Le Foll

Le 05 Juillet 2023

► Est annulée la décision par laquelle le directeur de l’ARS de Bretagne a refusé de procéder à la correction des données de classement des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016, en ne prenant pas en compte, notamment, les échantillons prélevés au cours des périodes de fermetures préventives des sites de baignage résultant d’épisodes pluvieux.

Faits. L’association Eau & Rivières de Bretagne a saisi le tribunal de la méthodologie mise en œuvre par l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne pour procéder au classement des eaux de baignade.

Rappel. Le classement des eaux de baignade, réalisé à la fin de chaque saison balnéaire, s’effectue à partir des résultats obtenus sur quatre années des prélèvements effectués sur les sites de baignade, permettant la détection des deux paramètres microbiologiques que sont l’Escherichia Coli et les entérocoques intestinaux (pour la saison balnéaire 2023, les résultats des années 2020, 2021, 2022 et 2023 seront pris en compte).

Position TA. Conformément tant aux dispositions de la Directive 2006/7/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 15 février 2006, concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade N° Lexbase : L8214HNK, de gestion de la qualité des eaux de baignade et de fourniture au public d’informations sur la qualité de ces eaux de baignade, que des dispositions de l’article D. 1332-15 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4955IB7, le tribunal a considéré que les épisodes pluvieux ne pouvaient être qualifiés d’épisodes de pollutions de court terme, justifiant que les échantillons prélevés au cours des périodes de fermetures préventives des sites de baignage résultant de ces épisodes pluvieux soient écartés des données utilisées pour l’évaluation et le classement des eaux de baignade. Le tribunal a également rappelé que les prélèvements réalisés après les épisodes de pollution pluviale ne pouvaient être intégrés dans le calcul du classement des eaux de baignade.

En conséquence, après avoir annulé la décision par laquelle le directeur général de l’ARS de Bretagne a refusé de procéder à la correction du classement des eaux de baignade pour la période 2016-2020, le tribunal a enjoint à l’ARS de Bretagne de procéder dans un délai de deux mois aux corrections des données qui s’imposent.

Précision. Sur son site, l’association Eau & Rivières de Bretagne indique « que les plages à problèmes sont généralement situées à l'embouchure de cours d'eau dont les bassins versant sont très agricoles […] la carte de Bretagne montre que les pollutions se concentrent dans les zones déjà touchées par des pollutions d’origine agricole, ce qui confirme le lien probable entre pollutions bactériologiques chroniques de certaines plages et épandages d’effluents d’élevage ». 

newsid:486107

Successions - Libéralités

[Brèves] De l’importance de l'action en délivrance du légataire particulier…

Réf. : Cass. civ. 1, 21 juin 2023, n° 21-20.396, FS-B N° Lexbase : A984093T.

Lecture: 3 min

N6110BZC

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 28 Juin 2023

► Si le légataire particulier devient, dès l'ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu'il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès ;
lorsque l'action en délivrance du légataire particulier est atteinte par la prescription, celui-ci, qui ne peut plus se prévaloir de son legs, ne peut prétendre aux fruits de la chose léguée.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser qu’il résulte de l’article 1014 du Code civil N° Lexbase : L0171HPZ que, si le légataire particulier devient, dès l'ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs (Cass. civ. 1, 22 octobre 1975, n° 74-11.694, publié au bulletin N° Lexbase : A6048CIT).

Dans l’arrêt rendu le 21 juin 2023, la Haute juridiction apporte une précision supplémentaire en indiquant qu’il en est ainsi « peu important qu'il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès ».

Cette indication est apportée par la Haute juridiction pour censurer, sur le premier moyen, l'arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 1er juin 2021, n° 19/03151 N° Lexbase : A67324TI) qui, a contrario, avait retenu qu'il ressortait des dispositions de l'article 1014, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L0171HPZ que le légataire qui est mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n'est pas tenu de demander la délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué.

La cour d’appel avait donc, à tort, retenu que la légataire des biens et droits immobiliers de la défunte avait le droit de disposer et de jouir d’un des appartements, depuis la date du décès, et rejeté les demandes du fils de la défunte en paiement d'une indemnité pour l'occupation de ce bien par la légataire à compter de cette date, et qu'en conséquence, c'est en vain que le fils de la défunte soulevait le moyen tiré de la prescription de l'action en délivrance.

