La lettre juridique n°810 du 23 janvier 2020

La lettre juridique - Édition n°810

Terrorisme

[Brèves] Validité du recel d’apologie d’actes de terrorisme à l’aune de la liberté d’expression

Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5582Z9M)

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N1825BYA

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par June Perot

Le 26 Mars 2020

► Le fait de détenir, à la suite d’un téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant l’apologie d’actes de terrorisme entre dans les prévisions des articles 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) et 421-2-5 (N° Lexbase : L8378I43) du Code pénal ; cependant, une condamnation de ce chef n’est compatible avec l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4743AQQ) que si est caractérisée, en la personne du receleur, son adhésion à l’idéologie exprimée dans de tels fichiers.

C’est ainsi que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt relatif à la détention de documents et enregistrements audiovisuels faisant l’apologie d’actes de terrorisme (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I N° Lexbase : A5582Z9M).

Résumé des faits. Dans le cadre d’une visite effectuée sur autorisation du juge des libertés et de la détention, du véhicule utilisé par un homme et du domicile de ses parents où il résidait, ont été découverts dans son ordinateur portable et ses deux téléphones portables, de nombreux documents et des enregistrements audiovisuels faisant l’apologie d’actes de terrorisme. Il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour recel de biens provenant du délit d’apologie d’actes de terrorisme sur le fondement des articles 321-1 (recel) et 421-2-5 (apologie d’actes de terrorisme) du Code pénal et a été condamné à cinq ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, ainsi qu’à une interdiction de séjour en Moselle de cinq ans et à la confiscation des scellés. Le prévenu a relevé appel de la décision.

En cause d’appel. Pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu et le condamner à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, outre la confiscation des scellés, l’arrêt énonce qu’en effectuant des téléchargements volontaires de fichiers faisant l’apologie du terrorisme, l’intéressé s’est procuré et a détenu en toute connaissance de cause des choses provenant d’une action qualifiée crime ou délit par la loi.

Les juges ajoutent que le comportement de l’intéressé démontre une certaine adhésion aux propos apologétiques et que la multiplicité, la diversité et le caractère volontaire de la sélection des documents téléchargés excluent qu’il ait pu agir de bonne foi par simple curiosité, quête spirituelle ou parce qu’il se retrouvait dans une situation de détresse psychologique, matérielle et familiale ainsi qu’il le prétend.

Un pourvoi a été formé.

A hauteur de cassation. Le moyen du pourvoi faisait valoir que le seul fait de détenir un support dans lequel est exprimée une opinion présentant l’acte de terroriste sous un jour favorable ne pouvait être qualifié de recel. De plus, selon le pourvoi, la cour d’appel ne pouvait condamner le prévenu du chef de recel d’apologie d’actes de terrorisme pour avoir détenu des fichiers informatiques dans lesquels des tiers faisaient l’apologie d’actes de terrorisme, au seul motif qu’il avait connaissance de leur nature frauduleuse et illicite.

Recel d’apologie d’actes de terrorisme versus liberté d’expression. Reprenant la solution susvisée, la Chambre criminelle considère que la condamnation pour détention de fichiers téléchargés caractérisant l’apologie d’actes de terrorismes n’est compatible avec l’article 10 de la CESDH que pour autant qu’il est démontré l’adhésion du receleur à l’idéologie exprimée dans les fichiers. Le recel de l’apologie du terrorisme exige donc la démonstration d’un dol spécial (adhésion à l’idéologie) afin que cette répression ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.

Portée. La question constitutionnelle de l’intention en matière de terrorisme s’est  sensiblement posée avec la loi du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87) qui a érigé en infraction la consultation habituelle de sites internet de nature terroriste. A cette occasion, l’article 421-2-5-2 (N° Lexbase : L4801K8C ; cf. l’Ouvrage « Droit pénal spécial » (dir. J.-B. Perrier), Les éléments constitutifs des actes de terrorisme N° Lexbase : E5500EXY) a été inséré dans le Code pénal, le législateur ayant eu pour ambition de sanctionner à la source la consultation de tels sites. Saisie de la question de sa conformité à la norme fondamentale, le Conseil avait toutefois censuré cette infraction, estimant que « les dispositions contestées n’imposent pas que l’auteur de la consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait la volonté de commettre des actes terroristes ni même la preuve que cette consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ces services » (Cons. const., décision n° 2016-611 QPC, du 10 février 2017 N° Lexbase : A7723TBN, §. 14).

Désireux de rectifier le tir, le législateur avait alors, à l’occasion de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, relative à la sécurité publique (N° Lexbase : L0527LDU), offert une nouvelle rédaction à l’article en question en tenant compte des réserves émises par le Conseil. La consultation devait alors s’accompagner « d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ce service ». Cette nouvelle version n’a toutefois pas emporté l’adhésion du Conseil constitutionnel qui a de nouveau censuré l’article 421-2-5-2 du Code pénal (Cons. const., décision n° 2017-682 QPC, du 15 décembre 2017 (N° Lexbase : A7105W7B ; v. O. Cahn, Délit de consultation de sites terroristes : ni fleurs, ni couronnes..., Lexbase Pénal, janvier 2018 N° Lexbase : N2232BXX).

La décision rendue le 7 janvier 2020 soulève alors une difficulté puisque le Conseil avait estimé le 12 décembre 2017 que l’exigence d’une adhésion à l’idéologie exprimée ne suffisait pas à assurer la constitutionnalité du délit de consultation de site terroriste car la consultation et l’adhésion n’étaient pas « susceptibles d’établir à elles seules l’existence d’une volonté de commettre des actes terroristes » (§. 14).

Or, le dol augmenté du recel décelé par la Chambre criminelle ne paraît pas aller pas aussi loin que ce que le Conseil avait exigé quant au délit de consultation : l’adhésion suffit pour le recel d’apologie, quand elle ne permet pas d’assurer la validité du délit de consultation. Une infraction de conséquence telle que le recel prend alors le relais d’un délit inconstitutionnel en s’attachant au simple effet éventuel d’une consultation de site terroriste : le téléchargement d’un contenu litigieux. Téléchargement qui d’ailleurs à lui seul (421-2-6, 2, c N° Lexbase : L7543LP3) ne pourrait consommer le délit d’entreprise individuelle terroriste. Il faudrait en effet ajouter au téléchargement le fait de détenir, de se procurer, de tenter de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui. Une QPC aura sans doute le mérite de lever, à terme, les doutes quant à la constitutionnalité de cette construction prétorienne. La plasticité de la qualification balai mobilisée par le parquet (le recel) présente un intérêt pratique évident mais elle laisse d’interroger quant à la libre communication des pensées et des opinions telle qu’éclairée par le Conseil constitutionnel.

Pour aller plus loin :

Lire, Y. Mayaud, L’intention terroriste, Lexbase Pénal, juillet 2019 (N° Lexbase : N9667BXC)

Lire, J. Alix, Flux et reflux de l’intention en matière terroriste, RSC, 2019 n° 2, pp. 505 s.

 

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Interdiction de traduire le titre d’avocat français en langues étrangères sur la plaque professionnelle

Réf. : CA Lyon, 12 décembre 2019, n° 19/02241 (N° Lexbase : A9523Z7T)

Lecture: 10 min

N1727BYM

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par Cathie-Sophie Pinat, Maître de conférences à l'Université de Lyon 2

Le 13 Janvier 2020


Mots-clés : profession • avocat • déontologie • usurpation de titres • étrangers


 

La pratique du métier d’avocat fait parfois naître des interrogations nouvelles en particulier lorsqu’elle concerne sa communication, domaine qui a fait l’objet d’une libéralisation sous l’impulsion de l’Union européenne. La cour d’appel de Lyon a justement été saisie d’une interrogation digne d’intérêt en la matière. En l’espèce, deux avocats stéphanois ont traduit leurs titres d’avocat en langues étrangères.  Plus précisément, accolée à la mention avocat, ils ont agrémenté leurs plaques professionnelles des mentions «lawyers», «rechtsanwalt» et «abogados». Cette traduction en langues étrangères (anglaise, allemande et espagnole) n’a pas été du goût de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Saint-Etienne qui leur a demandé de justifier les titres leur permettant de recourir à de telles mentions ou, à défaut, de retirer ces mentions aux motifs que le titre d’avocat ne peut être employé que dans la langue officielle de l’état dans lequel il a été obtenu. Les professionnels, estimant alors ne pas être en infraction vis-à-vis des règles déontologiques, n’ont pas accepté de se soumettre à de telles exigences et l’affaire s’est retrouvée devant le conseil de l’Ordre qui s’est décidé, conformément à la position du Bâtonnier le 7 janvier 2019, en considérant que les mentions litigieuses n’étaient pas constitutives d’une simple traduction mais d’une référence à un titre faisant en l’espèce défaut. Les avocats ont alors contesté cette délibération devant la cour d’appel de Lyon qui a rejeté leur recours dans un arrêt du 12 décembre 2019 (arrêt commenté).

            Ce recours est articulé autour de deux moyens. Le premier d’ordre procédural ne retiendra pas l’attention dans la mesure où il ne fait pas l’objet d’un véritable débat devant les juges du fond. Les avocats ont notamment fait valoir que la notification de la délibération est irrégulière car elle est l’œuvre de la secrétaire de l’instance ordinale et non du Bâtonnier lui-même. Ils ajoutent que la délibération contient des mentions incomplètes et incorrectes puisqu’elle se contente de viser la possibilité d’un recours devant le premier président sans préciser la juridiction en cause. La cour d’appel de Lyon rejette ces arguments. Elle rappelle, d’une part, qu’aucun texte ne prévoit de formalisme particulier concernant l’auteur de la notification de la délibération en sorte qu’une délégation au profit de la secrétaire n’était pas nécessaire et décide, d’autre part, que les mentions inexactes ou manquantes de la délibération sont en l’espèce sans incidence puisque « les appelants ayant pu exercer leur droit de recours à son encontre» (sur ce point, v., Cass. civ. 1, 26 janvier 1982, n° 80-17109 N° Lexbase : A0229CKP, Bull. civ. I, n° 39).

Sur le fond en revanche, le recours pose une question inédite qui mérite un examen approfondi. Il s’agit de savoir si l’avocat peut traduire en langues étrangères le titre français d’avocat sur sa plaque professionnelle.

