La lettre juridique n°499 du 27 septembre 2012

La lettre juridique - Édition n°499

Éditorial

Le droit de vote des étrangers, fils de Typhon et d'Echidna

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N3670BT4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Alors que l'actualité jurisprudentielle est moribonde, il est heureux, pour nous commentateurs, que l'actualité législative prenne le relais : sortie de son chapeau programmatique, le Gouvernement soulève un nouveau lièvre (après le mariage homosexuel), ou plutôt une Chimère trentenaire (proposition n° 80 du programme commun de 1981), le droit de vote des étrangers aux élections locales.

Les arguments de la majorité parlementaire ne manquent pas. Si, pour certains, il apparaît, sinon opportun, du moins légitime, que les étrangers participent à la vie de la cité dans laquelle ils évoluent et puissent élire leurs représentants au niveau local, d'autres arguent qu'ils devraient avoir "voix au chapitre", "payant des impôts comme les autres".

Accorder le droit de vote aux étrangers n'est pas, en soi, une bien grande originalité.

D'abord, chacun sait que les ressortissants communautaires ont ce droit, aux élections locales justement (et bien entendu aux élections européennes) ; et l'expliquer par une prétendue citoyenneté européenne que rien ne permet véritablement d'acter, semble pour le moins spécieux. On le justifiera alors, politiquement, par "une traduction de la communauté de destin liant la France à ses partenaires de l'Union européenne". En fait, la garantie d'une réciprocité de ce droit justifie-t-elle plus prosaïquement que l'exclusivité afférente à la nationalité française connaisse ainsi une première entorse (Directive 94/80/CE du Conseil, du 19 décembre 1994, transposée en droit national par la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution). On notera, toutefois, que seuls 265 000 européens sont inscrits sur les listes électorales complémentaires municipales, sur une population totale de 1,8 million de ressortissants communautaires (moins de 15 %) : pas de quoi déséquilibrer le résultat des élections et risquer le communautarisme, en somme.

Ensuite, dans d'autres pays, notamment en Grande-Bretagne, en Espagne et au Portugal, les ressortissants de pays extérieurs à l'Union européenne ont le droit de vote. La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et plusieurs cantons suisses octroient le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années. Et, en Irlande, le droit de vote des étrangers est subordonné à une durée minimale de résidence et il est étendu aux référendums. Mais, si l'on se réfère à une étude du Cevipof, de 2007, la participation effective aux scrutins est faible : "Les données convergent pour évoquer la faiblesse de l'inscription électorale, une abstention souvent significative [...] et enfin une présence homéopathique des candidats et encore plus des élus étrangers". Là encore, la greffe électorale semble difficilement prendre.

Enfin, le droit de vote des étrangers est une question ancienne : la Constitution du 24 avril 1793, qui n'a jamais été appliquée, prévoyait, déjà, que "Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt-et-un ans accomplis, tout étranger de vingt et un ans, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'Humanité est admis à l'exercice des Droits de citoyen français" ; le "droit de vote universel" selon les constitutionnalistes de l'époque -à l'exclusion de la moitié de l'Humanité, les femmes, donc !-. En 1988, si François Mitterrand ne s'y est pas risqué, c'est sans doute qu'il aurait mal vécu un pareil camouflet, l'échec du scrutin paraissant alors certain. Le 3 mai 2000, l'Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Mais, le Sénat, d'un autre bord politique, n'a pas suivi. Inversement, le 8 décembre 2011, par 173 contre 166, la Haute chambre a adopté une proposition de loi équivalente ; mais l'Assemblée nationale a rejeté le texte. L'alternance gouvernementale sera pour plus tard.

Au final, c'est plus une question de principe fondamental qu'un droit effectif et efficace que l'on tentera ainsi d'adopter, en Congrès, à Versailles, pour peu qu'une majorité se dégage. Toutefois, le Gouvernement ferait bien de relire, auparavant, Michelet, dont il vénère pourtant l'oeuvre tout entière : "en nationalité, c'est tout comme en géologie, la chaleur est en bas ; aux couches inférieures, elle brûle".

Alors, ne nous y trompons pas, à la vérité, la question du droit de vote des étrangers, même cantonnée aux élections locales, ne pose pas tant la question d'une extension de ce droit que d'une restriction des droits exclusifs liés à la nationalité. Excluons d'emblée le lien droit de vote/impôt : d'abord, il s'agirait, là, d'un retour honni et implicite au suffrage censitaire ; ensuite, il s'avère que tout le monde, sauf à être cloîtré et vivre en ermite, paye des impôts, ne serait-ce qu'indirects. Reste la volonté de détacher le destin d'une communauté de la question de la nationalité. Pourquoi pas ? On l'a vu, la chose est déjà actée au bénéfice des européens. Mais, en conséquence, quel droit demeure attaché à la nationalité française ?

L'intégration du corpus communautaire sur la liberté de circulation et la non-discrimination oblige la France a accorder peu ou prou l'ensemble des droits des nationaux aux ressortissants communautaires (intégration dans la fonction publique, équivalence de diplômes...), quand le droit fondamental de l'Union ou le droit conventionnel conduit la France à accorder, au nom des principes humanitaires, les droits sociaux aux simples résidents (à titre régulier ou non). La nationalité n'est ni sociale, ni fiscale, à peine électorale. Elle sert éventuellement à déterminer la loi applicable dans un cadre international (ex. C. civ., art. 309) ; elle permet l'acquisition d'un titre de reconnaissance de la Nation (C. pens. milit., art. L. 253 quinquies) ; elle permet d'être nommé assesseur des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (CSS, art. L. 144-1) ; elle permet la souscription d'assurances sociales volontaires (CSS, art. L. 764-1, L. 765-3, etc.) ; elle permet d'être éligible auprès de la chambre de discipline des pharmaciens (C. santé pub., art. L. 4443-2) ; elle permet d'être admis dans la réserve civile de la police nationale, en qualité de volontaire (C. sécu. int., art. L. 411-9) ; mêmes les lycées de la défense réservés aux enfants de nationalité française sont désormais ouverts aux enfants de militaires de nationalité étrangère servant ou ayant servi dans les armées françaises (C. éduc., art. R. 425-7). Au total moins de 400 dispositions se réfèrent à la nationalité française, dont une grande partie au sein du Code civil (acquisition de la nationalité oblige), du Code des pensions militaires, invalidité et victimes guerre et, bien évidement au sein du Code de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Mais combien de dispositions ont la valeur symbolique et la portée du droit de vote ?

La fin des nationalismes est assurément une bonne chose pour la démocratie et la paix ; mais, la nationalité demeure le plus petit dénominateur commun au sein d'une communauté de destin. Que restera-t-il de l'attractivité multi-séculaire de la nationalité française ? Une tradition historique, sans doute.

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Avocats/Champ de compétence

[Evénement] Le contrat collaboratif - Compte rendu de la réunion de la Commission Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris

Lecture: 4 min

N3518BTH

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 27 Mars 2014

La Commission ouverte Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris tenait, le 13 septembre 2012, sous la responsabilité de Nathalie Tisseyre-Boinet, avocat à la cour, une réunion consacrée au contrat collaboratif, animée par Catherine Bourguès-Habif et Nathalie Ganier-Raymond, avocats au barreau de Paris. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. Le contrat collaboratif est l'une des phases du processus collaboratif. A cet égard, Maître Nathalie Ganier-Raymond a rappelé la différence entre le processus collaboratif et la procédure participative. Le processus collaboratif est pratiqué en France depuis environ cinq, six ans. Il repose sur le principe selon lequel le travail se fait en équipe, dans la transparence et la vérité aux fins d'aboutir à un processus pérenne, sans saisir le juge. Si ce processus n'aboutit pas et que le contentieux est inévitable, les avocats collaboratifs s'engagent à se retirer du dossier. Comme le souligne Maître Nathalie Ganier-Raymond,  "ceux qui essayent de faire la paix, ne font pas la guerre derrière". La procédure collaborative n'est réglementée par aucun texte ; il s'agit d'une pratique professionnelle fondée sur les standards américains et canadiens. A l'inverse la procédure participative est un outil dont l'existence légale est récente (C. pr. civ., art. 1542 et s. N° Lexbase : L8357IRX). Ces textes prévoient la possibilité pour les parties de signer une convention par laquelle elles vont tenter de trouver un accord. Cet accord implique que toutes les procédures sont suspendues et partant, les délais de prescription aussi. Si aucun accord n'est trouvé, les avocats peuvent faire trancher le litige par le juge (pour aller plus loin sur la distinction entre ces deux procédures, lire La procédure participative et son nouveau décret d'application au regard de la pratique collaborative - Compte rendu de la réunion de la Commission Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 483 du 30 avril 2012 - édition privée N° Lexbase : N1627BTG).

Le contrat collaboratif est un contrat civil tout à fait classique liant les parties et leurs avocats. Les parties qui signent ce contrat ont une réelle envie de sortir d'un conflit sans passer par la voie contentieuse. Cela implique que les deux parties prennent un avocat formé au droit collaboratif et tous les entretiens sont réalisés avec les quatre parties automatiquement.

Si, au Canada, la signature du contrat collaboratif est effectuée dès le premier rendez-vous à quatre, en France, pour des raisons de mentalités et de procédures différentes, ce contrat ne se signe pas à la première rencontre, durant laquelle il faut expliquer le processus et voir si l'alchimie fonctionne. L'intervenante rappelle que l'élément essentiel du processus est la confiance.

Le contrat collaboratif est libre, et Catherine Bourguès-Habif regrette qu'il ne soit pas encore homologué par les Ordres professionnels, mais le modèle dominant a souvent la même trame.

Mention du nom des parties :

Préambule classique à tous les contrats, les parties doivent être identifiées. Il est à noter que, particularité de ce contrat, les avocats ne sont pas mentionnés comme représentants des parties, mais comme parties mêmes. Il s'agit d'un contrat à quatre : les deux clients et leurs avocats.

Rappel de la situation :

Il s'agit ici d'exposer tout simplement la situation et le litige soulevé.

Mention du droit collaboratif :

Il est important de porter sur le contrat que les parties ont fait le choix de recourir au droit collaboratif et, partant, à toutes ses composantes.

Engagement des parties au contrat :

Nathalie Ganier-Raymond précise qu'il s'agit de reprendre les principes directeurs du processus collaboratif :

- un travail d'équipe ;
- qui interdit le recours à une procédure judiciaire ;
- où les parties s'engagent à faire preuve de loyauté, de bonne foi ;
- où les parties acceptent de communiquer l'intégralité des informations utiles au processus ;
- le tout dans le respect des règles de communication et de "courtoisie élémentaire".

Nathalie Ganier-Raymond préconise de rajouter une clause, fréquemment utilisée au Canada, qui dispose que les parties ne doivent pas évoquer, en dehors des réunions, les aspects financiers de l'affaire.

Rôle de l'avocat :

Outre son rôle classique, le processus collaboratif prévoit quelques spécificités pour l'avocat. Les deux avocats doivent confirmer qu'ils ont été formés au droit collaboratif selon les standards de l'IACP (http://www.collaborativepractice.com/). Les avocats s'engagent à respecter le mode de résolution des conflits. Ils s'obligent aussi à ne pas saisir le juge, sauf au moment de l'homologation.

Confidentialité renforcée :

Les informations à communiquer sont les informations importantes pour l'issue du processus collaboratif.

Toutes les informations doivent être données et les parties peuvent les consulter, mais en aucune manière, ces documents ne doivent circuler.

Si le processus collaboratif échoue, les informations n'ont pas à être transmises aux avocats successeurs, sauf accord des parties. Si un processus n'aboutit pas, que se passe-t-il ? Les avocats sont dans l'obligation de se désister. Si le successeur demande les pièces, l'avocat doit communiquer le contrat indiquant l'impossibilité de fournir les pièces en raison de la confidentialité renforcée. Catherine Bourguès-Habif précise que les juges aux affaires familiales commencent à prendre en compte cette particularité. En effet, à Paris, Nanterre, Versailles et Grenoble, les magistrats sortent du dossier les pièces estampillées "Droit collaboratif".

Il est très important de préciser que les pièces n'appartiennent plus aux parties mais au processus collaboratif.

Honoraires de l'avocat :

Il faut indiquer librement dans le contrat les modalités de rémunération de l'avocat. Plusieurs possibilités sont envisagées : chaque justiciable rémunère son avocat ; l'un des deux prend tous les frais en charge ; prévoir comment cela se passera si les avocats pratiquent des taux horaires et des forfaits différents. Là encore l'idée générale est celle de la transparence totale.

Rupture de la convention :

En cas de rupture, soit que les parties n'ont pas été transparentes ou soit que l'un des avocats considère que son client n'est plus dans un état d'esprit propre à poursuivre un processus collaboratif, les parties doivent dénoncer ce contrat par LRAR.

Un mois après les justiciables pourront aller devant les tribunaux, sauf en cas d'urgence (type enlèvement d'enfants).

Les avocats, eux et leur cabinet, sont obligés de se désister complètement et de ne plus du tout assister ce client quel que soit le dossier le mettant en cause avec la même partie que dans le processus collaboratif.

Pour les deux intervenantes, le processus collaboratif est un nouvel outil qui améliore les relations de l'avocat avec son client. Tout fonctionne sur le système consensuel et si cela fonctionne aussi bien, c'est parce que l'avocat se retire si le processus n'aboutit pas.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Référé-expertise et prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction

Réf. : Cass. civ. 3, 5 septembre 2012, n° 11-19.200, FS-P+B (N° Lexbase : A3644ISR)

Lecture: 13 min

N3682BTK

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 28 Septembre 2012

Dès lors que l'ordonnance désignant un expert judiciaire en fixation du montant de l'indemnité d'éviction a été rendue antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (loi n° 2008-561 N° Lexbase : L9102H3I), le délai de prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction a commencé à courir à compter de la date de l'ordonnance, sans que les nouvelles dispositions issues de cette loi, qui prévoient la suspension du délai jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, puissent s'appliquer à ce délai de prescription en cours lors de leur entrée en vigueur. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 5 septembre 2012.
En l'espèce, un locataire de locaux à usage commercial avait sollicité le renouvellement de son bail le 18 octobre 2005. Le bailleur avait refusé par acte du 17 janvier 2006 en offrant une indemnité d'éviction. Une expertise avait été ordonnée en référé le 6 septembre 2006. Le 24 décembre 2008, soit plus de deux ans après l'ordonnance du 6 septembre 2006, le bailleur a assigné le locataire en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation. Le 12 mai 2009, ce dernier a assigné le bailleur en paiement d'une indemnité d'éviction. Les juges du fond ont déclaré irrecevable la demande du locataire en paiement d'une indemnité d'éviction au motif que l'action était prescrite. 1 - Régime applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561, portant réforme de la prescription en matière civile

1.1 - Application de la prescription biennale à l'action en paiement de l'indemnité d'éviction à la suite d'un congé refusant le renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction

L'indemnité d'éviction est l'indemnité due, en principe, au locataire qui, pouvant prétendre à un droit au renouvellement, se voit refuser le renouvellement de son bail (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII).

Toutes les actions exercées en vertu du chapitre V du Code de commerce, relatif au bail commercial, se prescrivent par deux ans (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID). A cette prescription biennale, s'ajoutait, également, un délai de forclusion d'une même durée. L'article L. 145-9 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5737AIC), disposait, en effet, "que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné". En présence d'une demande de renouvellement, l'article L. 145-10 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5738AID), comportait une disposition similaire : "le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement".

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), a modifié les articles L. 145-9 et L. 145-10 du Code de commerce afin de soumettre l'action du preneur en contestation du congé ou en paiement de l'indemnité d'éviction au régime de la prescription et non à celui de la forclusion. Les termes "à peine de forclusion" ayant été supprimés dans les nouveaux articles L. 145-9 (N° Lexbase : L5736ISA) et L. 145-10 (N° Lexbase : L5734IS8) du Code de commerce, les actions du preneur en contestation du congé et en paiement de l'indemnité d'éviction sont désormais soumises, en principe, à la prescription biennale de l'article L. 145-60 de ce code, ces actions étant fondées sur des dispositions du statut des baux commerciaux.

Avant cette réforme, la Cour de cassation avait restreint le champ d'application de la forclusion de l'action en contestation du congé ou en paiement de l'indemnité d'éviction. En effet, elle avait précisé que cette forclusion ne s'appliquait pas en présence d'un congé avec offre de payer une indemnité d'éviction (voir par exemple, Cass. civ. 3, 3 juillet 1984, n° 83-11.500 N° Lexbase : A0793AAM, Rev. loyers, 1984, p. 319 ; Cass. civ. 3, 29 septembre 1999, n° 97-21.171 N° Lexbase : A8140AGL). La forclusion n'avait pas vocation, non plus, à s'appliquer en présence d'un congé offrant le renouvellement (voir par exemple, Cass. civ. 3, 12 juin 1985, n° 84-12.299 N° Lexbase : A4635AAW ; Cass. civ. 3, 29 mars 2000, n° 98-15.315 N° Lexbase : A9338ATZ).

En raison de l'exclusion de la forclusion dans ces hypothèses, s'est posée la question de la soumission ou non à la prescription biennale des actions concernées (pour un exposé des thèses pouvant être invoquées à l'appui du rejet de la prescription biennale en présence d'un congé portant offre de règlement d'une indemnité d'éviction, voir C. Denizot, Prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction, AJDI, 2008, p. 22).

A plusieurs reprises, la Cour de cassation a précisé que dès lors qu'une expertise en fixation du montant de l'indemnité d'éviction a été ordonnée, l'action en paiement de l'indemnité d'éviction est soumise à la prescription biennale (Cass. civ. 3, 14 novembre 2002, n° 01-10.691, FS-D N° Lexbase : A7193A3S). L'action en paiement de l'indemnité d'éviction est également soumise au délai de la prescription biennale même si aucune expertise n'a été diligentée. Un arrêt du 15 novembre 2005 pouvait être invoqué en ce sens (Cass. civ. 3, 15 novembre 2005, n° 04-16.591, F-P+B N° Lexbase : A5610DLD). La Cour de cassation semble l'avoir ensuite explicitement admis en affirmant que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction n'est pas soumise à la condition que le droit du preneur à une indemnité d'éviction soit contesté (Cass. civ. 3, 31 mai 2007, n° 06-12.907, FS-P+B N° Lexbase : A5133DWZ ; Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-13.962, FS-P+B N° Lexbase : A7288EIR).

1.2 - Effet de l'expertise judiciaire aux fins d'évaluation du montant de l'indemnité d'éviction sur la prescription biennale de l'action en paiement de cette indemnité

L'assignation en référé tendant à faire désigner un expert aux fins d'évaluation du montant de l'indemnité d'éviction interrompt le délai de prescription de deux ans et un nouveau délai de deux ans commence à courir à compter de l'ordonnance de référé désignant l'expert en vue de la détermination du montant de l'indemnité d'éviction (Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-13.962, préc.)

