Le Quotidien du 8 juin 2021

Le Quotidien

Aide juridictionnelle

[Brèves] L’avocat désigné qui n’a pu bénéficier de l’AJ a-t-il le droit de solliciter des honoraires ?

Réf. : CA Versailles, 12 mai 2021, n° 18/08335 (N° Lexbase : A76424RH)

Lecture: 3 min

N7547BY8

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par Marie Le Guerroué

Le 07 Juin 2021

► Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut se voir réclamer des honoraires, et ce, même si l’avocat désigné n’a pu obtenir de rémunération à ce titre.

Procédure. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine avait fixé les honoraires dus par une cliente à son avocate. Devant la cour d’appel de Versailles, la cliente demande l'infirmation de l'ordonnance du Bâtonnier. L’avocate souligne qu'elle avait été désignée en 2014 au titre de l'aide juridictionnelle dans le dossier, mais que le changement d'avocat intervenu en 2017 ne s'était pas fait avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle, que son successeur n'avait informé ni le Bâtonnier ni le bureau d'aide juridictionnelle de son intervention, qu'il apparaissait comme un avocat choisi et rémunéré par la cliente, et non comme un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, que dans ce cas elle ne pourrait elle-même percevoir la rémunération due au titre de l'aide juridictionnelle.

Réponse de la cour. La cour relève, dans un premier temps, que l’avocate a été désignée au titre de l'aide juridictionnelle pour assurer la défense des intérêts de la cliente dans le cadre d'une procédure de divorce. Il est constant et non contesté que l’avocate a effectué les diligences nécessaires à la mise en œuvre de la procédure, de la requête en divorce jusqu'aux conclusions récapitulatives. La difficulté rencontrée par l’avocate provient du fait qu'elle n'a pas pu obtenir de rémunération au titre de l'aide juridictionnelle. Les éléments du dossier démontrent qu'elle n'a pas pu avoir de renseignements auprès du confrère qui lui a succédé, et partager avec lui la rémunération au titre de l'aide juridictionnelle. La cour souligne que cette situation est certes embarrassante pour l’avocate, mais rien ne permet d'établir que la cliente a choisi son second conseil, et qu'elle aurait les moyens de régler ses honoraires.

Indépendamment de cette difficulté, la question qui se pose, dans un second temps, est de savoir si l’avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, a le droit de solliciter des honoraires à la cliente. L'article 32 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L6343AGZ) dispose que la contribution due au titre de l'aide juridictionnelle totale à l'auxiliaire de justice est exclusive de toute autre rémunération, sous réserve des dispositions de l'article 36. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. L'article 36 de cette loi prévoit la possibilité pour l'avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle de demander des honoraires à son client en cas de retrait de cette aide.

Il résulte de ces textes que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut se voir réclamer des honoraires, sauf en cas de retrait de cette aide.

En l'espèce, la cliente ne s'est pas vue retirer l'aide juridictionnelle, et elle n'a pas les moyens de régler la rémunération de son avocat.

Infirmation. La cour estime par conséquent qu’il convient d'infirmer la décision déférée, et de débouter l’avocate de sa demande de taxe.

 

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La succession d'avocats dans un même dossier, Le règlement des honoraires de l'avocat dessaisiin La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E39553RW).

 

newsid:477547

Baux commerciaux

[Brèves] Vente de l’immeuble donné à bail dans le cadre d’un plan de cession : droit de préemption du locataire versus interdiction d’acquérir visant certaines personnes

Réf. : CA Rouen, 15 avril 2021, n° 20/03132 (N° Lexbase : A47854PW)

Lecture: 2 min

N7731BYY

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par Vincent Téchené

Le 07 Juin 2021

► Le droit de préemption du locataire, prévu par l'article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y), constitue un droit général auquel déroge l'article L. 642-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L8857IND), texte spécial qui doit recevoir application.

Faits et procédure. Après le prononcé de la liquidation judiciaire d’une SCI, le liquidateur a recherché un acquéreur pour réaliser l’actif. Le liquidateur a alors saisi le juge-commissaire pour être autorisé à signer un compromis de vente du bien immobilier appartenant à la SCI au prix de 121 000 euros. Le juge-commissaire a fait droit à la requête et la promesse a été signée. Le notaire rédacteur a initié la procédure visant à purger le droit de préemption de la locataire une SARL dont la gérante de la SCI débitrice était également gérante. Cette dernière a alors notifié son intention de préempter.
C’est dans ces conditions que le juge-commissaire a notamment dit que la SARL, personne interposée au sens de l'article L. 642-3 du Code de commerce, ne peut exercer son droit de préemption sur l'immeuble appartenant à la SCI et rejeté la demande tendant à faire jouer ce droit de préemption.

