ETUDE : La succession d'avocats dans un même dossier

ETUDE : La succession d'avocats dans un même dossier

E39503RQ

avec cacheDernière modification le 29-02-2024

Il n'est guère étonnant que la question de la succession d'avocats dans un dossier soit traitée, plus volontiers, au sein du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat (art. 14 et art. 19), que dans tout autre texte (à l'exception du règlement intérieur national [RIN] s'entend), tant la question est sensible et nécessite la plus grande des cordialités dans le cadre de cette passation de mandat, quelque peu particulière. Cette succession n'est, en effet, pas anodine, la procédure présente un certain nombre de règles générales, dont la liquidation des honoraires et la restitution du dossier ne cristallisent, fort heureusement, qu'un faible contentieux.

Plan de l'étude

  1. Synthèse
  2. Infographies relatives à l'étude sur la succession d'avocats dans un même dossier
  3. L'ouverture de la succession" d'avocats dans un dossier
  4. La liquidation de la succession d'avocats dans un dossier
    1. L'interdiction de défendre les intérêts du client contre son prédécesseur
    2. Le règlement des honoraires de l'avocat dessaisi
  5. La passation de dossier dans le cadre d'une succession d'avocats

1. Synthèse

Les points clés

Cette synthèse est rédigée par Frederick Dupuis, Docteur en droit, chargé d’enseignement à l’Université Toulouse 1 Capitole, avocat au barreau de Toulouse.

 

  • Les règles de succession d’avocats, lorsqu’un client décide de changer dans une même procédure de conseil, sont prévues aux articles 14 N° Lexbase : C323139K et 19 N° Lexbase : C323639Q du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats  lesquelles sont entièrement reprises dans le Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), dans son article 9 N° Lexbase : L4063IP8, texte qui servira de référence.
  • L’avocat qui accepte de succéder à un confrère doit avant toute diligence en informer son prédécesseur et les différents intervenants de la procédure.
  • Dans ce courrier, il doit s’enquérir de la comptabilité de l’avocat précédent et exhorter son client à régler les honoraires s’il n’est pas totalement désintéressé.
  • L’avocat débarqué devra remettre à son successeur l’entier dossier, sans pouvoir faire jouer un quelconque droit de rétention pour se faire payer des honoraires restants dus.

 

 

Le cours

L’ouverture de la succession d’avocats dans un dossier

Liberté de choix affirmée. La relation entre le client et son avocat repose sur la confiance mutuelle. Dès lors, il est normal que le client puisse choisir le conseil et qu’il soit également loisible à ce dernier de refuser. Néanmoins, ce lien de confiance peut se détériorer pendant une procédure, justifiant parfois un changement d’avocat. Cette succession suppose le respect de certaines règles et usages, fondés sur la déontologie de la profession.

Confraternité indispensable. Un client mécontent de son avocat peut parfaitement consulter un confrère pour s’enquérir de son travail. L’exercice est alors périlleux puisque la présentation ne provient que du seul client, avec sa compréhension profane. L’avocat doit faire preuve de délicatesse et de modération dans ses explications. S’il accepte de reprendre le dossier, il ne peut agir à l’encontre de son prédécesseur. Seul l’accord du Bâtonnier peut permettre cette intervention passible de sanctions disciplinaires (Cass. civ. 2, 21 octobre 2010, n° 09-12.078, F-P+B N° Lexbase : A4167GCC). L’alinéa premier de l’article 9.3 du RIN N° Lexbase : L4063IP8 le précise clairement :

 

« Sauf accord préalable du Bâtonnier, l’avocat qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur. »

 

Informer les intervenants. Dès lors qu’il accepte de prendre un dossier, l’avocat doit vérifier si un confrère en était déjà chargé et le prévenir avant toute autre diligence. Un courrier suffit. Si le dossier est en cours, il devra également indiquer son intervention aux autres intervenants, juridictions ou confrères, parfois avec certaines solennités particulières, telles que la constitution par RPVA.

Particularité de l’instruction. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte, l’article 115 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0931DY7 précise que le détenu mis en examen peut faire part du changement d’avocat par déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire ou par courrier. Dans ce dernier cas, son avocat doit procéder à la déclaration auprès du greffe du cabinet d’instruction, en remettant le courrier en question et surtout, l’enveloppe dans laquelle se trouvait ce courrier. Le client devra confirmer la désignation dans les quinze jours. N’ayant normalement pas de permis de communiquer, l’avocat ne peut rencontrer son client en détention et doit justifier de la remise de ce courrier par voie postale.