L'arrêt rapporté rappelle cette solution. La Cour de cassation précise, en effet, que l'instance introduite par une assignation qui ne tend qu'à l'organisation d'une mesure d'instruction en application de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) trouve sa solution par l'ordonnance de référé qui désigne l'expert judiciaire et que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction introduite plus deux ans après la date de l'ordonnance est irrecevable. Il s'en déduit qu'un nouveau délai de prescription de deux ans commence à courir à compter de l'ordonnance ayant désigné l'expert judiciaire.

L'article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS), issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, comporte de nouvelles dispositions de nature à modifier le régime de la prescription en présence d'un référé-expertise.

2 - Régime applicable après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile

2.1 - Maintien de la prescription biennale

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, a créé un délai de prescription extinctive de droit commun de cinq années (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC). Dès lors que l'article 2223 du Code civil (N° Lexbase : L7185IAD) précise que "les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l'application des règles spéciales prévues par d'autres lois", la prescription biennale des actions fondées sur une disposition du statut des baux commerciaux continue de s'appliquer.

Les parties à un bail commercial peuvent toutefois désormais, a priori et dans une certaine limite (délai de un à dix ans) aménager conventionnellement le délai de prescription (C. civ., art. 2254 N° Lexbase : L7168IAQ), les dispositions de l'article L. 145-60 du Code de commerce n'étant pas visées par l'article L. 145-15 de code (N° Lexbase : L5743AIK) comme étant d'ordre public (en ce sens, et plus généralement sur l'incidence de la réforme de la prescription sur les actions relatives à un bail commercial, voir F. Auque, Réforme de la prescription et droit des baux commerciaux, AJDI, 2009, p. 344).

2.2 - Nouveau cas de suspension du délai de prescription en présence d'une mesure d'instruction ordonnée judiciairement

S'agissant de l'incidence d'une mesure d'expertise in futurum, la loi du 17 juin 2008 a créé une solution originale. L'article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS), dans sa rédaction issue de la loi précitée, dispose que "la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription ne recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, qu'à compter du jour où la mesure a été exécutée". Il s'agit là d'un nouveau cas de suspension du délai de prescription.

Il résulte de ces dispositions, en ce qui concerne l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, que lorsque le juge ordonne une mesure d'expertise tendant à la fixation du montant de cette indemnité, le délai de prescription biennale est interrompu à compter du jour de la décision ordonnant l'expertise. La suspension de la prescription, dont les effets sont désormais légalement définis, "en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru" (C. civ., art. 2230 N° Lexbase : L7215IAH). Le délai de prescription, "amputé" de la période qui a couru avant sa suspension, recommence ensuite à courir à compter du dépôt du rapport. Toutefois et toujours selon l'article 2239 du Code civil, la durée du délai de prescription qui recommence à courir à compter de ce dernier évènement ne peut être inférieure à six mois. Si le délai de la prescription biennale qui a couru avant sa suspension est supérieur à un an et demi, il se trouvera en conséquence prolongé de la durée nécessaire pour qu'il expire à la fin de la période de six mois courant à compter du dépôt du rapport.

2.3 - Articulation des règles relatives à l'interruption et de celles relatives à la suspension du délai de prescription en cas de référé-expertise

La question se pose de la combinaison de l'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) dans sa rédaction actuelle qui dispose que "la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion" et de l'article 2239. A l'instar des solutions jurisprudentielles précédentes, fondées sur l'effet interruptif de "la citation en justice même en référé" prévu par l'ancien article 2244 du Code civil (N° Lexbase : L2532ABE ; voir par exemple, Cass. civ. 3, 11 mai 1994, n° 92-19.747 N° Lexbase : A7315ABK), l'assignation en référé-expertise devrait continuer à interrompre le délai de prescription, sauf à considérer que les dispositions spécifiques du nouvel article 2239 du Code civil devraient conduire à la mise à l'écart de cette règle générale.

Dans l'hypothèse d'une application conjointe de ces deux articles, le délai de prescription serait interrompu par l'assignation en référé-expertise. L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, selon les dispositions de l'article 2242 du Code civil issu de la réforme de la prescription (N° Lexbase : L7180IA8). A supposer que l'ordonnance de référé désignant un expert marque l'extinction de l'instance, un nouveau délai de deux ans courrait à compter de sa date. Il serait toutefois concomitamment suspendu, ce qui impliquerait que dans tous les cas, ce serait le délai de prescription initial qui courrait à compter du dépôt du rapport. Une telle interprétation semble difficilement pouvoir être retenue car les précisions de l'article 2239 du Code civil deviendraient inutiles. En outre, ce dernier texte précise que le délai suspendu "recommence à courir", ce qui suppose que le délai visé est un délai qui a déjà commencé à courir. Or, ce ne sera pas le cas si un nouveau délai court à compter de l'ordonnance, étant rappelé que "l'interruption efface le délai de prescription acquis" et "fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien" (C. civ., art. 2231 N° Lexbase : L7216IAI).

Il pourrait être considéré que, si l'article 2241 du Code civil continue de s'appliquer aux actions en référé-expertise, en revanche, l'article 2239 du Code civil mettrait à l'écart l'article 2242. Le délai de prescription serait ainsi interrompu avec l'assignation et un nouveau délai courrait à compter de cette dernière. Il serait ensuite suspendu au jour de l'ordonnance. Il pourrait toutefois être également considéré que l'assignation en référé-expertise n'interrompt pas le délai de prescription (en ce sens, R. Perrot, Mesures d'instruction préventives - Incidence sur la prescription de l'action au fond, Procédures, n° 10, octobre 2008, alerte 35), ce qui n'est pas sans danger en cas de rejet de la demande.

2.4 - Sur le sort de la prescription en cas de rejet de la demande d'expertise judiciaire

Il doit être souligné, en effet, que l'article 2239 du Code civil ne confère à la décision du juge un effet suspensif de la prescription qu'à la condition qu'il y fasse droit. Dès lors qu'il n'y fait pas droit, la prescription, éventuellement non interrompue, ne serait pas non plus suspendue, sauf à considérer qu'en cas de rejet de la demande, le droit commun retrouverait son empire.

Cependant, et en tout état de cause, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si une demande était rejetée, notamment en raison d'une contestation sérieuse (Cass. civ. 2, 14 mai 2009, n° 07-21.094, FS-P+B N° Lexbase : A9704EGI), l'interruption était regardée comme non avenue (C. civ., art. 2247, anc. N° Lexbase : L2535ABI). Désormais, l'interruption est non avenue si la demande est "définitivement" rejetée (C. civ., art. 2243 N° Lexbase : L7179IA7), ce qui pourrait permettre de soutenir, mais non d'affirmer (R. Perrot, Revue Procédures, n° 8, août 2009, comm. n° 268), que cette règle ne s'appliquerait pas en présence d'une décision, provisoire par nature, du juge des référés.

A ces interrogations, s'ajoutaient celle de savoir si les nouvelles dispositions de l'article 2239 du Code civil devaient s'appliquer à une prescription en cours lors de leur entrée en vigueur.

3 - Application dans le temps des dispositions de l'article 2239 du Code civil

L'article 26 de la loi du 17 juin 2008 contient des dispositions transitoires qui ont vocation à régir l'application dans le temps des dispositions de cette loi.

Ce texte précise que :
"I. - Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. - Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation
".

Dans l'arrêt commenté, l'ordonnance de référé ayant désigné l'expert judiciaire avait été rendue le 6 septembre 2006, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Au regard des solutions dégagées sous l'empire de la loi ancienne, le délai de prescription, qui devait expirer le 6 septembre 2008, était donc en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

La question se posait en conséquence de savoir si les dispositions de l'article 2239 du Code civil devaient s'appliquer.

Les dispositions de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 prévoient en effet que lorsque le délai de prescription n'est pas expiré à la date d'entrée en vigueur de cette loi, comme c'était le cas en l'espèce, les dispositions de cette dernière, qui allongent la durée de la prescription, s'appliquent.
Le preneur soutenait que l'article 2239 du Code civil avait entraîné un allongement du délai de prescription. En effet, dès lors que le délai de prescription recommence à courir à compter du dépôt du rapport pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, il peut se trouver allongé puisqu'il ne pourra être inférieur au délai initial de prescription auquel s'ajoutera six mois. Cependant ce délai ne sera pas nécessairement allongé si le temps restant à courir à la suite de la reprise du cours de la prescription est supérieur à six mois. L'allongement du délai de prescription dépendra, notamment, de la date à laquelle l'ordonnance sera rendue.

Certains juges du fond avaient considéré que les dispositions de l'article 2239 du Code civil opéraient un allongement du délai. Ainsi, la cour d'appel de Paris a retenu cette analyse pour, cependant, en conclure que les dispositions nouvelles ne pouvaient s'appliquer à un délai expiré avant l'entrée en vigueur de la loi, l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008 excluant le cas des délais déjà expirés (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 9 juin 2010, n° 09/13639 N° Lexbase : A5746E39).
La même cour avait également fait une application immédiate des dispositions de l'article 2239 du Code civil, sans motiver la solution par référence à un allongement des délais de prescription, en jugeant que l'intervention de la loi du 17 juin 2008 alors que le délai de prescription, qui avait commencé à courir à compter d'une ordonnance de référé antérieure, était en cours, avait eu pour effet d'entraîner la suspension de ce délai tant que le rapport n'était pas déposé (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 15 février 2012, n° 10/12114 N° Lexbase : A5719ICS).

La Cour de cassation, dans son arrêt du 5 septembre 2012, rejette ces solutions différentes. Elle précise, en effet, que la loi du 17 juin 2008 n'a ni augmenté, ni réduit le délai de prescription de l'article L. 145-60 du Code de commerce et qu'elle ne contient aucune disposition transitoire pour les cause d'interruption ou de suspension.

Elle retient donc une conception stricte de la notion "d'allongement de délai" qui ne concernerait ainsi que la durée expressément prévue du délai de prescription, peu important l'effet des dispositions relatives à l'interruption ou à la suspension qui peuvent conduire, dans certains cas et dans les faits, à un allongement de ce délai.

Bien que la question n'ait pas été posée en ces termes à la Cour de cassation, cet arrêt confirmerait qu'il faudrait exclure la solution qui consisterait à appliquer la loi ancienne au motif qu'une instance était en cours, hypothèse prévue par l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 dans laquelle la loi ancienne aurait également vocation à s'appliquer (sur ce point, voir P. Théry, Le référé probatoire et l'application dans le temps de la loi du 17 juin 2008, RDI, 2009, p. 481). La Haute cour précise en effet, dans cette décision, certes à propos du régime de la prescription sous l'empire du droit ancien, que l'instance en référé-expertise, qui ne tend qu'à l'organisation d'une mesure d'instruction en application de l'article 145 du Code de procédure civile, a trouvé sa solution dans l'ordonnance désignant l'expert. Elle a ainsi rejeté, sur ce fondement, l'argumentation du preneur qui consistait à soutenir que dès lors que l'ordonnance n'était pas définitive, faute d'avoir été signifiée, l'effet interruptif de l'assignation perdurait.

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Une interprétation stricte et remarquée des compétences d'exécution de la Commission en matière de contrôle des frontières extérieures de l'Union

Réf. : CJUE, 5 septembre 2012, aff. C-355/10 (N° Lexbase : A2296IST)

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N3596BTD

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 27 Septembre 2012

L'immigration est un sujet sensible dans l'ensemble des Etats européens. En 2005, le monde comptait 191 millions d'immigrés. 21% d'entre eux, soit près de 41 millions de personnes, résidaient dans l'Union européenne. La population immigrée représente ainsi 8,6 % de la population communautaire. Il existe une politique européenne d'asile et d'immigration, mais celle-ci peine à se construire. A l'heure où plusieurs Etats membres durcissent ou prévoient de durcir leurs législations, notamment à l'égard des immigrés clandestins, les intérêts communs européens se rencontrent et s'accordent essentiellement sur le volet "répressif". Il est très difficile d'être "euro-progressiste" en la matière, le rapprochement ne pouvant se faire, dans un domaine aussi sensible et dans une Europe à 27 où les lois nationales s'avèrent très disparates, que sur le plus petit dénominateur commun. Si l'idée d'une "Europe-forteresse" semble l'emporter et si les Etats membres semblent succomber à leurs vieux démons sécuritaires, ces derniers doivent, néanmoins, compter sur l'émergence d'un nouvel acteur institutionnel dans l'agencement des pouvoirs, à savoir le Parlement européen. Celui-ci, en s'appuyant, notamment et justement, sur l'activité de la Cour de justice, qui semble elle avoir choisi sa voie, à savoir être un juge des droits de l'Homme plutôt qu'un juge protecteur de la sécurité intérieure des Etats (1), est amené à infléchir les orientations de cette politique dans un sens plus favorable aux droits et libertés fondamentaux. L'arrêt rendu le 5 septembre 2012 donne, en ce sens, un signal politique fort en direction des Etats membres de l'Union européenne et fait à la fois de la Cour de justice et du Parlement des nouveaux remparts contre les dérives sécuritaires observées ces derniers temps. Le recours introduit par le Parlement tend, en l'espèce, à l'annulation de la décision du Conseil 2010/252/UE du 26 avril 2010, visant à compléter le Code Frontières Schengen (2) en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne. Pour le Parlement, cette décision excède les limites des compétences d'exécution du Conseil de l'Union. Les dispositions de la décision attaquée auraient du être adoptées selon la procédure législative ordinaire, et non selon la procédure dite de comitologie alors employée par le Conseil (3).

Si la majeure partie de la législation de l'Union européenne est mise en oeuvre par les Etats membres, il est, néanmoins, nécessaire de déléguer des compétences à la Commission afin de lui permettre de prendre des mesures d'exécution européennes. Le système de comitologie repose ainsi sur des comités, composés de représentants de chaque Etat membre, chargés de contrôler les propositions de la Commission et d'émettre un avis formel avant que la Commission n'adopte la mesure. Les relations entre la Commission et ces comités sont régies selon des modèles préalablement établis par une décision du Conseil, la décision "comitologie" (4). Cette décision garantit au Parlement européen un "droit de regard" sur la mise en oeuvre des actes législatifs adoptés en codécision (5). Le Parlement peut manifester son désaccord à l'égard de projets de la Commission ou, le cas échéant, du Conseil, qui excéderaient, selon lui, les compétences d'exécution prévues dans cette législation. C'est ce qui a concrètement été fait en l'espèce à propos de la procédure de comitologie prévue au Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (N° Lexbase : L0989HIH) (Règlement établissant le Code frontières Schengen, ou "CFS"). Il y est prévu que cette procédure ne peut être exercée qu'"à condition que les mesures d'exécution adoptées conformément à cette procédure ne modifient pas les dispositions essentielles du présent Règlement" (article 33 § 2 du Règlement auquel renvoie l'article 12 § 5 de ce même Règlement). Pour le Parlement, il y a modification des dispositions essentielles justifiant la procédure de législation ordinaire et non la procédure de comitologie.

En faisant droit à la demande du Parlement européen, la Grande chambre de la Cour de Luxembourg vient clarifier les contrôles pouvant être opérés pour garantir les équilibres institutionnels dans l'Union contre les abus de pouvoirs. Avant le Traité de Lisbonne, la comitologie s'était répandue si rapidement au fil du temps et dans les divers domaines politiques que presque tous les domaines d'activité de l'Union européenne faisaient appel à elle. Sur le principe, la comitologie était très critiquée en raison de son manque de démocratie, la décision étant prise par l'exécutif assisté par des "experts" dont on pouvait supposer qu'ils étaient compétents mais certainement pas légitimes d'un point de vue démocratique, alors qu'ils pouvaient avoir un pouvoir étendu. Le Parlement européen, seule institution élue par les citoyens, n'avait pas voix au chapitre. Dans les faits, la comitologie avait donné lieu à des décisions très controversées, par exemple, en matière d'autorisation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) (6). L'entrée en vigueur des articles 290 (N° Lexbase : L2607IPA) et 291 (N° Lexbase : L2608IPB) du TFUE a introduit deux nouvelles bases juridiques qui règlent, désormais, ce que l'on appelait la "comitologie".

Avant de conclure à l'annulation de la décision d'espèce, la Cour insiste lourdement sur le fait que la décision du Conseil attaquée par le Parlement "excède la cadre des mesures supplémentaires au sens de l'article 12, paragraphe 5, du CFS et relève, dans le cadre du système institutionnel de l'Union, de la responsabilité du législateur de cette dernière" (point 78) et sur le fait que "les parties I et II de l'annexe de la décision attaquée contiennent des éléments essentiels de la surveillance aux frontières maritimes extérieures" (point 79). En agissant de la sorte, la Cour de justice fait oeuvre de Cour constitutionnelle en préservant les équilibres institutionnels des pouvoirs au sein de l'Union européenne (II) mais elle rappelle aussi, par la même, au Conseil, aux Etats membres et à la Commission le rôle que le Parlement est appelé à exercer dans les domaines de l'espace de liberté, de sécurité et de justice en général et dans celui de l'asile et de l'immigration en particulier (I).

I - La confirmation des pouvoirs importants du Parlement européen dans la fixation du régime applicable à l'espace de libre circulation européen

Le domaine de l'asile et de l'immigration est un domaine politiquement sensible où toute mesure technique est susceptible d'emporter des implications majeures en termes de droits et libertés fondamentaux. Le rappel, par la Cour de justice, du rôle joué ainsi par le Parlement pour préserver ces droits et libertés apparaît plus qu'essentiel. C'est tout d'abord le droit au contrôle et au recours du Parlement qui est clairement affirmé en la matière (A). La Cour confirme, ensuite, le statut nouveau du Parlement dans l'agencement des pouvoirs au sein de l'Union et en fait un acteur majeur amené à consolider, peut-être pour l'avenir, le système Schengen à un moment où certains Etats, et singulièrement la France, remettent partiellement en cause le dispositif (B).

A - Un droit au contrôle et au recours clairement affirmé par la Cour de justice

De façon générale, le juge de Luxembourg a d'abord reconnu au Parlement la légitimation active pour agir devant la Cour exclusivement dans les cas où celle-ci est attribuée expressément aux "institutions" de la Communauté. Ainsi la Cour de justice a accepté la recevabilité des recours en carence du Parlement basés sur l'article 265 du TFUE (N° Lexbase : L2579IP9) (7) et des interventions à des litiges fondées sur l'article 37 (devenu art. 40) du statut de la Cour (8). Dans les cas où cette légitimation n'était reconnue par le Traité qu'au Conseil et à la Commission, la Cour a, dans un premier arrêt, rejeté l'analogie en faveur du Parlement. Elle a, pour cette raison, déclaré irrecevable un recours en annulation du Parlement basé sur l'article 263 TFUE (ex-art. 230 TCE, ex-art. 173 CEE) (N° Lexbase : L2577IP7) (9) . Dans un deuxième arrêt, la Cour a révisé sa jurisprudence antérieure et a reconnu au Parlement le pouvoir d'intenter des recours en annulation fondés sur l'article 230 du TCE dans la limite où le recours vise à la défense de ses prérogatives (10). Cette jurisprudence a été traduite dans le texte de l'article 230 du TCE par le Traité de Maastricht. L'article 230, alinéa 3, du Traité CE, ainsi modifié, disposait que, sont recevables des recours en annulation formés par le Parlement, qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de celui-ci. Le Parlement a finalement obtenu, en vertu du Traité de Nice, d'être considéré comme le Conseil et la Commission pour l'introduction d'un recours en annulation. Il est désormais visé à l'article 263, alinéa 2, du TFUE.