            La cour d’appel répond que cette traduction est interdite si elle correspond à un titre qui ne peut pas être revendiqué par l’auteur de la plaque professionnelle sur laquelle il est inscrit. Si le terme «lawyer» est effectivement «une traduction générique du terme juriste» et que son usage est en conséquence possible puisque le port de ce titre n’est pas règlementé, tel n’est pas le cas des termes «Rechtanwalt» et «Abogados» qui correspondent à des titres qui ne peuvent être revendiqués que par «ceux qui satisfont aux conditions d’obtention». Au fondement de cette décision, se trouve d’abord le rappel de la règle selon laquelle les dispositions relatives à la correspondance postale ou électronique s’appliquent aux mentions apposées sur la plaque professionnelle en application de l’article 10.6.2 du Règlement intérieur national (ci-après RIN) (N° Lexbase : L4063IP8). Ainsi, toutes les exigences applicables à la correspondance du professionnel trouvent à s’appliquer en l’espèce. Or, à la lecture de l’argumentation du barreau stéphanois et en recherchant les raisons implicite de cette décision, il apparaît que l’interdiction de traduire en langues étrangères le terme avocat sur une plaque professionnelle en l’absence des qualifications correspondantes est fondée sur les caractères déceptif et déloyal de cette mention. Pour mieux comprendre cette position, il convient d’en étudier les principaux ressorts : la protection de la clientèle (I) et la protection des autres membres de la profession (II).

I - Une interdiction fondée sur la volonté de protéger la clientèle

Le caractère déceptif de la traduction sur la plaque professionnelle. La traduction du titre d’avocat en langues étrangères est trompeuse puisqu’elle est susceptible d’attirer des clients qui peuvent légitimement croire que le professionnel est habilité à les représenter devant les juridictions du pays dans lequel la fonction a été traduite sur la plaque professionnelle. En effet, les justiciables qui résident en France engagés dans un procès à l’étranger peuvent être tentés de recourir aux services des avocats dont le titre est traduit dans la langue du pays où le litige sera jugé alors même que cet avocat n’a pas compétence pour ce faire. Ainsi, si un justiciable se rend dans le cabinet des intéressés en pensant qu’ils pourront le représenter en Allemagne ou en Espagne, il pourrait finalement être tenté d’opter pour un accompagnement mixte associant celui de ces professionnels à celui de professionnels aptes à plaider devant les juridictions compétentes. Ce surcoût lié à une représentation mixte aura ainsi été en quelque sorte forcé par une mention présentant un caractère déceptif, ce dont on ne peut se satisfaire. Ainsi, cette solution se justifie par la nécessité de préserver l’intérêt des usagers du droit conformément à l’article 10. 2 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8) qui interdit toute mention «mensongère ou trompeuse» (v., égal., décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, art. 15 N° Lexbase : L6025IGA).

L’objectif d’attractivité de la clientèle étrangère écarté. Si la mention de la profession d’avocat en langues anglaise, allemande et espagnole peut être motivée par un désir d’attirer une clientèle étrangère, il existe d’autres moyens pour ce faire sans qu’aucun risque de confusion ne s’installe dans l’esprit de la clientèle.

La publicité personnelle et la correspondance de l’avocat peut d’abord faire mention des langues étrangères maîtrisées par le professionnel puisque cette mention n’est pas prohibée d’un point de vue déontologique (v., Comm. RU de la décision à caractère normatif n° 2010-002 portant réforme des dispositions de l’article 10 du règlement intérieur national de la Comm. de la profession d’avocat qui autorise notamment l’avocat à faire mention «des langues étrangères pratiquées», accessible sur le site du CNB). Or, l’article 10.6.2 du RIN dispose que «Les dispositions relatives à la correspondance postale ou électronique de l’avocat s’appliquent à la plaque professionnelle située à l’entrée de l’immeuble où est exercée l’activité du cabinet et aux cartes de visite». En conséquence, les avocats peuvent utilement préciser sur leurs plaques professionnelles les langues qu’ils maîtrisent dans le but d’attirer des clients étrangers ou des clients engagés dans un procès à l’étranger sans que ces derniers n’imaginent pouvoir être représentés par ces avocats.

De même, et comme la cour d’appel de Lyon le souligne, les cartes professionnelles peuvent faire mention au verso des traductions «‘Berufausweiss für Rechtsanwalt' et 'Advocate's professional identity card’» dès lors que le recto mentionne «seulement le titre 'avocat', titre professionnel d'origine» et que ces traductions ont «seulement pour finalité la preuve de leur qualité d'avocat en France sans que cela leur confère un tel titre dans les pays de l'Union européenne de langue allemande ou anglaise». Il est donc possible de s’adresser à une clientèle étrangère ou maîtrisant les langues étrangères sans porter atteinte à l’exigence d’une communication loyale, claire et transparente.

II - Une interdiction fondée sur la volonté de protéger la profession

Protection des professionnels. L’instance ordinale a également fait valoir que la traduction opérée par les avocats sur leur plaque professionnelle était constitutive d’une usurpation de titres étrangers au détriment de ceux qui en sont les titulaires. Comme la cour d’appel le souligne, le barreau stéphanois n’intervient que pour protéger les professionnels de son ressort en sorte qu’«il importe peur que certains avocats de barreaux extérieurs emploient ces termes, à tort ou à raison». A ce titre, les membres de la profession représentés sont susceptibles de voir leurs intérêts menacés du fait même de la confusion opérée par la traduction du titre sur la plaque professionnelle.

Une situation déloyale à l’égard des avocats exerçant en France et à l’étranger. Cette confusion créé une situation de concurrence déloyale à l’égard de ceux qui, habilités à exercer la profession en France (v., Cass. civ. 1, 19 mars 2009, n° 08-14.734, F-D N° Lexbase : A0924EEX) jouissent également du titre d’avocat à l’étranger et qui sont logiquement autorisés à faire mention de ce titre en application de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,  art. 1er ; le titre d'avocat peut être suivi «d'un titre dont le port est réglementé à l'étranger et permet l'exercice en France des fonctions d'avocat»). Ces avocats ont effectivement obtenu des diplômes leur permettant notamment d’attirer une clientèle étrangère résidant en France et il serait déloyal que des avocats dépourvus de telles qualifications détournent cette clientèle.

Une situation déloyale à l’égard des avocats exerçant exclusivement à l’étranger. Il en va de même pour les avocats étrangers, et notamment ceux qui, inscrits dans un barreau d’un état membre de l’Union européenne, exercent uniquement sous leur titre d’origine en France. Se trouvant dans la situation exactement contraire de celle décrite en l’espèce, ils sont tenus de ne mentionner leur titre que dans la langue de leur état d’origine. L’article 85 de la loi 31 décembre 1971 dispose en effet que : Le titre professionnel d'origine dont il est fait usage ne peut être mentionné que dans la ou l'une des langues officielles de l'État membre où il a été acquis (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; v., égal., art. 200 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et art. 3 de la Directive 77/249CEE du conseil, du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats). Ainsi, il est tout à fait logique que les avocats qui n’ont ce titre qu’en France soient réciproquement soumis à cette exigence afin que les uns comme les autres jouissent d’une protection contre le risque de déloyauté confraternelle.

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Droit pénal de la presse

[Brèves] Condamnation du Canard enchaîné pour diffamation publique : admission des «notes blanches» dans le cadre de l’offre de preuve et appréciation de la bonne foi

Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 18-85.620, F-P+B+I (N° Lexbase : A5578Z9H)

Lecture: 8 min

N1818BYY

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par June Perot

Le 22 Janvier 2020

► A l’occasion d’une affaire de diffamation publique impliquant l’hebdomadaire Le Canard enchaîné, la Chambre criminelle a été amenée à se prononcer sur l’appréciation par les juges du fond, de la bonne foi de l’auteur de propos imputant aux parties civiles d’avoir recruté des mercenaires, préparé un coup d’Etat, organisé une insurrection violente, corrompu le pouvoir en place et déstabilisé le régime guinéen par des moyens illégaux, pour favoriser un parti fictif et protéger leurs intérêts miniers ; elle censure l’arrêt d’appel qui a rejeté l’exception de nullité de la citation soulevée par les prévenus pour plusieurs raisons ;

En premier lieu, il appartenait à la cour d’appel d’analyser précisément les pièces de l’offre de preuve et les déclarations des témoins entendus à ce titre, également invoquées par le prévenu au soutien de l’exception de bonne foi, afin d’énoncer les faits et circonstances lui permettant de juger si les propos reposaient ou non sur une base factuelle, sans écarter les documents présentés comme des notes blanches au seul motif que le prévenu ne révélait pas par quelles sources il les avait obtenus ;

La cour d’appel ne pouvait, en deuxième lieu, refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi aux motifs d’un défaut de prudence dans l’expression et d’une animosité personnelle de l’auteur de l’article, alors qu’elle devait apprécier ces critères d’autant moins strictement que, d’une part, elle constatait, en application de l’article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ), tel qu’interprété par la Cour européenne, que les propos s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, d’autre part, il résulte de ce qui précède que son appréciation sur la suffisance de leur base factuelle n’était pas complète ;

Enfin, elle ne pouvait déduire l’animosité personnelle du journaliste de sa seule analyse selon laquelle les propos seraient privés de base factuelle et exprimés sans prudence, alors qu’une telle animosité envers la partie civile ne peut se déduire seulement de la gravité des accusations et du ton sur lequel elles sont formulées, mais n’est susceptible de faire obstacle à la bonne foi de l’auteur des propos que si elle est préexistante à ceux-ci et qu’elle résulte de circonstances qui ne sont pas connues des lecteurs.

Tel est le sens d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 7 janvier 2020 (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 18-85.620, F-P+B+I N° Lexbase : A5578Z9H).

Résumé des faits. Le directeur de la publication de l’hebdomadaire et la société éditrice du journal ont été cités, pour le premier en qualité de prévenu et la seconde en qualité de civilement responsable, devant le tribunal correctionnel, à la suite d’une publication d’un article intitulé «Des notes de la CIA et de la DGSE annoncent un coup d’Etat à Conakry» et sous-titré «Les troubles pourraient être déclenchés dès la semaine prochaine», article qu’ils estimaient intégralement diffamatoire à leur égard.

L’arrêt qui, confirmant la décision des premiers juges, déclarait nulle la citation a été annulé par la Cour de cassation, qui a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles (Cass. crim., 14 mars 2017, n° 15-86.929, FS-P+B N° Lexbase : A2579UCI). La Cour a en effet rappelé que, selon l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé, indiquer le texte de loi applicable à la poursuite et qu'il n'appartient pas aux juges de subordonner la régularité de cet acte à d'autres conditions, dès lors qu'il ne peut exister d'incertitude sur l'objet de la poursuite.

En cause d’appel. La cour d’appel de renvoi, après avoir rejeté l’exception de nullité de la citation, retient que les propos poursuivis imputent aux parties civiles d’avoir recruté des mercenaires, préparé un coup d’État, organisé une insurrection violente, corrompu le pouvoir en place et déstabilisé le régime guinéen par des moyens illégaux, pour favoriser un parti fictif et protéger leurs intérêts miniers. Elle déclare en conséquence le directeur de la publication coupable du délit de diffamation publique envers un particulier et le condamne à 2 000 euros d’amende. Elle déclare également la société éditrice civilement responsable et la condamne à verser aux parties civiles la somme de 20 000 euros chacune.

