Le Quotidien du 18 novembre 2022

Le Quotidien

Actes administratifs

[Brèves] Délégation de plein droit aux chefs de service pour signer au nom et sous l'autorité du Premier ministre lorsqu'il exerce les attributions d'un ministre empêché par un conflit d'intérêts

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 9 novembre 2022, n° 465784, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A28838SL

Lecture: 2 min

N3310BZM

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par Yann Le Foll

Le 24 Novembre 2022

► Lorsque le Premier ministre exerce les attributions d'un ministre empêché par une situation de conflit d'intérêts, les agents mentionnés à l'article 1er du décret n° 2005-850, du 27 juillet 2005 N° Lexbase : L0585HBB peuvent signer en son nom et sous son autorité, dans le cadre de la délégation de plein droit prévue par cet article, les actes relatifs aux affaires des services dont ils ont la charge.

Faits. Par une décision du 31 mai 2022, le garde des Sceaux a prolongé le maintien à l'isolement d’un détenu au centre pénitentiaire Sud Francilien, jusqu'au 27 août 2022.

Par une décision du 16 juin 2022, la Première ministre a pris une décision se substituant à la décision initiale du garde des Sceaux, signée, par délégation, par la cheffe du service des métiers de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la Justice.

La Première ministre se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 juin 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a prononcé la suspension de cette décision au motif qu'en l'absence de délégation de signature de la Première ministre à la cheffe du service des métiers de la direction de l'administration pénitentiaire, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision du 16 juin 2022 était propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité .

Décision. Appliquant le principe précité, la Haute juridiction énonce que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle a estimé qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cette décision en l'absence d'une délégation de signature expressément consentie par la Première ministre.

 

newsid:483310

Autorité parentale

[Brèves] Résidence de l’enfant au domicile d’un seul parent (en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale) : octroi à l’autre parent d’un DV simple (sans hébergement), sans constatation de « motifs graves »

Réf. : Cass. civ. 1, 16 novembre 2022, n° 21-11.528, F-B N° Lexbase : A29068TS

Lecture: 4 min

N3325BZ8

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par Laure Florent

Le 22 Novembre 2022

► Il résulte de l'article 373-2-9, alinéa 3, du Code civil que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement, sans être tenu de constater des motifs graves, dès lors qu’il ne refuse pas au parent tout droit de visite.

Contexte législatif et jurisprudentiel. L’article 373-2-1 du Code civil N° Lexbase : L7190IMA prévoit que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents. L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves.

L’article 373-2-9 du Code civil N° Lexbase : L0239K7Y, s’il dispose que dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite du parent au domicile duquel l’enfant n’a pas sa résidence habituelle, ne prévoit pas l’exclusion de ce droit de visite en cas de motifs graves.

La Cour de cassation semble toutefois avoir pallié le vide législatif en étendant l’exigence, pour le juge, de constater l’existence de « motifs graves » pour supprimer le droit de visite dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale (cf. notamment, Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-16.368, F-D N° Lexbase : A71143P8, énonçant, au visa de l’article 373-2-1 du Code civil, que « le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant »).

Arrêt du 16 novembre 2022. C’est dans ce contexte que la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 novembre 2022, a retenu la solution précitée en introduction, dont il ressort que le fait, pour le juge, de fixer un droit de visite sans hébergement ne constitue pas une suppression du droit de visite, mais seulement une modalité qui le réduit (comme d’ailleurs le droit de visite médiatisé prévu par l'article 373-2-9 précité), ce qui dispense le juge de l’obligation de faire état de « motifs graves ».

Faits et procédure. À la suite de la séparation d’un couple, le juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l’enfant au domicile de sa mère, et accordé au père un droit de visite.

Ce dernier estimait pourtant que le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne pouvait se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Rejet. La Haute juridiction confirme le raisonnement de la cour d’appel (CA Rennes, 8 décembre 2020, n° 19/05827), et énonce qu’il résulte de l'article 373-9, alinéa 3, du Code civil (ndlr : 373-2-9 du Code civil) que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement. Elle n’était pas tenue, pour cela, de constater des motifs graves, dès lors qu’elle ne refusait pas au père tout droit de visite.