La liquidation de la succession d’avocats dans un dossier

La prise d’informations

Devoir d’information. Lorsqu’un avocat récupère un dossier déjà pris en charge par un confrère, il doit l’avertir qu’il le « débarque ». Le terme n’est pas forcément agréable, mais c’est une réalité. Le débarquement peut se faire par courrier ou par courriel, mais doit surtout comprendre certaines précisions. L’article 9.1 du RIN N° Lexbase : L4063IP8 rappelle cette exigence de confraternité :

 

« L’avocat qui reçoit l’offre d’un dossier doit vérifier si un ou plusieurs confrères ont été préalablement chargés de ce dossier comme défenseur ou conseil du client.
L’avocat qui accepte de succéder à un confrère doit, avant toute diligence, le prévenir par écrit et s’enquérir des sommes pouvant lui rester dues. »

 

Vérification comptable. Outre l’aspect informatif, la règlementation de la profession insiste sur l’aspect financier. Le successeur doit s’enquérir des honoraires dus à son prédécesseur et, si ce dernier n’est pas totalement désintéressé, doit s’efforcer d’obtenir le règlement de ces sommes par le client. En revanche, il peut parfaitement débuter ses diligences dans le dossier et n’est aucunement garant des honoraires impayés. En pratique, la formule écrite est respectée mais guère plus. Il en est de même de l’obligation de prévenir le Bâtonnier si le nouvel avocat perçoit des honoraires avant que son confrère ne soit totalement désintéressé, prévu à l’alinéa 2 de l’article 9.3 du RIN N° Lexbase : L4063IP8 :

 

« Le nouvel avocat s’efforce d’obtenir de son client qu’il règle les sommes restant éventuellement dues à un confrère précédemment saisi du dossier. S’il reçoit du client un paiement alors que des sommes restent dues à son prédécesseur, il en informe le Bâtonnier. »

 

Courtoisie. À nouveau, le successeur doit s’efforcer de maintenir de bonnes relations avec son prédécesseur. Il est déconseillé de critiquer les montants de ces honoraires, surtout si ces derniers sont « normaux eu égard à la complexité et à l’importance des intérêts en cause » (Cass. civ. 2, 16 novembre 2006, n° 05-19.064, FS-P+B N° Lexbase : A3407DSY). Cette remarque justifie l’interdiction pour le successeur d’intervenir dans une procédure de taxation, le but n’étant pas de contrôler les documents comptables. En outre, un client qui ne règle pas son premier avocat peut parfaitement réitérer.

Convention d’honoraire adaptée. La rédaction d’une convention d’honoraire prenant compte d’un possible débarquement, très commun en matière pénale, est une protection certaine. Il est indispensable que l’avocat y stipule le montant de chacune de ses diligences, par forfait ou par indication du tarif horaire et surtout qu’il prévoit un montant en cas de débarquement. Cette convention lui permettra de justifier ses honoraires en cas de taxation.

Convention comportant des clauses raisonnables. Il peut être intéressant de prévoir dans une convention d’honoraires une rétribution complète, même en cas de débarquement. La jurisprudence a tempéré certaines ardeurs, notamment concernant les honoraires de résultat. Il ne peut normalement être dû dans sa totalité lorsque l’avocat n’a pas suivi la procédure en entier. La Cour de cassation rappelle qu’il « appartient au juge de l’honoraire de rechercher si l’avocat a contribué au résultat obtenu et de réduire cet honoraire s’il présente un caractère exagéré au regard du résultat obtenu ou du service rendu » (Cass. civ. 2, 16 juin 2022, n° 20-21.473, FS-B N° Lexbase : A482677U). Le critère choisi repose sur la qualité des arguments du conseil et non la quantité de diligences réalisées. Si le successeur se contente de reprendre les arguments développés par son prédécesseur, cet honoraire de résultat sera effectivement dû (Cass. civ. 2, 6 juillet 2017, n° 16-15.299, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7766WL9). Cette solution est heureuse pour sanctionner le comportement de certains clients indélicats qui prendraient les conclusions de leur premier conseil pour les donner au suivant et éviter l’activation de la convention d’honoraire.

