Le Quotidien du 17 novembre 2022

Le Quotidien

Arbitrage

[Brèves] Arbitrage multipartite : quid de l’application du principe de l’égalité dans la constitution du tribunal arbitral ?

Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2022, n° 21-17.203, FS-B N° Lexbase : A12988SU

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N3294BZZ

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 16 Novembre 2022

La Haute juridiction énonce que dans le cadre d’un arbitrage multipartite, lorsque les parties ne s'accordent pas sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui, désigne le ou les arbitres ; dans le cas où la clause compromissoire renvoie à l'article 12 (8) du règlement d'arbitrage de la CCI, qui énonce qu’à défaut de tout autre accord entre les parties sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la Cour d'arbitrage de la CCI peut nommer chacun des membres du tribunal arbitral et désigne l'un d'entre eux en qualité de président ; en conséquence, les Hauts magistrats précisent qu’au-delà de ce que prévoit la clause compromissoire, les intérêts des parties au moment du litige doivent être pris en compte dans l'analyse du traitement équitable.

Faits et procédure. Dans cette affaire, en 2000, un pacte d’actionnaires de la société angolaise Unitel a été conclu entre une société britannique, une société portugaise et deux sociétés angolaises. Ce dernier comportait une clause d’arbitrage d’un tribunal siégeant à Paris sous l'égide de la Chambre de commerce internationale (CCI), et composé de quatre arbitres désignés par chacune des parties et d’un président choisi par les arbitres, et à défaut d’accord par l’institution d’arbitrage.

Le 13 octobre 2015, une requête d’arbitrage à l’initiative de la société portugaise a été déposée auprès du secrétariat de la CCI à l’encontre de ses trois coassociés, alléguant avoir été évincée de la gestion de la société Unitel. La requérante sollicitait que le tribunal soit composé de trois arbitres et non de cinq, l'un désigné par elle et l'autre conjointement par les défenderesses, afin que soit respecté le principe de l'égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral, compte tenu des intérêts convergents des défenderesses.

La demanderesse a ainsi désigné son arbitre sous la condition précitée. Toutefois, conformément à la clause compromissoire et contrairement à la condition énoncée par la demanderesse, chacune des autres sociétés a procédé à la désignation d’un arbitre. Quatre arbitres ont dès lors été nommés, et ces derniers ont tous accepté leur mission.

En présence de ce désaccord, la CCI a tenté en vain d’inviter les parties à trouver un nouvel accord sur la désignation des arbitres et a fini par nommer d’office quatre autres arbitres et un président en prononçant la jonction avec une seconde procédure d’arbitrage engagée par les défenderesses. De cette procédure consolidée découle une sentence arbitrale du 20 février 2019 contre laquelle la société britannique a formé un recours en annulation.

Le 26 janvier 2021, le recours a été rejeté par la cour d’appel de Paris.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d’appel de Paris, d’avoir rejeté le recours en annulation et de l’avoir condamnée à verser à la requérante la somme de 300 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM.

La demanderesse soutient que, le tribunal arbitral ayant été irrégulièrement constitué, la sentence arbitrale peut être annulée. Elle relève que le centre d’arbitrage n’avait pas le pouvoir de désigner les arbitres compte tenu du fait que les parties s'étaient accordées sur les modalités de constitution du tribunal arbitral dans la convention d'arbitrage et qu’elles avaient par la suite, conformément à ladite convention, chacune désigné un arbitre. Dès lors, le règlement d'arbitrage n'autorisait pas la Cour internationale d'arbitrage à nommer l’ensemble des membres du tribunal arbitral et à désigner l'un d'entre eux en qualité de président.

En l’espèce, les défenderesses avaient manifesté leur refus que le tribunal arbitral soit composé de trois membres en désignant chacune leur arbitre. Dès lors, il existait un désaccord sur les modalités de la constitution du tribunal arbitral, qui justifiait que le centre d’arbitrage a désigné l’intégralité des membres du tribunal, privant toutes les parties du droit de choisir leur arbitre.

Solution. Énonçant les solutions précitées aux termes des dispositions des articles 1453 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2270IPR la Cour de cassation rejette le pourvoi. Les Hauts magistrats relèvent que l'égalité entre les parties a été préservée.

Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : le tribunal arbitral, La désignation du ou des arbitres, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E30194YH.

 

newsid:483294

Baux d'habitation

[Brèves] Locations meublées touristiques : le gestionnaire de l’appartement ne peut être condamné à l’amende civile de changement d’usage du bien

Réf. : Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, cinq arrêts : n° 21-20.464, FS-B N° Lexbase : A13028SZ, n° 21-20.467, FS-D N° Lexbase : A96328SK ; n° 21-20.466, FS-D N° Lexbase : A96498S8 ; n° 21-20.465, FS-D N° Lexbase : A96738S3 ; n° 21-20.468, FS-D N° Lexbase : A97018S4

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N3317BZU

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par Laure Florent

Le 16 Novembre 2022

► Celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du Code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue.