En l’espèce, la cour d'appel avait retenu que le père ne rapportait pas la preuve d'avoir été empêché d'exercer son droit de visite et d'hébergement et ne prétendait d'ailleurs pas même avoir tenté de le faire. L’enfant avait expliqué ne plus vouloir rencontrer son père dans la mesure où des visites récentes, exercées après plusieurs années sans rencontre, se seraient mal passées. Les juges avaient considéré que les modalités d'un droit de visite simple étaient adaptées à une reprise de contact en l'état d'une longue interruption des séjours de l’enfant auprès de son père.

Il apparaît ainsi que, si le juge n’est pas tenu de faire état de « motifs graves » lorsqu’il réduit le droit de visite, en excluant l’hébergement, il reste tenu à une motivation spéciale de sa décision, à l’instar de la cour d’appel au cas d’espèce.

newsid:483325

Contrats administratifs

[Brèves] Possibilité pour un EPS de conclure avec une personne sollicitant de l'ARS une autorisation d'installation d'équipements matériels lourds une transaction relative à son édiction

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 7 novembre 2022, n° 454495, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A01298SL

Lecture: 2 min

N3297BZ7

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par Yann Le Foll

Le 17 Novembre 2022

► Un établissement public de santé peut conclure avec une personne sollicitant de l'Agence régionale de santé (ARS) une autorisation d'installation d'équipements matériels lourds une transaction relative à son édiction.

Rappel. L'administration peut, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public (CE, 9°-10° ch. réunies, 26 octobre 2018, n° 421292, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4319YIS).

Rappel (bis). Elle peut aussi conclure une transaction afin de mettre fin à l'ensemble des litiges nés ou qui pourraient naître d'une décision admettant un fonctionnaire hospitalier à la retraite pour invalidité non imputable au service (CE, 5°-6° ch. réunies, 5 juin 2019, n° 412732, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4275ZDP).

Principe. Aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux autorisations délivrées par les ARS en matière d'installation d'équipements matériels lourds en vertu de l'article L. 6122-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L6893IGE, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l'administration conclue avec une personne ayant sollicité une telle autorisation, une transaction par laquelle les parties conviennent de mettre fin à l'ensemble des litiges nés de l'édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu'elle pourrait faire naître, incluant la demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Application. Une telle transaction peut intervenir entre un établissement public de santé ayant sollicité une autorisation en matière d'installation d'équipements matériels lourds et une personne ayant formulé une demande concurrente. Dans une telle hypothèse, la transaction peut être conclue durant l'instruction par l'ARS des candidatures à cette autorisation en vue de prévenir toute contestation à naître entre les candidats sur la décision octroyant l'autorisation (validation CAA Douai, 11 mai 2021, n° 19DA01945 N° Lexbase : A87264RM).

newsid:483297

Copropriété

[Brèves] Mise à la charge du copropriétaire des frais de recouvrement des charges dont il est débiteur : ne pas confondre avec les dépens !

Réf. : Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, n° 21-20.516, F-D N° Lexbase : A97038S8

Lecture: 2 min

N3313BZQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 17 Novembre 2022

► Les frais mentionnés à l'article 10-1, a), de la loi du 10 juillet 1965, qui comprennent les frais de mise en demeure, ne constituent pas des dépens.

En l’espèce, un syndicat des copropriétaires avait assigné un copropriétaire en paiement de charges et de provisions échues devenues exigibles.

L'arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble avait condamné le copropriétaire aux dépens de l'instance d'appel, comprenant les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019, et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, distraits au profit de son avocat.

L’arrêt est censuré par la Cour suprême qui rappelle les textes.

Aux termes de l’article 10-1, a), de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5204A37, « par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ».

Selon l’article 695 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6819LEB, « les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution sont limitativement énumérés ».

La Haute juridiction en déduit que les frais mentionnés à l'article 10-1, a), de la loi du 10 juillet 1965, qui comprennent les frais de mise en demeure, ne constituent pas des dépens.

Statuant au fond, la Cour régulatrice juge que les frais mentionnés à l'article 10-1, a), de la loi du 10 juillet 1965 n'étant pas compris dans les dépens, il y a lieu de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de condamnation du copropriétaire en cause aux dépens en ce qu'ils incluaient de tels frais, et de condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les charges de copropriété, spéc. La charge des dépenses exposées par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement des charges de copropriété, in Droit de la copropriété, (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E8151ET3.