La difficulté de l’avocat à l’aide juridictionnelle

En cas d’aide juridictionnelle. La succession d’avocats se combine mal avec l’aide juridictionnelle (AJ). Cette dernière, accordée lorsque le justiciable dispose de faibles ressources ou dans certaines situations réglementées, permet à l’avocat de toucher une petite rétribution prise en charge par l’État. Bien que largement inférieure à des honoraires classiques, ce processus assure la défense des intérêts des plus démunis en tenant compte de leurs ressources. Quid en cas de multiplication de confrères ?

La simple succession d’avocats pose une réelle difficulté pratique. Le premier avocat va disposer d’une décision d’aide juridictionnelle à son nom et le dernier pourra obtenir la fameuse attestation de fin de mission (AFM), délivrée à la fin de la procédure par le greffier, et grâce à laquelle l’avocat obtiendra sa rémunération. Deux hypothèses sont à considérer.

  • Lorsque les deux avocats acceptent le bénéfice de l’aide juridictionnelle :

Maintien du montant d’AJ. Si l’ensemble des avocats acceptent d’être rétribués à l’aide juridictionnelle, ils devront faire preuve de conciliation. Le montant ne sera pas multiplié et restera le même. Les textes précisent que ce sera le second, le détenteur de l’AFM, qui percevra la rémunération (décret n° 2020-1717, du 28 décembre 2020, art. 89 N° Lexbase : Z73082S4) :

 

« Lorsqu’un avocat désigné ou choisi au titre de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat est, en cours de procédure ou pendant l’exécution de la mesure, remplacé au même titre pour raison légitime par un autre avocat, il n’est dû qu’une seule contribution de l’État. Cette contribution est versée au second avocat, à charge pour lui de la partager avec le premier dans une proportion qui, à défaut d’accord, est fixée par le Bâtonnier. »

 

Entente requise. Le second avocat doit obtenir la décision d’AJ de son confrère ; une nouvelle demande auprès du tribunal sera rejetée. Il suffit que le prédécesseur indique sur la décision d’AJ un « bon pour transfert » et le signe. Mais encore faut-il qu’il accepte. S’il a réalisé certaines diligences, il peut demander à partager le montant de la rétribution. Cette solution semble la plus logique mais exige une concorde certaine pour trouver une juste répartition du maigre bénéfice obtenu, sachant qu’il n’existe aucune règle de partage, sauf à saisir le Bâtonnier.

  • Lorsque le successeur n’accepte pas le bénéfice de l’aide juridictionnelle :

Renonciation à l’AJ. Au regard de la faible rétribution à l’aide juridictionnelle et des difficultés pour se concilier, peu d’avocats acceptent de succéder dans un dossier au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Une telle décision est lourde de conséquences pour le client qui accepte de payer les honoraires de son avocat, il doit donc en être parfaitement informé. Cette situation est possible, mais fortement encadrée par le RIN, en son article 9.3, alinéa 3 N° Lexbase : L4063IP8 :

 

« L’avocat qui succède à un confrère intervenant au titre de l’aide juridictionnelle ne peut réclamer des honoraires que si son client a expressément renoncé au bénéfice de celle-ci. Il informe auparavant son client des conséquences de cette renonciation. En outre, il informe de son intervention son confrère précédemment mandaté, le bureau d’aide juridictionnelle et le Bâtonnier. »

 

Paiement du prédécesseur. Dans une telle hypothèse, le prédécesseur ne sera pas rétribué au titre de l’aide juridictionnelle, raison pour laquelle il doit en être informé. Dès lors, le premier avocat pourra demander des honoraires au client, ce qui renforce l’exigence d’information pour ce dernier. La Cour de cassation rappelle qu’en cours de procédure, cette renonciation est rétroactive (Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-65.078, F-D N° Lexbase : A7877ER8), mais qu’il faut pour l’avocat pouvoir la prouver (Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-21.318, F-P+B+I N° Lexbase : A9314XQZ). La convention d’honoraires doit prévoir cette hypothèse pour faciliter une probable procédure de taxation, ce qui explique également l’information du Bâtonnier dans ce cas de figure.