Sur l’offre de preuve. L’arrêt retient que ni les documents produits, soit plusieurs textes, certains en langue anglaise, non traduits, et deux notes dites blanches, qui ne peuvent être rattachées à un quelconque service secret, français ou américain, ni les déclarations des témoins, compte tenu de leur teneur, ne démontrent d’aucune façon l’organisation ni même la participation des parties civiles au coup d’État visant le régime guinéen, et en déduit que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n’est pas rapportée.

Preuve de la bonne foi. Pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi, les juges énoncent que le sujet de l’article, à savoir la situation à Conakry, était d’actualité, compte tenu de la proximité des élections dans ce pays, de sorte que l’information pouvait paraître légitime, mais que font défaut la prudence nécessaire dans l’expression comme l’absence d’animosité envers les parties civiles, le journaliste s’étant borné à reprendre à son compte, sans aucun recul, la teneur comme les conclusions des deux notes confidentielles précitées, dont l’origine reste ignorée, et qu’il a jeté un doute sur leur réalité, en taisant les investigations qu’il a affirmé avoir entreprises pour les accréditer, de sorte que la base factuelle nécessaire est insuffisante.

Un pourvoi a été formé par le directeur de la publication et la société éditrice de l’hebdomadaire.

Cassation partielle. La Chambre criminelle considère qu’en se déterminant ainsi la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. Elle prend soin de détailler les trois motifs (susvisés dans cette brève) qui l’ont conduite à prononcer la cassation de l’arrêt. Elle précise que quoique les motifs ci-dessus ne concernent que la bonne foi, l’arrêt cassé prononçant, dans son dispositif, une décision globale sur la culpabilité, celle-ci est intégralement remise en cause, ainsi que les décisions qui en sont la conséquence, sur la peine et les intérêts civils.

La démonstration de la vérité du fait diffamatoire suppose de suivre la procédure particulière des articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, qui régissent respectivement les conditions de l’offre et de la contre-offre de preuve de la vérité, imposant un certain nombre de mentions obligatoires afin d’assurer l’information de chacune des parties. Ainsi si l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 met en place un «fait justificatif pour le prévenu, ce n'est qu'autant que ce dernier en a, lui-même, établi la preuve devant les juges, dans les conditions et suivant les formes déterminées» (Cass. crim., 22 octobre 2013, n° 12-85.971 N° Lexbase : A2193KPW).

Rappelons que la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes (N° Lexbase : L1938IGU) énonce que «Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine» (C. proc. pén., art. 437, al. 2 N° Lexbase : L3445IGP). Sur ce point, on peut utilement renvoyer à l’étude du Professeur Raschel sur «Les justifications en droit de la presse», Les règles procédurales (N° Lexbase : E6402Z8M), Ouvrage «Droit de la presse» (N° Lexbase : E6402Z8M) (dir. E. Raschel).

La cour d’appel ne pouvait donc écarter les notes blanches présentées dans ce cadre, au seul motif que le prévenu ne révélait pas par quelles sources il les avait obtenus.

Fait justificatif propre au délit de diffamation, la preuve de la bonne foi suppose la réunion de quatre critères cumulatifs : la légitimité du but poursuivi ; l’absence d'animosité personnelle ; la prudence dans l'expression ; le sérieux de l'enquête. L'absence de l'un de ces éléments conduit le juge à exclure le prévenu du bénéfice de ce fait justificatif (Cass. crim., 27 février 2001, n° 00-82.557 N° Lexbase : A9896C3W). La pratique judiciaire révèle cependant que toutes ces conditions ne sont pas systématiquement recherchées (cf. l’Ouvrage «Droit de la presse» (dir. E. Raschel), La bonne foi du diffamateur N° Lexbase : E6400Z8K).

En l’espèce, la Haute juridiction, invoquant l’article 10 de la CESDH, insiste sur le niveau d’appréciation qui doit être fait par les juges du fond de la prudence dans l’expression et l’absence d’animosité personnelle : «[la cour d’appel] devait apprécier ces critères d’autant moins strictement […]». Elle précise que cette absence d’animosité ne saurait se déduire «seulement de la gravité des accusations et du ton sur lequel elles sont formulées». Pour faire obstacle à la bonne foi de l’auteur des propos litigieux, elle doit être préexistante à ceux-ci.

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Égalité salariale hommes/femmes

[Brèves] Index de l’égalité professionnelle : ouverture d’une hotline pour aider les entreprises dans leur calcul

Réf. : Min. Travail, communiqué de presse, 9 janvier 2020

Lecture: 1 min

N1975BYS

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par Charlotte Moronval

Le 22 Janvier 2020

► Le ministère du Travail a ouvert le 9 janvier, une assistance téléphonique «Allo Index Ega Pro», disponible au 0 800 009 110 (service gratuit + prix d’un appel). Cet outil vise à aider les entreprises de 50 salariés et plus à calculer leur index de l’égalité professionnelle.

Rappel. Depuis la loi dite «Avenir professionnel» (N° Lexbase : L6066IZP), les entreprises d’au moins 50 salariés doivent, chaque année, mesurer des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes sous la forme d’un «index de l’égalité professionnelle» et publier cet index tout en mettant en œuvre des actions pour supprimer les éventuels écarts (pour en savoir plus sur cet index, lire l’article de Blandine Allix, avocat associé et Justine Février, avocat, Flichy Grangé Avocats, Lexbase Social, 2019, n° 803 N° Lexbase : N1243BYP).

Dispositif d’accompagnement. Cette hotline est composée d’un équipe, basée à Dreux, en Eure-et-Loir, qui pourra notamment préciser les éléments à prendre en compte dans le calcul de l’indice, qui doit être publié en ligne d’ici le 1er mars 2020.

En plus de cette assistance téléphonique, le ministère du Travail a mis en place un simulateur, un site de questions et de réponses, des réunions locales d’information, des stages gratuits, des référents locaux, et va bientôt ouvrir un Mooc (formation à distance) qui permettra aux employeurs de faire de l’auto-formation en ligne.

newsid:471975

Marchés publics

[Brèves] Concessions d’autoroutes : office du juge du référé précontractuel saisi par l’Arafer de l’irrégularité d’une méthode de notation

Réf. : Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-11.134, FS-P+B (N° Lexbase : A92113BR)

Lecture: 3 min

N1941BYK

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par Yann Le Foll

Le 22 Janvier 2020

Il appartient au juge du référé précontractuel saisi par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Arafer) d’un moyen pris de l’irrégularité d’une méthode de notation, d’apprécier cette dernière au regard de son contenu et des effets qu’elle est susceptible de produire, et non en fonction des résultats que sa mise en oeuvre a produits dans la procédure de marché litigieuse.

 

 

Telle est la solution d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 janvier 2020 (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-11.134, FS-P+B N° Lexbase : A92113BR).

 

 

Rappel. Il résulte de la combinaison de l'article L. 122-20 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L7466LB7), dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-761 du 24 juillet 2019 (N° Lexbase : L3018LR9), et de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), qu'en cas de manquement de la part d'un concessionnaire d'autoroute, lors de la passation d'un marché pour les besoins de la concession relevant du droit privé, aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services, l'Autorité est, comme les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement, habilitée à saisir le juge en la forme des référés avant la signature du contrat.

 

En application de ces dispositions, cette autorité, chargée de la défense de l'ordre public économique en veillant, notamment, au respect des règles de concurrence dans les procédures d'appel d'offres, n'a pas, lorsqu'elle exerce cette action, à établir que le manquement qu'elle dénonce a, directement ou indirectement, lésé les intérêts de l'une des entreprises candidates.

 

Décision attaquée. Pour rejeter la demande de l'Autorité, l'ordonnance attaquée, après avoir rappelé les notes obtenues par les entreprises soumissionnaires pour le lot n° 1, pour chacun des sous-critères techniques puis la note attribuée à chacune d'elles après pondération, relève que l'écart entre ces notes est peu important et retient que l'Autorité ne démontre pas en quoi cette situation pourrait constituer une irrégularité, n'étant ni allégué, ni établi, que la meilleure note n'ait pas été attribuée à la meilleure offre pour chaque sous-critère, ni que l'attribution de notes proches ait été faite pour neutraliser le critère de valeur technique.

 

Relevant ensuite que, compte tenu de la compétence et la technicité comparables des entreprises soumissionnaires, le prix, quelle que soit la pondération appliquée, constitue l'élément essentiel de départage, l'ordonnance rappelle le montant de l'offre moins-disante, les écarts entre cette offre et celles des autres soumissionnaires, ainsi que les notes redressées obtenues par chacune d'elles, et retient qu'il ne peut pas en être déduit l'illégalité de la méthode utilisée, dans la mesure où, en reprenant les notes techniques obtenues par les entreprises, en supprimant le coefficient multiplicateur entre l'offre à évaluer et l'offre la moins-disante, et même en appliquant un pourcentage de 50 % pour le critère «technique» et le critère «prix», la situation est identique.

 

 

Solution. En statuant ainsi, alors qu'elle devait vérifier objectivement si la méthode de notation retenue et appliquée par la société X n'était pas, par elle-même, de nature à priver de portée le critère technique ou à neutraliser la pondération des critères annoncée aux candidats, comme le soutenait l'Arafer, le juge des référés précontractuels a violé les textes susvisés (cf. l'Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E4853ESK).

newsid:471941

Procédure civile

[Textes] Réforme de la procédure civile 2020 - Procédures écrite, orale et sans audience, la transformation du modèle procédural

Réf. : Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3)

Lecture: 16 min

N1932BY9

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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes

Le 22 Janvier 2020

Le déroulement de l’instance devant le tribunal judiciaire subit d’importantes transformations résultant du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3). La traditionnelle dualité entre procédure écrite et orale est remplacée par un triptyque : procédure écrite, orale ou sans audience. La création de ce troisième type procédural constitue, en réalité, une reconnaissance de la pratique dite du «dépôt» du dossier. Cette nouvelle procédure présente une double originalité. D’une part, elle doit être consentie par les parties. Il s’agit donc d’un modèle optionnel. D’autre part, elle peut être mise en œuvre tant en procédure écrite qu’orale. Il s’agit donc d’une troisième voie qui vient se greffer sur les deux premières de sorte qu’elle n’apparaît pas dans le plan du Code de procédure civile, qui semble ainsi l’ignorer, dans le même temps qu’il la consacre.

C’est ce nouveau triptyque que nous présentons dans cette étude, de même que l’ensemble des transformations internes à chacune de ces procédures.

1. La procédure écrite

  • L’orientation de la procédure et les options pour l’instruction de l’affaire

La procédure écrite change d’état d’esprit. Traditionnellement, cette procédure est synonyme de mise en état. La culture de la mise en état est issue d’une longue transformation qui s’est produite au cours du 20ème siècle. La procédure purement accusatoire du Code de procédure napoléonien ayant montré ses limites, un juge chargé de suivre la procédure a d’abord été créé, remplacé par le juge de la mise en état. Ce juge devait avoir pour rôle de donner du rythme à la procédure, et de soumettre les parties à des diligences. En ce début de 21ème siècle, l’état d’esprit est très différent. La mise en état juridictionnelle semble considérée comme un instrument de ralentissement procédural qu’il convient d’éviter ou de contourner.