 

newsid:483313

Droit des biens

[Brèves] De l’acquisition par prescription à l’encontre des coïndivisaires ?

Réf. : Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, n° 21-16.449, F-D N° Lexbase : A96888SM

Lecture: 3 min

N3315BZS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 17 Novembre 2022

► Les actes de possession accomplis par un indivisaire étant, en principe, équivoques à l'égard des coïndivisaires, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'un propriétaire indivis ne pouvait prescrire à l'encontre des coïndivisaires qu'en démontrant l'intention de se comporter en propriétaire exclusif du bien indivis par l'accomplissement d'actes incompatibles avec sa seule qualité d'indivisaire ;
► l'édification de constructions, la conclusion de baux ou encore l'exploitation commerciale des terres ne suffisaient pas à caractériser le comportement d'un propriétaire exclusif.

En l’espèce, pour s'opposer au partage judiciaire de terres situées en Polynésie, des coïndivisaires avaient revendiqué, sur le fondement de la prescription acquisitive, la propriété exclusive de ces biens. Ils faisaient grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Papeete (CA Papeete, 19 novembre 2020, n° 12/00554 N° Lexbase : A357137E).

Parmi les arguments avancés par les demandeurs au pourvoi, il était notamment soutenu :

  • qu'un ou plusieurs indivisaires peuvent acquérir par prescription un immeuble indivis, dès lors qu'ils accomplissent sur celui-ci des actes de possession démontrant leur intention de se comporter en propriétaires exclusifs ; qu'en se bornant à énoncer par adoption des motifs du jugement que contrairement à ce qu’ils soutenaient, la construction de maisons, la passation de baux, l'exploitation commerciale d'une cocoteraie ou d'une ferme perlière ne caractérisent pas le comportement d'un propriétaire exclusif, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'occupation et l'exploitation commerciale à titre privatif et exclusif de la totalité de la parcelle litigieuse par les intéressés, qui avaient édifié sur cette parcelle, une citerne, une pension de famille, plusieurs maisons d'habitation qu'ils occupaient ou qu'ils donnaient à bail en conservant les loyers, qui avaient mis en place une plantation de cocotiers et une ferme perlière qu'ils exploitaient en conservant la totalité des revenus, ne constituaient pas des actes de possession de nature à démontrer leur volonté de se comporter en propriétaires exclusifs, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard de l'article 2229 du Code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française ;
  • que la possession est équivoque lorsque les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire, l'équivoque supposant le doute dans l'esprit des tiers et non dans celui du possesseur.

En vain. Le pourvoi est rejeté par la Cour suprême qui retient la solution précitée. On relèvera que ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur cette question de la prescription acquisitive dans le cadre d’une indivision.

Et il ressort de la jurisprudence que l’acquisition par prescription n’est pas exclue, par principe, s’agissant d’un indivisaire (Cass. civ. 3, 12 octobre 1976, n° 75-10.220, publié au bulletin N° Lexbase : A2072CH9, jugeant que la qualité d’indivisaire n'exclut pas en elle-même « une possession animo domini »). La Cour de cassation a alors été amenée à préciser, comme il est rappelé dans le présent arrêt, que « le caractère exclusif de la possession d'un propriétaire indivis ne peut être établi que par l'existence d'actes incompatibles avec cette seule qualité » (Cass. civ. 3, 27 novembre 1985, n° 84-15.259, publié au bulletin N° Lexbase : A0786AHL).

Toujours est-il qu’il n’existe pas, à notre connaissance, d’exemples jurisprudentiels, positifs, de faits de possession ayant permis à un indivisaire de faire jouer la prescription acquisitive (v. Cass. civ. 1, 27 octobre 1993, n° 91-13.286, publié au bulletin N° Lexbase : A2460CKC : absence de « preuve d'actes manifestant à l'encontre de ses cohéritiers leur intention de se comporter en propriétaire exclusif »).

newsid:483315

Procédure pénale

[Jurisprudence] Perquisition en dehors des heures légales : validité sous conditions de l’autorisation du magistrat donnée deux mois avant l’acte

Réf. : Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 21-87.295, F-B N° Lexbase : A11048T3