Si son intervention n'allait pas de soi à l'origine, le droit au recours du Parlement a encore longuement été discuté dans l'arrêt d'espèce. Le Conseil européen soutenait l'idée que le Parlement ne pouvait exercer son droit au recours parce qu'il n'avait pas exercé son droit à s'opposer à la décision attaquée dans le cadre de la procédure de réglementation avec contrôle suivie pour son adoption, dans laquelle il est stipulé in fine que, si le Parlement européen ne s'est pas opposé aux mesures proposées, celles-ci sont arrêtées (point 33 de la décision) (11). Pour le Conseil, le rôle du Parlement se limite au contrôle de la légalité formelle de l'acte et non à une appréciation politique. Pour la Cour de justice, l'exercice de ce droit ne dépend pas de la position prise, lors de la procédure d'adoption de l'acte en cause, par l'institution ou l'Etat membre introduisant le recours (point 38 de la décision). Le Parlement dispose donc bien d'un droit de recours contre la décision attaquée quand bien même il ne s'est pas opposé à elle lors de la procédure suivie pour son adoption (point 39 de la décision). Le juge de Luxembourg fait, ainsi, une distinction nette entre le "contrôle préalable" que l'institution est amenée à exercer durant la procédure décisionnelle, et le "contrôle juridictionnel" que l'institution doit pouvoir exercer une fois la décision adoptée.

Il y a là, de la part de la Cour, une prise de position forte qui est à souligner et qui confirme la volonté du juge de clarifier les contrôles pouvant être employés pour assurer l'équilibre institutionnel des pouvoirs au sein de l'Union. En confirmant la possibilité du contrôle juridictionnel opéré par le Parlement dans un domaine aussi sensible que celui de l'espace de libre circulation européen, elle affirme le rôle nouveau et important joué par le Parlement dans l'agencement général des pouvoirs au sein de l'Union européenne. Possédant dorénavant des pouvoirs accrus en matière d'asile et d'immigration depuis le Traité de Lisbonne (12), le Parlement joue, ainsi, de manière pleine et entière son rôle de protecteur des droits et libertés fondamentaux de l'Union. Il a toujours existé un lien étroit entre la destinée du Parlement européen et la progression de la démocratie dans l'Union et si le développement des compétences du Parlement européen n'a pas permis, jusqu'à présent, de mettre un terme à part entière à la dénonciation récurrente du "déficit démocratique" de l'Union, l'arrêt d'espèce contribue, quelque peu, à changer cette perspective.

B - Un rempart contre les réticences politiques à la mise en oeuvre du système Schengen

Le succès du système Schengen, et plus particulièrement la disparition des contrôles aux frontières intérieures qui en constitue l'essentiel, a mis longtemps à se dessiner en raison de la tâche à accomplir. Les Etats ont souvent été réticents au moment du passage à l'acte, c'est-à-dire au moment de supprimer effectivement les contrôles aux frontières extérieures. C'est la raison pour laquelle cette suppression s'est, dans un premier temps, accompagnée de l'utilisation fréquente de la possibilité laissée aux Etats de rétablir leurs contrôles, sans avoir à se justifier ou à suivre de quelconques exigences procédurales. La politique de Schengen n'a, ainsi, pu voir le jour qu'à côté de la construction communautaire et son cadre de rattachement a sensiblement varié au fil du temps pour être toujours un peu singulier. De plus, avec la réticence encore plus forte de divers Etats membres de l'Union européenne qui refusent toujours d'y participer et du fait des liens noués par d'autres avec certains de leurs voisins, la géographie même de Schengen est indiscutablement originale puisque le droit de Schengen s'applique à un espace qui ne coïncide avec aucune autre organisation. Pour ces raisons, le droit issu des accords de Schengen a d'abord été, avant tout, du droit international avec toutes les conséquences que cela comporte, non seulement en termes institutionnels mais aussi quant aux qualités juridiques attachés à ces normes.

Mais après cette période un peu lente de mise en oeuvre, le dispositif a pleinement fonctionné et a permis que soit effectivement mise en oeuvre l'une des réalisations les plus tangibles de la construction européenne de ces deux dernières décennies. En tant qu'accords internationaux autonomes, les accords de Schengen ont disparu le 1er mai 1999 lors de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam qui procède à l'intégration du droit né de ces accords au sein de l'Union européenne. L'acquis Schengen comme les actes adoptés pour son développement acquièrent, de ce fait, les qualités attachées aux normes communautaires même si cette transformation souffre de certaines particularités (13).

Pour autant, les choses se sont progressivement de nouveau dégradées. Les Etats ont conservé juridiquement la possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières. Or, certains d'entre eux ont fait une utilisation abusive de cette possibilité, fragilisant les succès jusqu'ici rencontrés et remettant en cause la pérennité de l'acquis Schengen. Il faut citer, à cet égard, l'épisode houleux du printemps 2011 où, face à l'afflux massif d'étrangers irréguliers venus, notamment, de Tunisie, l'Italie avait décidé de leur octroyer des titres de séjour pour des raisons humanitaires. En réponse, dans la mesure où la majorité de ses étrangers se dirigeait vers la France, cette dernière a rétabli les contrôles à ses frontières avec l'Italie. Il existe au sein des institutions européennes, depuis cet épisode, des tensions entre le Conseil de l'Union et la Commission au sujet du régime applicable à l'espace de libre circulation européen. De manière plus récente, les Etats membres se sont aussi dernièrement accordés sur des modifications du Code frontières Schengen en ce qui concerne des règles communes relatives a la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles (3 172ème session du Conseil Justice et Affaires intérieures des 7 et 8 juin 2012). Ils se sont accordés pour une mise en place unilatérale et sans avec l'approbation de la Commission, ce qui témoigne d'une autre source de conflit.

Comme peut alors le souligner Denys Simon, on peut relever que "c'est précisément ce souci de laisser' la main aux Etats, notamment en matière d'attribution de visas de court séjour, qui a été à l'origine des mesures adoptées par le Gouvernement italien en avril 2011 et des tensions récentes. Si les conditions d'octroi d'un droit de séjour provisoire aux réfugiés tunisiens et libyens avaient été établies de manière concertée dans l'espace Schengen', il n'y aurait nul besoin de rétablir des modalités unilatérales de suspension de la libre circulation aux frontières intérieures de l'Union. L'objectif ne devrait pas être moins de Schengen et moins d'Europe' mais au contraire plus de Schengen et plus d'Europe'" (14).

L'action conjuguée du Parlement et de la Cour de justice permet, ainsi, de corriger ces réticences politiques à la mise en oeuvre du système Schengen mais si l'action du Parlement est ainsi mise en avant, c'est aussi et surtout celle de la Cour de justice qui apparaît plus que fondamentale dans la préservation de l'équilibre des pouvoirs entre les institutions.

II - La confirmation des pouvoirs importants de la Cour de justice dans la préservation de l'équilibre des pouvoirs entre les institutions

C'est en faisant office de juge constitutionnel que se prononce dans l'arrêt d'espèce la Cour de justice, à l'image de ce que peut faire le Conseil constitutionnel en France dans son contrôle de répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir exécutif, via, notamment les articles 37 (N° Lexbase : L0863AHG) (procédure de délégalisation) et 41 (N° Lexbase : L0867AHL) (procédure d'irrecevabilité) de la Constitution de 1958, mais si ce contrôle a perdu de son importance en France, il devient ici primordial au niveau de la répartition des pouvoirs au sein de l'Union européenne. Il assure cet équilibre institutionnel indispensable à tout système politique qui tend à protéger les droits et libertés fondamentaux de chacun. Cela justifie le fait que le contrôle du juge porte, ainsi, sur le contenu même des dispositions de la décision attaquée pour fixer la procédure applicable (A) pour, au final, confirmer la compétence du législateur au détriment du pouvoir d'exécution délégué à la Commission (B).

A - Un contrôle qui porte sur le contenu des dispositions de la décision pour fixer la procédure applicable

Pour répondre au Parlement et déterminer sa compétence en la matière, le juge se devait d'apprécier si les mesures envisagées par la Commission respectaient, ou non, les limites posées aux compétences d'exécution dans l'acte de base, le but et le contenu de l'acte de base, les principes de subsidiarité ou de proportionnalité. En d'autres termes, il s'agissait de déterminer si les éléments introduits par les propositions de la Commission étaient réellement essentiels.

Comme le mentionne la Cour, le Code frontières Schengen ne mentionne dans son article 12 § 4 "que l'objectif de la surveillance est l'appréhension de personnes franchissant illégalement les frontières, il ne contient pas de règles quant aux mesures que les gardes-frontières sont autorisées à mettre en oeuvre à l'encontre des personnes ou des navires, il ne contient pas de règles quant aux mesures que les gardes-frontières sont autorisées à mettre en oeuvre à l'encontre des personnes ou des navires lors de leur appréhension et postérieurement à celle-ci, telles que l'application de mesures coercitives [...]" (point 73 de la décision).

Les dispositions surtout mises en avant par la Cour sont alors celles qui apparaissent dans l'annexe de la décision 2010/252/UE, elles prévoient les mesures que peuvent prendre les gardes-frontières à l'encontre des navires détectés et des personnes à bord. Parmi ces mesures, sont, notamment, autorisés : "l'arrestation, l'arraisonnement, la fouille et la saisie du navire [...] la fouille et l'arrestation des personnes se trouvant à bord du navire ainsi que la conduite de celui-ci ou de ces personnes vers un Etat tiers" (point 74 de la décision). Ce sont là toutes des mesures coercitives à l'égard de personnes et de navires qui pourraient être soumis à la souveraineté de l'Etat dont ils battent pavillon.

C'est sur ces mesures que se prononcent la Cour quant à leur caractère essentiel ou non. En premier lieu, les arguments du Conseil qui reposaient sur des considérations de forme sont rejetés ouvertement et notamment celui selon lequel l'intitulé de la partie II de l'annexe de la décision attaquée comportait les termes "lignes directrices" et que l'article 1er, seconde phrase, de cette décision précisait que les règles et lignes directrices contenues dans ladite partie étaient "non contraignantes". Pour le Conseil, la différence de rédaction des intitulés des deux parties de cette annexe et la manière dont sont formulées les lignes directrices démontreraient l'intention de l'auteur de cette décision de ne pas attribuer de force obligatoire à cette partie. Pour la Cour, la définition de ce qui est, ou non, essentiel ne saurait être laissée à la seule appréciation du législateur de l'Union. Cette définition "doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel" (point 67 de la décision) et doit "prendre en compte les caractéristiques et les particularités du domaine concerné" (point 68 de la décision).

Au final, pour la Cour, il n'y a pas de discussion à avoir sur l'interprétation des mesures en cause, elles attribuent des pouvoirs coercitifs aux gardes-frontières et elles ne peuvent donc s'analyser que comme des mesures essentielles dont l'adoption ne saurait relever du pouvoir d'exécution délégué à la Commission mais du seul pouvoir du législateur.

B - Un contrôle qui confirme la compétence du législateur au détriment du pouvoir d'exécution délégué à la Commission

L'adoption des règles essentielles en matière de régime de l'espace de libre circulation européen est, selon une jurisprudence constante, réservée à la compétence du législateur de l'Union (15). Deux raisons sont essentielles à cet état de fait.

La première raison est que ces règles supposent de faire des choix politiques quant à l'importance des pouvoirs coercitifs confiés et qu'elles risquent, ainsi, d'emporter des atteintes à la souveraineté des Etats tiers propriétaires des navires. Pour la Cour, "l'adoption des règles relatives à l'attribution de pouvoirs coercitifs aux gardes-frontières [...] nécessite des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l'Union, en ce qu'elle implique une pondération des intérêts divergents en cause sur la base d'appréciations multiples. En fonction des choix politiques sur lesquels repose l'adoption de telles règles, les pouvoirs des gardes-frontières peuvent varier dans une proportion importante, leur exercice pouvant être subordonné soit à une autorisation, soit à une obligation, soit à une interdiction telle que, par exemple, celle d'appliquer des mesures coercitives, d'utiliser la force des armes ou de renvoyer les personnes appréhendées vers un endroit déterminé. Par ailleurs, dès lors que ces pouvoirs concernent la prise de mesures envers des navires, l'exercice de ces pouvoirs est susceptible d'interférer, en fonction de l'étendue de ceux-ci, avec les droits de souveraineté d'Etats tiers selon le pavillon que battent les navires concernés" (point 76 de la décision).

La seconde raison tient au fait que les règles en questions peuvent avoir des implications en terme de droits fondamentaux. Ainsi, pour la Cour, "des dispositions qui portent sur l'attribution de pouvoirs de puissance publique aux gardes-frontières, tels que ceux attribués dans la décision attaquée, parmi lesquels figurent l'arrestation des personnes appréhendées, la saisie de navires et le renvoi des personnes appréhendées vers un endroit déterminé, permettent des ingérences dans des droits fondamentaux des personnes concernées d'une importance telle qu'est rendue nécessaire l'intervention du législateur de l'Union" (point 77 de la décision).

Au final, on peut dire que cet arrêt de la Cour de justice permet une clarification bienvenue de l'étendue des compétences d'exécution de la Commission et du Conseil, au-delà même du domaine de la surveillance des frontières : l'adoption de règles nécessitant un choix politique suppose l'intervention du législateur (donc des garanties démocratiques suffisantes), et l'appréciation de la nécessité d'un tel arbitrage fait l'objet d'un contrôle juridictionnel. Cette victoire remportée par le Parlement européen pourrait donc freiner le recours excessif à la réglementation par comitologie, du moins dans des domaines sensibles tels que le Contrôle des frontières et la lutte contre l'immigration clandestine.

Le Traité de Lisbonne dispose expressément que la politique d'immigration doit être fondée sur la solidarité entre les Etats membres et l'équité à l'égard des ressortissants de pays tiers. Au-delà de l'indétermination et donc de l'inévitable variabilité des notions utilisées ici, il faut tout de même y voir le signe que la sécurité ne saurait être le seul étalon de la politique d'immigration. Il convient, ainsi, de rappeler que l'une des caractéristiques de la nature constitutionnelle du processus d'intégration européenne est la protection des droits fondamentaux, dans la mesure où celle-ci a été considéré fondamentale pour l'exercice du pouvoir public dans les régimes démocratiques fondés sur l'Etat de droit.

Sécurité, défense, paix, démocratie, droits de l'Homme : tels sont les objectifs qui sont poursuivis par l'Union dans la conduite de ses relations extérieures. Mais ce sont là des valeurs qui sont aussi affirmées par l'Union et pour l'Union, à l'adresse de ses institutions et de ses Etats membres. Il suffit pour s'en convaincre de se rapporter à la déclaration de principe qui précède le rapport Davignon du 27 octobre 1970 adopté par les ministres des Affaires étrangères des Six à Luxembourg et qui visait à réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique par la voie de la coopération en matière de politique étrangère (16): "l'Europe unie doit se fonder sur un patrimoine commun de respect de la liberté et des droits de l'homme et rassembler les Etats démocratiques, dotés d'un Parlement librement élu. Cette Europe unie demeure le but fondamental qui devra être atteint aussitôt que possible, grâce à la volonté politique des peuples et aux décisions de leurs gouvernements". Il en ressort une Europe qui se détermine non par ses contours géographiques, mais par ses principes démocratiques. L'appréhension politique de l'Union s'impose donc, comme en atteste la Déclaration de Laeken du 15 décembre 2001, selon laquelle "la seule frontière que trace l'Union européenne est celle de la démocratie et des droits de l'Homme" (17). Il est, à cet égard, remarquable que la Cour justice vienne rappeler, à sa juste mesure, des règles et des principes attachés à ses valeurs fondamentales.