Tel est l’état d’esprit des articles 776 (N° Lexbase : L9107LTH) et suivants du Code de procédure civile issus du décret du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3). Ces articles énumèrent les options qui s’offrent au président de la chambre à qui l’affaire a été distribuée. Ce sont cinq options qui sont ainsi proposées, dont quatre sont concurrentes de la mise en état juridictionnelle. Ces options sont d’ailleurs listées dans un ordre qui décrit l’état d’esprit des rédacteurs du décret.

La première possibilité pour le président de la chambre, consiste à demander aux parties si elles souhaitent conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état. Cette convention ouvre alors une période de mise en état conventionnelle, entre les parties assistées de leurs avocats. Ces dernières conduisent la procédure, sans avoir recours au juge de la mise en état.

La deuxième possibilité consiste à renvoyer l’affaire à l’audience des plaidoiries. Elle concerne principalement deux hypothèses : celle dans laquelle l’affaire est prête à être jugée et celle dans laquelle ne défendeur n’a pas comparu [1]. Le président de la chambre déclare alors l’instruction close et fixe la date d’audience qui peut avoir lieu le jour même.

La troisième possibilité est dérivée de la seconde. Si l’affaire est en état d’être jugée et que les parties ont consenti à la procédure sans audience, le président de la chambre déclare l’instruction close et fixe une date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Les parties sont avisées par le greffier et sont informées du nom des juges et de la date à laquelle le jugement sera rendu.

La quatrième possibilité concerne les affaires qui ne sont pas en état d’être jugées, mais qui sont sur le point de l’être. Cela peut concerner plusieurs hypothèses. Soit les parties doivent procéder à un ultime échange de conclusions ou de pièces, soit les conclusions ne sont pas conformes à l’article 768 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9310LTY) et elles doivent être régularisées, soit encore, les parties demandent un délai pour conclure une convention de procédure participative. Dans toutes ces situations, la mise en état juridictionnelle n’est pas utile. Le président de la chambre peut alors décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui, à une date d'audience qu'il fixe, pour conférer une dernière fois de l'affaire et il peut fixer à cette fin un calendrier de procédure.

Enfin, cinquième et dernière possibilité, dans tous les cas où l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le président renvoie au juge de la mise en état. Il fixe une date d’audience de mise en état et le greffe en avise les parties constituées.

L’ordre dans lequel ces différentes options sont énumérées a toute son importance, car il traduit la volonté du pouvoir réglementaire de privilégier, soit une mise en état conventionnelle, soit une mise en état rapide (ou simplifiée). Le renvoi devant le juge de la mise en état constitue l’ultime solution. Tout porte à croire qu’un fossé existe entre cette volonté politique et la réalité. L’instruction devant le juge de mise en état présente de nombreux avantages : du temps pour travailler le dossier et échanger les écritures, un moyen de purger la procédure de ses vices (exceptions, fin de non-recevoir), un moyen de recevoir une provision ou d’obtenir une mesure d’instruction. Certes, la mise en état peut également avoir lieu par voie conventionnelle, mais depuis sa création en 2012, la procédure participative n’a rencontré aucun succès. Il est donc assez probable que la pratique de l’orientation de l’affaire ne change pas beaucoup.

  • Les mystères de l’audience d’orientation

Le décret du 11 décembre 2019 semble replonger l’audience d’orientation dans des temps lointains où les avocats rencontraient les magistrats durant la mise en état. L’article 776 du Code de procédure civile indique ainsi que le président de la chambre confère de l’état de la cause avec les avocats présents. Cette disposition introduit donc l’idée d’une audience physique. Cette idée est corroborée par le fait que le président doit demander aux avocats présents s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative. Est-ce à dire que cette procédure ne peut être proposée qu’aux avocats présents ? Est-ce à dire également que la présence à cette audience est facultative ? Que se passe-t-il alors lorsque les avocats sont constitués, mais qu’ils ne sont pas présents à l’audience ? Enfin, comment combiner cette présence, avec la possibilité d’opter pour une procédure sans audience ? La réponse à ces questions n’est pas évidente. Ainsi, l’article 776 du Code de procédure civile recèle des mystères que seule la pratique professionnelle pourra résoudre, puisque le code ne donne aucune précision sur la tenue de cette audience.

  • La communication électronique

La communication électronique suit deux régimes différents devant le tribunal judiciaire.

L’article 850 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9345LTB) aménage la communication électronique obligatoire en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe. Cette communication concerne tous les actes de procédure à l'exception de la requête mentionnée à l'article 840 du même code (N° Lexbase : L9335LTW) [2]. On retrouve donc ici le principe de la communication électronique obligatoire devant le tribunal de grande instance.

En dehors de ces deux procédures, la question se pose de la possibilité d’utiliser la communication électronique. Cette communication dite «facultative» est soumise à l’existence d’un arrêté spécifique qui doit désigner tant la juridiction que les actes concernés par la voie électronique. Avant qu’elle ne devienne obligatoire, la communication électronique était facultative devant le tribunal de grande instance en vertu d’un arrêté du 7 avril 2009 (N° Lexbase : L0193IEU). Cet arrêté demeure et les mots «tribunal de grande instance» ont été remplacés par «tribunal judiciaire» de sorte que l’arrêté est aujourd’hui relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux judiciaires. Cette mutation de l’arrêté du 7 avril 2009 devrait permettre de communiquer tous les actes qu’il vise par voie électronique, quelle que soit la procédure [3].

  • La mise en état : nouvelle compétence du juge de la mise en état (JME) à l’égard des fins de non-recevoir

La principale innovation de la mise en état juridictionnelle concerne la compétence exclusive dévolue au JME pour statuer sur les fins de non-recevoir (C. proc. civ., art. 789 N° Lexbase : L9322LTG). Cette compétence nouvelle vient accroître l’intérêt d’une mise en état devant ce juge, qui a ainsi pour effet de purger la procédure de ses vices éventuels. Cette compétence était controversée, puisque les fins de non-recevoir soulèvent parfois des questions de fond. Par exemple, la prescription d’une action en responsabilité civile peut prendre son attache dans l’existence d’un dommage corporel. La fin de non-recevoir est donc liée ici à l’existence et à la datation de ce dommage, qui constituent des questions de fond.

C’est pour cette raison que lorsqu’une question de fond surgit à l’occasion d’une fin de non-recevoir, le JME est également compétent pour statuer sur cette question, à moins que l’affaire ne relève pas du juge unique. Dans ce dernier cas, une partie peut s’opposer à ce que le JME statue sur la fin de non-recevoir et ce pouvoir est alors dévolu à la formation de jugement [4]. Toutefois, le renvoi, qui est une mesure d’administration judiciaire, ne clôture pas l’instruction, de sorte qu’une fois la décision rendue par la juridiction collégiale, l’affaire revient automatiquement à la mise en état, à moins qu’il n’y soit mis fin par l’effet de la fin de non-recevoir. Qu’il s’agisse du JME ou de la formation de jugement, la décision doit comporter des dispositions distinctes pour la fin de non-recevoir et pour la question de fond.

Pour le surplus, la procédure relative à la fin de non-recevoir suit le même régime que les exceptions de procédures. D’abord, elle ne peut plus être soulevée à l’issue de la mise en état, à moins que sa cause survienne ou soit révélée postérieurement à la clôture. Ensuite, la décision du JME a autorité de la chose jugée. Enfin, cette décision est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa signification.

2. La procédure orale et le recours obligatoire aux modes de résolution amiable

La procédure orale ne subit par d’importantes modifications, mais une redéfinition de son domaine. L’article 817 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9121LTY) dispose ainsi que la procédure est orale lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat. Le domaine de cette procédure est donc celui de la dispense de représentation obligatoire [5].

Dans l’ensemble, les règles de la procédure orale ne changent pas et notamment celles qui aménagent la procédure «orale-écrite» (C. proc. civ. art.831 N° Lexbase : L9137LTL) dont l’intérêt risque d’être réduit par la possibilité d’avoir recours à une procédure sans audience. En revanche, le domaine et le régime du recours obligatoire à une mode de résolution amiable sont sensiblement redéfinis.

L’article 750-1 Code de procédure civile (N° Lexbase : L9295LTG) définit le domaine de la tentative préalable de règlement amiable. Il concerne les litiges portant sur une demande qui tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou d’une demande relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 (N° Lexbase : L0421LSE) et R. 211-3-8 (N° Lexbase : L0425LSK) du Code de l'organisation judiciaire. Ces actions sont celles désignées sous l’appellation générique de «conflit de voisinage». Il s’agit par exemple de l’action en bornage ou de celles relatives à certaines servitudes.

La dispense de résolution amiable est elle-même redéfinie. Les parties peuvent saisir directement le juge si elles sollicitent l’homologation d’un accord, si un recours préalable est imposé, si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation et enfin, s’il existe un motif légitime de ne pas procéder au règlement amiable. Ce motif légitime est précisé par le décret. Il peut s’agir d’une urgence manifeste, de l’indisponibilité des conciliateurs de justice, mais également des circonstances de la cause. Par exemple, lorsque la décision demandée doit être prise selon une procédure non contradictoire, comme c’est le cas de l’ordonnance sur requête. Les motifs légitimes de se soustraire au règlement amiable sont ainsi diversifiés.

Lorsque la tentative de résolution amiable s’impose, le demandeur peut s’adresser directement à un conciliateur [6] ou saisir le juge afin qu’il en désigne un. Cette dernière demande est formée par requête (C. proc. civ., art. 820 N° Lexbase : L9123LT3).

3. La procédure sans audience

La procédure sans audience est une innovation de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Cette loi a introduit dans le Code de l’organisation judiciaire un article L. 212-5-1 (N° Lexbase : L0598LTC) selon lequel :

«Devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l'initiative des parties lorsqu'elles en sont expressément d'accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite».

La procédure sans audience vient se greffer sur la procédure écrite ou orale. En procédure écrite, elle dispense les parties de l’audience de plaidoirie. En procédure orale, elle les dispense de se présenter à une quelconque audience. Cette procédure ne constitue pas une révolution puisque, avant le décret du 11 décembre 2019, les plaidoiries pouvaient déjà être évitées par la pratique du dépôt du dossier de plaidoirie. Cette pratique est officialisée et généralisée.

La procédure sans audience présente des traits communs lorsqu’elle se greffe à la procédure écrite ou orale. D’une part, elle est consentie par les parties et par le juge. Chacun des acteurs est susceptible de s’y opposer et la procédure suit alors une voie classique. D’autre part, elle peut avoir lieu à tout moment de la procédure. Les parties peuvent y consentir avant la première audience, lors de l’audience d’orientation, durant la mise en état ou, en procédure orale, à chaque audience et même en dehors des audiences. Il est également possible de revenir sur son consentement, puisque l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que «le tribunal peut décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande».