Décision. La cour d’appel de Rouen rappelle d’abord qu’en vertu de l'article L. 642-3 du Code de commerce, les offres de reprises, dans le cas de cession d'un actif, ne peuvent être présentées ni par le débiteur, ni par les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, directement ou par personne interposée. Le tribunal peut déroger à cette interdiction par jugement spécialement motivé, mais seulement sur la requête du ministère public.
Or, selon la cour d’appel, le droit de préemption du locataire, prévu par l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, constitue un droit général auquel déroge l'article L. 642-3 du Code de commerce, texte spécial qui doit recevoir application.

En l'espèce, l'intervention de la SARL, preneuse à bail, ne peut avoir pour effet de lever la prohibition de l'article L. 642-3, puisqu'elle s'analyse en une simple interposition de personne. En outre, le ministère public n'a pas demandé de dérogation par voie de requête pour la SARL et s'est même opposé à cette demande. Dès lors, la demande tendant à faire jouer ce droit de préemption est rejetée.

Pour en savoir plus :

  • v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, L'exercice du droit de préférence du locataire en cas de vente d'un local commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E4285E7T) ;
  • v. ÉTUDE : L’élaboration et l’arrêté du plan de cession, L'auteur de l'offre de reprise : un tiers, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3054EUN).

 

newsid:477731

Marchés publics

[Questions à...] Pratiques anticoncurrentielles dans les marchés publics, comment évaluer le préjudice subi par le pouvoir adjudicateur ? - Questions à Gilles Le Chatelier, Avocat associé, cabinet Adaltys

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 avril 2021, n° 440348, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A41254QT)

Lecture: 11 min

N7803BYN

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Le 09 Juin 2021


Mots clés : commande publique • concurrence • préjudice • évaluation

Dans un arrêt rendu le 27 avril 2021, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que, pour évaluer l'ampleur du préjudice subi par une personne publique au titre du surcoût lié à une entente, il est loisible de se fonder sur la comparaison des taux de marge de la société pendant la durée de l'entente et après la fin de celle-ci pour en déduire le surcoût supporté par la personne publique sur les marchés litigieux. Pour faire le point sur ce sujet sensible en ces temps de ressources budgétaires se raréfiant pour les collectivités locales, Lexbase Public a interrogé Gilles Le Chatelier, Avocat associé, cabinet Adaltys*.


 

Lexbase : Que recouvre exactement la notion de pratiques anticoncurrentielles en matière de commande publique ?

Gilles Le Chatelier : La notion de pratiques anticoncurrentielles est nécessairement diverse en matière de commande publique. L’obligation de mise en concurrence loyale et sincère s’impose aux acheteurs publics – et à un certain nombre d’acheteurs privés. Ce principe figure aujourd’hui à l’article L. 3 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4460LRM) qui rappelle que les acheteurs publics respectent le principe d’égalité devant la commande publique, dans un souci d’assurer l’efficacité de l’achat public et la bonne utilisation des données publiques. Le Conseil constitutionnel en avait fait un principe à valeur constitutionnelle [1].

Ainsi, la pratique de la commande publique connaît de nombreuses situations où il peut être porté atteinte à une libre concurrence. Sans évoquer des irrégularités qui trouveraient leur origine dans le comportement de l’acheteur public (critères inadaptés, allotissement insuffisant, recours inapproprié à des procédures négociées…), on peut citer par exemple le cas de l’offre anormalement basse (CCP, art. L. 2152-5 N° Lexbase : L4445LR3) ou de l’abus de position dominante dont peut, par exemple, bénéficier le titulaire sortant du marché.

Dans cet ensemble, l’entente occupe une place particulière. Elle est définie à l’article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN) comme les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions « lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ». Depuis la décision fondatrice du Conseil d’État « Société Campenon Bernard » [2], elles tiennent une place de plus en plus importante au sein de la jurisprudence administrative qui s’est attachée à déterminer progressivement depuis lors les conséquences d’une telle situation sur l’exécution du contrat et les droits à indemnité de l’acheteur public qui en est victime.

L’entente, en matière de commande publique, se caractérise ainsi par la situation où plusieurs entreprises soumissionnaires à l’attribution d’un contrat de la commande publique s’entendent pour aboutir de manière artificielle à affecter le niveau du prix du marché ou pour arrêter l’identité de l’attributaire.

Un point particulier mérite d’être signalé qui concerne la situation où plusieurs entreprises appartenant à un même groupe candidateraient à un même appel d’offres. Même si cette situation n’est pas constitutive en tant que telle d’une entente [3], elle peut aboutir à une méconnaissance des règles de la commande publique lorsque n’est pas démontrée l’autonomie de chaque entreprise dans l’établissement de son offre et dans les moyens mis en œuvre pour exécuter le contrat [4].

Lexbase : Comment est établi le préjudice subi par la personne publique ?

Gilles Le Chatelier : Les règles relatives à l’évaluation du préjudice subi résultent aujourd’hui à la fois de la jurisprudence et des textes. En effet, l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017, relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles (N° Lexbase : L2117LDR) est venue ici entériner dans plusieurs articles du Code de commerce à la fois les règles issues du droit européen (Directive 2014/104/UE, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne N° Lexbase : L9861I4Y, dite « Damages ») et les principes retenus par le juge.