(1) Voir, à cet égard, H. Labayle, "Architecte ou spectatrice ? La Cour de justice de l'Union dans l'Espace de liberté, sécurité et justice", RTDE, 2006, p. 1. L'auteur considère que la montée de la donne sécuritaire dans l'Union européenne mérite, notamment, d'être canalisée. Et voir, en ce sens, par exemple, CJCE, 31 janvier 2006, aff C-503/03 (N° Lexbase : A5682DME) témoignant de l'importance grandissante du juge communautaire, nouveau rempart contre les dérives sécuritaires. Le juge accordant une priorité claire, dans l'arrêt d'espèce, aux libertés de circulation et au droit à la vie familiale alors que les Etats concernés par le litige avaient privilégié la protection de leur sécurité publique.
(2) Décision du Conseil européen 2010/252/UE visant à compléter le Code frontières Schengen en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne (JOUE L 111 du 4 mai 2010, p. 11).
(3) Auquel renvoie l'article 12 § 5 du Règlement CE n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (Code frontières Schengen) (JOUE L 105 du 13 avril 2006, p. 1).
(4) La Décision du Conseil 1999/468/CE du 28 juin 1999, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JOCE L 184 du 17 juillet 1999, p. 23) a remplacé la décision 87/373/CEE du 13 juillet 1987 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution (JOCE L 197 du 18 juillet 1987, p. 33), en simplifiant le régime et en prenant en considération l'introduction de la procédure de codécision (reconnaissance au Parlement d'un droit d'intervention). Elle améliore, également, la transparence du système des comités au bénéfice du Parlement et du public. Les documents des comités sont plus facilement accessibles aux citoyens et sont enregistrés dans un registre public. Le Parlement, de son côté, est largement informé des travaux des comités.
(5) La décision de 1999 a été remplacée par une nouvelle Décision 2006/512/CE adoptée le 17 juillet 2006 modifiant la décision 1999/468/CE, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 200 du 22 juillet 2006, p. 11) qui introduit un nouveau type de modalité d'exercice des compétences d'exécution, la procédure de réglementation avec contrôle. Cette nouvelle procédure vise à placer les deux branches du pouvoir législatif sur un pied d'égalité, au moins dans les matières soumises à codécision, dans le contrôle de l'exercice par la Commission des compétences d'exécution qui lui sont conférées.
(6) Voir la décision de la Commission (2004/657/CE) du 19 mai 2004, relative à l'autorisation de mise sur le marché de maïs doux issu de la lignée de maïs génétiquement modifiée Bt11 en tant que nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire, en application du Règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (N° Lexbase : L4998AUN) (JOUE, L 300 du 25 septembre 2004, p. 48).
(7) CJCE, 22 mai 1985, aff. C-13/83 (N° Lexbase : A4597AW8) (Rec. CJCE, 1985, p. 1513), CJCE, 12 juillet 1988, aff. C-377/87 (N° Lexbase : A7535AUM) (Rec. CJCE, 1988, p. 4017).
(8) CJCE, 29 octobre 1980, aff. C-138/79 (N° Lexbase : A5932AUA) (Rec. CJCE, 1980, p. 3333), CJCE, 29 octobre 1980, aff. C-139/79 (N° Lexbase : A4490AW9) (Rec. CJCE, 1980, p. 3393).
(9) CJCE, 27 septembre 1988, aff. C-302/87 (N° Lexbase : A8521AU7) (Rec. CJCE, 1988, p. 5615).
(10) CJCE, 22 mai 1990, aff. C-70/88 (N° Lexbase : A8596AUW) (Rec. CJCE, 1990, I, p. 2041).
(11) Aux termes de la décision 2006/512/CE du Conseil du 17 juillet 2006, précitée (art. 5 § 2), les mesures de portée générale ayant pour effet de modifier les éléments non essentiels font l'objet d'un avis émis par un comité de réglementation avec contrôle, composé des représentants des Etats membres et présidé par le représentant de la Commission européenne. Si le comité n'émet pas d'avis ou un avis négatif à l'encontre des mesures envisagées, une proposition relative aux mesures à prendre est transmise par la Commission au Parlement et soumise au Conseil qui statue à la majorité qualifiée dans un délai de deux mois. Le Parlement est ensuite appelé à se prononcer à la majorité des membres qui le composent dans un délai de quatre mois, si bien qu'il peut exprimer son opposition à l'adoption des mesures.
(12) Le Traité de Lisbonne a permis de regrouper au sein d'un même ensemble les différentes composantes de Schengen, à savoir le volet droit des étrangers comme le volet coopération judiciaire et policière. Toutes relèvent désormais du Titre V du TFUE consacré à "l'Espace de liberté, de sécurité et de justice". Sur le plan du processus décisionnel, la procédure législative ordinaire, qui implique vote à la majorité qualifiée et codécision avec le Parlement européen, est avec le Traité de Lisbonne, le mode normal d'adoption des actes pour le développement de l'acquis Schengen.
(13) Tenant pour partie au fait que la non participation de certains Etats a conduit à en faire une coopération renforcée par détermination du Traité.
(14) Denys Simon, C'est la faute à l'Europe, c'est la faute à Schengen..., Europe 2011, n° 5, repère 5.
(15) Voir, par exemple, l'une des dernières décisions en date, CJUE, 6 mai 2008, aff. C-133/06 (N° Lexbase : A4486D8N), point 45 (Rec. P.I-3189).
(16) Rapport Davignon, 27 octobre 1970, Bulletin de la Communauté économique européenne, novembre 1970, n° 11, pp. 9-14.
(17) Déclaration de Laeken sur l'avenir de l'Union européenne du 15 décembre 2001, Bulletin de l'Union européenne, 2001, n° 12.

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Une interprétation stricte et remarquée des compétences d'exécution de la Commission en matière de contrôle des frontières extérieures de l'Union

Réf. : CJUE, 5 septembre 2012, aff. C-355/10 (N° Lexbase : A2296IST)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 27 Septembre 2012

L'immigration est un sujet sensible dans l'ensemble des Etats européens. En 2005, le monde comptait 191 millions d'immigrés. 21% d'entre eux, soit près de 41 millions de personnes, résidaient dans l'Union européenne. La population immigrée représente ainsi 8,6 % de la population communautaire. Il existe une politique européenne d'asile et d'immigration, mais celle-ci peine à se construire. A l'heure où plusieurs Etats membres durcissent ou prévoient de durcir leurs législations, notamment à l'égard des immigrés clandestins, les intérêts communs européens se rencontrent et s'accordent essentiellement sur le volet "répressif". Il est très difficile d'être "euro-progressiste" en la matière, le rapprochement ne pouvant se faire, dans un domaine aussi sensible et dans une Europe à 27 où les lois nationales s'avèrent très disparates, que sur le plus petit dénominateur commun. Si l'idée d'une "Europe-forteresse" semble l'emporter et si les Etats membres semblent succomber à leurs vieux démons sécuritaires, ces derniers doivent, néanmoins, compter sur l'émergence d'un nouvel acteur institutionnel dans l'agencement des pouvoirs, à savoir le Parlement européen. Celui-ci, en s'appuyant, notamment et justement, sur l'activité de la Cour de justice, qui semble elle avoir choisi sa voie, à savoir être un juge des droits de l'Homme plutôt qu'un juge protecteur de la sécurité intérieure des Etats (1), est amené à infléchir les orientations de cette politique dans un sens plus favorable aux droits et libertés fondamentaux. L'arrêt rendu le 5 septembre 2012 donne, en ce sens, un signal politique fort en direction des Etats membres de l'Union européenne et fait à la fois de la Cour de justice et du Parlement des nouveaux remparts contre les dérives sécuritaires observées ces derniers temps. Le recours introduit par le Parlement tend, en l'espèce, à l'annulation de la décision du Conseil 2010/252/UE du 26 avril 2010, visant à compléter le Code Frontières Schengen (2) en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne. Pour le Parlement, cette décision excède les limites des compétences d'exécution du Conseil de l'Union. Les dispositions de la décision attaquée auraient du être adoptées selon la procédure législative ordinaire, et non selon la procédure dite de comitologie alors employée par le Conseil (3).

Si la majeure partie de la législation de l'Union européenne est mise en oeuvre par les Etats membres, il est, néanmoins, nécessaire de déléguer des compétences à la Commission afin de lui permettre de prendre des mesures d'exécution européennes. Le système de comitologie repose ainsi sur des comités, composés de représentants de chaque Etat membre, chargés de contrôler les propositions de la Commission et d'émettre un avis formel avant que la Commission n'adopte la mesure. Les relations entre la Commission et ces comités sont régies selon des modèles préalablement établis par une décision du Conseil, la décision "comitologie" (4). Cette décision garantit au Parlement européen un "droit de regard" sur la mise en oeuvre des actes législatifs adoptés en codécision (5). Le Parlement peut manifester son désaccord à l'égard de projets de la Commission ou, le cas échéant, du Conseil, qui excéderaient, selon lui, les compétences d'exécution prévues dans cette législation. C'est ce qui a concrètement été fait en l'espèce à propos de la procédure de comitologie prévue au Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (N° Lexbase : L0989HIH) (Règlement établissant le Code frontières Schengen, ou "CFS"). Il y est prévu que cette procédure ne peut être exercée qu'"à condition que les mesures d'exécution adoptées conformément à cette procédure ne modifient pas les dispositions essentielles du présent Règlement" (article 33 § 2 du Règlement auquel renvoie l'article 12 § 5 de ce même Règlement). Pour le Parlement, il y a modification des dispositions essentielles justifiant la procédure de législation ordinaire et non la procédure de comitologie.

En faisant droit à la demande du Parlement européen, la Grande chambre de la Cour de Luxembourg vient clarifier les contrôles pouvant être opérés pour garantir les équilibres institutionnels dans l'Union contre les abus de pouvoirs. Avant le Traité de Lisbonne, la comitologie s'était répandue si rapidement au fil du temps et dans les divers domaines politiques que presque tous les domaines d'activité de l'Union européenne faisaient appel à elle. Sur le principe, la comitologie était très critiquée en raison de son manque de démocratie, la décision étant prise par l'exécutif assisté par des "experts" dont on pouvait supposer qu'ils étaient compétents mais certainement pas légitimes d'un point de vue démocratique, alors qu'ils pouvaient avoir un pouvoir étendu. Le Parlement européen, seule institution élue par les citoyens, n'avait pas voix au chapitre. Dans les faits, la comitologie avait donné lieu à des décisions très controversées, par exemple, en matière d'autorisation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) (6). L'entrée en vigueur des articles 290 (N° Lexbase : L2607IPA) et 291 (N° Lexbase : L2608IPB) du TFUE a introduit deux nouvelles bases juridiques qui règlent, désormais, ce que l'on appelait la "comitologie".

Avant de conclure à l'annulation de la décision d'espèce, la Cour insiste lourdement sur le fait que la décision du Conseil attaquée par le Parlement "excède la cadre des mesures supplémentaires au sens de l'article 12, paragraphe 5, du CFS et relève, dans le cadre du système institutionnel de l'Union, de la responsabilité du législateur de cette dernière" (point 78) et sur le fait que "les parties I et II de l'annexe de la décision attaquée contiennent des éléments essentiels de la surveillance aux frontières maritimes extérieures" (point 79). En agissant de la sorte, la Cour de justice fait oeuvre de Cour constitutionnelle en préservant les équilibres institutionnels des pouvoirs au sein de l'Union européenne (II) mais elle rappelle aussi, par la même, au Conseil, aux Etats membres et à la Commission le rôle que le Parlement est appelé à exercer dans les domaines de l'espace de liberté, de sécurité et de justice en général et dans celui de l'asile et de l'immigration en particulier (I).

I - La confirmation des pouvoirs importants du Parlement européen dans la fixation du régime applicable à l'espace de libre circulation européen

Le domaine de l'asile et de l'immigration est un domaine politiquement sensible où toute mesure technique est susceptible d'emporter des implications majeures en termes de droits et libertés fondamentaux. Le rappel, par la Cour de justice, du rôle joué ainsi par le Parlement pour préserver ces droits et libertés apparaît plus qu'essentiel. C'est tout d'abord le droit au contrôle et au recours du Parlement qui est clairement affirmé en la matière (A). La Cour confirme, ensuite, le statut nouveau du Parlement dans l'agencement des pouvoirs au sein de l'Union et en fait un acteur majeur amené à consolider, peut-être pour l'avenir, le système Schengen à un moment où certains Etats, et singulièrement la France, remettent partiellement en cause le dispositif (B).

A - Un droit au contrôle et au recours clairement affirmé par la Cour de justice

De façon générale, le juge de Luxembourg a d'abord reconnu au Parlement la légitimation active pour agir devant la Cour exclusivement dans les cas où celle-ci est attribuée expressément aux "institutions" de la Communauté. Ainsi la Cour de justice a accepté la recevabilité des recours en carence du Parlement basés sur l'article 265 du TFUE (N° Lexbase : L2579IP9) (7) et des interventions à des litiges fondées sur l'article 37 (devenu art. 40) du statut de la Cour (8). Dans les cas où cette légitimation n'était reconnue par le Traité qu'au Conseil et à la Commission, la Cour a, dans un premier arrêt, rejeté l'analogie en faveur du Parlement. Elle a, pour cette raison, déclaré irrecevable un recours en annulation du Parlement basé sur l'article 263 TFUE (ex-art. 230 TCE, ex-art. 173 CEE) (N° Lexbase : L2577IP7) (9) . Dans un deuxième arrêt, la Cour a révisé sa jurisprudence antérieure et a reconnu au Parlement le pouvoir d'intenter des recours en annulation fondés sur l'article 230 du TCE dans la limite où le recours vise à la défense de ses prérogatives (10). Cette jurisprudence a été traduite dans le texte de l'article 230 du TCE par le Traité de Maastricht. L'article 230, alinéa 3, du Traité CE, ainsi modifié, disposait que, sont recevables des recours en annulation formés par le Parlement, qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de celui-ci. Le Parlement a finalement obtenu, en vertu du Traité de Nice, d'être considéré comme le Conseil et la Commission pour l'introduction d'un recours en annulation. Il est désormais visé à l'article 263, alinéa 2, du TFUE.

Si son intervention n'allait pas de soi à l'origine, le droit au recours du Parlement a encore longuement été discuté dans l'arrêt d'espèce. Le Conseil européen soutenait l'idée que le Parlement ne pouvait exercer son droit au recours parce qu'il n'avait pas exercé son droit à s'opposer à la décision attaquée dans le cadre de la procédure de réglementation avec contrôle suivie pour son adoption, dans laquelle il est stipulé in fine que, si le Parlement européen ne s'est pas opposé aux mesures proposées, celles-ci sont arrêtées (point 33 de la décision) (11). Pour le Conseil, le rôle du Parlement se limite au contrôle de la légalité formelle de l'acte et non à une appréciation politique. Pour la Cour de justice, l'exercice de ce droit ne dépend pas de la position prise, lors de la procédure d'adoption de l'acte en cause, par l'institution ou l'Etat membre introduisant le recours (point 38 de la décision). Le Parlement dispose donc bien d'un droit de recours contre la décision attaquée quand bien même il ne s'est pas opposé à elle lors de la procédure suivie pour son adoption (point 39 de la décision). Le juge de Luxembourg fait, ainsi, une distinction nette entre le "contrôle préalable" que l'institution est amenée à exercer durant la procédure décisionnelle, et le "contrôle juridictionnel" que l'institution doit pouvoir exercer une fois la décision adoptée.

Il y a là, de la part de la Cour, une prise de position forte qui est à souligner et qui confirme la volonté du juge de clarifier les contrôles pouvant être employés pour assurer l'équilibre institutionnel des pouvoirs au sein de l'Union. En confirmant la possibilité du contrôle juridictionnel opéré par le Parlement dans un domaine aussi sensible que celui de l'espace de libre circulation européen, elle affirme le rôle nouveau et important joué par le Parlement dans l'agencement général des pouvoirs au sein de l'Union européenne. Possédant dorénavant des pouvoirs accrus en matière d'asile et d'immigration depuis le Traité de Lisbonne (12), le Parlement joue, ainsi, de manière pleine et entière son rôle de protecteur des droits et libertés fondamentaux de l'Union. Il a toujours existé un lien étroit entre la destinée du Parlement européen et la progression de la démocratie dans l'Union et si le développement des compétences du Parlement européen n'a pas permis, jusqu'à présent, de mettre un terme à part entière à la dénonciation récurrente du "déficit démocratique" de l'Union, l'arrêt d'espèce contribue, quelque peu, à changer cette perspective.

B - Un rempart contre les réticences politiques à la mise en oeuvre du système Schengen

Le succès du système Schengen, et plus particulièrement la disparition des contrôles aux frontières intérieures qui en constitue l'essentiel, a mis longtemps à se dessiner en raison de la tâche à accomplir. Les Etats ont souvent été réticents au moment du passage à l'acte, c'est-à-dire au moment de supprimer effectivement les contrôles aux frontières extérieures. C'est la raison pour laquelle cette suppression s'est, dans un premier temps, accompagnée de l'utilisation fréquente de la possibilité laissée aux Etats de rétablir leurs contrôles, sans avoir à se justifier ou à suivre de quelconques exigences procédurales. La politique de Schengen n'a, ainsi, pu voir le jour qu'à côté de la construction communautaire et son cadre de rattachement a sensiblement varié au fil du temps pour être toujours un peu singulier. De plus, avec la réticence encore plus forte de divers Etats membres de l'Union européenne qui refusent toujours d'y participer et du fait des liens noués par d'autres avec certains de leurs voisins, la géographie même de Schengen est indiscutablement originale puisque le droit de Schengen s'applique à un espace qui ne coïncide avec aucune autre organisation. Pour ces raisons, le droit issu des accords de Schengen a d'abord été, avant tout, du droit international avec toutes les conséquences que cela comporte, non seulement en termes institutionnels mais aussi quant aux qualités juridiques attachés à ces normes.

Mais après cette période un peu lente de mise en oeuvre, le dispositif a pleinement fonctionné et a permis que soit effectivement mise en oeuvre l'une des réalisations les plus tangibles de la construction européenne de ces deux dernières décennies. En tant qu'accords internationaux autonomes, les accords de Schengen ont disparu le 1er mai 1999 lors de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam qui procède à l'intégration du droit né de ces accords au sein de l'Union européenne. L'acquis Schengen comme les actes adoptés pour son développement acquièrent, de ce fait, les qualités attachées aux normes communautaires même si cette transformation souffre de certaines particularités (13).

Pour autant, les choses se sont progressivement de nouveau dégradées. Les Etats ont conservé juridiquement la possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières. Or, certains d'entre eux ont fait une utilisation abusive de cette possibilité, fragilisant les succès jusqu'ici rencontrés et remettant en cause la pérennité de l'acquis Schengen. Il faut citer, à cet égard, l'épisode houleux du printemps 2011 où, face à l'afflux massif d'étrangers irréguliers venus, notamment, de Tunisie, l'Italie avait décidé de leur octroyer des titres de séjour pour des raisons humanitaires. En réponse, dans la mesure où la majorité de ses étrangers se dirigeait vers la France, cette dernière a rétabli les contrôles à ses frontières avec l'Italie. Il existe au sein des institutions européennes, depuis cet épisode, des tensions entre le Conseil de l'Union et la Commission au sujet du régime applicable à l'espace de libre circulation européen. De manière plus récente, les Etats membres se sont aussi dernièrement accordés sur des modifications du Code frontières Schengen en ce qui concerne des règles communes relatives a la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles (3 172ème session du Conseil Justice et Affaires intérieures des 7 et 8 juin 2012). Ils se sont accordés pour une mise en place unilatérale et sans avec l'approbation de la Commission, ce qui témoigne d'une autre source de conflit.

Comme peut alors le souligner Denys Simon, on peut relever que "c'est précisément ce souci de laisser' la main aux Etats, notamment en matière d'attribution de visas de court séjour, qui a été à l'origine des mesures adoptées par le Gouvernement italien en avril 2011 et des tensions récentes. Si les conditions d'octroi d'un droit de séjour provisoire aux réfugiés tunisiens et libyens avaient été établies de manière concertée dans l'espace Schengen', il n'y aurait nul besoin de rétablir des modalités unilatérales de suspension de la libre circulation aux frontières intérieures de l'Union. L'objectif ne devrait pas être moins de Schengen et moins d'Europe' mais au contraire plus de Schengen et plus d'Europe'" (14).

L'action conjuguée du Parlement et de la Cour de justice permet, ainsi, de corriger ces réticences politiques à la mise en oeuvre du système Schengen mais si l'action du Parlement est ainsi mise en avant, c'est aussi et surtout celle de la Cour de justice qui apparaît plus que fondamentale dans la préservation de l'équilibre des pouvoirs entre les institutions.

II - La confirmation des pouvoirs importants de la Cour de justice dans la préservation de l'équilibre des pouvoirs entre les institutions

C'est en faisant office de juge constitutionnel que se prononce dans l'arrêt d'espèce la Cour de justice, à l'image de ce que peut faire le Conseil constitutionnel en France dans son contrôle de répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir exécutif, via, notamment les articles 37 (N° Lexbase : L0863AHG) (procédure de délégalisation) et 41 (N° Lexbase : L0867AHL) (procédure d'irrecevabilité) de la Constitution de 1958, mais si ce contrôle a perdu de son importance en France, il devient ici primordial au niveau de la répartition des pouvoirs au sein de l'Union européenne. Il assure cet équilibre institutionnel indispensable à tout système politique qui tend à protéger les droits et libertés fondamentaux de chacun. Cela justifie le fait que le contrôle du juge porte, ainsi, sur le contenu même des dispositions de la décision attaquée pour fixer la procédure applicable (A) pour, au final, confirmer la compétence du législateur au détriment du pouvoir d'exécution délégué à la Commission (B).