La passation de dossier dans le cadre d’une succession d’avocats

Transmission du dossier. Dans son courrier de débarquement, l’avocat doit demander à son prédécesseur de lui transmettre les éléments du dossier en sa possession. Les éléments à transmettre sont assez exhaustifs. Il concerne les pièces de fond, y compris les pièces adverses, les actes de procédure et les originaux des pièces remises par le client. Certains éléments du dossier doivent être conservés par le premier avocat. Il s’agit notamment de ses éléments propres à sa relation avec son client : sa comptabilité, ses notes, et ses éléments propres comme les classeurs ou autres. Pour un dossier pénal, les pièces de la procédure, enquête ou instruction, sont soumises à l’accord du procureur de la République ou du juge d’instruction, il n’est donc pas d’usage de les transmettre. Le successeur devra en faire la demande auprès du tribunal mais les moyens actuels facilitent cette transmission rapidement.

Interdiction de la rétention du dossier. Il peut être tentant pour l’avocat de conserver les pièces du dossier tant que ses honoraires ne sont pas totalement réglés. Bien qu’il s’agisse du seul réel moyen de pression en sa disposition, un tel comportement est prohibé (Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-21.768, F-P+B N° Lexbase : A8260WLI). Cette rétention serait en outre en parfaite opposition avec les principes de dignité, de délicatesse, de modération et de courtoisie à l’égard de son client. Les textes sont clairs sur la question, tant l’article 14 du décret n° 2023-552, du 30 juin 2023, portant Code de déontologie des avocats N° Lexbase : L0651MIX :

 

« Lorsque l’affaire est terminée ou qu’il en est déchargé, l’avocat restitue sans délai les pièces dont il est dépositaire. Les contestations concernant la restitution des pièces sont réglées suivant la procédure prévue en matière de montant et de recouvrement des honoraires. »

 

Que l’article 9.2 du RIN N° Lexbase : L4063IP8 :

 

« L’avocat dessaisi, ne disposant d’aucun droit de rétention, doit transmettre sans délai tous les éléments nécessaires à l’entière connaissance du dossier. »

 

Disciplinairement sanctionnée. En cas de refus de restitution ordonnée par le Bâtonnier dans cette procédure, il sera parfaitement possible d’instruire une procédure disciplinaire pour sanctionner l’avocat récalcitrant (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-21.378, F-D N° Lexbase : A9686HXZ). Ce sera d’ailleurs la même procédure que celle prévue pour une taxation, ce qui pourra permettre à l’avocat, par une demande reconventionnelle, de demander le règlement de ses honoraires (RIN, art. 9.3, al. 4 N° Lexbase : L4063IP8).

 

« Les difficultés relatives à la rémunération de l’avocat initialement saisi ou à la restitution par ce dernier des pièces du dossier sont soumises au Bâtonnier. »

En pratique

Il faut toujours prendre du recul lorsqu’un nouveau client se présente avec un dossier déjà en cours et ayant déjà un conseil. Le client présente sa conception du dossier et il serait trop facile d’abonder dans son sens. Il ne faut donc pas forcément blâmer le confrère sans avoir une connaissance complète et objective du dossier. Il sera impossible pour le nouvel avocat – sauf accord exprès du Bâtonnier – d’agir contre le premier, en responsabilité ou dans une procédure de taxation. Il faut également se rappeler que le client peut réitérer son comportement à l’encontre de son nouveau conseil…

Débarquement du confrère. Dès lors que l’avocat estime qu’il peut prendre la succession d’un confrère dans un dossier, il doit en informer le conseil précédent par un courrier de débarquement. Dans ce courrier, certaines précisions doivent apparaître, dont celle concernant les honoraires encore dus au confrère. S’il n’est pas désintéressé, le premier avocat transmettra ses factures non réglées. Le successeur doit s’efforcer de convaincre son client de régler ses dettes. En outre, l’avocat devra informer son Bâtonnier s’il perçoit des honoraires avant le complet désintéressement de son prédécesseur, même si ce devoir d’information est rarement respecté… Si le client conteste les montants dus, il pourra saisir le Bâtonnier en contestation d’honoraires, mais avec un autre avocat.

Prévoir une convention d’honoraires suffisamment complète. Afin d’éviter toute mauvaise surprise, et notamment certaines difficultés en cas de débarquement, il est fortement conseillé d’avoir une convention d’honoraires qui anticipe ces différentes hypothèses. Il faut prévoir par exemple un honoraire au temps passé, qui permettra de rémunérer les diligences en cas de cessation du mandat, et justifiera une procédure de taxation si besoin. Il est intéressant d’envisager les conséquences d’un désistement quant au bénéfice de l’aide juridictionnelle ou même son retrait si le client parvient à meilleure fortune.

