Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 05-06-2023, n° 467546, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 05-06-2023, n° 467546, mentionné aux tables du recueil Lebon

A70719YK

Référence

CE 3/8 ch.-r., 05-06-2023, n° 467546, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96696132-ce-38-chr-05062023-n-467546-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
Copier

Abstract

19-04-02-07-01 1) La circonstance que des options d’achat ou de vente d’actions ont été acquises à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition peut être de nature à révéler l’existence d’un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage, lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d’un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l’année d’acquisition des options dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts (CGI). Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l’exercice de ces options....2) a) i) Lorsqu’un contribuable exerce une option de vente d’actions qui lui a été consentie, l’écart entre le prix de vente de ces actions et leur valeur réelle à la date de levée de cette option, majorée, le cas échéant, du montant acquitté pour acquérir cette option ainsi que de l’avantage ayant été éventuellement imposé en application du point précédent, constitue un gain en principe imposable suivant le régime des plus-values de cessions de valeurs mobilières institué par l'article 150-0 A du CGI. ...ii) Toutefois lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, un tel gain constitue un avantage en argent, au sens de l’article 82 du CGI, imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du même code. ...b) Requérant ayant exercé les fonctions de directeur financier d’une société A ayant fait l’objet d’une opération de rachat avec effet de levier par un groupe. Capital de la société B holding de reprise de la société A, se partageant entre ce groupe et l’équipe de direction. Après avoir décidé de ne pas donner suite à une marque d’intérêt d’une société tierce C pour la société A conduisant à valoriser les titres de la holding B à plus de 12 euros par action, groupe ayant consenti aux membres de l’équipe dirigeante une promesse d’achat lui garantissant un prix de rachat minimum de 10,18 euros, assorti de clauses mécaniques d’ajustement. Société B ayant été revendue pour un prix de 1,75443 euros par action. Requérant ayant alors cédé les titres couverts par la promesse, rachetés par le groupe au prix résultant de l’application de la promesse. Cour administrative d’appel ayant fait droit à la demande de substitution de base légale de l’administration, tendant à ce que les sommes résultant de l’exercice de l’option de vente soient imposées entre les mains du requérant sur le fondement des articles 79 et 82 du CGI....En premier lieu, en raison de sa nature même, la promesse d’achat accordée au requérant, constitutive d’une option de vente, ne conduisait à aucun effet d’alignement entre l’investissement professionnel de l’intéressé et le gain éventuel pouvant être tiré ultérieurement de l’exercice de cette promesse. Elle ne contribuait pas davantage, par elle-même, à l’inciter à demeurer dans la société A dès lors que cette option pouvait être exercée même s’il avait entretemps quitté ses fonctions. ...En second lieu, les conditions dans lesquelles cette promesse lui a été accordée, à la suite d’un désaccord au sein de l’actionnariat de la société holding au sujet de la suite à donner à la manifestation d’intérêt de la société tierce C, n’ont pas eu pour objet ou pour effet de lui garantir dès l’origine, notamment eu égard au prix minimal qu’elle fixait, un gain d’exercice quasi-certain. ...Le gain correspondant au complément de prix versé en application de la promesse d’achat ne peut être regardé comme constituant une contrepartie des fonctions de dirigeant salarié de la société A exercées par le requérant, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sur le fondement des articles 79 et 82 du CGI.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 467546