A - Un contrôle qui porte sur le contenu des dispositions de la décision pour fixer la procédure applicable

Pour répondre au Parlement et déterminer sa compétence en la matière, le juge se devait d'apprécier si les mesures envisagées par la Commission respectaient, ou non, les limites posées aux compétences d'exécution dans l'acte de base, le but et le contenu de l'acte de base, les principes de subsidiarité ou de proportionnalité. En d'autres termes, il s'agissait de déterminer si les éléments introduits par les propositions de la Commission étaient réellement essentiels.

Comme le mentionne la Cour, le Code frontières Schengen ne mentionne dans son article 12 § 4 "que l'objectif de la surveillance est l'appréhension de personnes franchissant illégalement les frontières, il ne contient pas de règles quant aux mesures que les gardes-frontières sont autorisées à mettre en oeuvre à l'encontre des personnes ou des navires, il ne contient pas de règles quant aux mesures que les gardes-frontières sont autorisées à mettre en oeuvre à l'encontre des personnes ou des navires lors de leur appréhension et postérieurement à celle-ci, telles que l'application de mesures coercitives [...]" (point 73 de la décision).

Les dispositions surtout mises en avant par la Cour sont alors celles qui apparaissent dans l'annexe de la décision 2010/252/UE, elles prévoient les mesures que peuvent prendre les gardes-frontières à l'encontre des navires détectés et des personnes à bord. Parmi ces mesures, sont, notamment, autorisés : "l'arrestation, l'arraisonnement, la fouille et la saisie du navire [...] la fouille et l'arrestation des personnes se trouvant à bord du navire ainsi que la conduite de celui-ci ou de ces personnes vers un Etat tiers" (point 74 de la décision). Ce sont là toutes des mesures coercitives à l'égard de personnes et de navires qui pourraient être soumis à la souveraineté de l'Etat dont ils battent pavillon.

C'est sur ces mesures que se prononcent la Cour quant à leur caractère essentiel ou non. En premier lieu, les arguments du Conseil qui reposaient sur des considérations de forme sont rejetés ouvertement et notamment celui selon lequel l'intitulé de la partie II de l'annexe de la décision attaquée comportait les termes "lignes directrices" et que l'article 1er, seconde phrase, de cette décision précisait que les règles et lignes directrices contenues dans ladite partie étaient "non contraignantes". Pour le Conseil, la différence de rédaction des intitulés des deux parties de cette annexe et la manière dont sont formulées les lignes directrices démontreraient l'intention de l'auteur de cette décision de ne pas attribuer de force obligatoire à cette partie. Pour la Cour, la définition de ce qui est, ou non, essentiel ne saurait être laissée à la seule appréciation du législateur de l'Union. Cette définition "doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel" (point 67 de la décision) et doit "prendre en compte les caractéristiques et les particularités du domaine concerné" (point 68 de la décision).

Au final, pour la Cour, il n'y a pas de discussion à avoir sur l'interprétation des mesures en cause, elles attribuent des pouvoirs coercitifs aux gardes-frontières et elles ne peuvent donc s'analyser que comme des mesures essentielles dont l'adoption ne saurait relever du pouvoir d'exécution délégué à la Commission mais du seul pouvoir du législateur.

B - Un contrôle qui confirme la compétence du législateur au détriment du pouvoir d'exécution délégué à la Commission

L'adoption des règles essentielles en matière de régime de l'espace de libre circulation européen est, selon une jurisprudence constante, réservée à la compétence du législateur de l'Union (15). Deux raisons sont essentielles à cet état de fait.

La première raison est que ces règles supposent de faire des choix politiques quant à l'importance des pouvoirs coercitifs confiés et qu'elles risquent, ainsi, d'emporter des atteintes à la souveraineté des Etats tiers propriétaires des navires. Pour la Cour, "l'adoption des règles relatives à l'attribution de pouvoirs coercitifs aux gardes-frontières [...] nécessite des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l'Union, en ce qu'elle implique une pondération des intérêts divergents en cause sur la base d'appréciations multiples. En fonction des choix politiques sur lesquels repose l'adoption de telles règles, les pouvoirs des gardes-frontières peuvent varier dans une proportion importante, leur exercice pouvant être subordonné soit à une autorisation, soit à une obligation, soit à une interdiction telle que, par exemple, celle d'appliquer des mesures coercitives, d'utiliser la force des armes ou de renvoyer les personnes appréhendées vers un endroit déterminé. Par ailleurs, dès lors que ces pouvoirs concernent la prise de mesures envers des navires, l'exercice de ces pouvoirs est susceptible d'interférer, en fonction de l'étendue de ceux-ci, avec les droits de souveraineté d'Etats tiers selon le pavillon que battent les navires concernés" (point 76 de la décision).

La seconde raison tient au fait que les règles en questions peuvent avoir des implications en terme de droits fondamentaux. Ainsi, pour la Cour, "des dispositions qui portent sur l'attribution de pouvoirs de puissance publique aux gardes-frontières, tels que ceux attribués dans la décision attaquée, parmi lesquels figurent l'arrestation des personnes appréhendées, la saisie de navires et le renvoi des personnes appréhendées vers un endroit déterminé, permettent des ingérences dans des droits fondamentaux des personnes concernées d'une importance telle qu'est rendue nécessaire l'intervention du législateur de l'Union" (point 77 de la décision).

Au final, on peut dire que cet arrêt de la Cour de justice permet une clarification bienvenue de l'étendue des compétences d'exécution de la Commission et du Conseil, au-delà même du domaine de la surveillance des frontières : l'adoption de règles nécessitant un choix politique suppose l'intervention du législateur (donc des garanties démocratiques suffisantes), et l'appréciation de la nécessité d'un tel arbitrage fait l'objet d'un contrôle juridictionnel. Cette victoire remportée par le Parlement européen pourrait donc freiner le recours excessif à la réglementation par comitologie, du moins dans des domaines sensibles tels que le Contrôle des frontières et la lutte contre l'immigration clandestine.

Le Traité de Lisbonne dispose expressément que la politique d'immigration doit être fondée sur la solidarité entre les Etats membres et l'équité à l'égard des ressortissants de pays tiers. Au-delà de l'indétermination et donc de l'inévitable variabilité des notions utilisées ici, il faut tout de même y voir le signe que la sécurité ne saurait être le seul étalon de la politique d'immigration. Il convient, ainsi, de rappeler que l'une des caractéristiques de la nature constitutionnelle du processus d'intégration européenne est la protection des droits fondamentaux, dans la mesure où celle-ci a été considéré fondamentale pour l'exercice du pouvoir public dans les régimes démocratiques fondés sur l'Etat de droit.

Sécurité, défense, paix, démocratie, droits de l'Homme : tels sont les objectifs qui sont poursuivis par l'Union dans la conduite de ses relations extérieures. Mais ce sont là des valeurs qui sont aussi affirmées par l'Union et pour l'Union, à l'adresse de ses institutions et de ses Etats membres. Il suffit pour s'en convaincre de se rapporter à la déclaration de principe qui précède le rapport Davignon du 27 octobre 1970 adopté par les ministres des Affaires étrangères des Six à Luxembourg et qui visait à réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique par la voie de la coopération en matière de politique étrangère (16): "l'Europe unie doit se fonder sur un patrimoine commun de respect de la liberté et des droits de l'homme et rassembler les Etats démocratiques, dotés d'un Parlement librement élu. Cette Europe unie demeure le but fondamental qui devra être atteint aussitôt que possible, grâce à la volonté politique des peuples et aux décisions de leurs gouvernements". Il en ressort une Europe qui se détermine non par ses contours géographiques, mais par ses principes démocratiques. L'appréhension politique de l'Union s'impose donc, comme en atteste la Déclaration de Laeken du 15 décembre 2001, selon laquelle "la seule frontière que trace l'Union européenne est celle de la démocratie et des droits de l'Homme" (17). Il est, à cet égard, remarquable que la Cour justice vienne rappeler, à sa juste mesure, des règles et des principes attachés à ses valeurs fondamentales.


(1) Voir, à cet égard, H. Labayle, "Architecte ou spectatrice ? La Cour de justice de l'Union dans l'Espace de liberté, sécurité et justice", RTDE, 2006, p. 1. L'auteur considère que la montée de la donne sécuritaire dans l'Union européenne mérite, notamment, d'être canalisée. Et voir, en ce sens, par exemple, CJCE, 31 janvier 2006, aff C-503/03 (N° Lexbase : A5682DME) témoignant de l'importance grandissante du juge communautaire, nouveau rempart contre les dérives sécuritaires. Le juge accordant une priorité claire, dans l'arrêt d'espèce, aux libertés de circulation et au droit à la vie familiale alors que les Etats concernés par le litige avaient privilégié la protection de leur sécurité publique.
(2) Décision du Conseil européen 2010/252/UE visant à compléter le Code frontières Schengen en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne (JOUE L 111 du 4 mai 2010, p. 11).
(3) Auquel renvoie l'article 12 § 5 du Règlement CE n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (Code frontières Schengen) (JOUE L 105 du 13 avril 2006, p. 1).
(4) La Décision du Conseil 1999/468/CE du 28 juin 1999, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JOCE L 184 du 17 juillet 1999, p. 23) a remplacé la décision 87/373/CEE du 13 juillet 1987 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution (JOCE L 197 du 18 juillet 1987, p. 33), en simplifiant le régime et en prenant en considération l'introduction de la procédure de codécision (reconnaissance au Parlement d'un droit d'intervention). Elle améliore, également, la transparence du système des comités au bénéfice du Parlement et du public. Les documents des comités sont plus facilement accessibles aux citoyens et sont enregistrés dans un registre public. Le Parlement, de son côté, est largement informé des travaux des comités.
(5) La décision de 1999 a été remplacée par une nouvelle Décision 2006/512/CE adoptée le 17 juillet 2006 modifiant la décision 1999/468/CE, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 200 du 22 juillet 2006, p. 11) qui introduit un nouveau type de modalité d'exercice des compétences d'exécution, la procédure de réglementation avec contrôle. Cette nouvelle procédure vise à placer les deux branches du pouvoir législatif sur un pied d'égalité, au moins dans les matières soumises à codécision, dans le contrôle de l'exercice par la Commission des compétences d'exécution qui lui sont conférées.
(6) Voir la décision de la Commission (2004/657/CE) du 19 mai 2004, relative à l'autorisation de mise sur le marché de maïs doux issu de la lignée de maïs génétiquement modifiée Bt11 en tant que nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire, en application du Règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (N° Lexbase : L4998AUN) (JOUE, L 300 du 25 septembre 2004, p. 48).
(7) CJCE, 22 mai 1985, aff. C-13/83 (N° Lexbase : A4597AW8) (Rec. CJCE, 1985, p. 1513), CJCE, 12 juillet 1988, aff. C-377/87 (N° Lexbase : A7535AUM) (Rec. CJCE, 1988, p. 4017).
(8) CJCE, 29 octobre 1980, aff. C-138/79 (N° Lexbase : A5932AUA) (Rec. CJCE, 1980, p. 3333), CJCE, 29 octobre 1980, aff. C-139/79 (N° Lexbase : A4490AW9) (Rec. CJCE, 1980, p. 3393).
(9) CJCE, 27 septembre 1988, aff. C-302/87 (N° Lexbase : A8521AU7) (Rec. CJCE, 1988, p. 5615).
(10) CJCE, 22 mai 1990, aff. C-70/88 (N° Lexbase : A8596AUW) (Rec. CJCE, 1990, I, p. 2041).
(11) Aux termes de la décision 2006/512/CE du Conseil du 17 juillet 2006, précitée (art. 5 § 2), les mesures de portée générale ayant pour effet de modifier les éléments non essentiels font l'objet d'un avis émis par un comité de réglementation avec contrôle, composé des représentants des Etats membres et présidé par le représentant de la Commission européenne. Si le comité n'émet pas d'avis ou un avis négatif à l'encontre des mesures envisagées, une proposition relative aux mesures à prendre est transmise par la Commission au Parlement et soumise au Conseil qui statue à la majorité qualifiée dans un délai de deux mois. Le Parlement est ensuite appelé à se prononcer à la majorité des membres qui le composent dans un délai de quatre mois, si bien qu'il peut exprimer son opposition à l'adoption des mesures.
(12) Le Traité de Lisbonne a permis de regrouper au sein d'un même ensemble les différentes composantes de Schengen, à savoir le volet droit des étrangers comme le volet coopération judiciaire et policière. Toutes relèvent désormais du Titre V du TFUE consacré à "l'Espace de liberté, de sécurité et de justice". Sur le plan du processus décisionnel, la procédure législative ordinaire, qui implique vote à la majorité qualifiée et codécision avec le Parlement européen, est avec le Traité de Lisbonne, le mode normal d'adoption des actes pour le développement de l'acquis Schengen.
(13) Tenant pour partie au fait que la non participation de certains Etats a conduit à en faire une coopération renforcée par détermination du Traité.
(14) Denys Simon, C'est la faute à l'Europe, c'est la faute à Schengen..., Europe 2011, n° 5, repère 5.
(15) Voir, par exemple, l'une des dernières décisions en date, CJUE, 6 mai 2008, aff. C-133/06 (N° Lexbase : A4486D8N), point 45 (Rec. P.I-3189).
(16) Rapport Davignon, 27 octobre 1970, Bulletin de la Communauté économique européenne, novembre 1970, n° 11, pp. 9-14.
(17) Déclaration de Laeken sur l'avenir de l'Union européenne du 15 décembre 2001, Bulletin de l'Union européenne, 2001, n° 12.

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Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Septembre 2012

Réf. : Loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ)

Lecture: 9 min

N3675BTB

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par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel, Delsol Avocats

Le 27 Septembre 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel, Delsol Avocats, qui reviennent sur les articles de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 concernant la fiscalité du patrimoine, les plus significatifs. Adoptée par le Parlement le 31 juillet dernier, et publiée le 17 août, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a prévu plusieurs mesures relatives à la fiscalité du patrimoine. Dans l'attente de la mise en oeuvre par la loi de finances pour 2013 du programme fiscal du candidat Hollande (dont la déjà célèbre taxe de 75 % ou l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail), trois principales mesures touchent aux règles gouvernant les impôts pesant sur les patrimoines des personnes physiques : la création d'une contribution exceptionnelle sur la fortune (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012, art. 4), le durcissement des règles gouvernant les droits de succession et de donation (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012, art. 5), et l'extension des prélèvements sociaux aux revenus immobiliers des non-résidents (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012, art. 29). Ces trois mesures font peser sur les contribuables de nouveaux impôts ou de nouvelles règles rendant plus sévères des dispositifs qui avaient pu être allégés sous l'ancien Gouvernement.
  • Création d'une contribution exceptionnelle sur la fortune

Ne pouvant rétroactivement réformer l'ISF dû au titre de 2012, le nouveau Gouvernement a choisi d'instaurer, dans l'attente d'une nouvelle réforme de l'ISF qui entrerait en vigueur en 2013, une "contribution exceptionnelle sur la fortune" dont le principe est simple : cette taxe résulte, en effet, de l'application, à l'actif net taxable à l'ISF 2012, (par hypothèse déjà déclaré, au plus tard le 15 juin 2012, par les redevables de cet impôt) du barème de l'ISF 2011 dont sera déduit le montant brut de l'ISF 2012.

Sont donc visées par cette contribution toutes les personnes titulaires au 1er janvier 2012 d'un patrimoine net taxable au moins égal à 1 300 000 euros.

S'agissant des personnes qui auraient transféré leur domicile à l'étranger entre le 1er janvier 2012 et le 4 juillet 2012 (date de présentation du projet de loi en conseil des ministres), le texte prévoit qu'ils ne seront redevables de la contribution exceptionnelle qu'à raison de leurs biens français. Ceux ayant transféré leur domicile à l'étranger postérieurement au 4 juillet 2012 devront, pour leur part, inclure dans l'assiette de la contribution exceptionnelle l'intégralité de leurs biens, français ou non.
Autre cas particulier, il s'agit des personnes décédées depuis le 1er janvier 2012, pour lesquelles le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, § 36 N° Lexbase : A4218IRN) est venu préciser qu'elles ne peuvent être légalement redevables de la contribution si le décès est intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi, c'est à dire avant le 17 août 2012.

S'agissant du calcul, le barème est le suivant :

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine Tarif applicable
N'excédant pas 800 000 euros 0 %
Comprise entre 800 000 euros et 1 310 000 euros 0,55 %
Comprise entre 1 310 000 euros et 2 570 000 euros 0,75 %
Comprise entre 2 570 000 euros et 4 040 000 euros 1 %
Comprise entre 4 040 000 euros et 7 710 000 euros 1,3 %
Comprise entre 7 710 000 euros et 16 790 000 euros 1,65 %
Supérieure à 16 790 000 euros 1,8 %

Il conviendra donc d'appliquer le barème ci-dessus au montant de l'actif net taxable, tel que déterminé pour le calcul de l'ISF 2012 (éventuellement diminué du montant de la contribution en tant que passif théorique (1)).

Il faudra déduire du résultat de ce calcul le montant brut de l'ISF 2012 dû, c'est-à-dire avant toute imputation au titre de charges de famille, d'un don ou d'un investissement dans une PME.

In fine, les contribuables se verront donc imposés exactement comme si l'allègement de l'ISF (2), initié par l'ancien Président de la République, et appliqué pour la première fois en 2012, n'avait jamais existé.

Rappelons de surcroît qu'aucun dispositif de plafonnement n'est prévu, ce qui a pour effet d'alourdir sensiblement la charge de l'impôt pour les redevables disposant d'un patrimoine important mais de faibles revenus.

Ainsi, le coût global en 2012 de l'ISF et de la contribution exceptionnelle sur la fortune devrait être, pour certains contribuables, très élevé, puisqu'ils ne pourront bénéficier d'aucun mécanisme correcteur tel que le plafonnement de l'ISF ou le bouclier fiscal.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins validé la contribution exceptionnelle sur la fortune eu égard à son caractère exceptionnel, mais a précisé (ce qui pèsera dans la réforme de l'ISF 2013) que le législateur ne pourra rétablir un barème de l'ISF tel que celui qui était en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement (Cons. const., décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, § 32 et 33).

Par ailleurs, les personnes qui seraient encore titulaires d'un reliquat de créance de bouclier fiscal, ne pourront vraisemblablement pas l'utiliser pour s'acquitter de la contribution exceptionnelle.

D'un point de vue déclaratif, le formalisme devrait être assez simple puisque les personnes dont la valeur nette du patrimoine taxable est égale ou supérieure à 1 300 000 euros et inférieure à 3 000 000 d'euros (personnes ayant déclaré leur patrimoine sur la déclaration de revenus n° 2042) n'auront aucune démarche particulière à effectuer.