Faits et procédure. Un maire a assigné le propriétaire et le gestionnaire d’un appartement situé dans un immeuble parisien en paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L2308LRW, pour l’avoir loué de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code N° Lexbase : L0141LNK.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 1-2, 6 mai 2021, n° 20/18843 N° Lexbase : A12424RG) a qualifié l’immeuble de bien réputé à usage d’habitation, acquis tel quel par le propriétaire, et a condamné son propriétaire au paiement d’une amende civile.

Destination du bien. Si le propriétaire contestait la destination d’usage d’habitation du bien, la Haute juridiction, approuvant la cour d’appel, rappelle que, selon l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés.

Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, jusque-là à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements. Elle a donc souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation.

Ainsi, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par le propriétaire.

Condamnation du propriétaire et exclusion du gestionnaire. La ville reprochait par ailleurs à la cour d’appel de n’avoir condamné que le propriétaire, à l’exclusion du gestionnaire du bien, mais la troisième chambre civile rejette ce moyen.

Elle rappelle que selon l'article L. 631-7, alinéa 1er, du Code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article.

En outre, selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7, ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, est condamnée à une amende civile.

Toutefois, note la Haute juridiction, cette amende civile constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (comme elle l’a établi précédemment : Cass. civ. 3, QPC, 5 juillet 2018, n° 18-40.014, FS-D N° Lexbase : A5636XXZ), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte.

Elle en déduit que celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du Code du tourisme N° Lexbase : L6613LX9, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2.

Dès lors, le gestionnaire, qui avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, ne pouvait pas être condamné à une amende civile, pour avoir changé l’usage des locaux destinés à l’habitation, sans autorisation préalable ; seul le propriétaire en était tenu.

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Contrats administratifs

[Brèves] Action en responsabilité d'un centre de gestion de la FPT contre un organisme avec lequel il a conclu une convention de participation : compétence du JA !

Réf. : T. confl., 7 novembre 2022, n° 4252 N° Lexbase : A08528SD

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N3296BZ4

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par Yann Le Foll

Le 16 Novembre 2022

► Le juge administratif est compétent pour connaître d'une action en responsabilité d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale contre un organisme avec lequel il a conclu une convention de participation et un contrat collectif à adhésion facultative pour accorder une protection sociale complémentaire à ses agents et à ceux des collectivités territoriales mandantes.

Principe. Il résulte de l’article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, de l’article 88-2 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et du décret n° 2011-1474, du 8 novembre 2011 N° Lexbase : L2386IRS, que les collectivités territoriales peuvent conclure une convention de participation pour contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents qu’elles emploient peuvent souscrire. Cette convention conduit au versement d’une aide qui vient en déduction de la cotisation ou de la prime due par les agents. En vertu de l’article 24 du décret du 8 novembre 2011, cette aide est versée soit directement aux agents par la collectivité, soit par l’intermédiaire de l’organisme choisi, auquel cas l’organisme doit la répercuter intégralement en déduction de la cotisation ou de la prime due par l’agent.

Faits. Le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard a, sur le fondement de ces dispositions, conclu le 30 novembre 2012 avec la mutuelle Intériale et l’union Intériale Prévoyance une convention de participation au titre d’un contrat collectif de prévoyance à adhésion individuelle et facultative réservé à ses agents et à ceux des collectivités mandantes. L’article 5 de cette convention prévoit que la participation de la collectivité publique – centre de gestion ou collectivité territoriale - est versée directement aux agents et apparaît sur leur bulletin de salaire.

L’article 7 de la convention stipule que la mutuelle est soumise à un contrôle du centre de gestion, établissement souscripteur, dans l’exécution de ses obligations, qui se matérialise, d’une part, par une obligation de suivi annuel des résultats du contrat collectif avec présentation de la solidarité et de la maîtrise financière à l’établissement souscripteur et aux collectivités mandantes et, d’autre part, par la production à l’établissement souscripteur, au terme d’une période de trois ans, d’un rapport retraçant les opérations réalisées dans le cadre de la solidarité intergénérationnelle entre les adhérents ainsi que la couverture effective des plus âgés et des plus exposés aux risques.

Application. La convention de participation, conclue par une personne publique, comporte en son article 7 une clause qui, par les prérogatives, reconnues à celle-ci, de contrôle de l’exécution du contrat collectif de prévoyance implique, dans l’intérêt général, qu’elle relève du régime exorbitant des contrats administratifs (T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963 N° Lexbase : A6721MYL). Les relations contractuelles entre le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et la mutuelle revêtent par suite un caractère de droit public.

Décision. Le litige ressortit donc à la compétence de la juridiction administrative.

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Caducité de l’accord de conciliation : précision sur le sort des sûretés

Réf. : Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-12.085, FS-B N° Lexbase : A01128RL

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par Vincent Téchené

Le 16 Novembre 2022

► Le créancier, qui a consenti, pour les besoins d’un accord de conciliation, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord résultant de l'ouverture d'une procédure collective.