Plusieurs éléments procéduraux doivent d’abord être pris en considération.

En premier lieu, l’action en réparation doit être portée devant le juge administratif quand bien même serait en cause la recherche de la responsabilité d’une personne privée, le fait qu’un contrat administratif est à l’origine du contentieux constituant le fondement de la compétence du juge administratif [5]. Cette compétence du juge administratif est largement entendue dans un souci de réalisme et d’efficacité, puisqu’elle s’étend également à l’égard de l’ensemble des entreprises participant à l’entente, y compris celles n’ayant pas participé – volontairement – à la procédure de mise en concurrence [6]. Il en est de même de l’entreprise bénéficiant des effets « positifs » d’une entente à laquelle elle n’a pas participé, ce que l’on dénomme « l’effet d’ombrelle » [7]. Les actions tendant à la réparation d’un dommage causé par une entente sont instruites et jugées selon les règles prévues au Code des juridictions administratives (CJA, art. L. 775-1 N° Lexbase : L5732LLU).

En deuxième lieu, les personnes publiques victimes de l’entente ne sont pas soumises à l’obligation posée par la jurisprudence « Préfet de l’Eure » selon laquelle elles ne peuvent saisir le juge lorsqu’elles ont le pouvoir de prendre unilatéralement des mesures équivalentes à celles qu’elles sont susceptibles de lui demander. Or, dans le contentieux des ententes, la preuve de son existence est souvent délicate, nécessitant fréquemment qu’il soit recouru à une expertise judiciaire préalable. Ainsi, le Conseil d’État a jugé que dans cette situation, la personne publique lésée pouvait choisir de s’adresser au juge [8].

En troisième lieu, se posait la question de la prescription de l’action. Celle-ci ne commence à courir que lorsque les faits sont connus dans leur intégralité et toute leur étendue, de simples soupçons, par exemple révélés par des articles de presse, n’étant pas ici suffisants [9]. L’action se prescrit en cinq ans (C. com., art. L. 482-1 N° Lexbase : L2267LDC).

Les principales questions qui se posent sont bien évidemment celles de la preuve de l’existence de l’entente, de la responsabilité des entreprises s’y étant livrées vis-à-vis de l’acheteur public et du montant du préjudice en résultant pour ce dernier.

Là encore, les textes et la jurisprudence ont entendu renforcer la position de l’acheteur public affecté par l’entente. L’article L. 481-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L2254LDT), issu de l’ordonnance du 9 mars 2017, crée une présomption simple d’existence d’un préjudice pour l’acheteur public en cas d’entente. Cette présomption est irréfragable lorsque son existence et l’identification des entreprises y ayant participé résultent d’une décision de l’Autorité de la concurrence ou de la juridiction de recours, si elle est définitive (C. com., art. L. 481-2 N° Lexbase : L2250LDP).

S’agissant du contenu du préjudice potentiellement subi par l’acheteur public, les dispositions de l’article L. 481-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L2265LDA) en livrent une liste non limitative : perte résultant d’un surcoût ou d’une minoration de prix, gain manqué, perte de chance, préjudice moral… Le préjudice est évalué à la date où le juge se prononce, dans les conditions de droit commun (C. com., art. L. 481-8 N° Lexbase : L2255LDU).

Lexbase : De quelle manière le juge administratif sanctionne-t-il les ententes lorsqu'elles sont établies ?  

Gilles Le Chatelier : Une personne publique victime d’une entente qui est constitutive d’un dol ayant vicié son consentement peut choisir soit d’engager une action en nullité du contrat, soit une action en responsabilité quasi-délictuelle pour obtenir réparation du préjudice subi, soit les deux actions conjointement [10]. S’agissant de l’action visant à l’annulation du contrat, elle est possible même si l’exécution de ce dernier est achevée [11].

Une telle annulation n’est pas purement symbolique, dès lors qu’elle peut avoir pour conséquence d’imposer à l’entreprise co-contractante de restituer les sommes que lui a versées la personne publique au titre de l’exécution du marché [12]. Toutefois, dans l’hypothèse de la mise en œuvre de cette action en restitution par la personne publique, l’entreprise co-contractante a tout de même droit au remboursement des dépenses qu’elle a engagées et qui ont été utiles à la personne publique, à l’exclusion de toute marge bénéficiaire. Dans ces conditions, le préjudice résultant d’un prix trop élevé sera réparé par l’action en restitution, mais pas les autres préjudices qui résulteraient pour la personne publique de la mise en œuvre de l’entente.

L’autre voie d’action est bien évidemment celle de l’engagement de la responsabilité des entreprises ayant conclu et mis en œuvre l’entente pour obtenir la réparation de l’ensemble des préjudices subis à ce titre.