Séance du 17 mai 2023

Lecture du 05 juin 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1803131 du 15 juillet 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NC03789 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy⚖️, statuant sur appel de M. B, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avaient été assorties les impositions litigieuses, annulé ce jugement en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 septembre 2022, 13 décembre 2022 et 14 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mécatherm, dont M. A B était directeur financier, a fait l'objet en 2006 d'une opération de rachat avec effet de levier, dite " leveraged buyout " (LBO), par le groupe Alpha. A l'issue de cette opération, le capital de la société Oslau, holding de reprise de la société Mécatherm, se partageait entre le groupe Alpha, actionnaire majoritaire à hauteur de 57,14 %, et l'équipe de direction, à hauteur de 42,86 %, dont 2,57 % pour M. B. Après avoir décidé, en 2008, de ne pas donner suite à une marque d'intérêt de la société Weinberg pour la société Mécatherm conduisant à valoriser les titres de la société Oslau à plus de 12 euros par action, le groupe Alpha a consenti le 1er avril 2008 à M. B, en même temps qu'aux autres membres de l'équipe dirigeante, moyennant le versement immédiat par celui-ci d'une prime de 15 735,31 euros, une promesse d'achat lui garantissant un prix de rachat minimum de 10,18 euros, assorti de clauses mécaniques d'ajustement, pour 43 243 des 231 273 actions qu'il détenait. Cette option de vente était exerçable dans certains cas de cessation de ses fonctions, ainsi qu'en cas de défaut dans le remboursement de l'emprunt bancaire qu'il avait contracté pour le financement de l'acquisition de ses actions de la société Oslau, de perte de contrôle de cette société par le groupe Alpha ou d'opérations permettant à ce groupe de percevoir un montant correspondant à une fois et demi son investissement initial. La société Oslau ayant été revendue le 4 octobre 2011 à la société Hirvest 6 pour un prix de 1,75443 euros par action, M. B a alors cédé l'ensemble de ses actions à ce prix, à l'exception des 43 243 titres couverts par la promesse d'achat du 1er avril 2008, qui ont été rachetés par le groupe Alpha au prix unitaire de 11,63 euros, résultant de l'application de cette promesse. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a considéré que les sommes ainsi acquittées par le groupe Alpha à hauteur de 427 049 euros devaient être regardées comme une rémunération occulte taxable entre les mains de M. B sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts🏛, et non, comme déclaré par celui-ci, comme une plus-value de cession imposable selon les règles définies à l'article 150-0 A du même code et en l'occurrence exonérées sur le fondement des dispositions du 5° bis de l'article 157 du même code🏛 applicables aux plans d'épargne en actions. L'administration n'ayant fait droit à sa réclamation contre les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au titre de l'année 2011, assortis de pénalités pour manquement délibéré, qu'en abandonnant la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des contributions sociales, M. B a demandé sans succès au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des sommes auxquelles il demeurait assujetti. Il se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt du 13 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avaient été assortis les rehaussements en litige, a rejeté le surplus des conclusions de son appel en accueillant la demande de l'administration tendant à ce que soit substitués, comme base légale de l'imposition du gain de 427 049 euros en cause, les articles 79 et 82 du code général des impôts🏛🏛 au c de l'article 111 du même code.

2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits () ".

3. La circonstance que des options d'achat ou de vente d'actions ont été acquises à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition peut être de nature à révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage, lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l'année d'acquisition des options dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts. Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options.

4. Lorsqu'un contribuable exerce une option de vente d'actions qui lui a été consentie, l'écart entre le prix de vente de ces actions et leur valeur réelle à la date de levée de cette option, majorée, le cas échéant, du montant acquitté pour acquérir cette option ainsi que de l'avantage ayant été éventuellement imposé en application du point 3, constitue un gain en principe imposable suivant le régime des plus-values de cessions de valeurs mobilières institué par l'article 150-0 A du code général des impôts🏛. Toutefois lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, un tel gain constitue un avantage en argent, au sens de l'article 82 du code général des impôts, imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du même code.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison de sa nature même, la promesse d'achat accordée le 1er avril 2008 à M. B, constitutive d'une option de vente, ne conduisait à aucun effet d'alignement entre l'investissement professionnel de M. B et le gain éventuel pouvant être tiré ultérieurement de l'exercice de cette promesse. Elle ne contribuait pas davantage, par elle-même, à inciter M. B à demeurer dans la société Mécatherm dès lors que cette option pouvait être exercée même s'il avait entretemps quitté ses fonctions. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les conditions dans lesquelles cette promesse lui a été accordée, à la suite d'un désaccord au sein de l'actionnariat de la société Oslau au sujet de la suite à donner à la manifestation d'intérêt de la société Weinberg mentionnée au point 1, aient eu pour objet ou pour effet de lui garantir dès l'origine, notamment eu égard au prix minimal qu'elle fixait, un gain d'exercice quasi-certain. M. B est ainsi fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier en estimant que le gain correspondant au complément de prix versé en application de cette promesse d'achat constituait une contrepartie de ses fonctions de dirigeant salarié de la société Mécatherm, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sur le fondement des articles 79 et 82 du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. B est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à M. B une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A B et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.