Faits et procédure. Une société a conclu avec ses principaux créanciers un accord de conciliation homologué par un jugement du 12 avril 2012 selon lequel une banque s'engageait à consentir un prêt de 75 000 euros, lequel a été signé le 4 mai suivant. Le gérant de la société s'est rendu caution solidaire du prêt dans la limite de la somme de 86 250 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard.

Le 30 octobre 2013, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 19 novembre suivant et a prononcé la déchéance du terme du prêt le 24 décembre 2015 puis a assigné la caution en paiement le 19 juin 2015.

La cour d’appel (CA Rennes, 15 décembre 2020, n° 18/00320 N° Lexbase : A809839S) ayant déclaré caduc le cautionnement et rejeté les autres demandes de la banque, cette dernière a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait notamment que la caducité du plan de conciliation résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'entraîne pas l'extinction des sûretés qui garantissent le remboursement d'un nouvel apport de trésorerie consenti au débiteur.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l'article L. 611-12 du Code de commerce N° Lexbase : L4116HB3.

Elle rappelle que si, selon ce texte, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances.

En revanche, énonce la Cour, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord.

Par conséquent, la Haute juridiction en conclut qu’a violé ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer caduc le cautionnement du gérant de la société débitrice, a retenu que le concours consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution

Observations. Rappelons ici que la caducité de l’accord de conciliation n’est prévue par aucun texte du livre VI du Code de commerce. C’est la jurisprudence qui, complétant les dispositions de l’article L. 611-12 de ce code, prévoyant la fin de l’accord de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective pendant son exécution, a utilisé le concept de caducité pour préciser la nature de cette sanction. Cette jurisprudence prévoit aussi, comme conséquence de la caducité de l’accord, la perte des sûretés consenties en contrepartie des remises ou délais accordés par les créanciers parties à l’accord (Cass. com., 25 septembre 2019, n° 18-15.655, F-P+B N° Lexbase : A0346ZQU, G. Piette, Lexbase Affaires, octobre 2019, n° 609 N° Lexbase : N0692BYB). C’est le rappel opéré ici, en premier lieu, par la Cour de cassation.

Mais, l’ordonnance de réforme du livre VI du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1193 N° Lexbase : L8998L7E) a pris le contrepied de cette jurisprudence de 2019 en insérant un article L. 611-10-4 N° Lexbase : L9112L7M, précisant que « la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences ». Plus exactement, la mesure adoptée, si elle ne revient pas directement sur la solution de l'arrêt précité, permet de l’écarter par des clauses organisant les conséquences de la caducité ou résolution de l’accord. Et à ce sujet, il est fort à parier que les clauses de l’accord de conciliation prévoyant que les sûretés seront maintenues, en cas d’échec du plan, ne manqueront pas de se développer. La situation des créanciers concernés en sortira finalement améliorée car ils retrouveront l’intégralité de leur créance, redevenue pour le reste exigible (C. com., art. L. 611-12), avec une sûreté qui n’existait pas à l’origine. Il conviendra, ici, toutefois de prendre garde, notamment, au risque de nullité de la période suspecte.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles spécifiques à la conciliation constatée et à la conciliation homologuée, L’inexécution de l’accord, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E7885EPQ.

 

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Fiscalité internationale

[Brèves] Convention fiscale France-Luxembourg : le forfait télétravail pour les frontaliers passe à trente-quatre jours

Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 7 novembre 2022, n° 280

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Novembre 2022

► La France et le Luxembourg se sont accordés pour porter de vingt-neuf à trente-quatre jours le forfait prévu par la convention fiscale bilatérale afin de tenir compte du développement du télétravail pour les travailleurs, résidents d’un des deux États et employés par une entreprise située dans l’autre État. Les jours de travail effectués dans cette limite de trente-quatre jours seront considérés et imposés comme s’ils avaient été effectués dans l’État de situation de l’employeur.

Ces dispositions ont vocation à bénéficier essentiellement aux nombreux frontaliers qui se rendent quotidiennement au Luxembourg pour y travailler. Elles pourront s’appliquer à compter des revenus perçus en 2023, le temps de définir, avant la fin de l’année 2024, une solution pérenne.

Elles font l’objet d’un avenant signé ce jour par les ministres des Finances français et luxembourgeois, qui sera ensuite soumis à ratification dans chacun des États.

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Procédure pénale

[Brèves] Souriez, vous êtes filmés ! Le juge d’instruction peut autoriser la mise en place d’une captation d’images dans un lieu privé par drones

Réf. : Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 22-80.097 FS-B N° Lexbase : A11098TA

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par Helena Viana

Le 23 Novembre 2022

► L’article 706-96 du Code de procédure pénale permettant la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé n’exclut pas que le dispositif utilisé soit un drone. Dès lors que les enquêteurs ont agi sur délégation expresse du magistrat instructeur qui avait autorisé la captation, la chambre de l’instruction a pu justifier le rejet de la requête en nullité de ces opérations de captation.