Ce cadre commun très souple est complété par deux régimes distincts, en procédures écrite et orale.

  • La procédure sans audience en procédure écrite

Les parties peuvent, dès le début de la procédure, donner leur accord pour que la  procédure se déroule sans audience, soit dans l’acte de demande (assignation [7] ou requête [8]), soit dans les conclusions.

La décision appartient, ensuite, au magistrat. Il peut s’agir du président de la chambre qui, au moment de l’audience d’orientation, déclarer l’instruction close et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre [9]. Cette procédure rapide nécessite au préalable que les parties aient échangé leurs écritures et qu’une mise en état ne soit pas nécessaire. Dans le cas contraire, le président de la chambre envoie l’affaire à la mise en état et le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet. Cela permet aux parties de bénéficier à la fois de la mise en état et d’une procédure purement écrite. Lorsque l’affaire est en état, les parties sont invitées à déposer leur dossier au greffe de la chambre. Elles sont alors informées de la date du jugement et de la composition de la juridiction.

  • La procédure sans audience en procédure orale

La procédure sans audience présente une véritable originalité en procédure orale, puisqu’elle supprime totalement l’oralité de cette procédure. Certes, il existe déjà, depuis 2010, une procédure «orale écrite»-qui permet aux parties de donner une valeur juridique à leurs écritures et même de déposer leur dossier [10]- mais dans cette procédure, les parties doivent obtenir l’autorisation du juge et donc se présenter a minima à une première audience.

Dans le nouveau régime, l’article 828 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9131LTD) prévoit qu’à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience. Cela signifie que l’accord peut être donné avant la première audience. Le code ne fait pas allusion à une éventuelle autorisation du juge. On peut considérer que celle-ci est implicitement requise. En effet, l’article 831 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9137LTL) précise qu’il revient au juge d’organiser les échanges entre les parties, ce qui signifie que c’est à lui de prendre la décision d’écarter toute audience. La procédure sans audience peut également avoir lieu en cours d’instance. Les parties doivent alors remplir une déclaration qui mentionne leur accord à cette procédure [11].

Lorsqu’il décide d’orienter l’affaire vers une procédure sans audience, le juge fixe des délais pour que les parties échangent leurs prétentions et leurs moyens par écrit. La communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal. Au terme de ce calendrier, le juge informe les parties de la date à laquelle le jugement sera rendu.

Cette procédure sans audience devrait rencontrer un certain succès. En effet, elle est adaptée, tant aux petits litiges dans lesquels il est coûteux pour les parties de se déplacer et de plaider, que dans les contentieux techniques, où les écritures peuvent être plus efficaces que la plaidoirie. En toutes hypothèses, cette nouvelle voie traduit dans les textes la transformation profonde de la pratique de la défense dans les juridictions civiles.


[1] Il peut également ordonner la réassignation du défendeur.

[2] Il s’agit de la requête aux fins d’assignation à jour fixe.

[3] Cf. sur ce point, C. Bléry, Nouveaux modes d’introduction de la procédure et communication par voie électronique, Dalloz avocats n° 1, janvier 2020, p. 57 (à paraître).

[4] Le JME peut aussi renvoyer l’affaire à la formation de jugement de sa propre initiative.

[5] L’article précise «sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées», ce qui ouvre la voie à des exceptions.

[6] Mais également suivre toute autre procédure de règlement amiable, telle que le recours à un médiateur ou à une procédure participative.

[7] C. proc. civ., art. 752 (N° Lexbase : L9296LTH) et 753 (N° Lexbase : L9297LTI).

[8] C. proc. civ., art. 757 (N° Lexbase : L9300LTM).

[9] C. proc. civ., art. 778 al. 5 (N° Lexbase : L9316LT9).

[10] C. proc. civ., art. 831.

[11] C. proc. civ., art. 829 (N° Lexbase : L9133LTG).

newsid:471932

Procédure civile

[Textes] Edito - Justice 2020, c’est parti !

Réf. : Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3) ; décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires (N° Lexbase : L1578LUY) ; décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, relatif à la procédure applicable aux divorces contentieux (N° Lexbase : L0938LUB)

Lecture: 5 min

N1938BYG

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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes

Le 31 Janvier 2020

Un vent nouveau souffle sur la procédure civile. Alors qu’en 2016, on nous promettait une justice pour le 21ème siècle, il a fallu attendre 2020 pour voir arriver la véritable réforme. Loin de provoquer une révolution procédurale, les textes adoptés au cours de l’année 2019 transforment la justice civile sur de nombreux points. Si la simplification annoncée n’est pas vraiment au rendez-vous, c’est une modernisation à laquelle on assiste : fusion des tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance au sein du tribunal judiciaire, création d’une procédure sans audience, assignation avec prise de date, rénovation de la procédure participative pour l’orienter vers une mise en état conventionnelle de l’affaire, compétence du juge de la mise en état (JME) pour statuer sur les fins de non-recevoir, exécution provisoire de droit. Les thèmes au menu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3) sont aussi variés qu’importants. Après la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 (N° Lexbase : L6740LPC) et de réforme pour la justice, et à la suite des textes ayant mis à jour l’organisation interne des juridictions, ce décret constitue le cœur de la réforme. Il est accompagné par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires (N° Lexbase : L1578LUY) -qui remplace l’ancienne procédure «en la forme des référés»- et le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, relatif à la procédure applicable aux divorces contentieux et à la séparation de corps ou au divorce sans intervention judiciaire (N° Lexbase : L0938LUB).

C’est donc une petite avalanche de textes qui s’abat au même moment sur les praticiens. Si tous les textes n’entrent pas en vigueur au même moment, la réforme est toutefois applicable dans sa majeure partie dès le premier janvier 2020. Ni les juridictions ni les avocats n’ont eu le temps de se préparer à ce grand bouleversement, mais le temps politique ne s’est pas embarrassé de telles considérations. La réforme est passée et le monde judiciaire devra s’y adapter à marche forcée. On le sait, ce type de réforme risque de multiplier déclarations de sinistre auprès des assureurs. Caducité de l’assignation et irrecevabilité sont là pour convaincre les plus réticents. La réforme aura bien lieu !

Longtemps, on se demandera ce qui justifiait une telle précipitation, surtout, face à une réforme d’une telle ampleur et d’une telle technicité. Mais il n’est plus vraiment le temps de se poser ces questions. Il faut plonger au cœur des décrets pour en saisir tant la substance que la portée.

C’est ce que vous propose ce dossier consacré à toutes les innovations apportées par les décrets du mois de décembre. Nous espérons que sa lecture vous aidera à vous repérer dans cette nouvelle procédure civile et à prendre en main les nouveaux outils mis à disposition des parties, de leurs avocats, mais également des magistrats.

 

I - Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile

A - La procédure devant le tribunal judiciaire : tout ce qu'il faut savoir, en sept points

1. L’extension de la représentation par avocat, par Sâmi Hazoug

2. La demande devant le tribunal judiciaire, par Etienne Vergès

3. Procédures écrite, orale et sans audience, transformation du modèle procédural, par Etienne Vergès

4. La procédure participative et la mise en état conventionnelle de l’affaire, par Etienne Vergès

5. Le renforcement du recours aux MARD, par Sâmi Hazoug

6. L’exécution provisoire : nouveau principe, nouveaux recours, par Etienne Vergès

7. Traitement simplifié des exceptions d’incompétence au sein du tribunal judiciaire, par Sâmi Hazoug

► Retrouvez la table des concordances des articles du Code de procédure civile modifiés par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

► Retrouvez, également, une présentation générale du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile, par Etienne Vergès, à écouter en podcast sur Lexradio.fr.

B - L’impact du décret du 11 décembre 2019 dans les contentieux civils en matière fiscale et douanière

L’impact du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 dans les contentieux civils en matière douanière et fiscale, par Marie Fernet

C - L’impact du décret du 11 décembre 2019 sur le droit des entreprises en difficulté

L’impact du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 sur le droit des entreprises en difficulté, par Pierre-Michel Le Corre

II - Décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019, relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires

La procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires, par Julien Bioulès

III - Décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, relatif à la procédure applicable aux divorces contentieux

La réforme de la procédure des divorces contentieux, par Jérôme Casey

 

 

 

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Procédure pénale

[Jurisprudence] Retour aux sources de la loyauté

Réf. : Ass. plén., 9 décembre 2019, n° 18-86.767 (N° Lexbase : A3135Z7A)

Lecture: 10 min

N1840BYS

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par Amane Gogorza, Maître de conférences à l’Université Toulouse I Capitole

Le 23 Janvier 2020


Mots-clés : preuve pénale • recherche de la preuve • tentative de chantage • stratagème • principe de loyauté

Résumé : toute méthode d’investigation qui contribuerait à provoquer la commission de l’infraction est proscrite, le stratagème ainsi employé étant alors de nature à entraîner la nullité des actes de procédure ; en dehors de cette hypothèse, le recours, par les autorités publiques, à un stratagème tendant à la constatation d’une infraction ou l’identification de ses auteurs ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe de loyauté de la preuve.

Pour qu’une telle atteinte soit constituée, il est nécessaire que le procédé employé, par un contournement ou un détournement d’une règle de procédure, ait pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie.

Contexte : v. contra Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313, FS-P+B (N° Lexbase : A9783WMB ; à rapprocher de : Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 13-85.246, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0243KT8) ; Ass. plén., 6 mars 2015, n° 14-84.339 (N° Lexbase : A7737NCK)


 

Après la saga Roi du Maroc [1], l’affaire de la sextape de Valbuena aura donné à l’Assemblée plénière de la Cour de cassation l’occasion de dessiner les contours des stratagèmes déloyaux dans la recherche des preuves. Les faits sont relativement simples et connus. Victime d’une tentative de chantage par une personne prétendant détenir une vidéo à caractère sexuel le concernant, un footballeur professionnel porte plainte auprès de la préfecture de police de Paris. Un commissaire de police surnommé « Lukas » est alors autorisé par le procureur de la République en charge de l’enquête à se faire passer pour l’homme de confiance du plaignant dans les négociations avec le maître-chanteur. Au cours de l’enquête, le dénommé « Lukas » échange plusieurs conversations téléphoniques avec une personne agissant pour les malfaiteurs et certaines de ces conversations sont interceptées. L’instruction ayant permis d’établir la réalité de la vidéo litigieuse, les principaux protagonistes sont arrêtés et poursuivis des chefs de chantage, tentative de chantage, association de malfaiteurs et complicité des premières qualifications. C’est dans ce contexte trouble d’investigation que la question de l’annulation de la procédure pour cause de déloyauté dans la recherche des preuves sera posée, d’abord à la Chambre criminelle, puis, compte tenu de la résistance de la chambre de l’instruction désignée pour connaitre du renvoi, à l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

La Chambre criminelle devait, dans un premier temps, faire primer le principe de loyauté. A ses yeux, dès l’instant où la chambre de l’instruction constatait qu’un policier s’était substitué à la victime dans les négociations en dissimulant son identité, que les conversations menées durant plusieurs mois, dont certaines à son initiative, avaient été interceptées, et que cela avait conduit à l’arrestation des intéressés, elle ne pouvait écarter la demande d’annulation sans méconnaître le droit à un procès équitable et le principe de loyauté des preuves [2]. La chambre de l’instruction saisie sur renvoi résistant, plusieurs pourvois furent formés et joints pour être examinés en Assemblée plénière. Parmi les différents moyens, seul celui relatif à la violation du principe de loyauté retiendra notre attention. Bien que mal articulé, il soulevait deux points importants : tout d’abord il reprochait à la chambre de l’instruction d’avoir ignoré la provocation à l’infraction dont auraient été victimes les malfaiteurs ; ensuite, reprenant la position de la Chambre criminelle, le moyen avançait que le stratagème policier avait vicié la recherche des preuves et le droit à un procès équitable.