Le principal préjudice sera celui résultant d’un prix situé artificiellement plus haut du fait d’une l’entente ayant empêché le libre jeu de la concurrence. Cette notion de « surcoût » est définie à l’article L. 481-3 du Code de commerce comme « correspondant à la différence entre le prix du bien ou du service … effectivement payé et celui qui l’aurait été en l’absence de commission de l’infraction ».

Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour évaluer le montant de ce surcoût. Le plus fréquemment le juge s’en tient à une comparaison entre le prix du marché affecté et ceux, de niveau inférieur, des marchés conclus postérieurement au démantèlement de l’entente et prenant compte des autres facteurs qui auraient pu justifier une telle baisse, comme par exemple, la baisse de certaines matières premières entrant dans la production des biens objets du marché [13].

Le juge a aussi admis, comme on l’a vu, la possibilité de mettre en cause la responsabilité des entreprises autres que l’attributaire ayant participé à l’entente, l’ensemble des entreprises y ayant participé étant tenues solidairement vis-à-vis de l’acheteur public (C. com., art. L. 481-9 N° Lexbase : L2256LDW). Selon ce texte, la responsabilité de chaque entreprise est évaluée « à proportion de la gravité de leurs fautes respectives et de leur rôle causal dans la réalisation du dommage ». La responsabilité quasi-délictuelle des entreprises est alors engagée vis-à-vis de l’acheteur public [14]. En effet, le préjudice résultant de l’entente n’a été rendu possible que par l’intervention fautive des entreprises ayant refusé de concurrencer la société attributaire, justifiant l’existence d’un lien de causalité entre leurs agissements et le dommage subi.

Une telle mise en cause de la responsabilité des entreprises ayant participé à une entente est également possible si le marché a finalement été conclu avec une entreprise n’ayant pas participé à l’entente [15].

Lexbase : L'arrêt du 27 avril 2021 marque-t-il une étape importante en la matière ?

Gilles Le Chatelier : La décision du 27 avril 2021 « Société Lacroix City Saint Herblain » constitue un approfondissement utile sur la question de la méthode d’évaluation du préjudice résultant du surcoût acquitté par l’acheteur public du fait de l’entente.

La question de l’évaluation de cette donnée peut s’avérer délicate. La Commission européenne a d’ailleurs édicté un guide à cet effet. Deux méthodes sont principalement mises en avant, sans avoir aucun caractère exhaustif : celle de la comparaison consistant à comparer les prix pratiqués pour le marché ayant donné lieu à entente à ceux qui l’ont été antérieurement ou postérieurement, ou par d’autres acheteurs sur la même période ; celle de la simulation cherchant à mesurer le prix qui aurait dû être fixé en l’absence d’entente.

La méthode de la comparaison dans le temps semble celle être la plus fréquemment utilisée par les juridictions administratives, comme le relevait Mireille Le Corre dans ses conclusions sous l’arrêt du 27 avril 2021. La jurisprudence importante rendue par le Conseil d’État en 2020 dans toute une série d’affaires avait pu laisser penser que la méthode devant être suivie était celle de la comparaison entre les prix pratiqués pendant l’entente et postérieurement à celle-ci.

L’apport majeur de la décision du 27 avril 2021 est ici de rappeler qu’il n’existe pas une seule méthode d’évaluation du préjudice, mais qu’il peut en exister plusieurs dès lors qu’elles sont cohérentes et s’attachent à saisir le préjudice dans toute son étendue. Le Conseil d’État valide ainsi dans cette décision la méthode de comparaison des taux de marge pratiquée par l’expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes. Peuvent également être valablement employées simultanément par le juge plusieurs méthodes d’évaluation du surcoût pour parvenir à une évaluation du surcoût en croisant les résultats obtenus par chacune d’entre elles. Tel est le principal apport de cette décision.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique.

[1] Cons. const., décision n° 2003-473, DC du 26 juin 2003 (N° Lexbase : A9631C89).

[2] CE, 19 décembre 2007, n° 268918, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1460D3H).

[3] CJUE, 17 mai 2018, aff. C-531/16, « VSA Vilnius » UAB (N° Lexbase : A8248XMG).

[4] CE, 11 juillet 2018, n° 418021, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8005XXR) ; CE, 8 décembre 2020, n° 436532, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A225439D).

[5] CE, 19 décembre 2007 n° 268918, préc. ; T. confl., 16 novembre 2015, n° 4035 (N° Lexbase : A1459NYP).

[6] CE, 27 mars 2020, n° 421758, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A42513KN).

[7] CE, 12 octobre 2020, n° 432981, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A40583XL).

[8] CE, 24 février 2016, n° 395194, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1632QDS).

[9] C. com., art. L. 482-1 (N° Lexbase : L2267LDC) ; CE, 22 novembre 2019, n° 418645, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4882Z39).

[10] CE, 19 décembre 2007, n° 268918, préc.

[11] CE, 22 novembre 2019, n° 418645, préc.

[12] CE, 10 juillet 2020, n° 420045, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A17973RY).

[13] CE, 27 mars 2020, n° 420491, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A42493KL) ; CE, 27 mars 2020, n° 421833, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A42523KP).