Faits et procédure. Dans le cadre d’une instruction ouverte pour un trafic de cannabis mis en place entre l’Espagne et la France, le juge d'instruction a autorisé, par ordonnance motivée et pour une durée de quatre mois, une captation d'images par voie aérienne sur le fondement de l’article 706-96 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7418LPG et après réquisitions prises en ce sens du procureur de la République. Les lieux visés par les opérations de captations comprenaient notamment le jardin clos de la maison d’un des mis en cause et ses abords. Il avait été mis à jour que des livraisons régulières étaient réceptionnées à ce domicile. L’individu a été mis en examen à l’issue de son interrogatoire de première comparution et placé en détention provisoire. Il a déposé une requête en nullité, visant notamment les opérations de captations d'images réalisées sur sa propriété par une caméra aéroportée. Statuant sur l’appel, la chambre de l’instruction a rejeté la demande d’annulation et le mis en cause a porté cet arrêt devant la Cour de cassation.

Moyens du pourvoi. Le demandeur au pourvoi reproche au juge d’instruction, et plus encore à la chambre de l’instruction, d’avoir validé le dispositif mis en place par voie aérienne alors que l’article 706-96 du Code de procédure pénale n’autorise, selon lui, que les dispositifs de captation fixes et non les dispositifs mobiles. La mise en place d’un dispositif mobile de type drone méconnaîtrait les articles 6, § 1 et 8 de la CESDH N° Lexbase : L4798AQR, en particulier son droit au respect de la vie privée, ainsi que le principe de légalité des délits et des peines de l’article 111-4 du Code pénal N° Lexbase : L2255AMH, et les articles préliminaire, 75 N° Lexbase : L2765KGI, 78 N° Lexbase : L4984K84, 591 N° Lexbase : L3975AZA, 593 N° Lexbase : L3977AZC et 706-96 du Code de procédure pénale. Le pourvoi reprochait également aux juges du fond d’avoir omis de détailler les circonstances en raison desquelles le recours à un autre dispositif moins intrusif était rendu particulièrement difficile.

Décision. La Chambre criminelle va rejeter l’argumentaire du pourvoi.

Elle commence par rappeler que le domicile est protégé par l’article 8 de la CESDH et que l’ingérence dans ce droit ne peut être admise « qu'à la condition d'avoir une base légale suffisante, et de poursuivre un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée ».

En réponse à l’argument selon lequel le dispositif mobile ne serait pas prévu par le corps du texte du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle énonce qu’il n’y a pas lieu de faire de distinctions là où la lettre du texte n’en fait pas. Elle ajoute que le recours à ce procédé particulièrement intrusif est limité aux seules enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées et de crimes et qu’il est placé sous le contrôle d’un magistrat du siège. Partant, la Haute juridiction en déduit que l’ingérence dénoncée est conforme aux exigences européennes susvisées et que la loi est suffisamment claire, prévisible et accessible.

En ce qui concerne les éléments retenus par les juges du fond pour rejeter la requête en nullité, la Cour de cassation relève qu’ils se sont déterminés par des motifs propres au regard des pièces du dossier et prend soin de les énumérer successivement dans sa motivation. En substance, les magistrats du fond relevaient que les opérations ont été prévues par la loi, selon les exigences formulées par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, que le dispositif a été mis en place conformément aux exigences du texte, à savoir par le juge d’instruction sur réquisitions par ordonnance motivée décrivant les lieux précis visés et les circonstances rendant toute surveillance difficile. Ils ajoutaient que les procès-verbaux de ces opérations figuraient au dossier et que le magistrat instructeur avait rappelé comment avaient été mis en évidence le trafic et les lieux ciblés identifiés.

La Cour ajoute aux motivations des juges du fond que les enquêteurs avaient agi sur délégation expresse du magistrat instructeur. De fait, elle en conclut qu’aucun des textes invoqués par le demandeur au pourvoi n’a été méconnu par la chambre de l’instruction.

Technique spéciale d’enquête dérogatoire du droit commun, la sonorisation ou fixation d’image de certains lieux et véhicules s’applique à la criminalité organisée et dans des conditions strictement déterminées par les articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale. Dans les jurisprudences récentes, les dispositifs techniques utilisés pour la captation d’image étaient des endoscopes (Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-85.059, FS-P+B N° Lexbase : A8792I3Z), des appareils photographiques (Cass. crim., 07 mai 2019, n° 18-85.596, F-D N° Lexbase : A0666ZBB) ou des caméras de vidéosurveillances (Cass. crim., 11 décembre 2018, n° 18-82.365, FS-P+B N° Lexbase : A6902YQP). Pour autant, le drone, semble-t-il, devrait être distingué de ces autres dispositifs, ne serait-ce que par la possibilité qu’il offre à son utilisateur d’accéder à des lieux inaccessibles autrement.