Sur le premier aspect du problème, l’Assemblée plénière écarte sans surprise le moyen. La provocation à l’infraction implique que l’attitude des agents publics ait été déterminante de l’infraction en ce sens que, sans elle, le passage à l’acte n’aurait vraisemblablement pas eu lieu. Au-delà de la question probatoire, la provocation à l’infraction met en doute l’initiative et la responsabilité, du moins morale, du fait à prouver, de sorte que le procès pénal ne saurait s’en accommoder. En l’espèce, comme énoncé par la chambre de l’instruction, le rôle d’intermédiaire joué par « Lukas » n’avait eu aucune incidence sur l’entreprise de chantage ; le fait que les négociations aient pu être relancées par ses appels n’altère d’ailleurs pas ce constat dès lors que l’opération délictuelle doit être considérée dans son ensemble, comme un tout indivisible. Ce raisonnement rappelle la position de la Chambre criminelle à propos des provocations tendant à démanteler des activités criminelles ressortissant de trafics ou de réseaux préexistants et pour lesquelles le caractère décisif de l’attitude des policiers ne saurait procéder d’une appréciation fractionnée des faits [3].

Sur le deuxième aspect du problème, l’analyse est bien plus intéressante et novatrice. Conduite sur le terrain du stratagème déloyal, l’Assemblée plénière trouve ici l’occasion de préciser le seuil des ruses policières admissibles. On retiendra en premier lieu que « le stratagème employé par un agent de l’autorité publique pour la constatation d’une infraction ou l’identification de ses auteurs ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté ». L’affirmation rassurera ceux redoutant que l’exigence de loyauté ne se solde par une paralysie de l’action policière. Par nature, les investigations policières reposent sur la ruse et la dissimulation ; la sanction des stratagèmes déloyaux n’a jamais entendu le mettre en cause. Lorsque de tels procédés sont réglementés, comme en matière d’infiltration ou d’enquête sous pseudonyme, la question de la loyauté ne se pose guère sauf à ce que le cadre initial soit dévoyé et que, par exemple, l’action de l’autorité publique dégénère en une véritable provocation à l’infraction. Le législateur [4] comme la Cour européenne [5] considèrent d’ailleurs qu’aucune déclaration de culpabilité ne peut être fondée sur les seuls éléments recueillis à l’occasion d’une infiltration constitutive d’une véritable provocation à l’infraction. Si en revanche la ruse se déploie en dehors de tout cadre légal ou en combinant des mesures d’investigation, comme en l’espèce, le stratagème n’en doit pas pour autant être systématiquement sanctionné. Il fait partie de l’éventail des possibles parce qu’il n’est pas en soi blâmable ; il ne le devient qu’à partir du moment où, compte tenu des circonstances, il s’analyse en « un contournement ou un détournement de procédure » ayant « pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la vérité en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ». Cette définition reformulée du stratagème déloyal mérite, en second lieu, que l’on s’y arrête non seulement parce qu’elle fonde le désaveu de l’appréciation faite par la Chambre criminelle mais, en outre, parce qu’elle fournit des indications sur la façon dont il convient désormais d’entendre la notion. D’emblée, le stratagème apparaît comme un contournement ou un détournement de procédure, autrement dit comme une action tendant à écarter l’application d’une règle de procédure (contournement) ou à en faire un emploi abusif (détournement), par exemple en la sollicitant alors qu’elle n’a pas vocation à s’appliquer ou en la mettant en œuvre de manière incompatible avec sa finalité. Le lien tissé entre la loyauté et la légalité procédurale est extrêmement intéressant dans la mesure où il donne à chacun des concepts la place et le rôle qui doit être le sien : si la loyauté dans la recherche des preuves vient compléter l’exigence de légalité, elle en est surtout le serviteur. Sauf à basculer dans l’imprévision et la casuistique les plus totales, le principe de loyauté ne saurait se dévoiler autrement que par référence à la légalité dont elle tire d’ailleurs ses origines [6]. A cet égard, il n’a vocation à frapper que si les cadres définis par le législateur pour la collecte des preuves ont été manipulés, soit en organisant leur mise à l’écart [7] soit en les appliquant de manière telle que les garanties offertes à l’intéressé s’en trouvent éludées. Pareil lien était palpable dans différents arrêts [8] et spécialement dans les deux affaires fondatrices ayant censuré la sonorisation de cellules de garde à vue contiguës afin de capter les propos de suspects demeurés silencieux pendant les auditions. Le stratagème, conjuguant deux opérations parfaitement valables et régulières - garde à vue et sonorisation de cellules - avait été jugé déloyal parce qu’il avait permis de recueillir des propos incriminants en dehors du cadre légal de l’audition et en l’absence des garanties qui l’accompagnent. Toutefois, alors que la Chambre criminelle en 2014 [9] et l’Assemblée plénière en 2015 [10] y étaient invitées par le pourvoi, la référence au détournement de procédure ne figurait pas dans les motifs [11]. Le mérite du présent arrêt est donc d’avoir clairement posé la filiation entre le stratagème déloyal et le détournement ou le contournement de procédure, en soulevant cependant la question de l’autonomie du concept employé et partant, celle de son utilité [12].

La suite de la définition proposée par l’Assemblée plénière est plus obscure. Le contournement ou le détournement de procédure doit en effet avoir « pour objet ou pour effet de vicier la recherche de preuve en portant atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ». En se référant, d’une part, aussi bien à l’objet qu’à l’effet de stratagème, l’Assemblée plénière suggère que l’attitude reprochée aux agents publics peut être tantôt intentionnelle - ayant pour objet - tantôt non intentionnelle - ayant pour effet. L’appréciation large de la situation se comprend parfaitement dans la mesure où c’est très vraisemblablement le résultat de la manœuvre qui compte, sans que la volonté positive de vicier la procédure n’ait à être sondée. Les arrêts antérieurs avaient d’ailleurs pris l’habitude de poser plus simplement que « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique » [13]. Il reste que les notions de contournement ou de détournement de la procédure semblent par nature intentionnelles. En ce qui concerne le détournement, la Chambre criminelle l’a d’ailleurs affirmé récemment estimant que le cas ne se présente que dans la mesure ou les agents publics se sont faussement et délibérément placés dans un cadre légal erroné [14].

A cela s’ajoute, d’autre part, que le vice dans la recherche de la vérité doit résulter d’une atteinte à l’un des droits essentiels ou à l’une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. Ici aussi la formulation choisie est extrêmement large mais aux contours techniques imprécis : quels sont les droits essentiels ou les garanties fondamentales auxquels on se réfère ? On y trouvera le cœur de l’article préliminaire et les garanties procédurales consacrées par l’article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), dont le droit à l’assistance d’un avocat ou le droit de ne pas participer à sa propre incrimination ; on songe également au contrôle judiciaire des mesures portant atteinte à la vie privée. Mais le contenu exact de la proposition ne pourra être dégagé qu’au fil des affaires et en considération de la diligence des requérants, car il leur revient d’établir ou d’alléguer ce résultat concret, lequel ne saurait se limiter au constat de l’arrestation. C’est d’ailleurs cette carence qui a conduit l’Assemblée plénière à rejeter le pourvoi, estimant le moyen non fondé. Au-delà de la définition nouvelle du stratagème déloyal, c’est donc une leçon méthodologique de son application à laquelle se livre ici l’Assemblée plénière.

 

[1] Cass. crim., 20 septembre 2016, n° 16-80.820, FS-P+B (N° Lexbase : A0010R47) ; Ass. plén., 10 novembre 2017, n° 17-82.028 (N° Lexbase : A1541WYQ), Maron et M. Haas, Salto arrière royal, Dr. Pénal, 2018, comm. 37.

[2] Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313, FS-P+B (N° Lexbase : A9783WMB), P. Le Monnier de Gouville, Loyauté des preuves et identification du "stratagème déloyal", Lexbase Privé, 2017, n° 710 (N° Lexbase : N9929BWN).

[3] Cass. crim., 22 juin 1994, n° 92-85.123, publié au bulletin (N° Lexbase : A6902C87) ; Cass. crim., 8 juin 2005, n° 05-82.012, F-P+F (N° Lexbase : A8353DI9) ; Cass. crim., 17 novembre 2015, n° 15-84.458, F-D (N° Lexbase : A5598NXM) ; Cass. crim., 9 mai 2018, n° 17-86.558, FS-P+B (N° Lexbase : A6249XME).

[4] C. proc. pén., art. 706-81 (N° Lexbase : L2786KGB).

[5] CEDH, 9 juin 1998, Req. 44/1997/828/1034, Teixeira de Castro c/ Portugal (N° Lexbase : A7578AWL).

[6] B. de Lamy, De la loyauté en procédure pénale : Brèves remarques sur l’application des règles de la chevalerie en matière pénale, in Mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas 2006, p. 98.

[7] Il est vrai que le procédé sera alors bien souvent illégal, car réalisé sans en avoir respecté les prescriptions du Code de procédure pénale. Il faut donc songer à des hypothèses où les agents emploient des moyens différents de ceux prévus par la loi pour arriver au même résultat. Sur la fragilité de la différence entre détournement et contournement de procédure en matière pénale, O. Décima, Vers une définition stricte de la loyauté de la preuve en matière pénale, JCP éd. G, 2015, p. 789.

[8] Par exemple, Cass. crim., 3 avril 2007, n° 07-80.807, F-P+F+I (N° Lexbase : A0391DWE) concluant que la transcription effectuée contre le gré de l'intéressé par un officier de police judiciaire des propos qui lui sont tenus, officieusement, constitue un procédé déloyal.

[9] Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 13-85.246, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0243KT8).