Lecture: 5 min

N3326BZ9

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par Helena Viana

Le 01 Décembre 2022

► En matière de criminalité organisée, l’autorisation du magistrat de procéder à la perquisition en dehors des heures légales peut être délivrée deux mois avant ladite perquisition, dès lors que les enquêteurs en avisent le magistrat instructeur lorsque la perquisition est réalisée ou que celui-ci a donné son accord verbal au moment de la perquisition. Afin d’assurer un contrôle réel et effectif du magistrat, il importe en effet que la condition d’urgence persiste au moment de la perquisition au regard des éléments de fait et de droit énoncés dans l’ordonnance délivrée en avance.

Faits et procédure. Une information judiciaire a été ouverte des chefs d’importation de stupéfiants et infractions à la législation sur les stupéfiants. Sur le fondement des articles 706-91 N° Lexbase : L4851K88 et 706-92 N° Lexbase : L0577LTK du Code de procédure pénale, le juge d’instruction a rendu le 13 septembre 2021 une ordonnance motivée par les interpellations à venir et par le risque de dépérissement des preuves pour autoriser une perquisition nocturne sur le mis en cause. Ladite perquisition a été effectivement réalisée le 13 décembre 2021. Par la suite, le principal intéressé a formé une requête en nullité de la perquisition au motif que l’urgence devait être caractérisée au moment de la perquisition, et que, de fait, l’autorisation du magistrat ne pouvait être donnée en avance, deux mois au préalable.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a rejeté la requête en nullité formulée par l’intéressé au motif que la perquisition litigieuse trouvait son fondement dans l’autorisation délivrée par le juge deux mois plus tôt et était dès lors régulière. Elle justifiait l’urgence par les recherches infructueuses menées pour retrouver le mis en cause et sa fuite avant l’arrivée des enquêteurs.

Décision. Au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme N° Lexbase : L4798AQR, 706-91 et 706-92 du Code de procédure pénale la Chambre criminelle casse l’arrêt.

Elle commence par rappeler sa jurisprudence en matière de perquisition nocturne applicable pour la criminalité organisée. Pour ce faire, elle souligne l’exigence d’un « contrôle réel et effectif » de la mesure, lequel n’est assuré que lorsque le magistrat instructeur a rendu une ordonnance écrite et motivée justifiant, par des motifs propres, le recours à la perquisition en dehors des heures légales de droit commun (Cass. crim., 8 juillet 2015, n°15-81.731, FS-P+B+I N° Lexbase : A6246NMB). Le défaut de motifs propres à justifier une telle atteinte à la vie privée causant nécessairement grief à la personne intéressée, la Cour de cassation avait, à juste titre, déduit que l'autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l'acte, de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée était nulle (Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 21-87.452, F-B N° Lexbase : A99668HL).

Ces principes rappelés, la Haute juridiction en déduit que le magistrat instructeur peut autoriser ces perquisitions dérogatoires avant même que la date des interpellations ne soit fixée au regard de la situation d’urgence que celles-ci impliquent et du risque de dépérissement des preuves qui en résulterait. Néanmoins, elle pose une condition à cette antériorité : celle de « la persistance de cette urgence au regard des éléments de fait et de droits énoncés dans ladite ordonnance, avant que ces perquisitions ne soient réalisées ».

En pratique, cela signifie, comme le souligne la Cour, que les enquêteurs disposant d’une autorisation à l’avance d’une perquisition nocturne, doivent s’assurer auprès du juge d’instruction, au besoin oralement, que les éléments qui ont justifié le rendu de son ordonnance persistent au moment où ils s’apprêtent à effectuer la perquisition. Et de surcroît, la Cour précise qu’ils doivent en faire état dans la procédure.

Or, en l’espèce, la Chambre criminelle reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié que les enquêteurs avaient avisé le magistrat, ni que celui-ci ait donné son accord pour effectuer la perquisition litigieuse.

La solution peut sembler être en contradiction avec celle qu’elle a rendue le 13 septembre dernier en validant cette fois-ci l’autorisation verbale donnée par le juge d’instruction. Mais la chronologie n’est pas identique : dans les faits qui nous intéressent aujourd’hui, l’autorisation écrite avait déjà été donnée avant l’autorisation verbale et la perquisition, alors que dans les faits du 13 septembre l’autorisation verbale avait précédé l’autorisation écrite, laquelle est elle-même intervenue postérieurement à la perquisition litigieuse.