[14] CE, 27 mars 2020, n° 421758, préc.

[15] CE, 12 octobre 2020, n° 432981, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A40583XL).

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Responsabilité administrative

[Brèves] Tempête Xynthia : absence de cas de force majeure malgré la conjonction exceptionnelle de phénomènes de grande intensité

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 31 mai 2021, n° 434733, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A57354TL)

Lecture: 3 min

N7808BYT

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par Yann Le Foll

Le 30 Septembre 2021

► La tempête Xynthia ne constituait pas un cas de force majeure malgré la conjonction exceptionnelle de phénomènes de grande intensité.

Principe. Malgré le caractère exceptionnel de la conjonction des phénomènes de grande intensité ayant caractérisé la tempête Xynthia, celle-ci n'était ni imprévisible en l'état des connaissances scientifiques de l'époque, ni irrésistible compte tenu de l'existence de mesures de protection susceptibles d'être prises pour réduire le risque d'inondation et ses conséquences. Ainsi, les phénomènes de grande intensité constitutifs de la tempête Xynthia ne revêtaient pas, dans le cas de la commune de La Faute-sur-Mer, un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure.

Griefs. L'association requérante soutient que la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 2ème ch., 19 juillet 2019, n° 17NT00878 N° Lexbase : A4175ZL9) a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en ne retenant pas, pour qualifier la conjonction exceptionnelle d'une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d'un coefficient de marée élevé, le caractère de force majeure exonératoire de toute responsabilité, alors que la probabilité d'une telle conjonction était de l'ordre de 0,5 pour mille sur un an.

Position du CE. Selon les juges du Palais-Royal, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des submersions importantes ont déjà eu lieu au cours du XXe siècle dans la zone touchée par l'inondation consécutive à la tempête Xynthia et que plusieurs études, dès le début des années 2000, ont mis en évidence le risque majeur d'inondation de forte intensité auquel est exposée la commune de La Faute-sur-Mer en cas de phénomène climatique d'ampleur exceptionnelle.

Solution. Énonçant le principe précité, la Haute juridiction annule l’arrêt attaqué en tant qu'il ramène à 1 198 769,40 euros la somme que la commune de La Faute-sur-Mer, l'État et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, subrogée dans les droits des 24 assurés qu’elle a indemnisés. Précisons qu’en 2017, la Haute juridiction avait retenu une position inverse en retenant que la conjonction exceptionnelle de phénomènes météorologiques de grande intensité présente un caractère imprévisible et irrésistible et caractérise un cas de force majeure exonératoire de responsabilité en cas d'inondations (CE 2° et 7° ch.-r., 15 novembre 2017, n° 403367, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2010WZH ; lire F. Angevin, Lexbase Public, décembre 2017, n° 483 N° Lexbase : N1571BXH).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité administrative pour faute, Les autres activités régaliennes de l'administration, in Responsabilité administrative, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E3802EUD).

newsid:477808

Responsabilité médicale

[Brèves] Évaluation du préjudice de perte de revenus professionnels futurs : déduction du RSA

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 27 mai 2021, n° 431557, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A16324TM)

Lecture: 2 min

N7766BYB

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par Laïla Bedja

Le 07 Juin 2021

► Il résulte, d'une part de l'article L. 3131-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9616HZ8), d'autre part des articles L. 262-1 (N° Lexbase : L5816KGI) et L. 262-2 (N° Lexbase : L5815KGH) du Code de l'action sociale et des familles, que pour évaluer les pertes de revenus subies par la victime d'un accident médical mentionné à l'article L. 3131-4 du Code de la santé publique, lorsque celle-ci a été contrainte de cesser son activité professionnelle à la suite de cet accident, il y a lieu de déduire des gains professionnels qu'elle pouvait escompter percevoir en l'absence de son incapacité, le montant du revenu de solidarité active (RSA) qui lui est, le cas échéant, versé du fait de cette perte de revenus.

Les faits. À la suite d’une vaccination contre le virus H1N1 réalisée en janvier 2010, un patient a été atteint d’une paralysie faciale.

La procédure. Par un arrêt du 19 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 19 décembre 2016, n° 15MA00106 N° Lexbase : A8931SX3), il a obtenu le versement par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une indemnité globale de 76 900 euros pour les divers préjudices subis à ce titre.

Par une décision du 30 mars 2018, le Conseil d'État (CE 5° et 6° ch.-r., 30 mars 2018, n° 408199, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9017XIS) a annulé cet arrêt en tant qu'il avait statué sur le préjudice de perte de revenus professionnels futurs et sur le préjudice d'incidence professionnelle.

Par un nouvel arrêt du 11 avril 2019 (CAA Marseille, 11 avril 2019, n° 18MA01514 N° Lexbase : A7540Y97) contre lequel le patient se pourvoit en cassation en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à sa demande indemnitaire, la cour administrative d'appel a, pour ces deux chefs de préjudice, mis à la charge de l'ONIAM la somme totale de 142 771 euros.

