La lettre juridique n°355 du 18 juin 2009

La lettre juridique - Édition n°355

Éditorial

La loi "Hadopi" ou le synopsis d'Un pont trop loin

Lecture: 5 min

N6557BK3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356557
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Internet est le produit d'une combinaison unique de stratégie militaire, de coopération scientifique et d'innovation contestataire" écrivait le sociologue Manuel Castells dans La Société en réseau. Avec un teaser pareil, rien d'étonnant à ce que la moindre loi de régulation du Réseau des réseaux soit perçue comme belliqueuse.

Que n'a-t-il pas été écrit sur la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi "Hadopi", du nom de la Haute autorité chargée de surveiller et de réprimer -du moins à l'origine- les contraventions au respect du droit d'auteur, par ses partisans comme -voire beaucoup plus- par ses détracteurs ! L'épilogue de cette longue bataille parlementaire se sera joué, comme bien souvent, auprès des Sages de la rue Montpensier ; ces derniers portant l'estocade fatale à une loi partie bien mal en point. Il faut dire que sa gestation, sa présentation et son adoption définitive auront suscité l'émoi médiatique, comme rarement aucune une autre loi relative à la défense et à la promotion de la "culture". "L'exception culturelle" française n'est pas un vain mot, qu'on se le dise !

Ainsi, pour aller à l'essentiel, issue des accords "Olivennes" signés en novembre 2007, la loi, qui instaure, notamment, plusieurs obligations aux fournisseurs d'accès internet (information contractuelle et devoir d'information des autorités en charge de la protection des droits) et qui tend à améliorer la procédure judiciaire pour violation des droits d'auteur, fut, d'abord, retoquée par un vote négatif et majoritaire des députés de l'opposition -le coup du rideau-, après des débats houleux au sein même de la majorité présidentielle. Finalement, le projet de loi fut soumis, à nouveau, aux parlementaires et adopté par un vote solennel, en forme de démonstration de force majoritaire... Le dispositif incriminé de tous les maux : la sanction ordonnée par l'Hadopi à l'encontre du propriétaire de l'ordinateur en réseau, à partir duquel auront été constatés plusieurs actes de piratage ; sanction consistant en la coupure de l'accès à internet doublé du paiement de l'abonnement durant une certaine période. Criant aux orfraies à la censure, à l'atteinte aux libertés individuelles, arguant de la condamnation des innocents, on aurait pu croire l'argumentaire des opposants à cette loi quelque peu exagéré, tant l'efficacité de la sanction incriminée présentait, naturellement, et d'ores et déjà, quelques doutes... "Il ne peut y avoir de liberté contre la vérité, il ne peut y avoir de liberté contre l'intérêt commun" : problème, la formule est d'Antonio de Oliveira Salazar, dans Principes d'action, dont l'aspiration démocratique fut loin d'être évidente...

Tel fut d'ailleurs le sentiment des membres du Conseil constitutionnel, pour lesquels, à travers une décision du 10 juin 2009, sur laquelle nous revenons cette semaine avec Isabelle Camus, avocat associée du cabinet Atem, "aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi' ; [...] en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services". En conséquence, toute atteinte à l'accès à internet ne devrait être l'apanage que d'une autorité judiciaire, qui plus est -osons le dire- par le juge des libertés ! Par ailleurs, les Sages n'en oublient pas moins de rappeler que le système inquisitoire, système pénal français de répression des infractions, suppose que ce soit le ministère public qui apporte la preuve de la culpabilité de la personne présumée contrevenante... et non que celle-ci prouve son innocence. Et comme "il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent" (Voltaire, Zadig ou la Destinée)... la messe fut ainsi dite.

Et, le Président de la République choisissant de promulguer la loi, sans les dispositions des articles 5 et 11 portant atteinte à la liberté de communication et d'expression et à la présomption d'innocence, plutôt que la loi ne subisse, à nouveau, la question auprès de parlementaires soucieux de ne pas apparaître comme des "bourreaux" de la liberté... Pour autant, le ministre de la Culture promet, d'ores et déjà, une loi pour la répression du piratage pour les prochains jours : échec et... pat ?

Nous retiendrons de toute cette histoire rocambolesque deux traits majeurs : d'une part, l'accès à internet est, désormais, un droit fondamental qui doit faire l'objet d'une protection spéciale ; d'autre part, il serait peut être avisé d'étendre le contrôle préjudiciel du Conseil constitutionnel afin d'éviter que ce genre de revers législatifs marquant du sceau de la cacophonie et de l'imbroglio l'action, pourtant nécessaire, en faveur de la protection de la création artistique.

