Jurisprudence : Cass. civ. 2, 20-10-2022, n° 21-11.783, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 20-10-2022, n° 21-11.783, F-B, Cassation

A52308QR

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Cass. civ. 2, 20-10-2022, n° 21-11.783, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89200562-cass-civ-2-20102022-n-2111783-fb-cassation
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Abstract

Il résulte de la combinaison des articles 1355 du code civil, L. 213-6, alinéas 1, 3 et 4, du code de l'organisation judiciaire (COJ) et R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution que la demande formée par le débiteur à l'encontre du créancier poursuivant devant un juge du fond après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ne peut être déclarée irrecevable par application de la règle énoncée à l'article R. 311-5 du même code ou de l'autorité de la chose jugée du jugement d'orientation que si le juge de l'exécution, précédemment saisi de la procédure de saisie immobilière, était compétent pour en connaître


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2022


Cassation


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 1085 F-B

Pourvoi n° S 21-11.783


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022


Mme [R] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-11.783 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [P], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 décembre 2020), M. [W] et Mme [P] ont souscrit plusieurs prêts notariés, destinés à financer l'acquisition de biens immobiliers, auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes (la banque), qui a engagé des poursuites de saisie immobilière ayant abouti à la vente de l'ensemble des biens saisis, à l'exception de trois lots, sans que leur prix ne couvre le solde des prêts.

2. Mme [P] a assigné la banque en responsabilité pour manquement à ses obligations d'information et de mise en garde à l'occasion de la souscription des prêts.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en réparation des manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des prêts immobiliers, alors :

« 1°/ que le juge de l'exécution ne peut prononcer de condamnation à paiement en dehors des cas prévus par la loi ; que faute de constituer une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution, mais du juge de droit commun ; qu'en déclarant l'action de Madame [P] en réparation des dommages causés par les manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des 16 contrats de prêts immobiliers irrecevable pour être une contestation qui aurait dû être soulevée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que ne constitue pas une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ; que, dès lors, le jugement d'orientation qui fixe la créance du créancier au regard de son titre exécutoire et l'action en réparation du dommage causé par ce créancier dans l'exécution de ses obligations de mise en garde et de conseil ne sont pas fondées sur la même cause et n'ont pas le même objet, à supposer même que les demandes soient formées par les parties en la même qualité ; qu'en invoquant l'autorité de chose jugée du jugement d'orientation pour déclarer irrecevable l'action de Madame [P] en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations lors de la conclusion des contrats de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil🏛, ensemble l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil🏛, L. 213-6, alinéas 1, 3 et 4, du code de l'organisation judiciaire🏛 et R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :

4. Aux termes du premier de ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

5. Aux termes du troisième, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

6. Selon le deuxième, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la demande formée par le débiteur à l'encontre du créancier poursuivant devant un juge du fond, après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution🏛, ne peut être déclarée irrecevable par application de la règle énoncée à l'article R. 311-5 du même code🏛 ou de l'autorité de la chose jugée du jugement d'orientation, que si le juge de l'exécution, précédemment saisi de la procédure de saisie immobilière, était compétent pour en connaître.

8. Or, si ce dernier est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure.

9. Pour déclarer irrecevable l'action de Mme [P], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la banque a fait délivrer plusieurs commandements aux fins de saisie des biens immobiliers alors détenus par M. [W] et Mme [P] et objets des prêts, de sorte que cette dernière a dû comparaître devant le juge de l'exécution, que les dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 énoncent que le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître des contestations susceptibles de s'élever à l'occasion de la procédure de saisie immobilière, y compris s'agissant de demandes portant sur le fond du droit, l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution🏛 prévoyant qu'à peine d'irrecevabilité, aucune contestation ne peut être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du même code, et que les moyens soulevés par Mme [P] dans la présente procédure intéressaient directement les mesures d'exécution forcée qui étaient alors en jeu, puisque les manquements reprochés à l'établissement bancaire pouvaient, à les supposer caractérisés, faire obstacle à la vente des immeubles. Il en déduit qu'ils devaient être évoqués devant le juge de l'exécution.

10. Il retient, par motifs propres, que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation rend irrecevables les contestations sur le fond du droit formées postérieurement à l'audience d'orientation.

11. En statuant ainsi, alors que le juge de l'exécution ne pouvait connaître de la demande tendant à la condamnation de la banque pour manquement à son devoir d'information et de mise en garde lors de la souscription des prêts ayant servi de fondement aux poursuites de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de Madame [P] en réparation des manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des prêts immobiliers ;

1°) ALORS QUE le juge de l'exécution ne peut prononcer de condamnation à paiement en dehors des cas prévus par la loi ; que faute de constituer une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution, mais du juge de droit commun ; qu'en déclarant l'action de Madame [P] en réparation des dommages causés par les manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des 16 contrats de prêts immobiliers irrecevable pour être une contestation qui aurait dû être soulevée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 ;

2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que ne constitue pas une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ; que, dès lors, le jugement d'orientation qui fixe la créance du créancier au regard de son titre exécutoire et l'action en réparation du dommage causé par ce créancier dans l'exécution de ses obligations de mise en garde et de conseil ne sont pas fondées sur la même cause et n'ont pas le même objet, à supposer même que les demandes soient formées par les parties en la même qualité ; qu'en invoquant l'autorité de chose jugée du jugement d'orientation pour déclarer irrecevable l'action de Madame [P] en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations lors de la conclusion des contrats de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil🏛, ensemble l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution🏛.

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