Sur la perte de revenus professionnels futurs, il était notamment débattu de la déduction du RSA des gains professionnels que le patient pouvait escompter percevoir en l’absence de son incapacité.

Rejet. Retenant la solution précitée, le Conseil d’État rejette le pourvoi sur ce point. En revanche, il sera fait droit à la demande du patient concernant l’évaluation du préjudice d’incidence professionnelle. En effet, le patient, plombier, a été contraint d’abandonner sa profession qu’il exerçait depuis 1980, sans que soit possible une reconversion professionnelle. Il a été ainsi privé des bénéfices relationnels et sociaux que lui procurait le métier d’artisan. Le montant de son préjudice est évalué à 15 000 euros.

Pour en savoir plus : v. C. Lantero et C. Hussar, ÉTUDE : Le préjudice et l'indemnisation, Les préjudices patrimoniaux, in Droit médical, Lexbase (N° Lexbase : E22714IX), spéc. E. Perte de gains professionnels futurs.

 

newsid:477766

Protection sociale

[Brèves] Réforme de l’APL : prolongation et création de mesures transitoires pour les étudiants salariés et les personnes en contrat de professionnalisation

Réf. : Décret n° 2021-720, du 4 juin 2021, relatif à la prise en compte des ressources servant au calcul des aides personnelles au logement pour les allocataires titulaires d'un contrat de professionnalisation et pour les allocataires étudiants (N° Lexbase : L7673L4X)

Lecture: 1 min

N7806BYR

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par Laïla Bedja

Le 07 Juin 2021

► Le décret du 4 juin 2021, publié au Journal officiel du 6 juin 2021, prévoit le report de la date limite d'application de la mesure de maintien du droit pour les étudiants salariés ayant vu leur aide diminuer au 1er janvier 2021 et crée une mesure transitoire de maintien et une mesure pérenne d'abattement social à destination des personnes bénéficiant de revenus liés à un contrat de professionnalisation.

Le décret prévoit ainsi le report au 1er juillet 2022 de la date limite d’application de la mesure transitoire du maintien du droit aux aides personnalisées au logement pour les étudiants salariés prévue par l’article 26 du décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 (N° Lexbase : L7080LW7).

Mesure transitoire pour les contrats de professionnalisation. Le décret crée par ailleurs une mesure transitoire de maintien du droit pour les bénéficiaires en contrat de professionnalisation, ainsi qu'une mesure pérenne d'abattement social des ressources liées à de tels contrats.

Les dispositions de ce texte s'appliquent pour le calcul des droits à partir du premier mois d'application du nouveau mode de calcul correspondant aux droits du mois de mai 2021 pour l'aide personnalisée à l'accession à la propriété et aux droits de janvier 2021 pour les autres APL.

newsid:477806

[Brèves] Sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers : soumission à la prescription trentenaire

Réf. : Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-12.908, F-P (N° Lexbase : A23794UN)

Lecture: 4 min

N7807BYS

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par Vincent Téchené

Le 09 Juin 2021

► La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers est limitée au bien affecté en garantie, et est soumise à la prescription trentenaire, prévue pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun.

Faits et procédure. Une banque a consenti une ouverture de crédit à une société. Par un acte notarié du 16 février 1993, deux personnes (les garants) se sont rendues « cautions en garantie de paiement des sommes dues par l'emprunteur à la banque » et ont consenti à la banque une garantie hypothécaire sur un ensemble de biens immobiliers leur appartenant, qu'elles ont renouvelée le 27 janvier 1995. Après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, les garants ont, par un acte du 12 novembre 2014, assigné la banque en invoquant « l'extinction des hypothèques ».

La cour d'appel ayant accueilli leur demande, en conséquence de l'extinction, par prescription, de l'engagement des « cautions » (CA Montpellier, 18 décembre 2019, n° 17/05156 N° Lexbase : A6123Z8B), la banque a formé un pourvoi en cassation. 

Pourvoi. Elle soutenait, en substance, que l'affectation hypothécaire ne constituait pas un cautionnement soumis à la prescription quinquennale de droit commun, mais avait exclusivement la nature d'une sûreté réelle immobilière, soumise à une prescription trentenaire.  

Décision. Cette argumentation convainc la Haute juridiction qui censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2011 (N° Lexbase : L2246ABS), devenu 2288 (N° Lexbase : L1117HI9), 2114 (N° Lexbase : L2361AB3), devenu 2393 (N° Lexbase : L1337HID), 2180 (N° Lexbase : L1048ABG), devenu 2488 (N° Lexbase : L5325IM8), et 2227 (N° Lexbase : L7182IAA) du Code civil.

Selon la Cour de cassation, il résulte de ces textes que, la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement. Ainsi, limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire, prévue par le dernier texte pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) pour les actions personnelles ou mobilières.