En pratique, ces contribuables devraient en effet recevoir un avis d'imposition comportant le montant à régler, probablement pour le 15 novembre 2012, à la fois au titre de l'ISF 2012 et au titre de la contribution exceptionnelle.

Quant aux personnes dont la valeur nette du patrimoine taxable est au moins égal à 3 000 000 d'euros (personnes ayant souscrit une déclaration d'ISF n° 2725 et payé l'impôt correspondant), elles devraient recevoir courant octobre une déclaration spécifique qui devra être déposée auprès du service des impôts le 15 novembre 2012 au plus tard, accompagnée du paiement de la contribution.

Les non-résidents qui ne disposent pas de revenus de source française (et ne déposent pas de déclaration n° 2042), mais qui sont néanmoins redevables de l'ISF pour leurs biens situés en France, recevront également une déclaration spécifique.

  • Nouveau durcissement des droits de donation et succession

La réforme de la fiscalité du patrimoine adoptée l'été 2011 par l'ancienne majorité parlementaire avait déjà sensiblement alourdi les droits de donation et de succession.

Rappelons, en effet, que, revenant sur des dispositions adoptées dans le cadre de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8), le précédent Gouvernement avait rétabli le délai de rappel fiscal de six à dix ans (avec toutefois un dispositif de lissage) et augmenté de cinq points les deux dernières tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe (portant celles-ci à 40 et 45 %).

Le nouveau Gouvernement a, pour sa part, décidé d'aller plus loin puisqu'en premier lieu le délai de rappel fiscal est désormais (à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 17 août 2012) porté à quinze ans, et ce sans aucun dispositif de lissage.

Autrement dit, les contribuables qui ont déjà consenti une donation devront désormais attendre quinze ans avant de pouvoir profiter pleinement des abattements et des tranches les plus basses du barème.

En second lieu, l'abattement en ligne directe qui avait été "gelé" à la somme de 159 325 euros est abaissé à 100 000 euros.

En pratique, alors qu'avant la loi ainsi votée un descendant pouvait donner tous les dix ans 159 325 euros à un descendant en ligne directe, il ne pourra plus à l'avenir que donner 100 000 euros tous les quinze ans.

Il est, par ailleurs, expressément prévu par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 que l'allongement de dix à quinze ans du délai de rappel fiscal s'applique aux donations trans-générationnelles.

De même, les dons familiaux de sommes d'argent (qui sont exonérés et exempts de rappel fiscal, dans la limite de 31 865 euros, lorsqu'ils sont consentis par une personne de moins de 80 ans en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant ou d'un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce, ou, par représentation, d'un petit-neveu ou d'une petite-nièce) ne peuvent plus désormais intervenir que tous les quinze ans, contre dix ans auparavant.

Notons enfin qu'il est expressément mis fin à l'actualisation annuelle des seuils, abattements et barèmes applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit, ce qui aura nécessairement pour effet d'alourdir leur poids réel avec le temps.

  • Extension des prélèvements sociaux aux revenus immobiliers des non-résidents

Autre mesure importante, celle consistant à appliquer désormais les prélèvements sociaux à tous les revenus de nature foncière réalisés par des non-résidents à raison d'immeubles situés en France.

Jusqu'à l'adoption de la loi, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et ses contributions additionnelles) ne s'appliquaient qu'aux personnes physiques considérées comme domiciliées en France par l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY) pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (sous réserve qu'elles ne soient pas considérées comme résidents d'un autre Etat en vertu d'une convention fiscale conclue par la France).

Désormais, les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France au sens de l'article 4 B du CGI, ou non-résidentes de France au sens des conventions fiscales internationales, seront assujetties aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au titre de leurs revenus fonciers taxés à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 164 B, I-a du CGI (N° Lexbase : L3278IGI).

Il s'agit des revenus provenant de la location d'immeubles sis en France et de tous les produits accessoires afférents et des revenus provenant des droits immobiliers détenus par le contribuable, tels que les droits indivis, la nue-propriété, l'usufruit, ou des droits mobiliers tels que les actions ou parts de sociétés immobilières.

Les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et contributions additionnelles à ce prélèvement, soit au total 15,5 %) s'appliqueront sur le montant net des revenus tel qu'il est retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu.

Cette mesure s'applique aux revenus fonciers des non-résidents perçus à compter du 1er janvier 2012.

Les prélèvements sociaux correspondants sont contrôlés, recouvrés et exigibles selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. Ils sont donc mis en recouvrement par voie de rôle (distinct de l'IR), d'après les éléments portés sur la déclaration d'ensemble des revenus n° 2042.

Soulignons que, contrairement à la situation des résidents fiscaux français, les non-résidents ne pourront pas déduire de la base imposable à l'impôt sur le revenu la CSG à hauteur de 5,8 points, ce qui pourrait évidement donner lieu des contentieux sur le fondement du principe d'égalité devant l'impôt.

Par ailleurs, les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France au sens de l'article 4 B du CGI ou non-résidentes de France au sens des conventions fiscales internationales sont désormais également assujetties aux prélèvements sociaux sur les produits de placement au titre des plus-values soumises au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L5715IR4) qu'elles réalisent directement ou indirectement.

Pour mémoire, ce prélèvement s'applique, sous réserve des conventions internationales, aux plus-values résultant de la cession :
- de biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens lorsqu'ils sont situés en France ;
- de parts de fonds de placement immobilier (FPI) ou de fonds étrangers équivalents lorsque l'actif de ces fonds est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France ;
- d'actions de sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC), de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (Sppicav) ou de structures étrangères équivalentes dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les actions sont cédées ;
- de parts ou d'actions de sociétés à prépondérance immobilière cotées sur un marché français ou étranger, autres que les SIIC et leurs équivalents étrangers, dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les parts ou actions sont cédées ;
- de parts, d'actions ou d'autres droits dans des organismes à prépondérance immobilière, autres que ceux mentionnés ci-dessus, quelle qu'en soit la forme, non cotés sur un marché français ou étranger dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France, et ce, quelle que soit la part du capital détenue par le cédant.

Des exonérations sont toutefois prévues, notamment en faveur de l'habitation en France des non-résidents.

Les prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %, s'appliquent, comme le prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI, sur les plus-values déterminées dans les mêmes conditions que pour les contribuables domiciliés en France assujettis à l'impôt sur le revenu.

Pour mémoire, le taux du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI est, en principe, de 33,1/3 %. Il est toutefois de 19 % pour les personnes physiques et les associés personnes physiques de sociétés de personnes qui résident à la date de la cession dans un Etat de l'Espace économique européen et de 50 % lorsque le cédant est domicilié dans un Etat non coopératif.

Le taux d'imposition global s'élèvera donc à 48,5/6 %, 34,5 % ou 65,5 %, selon le cas. En pratique, cette taxation, plus lourde pour certains non-résidents non communautaires, pourrait donner lieu à des discussions sur le principe, notamment, de la liberté de circulation des capitaux garantie par l'Union européenne, y compris vis-à-vis d'Etats tiers.

Cette mesure ne s'applique qu'aux plus-values réalisées à compter de la date de publication de la loi, soit celles réalisées à compter du 17 août 2012.


(1) L'une des questions qui n'est pas tranchée par la loi est de savoir si la contribution, qui ressemble bien entendu furieusement à l'ISF, constituera un passif déductible pour le calcul de la contribution, ce qui de notre point de vue serait parfaitement logique.
(2) Soit deux seules tranches d'imposition (applicables dès le premier euro de patrimoine) de respectivement 0,25 et 0,5 % selon que le patrimoine net taxable excède 1,3 ou 3 millions d'euros.

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Régimes matrimoniaux

[Jurisprudence] Le titre et la finance : la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en matière de droits sociaux non négociables acquis pendant le régime légal

Réf. : Cass. civ. 1, 4 juillet 2012, n° 11-13.384, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4893IQB)

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N3597BTE

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par Sophie Deville, Maître de conférences en droit privé, Institut de droit privé EA 1920, Université Toulouse 1 Capitole

Le 27 Septembre 2012

Malgré l'existence d'un système légal cohérent et relativement simple de répartition entre la masse commune et les masses propres, les opérations de qualification au sein du régime matrimonial communautaire continuent de susciter des difficultés en raison de la spécificité de certains biens. La Cour de cassation est, de ce fait, fréquemment conduite à rappeler sa jurisprudence. C'est le cas, notamment, pour ce qui est du statut des droits sociaux non négociables acquis par des époux communs en biens durant le mariage. La question est, en l'espèce, déterminante de l'issue du litige tranché par la première chambre civile le 4 juillet 2012. Un époux marié sous le régime légal acquiert en 1987, à l'occasion d'une augmentation de capital, la moitié des parts sociales d'une SARL dont son frère est le gérant (250 parts exactement), et au sein de laquelle tous deux exercent leur activité professionnelle. De nombreuses années plus tard, le divorce des époux est prononcé et des désaccords naissent au sujet du partage de la communauté, principalement quant au devenir des droits sociaux. En effet, le mari souhaite obtenir une attribution pour moitié seulement des titres, et subsidiairement leur licitation, chose à laquelle semble s'opposer l'épouse qui n'est pas, elle-même, membre du groupement. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 10 novembre 2010 (1), constate que seul l'époux possède la qualité d'associé ; dès lors, et en application de la distinction bien connue entre le titre et la finance, les juges du fond considèrent que les parts ne sont entrées en communauté que pour leur valeur. Tout partage en nature étant exclu, l'épouse est admise à faire valoir une créance contre son conjoint, seul attributaire desdits biens, correspondant à la moitié de la valeur des parts. Ce dernier forme alors un pourvoi articulé autour de plusieurs arguments, dont le principal remet en cause la qualification retenue par la cour d'appel à l'encontre des droits sociaux. L'époux reproche aux juges d'avoir considéré que les titres ne sont communs que pour leur valeur, alors qu'à son sens les parts seraient des biens communs au sens classique du terme, la distinction entre le titre et la finance n'ayant pas lieu d'être mise en oeuvre. Le plaideur en déduit certaines conséquences au plan du partage, et notamment la possibilité d'une attribution pour moitié des droits sociaux fondée sur les dispositions des articles 826 (N° Lexbase : L3463ABU) et 827 (N° Lexbase : L3464ABW) du Code civil, dans leur version antérieure à la loi du 23 juin 2006, applicables en l'espèce. In fine et à titre subsidiaire, le mode d'évaluation prétorien de la somme due à l'épouse consécutivement à l'attribution de l'ensemble des parts au seul époux est lui aussi contesté par le pourvoi.

C'est sans ambiguïté que la Cour de cassation rejette l'ensemble des arguments qui lui sont soumis. En énonçant que les magistrats d'appel ont à bon escient considéré, après avoir constaté que seul le mari possédait la qualité d'associé, que les droits litigieux ne pouvaient être communs que pour leur valeur, la première chambre civile confirme l'impossibilité d'un partage en nature. Le titre ayant été conservé par l'époux, il est l'unique attributaire des biens. L'espèce est ici l'occasion pour la cour de rappeler avec force une jurisprudence constante qu'elle ne semble pas décidée à abandonner, malgré les hésitations que la qualification peut susciter tant en doctrine qu'en pratique.

La problématique générée par la catégorie des biens "mixtes" n'est bien sûr pas nouvelle. Très tôt, au sein des régimes communautaires, s'est posée la difficulté de concilier les principes présidant à la naissance des acquêts avec la dimension personnelle que peuvent intrinsèquement abriter certains biens. La question est d'importance, tant on sait que la détermination de la nature va présider à l'application des règles de pouvoirs, ainsi qu'au devenir du bien au partage de l'indivision post-communautaire. L'article 1401 du Code civil (N° Lexbase : L1532ABD) se fonde essentiellement sur la période et le mode d'acquisition pour retenir la qualification d'acquêt au sein du régime matrimonial légal. Ces critères objectifs laissent naturellement peu de place aux relations étroites qui peuvent lier un bien à la personne d'un époux. Pour autant, l'intuitu personae se manifeste incontestablement lorsque l'exploitation du bien nécessite de la part d'une personne des qualités ou des compétences particulières, ou encore lorsque sa naissance résulte d'un processus de création intellectuel qui reflète la personnalité d'un individu (2). Ces hypothèses concernent essentiellement les offices ministériels auxquels sont associées les clientèles de professions libérales, ainsi que les droits sociaux non négociables qui sont en l'espèce au coeur du litige opposant les époux. La difficulté n'existe en réalité qu'au cas d'acquisition à titre onéreux pendant le mariage puisque les biens présents des époux leur restent propres aux termes de l'article 1405 du Code civil (N° Lexbase : L1536ABI) (3). On devine aisément les relations étroites unissant l'office ministériel à son titulaire qui s'est vu reconnaître par l'autorité publique la responsabilité de l'administration de la charge ; de même, les droits sociaux présentent la spécificité, au-delà de leur valeur intrinsèque, d'abriter un lien entre le détenteur des titres et le groupement, lequel se caractérise par l'attribution de la qualité d'associé (4).

Ceci étant, il apparaît délicat de nier à ces éléments souvent importants du patrimoine l'entrée en communauté, en considération de leur valeur et de leur moment d'acquisition. Conscients de la difficulté à intégrer ces biens particuliers au sein des catégories prévues par le droit des régimes matrimoniaux, les juges ont très tôt choisi d'opérer une distinction, destinée à concilier les aspects personnels et patrimoniaux innervant ces situations. Dans un premier temps consacrée au profit des offices ministériels et clientèles civiles, l'analyse consiste à séparer le titre, lequel n'a été attribué qu'à un époux par l'autorité publique, qui demeure propre, et la finance, c'est-à-dire la valeur patrimoniale de l'office (plus exactement la valeur du droit de présentation de la clientèle), qui tombe pour sa part en communauté (5). La solution a par la suite été étendue à certaines exploitations nécessitant la délivrance d'une autorisation administrative fondée sur les compétences et aptitudes d'un époux (6). La distinction du titre et de la finance est également appliquée de manière constante par la jurisprudence aux titre sociaux non négociables acquis pendant le mariage. Pour ce qui les concerne, il s'agit d'isoler la qualité d'associé, titre qui permet de participer activement à la vie sociale demeurant propre à l'époux qui a réalisé l'apport, et la valeur patrimoniale des parts qui doit être comprise dans la masse commune (7).

Bien que complexe, cette qualification "mixte" permet de concilier au mieux les intérêts de l'époux détenteur du titre et ceux de la communauté. Les effets sont aisément observables au stade du partage de la masse commune (8). Le titre demeurant propre à l'un des époux, celui-ci est assuré de se voir attribuer le bien sans risquer un partage en nature qui, dans la plupart des hypothèses, n'aurait que peu de sens. Ceci étant, la finance étant commune, l'autre époux peut prétendre à une créance correspondant à la moitié de la valeur du bien, à faire valoir contre son conjoint. De même, il importe de souligner que les plus-values générées pendant l'indivision post-communautaire viennent grossir la masse à partager en raison du caractère commun de la finance (9).

En l'espèce, il apparaît clairement à la lecture de l'arrêt que les juges du fond avaient retenu la distinction classiquement appliquée aux droits sociaux non négociables. En effet, le caractère commun de la finance n'autorise pas un partage en nature, seule la valeur des parts étant comprise dans la communauté. La Cour de cassation reprend à son tour la position qu'elle maintient fermement, sans adhérer aux arguments du pourvoi.

La catégorie des biens "mixtes" et la distinction consacrée n'est pourtant pas restée à l'abri des critiques, et plusieurs thèses lui ont été opposées. Lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 (N° Lexbase : L4317IRC), certains auteurs ont défendu l'idée selon laquelle les biens à dimension personnelle devaient désormais relever de l'article 1404 du Code civil (N° Lexbase : L1535ABH), qui envisage la catégorie des biens propres par nature, c'est-à-dire "tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne" (10). Pour compenser l'importante perte subie par la communauté à laquelle échapperaient ces biens pourtant financés à l'aide d'acquêts, la doctrine a suggéré d'ouvrir un droit à récompense au profit de la masse commune. La proposition s'est néanmoins heurtée à des arguments pertinents (11) ; si le risque d'insolvabilité de l'époux auquel est attribué le bien est aussi dommageable que l'on retienne l'une ou l'autre des qualifications, la distinction du titre et de la finance semble préférable lorsqu'on se penche sur le sort des plus-values générées pendant l'indivision post-communautaire. L'application de l'article 1404 du Code civil conduit à les réserver à l'époux qui a procédé à la reprise de ses propres au détriment de la masse à partager. A cet égard, la distinction prétorienne semble davantage respectueuse des intérêts en présence. Au-delà, concernant les droits sociaux, les termes de l'article 1424 du Code civil (N° Lexbase : L2300IBS) tendent à considérer que la nature de propre est exclue de fait par le législateur qui les traite comme des acquêts soumis à la cogestion. Bien que parfois invoquée par les plaideurs et approuvée par les juridictions du fond, la qualification de propre par nature à charge de récompense n'a pas séduit la Cour de cassation (12).

Une seconde analyse, qui s'est particulièrement développée en considération du statut des droits sociaux non négociables, a défendu une approche renouvelée de ces biens particuliers. En effet, il a été proposé de distinguer la qualité d'associé, prérogative extrapatrimoniale par nature inapte à se fondre dans le clivage opposant les acquêts et les propres, de la part sociale elle-même, appréhendée comme un bien (13). Or, c'est à l'égard de cette dernière que doit être posée la question de la qualification. Détachés de la qualité d'associé qui préserve, à elle seule, l'intuitu personae caractérisant les liens entre l'associé et le groupement, les titres peuvent être considérés comme des acquêts par nature. La théorie peut trouver du soutien dans les dispositions de l'article 1424 du Code civil, qui soumet les droits sociaux non négociables "dépendant de la communauté" aux règles de la cogestion. Elle se veut également simplificatrice -durant la vie du régime, à tout le moins- puisque l'ensemble des principes gouvernant les acquêts sont appliqués aux titres. Enfin, elle propose une appréhension renouvelée et affinée de la notion de droits sociaux, fidèle à leur particularisme.

Dans l'affaire tranchée le 4 juillet 2012, le pourvoi se fonde indiscutablement sur cette thèse pour défendre le partage en nature des parts de la SARL. L'époux nie aux droits sociaux la qualification d'acquêts en valeur seulement et avance bien au contraire que les parts doivent être considérées comme des biens communs par nature, rejetant ainsi la distinction entre le titre et la finance.