À l’instar du juge administratif, qui, interrogé sur la possibilité de surveiller avec un drone des manifestants et en identifier les participants, a conclu à l’existence d’un traitement de données à caractère personnel nécessitant l’intervention préalable d’un texte (CE, 9e-10e, ch. réunies, décision du 22 décembre 2020 n° 446155 N° Lexbase : A97924AW), il aurait été souhaitable que la Haute juridiction distingue dans la technique utilisée par les enquêteurs. Et ce d’autant plus lorsqu’ils agissent dans le cadre d’un régime dérogatoire comme dans les faits de l’arrêt référencé.

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Santé et sécurité au travail

[Brèves] Loi « santé au travail » : publication de deux nouveaux décrets d'application

Réf. : Décret n° 2022-1434, du 15 novembre 2022, relatif au dossier médical en santé au travail N° Lexbase : L8410ME9 et décret n° 2022-1435, du 15 novembre 2022, relatif à l'agrément et aux rapports d'activité des services de prévention et de santé au travail N° Lexbase : L8412MEB

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N3302BZC

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par Lisa Poinsot

Le 16 Novembre 2022

► Dans le cadre de l’application de la loi n° 2021-1018, du 2 août 2021, dite loi « santé au travail », deux décrets portant l’un sur le dossier médical et l’autre sur la certification des SPST ont été publiés au Journal officiel le 16 novembre 2022.

Dossier médical en santé au travail :

  • modalités de constitution : sous format numérique sécurisé dont le traitement des données est sous la responsabilité du SPST ;
  • contenu : données d’identité, données médico-administratives du travailleur, informations relatives aux risques actuels ou passés auxquels le travailleur est ou a été exposé, informations relatives à l’état de santé collectées lors des visites médicales, correspondances échangées entre professionnels de santé ;
  • respect du RGPD : droit d’accès du travailleur à ses données, droit d’opposition, confidentialité, traçabilité des actions réalisées sur le dossier médical, droit d’opposition du travailleur, conservation des données au sein des SPST pour une durée de quatre ans à compter de la date de la dernière visite ou examen du titulaire au sein du SPST concerné.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les services de prévention et de santé au travail, L’accès au dossier médical en santé au travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E8703B44.

Certification des services de prévention et de santé au travail :

  • modalités relatives à l’agrément :  lorsque le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités constate que les conditions de fonctionnement du SPST ne sont pas conformes aux prescriptions du présent titre, et notamment celles du cahier des charges national de l'agrément, il peut, après avis du médecin inspecteur du travail,  en cas de demande d'agrément ou de renouvellement, délivrer un agrément pour une durée maximale de deux ans non renouvelable, sous réserve d'un engagement précis et daté de mise en conformité par le service de prévention et de santé au travail. Lorsqu'à l'issue de cette période le SPST satisfait à ses obligations, l'agrément lui est accordé pour une durée de cinq ans.

En cours d'agrément, il peut soit mettre fin à l'agrément, soit réduire la durée de l'agrément, après que le SPST ait été invité à se mettre en conformité avec les prescriptions du cahier des charges national, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette demande, dans un délai fixé par le directeur régional dans la limite de six mois si le service n'a pas accompli dans ce délai les diligences nécessaires.

Le président du SPST informe chaque entreprise adhérente dès la réception de la notification de la décision prononçant la réduction de la durée de l'agrément ou son retrait ;

  • documents communiqués aux adhérents et rendus publics : les résultats de la dernière certification ; le projet de service pluriannuel ; l’offre de service spécifique à destination des travailleurs indépendants ;
  • rapports d’activité des services de prévention et de santé au travail : le directeur du service de prévention et de santé au travail interentreprises établit le rapport annuel d'activité qui est présenté au comité interentreprises ou à la commission de contrôle et au conseil d'administration au plus tard à la fin du quatrième mois qui suit l'année au titre de laquelle il a été établi. Ce rapport est ensuite transmis aux adhérents. Pour les SPST autonomes, un rapport annuel d'activité est présenté au comité social et économique au plus tard à la fin du quatrième mois qui suit l'année au titre de laquelle il a été établi. Un rapport de synthèse annuel relatif à l'activité et à la gestion financière des SPST est publié sur le site internet du ministère du Travail.

Pour aller plus loin : lire S. Moulinet, Pour des services de santé au travail aux missions élargies, axées vers la prévention, et une meilleure coopération avec la santé publique : les SPST auront-ils les moyens de relever ce défi ?, Lexbase Social, septembre 2021, n° 877 N° Lexbase : N8721BYN.

 

newsid:483302

Voies d'exécution

[Jurisprudence] Concentration des moyens en saisie immobilière : précisions

Réf. : Cass. civ. 2, 20 octobre 2022, n° 21-11.783, F-B N° Lexbase : A52308QR

Lecture: 14 min

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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE

Le 17 Novembre 2022

Mots-clés : saisie immobilière • commandement valant saisie • compétence • juge de l’exécution • autorité de chose jugée • dommages et intérêts • exécution • audience d’orientation • concentration des moyens

Dans cet arrêt du 20 octobre 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient préciser les conditions d’application de la sanction prévue à l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution tout en rappelant l’office du juge de l’exécution résultant de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.