Pour autant on peut utilement interroger une pratique à venir consistant, pour le juge d’instruction, à rendre une ordonnance d’autorisation en début de procédure. Les officiers de police judiciaire n’auront qu’à l’informer du moment de la perquisition, lorsqu’ils la jugent opportune, faisant ainsi fi du contrôle réel et effectif du magistrat exigé. Il aurait été souhaitable que la Cour déclare le simple avis magistrat insuffisant et impose a minima un accord verbal de celui-ci.

Pour aller plus loin :

  • J.-B. Perrier, ÉTUDE : La procédure dérogatoire applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes, Les perquisitions, in Procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E5151ZQT ;
  • H. Viana, Perquisition en dehors des heures légales : l’autorisation verbale donnée par le magistrat instructeur est nulle et ne peut être régularisée postérieurement, Lexbase Pénal, septembre 2022, n° 52 N° Lexbase : N2597BZ9.

newsid:483326

Représentation du personnel

[Brèves] Périmètre de désignation de délégué syndical et mise en place conventionnelle du CSE

Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2022, n° 21-20.525, FS-B N° Lexbase : A13048S4

Lecture: 5 min

N3269BZ4

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par Lisa Poinsot

Le 17 Novembre 2022

► La désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; 

Ni un accord collectif de droit commun ni l'accord d'entreprise prévoyant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement.

Telle sont les solutions retenues par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2022.

Faits et procédure. Le 5 juillet 2019, une association conclut un accord collectif d’entreprise avec plusieurs syndicats. Cet accord prévoit :

  • la mise en place d’un CSE unique au niveau de l’association constituant un établissement unique pour l’ensemble des implantations géographiques ;
  • le nombre de délégués syndicaux pouvant légalement être désignés dans ce périmètre et la possibilité de désigner, en sus, des délégués syndicaux de proximité dans les différents sites de l’association.

L’élection des membres de la délégation du personnel au CSE se déroule en novembre 2019.

Un nouvel accord est signé le 22 décembre 2020. Il reconnaît notamment l’existence d’une unité économique et sociale (UES) entre trois entités et fixe le périmètre de mise en place du CSE unique au niveau de cette unité. En outre, il prévoit le nombre de délégués syndicaux pouvant être désignés dans ce périmètre. Les mandats syndicaux sont maintenus jusqu’aux élections du nouveau CSE, soit le 31 juillet 2021. Dès lors, il n’y a pas de CSE d’établissement.

Un syndicat décide de désigner un délégué syndical au niveau d’un site de l’UES.

Le tribunal judiciaire est saisi par requête afin d’obtenir l’annulation de cette désignation.

Ce dernier constate, en premier lieu, la désignation d’un délégué syndical sur un site de l’UES depuis 2017. Il relève que jusqu’à l’organisation des prochaines élections en juillet 2021, la reconnaissance de cette UES, à compter du 1er janvier 2021, impose uniquement aux syndicats ayant préalablement désigné des délégués syndicaux de préciser le nouveau périmètre de ces désignations en tenant compte des désignations intervenues. Le tribunal en déduit que la désignation du même salarié en qualité de délégué syndicat sur le même site est précise.

En second lieu, le tribunal retient que la désignation du délégué syndical sur le site en 2017 n’a jamais été contestée par l’employeur. Cette antériorité prive l’employeur de la possibilité de remettre en cause la qualité du site de l’UES comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf s’il prouve que la réorganisation de l’entreprise a pour effet de modifier la communauté de travail de ce site, ce qu’aucune des pièces versées au débat ne permet de prouver. Le tribunal considère enfin que le site de l’UES a été retenu par l’accord du 22 décembre 2020 comme l’un des dix périmètres de désignation des représentants de proximité.

En conséquence, le tribunal juge la désignation du délégué syndical valable en ce qu’elle est faite au niveau d’un établissement distinct du périmètre de mise en place du CSE.

Est ainsi posée à la Cour de cassation la question suivante : un accord collectif d’entreprise peut-il faire obstacle à la désignation d’un délégué syndical dans un établissement distinct, alors que ce dernier n’a pas été qualifié comme tel pour la mise en place du CSE ?