Obligation de restituer le dossier. Dans son courrier, l’avocat doit solliciter de son confrère la transmission des éléments du dossier en sa possession. Il est formellement proscrit pour un avocat de conserver un dossier pour obtenir le règlement de ses honoraires restants. Même s’il existe peu de moyens de pression pour obtenir leur paiement, c’est à l’avocat de faire attention quant à ses diligences et de ne pas accepter de les réaliser sans être payé. La maxime « pas payé, pas plaidé », même si elle peut paraître amère, est à garder en permanence à l’esprit. Si le client vient à changer de conseil sans que le premier avocat ne soit payé, il lui sera difficile d’obtenir ses honoraires sans passer par une procédure de taxation qui peut s’avérer infructueuse.

2. Infographies relatives à l'étude sur la succession d'avocats dans un même dossier

E39513RR

3. L'ouverture de la succession" d'avocats dans un dossier

E39523RS

4. La liquidation de la succession d'avocats dans un dossier

E39533RT

4-1. L'interdiction de défendre les intérêts du client contre son prédécesseur

  • Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats
    Aux termes de l'article 19 du décret de 2023, sauf accord préalable du Bâtonnier, l'avocat qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur.
  • Cass. civ. 2, 21-10-2010, n° 09-12.078, F-P+B
    Cass. civ. 2, 03-03-2011, n° 10-14.443, F-D
    Il s'agit d'une règle de nature déontologique, éventuellement passible de sanctions disciplinaires.
  • Cass. civ. 2, 27-03-2003, n° 01-15.410, FS-P+B
    Toutefois, la circonstance que la cliente ait été assistée, pour former le recours devant le premier président, par l'avocat ayant succédé à sa précédente avocate, dans la suite de la procédure de divorce, non seulement n'a pas porté atteinte à l'exigence du procès équitable, dès lors qu'elle n'a pas affecté le droit de l'avocate partie à la contestation d'honoraires de présenter sa cause au juge du recours dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire, mais encore a permis d'assurer le respect du principe de l'égalité des armes.

4-2. Le règlement des honoraires de l'avocat dessaisi

  • Rôle du nouvel avocat
  • Décret n° 2005-790, 12-07-2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat
    Le nouvel avocat s'efforce d'obtenir de son client qu'il règle les sommes restant éventuellement dues à un confrère précédemment saisi du dossier.
  • Cass. civ. 2, 16-11-2006, n° 05-19.064, FS-P+B
    En effet, les honoraires sont dus à un avocat, même si ce dernier se dessaisi du dossier, dès lors que les diligences effectuées étaient justifiées et les honoraires sollicités normaux eu égard à la complexité et à l'importance des intérêts en cause.
  • Cass. civ. 2, 07-04-2011, n° 10-17.069, F-D
    En outre, le retrait de l'avocat quelle qu'en soit la cause n'a pas d'effet rétroactif sur l'application de la convention dont une clause particulière prévoyait qu'en cas de dessaisissement de l'avocat, ses frais et honoraires seraient forfaitisés.
  • Cass. civ. 2, 07-04-2011, n° 10-17.069, F-D
    Il y a donc lieu d'appliquer aux diligences accomplies la clause de la convention prévue en cas de rupture du mandat de l'avocat
  • Cass. civ. 1, 03-10-1995, n° 92-21.240
    Par ailleurs, l'avocat qui a, par plusieurs lettres, clairement prévenu son client qu'il ne pouvait continuer à suivre son dossier si son prédécesseur n'était pas réglé de ses honoraires, peut percevoir, tout de même, des honoraires.
  • Cass. civ. 1, 03-10-1995, n° 92-21.240
    Il s'agit des honoraires correspondant pour l'essentiel à la rémunération d'interventions étrangères à la procédure antérieurement suivie par l'avocat dessaisi.
  • Décret n° 2005-790, 12-07-2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat
    S'il reçoit du client un paiement alors que des sommes restent dues à son prédécesseur, il en informe le Bâtonnier.Précisions