 

Les faits de l’espèce sont les suivants :  une banque a procédé à la saisie immobilière de biens appartenant à ses débiteurs en vertu de plusieurs copies exécutoires d’actes notariés contenant prêts.

Les biens saisis ont été vendus soit à l’amiable, soit sur adjudication, dans le cadre de la saisie immobilière ; le prix n’a toutefois pas couvert le solde de la créance du prêteur.

Dans ces conditions, la banque a initié une procédure de saisie des rémunérations pour recouvrement du solde.

Postérieurement à la vente, une des débitrices a saisi le tribunal de grande instance au fond d’une action en responsabilité pour manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription des prêts immobiliers.

Le tribunal de grande instance a déclaré irrecevable l’action de la débitrice et l’a condamnée à payer une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM.

Devant la cour d’appel, la débitrice sollicitait l’infirmation du jugement et notamment la condamnation de la banque à lui payer plus de deux millions d’euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices allégués de perte de chance.

La banque soutenait que le principe de concentration des moyens est sanctionné par l’irrecevabilité prononcée d’office en vertu du Code des procédures civiles d’exécution.

Par arrêt du 8 décembre 2020 la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 8 décembre 2020, n° 19/05138 N° Lexbase : A1707394), confirme le jugement déféré ayant déclaré irrecevables les contestations formées sur le fond du droit en vertu de l'autorité de la chose jugée attaché au jugement d'orientation au visa des articles L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD et R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2391ITQ.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation n’est pas du même avis et casse au visa des articles 1355 du Code civil N° Lexbase : L2391ITQ, de l’article L. 213-6 alinéas 1er, 2, 3 et 4 du Code de l’organisation judiciaire et R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution et annule en toutes ses dispositions l’arrêt du 8 décembre 2020 et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Lyon autrement composée.

Cet arrêt est l’occasion de confronter deux notions d’importance. L’implacabilité du principe édicté à l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution s’en voit atténuée, l’office du juge de l’exécution en matière de saisie immobilière est précisé.

I. Vers une atténuation de la rigueur posée à l’article R. 311-5 du CPCEx ?

A . L’implacabilité de l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution

Le principe de concentration des moyens est, en matière de saisie immobilière, érigé à l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution.

Les praticiens vigilants connaissent bien la rigueur des dispositions de cet article.

Celui-ci énonce qu’aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation, sauf si elle porte sur des actes postérieurs à celle-ci.

Dans cette dernière hypothèse, les contestations devront être émises dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte litigieux.

À retenir : l’obligation de concentration des moyens érigée à l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution participe à la volonté de célérité de la procédure de saisie immobilière depuis sa réforme introduite par l'ordonnance n° 2006-461, du 21 avril 2006 N° Lexbase : L3737HIA.

Ce texte a toujours reçu une application stricte des Hauts magistrats.

Ainsi dès 2011, la deuxième chambre énonçait que c’était « sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR que la cour d'appel a décidé que M. et Mme X... n'étaient plus recevables à former des contestations portant sur la procédure antérieure à l'audience d'orientation » et ce dès lors qu’ils y avaient régulièrement été assignés (Cass. civ. 2, 17 novembre 2011, n° 10-26.784, F-P+B N° Lexbase : A9447HZW).

L’office du juge dans l’application de cette règle est en outre prépondérante dès lors que la juridiction doit relever d’office l’irrecevabilité des demandes présentées après l’audience d’orientation (Cass. civ. 2, 14 octobre 2010, n° 09-69.580, F-D N° Lexbase : A4360GCH).

La Cour de cassation faisait même une application extensive de cette règle et jugeait qu’elle devait également recevoir application à l’égard du créancier poursuivant. Ainsi, dans une instance où ce dernier n’avait pas jugé opportun de répliquer aux contestations formées par la partie saisie lors de l’audience d’orientation, elle censurait la cour d’appel qui avait fait droit au moyen d’irrecevabilité de la contestation soulevée par le poursuivant devant la cour (Cass. civ. 2, 22 juin 2017, F-P+B, n° 16-18.343 N° Lexbase : A1123WKS). Cette position d’une extrême fermeté avait emporté un vif débat doctrinal.

L’application stricte de ces dispositions à l’égard de l’ensemble des parties avait encore été renforcée par l’arrêt du 14 novembre 2019 (Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-21.917, F-P+B+I N° Lexbase : A6600ZY4) aux termes duquel la deuxième chambre civile précisait qu’un simple moyen exposé pour la première fois en cause d’appel contrevenait aux dispositions de l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution. Peu importait que celui-ci ait été exposé en réponse à la fin de non-recevoir tiré de la prescription opposée par le débiteur et que le moyen soulevé ait consisté à opposer la qualité de professionnel du débiteur saisi et, par voie de conséquence se prévaloir de l'application de la prescription quinquennale.