Si elle présente certains avantages, cette analyse montre néanmoins ses limites au stade du partage de l'indivision post-communautaire. En effet, il est tout à fait concevable, pendant le mariage, de concilier la nature commune des parts avec l'exercice de la qualité d'associé par l'époux qui en est seul titulaire. La situation devient néanmoins délicate lors de la répartition des biens contenus dans la masse à partager. En réalité, la difficulté n'existe que si un seul des conjoints possède la qualité d'associé car elle est, de fait, déterminante de l'attribution des droits sociaux. Dans de telles hypothèses, les partisans de la théorie proposent de soumettre l'époux non associé à l'agrément des membres du groupement. S'il acquiert la qualité d'associé, plus rien ne s'oppose à ce que les conjoints procèdent à un partage en nature. Mais dans le cas contraire, les auteurs admettent la nécessité de revenir à la distinction opposant le titre et la finance, en considérant que seule la valeur des droits est tombée en communauté. Même si la loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, relative aux conjoints d'artisans et de commerçants travaillant dans l'entreprise familiale (N° Lexbase : L7728AI3), semble avoir oeuvré en faveur de cette thèse en encourageant le conjoint de l'apporteur à revendiquer la qualité d'associé dès l'acquisition des parts aux termes de l'article 1832-2 du Code civil (N° Lexbase : L2003ABS), force est de constater que la démarche demeure purement volontaire, et qu'il n'est nullement contraint de le faire. De même, l'agrément demandé a posteriori par l'époux non apporteur est naturellement dépendant de la volonté des associés. Ces éléments rendent incertaine l'application des principes classiques du partage des acquêts et il est à craindre que dans de nombreuses situations, le retour à la distinction du titre et de la finance ne s'avère nécessaire.

Dans l'espèce qui nous intéresse, la qualification d'acquêts par nature était, malgré les arguments de l'auteur du pourvoi, tout à fait impossible ; seul le mari bénéficiait de la qualité d'associé et il est fort peu probable que l'épouse ait eu l'intention d'obtenir l'agrément a posteriori afin d'intégrer la société. A tout le moins, aucune démarche n'avait été faite en ce sens. Dès lors, la scission entre le titre et la finance s'imposait et la solution de la Cour de cassation doit être sur ce point approuvée.

Finalement, l'abandon de cette distinction prétorienne -si complexe et critiquée soit-elle- semble bien délicat, car elle seule permet de préserver au mieux les intérêts difficilement conciliables qui se manifestent dans ces biens particuliers.


(1) CA Paris, Pôle 3, 1ère ch., 10 novembre 2010, n° 09/22464 (N° Lexbase : A4601GKM).
(2) Sont ici visés les droits de propriété littéraire et artistique, directement envisagés par un texte particulier, la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 (N° Lexbase : L6924IQI).
(3) L'hypothèse ne vise ici que les époux mariés sous le régime légal. La communauté de meubles et acquêts impose par exemple des solutions différentes, notamment en ce sens que les meubles acquis antérieurement à l'union intègrent en principe la masse commune.
(4) L'intuitu personae est un élément déterminant des sociétés de personnes, à la différence des sociétés de capitaux. D'ailleurs, la nature commune des actions acquises par des époux durant le mariage n'a jamais suscité de controverse. Pour un arrêt ancien : Req., 6 juillet 1905, D.P., 1906, I, p. 374 ; S. 1908, I, p. 289, note Wahl. Egalement : Cass. civ. 1, 3 juillet 1979, n° 78-12.196 (N° Lexbase : A2648ITA), Bull. civ. I, n° 198.
(5) Pour des décisions antérieures à la loi du 13 juillet 1965 : Cass. civ. 1, 21 octobre 1959, Bull. civ. I, n° 424 ; Cass. civ. 1, 16 janvier 1968, deux arrêts, n° 67-10.950 (N° Lexbase : A2647IT9), Bull. civ. I, n° 19 et n° 78-12.196 (N° Lexbase : A2648ITA), Bull. civ. I, n° 20, D., 1968, p. 220. Pour des décisions plus récentes, voir par exemple : Cass. civ. 1, 12 janvier 1994, n° 91-18.104 (N° Lexbase : A5977AHT), Bull. civ. I, n° 10 et Cass. civ. 1, 12 janvier 1994, n° 91-15.562 (N° Lexbase : A5978AHU), Bull. civ. I, n° 10, D., 1994, jurisp., p. 311, note R. Cabrillac, D., 1995, Somm., p.41, obs. M. Grimaldi, Defrénois, 1994, p. 430, obs. L. Aynès, JCP éd. G., 1994, I, n° 3785, n° 1, obs. Ph. Simler, JCP éd. N, 1994, II, 329, note J.-F. Pillebout, RTDCiv., 1996, p. 229, obs. B. Vareille. ; Cass. civ. 1, 2 mai 2001, n° 99-11.336 (N° Lexbase : A3498ATQ), Bull. civ. I, n° 110, D., 2002, jurisp., p. 759, note W. Dross, JCP éd. N, 2002, I, n° 103, n° 11, obs. Ph. Simler, Defrénois, 2001, p. 1519, obs. G. Champenois.
(6) Pour une exploitation de conchyliculture : Cass. civ. 1, 8 décembre 1987, n° 86-12.426 (N° Lexbase : A6987CGU), Bull. civ. I, n° 333, D., 1989, p. 61, note Ph. Malaurie, JCP, 1989, II, n° 21336, note Ph. Simler, Defrénois, 1988, p. 533, obs. G. Champenois. Pour une licence de taxi : Cass. civ. 1, 16 avril 2008, n° 07-16.105, F-P+B (N° Lexbase : A9741D7W), Bull. civ. I, n° 121, D., 2008, p. 2264, obs. Th. Douville, RLDC, 2005/50, n° 3036, obs. Jeanne, RTDCiv., 2009, p. 352, obs. B. Vareille.
(7) Pour une décision ancienne : Cass. com., 23 décembre 1957, D., 1958, p. 267, note Le Galcher-Baron ; JCP, 1958, II, n° 10516, note J.R. Plus récemment : Cass. civ. 1, 9 juillet 1991, n° 90-12.503 (N° Lexbase : A5108AHN), Bull. civ. I, n° 232 ; Defrénois, 1991, p. 1333, obs. P. Le Cannu, JCP éd. N, 1992, II, p. 378, n° 11, obs. Ph. Simler.
(8) En revanche, pour ce qui concerne la répartition des pouvoirs de gestion pendant la vie du régime, la jurisprudence est bien plus incertaine, malgré les termes de l'article 1424 du Code civil (N° Lexbase : L2300IBS). Pour un arrêt défendant la cogestion : Cass. civ. 1, 15 mai 1974, n° 72-14.668 (N° Lexbase : A5612CHC), Bull. civ. I, n° 148, JCP, 1975, II, n° 17910, note A. Ponsard. Pour une décision ambiguë qui admet une gestion exclusive de l'époux pendant l'indivision post-communautaire en se fondant sur la nature commune de la finance : Cass. civ. 1, 9 juillet 1991, op. cit..
(9) En ce sens : Cass. civ. 1, 17 décembre 1996, n° 93-17.602 (N° Lexbase : A9390ABE), Bull. civ. I, n° 449 ; JCP éd. G, 1997, I, n° 4049, n° 16, obs. Ph. Simler ; Dr. Fam., juin 1997, n° 87, obs. B. Beignier.
(10) Voir, en ce sens : Marty et Raynaud, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, par Raynaud, Sirey, 2ème éd., n° 189 ; G. Paisant, Peut-on abandonner la distinction du titre et de la finance en régime de communauté ?, JCP éd. N, 1984, I, p.19.
(11) Voir, contre cette analyse unitaire fondée sur l'article 1404 du Code civil : M.-Cl. Lambert-Piéri, L'avenir de la distinction du titre et de la finance dans la communauté légale, D., 1982, chron., p.65 ; J. Derruppé, La nécessaire distinction de la qualité d'associé et des droits sociaux, JCP éd. N, 1984, I, p. 251 ; J. Revel, Droit des sociétés et régime matrimonial : préséance et discrétion, D., 1993, Chron., p.33.
(12) Cass. civ. 1, 8 décembre 1987, op.cit.. La première chambre approuve la cour d'appel d'avoir refusé le partage en nature d'une exploitation de conchyliculture, mais en substituant à la qualification de propre par nature retenue par les juges d'appel celle de bien "mixte").
(13) Voir, principalement : J. Derruppé, Régimes de communauté et droit des sociétés, JCP, 1971, I, 2403 ; Les droits sociaux acquis avec des biens communs selon la loi du 10 juillet 1982, Defrénois, 1983, n° 33053 ; A. Colomer, La nature des parts de sociétés au regard du régime matrimonial, Defrénois, 1979, n° 32029 et 32034 ; F. Dekeuwer-Défossez, Mariage et sociétés, Mélanges Roblot, 1984, p. 271.

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Rupture du contrat de travail

[Le point sur...] Conditions de validité de la rupture conventionnelle : premiers contentieux des juridictions d'appel

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N3627BTI

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 27 Septembre 2012

Mis en place en 2008 par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (1), le mécanisme de la rupture conventionnelle a suscité un certain nombre de critiques, formulées par des organismes publics et autres centres de recherche. Ainsi, le Centre d'étude de l'emploi (CEE) a, en juillet 2012, formulé des recommandations pour améliorer la rupture conventionnelle (formaliser l'invitation à l'entretien préalable à la signature de la rupture conventionnelle ; imposer de régler dans la convention, sous peine de nullité, toutes les questions relatives au contrat de travail telles que participation, clauses de non-concurrence, etc.) (2). Dans un registre non pas institutionnel ou doctrinal mais contentieux, ces critiques ont été portées par les salariés (ou employeurs) devant les juges (3). Le plus souvent, les salariés ont tenté d'obtenir l'annulation de la rupture conventionnelle, invoquant un certain nombre d'arguments, variables, pour des résultats eux aussi très variables. L'intérêt de restituer et d'analyser ce contentieux tient à la possibilité de résoudre une question évoquée par la doctrine (4), dès la création de la rupture conventionnelle, relative à la nature de la sanction éventuellement prononcée par le juge prud'homal, dès lors que les conditions de validité de l'accord de rupture n'auront pas été respectées : nullité (approche civiliste) ou droit commun de la rupture, c'est-à-dire licenciement (approche travailliste). La sanction d'inspiration civiliste de la nullité, frappant le non-respect des conditions de formation de la rupture conventionnelle est sans doute la plus proche de l'esprit initial du dispositif ; mais elle n'est pas la plus adaptée, dans le champ des rapports de travail, si l'on garde à l'esprit les effets attachés à la nullité (effet rétroactif ; réintégration du salarié...). Une synthèse du contentieux des ruptures conventionnelles montre deux tendances observées chez les juges du fond, les uns prononçant l'invalidation des ruptures conventionnelles ; les autres, rejetant au contraire l'annulation des ruptures conventionnelles. I - Invalidation des ruptures conventionnelles

Les juridictions du fond prononçant une annulation d'une rupture conventionnelle ont été soumises à une multitude de cas de figure, très variables. Ils sont regroupés en deux ensembles : certaines nullités de la rupture conventionnelle sont tirées du droit commun du consentement ; d'autres, du droit des rapports de travail.

A - Nullités de la rupture conventionnelle tirées du droit commun du consentement

La référence à la liberté du consentement, au sens civiliste du terme, est suggérée par la rédaction de l'article L. 1237-11, alinéa 2 (la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties) et alinéa 3 (elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties) du code du travail (5). Le régime du consentement est fixé par l'article 1109 du Code civil (N° Lexbase : L1197ABX), selon lequel il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

- Information du salarié de la possibilité de se faire assister

En 2012, la cour d'appel de Reims a admis qu'une convention de rupture devait être annulée (et requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse), parce que l'employeur ne démontrait pas avoir informé préalablement une salariée de ses droits et de la possibilité de se faire assister (CA Reims, 9 mai 2012, n° 10/01501 N° Lexbase : A9344IKB).

- Etat de contrainte

La cour d'appel d'Amiens a retenu le principe de la nullité d'une rupture conventionnelle, motif pris de l'état de contrainte de la salariée (6). La rupture amiable est intervenue en période de suspension de contrat de travail sans que la salariée soit mise en mesure de se faire assister, caractérisant la précipitation affectant la liberté de consentir. La salariée était donc fondée à invoquer une situation de contrainte, justifiant une nullité de la convention, en application de l'article 1111 du Code civil (N° Lexbase : L1199ABZ) : en outre, les juges du fond ont estimé que la salariée est en droit d'obtenir la requalification de la rupture intervenue le 17 février 2009 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non précédé d'une procédure régulière.

- Harcèlement

Une rupture conventionnelle du contrat de travail intervenue à la suite de faits de harcèlement moral est nulle (7). En l'espèce, un salarié a fait état d'actes répétés de harcèlement qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé physique et mentale. Le salarié a formulé une demande de rupture conventionnelle fin février 2009, alors qu'il était en arrêt maladie pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, et qu'il avait fait l'objet d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral pendant les mois précédent son arrêt maladie. La cour d'appel en a déduit que dans un tel contexte, son consentement ne pouvait être librement donné à une rupture conventionnelle.

L'article L. 1152-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0728H9T) prévoit que toute rupture du contrat intervenue en méconnaissance des dispositions du Code du travail relatives au harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P et L 1152-2 N° Lexbase : L8841ITM) doit être sanctionnée par la nullité. Il faut donc souligner que les juges du fond ont retenu la nullité de la rupture conventionnelle, non pas comme sanction civiliste du défaut de consentement à la convention de rupture, mais plus simplement, par application des dispositions du code du travail, qui organisent la sanction de la nullité dans le cas spécifique du harcèlement.

B - Nullités de la rupture conventionnelle tirées du droit des rapports de travail

Le législateur a mis en place des dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties (C. trav., art. L. 1237-11, al. 2) ; entretien (et possibilité de se faire assister, C. trav., art. L. 1237-12 N° Lexbase : L8193IAP) ; contenu minimal de la rupture conventionnelle (C. trav., art. L. 1237-13 N° Lexbase : L8385IAS) ; droit de rétractation (C. trav., art. L. 1237-13) ; homologation par la Dirrecte (C. trav., art. L. 1237-14 N° Lexbase : L8504IA9) ; autorisation de l'inspection du travail au profit des salariés protégés (C. trav., art. L. 1237-15 N° Lexbase : L8188IQC). De cette énumération, il faut donc comprendre, a priori, que les cas de nullité sont strictement encadrés, puisque leur domaine est fixé par les articles L. 1237-11 à 15 du Code du travail. La lecture du contentieux rendu par les cours d'appel montre que les juges ne se sont pas laissés enfermer par ce cadre fixé par la loi.

- Rupture conventionnelle et statut de salarié protégé

En 2012, la cour d'appel de Chambéry a admis que l'employeur puisse solliciter l'annulation d'une rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé, pour non-respect du statut protecteur et de la procédure spécifique (8). L'employeur contestait, dans le cadre d'une demande reconventionnelle, la validité de la rupture conventionnelle conclue par l'un des directeurs d'établissement avec un salarié élu au CHSCT. Celui-ci était revenu sur sa démission au profit d'une rupture conventionnelle proposée par le directeur d'établissement. L'employeur a fait valoir que la rupture aurait dû être précédée de la consultation du CE et d'une autorisation de l'inspecteur du travail (C. trav., art. L. 1237-15). La cour d'appel a prononcé la nullité de cette rupture conventionnelle conclue en violation des règles applicables.

- Rupture conclue pendant une absence liée à un accident du travail

Le régime de la rupture du contrat de travail au cours d'une période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle est encadré par les textes (C. trav., art. L. 1226-9 N° Lexbase : L1024H9S), qui conditionnent une telle rupture soit à une faute grave du salarié ou l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. A défaut, la rupture est nulle (C. trav., art. L. 1226-13 N° Lexbase : L1031H93).

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a appliqué ce régime de la nullité à une rupture conventionnelle, conclue durant une absence liée à un accident du travail (9). La solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (10) relative à la rupture amiable en application de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

- Rupture conventionnelle conclue avec un salarié inapte à la suite d'un accident du travail

La cour d'appel de Poitiers a, en 2012, confirmé le jugement du conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne ayant déclaré abusive une rupture conventionnelle signée avec un salarié inapte à la suite d'un accident du travail (11). Le salarié était sur le point d'être déclaré inapte : la rupture conventionnelle avait été conclue entre les deux examens constituant la visite de reprise, le contrat n'étant plus suspendu. La cour d'appel a estimé qu'il s'agit là d'une fraude qui corrompt la convention de rupture et entraîne sa nullité.

L'employeur a tenté d'échapper aux conséquences de l'inaptitude en passe d'être constatée (obligation de reclassement ou licenciement entraînant le paiement d'indemnités légales) en proposant une rupture conventionnelle, financièrement intéressante, dès lors que l'indemnité proposée était inférieure à l'indemnité de licenciement spécifique. La solution a déjà été retenue par la Cour de cassation, au titre de la rupture amiable (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 96-44.160, publié N° Lexbase : A4617AG4).

- Paiement des cotisations sociales

La cour d'appel d'Aix en Provence a prononcé la nullité d'une rupture conventionnelle conclue par un salarié parce que son employeur s'était soustrait pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail à ses obligations auprès des organismes de protection sociale (12).

Engagé en qualité de prospecteur, en application du régime du contrat "nouvelles embauches", un salarié a conclu avec l'employeur, le 12 janvier 2009, une convention de rupture à effet du 28 février 2009. En 2009, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan afin de voir requalifier cette rupture conventionnelle en un licenciement abusif. Les juges du fond ont reconnu que le salarié n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable à son embauche et cette omission n'a fait l'objet d'aucune régularisation pendant toute la période d'exécution du contrat de travail. En outre, l'employeur a omis de verser à l'Urssaf et aux divers organismes sociaux les cotisations prélevées figurant sur les bulletins de paie. Selon l'article L. 1221-10 du Code du travail (N° Lexbase : L0788H93), l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale.

Bref, pour la cour d'appel, dès lors que les obligations auxquelles l'employeur s'est soustrait pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail sont consubstantielles à ce contrat, le salarié est fondé à soutenir qu'il n'aurait pas conclu la convention de rupture s'il avait eu connaissance de ces graves manquements. La rupture conventionnelle est ainsi nulle.

- Absence d'homologation

Faute d'homologation régulière, la convention de rupture conventionnelle, dont la validité est soumise à son homologation, est nulle et la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (13).

- Situation économique de l'entreprise et liberté du consentement

La cour d'appel de Dijon s'est prononcée sur une rupture conventionnelle, dans un contexte de restructuration économique (14). Une salariée a soutenu que son consentement n'était pas libre puisqu'elle se trouvait sous la menace d'un licenciement ; la rupture lui a été imposée ; son consentement a été vicié ; l'administration n'était pas en droit d'homologuer la convention.

La cour d'appel a relevé qu'à la date où la rupture conventionnelle a été signée (entre le 9 et le 23 juin 2009), l'entreprise envisageait de prendre une mesure de licenciement à l'égard de la salariée. Or, l'article L. 1237-11 du Code du travail dispose que la rupture conventionnelle est exclusive du licenciement et qu'elle ne peut pas être imposée par l'une ou l'autre des parties. Les juges du fond en ont tiré la conséquence que la négociation de la convention et sa signature sont intervenues dans le contexte d'un litige portant sur la rupture de la relation de travail. Cette circonstance laisse supposer que les intérêts de la salariée n'ont pas été préservés. Bref, pour les juges du fond, eu égard à l'ensemble de ces infractions aux exigences légales, la rupture conventionnelle ne peut produire aucun effet et doit être annulée. Doit être annulée la rupture conventionnelle intervenue dans un contexte de licenciement laissant supposer que les intérêts de la salariée n'ont pas été préservés.