[10] Ass. plén., 6 mars 2015, n° 14-84.339 (N° Lexbase : A7737NCK).

[11] Relevant ce point, par exemple, A. Bergeaud-Wetterwald, Du bon usage du principe de loyauté des preuves, Dr. Pénal, 2014, n° 4, Etude 7.

[12] Soulevant déjà la proximité entre le principe de loyauté et le détournement de procédure, P. Conte, La loyauté de la preuve en procédure pénale : fragile essai de synthèse, Procédures, 2015, n° 12, Dossier 12.

[13] Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 13-85.246, Ass. plén., 6 mars 2015, n° 14-84.339, Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313, préc.

[14] Cass. crim., 18 juin 2019, n° 19-80.015, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9362ZEH).

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Social général

[Textes] La loi «LOM» : nouveautés et incertitudes

Réf. : Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, d'orientation des mobilités (N° Lexbase : L1861LUH)

Lecture: 17 min

N1934BYB

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par Pascal Lokiec, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne

Le 22 Janvier 2020

Même si son dispositif le plus emblématique - la charte des plateformes de mobilité - a pris un coup dans l’aile avec la censure partielle du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019 N° Lexbase : A6327Z8T), la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, d'orientation des mobilités (N° Lexbase : L1861LUH), dite loi «LOM», est désormais publiée au Journal officiel. Sur un sujet majeur en ce début de 21ème siècle, elle apporte un certain nombre de nouveautés.

I - L’encouragement à une mobilité vertueuse

La mobilité est une donnée essentielle dans nos sociétés modernes, et doit être encouragée. Elle a cependant un coût pour l’environnement qui oblige chacun d’entre nous, mais aussi les entreprises, à adopter une attitude vertueuse. Cette philosophie se retrouve dans plusieurs dispositifs de la loi, destinés à mieux financer les transports en commun dans les territoires, à permettre aux salariés d'effectuer des déplacements domicile-travail en utilisant des modes de transports respectueux de l’environnement, à régler la question du transfert des contrats de travail des agents des bus de la RATP à de nouveaux opérateurs de transport à la suite de l’ouverture à la concurrence des lignes de bus de la RATP à compter de 2025, à  mettre en œuvre la négociation collective dans la branche ferroviaire, etc. Ce sont surtout trois séries de dispositifs qui retiennent l’attention.

A - L’obligation de négocier et le plan de mobilité employeur

La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail devra désormais inclure les «mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail» [1].  Concrètement, devraient être discutés les primes, le télétravail, les aménagements d’horaires de travail, des garages à vélo, des places de parking réservées au covoiturage, de l'organisation d'un service de covoiturage à l'intérieur de l'entreprise... Le législateur ne n’est pas contenté d’une simple obligation de négocier puisqu’il est prévu qu’à défaut d’accord, les entreprises concernées devront élaborer un plan de mobilité employeur sur chacun des sites [2]. Cette obligation vaut pour les entreprises dont 50 salariés au moins sont employés sur un même site. Par plan de mobilité, il faut entendre un ensemble de mesures qui visent à optimiser et augmenter l'efficacité des déplacements des salariés d'une entreprise, pour diminuer les émissions polluantes et réduire le trafic routier. Il s’agit de favoriser l’usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, par exemple en prévoyant un local vélo dans l’entreprise, l’achat de vélos, l’encouragement à l’usage des transports publics, l’encouragement à habiter à proximité du lieu de travail, etc. L’article 82 de la loi «LOM» précise que ce plan devra inclure des dispositions concernant le soutien aux déplacements domicile-travail de leur personnel, notamment, le cas échéant, concernant la prise en charge des frais.

B - La création du forfait mobilité durable

La création d’un «forfait mobilité durable» permet aux employeurs de verser jusqu'à 400 euros par an, avec exonération totale d'impôt et de cotisations sociales, aux salariés se rendant à leur travail en vélo ou en pratiquant le covoiturage, ou en transports publics [3] ; ce forfait ne doit pas être confondu avec l’abonnement payé par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail dont la prise en charge est déterminée par voie réglementaire. Le forfait remplacera les actuelles indemnités kilométriques vélo et covoiturage.  

L’article L. 3261-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8646LGC) prévoit que les modalités du forfait mobilité employeur sont déterminées par accord d’entreprise ou par accord interentreprises, et à défaut par accord de branche. A défaut d’accord, l'employeur peut prendre une décision unilatérale, après consultation du CSE, s’il existe. 

Ce forfait pourra être versé via «un titre mobilité», conçu sur le modèle des titres restaurants. Le titre sera émis par une société spécialisée qui les cèdera à l’employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d’une commission [4].

C - L’instauration d’un versement mobilité

Le versement transport devient un versement mobilité, avec une meilleure couverture au niveau national des enjeux de la mobilité (covoiturage, autopartage, vélo, etc). Pour rappel, le versement transport, dans sa version classique, à la charge des employeurs de onze salariés et plus, servait à financer les transports en commun dans la région parisienne ainsi que dans les communes (ou leurs groupements) ayant instauré cette contribution [5]. Il est prévu que le versement mobilité est mis en place par délibération du conseil municipal ou de l'organe compétent de l'établissement public qui instaure au moins un des services visés par le Code des transports parmi lesquels des services réguliers de transport public de personnes, des services à la demande de transport public de personnes, des services relatifs aux usages partagés des véhicules terrestres à moteur, ou encore des services de mobilité solidaire.

D - Une meilleure prise en charge des frais de carburant

Est également prévue une meilleure prise en charge des frais de carburant : les entreprises pourront couvrir les frais de carburant des salariés résidant dans une zone non desservie par les transports publics, ou non incluse dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire [6]. Pour rappel, il était déjà prévu -ce que la loi «LOM» n’a pas modifié- la possibilité de prise en charge des frais de carburant pour les salariés pour lesquels l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport.

A la couverture des frais de carburant, s’ajoute celle des frais d’alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

Pour les entreprises soumises à l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la qualité de vie au travail, le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais de transport (forfait mobilités durables, frais de carburant ou d’alimentation) devront être déterminés par accord d’entreprise ou interentreprises ou, à défaut, par accord de branche.

Le législateur a prévu la réalisation, dix-huit mois après la promulgation de la loi, d’un bilan des accords collectifs portant sur les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Sur la base de ce bilan, le Gouvernement pourra prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi permettant de définir les conditions de la prise en charge par l’employeur des frais de transport personnels, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi. 

II - Une censure qui laisse espérer un dispositif plus vertueux pour les travailleurs des plateformes

La loi «LOM» est surtout connue pour son dispositif d’ubérisation, dont la figure emblématique est la charte destinée aux travailleurs indépendants des plateformes. Ce dispositif prolonge les modestes dispositions dites de «responsabilité sociale» inaugurées par la loi «Travail» d’août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C). L’objectif visé est à la fois d’assurer une véritable protection à ces travailleurs, qui pour beaucoup sont économiquement dépendants, mais aussi, dans l’intérêt des plateformes, de contrecarrer le mouvement naissant, en France et ailleurs (quelques affaires emblématiques aux Etats-Unis et au Royaume-Uni), de requalification de la relation entre la plateforme et le travailleur, en contrat de travail. La philosophie, en somme, est de fermer peu ou prou la voie de la requalification avec pour contrepartie des protections pour ceux qui resteraient indépendants. Une philosophie malmenée, à la fois par le Conseil constitutionnel qui a censuré la disposition visant à limiter les actions en requalification mais aussi par le législateur lui-même qui n’a pas créé un statut protecteur mais prévu l’adoption par les plateformes d’une simple charte. Difficile de dire, aujourd’hui, quand ce dispositif pourra être mis en œuvre : il est probable que la censure du Conseil constitutionnel conduise le législateur à revoir sa copie quant aux effets de l’adoption d’une charte sur la relation juridique entre le travailleur et la plateforme, et qu’il faille attendre avant que le pouvoir réglementaire n’adopte le décret d’application prévu par la loi «LOM».

En l’état du dispositif, tel que promulgué, il faut d’abord noter le choix fondamental de ne pas créer une troisième voie entre salariat et travail indépendant, comme l’ont fait plusieurs de nos pays voisins tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Cette voie aurait eu pour risque un basculement opportuniste de travailleurs du statut de salarié vers le statut intermédiaire, comme l’a notamment connu l’Italie. Le choix d’une approche catégorielle, limitée aux travailleurs de la mobilité (VTC ; livreurs) paraît plus opportun même s’il est vrai que cette option peut poser question au regard du principe d’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel y a brièvement répondu en considérant que les plateformes concernées ne sont pas dans la même situation que d'autres plateformes dans la mesure où le législateur s'y est intéressé pour tenir compte du déséquilibre existant entre les opérateurs de ce secteur et les travailleurs pour la détermination de leurs conditions de travail et en raison du risque d'accident auquel ils sont davantage exposés. Comme il a été justement relevé, autant l’argument de l’accidentalité paraît propre aux plateformes de mobilité, autant celui du déséquilibre irrigue bien au-delà [7].

Le choix a surtout été fait de construire la protection des travailleurs des plateformes sur des chartes facultatives élaborées par les plateformes et destinées à déterminer les conditions et modalités d'exercice de la responsabilité sociale de la plateforme, ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec qui elles sont en relation.

La charte a vocation à préciser, notamment, énonce le texte :

  • Les conditions d'exercice de l'activité professionnelle des travailleurs avec lesquels la plateforme est en relation, en particulier les règles selon lesquelles ils sont mis en relation avec ses utilisateurs ainsi que les règles qui peuvent être mises en œuvre pour réguler le nombre de connexions simultanées de travailleurs afin de répondre, le cas échéant, à une faible demande de prestations par les utilisateurs ;
  • Les modalités visant à permettre aux travailleurs d'obtenir un prix décent pour leur prestation de services ;
  • Les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels ;
  • Les mesures visant notamment à améliorer les conditions de travail et à prévenir les risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ainsi que les dommages causés à des tiers ;
  • Les modalités de partage d'informations et de dialogue entre la plateforme et les travailleurs sur les conditions d'exercice de leur activité professionnelle ;
  • Les modalités selon lesquelles les travailleurs sont informés de tout changement relatif aux conditions d'exercice de leur activité professionnelle ;  
  • La qualité de service attendue, les modalités de contrôle par la plateforme de l'activité et de sa réalisation et les circonstances qui peuvent conduire à une rupture des relations commerciales entre la plateforme et le travailleur ;
  • Le cas échéant, les garanties de protection sociale complémentaire négociées par la plateforme dont les travailleurs peuvent bénéficier.

Ce dispositif appelle plusieurs observations.

Tout d’abord, on est loin de la création d’un statut puisqu’il est bien indiqué que la charte est facultative («la plateforme peut établir une charte»). Ce qui bien évidemment limite la portée du dispositif. Le seul fait de recourir à une charte, qui constitue l’archétype de ce qu’on appelle le droit «mou», est évocateur de la volonté du législateur de rester en retrait et de pratiquer l’autorégulation, mode de régulation très en vogue aujourd’hui qui laisse aux acteurs -en l’occurrence la plateforme- la charge de définir eux-mêmes les règles.  