    Mais, le conseil de l'Ordre n'a pas le pouvoir réglementaire d'investir le Bâtonnier d'un pouvoir de décision de nature à paralyser, même sous certaines conditions, l'usage par une partie de voies de droit qui lui sont légalement ouvertes. Ainsi, la disposition figurant dans le règlement intérieur d'un barreau doit être annulée, lorsqu'elle prévoit que "si des sommes restent dues à un avocat précédemment saisi du dossier, le nouvel avocat ne peut, sauf autorisation du Bâtonnier, accomplir de diligences tant que ces sommes ne seront pas réglées". Il n'a pas, non plus, le pouvoir réglementaire d'imposer à ses membres une obligation civile les constituant débiteurs de la dette d'un tiers, dès lors qu'elle est étrangère au fonctionnement des institutions dont l'Ordre a la charge. Ainsi, dès lors que le règlement intérieur pose le principe d'une nouvelle obligation civile à la charge des membres d'un barreau, sans préciser son fondement ni ses conditions de mise en oeuvre, le Bâtonnier n'a pas le pouvoir de déclarer un nouvel avocat personnellement débiteur des sommes dues à son prédécesseur (Cass. civ. 1, 16 décembre 2003, n° 01-10.210, FS-P N° Lexbase : A4741DAT).

  • En cas d'aide juridictionnelle
  • Décret n° 2005-790, 12-07-2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat
    L'avocat qui succède à un confrère intervenant au titre de l'aide juridictionnelle ne peut réclamer des honoraires que si son client a expressément renoncé au bénéfice de celle-ci.
  • Décret n° 2005-790, 12-07-2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat
    Il informe auparavant son client des conséquences de cette renonciation. En outre, il informe de son intervention son confrère précédemment mandaté, le bureau d'aide juridictionnelle et le Bâtonnier.
  • Cass. civ. 2, 14-06-2018, n° 17-21.318, F-P+B+I
    CA Versailles, 12-05-2021, n° 18/08335
    L’avocat, désigné au titre de l’aide juridictionnelle, qui ne mène pas sa mission jusqu’à son terme, ne peut prétendre à la perception d’honoraires s’il n'est pas justifié que son client ait renoncé rétroactivement au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Et il s'en déduit que le changement d'avocat en cours d'instance n'emporte pas renonciation à cette aide.
  • Clause de changement d'avocat avec paiement des honoraires
  • CA Grenoble, 04-04-2012, n° 12/00215
    La clause de changement d'avocat inséréé dans une convention d'honoraires n'est pas abusive.
  • CA Grenoble, 04-04-2012, n° 12/00215
    Cette clause permet seulement au premier avocat d'être réglé de ses honoraires de résultat lorsque la procédure a été gagnée par le successeur sur la base des premières conclusions établies par le premier avocat.

5. La passation de dossier dans le cadre d'une succession d'avocats

E39563RX

  • Obligation de restitution/passation du dossier du client
  • Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats
    Aux termes de l'article 14 du décret de 2023, lorsque l'affaire est terminée ou qu'il en est déchargé, l'avocat restitue sans délai les pièces dont il est dépositaire.
  • Cass. crim., 14-12-1967, n° 65-91729
    L'avocat qui conserve, sans motif légitime, des documents qu'il ne détient plus qu'en vertu d'un mandat révoqué, agit dans l'intention d'exercer une contrainte morale, par le moyen d'une rétention injuste constituant un détournement.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    C'est donc avec prudence et diligence que l'avocat dessaisi doit assurer le suivi des procédures jusqu'à sa substitution effective ou la décision prise par son client d'assurer seul sa défense dans le cas de procédures sans représentation obligatoire.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    Dès dessaisissement, l'avocat doit dresser la liste des dossiers judiciaires en cours et demander à ce que son client lui communique le nom du confrère appelé à lui succéder.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    Il doit préparer les dossiers pour assurer leur transmission et leur suivi par le nouveau conseil dans les meilleures conditions.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    Pour les autres dossiers non contentieux ou pour les dossiers terminés il lui appartient de restituer sans délai les seules pièces dont il était dépositaire.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    Rien n'impose à un avocat de se dessaisir de l'intégralité d'un dossier qui constitue les archives de son cabinet dont il est responsable.
  • Contestation de la restitution des pièces
  • Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats
    Les contestations concernant la restitution des pièces sont réglées suivant la procédure prévue en matière de montant et de recouvrement des honoraires (cf. N° Lexbase : E9119ETW).
  • Art. 174, Code de procédure civile
    Saisi d'une contestation quant à la restitution de pièces, le Bâtonnier doit mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 174 du Code de procédure civile.
  • Cass. civ. 2, 09-10-2008, n° 07-12.174, FS-P+B
    Cass. civ. 2, 17-03-2011, n° 10-16.208, F-D
    L'ordonnance de restitution des pièces relève de la procédure de taxation.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    Dès le début, il doit informer le requérant de ce qu'il doit rendre sa décision dans les trois mois et qu'à défaut de respecter ce délai le premier président peut être saisi.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    La mise en oeuvre de cette procédure n'est nécessaire et utile que lorsque le requérant apporte des précisions suffisantes sur le ou les dossiers concernés, leur nature, leur état procédural et éventuellement sur les pièces objets de la contestation.
  • CA Toulouse, Première, 29-08-2002, n° 2001/01194
    En effet, le Bâtonnier ne dispose pas en la matière de pouvoir de contrainte et peut seulement donner une solution à un litige précis.
  • Cass. civ. 2, 10-06-2010, n° 08-21.561, FS-P+B
    La procédure de taxation à laquelle renvoie l'article 14 du décret du 12 juillet 2005 ne s'applique qu'aux litiges survenus entre un avocat et son client, de sorte que le recours contre la décision du Bâtonnier doit être porté devant la cour d'appel.
  • Cass. civ. 1, 22-09-2011, n° 10-21.378, F-D
    Encourt une sanction disciplinaire l'avocat qui ne restitue pas à son client la copie exécutoire d'une ordonnance qu'il détient pour son compte, en dépit de la décision de ce dernier le lui enjoignant.Précisions