En effet, désormais, à l'évocation de cette décision constitutionnelle, l'accès à internet relève d'une liberté fondamentale en tant que réseau de communication et d'expression indispensable à leur exercice. Or, "internet accélère l'avènement de la société de marché, avec une poussée violente de concurrence et de compétition" écrivait Alain Minc. Il y a là, tout de même, quelque chose d'étrange à associer liberté fondamentale et marché concurrentiel. En outre, se pose directement la question de la validité de la plupart des clauses résolutoires des contrats d'abonnement prévoyant la coupure de l'accès au réseau en cas de non paiement... sans intervention d'un juge. Internet aussi vital que l'électricité ou le gaz... à quand la trêve hivernale ?

Par ailleurs, on se souvient que le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution prévoit un mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité. Si l'on s'accorde sur le fait qu'il s'agit d'une grande avancée pour les justiciables, et plus fondamentalement pour la démocratie, on regrettera que ce mécanisme ne puisse être étendu au bénéfice des membres du Gouvernement, qui, avant de proposer un projet de loi -souvent après correction du Conseil d'Etat- et de le défendre becs et ongles, pourraient s'enquérir de l'avis du Conseil constitutionnel, afin d'obtenir un brevet de constitutionnalité, qui même s'il n'est pas définitif -du fait des nombreux amendements parlementaires à prévoir-, n'en serait pas moins le gage d'éviter un bataille inutile, pour que les positions des alliés pour la défense de la création et du droit d'auteur se rejoignent enfin.

Décidément, le pont de Nimègue était vraiment trop loin...

newsid:356557

Droit public éco.

[Jurisprudence] Les pharmacies ne sont pas des entreprises comme les autres

Réf. : CJCE, 19 mai 2009, 2 arrêts, aff. C-531/06, Commission des Communautés européennes c/ République italienne (N° Lexbase : A0848EHU) et aff. C-171/07, Apothekerkammer des Saarlandes c/ Saarland (N° Lexbase : A0844EHQ)

Lecture: 8 min

N6539BKE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356539
Copier

par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Pour le néolibéralisme, toutes les activités humaines, ou presque, sont solubles dans l'économie : une oeuvre d'art est d'abord un bien, un prêtre est avant tout un travailleur... La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative au droit du marché intérieur n'a pas échappé à une telle logique (1). Cette conception extensive du champ d'application des règles du Traité relative à la liberté de circulation des marchandises, des personnes (libre circulation des travailleurs et liberté d'établissement), à la libre prestation de service et à la libre circulation des capitaux était, probablement, la seule voie possible pour assurer leur effectivité et lutter contre le protectionnisme plus ou moins latent des Etats membres. Cet objectif a, également, conduit la Cour de justice à retenir une conception extensive de la notion d'entraves au commerce entre les Etats membres, puisqu'elle inclut tous les obstacles à l'échange, y compris dans les hypothèses où ils ne sont pas discriminatoires, c'est-à-dire qu'il s'applique de la même manière aux opérateurs nationaux et aux opérateurs étrangers. Il n'était donc guère étonnant que le droit communautaire s'intéresse aux législations nationales relatives à l'exercice de la profession de pharmacien. La France a fait l'objet, à ce propos, d'une procédure en constatation de manquement intentée par la Commission européenne en raison de la réserve de propriété du capital des officines aux pharmaciens, l'interdiction d'exploiter plus d'une pharmacie, l'incompatibilité de cette exploitation avec l'exercice d'autres professions, et enfin, de la consultation de l'ordre dans l'octroi des autorisations d'ouverture (2).

Les deux arrêts du 19 mai 2009 permettent de lever le premier grief. Dans l'affaire italienne, comme dans l'affaire allemande, étaient en cause des législations nationales qui empêchaient l'exercice de l'activité de pharmacie par des personnes physiques ne détenant pas le diplôme de pharmacien, ou par des personnes morales exclusivement composées de personnes physiques titulaires de ce diplôme. La Cour de justice a estimé qu'une telle réglementation n'était pas contraire au droit communautaire. Elle préserve, ainsi, les compétences des Etats membres au détriment de la compétence communautaire (I), et, parallèlement, valorise l'objectif de santé publique au détriment de l'objectif de réalisation du marché intérieur (II).

I - La compétence étatique préservée au détriment de la compétence communautaire

La Cour de justice entend se placer dans une logique de subsidiarité (A), mais maintient évidemment le principe de l'encadrement des compétences nationales par les compétences communautaires (B).