En l’espèce, pour déclarer prescrites les hypothèques litigieuses et ordonner leur radiation, l'arrêt relève que la banque n'avait entrepris aucune action à l'égard des « cautions » avant le 19 juin 2013, terme du délai pour agir contre elles en conséquence de la survenance de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I).

Dès lors, en statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que les garants s'étaient rendus cautions « simplement hypothécaires » de l'emprunteur, de sorte que l'affectation de leurs biens en garantie de la dette d'autrui avait la nature d'une sûreté réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes visés.

Observations. On sait que dans un arrêt du 2 décembre 2005, une Chambre mixte de la Cour de cassation a mis fin à l'opposition entre la Chambre commerciale et la première chambre civile sur la nature juridique du cautionnement réel, excluant la qualification de cautionnement. Elle avait alors retenu qu’« une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, n'est pas dès lors un cautionnement » (Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210 N° Lexbase : A9389DLC). C’est ce rappel qu’opère en premier lieu la Cour de cassation.

Elle en a, depuis, déduit un certain nombre de conséquences s’agissant du régime applicable à ce que l’on nommait avant le « cautionnement réel ». Ainsi par exemple, cette garantie n'est pas soumise à la règle posée à l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU) relatif à l’accord du conjoint pour engager les biens communs (Cass. mixte préc.). Également, les dispositions de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7564LBR), sur l’obligation d’information de la caution, ne sont pas applicables à l'hypothèque (Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 02-16.010, FS-P+B N° Lexbase : A8369DMW). On relèvera également que dans ce cas, la banque créancière n'est pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard du constituant (Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-13.034, FS-P+B+I N° Lexbase : A1375EEN).

Réforme ? On notera enfin que si l’ordonnance de réforme du droit des sûretés maintient en l’état ce qui est prévu dans le projet de réforme qui avait été soumis à la consultation, le créancier bénéficiaire d’une sûreté réelle pour le compte de tiers sera soumis à de nouvelles obligations relevant du droit du cautionnement : obligation de mise en garde, obligation d’information, libération du garant de l’engagement en cas de perte de son droit à subrogation contre le débiteur en raison de la faute de son créancier.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La définition du cautionnement, Le régime juridique du cautionnement réel, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E8956D34).

 

newsid:477807

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Non-assujettissement à la TVA d’une commune exploitant une piscine municipale : appréciation de la condition de distorsion de concurrence

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 28 mai 2021, n° 442378, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A48684TH)

Lecture: 4 min

N7802BYM

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par Marie-Claire Sgarra

Le 07 Juin 2021

► Le non-assujettissement d’une commune à la TVA pour l'exploitation d’une piscine dont elle est propriétaire n'est pas susceptible de créer de distorsion de concurrence ni avec un opérateur privé autonome, ni avec un organisme public bénéficiant du même régime pour des activités similaires.

Les faits :

  • une commune exploite une piscine, située sur son territoire, dont elle est propriétaire et dont les principaux équipements sont constitués d'un bassin olympique et d'un bassin couvert, tous deux destinés à la natation ;
  • la commune demande à l'administration fiscale de lui rembourser la somme correspondant à l'excédent de la TVA qu'elle a supportée à raison des dépenses acquittées pour les besoins de cette activité sur le montant de la taxe à collecter lors de la facturation des prestations rendues aux usagers de la piscine ;
  • demande rejetée par l'administration ;
  • la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait fait droit à la restitution sollicitée (CAA Marseille, 16 juin 2020, n° 19MA00485 N° Lexbase : A96063PH).

🔎 Principe. Le non-assujettissement à la TVA prévue en faveur des personnes morales de droit public énumérées au paragraphe 1 de l'article 13 de la « Directive TVA », qui déroge à la règle générale de l'assujettissement de toute activité de nature économique, est subordonné à deux conditions cumulatives (CGI, art. 256 N° Lexbase : L6260LUE) tenant :

  • d'une part, à ce que l'activité soit exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique et ;
  • d'autre part, à ce que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.

📌 Solution du Conseil d’État

✔ En premier lieu, la condition selon laquelle l'activité économique est réalisée par l'organisme public en tant qu'autorité publique est remplie, selon la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque l'activité en cause est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public.

✔ En second lieu, par un arrêt du 16 septembre 2008 (CJUE, 16 septembre 2008, aff. C-288/07, Commissioners of Her Majesty's Revenue & Customs c/ Isle of Wight Council N° Lexbase : A3602EAN), la Cour de justice a jugé que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si ces organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d'entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique.

La CJUE a précisé par la suite (CJUE, 19 janvier 2017, aff. C-344/15, National Roads Authority N° Lexbase : A2078S9T) que les distorsions de concurrence d'une certaine importance doivent être évaluées en tenant compte des circonstances économiques et que la seule présence d'opérateurs privés sur un marché, sans la prise en compte des éléments de fait, des indices objectifs et de l'analyse de ce marché, ne saurait démontrer ni l'existence d'une concurrence actuelle ou potentielle ni celle d'une distorsion de concurrence d'une certaine importance.