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation répond par la négative à cette question en cassant et en annulant la décision du tribunal judiciaire. Elle considère que les dispositions de l’article L. 2143-3, alinéa 3 du Code du travail N° Lexbase : L1436LKE, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.

La Cour de cassation exprime clairement qu’il appartient au syndicat, se prévalant de la persistance du caractère distinct de l’établissement au sein duquel elle désigne un délégué syndical est conforme à la définition prévue par accord collectif.

Pour aller plus loin : il est de jurisprudence constante qu’au regard de l’article L. 2143-3 du Code du travail N° Lexbase : L1436LKE, un accord fixant un même périmètre de désignation des délégués syndicaux et des élections au comité social et économique « ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement » (Cass. soc., 31 mai 2016, n° 15-21.175, FS-P+B N° Lexbase : A8521RRZ ; Cass. soc., 9 juin 2021, n° 20-14.171, F-D N° Lexbase : A92334UI ; Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-15.870, F-D N° Lexbase : A049248Q ; Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-60.257, F-D N° Lexbase : A79957ET ; Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-16.725, F-D N° Lexbase : A83037HY ;  Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, FP-B+R N° Lexbase : A10487PI ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, FP-B+R N° Lexbase : A10607PX ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, FP-B N° Lexbase : A10467PG).

 

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Sociétés

[Brèves] Action sociale et conflit d’intérêts : rappel de l’obligation pour le juge de désigner un mandataire ad hoc

Réf. : Cass. com., 9 novembre 2022, n° 20-19.077, F-B N° Lexbase : A12908SL

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par Perrine Cathalo

Le 17 Novembre 2022

► L’action sociale exercée par un associé n’est recevable que si la société est régulièrement représentée dans l’instance ; lorsqu’il existe un conflit d’intérêts entre la société et son représentant légal, la société ne peut être régulièrement représentée que par un mandataire ad hoc, qu’il appartient au juge de désigner à la demande de l’associé ou du représentant légal ou, le cas échéant, d’office.

Faits et procédure. Une SARL a été constituée le 5 mai 2014 entre trois associés, dont l’un d’entre eux est également son représentant légal. Cette société a pour objet social l’exploitation d’un café, bar, brasserie ainsi que toutes opérations immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à cette exploitation.

Le 17 juillet 2014, elle a, pour exercer son activité, conclu un bail commercial portant sur un local à usage commercial. Le 14 mars 2017, une SCI, constituée entre un associé de la SARL et son représentant légal, a acquis l’immeuble comprenant le local à usage commercial loué par la SARL pour exercer son activité.

Par acte du 1er septembre 2017, un associé de la SARL a assigné la société aux fins de voir condamner son représentant légal à payer des sommes de réparation de son préjudice et de celui subi par celle-ci. Ce dernier a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que la SARL n’était pas valablement représentée, faute de désignation d’un mandataire ad hoc.

Par décision du 11 juin 2020, la cour d’appel de Douai (CA Douai, 11 juin 2020, n° 18/04875 N° Lexbase : A36543NN) a écarté la fin de non-recevoir, jugé que l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constituait pas une condition de recevabilité de l'action et condamné le représentant légal de la SARL à payer à la société une somme à titre de dommages et intérêts, aux motifs qu’il s’était rendu coupable de réticence dolosive et avait manqué à son obligation de loyauté à l’égard de la SARL.

C’est dans ces conditions que le gérant de la SARL a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. Par arrêt du 9 novembre 2022, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article R. 223-32 du Code de commerce N° Lexbase : L0128HZR, selon lequel lorsque l’action sociale est intentée par un associé, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants légaux, étant précisé que le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l’instance lorsqu’il existe un conflit d’intérêts entre celle-ci et ses représentants légaux.

Or, en l’espèce, les juges de la Cour de cassation relèvent qu’il existait un conflit d’intérêts tel entre la SARL, prétendument victime des agissements de son représentant légal, et ce dernier, que la cour d’appel était dans l’obligation de désigner un mandataire ad hoc pour que la SARL soit régulièrement représentée et ce, peu important qu’elle n’ait pas été saisie d’une demande en ce sens.

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