II - Rejet de l'annulation des ruptures conventionnelles

Le contentieux alimenté par les juridictions de fond montre également un contrôle exercé par le juge, n'allant pas nécessairement dans le sens d'une invalidation (annulation) des ruptures conventionnelles. Deux hypothèses peuvent être retenues : le refus d'annulation peut s'expliquer simplement par la validation de la rupture conventionnelle ; ou le refus de la nullité a pu être relevé, parce que les juges du fond ont écarté la nullité en tant que mode de sanction du défaut de validité d'une rupture conventionnelle, préférant d'autres modes de sanctions, moins radicales et plus simples à mettre en oeuvre.

A - Refus d'annulation fondée sur la validation de la rupture conventionnelle

Les juges du fond ont été amenés, dans un certain nombre d'affaires, à reconnaître la validité d'une rupture conventionnelle. Les situations sont très variées.

- Conclusion d'une rupture conventionnelle durant un arrêt maladie

En 2012, la cour d'appel de Rennes a validé une rupture conventionnelle conclue durant un congé pour maladie non-professionnelle, alors même que le consentement du salarié a été donné de façon libre et éclairée (15). La solution est conforme à la doctrine administrative selon laquelle, dans les cas de suspension du contrat de travail ne bénéficiant d'aucune protection particulière, aucune disposition n'interdit aux parties de conclure une rupture conventionnelle (16). En l'espèce, l'intéressé était en arrêt maladie depuis huit mois en raison d'un syndrome anxio-dépressif, étranger à un harcèlement moral ou une discrimination.

Toujours en 2012, une autre juridiction s'était prononcée en sens contraire, les juges ayant constaté que la rupture conventionnelle était intervenue en période de suspension du contrat de travail sans que la salariée soit mise en mesure de se faire assister, caractérise une précipitation affectant la liberté de consentir (CA Amiens, 5ème ch. soc., 11 janvier 2012, n° 11/00555, préc).

- Clause de non-concurrence

La cour d'appel de Bordeaux a admis qu'une clause de non-concurrence soit instituée à l'occasion d'une rupture conventionnelle (CA Bordeaux, ch. soc., 6 mars 2012, n° 11/01545 N° Lexbase : A9634ID8). La clause de non-concurrence, librement consentie par les parties dans la convention de rupture, est valable et doit recevoir plein effet, dès lors qu'elle vise à assurer la juste protection des intérêts de l'entreprise. Elle doit par ailleurs être regardée comme une condition d'acceptation par l'employeur de la rupture conventionnelle.

- Information du salarié de la possibilité de se faire assister

La cour d'appel de Nîmes a rappelé qu'aucune obligation d'information particulière relative à la possibilité pour le salarié de se faire assister lors de l'entretien ne s'impose à l'employeur (CA Nîmes, 12 juin 2012, n° 11/00120 (N° Lexbase : A6824IN3). Un salarié ne peut donc invoquer un défaut d'information pour remettre en question la validité d'une rupture conventionnelle.

- Rupture conventionnelle et nullité de la transaction

Le fait que l'employeur avait accepté avant le licenciement de négocier la rupture conventionnelle du contrat de travail à un montant sensiblement égal à la transaction ne saurait entraîner la nullité de celle-ci (17). En effet l'employeur avait dénoncé son accord dans le délai prévu par la loi. Le licenciement a été prononcé pour faute grave. L'employeur pouvait s'abstenir de toute nouvelle négociation. Enfin, l'accord sur une même indemnité que celle convenue avant le licenciement constitue nécessairement une concession.

- Existence d'un différend

En 2012, la cour d'appel de Lyon a rendu une décision importante, dans le champ des ruptures conventionnelles (18). En première instance, le conseil de prud'hommes de Lyon avait décidé qu'une rupture conventionnelle ne pouvait intervenir en présence d'un litige opposant employeur et salarié. Aussi, les premiers juges avaient annulé la rupture conventionnelle et requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au contraire, pour la cour d'appel de Lyon, la rupture conventionnelle n'encourt pas la nullité au seul motif de l'existence d'un litige concomitant ou antérieur entre le salarié et l'employeur. Certains auteurs ont approuvé la solution. En effet, "ce n'est pas parce qu'on ne peut pas imputer la rupture à l'une ou l'autre des parties qu'il n'existe aucun différend entre elle [...] Mieux vaut reconnaître que la rupture conventionnelle peut être valablement conclue, quels qu'aient été l'état des relations entre les parties, et rester attentif aux conditions dans lesquelles le consentement a été donné, plutôt que d'ajouter au texte une condition qui n'y figure pas" (19).

- Situation économique de l'entreprise

Certaines juridictions ont retenu le principe que la situation de restructuration d'une entreprise pouvait exercer une influence sur un salarié, affectant le libre consentement exigé pour une rupture conventionnelle (supra). La solution n'est pas stable : d'autres juridictions ont retenu la solution inverse (CA Dijon, 12 juillet 2012, n° 11/00604 N° Lexbase : A7160IQA). En l'espèce, la salariée faisait valoir que la rupture conventionnelle était entachée de nullité dès lors qu'elle procédait d'un détournement délibéré de l'institution de la rupture conventionnelle ainsi que d'une violence économique et morale et d'un dol de la part de l'employeur qui envisageait de supprimer des emplois pour motif économique. L'employeur lui aurait imposé les dates d'entretiens préalables ; ne lui aurait pas indiqué que l'indemnité conventionnelle de licenciement était négociable ; ne l'aurait pas informée de la décision de fermer l'usine prise quelques temps auparavant ; lui aurait accordé une indemnisation d'un montant très inférieur à celui auquel elle aurait pu prétendre dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique.

Au contraire, les juges du fond ont relevé que la fermeture du site de Mâcon n'était pas envisagée lorsque la possibilité de départ des salariés proches de l'âge de la retraite a été évoquée pour la première fois ; la procédure de rupture conventionnelle définie par la loi a été respectée en tous points ; la salariée n'a pas été incitée au départ ; elle n'ignorait pas qu'un licenciement économique lui serait financièrement plus favorable ; à l'époque, rien ne laissait entrevoir qu'il pourrait exister une si forte différence d'indemnisation entre celle qui lui a été versée dans le cadre de la rupture conventionnelle et celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait fait l'objet d'un licenciement économique consécutif à la fermeture de l'usine ; à supposer même que la décision de fermer le site de Mâcon ait été prise avant la conclusion de la rupture en cause, cette circonstance ne serait pas de nature à vicier le consentement de la salariée dès lors que cette dernière a délibérément choisi la voie conventionnelle malgré la perte financière que cela lui occasionnait. Bref, n'étant démontré ni que la rupture conventionnelle conclue par les parties se soit inscrite dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l'entreprise, ni que le consentement de la salariée ait été vicié, il n'y a pas lieu, pour les juges du fond, d'annuler la convention en cause.

Les mêmes juges du fond ont rendu un arrêt opposant des salariés au même employeur, et se sont prononcés dans le même sens (CA Dijon, 12 juillet 2012, n° 11/00599 (N° Lexbase : A7171IQN). La fermeture du site de Mâcon n'était pas envisagée lorsque la possibilité de départ des salariés proches de l'âge de la retraite a été évoquée pour la première fois, que la procédure de rupture conventionnelle définie par la loi a été respectée en tous points et que le salarié n'a pas été incité au départ.

- Dol

Le dol (dont un salarié s'est dit avoir été victime) peut être constitué par le silence conservé par l'employeur sur un fait tel qu'il est évident que le salarié n'aurait pas signé la convention de rupture ou aurait rétracté son consentement s'il en avait eu connaissance : mais il ne peut cependant y avoir dol lorsque l'événement est postérieur à l'homologation de la convention, ce qui implique qu'aucune des parties n'en avait connaissance pendant le délai de rétractation et, a fortiori, au moment de la signature de la convention (CA Lyon, 7 mai 2012, n° 11/03134 N° Lexbase : A6878IKX).

En l'espèce, un salarié a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail en faisant état des refus qui avaient été opposés à ses demandes de mutation. La convention de rupture a été signée le 31 mars 2009. Par courrier du 9 juin 2009, le DDTEFP du Rhône a confirmé l'homologation tacite de la convention de rupture au 3 juin 2009. Par courrier du 17 juin 2009, l'ex-salarié a proposé sa candidature pour un poste de chef monteur et un poste de technicien vidéo, tous deux situés à Besançon, à laquelle la société n'a pas répondu.

Le conseil des prud'hommes a estimé que la rupture conventionnelle était nulle (et s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse), mais la cour d'appel a infirmé le jugement. Pour les juges du fond, aucun élément ne permet de tenir pour établi que la direction régionale Rhône-Alpes Auvergne a été informée de la procédure de consultation du comité d'établissement de la région Bourgogne- Franche Comté, préalable à l'affichage des postes pour appel de candidatures, cet affichage étant fait quarante-cinq jours avant la tenue des commissions paritaires nationales. Il en résulte qu'il est intervenu après le 15 avril 2009, date d'expiration du délai de rétractation, et même après le 12 mai 2009. Ainsi le salarié ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une connaissance antérieure par la Direction Rhône-Alpes Auvergne de la création du poste de technicien supérieur en électronique à Besançon et aucun dol ne peut donc être imputé à la société.

B - Refus de la nullité, comme mode de sanction du défaut de validité d'une rupture conventionnelle

Enfin, la lecture des décisions rendues par les juridictions du second degré montre que les juges peuvent prononcer des sanctions à l'égard de l'employeur, pour non-respect des règles relatives à la rupture conventionnelle, sans pour autant que la nullité ne s'impose. Là aussi, les hypothèses envisagées sont très variables.

- Droit aux allocations chômage

En 2012, la cour d'appel de Paris a précisé qu'une rupture conventionnelle qui n'a pas été homologuée n'ouvre pas droit aux allocations chômage (CA Paris, Pôle 2, 2ème ch., 6 avril 2012, n° 11/06828 N° Lexbase : A1025IIS). L'intérêt de cette décision réside dans le régime de la sanction du non-respect par l'employeur des règles relatives à la rupture conventionnelle : l'employeur n'a pas respecté les obligations qui pèsent sur lui, mais les sanctions sont prononcées en quelque sorte contre le salarié, qui se voit privé du bénéfice d'allocations chômage.

Un salarié engagé par une compagnie aérienne de droit belge, par contrat soumis au droit belge : deux ans plus tard, le salarié a conclu une rupture conventionnelle. La DDTEFP avait refusé l'homologation. De retour en France, le salarié a demandé le bénéfice des allocations chômage. La cour d'appel a rejeté sa demande en paiement d'allocations journalières de retour à l'emploi, faute d'homologation de la rupture conventionnelle par l'administration du travail.

- Absence de nullité d'une rupture conventionnelle : état de stress postérieur à la rupture du contrat

Ne rend pas nulle la rupture conventionnelle, un état de stress lié, selon un salarié, à un harcèlement moral sur le lieu de travail mais reconnu dans un certificat postérieur à la signature de la convention de rupture conventionnelle (CA Amiens, 5 septembre 2012, n° 11/04536 N° Lexbase : A1972IST). Un salarié a soutenu qu'il a fait l'objet de nombreuses pressions et menaces de son employeur entre janvier 2009 et septembre 2009, en raison de son refus d'accepter le changement de cycle de travail. Cette situation a engendré un état de stress qui l'a conduit à signer contre sa volonté un protocole transactionnel très défavorable à son égard.

Cependant, selon la cour d'appel, la modification du rythme de travail décidée par l'employeur n'a été que temporaire et a cessé fin juin 2009, soit antérieurement à l'engagement de la procédure de rupture conventionnelle. Aussi, il n'apparaît pas qu'une situation conflictuelle ait encore existé entre les parties lorsque la rupture conventionnelle a été envisagée et le contexte décrit par le salarié n'est pas en lui-même démonstratif d'une volonté de l'employeur de faire pression sur sa personne pour obtenir une rupture amiable. Ainsi, le salarié n'a pas établi des faits permettant de présumer un harcèlement moral et par la même un vice de consentement affectant la signature de la rupture conventionnelle.

- Sanction liée à la qualification de défaut de cause réelle et sérieuse

La cour d'appel d'Amiens a retenu la qualification de "défaut de cause réelle et sérieuse" à une rupture d'un contrat de travail contre un employeur ayant profité de la situation d'infériorité d'un salarié ne disposant que d'une maîtrise partielle de l'expression et de la compréhension écrite, en lui faisant recopier un modèle de lettre par laquelle il demandait à bénéficier d'une rupture conventionnelle. La rupture a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Amiens, 13 juin 2012, n° 11/03684 [LXB= A6719IN8]).

- Non versement de l'indemnité de rupture

En 2012, la cour d'appel de Colmar a estimé que le non-versement de l'indemnité de rupture ne rend pas nulle la rupture conventionnelle (CA Colmar, 14 juin 2012, n° 11/00239 N° Lexbase : A8255IN3). Le défaut d'exécution de la convention n'affecte pas sa validité qui s'apprécie au moment de sa formation, de sorte que le défaut de paiement de la contrepartie financière n'est pas de nature à entraîner sa nullité. En l'espèce, l'indemnité avait été versée avec un an de retard, en raison du placement de l'employeur en liquidation judiciaire.

Dans le même sens, la cour d'appel de Reims a affirmé que le retard apporté au règlement de l'indemnité conventionnelle n'est pas de nature à remettre en cause la validité même de la rupture conventionnelle (CA Reims, 16 mai 2012, n° 11/00624 N° Lexbase : A5516ILU).


(1) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B) ; C. trav., art. L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) ; Circ., DGT n° 2009-04, 17 mars 2009, relative à la rupture conventionnelle d'un contrat à durée indéterminée (N° Lexbase : L0486IDD). G. Auzero, L'accord du 23 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail : l'ébauche d'une "flexisécurité à la française", RDT, 2008, p. 152 ; P. Bouaziz et N. Collet-Thiry, La rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée : mode d'emploi, Dr. ouvr., 2010, p.65 ; S. Chassagnard-Pinet, P.-Y. Verkindt, La rupture conventionnelle du contrat de travail, JCP éd. S, 2008, 1365 ; F. Favennec-Héry, La rupture conventionnelle, mesure phare de l'accord, Dr. soc., 2008, p. 314 et Rupture conventionnelle du contrat de travail : quel domaine ?, SSL, 2008, n° 2360, p. 12 ; E. Dockès, Un accord donnant, donnant, donnant, donnant..., Dr. soc., 2008, p. 283 ; X. Prétot, L'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative, Dr. soc., 2008, p. 316 ; S. Niel, Quelques aspects pratiques de la rupture conventionnelle, SSL, 2008, n° 2360, p. 8 ; v. les obs. de S. Tournaux, Article 5 de la loi portant modernisation du marché du travail : la rupture conventionnelle du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5222BGI).
(2) R. Dalmasso, B. Gomel, D. Méda, E. Serverin et L. Sibaud, Des ruptures conventionnelles vues par des salariés - Analyse d'un échantillon de 101 ruptures conventionnelles signées fin 2010, Rapport final, Convention C007 avec la CFDT, juillet 2012 (LSQ, n° 16148 du 23 juillet 2012). L'étude montre qu'entre janvier 2011 et mars 2012, en moyenne, 22 500 ruptures ont été homologuées chaque mois, soit 794 000 à la fin du mois de mars 2012.
(3) Sur le contentieux de la rupture conventionnelle, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" ; sur les conséquences de la rupture conventionnelle, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" .
(4) V. les obs. de S. Tournaux, préc..
(5) R. Dalmasso et alii, Des ruptures conventionnelles vues par des salariés - Analyse d'un échantillon de 101 ruptures conventionnelles signées fin 2010, Rapport final, préc., spéc., p. 17.
(6) CA Amiens, 5ème ch. soc., sect. B, 11 janv. 2012, n° 11/00555 (N° Lexbase : A2682IAL), F. Taquet, Des interrogations portant sur la rupture conventionnelle, JCP éd. A, n° 11, 15 mars 2012, 1188.
(7) CA Chambéry, 30 août 2012, n° 09/00188 (N° Lexbase : A0524IS9).
(8) CA Chambéry, ch. soc., 6 mars 2012, n° 10/02394 (N° Lexbase : A9427IDI).
(9) CA Aix-en-Provence, 17ème ch., 3 avril 2012, n° 11/05043 (N° Lexbase : A1712IHU).
(10) Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-44.566, publié (N° Lexbase : A4889AG8).
(11) CA Poitiers, ch. soc., 28 mars 2012, n° 10/02441 (N° Lexbase : A6204IGU) ; T. Grumbach et E. Serverin, De l'abus dans le recours à la rupture conventionnelle. Le CPH des Sables d'Olonne ouvre la voie, SSL, 21 juin 2010, n° 1451.8-1 ; R. Dalmasso et alii, Des ruptures conventionnelles vues par des salariés - Analyse d'un échantillon de 101 ruptures conventionnelles signées fin 2010, Rapport final, préc., spéc., p. 32.
(12) CA Aix-en-Provence, 4 septembre 2012, n° 11/05759 (N° Lexbase : A2382ISZ).
(13) CA Lyon, ch. soc., 26 août 2011, n° 11/00551 (N° Lexbase : A3460HXG).
(14) CA Dijon, 12 juillet 2012, n° 11/00875 (N° Lexbase : A7267IQ9).
(15) CA Rennes, 8ème ch. prud., 23 mars 2012, n° 10/06873 (N° Lexbase : A3742IGP).
(16) Circ. DGT, n° 2009-04 du 17 mars 2009, 1.2, préc..
(17) CA Versailles, 6ème ch., 29 novembre 2011, n° 10/01979 (N° Lexbase : A3126H38), F. Taquet, Des interrogations portant sur la rupture conventionnelle, JCP éd. A, n° 11, 15 mars 2012, 1188.
(18) CA Lyon, ch. soc., sect. A, 7 mai 2012 N° Lexbase : A6878IKX) ; F. Bavozet, Validité de la rupture conventionnelle malgré l'existence d'un litige antérieur ou concomitant entre les parties, JCP éd. G, n° 26, 25 Juin 2012, 777 ; B. Mounier-Berail, Des questions toujours en suspens, RDT, n° 6, juin 2012, p. 336-337.
(19) R. Dalmasso et alii, Des ruptures conventionnelles vues par des salariés - Analyse d'un échantillon de 101 ruptures conventionnelles signées fin 2010, Rapport final, préc., spéc., p. 21 ; E. Serverin, La part du conflit dans le processus de rupture conventionnelle, RDT, n° 2, février 2012 p. 110.

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