Pour juger que la commune ne devait pas être assujettie à la TVA à raison de l'exploitation de la piscine dont elle est propriétaire, la cour administrative d'appel s'est fondée :

  • sur ce que cette exploitation était destinée principalement à l'activité sportive et éducative ;
  • sur ce qu'il était constant que la commune exploitait la seule piscine ouverte pendant la totalité de l'année située sur le territoire de la communauté de communes de Castelnaudary Lauragais Audois et ;
  • sur ce qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'absence d'assujettissement entraînerait une distorsion dans les conditions de concurrence avec la piscine municipale située à une distance d'un peu plus de vingt kilomètres ou empêcherait la création d'une activité économique concurrente.

👉 En statuant ainsi, sans rechercher si l'absence d'assujettissement de la commune au titre de l'exploitation de la piscine en cause serait susceptible, indépendamment même de l'obstacle qu'elle pourrait constituer pour l'émergence d'un tel acteur, d'entraîner une distorsion de concurrence avec un exploitant souhaitant offrir sur le marché pertinent des prestations dans des conditions similaires, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

💡 Le Conseil d’État a rendu un arrêt dans le même sens, en matière de restauration scolaire (CE 8° et 3° ch.-r., 28 mai 2021, n° 441739, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A48674TG).

 

 

newsid:477802

Travail illégal

[Brèves] Entraide familiale non reconnue : les heures non déclarées effectuées au-delà de la limite prévue par le contrat de travail de l’épouse constituent du travail dissimulé !

Réf. : Cass. crim., 26 mai 2021, n° 20-85.118, F-P (N° Lexbase : A88454SE)

Lecture: 2 min

N7749BYN

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par Laïla Bedja

Le 23 Juin 2021

► Le statut de salarié, en vertu d’un contrat de travail qui place l’intéressé dans un lien de subordination à l’égard de son employeur, exclut que puisse être reconnue la possibilité de poursuivre, au titre de l’entraide familiale et sans que soient établies les déclarations correspondantes aux organismes sociaux, la même activité au-delà des heures contractuellement dues, fût-ce de façon bénévole.  

Les faits et procédure. Au cours d’un contrôle diligenté par les services de l’URSSAF dans une boulangerie, il a été établi que l’épouse du gérant était employée dans la boulangerie en vertu d’un contrat de travail prévoyant 30 heures hebdomadaires, au titre desquelles les cotisations sociales étaient acquittées. L’épouse a admis travailler en réalité du lundi au dimanche de 6 heures à 14 heures, soit 56 heures hebdomadaires. Le gérant a été alors poursuivi pour travail dissimulé et déclaré coupable par le tribunal correctionnel. Il a relevé appel de cette décision.  

La cour d’appel. Pour relaxer le prévenu du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, la cour d’appel énonce notamment que si l’épouse du gérant, ainsi qu’elle et son mari l’admettent, est intervenue au-delà des horaires contractuels, c’était en qualité d’épouse, liée par une communauté de vie et d’intérêt avec le prévenu, pour la bonne marche de l’entreprise familiale. Les juges ajoutent que l’épouse n’a pas revendiqué d’être rémunérée pour ce temps de travail supplémentaire et ne l’a pas été, et que ces heures non payées ne sauraient ouvrir droit au versement de cotisations. Ainsi, le prévenu ne s’est intentionnellement pas soustrait au versement des cotisations supplémentaires. À tort.  

Cassation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel rendu en violation de l’article L. 8221-5 du Code du travail ([LXB=L7404K94]). Elle rappelle le principe de ce texte et effectue une interprétation stricte de ce dernier.  

Pour en savoir plus : ÉTUDE : Le travail illégal ou travail dissimulé, Le fait d'employer le personnel en tant que travailleur indépendant ou d'employer son conjoint sans le déclarer aux organismes sociaux, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E5483EXD).

 

newsid:477749

Urbanisme

[Brèves] Régularisation en cours d’instance d'une autorisation d'urbanisme : conséquence sur le statut des requérants

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 28 mai 2021, n° 437429, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A48594T7)

Lecture: 2 min

N7758BYY

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par Yann Le Foll

Le 07 Juin 2021

► La régularisation en cours d’instance d'une autorisation d'urbanisme n’implique pas que les requérants doivent être regardés comme la partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4).

Principe. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.

Rappel. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel (CE 10° et 9° ch.-r., 19 juin 2017, n° 394677, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4251WIB). 

Décision. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 précité. La Haute juridiction adopte ici une position inverse que de la décision du 19 juin 2017 précitée, selon laquelle le rejet d'une requête tendant à l'annulation d'un permis de construire après régularisation de cette autorisation en application de l'article L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0034LNL) est sans incidence sur le fait que les requérants doivent être regardés comme la partie qui perd pour l'essentiel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les parties au contentieux administratif de l'urbanismeLes parties au contentieux administratif de l'urbanisme : le déroulé de l'instance, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase (N° Lexbase : E7552YTU).

newsid:477758

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