Dans son arrêt du 21 juin 2023, la Cour de cassation apporte une deuxième précision, en indiquant, au visa des articles 1014, alinéa 2, et 2219 du Code civil N° Lexbase : L7189IAI, que « lorsque l'action en délivrance du légataire particulier est atteinte par la prescription, celui-ci, qui ne peut plus se prévaloir de son legs, ne peut prétendre aux fruits de la chose léguée. »

Elle censure ainsi, sur le second moyen, l’arrêt de la cour d’appel qui, après avoir dit que l'action en délivrance du legs portant sur le local commercial était prescrite, avait retient que la légataire était créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter de la date de ses conclusions devant le premier juge valant demande de délivrance des legs.

newsid:486110

Sûretés

[Brèves] Disproportion du cautionnement : le dirigeant cédant de droits sociaux est-il un créancier professionnel ?

Réf. : Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-24.691, F-B N° Lexbase : A982593B

Lecture: 4 min

N6094BZQ

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par Vincent Téchené

Le 29 Juin 2023

► La cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.

Faits et procédure. Un actionnaire a cédé les actions qu'il détenait dans le capital d’une société. Le prix de cession était payable à hauteur de 300 000 euros dans les trois jours ouvrés à compter de la date de la cession, puis en 24 mensualités de 50 000 euros, à compter du 1er avril 2015.

Par le même acte, le dirigeant de la société cessionnaire s'est rendu caution solidaire en garantie du paiement du prix de cession.

Alléguant l'existence d'un dol, la société cessionnaire et le dirigeant caution ont assigné le cédant aux fins de le voir condamner à leur payer des dommages et intérêts. Ce dernier a demandé reconventionnellement la condamnation de la caution à lui payer, en sa qualité de caution, le solde du prix de cession des actions.

Arrêt d’appel. La cour d’appel de Bourges a rejeté la demande de l’associé cédant (CA Bourges, 5 août 2021, n° 17/01652 N° Lexbase : A64174ZP).

Pour ce faire, elle a considéré que les dispositions de l'ancien article L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L8753A7C étaient applicables au cautionnement litigieux. Selon la cour, le cédant, bénéficiaire du cautionnement, était associé et dirigeant de la société. Ainsi, en cédant les parts sociales de sa société en consentant un crédit-vendeur garanti par le cautionnement, il doit être considéré comme un créancier professionnel. Ce dernier a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle qu’il résulte l’article L. 341-4 du Code de la consommation que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (v. déjà, Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I N° Lexbase : A7351EI4).

Or, selon elle, la cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.

La Cour en conclut qu’en statuant comme elle l'a fait, alors que la créance du cédant n'était pas née dans l'exercice de sa profession ni ne se trouvait en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même accessoire, de sorte que les règles du Code de la consommation relatives à la disproportion manifeste ne lui étaient pas applicables, la cour d'appel a violé l’article L. 341-4 du Code de la consommation.

Observations. L’ordonnance de réforme du droit des sûretés (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D) a inséré dans le Code civil, à l’article 2300 N° Lexbase : L0174L8X, l’exigence de proportionnalité qui prévoit toujours son application aux seuls créanciers professionnels. Ainsi, la précision donnée par l’arrêt du 21 juin 2023 est-elle transposable aux cautionnements conclus après le 1er janvier 2022.

On rappellera à toutes fins utiles que la sanction du cautionnement disproportionné a néanmoins été modifiée : il s’agit désormais de la réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager. Le pouvoir d’appréciation du juge est en quelque sorte doublé. Sous l’ancien texte, il devait déterminer si le cautionnement était ou non manifestement disproportionné. Désormais, il doit en plus déterminer ce qu’est un cautionnement qui n’est pas manifestement  disproportionné, avec le risque de contestations que cela engendrera à coup sûr. 

Pour aller plus loin :

  • pour les dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2021, v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le champ d'application des dispositions relatives à la proportionnalité du cautionnement des personnes physiques envers les créanciers professionnels in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E7179E9R ;
  • pour les dispositions applicables à compter du 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Le cautionnement, Le montant du cautionnement, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8598B49.

 

newsid:486094

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