Suivant cette logique, le législateur n’a institué aucune obligation en termes de contenu, puisque si la plateforme décide d’adopter une charte, elle devra aborder un certain nombre de thèmes (voir ci-dessus) sans que pour chacun de ces thèmes, des standards minima aient été fixés. Typiquement, il est prévu que la charte précise «les modalités visant à permettre aux travailleurs d'obtenir un prix décent pour leur prestation de services». Aucun niveau de prix décent n’est prévu ! La même remarque vaut pour «les mesures visant notamment à améliorer les conditions de travail». Le seul élément de «droit dur» concerne l’obligation de garantir dans la charte le caractère non exclusif de la relation entre les travailleurs et la plateforme et la liberté pour les travailleurs d'avoir recours à la plateforme et de se connecter ou se déconnecter, sans que soient imposées des plages horaires d'activité.

Vu le caractère très peu contraignant du dispositif institué par la loi «LOM», l’autorité administrative chargée d’homologuer la charte aura certainement un rôle très formel qui, du reste, perd l’essentiel de son intérêt étant donnée la censure prononcée par le Conseil constitutionnel sur la question de la requalification en contrat de travail. 

Le projet de loi énonçait en effet que «l'établissement de la charte et le respect des engagements pris par la plateforme dans les matières énumérées aux 1° à 8° ne peuvent caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs». Disposition défendue par le Gouvernement dans les termes suivants (observations du Gouvernement, dans le cadre de la saisine contre la loi «LOM») : les «opérateurs se disent dissuadés d'accorder des garanties supplémentaires aux travailleurs indépendants qui interviennent sur la plateforme en raison des incertitudes liées au risque de requalification de la relation commerciale en contrat de travail que comporte une telle pratique». « L'intervention du législateur permet de prévenir des requalifications fondées sur une politique volontariste de l'opérateur ou sur des engagements pris par celui-ci s'agissant des conditions d'exercice d'activité et des modalités de son contrôle et, ainsi, de conjuguer l'amélioration des conditions de travail des travailleurs indépendants avec une plus grande sécurité juridique des exploitants des plateformes» [8].

Autrement dit, l’idée défendue par le Gouvernement était semble-t-il que, faute de cette disposition, les plateformes vertueuses, c’est-à-dire celles qui se risqueraient à adopter des protections se rapprochant du droit du travail (car les huit thèmes évoqués rappellent largement ceux du droit du travail, à quelques exceptions près telles la référence à la rupture d’une relation commerciale [9])  risquaient la requalification, davantage que les autres. Par exemple, le fait d’imposer le port du casque en application de la charte manifesterait l’exercice du pouvoir de direction, et constituerait un indice de subordination.

L’argumentation n’a pas été entendue par le Conseil constitutionnel pour qui les déterminants de l’action en requalification d’un contrat commercial en contrat de travail ne peuvent être abandonnés aux plateformes. Le raisonnement ayant conduit à la censure partielle est, en substance, comme suit : les «caractéristiques essentielles du contrat de travail» relevant des principes fondamentaux du droit du travail au sens de l’article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), lesquels sont de la seule compétence du législateur, les dispositions critiquées qui limitent la capacité du juge de rendre son exacte qualification à la relation de travail, sont entachées d’incompétence négative. Le Conseil constitutionnel a donc censuré comme contraires à la Constitution les mots «et le respect des engagements pris par la plateforme dans les matières énumérées aux 1° à 8° du présent article», ne laissant au sein de cet alinéa de l’article 82 de la loi que des mots d’une portée très limitée : la simple référence à l’«établissement» de la charte et non plus au «respect» de la charte («lorsqu'elle est homologuée, l'établissement de la charte ne peut caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs»), est dénuée de toute portée.

La surprise est toute relative : les mises en garde au législateur avaient été nombreuses, notamment, de la part du Conseil économique, social et environnemental qui, dans un avis portant sur l'avant-projet de la loi d'orientation des mobilités, avait émis de fortes réserves sur ce frein au pouvoir de requalification du juge [10] et de celle du Conseil national du numérique [11]. Reste à savoir, sous réserve que le législateur ne revoie pas sa copie, si cette censure ne fait pas voler en éclats l’attractivité de l’ensemble du dispositif pour les plateformes, qui escomptaient une -toute relative, à la lecture du texte du projet de loi qui n’avait pas institué une présomption irréfragable de non-salariat- sécurité quant à une éventuelle requalification en contrat de travail [12] !

Pour le reste, le Conseil a validé le dispositif. La compétence donnée au tribunal de grande instance, désormais le Tribunal judiciaire, pour entendre des litiges concernant la conformité de la charte adoptée par la plateforme avec les dispositions de la loi, ne heurte pas les principes constitutionnels régissant la répartition des compétences judiciaires et administratives [13]. Elle les heurte d’autant moins que le juge judiciaire est déjà compétent pour les litiges commerciaux nés entre une plateforme et un indépendant avec lequel elle est en lien [14]  et pour les demandes en requalification d’une telle relation commerciale en un contrat de travail [15].

Si on se projette vers l’avenir, cette censure partielle du dispositif pourrait être l’occasion de revenir sur ce qui constitue le problème majeur du dispositif de la loi «LOM» : son caractère unilatéral. Il aurait été autrement plus cohérent avec les évolutions contemporaines du droit, et sans nul doute plus équilibré, de passer par la voie négociée. Le recours à la voie unilatérale s’explique, on le sait, non pas seulement par un choix politique qui viserait à abandonner aux plateformes la définition des relations juridiques avec leurs travailleurs, mais aussi et surtout par l’absence de système de représentation collective capable d’ouvrir une voie négociée. Les pistes sont nombreuses mais la complexité des enjeux obligera à prendre du temps : placer des représentants des travailleurs -indépendants- des plateformes dans les instances de direction de ces entreprises ; créer un CSE dans ce type d’organisation avec vocation à représenter les intérêts de l’ensemble des travailleurs (on peut aboutir, s’agissant d’entreprises fonctionnant avec un nombre très faible de salariés, à ce qu’une entreprise employant 5000 salariés se retrouve avec un CSE restreint parce que seuls 40 salariés sont employés par elle, pour assurer sa gestion et son fonctionnement) ; développer des négociations de branche, avec des acteurs habilités pour négocier, etc. Une ordonnance est annoncée sur ce sujet dans un futur relativement proche. Espérons qu’elle conduira à substituer à l’adoption de chartes, plateforme par plateforme, celle d’une convention collective -ou d’un document quelle qu’en soit la dénomination- élaborée de manière négociée au niveau du secteur de la mobilité . Ce d’autant plus que, comme il a justement été souligné [16], la charte n’intervient pas dans le dispositif de la loi «LOM» pour pallier l’échec des négociations, comme c’est le cas s’agissant de la charte en matière de droit à la déconnection ou de télétravail, mais en lieu et place de la négociation ! Affaire à suivre donc…


[1] C. trav., art. L. 2242-17 (N° Lexbase : L0340LMK).

[2] C. transp., art. L. 1214-8-2 (N° Lexbase : L2944KG7).

[3] C. trav., art. L. 3261-4 (N° Lexbase : L8646LGC).

[4] C. trav., art. L. 3261-6 (N° Lexbase : L1034H98) et art. L. 3261-7 (N° Lexbase : L1037H9B).

[5] C. trav., art. L. 2333-64 (N° Lexbase : L5929KWI) et s. ; CGCT, art. L. 2531-2 (N° Lexbase : L7321LQ9).

[6] C. trav., art. L. 3261-3 (N° Lexbase : L7787IMD).

[7] G. Loiseau, Travailleurs des plateformes, un naufrage législatif, JCP éd. S, 2020, n° 1000-1001.

[8] Observations du Gouvernement, Décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019.

[9] G. Loiseau, préc..

[10] CESE, avis, 14 novembre 2018, préconisation n° 15, p. 37.

[11] Conseil national du numérique, Lettre ouverte, 4 septembre 2019.

[12] G. Loiseau, préc..

[13] Plus précisément le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle.

[14] C. com., art. L. 721-3 (N° Lexbase : L2068KGP).

[15] C. trav., art. L. 1411-4 (N° Lexbase : L1883H9M).

[16] G. Loiseau, préc..

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Urbanisme

[Brèves] Droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile pouvant prendre le pas sur la protection de l’environnement

Réf. : Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 19-10.375, FS-P+B+I (N° Lexbase : A17463BB)

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par Yann Le Foll

Le 22 Janvier 2020

Encourent l’annulation des mesures d’expulsion et de destruction de constructions litigieuses étant de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile des occupants, un couple habitant avec ses trois enfants mineurs.

Telle est la solution d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 janvier 2020 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 19-10.375, FS-P+B+I N° Lexbase : A17463BB).

Faits. Se plaignant de divers aménagements réalisés sur un terrain, classé en zone naturelle par le plan local d’urbanisme, et de la construction d’un chalet en bois où un couple et leurs enfants communs résident, la commune a assigné Mme X, propriétaire du terrain, en référé pour obtenir la démolition des constructions et l’expulsion des occupants.

Rappel. L'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile et prévoit qu'il ne peut y avoir une ingérence dans l'exercice de ce droit que si elle est prévue par la loi et qu'elle est nécessaire, dans une société démocratique, à un certain nombre d'objectifs.

A la suite de deux arrêts rendus en 2013 et 2016 (CEDH, 17 octobre 2013, Req. 27013/07 N° Lexbase : A9322KM9 et 28 avril 2016 N° Lexbase : A3789RLW), la Cour de cassation a imposé aux juges statuant sur la démolition de prendre en compte cette disposition dès lors qu'elle est invoquée devant eux par le prévenu (Cass. civ. 3, 17 décembre 2015, n° 14-22.095, FS-P+B+R N° Lexbase : A8776NZ3).

En 2018, la Cour suprême avait jugé que la protection du domicile familial ne fait pas obstacle à l'action en démolition (Cass. crim., 16 janvier 2018, n° 17-81.884, F-P+B N° Lexbase : A8659XAX).

Arrêt attaqué. Pour accueillir la demande de démolition, l’arrêt attaqué retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par les intéressés ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d’urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite.

Les juges d’appel énoncent également que les mesures de démolition et d’expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile du couple, l’expulsion devant s’entendre des constructions à vocation d’habitation édifiées sur la parcelle et non de l’ensemble de la parcelle puisque Mme X en est propriétaire.

Solution. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d’expulsion ne concerne que les constructions à usage d’habitation, sans rechercher concrètement si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des intéressés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. La Cour suprême adopte donc ici une position contraire à sa jurisprudence de 2018 précitée (cf. l'Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E4941E77).

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