B. La définition des demandes incidentes et contestations soumises à l’article R. 311-5 du CPCEx

L’obligation de concentration des moyens ne doit toutefois pas être mal interprétée.

En effet, si l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution impose au débiteur (et donc à l’ensemble des parties) d’opposer ses contestations et demandes incidentes préalablement à l’audience d’orientation, ou, dans l’hypothèse d’actes postérieurs à celles-ci dans les quinze jours à compter de la notification de ces derniers, il importe de ne pas se méprendre sur les contestations qui entrent dans le champ de ces dispositions.

Cette obligation de concentration des moyens ne saurait porter sur des demandes qui n’entreraient pas dans les attributions du juge de l’exécution, rappelées à l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, qui tire pourtant de ces dispositions un champ d’intervention très vaste.

À retenir : ainsi, la Cour de cassation, a déjà pu confirmer que constituait une fin de non-recevoir le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction et non une exception d'incompétence. Dans cette affaire, une demande de condamnation avait été formée devant le juge de l’exécution à l’égard des notaires résultant de leur responsabilité dans l'inaccomplissement de formalités dans la rédaction de l'acte de vente. La deuxième chambre relève que cette demande est étrangère aux conditions d'exécution de la saisie et n'entrait donc pas dans le champ des attributions du juge de l'exécution qui connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcées (Cass. civ. 2, 8 janvier 2015, n° 13-21.044, F-P+B N° Lexbase : A0821M9B).

Dans une affaire dont les faits de l’espèce se rapprochaient davantage de ceux de l’arrêt commenté ; la deuxième chambre civile avait par un arrêt inédit dressé les contours de la solution dégagée dans l’arrêt du 20 octobre 2022.

Par cette décision du 22 juin 2017 (Cass. civ. 2, 22 juin 2017, n° 15-24.385, F-D N° Lexbase : A1222WKH) la Cour de cassation était venue censurer une cour d’appel ayant confirmé l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par des débiteurs devant le tribunal de grande instance alors que le juge de l’exécution était par ailleurs saisi d’une procédure de saisie immobilière en jugeant que cette contestation ne relevait pas de sa compétence.

Cette solution peut paraître controversée.

En effet, l’issue de la procédure de saisie immobilière et le bien-fondé des poursuites initiées pourraient naturellement être mises en péril dès lors que la banque, créancier poursuivant, verrait sa responsabilité engagée alors que cette contestation serait opposée préalablement à l’audience d’orientation.

Toutefois la deuxième chambre civile ne semble pas séduite par cette analyse.

La demande de dommages et intérêts qui résulterait d’une faute de la banque ne peut donc être tranchée par le juge de l’exécution dès lors que cette demande n’est pas considérée par la haute juridiction comme constituant une contestation de la procédure de saisie immobilière et que le juge de l’exécution ne peut prononcer des condamnations autres que celles visées aux articles L. 121-2 N° Lexbase : L5805IRG et L.121-3 N° Lexbase : L5806IRH du Code des procédures civiles d’exécution.

II. L’office du JEX

A. Les attributions du juge de l’exécution

Le législateur a entendu doter le juge de l’exécution des plus larges pouvoirs par les dispositions de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

Celui-ci est en effet seul compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des difficultés et contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, et ce, même si elles portent sur le fond du droit.

Cette attribution relevait en réalité d’une impérieuse nécessité. Si le juge de l’exécution n’avait pas eu compétence pour connaître des contestations portant sur le fond du droit ; la plupart des procédures d’exécution s’en seraient trouvées totalement paralysées à par des contestations de débiteurs qui n’auraient pas manqué de solliciter nombre de sursis à statuer devant le juge de l’exécution dans l’attente que la difficulté soit tranchée par un juge du fond.

À retenir : le juge de l’exécution connaît également de la procédure de saisie immobilière et de celle de la distribution du prix.

L’unique limite posée au vaste pouvoir du juge de l’exécution par l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire concerne les contestations relevant de l’ordre administratif.

Les pouvoirs du juge de l’exécution sont donc particulièrement larges en sa qualité de juge du principal et sont encore accrus en matière de saisie immobilière.

En effet, par avis du 12 avril 2018 (Cass. avis, 12 avril 2018, n° 15008 N° Lexbase : A2017XLB), la deuxième chambre civile est venue préciser que la fixation du montant de la créance du poursuivant est revêtue de l’autorité de chose jugée au principal.

Le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière procèdera donc lors de l’audience d’orientation à la vérification de la conformité du montant de la créance aux énonciations du titre exécutoire et opérera cette vérification même en l’absence de contestations de ce chef en sa qualité de juge du principal (CPCEx., art. R. 121-14 N° Lexbase : L2158IT4).