    Aux termes d'un arrêt rendu le 22 septembre 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation relève que l'avocat, ayant été poursuivi à la requête du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Nice pour avoir refusé, en dépit de la décision de ce dernier le lui enjoignant, de remettre à une cliente la copie exécutoire d'une ordonnance qu'il détenait pour son compte, a eu un comportement qui devait être sanctionné par un blâme, pour s'être opposé de manière délibérée à la restitution sollicitée (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-21.378, F-D N° Lexbase : A9686HXZ). La Haute juridiction précise, en outre, que la mention relative à la publicité des débats n'est pas prescrite à peine de nullité par les textes régissant la rédaction des jugements et qu'en vertu de l'article 446 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1118INQ), les contestations afférentes à la publicité des débats doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité avant leur clôture. Enfin, la Cour rappelle qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, les moyens retenus par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été soutenus et débattus contradictoirement à l'audience. On rappellera qu'aux termes de l'article 14 du décret de 2005 (décret n° 2005-790 N° Lexbase : L6025IGA), lorsque l'affaire est terminée ou qu'il en est déchargé, l'avocat restitue sans délai les pièces dont il est dépositaire. Saisi d'une contestation quant à la restitution de pièces, le Bâtonnier doit mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 174 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6842LE7) et, dès le début, informer le requérant de ce qu'il doit rendre sa décision dans les trois mois et qu'à défaut de respecter ce délai le premier président peut être saisi.

  • CA Paris, 2, 1, 28-10-2010, n° 10/01161
    CA Paris, 2, 1, 27-01-2011, n° 10/08319
    Le fait de ne pas transmettre le dossier du client constitue un manquement, que les "problèmes personnels" de l'avocat ne sont pas de nature à justifier.
  • Cass. crim., 20-06-2006, n° 05-80.776, FS-P+F
    CA Paris, 2, 1, 08-02-2011, n° 09/21326
    En emportant son dossier sans l'accord de son avocat et avec la volonté manifeste de se l'approprier, le client qui s'est dessaisi de documents se trouvant en sa possession et les a confiés à son avocat pour les besoins de sa défense ne commet pas un vol.
  • CA Aix-en-Provence, 11-07-2012, n° 12/00155
    La demande de restitution de pièces, lorsque l'affaire est terminée ou lorsque l'avocat en est déchargé, formulée pour la première fois devant le premier président n'est pas recevable.
  • Clause de non-restitution
  • CA Paris, 2, 6, 28-05-2020, n° 16/00683
    Si les dommages-intérêts éventuellement sollicités relativement aux originaux des pièces la procédure non restitués sortent de la compétence du Bâtonnier et, en appel, du délégué du premier président s'agissant de la réparation d'un dommage en lien avec une faute, le montant relatif à des frais de reconstitution de dossier prévu dans une clause de la convention d'honoraire entre dans la liquidation de l'honoraire de l'avocat.

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