Le principe de l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution qui impose une rigoureuse concentration des moyens lors de cette audience se trouve quelque peu nuancé par les pouvoirs de vérification du juge de l’exécution qui pourra donc relever d’office certaines difficultés que n’auraient pas soulevées les parties saisies.

L’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation n’est pas nouvelle et avait déjà été affirmée par arrêt de la Chambre commerciale du 13 septembre 2017 (Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-28.833, F-P+B N° Lexbase : A0870WSZ). Dans cette espèce, la Chambre commerciale avait retenu que l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation rendait irrecevable la contestation formée par le liquidateur judiciaire de la société débitrice sur le principe et le montant de la créance.

L’autorité de la chose jugée n’apparaît toutefois pas comme un principe extensif selon la deuxième chambre.

En effet, dans l’arrêt commenté, elle considère que c’est à tort que la cour d’appel a opposé l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation pour déclarer irrecevable la contestation de la débitrice pour manquement de la banque à ses obligations, alors que cette demande ne constituait pas une contestation de la saisie immobilière, l’autorité de chose jugée ne pouvait donc trouver application.

L’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation ne pourra donc être opposée dans une instance postérieure qu’à la condition expresse que le juge de l’exécution ait été compétent pour connaître de la contestation.

À défaut les dispositions de l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution ne peuvent s’appliquer.

B. Les limitations au pouvoir du juge de l’exécution

Le juge de l’exécution dispose donc d’attributions très larges confiées par le législateur.

La jurisprudence dresse régulièrement leurs limites.

Ainsi, bien que compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires, le juge de l’exécution est incompétent pour connaître de ces difficultés en l’absence de mesures conservatoires ou d’exécution. La Cour de cassation le rappelle régulièrement. (Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 19-25.156, F-P N° Lexbase : A66824MG).

Il est également indispensable de prendre en compte avec précision les demandes qui pourront lui être soumises dès lors que le juge de l’exécution dispose d’un pouvoir de condamnation limité par les articles L. 121-2 et L. 121-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi, le juge de l’exécution peut prononcer uniquement deux types de condamnation s’agissant de dommages et intérêts : celle du créancier en cas d’abus de saisie ou celle du débiteur dans l’hypothèse d’une résistance abusive de ce dernier.

Toutefois, il n’entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages et intérêts contre le créancier saisissant qui n’est pas fondée sur l’exécution ou l’inexécution dommageable de la mesure.

C’est précisément l’apport de l’arrêt commenté.

Le créancier bancaire qui a procédé à la vente des biens de son débiteur n’est donc pas à l’abri et peut encore voir sa responsabilité engagée à l’issue d’une procédure de saisie immobilière…

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Voies d'exécution

[Brèves] Saisie-attribution postérieure à une saisie des rémunérations : quid de la charge de la preuve des prélèvements ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 octobre 2022, n° 21-16.047, F-D N° Lexbase : A50718QU

Lecture: 2 min

N3308BZK

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 16 Novembre 2022

La Haute juridiction énonce que lorsque les créanciers bénéficient d’un titre constatant une créance certaine, liquide et exigible, il appartient au débiteur de rapporter la preuve qu’il est libéré, pour tout ou partie, de son obligation, et le cas échéant à la cour d’appel d’imputer les prélèvements relatifs à une saisie des rémunérations non inclus dans le décompte dressé par un huissier de justice.

Faits et procédure. Dans cette affaire, sur le fondement d’une ordonnance de référés et à la suite d’une saisie des rémunérations, les créanciers ont fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de leur débiteur pour obtenir le paiement du solde de leur créance. Ce dernier a contesté cette saisie devant le juge de l’exécution. Par jugement, la saisie a été déclarée nulle et la mainlevée a été ordonnée.

Le pourvoi. Les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Nancy, 18 janvier 2021, n° 19/03313 N° Lexbase : A87344CH), d’avoir déclaré nulle la saisie-attribution et d’avoir ordonné en conséquence sa mainlevée. Les intéressés font valoir la violation de l’article 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK. En l’espèce, la cour d’appel a retenu que la mesure d’exécution était entachée d’incertitude, dès lors, que les pièces versées aux débats par les appelants ne permettaient pas d’établir que la créance n’avait pas été soldée, et que le décompte de l’huissier ne comportait pas l’ensemble des prélèvements relatifs à la saisie des rémunérations.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa l'article 1315 devenu l’article 1353 du Code civil, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nancy. Les Hauts magistrats relèvent qu’il appartenait au débiteur de prouver qu'il était libéré de son obligation par l'effet des versements qu'il aurait effectués et des prélèvements qui avaient été effectués sur ses salaires.

Pour aller plus loin : 

  • v. É. Vergès, ÉTUDE : La preuve civile, La charge de la preuve, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E9331B4D ;
  • v. ÉTUDE : La saisie-attribution, in Voies d’exécution, (dir. N. Fricéro et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E8427E8M.

 

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