A - Une logique de subsidiarité

Dans ses arrêts, à titre liminaire, le juge communautaire mentionne l'article 152, paragraphe 5 du Traité selon lequel, "l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des Etats membres en matière d'organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux". Il mentionne, également, le vingt-sixième considérant de la Directive (CE) 2005/36 du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (N° Lexbase : L6201HCN) (JO L 255, p. 22), selon lequel "la présente Directive n'assure pas la coordination de toutes les conditions d'accès aux activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La répartition géographique des officines, notamment, et le monopole de dispense de médicaments devraient continuer de relever de la compétence des Etats membres. La présente Directive n'affecte pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui interdisent aux sociétés l'exercice de certaines activités de pharmacien, ou soumettent cet exercice à certaines conditions". Pour la Cour de justice, il s'agit, ainsi, de préciser d'emblée que la question en cause relève en principe de la compétence des Etats membres, et non pas de la compétence communautaire.

La Cour en déduit, alors, "qu'il appartient aux Etats membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d'un Etat membre à l'autre, il convient de reconnaître aux Etats membres une marge d'appréciation" (n° 36 et n° 19). Le juge communautaire, en utilisant la technique de la marge d'appréciation s'approprie, ainsi, une méthode de raisonnement venue de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Selon Jean-Pierre Marguénaud, il faut rattacher ce concept au principe de subsidiarité, et "la notion présente l'avantage de permettre d'essayer de concilier les exigences de la construction européenne et la sauvegarde du pluralisme juridique. Surtout, elle introduit une certaine souplesse dans la mise en oeuvre de la CEDH en favorisant son adaptation aux réalités culturelles, économiques, juridiques et sociales, souvent fort différentes d'un pays à l'autre" (3).

Cette idée était, d'ores et déjà, présente de manière latente grâce à la théorie des exigences impérieuses d'intérêt général (cf. infra II), mais l'utilisation du terme "marge nationale d'appréciation" révèle, de la part du juge communautaire, une démarche beaucoup plus affirmée et assumée de préservation des compétences nationales au détriment des compétences communautaires. C'est, également, faire oeuvre d'un très grand pragmatisme puisque la Cour constate, en réalité, la disparité des législations nationales en matière de propriété des officines pharmaceutiques (certains Etats, à la différence de l'Allemagne, la France ou l'Italie admettent, en effet, qu'une pharmacie puisse être la propriété d'une personne n'ayant pas le diplôme de pharmacien), qui vient ainsi implicitement légitimer l'absence de standard communautaire. Il n'en demeure pas moins que cette compétence étatique doit respecter les compétences communautaires.

B - La persistance de l'encadrement communautaire des compétences nationales

Bien que la réglementation de l'exercice de l'activité des officines pharmaceutiques reste de la compétence nationale, cette dernière doit s'exercer dans le respect des règles communautaires, relatives à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux.

Selon une démarche désormais bien établie, elle examine d'abord s'il existe une restriction. La Cour rappelle qu'en matière de liberté d'établissement, "constitue, notamment, une restriction au sens de l'article 43 du Traité CE une réglementation qui subordonne l'établissement, dans l'Etat membre d'accueil, d'un opérateur économique d'un autre Etat membre à la délivrance d'une autorisation préalable et qui réserve l'exercice d'une activité non salariée à certains opérateurs économiques qui répondent à des exigences prédéterminées, dont le respect conditionne la délivrance de cette autorisation. Une telle réglementation décourage, voire empêche des opérateurs économiques d'autres Etats membres d'exercer, dans l'Etat membre d'accueil, leurs activités par l'intermédiaire d'un établissement stable" (n° 44 et n° 23). Le raisonnement est analogue pour la libre circulation des capitaux : "Quant à l'article 56 du Traité CE , il convient de rappeler que, doivent être qualifiées de restrictions, au sens du paragraphe 1 de cet article, des mesures nationales qui sont susceptibles d'empêcher, ou de limiter, l'acquisition de participations dans les entreprises concernées, ou de dissuader les investisseurs des autres Etats membres d'investir dans le capital de celles-ci".

Ensuite, le juge communautaire va se prononcer sur l'existence de justifications et s'assurer de leur proportionnalité. Dans la mesure où les réglementations en cause sont indistinctement applicables, il est possible de recourir aux raisons impérieuses d'intérêt général et, notamment, à la protection de la santé publique.

II - L'objectif de santé publique valorisée au détriment de l'objectif de réalisation du marché intérieur

La Cour de justice a estimé que l'objectif de santé publique permettait de justifier la restriction contenue dans les législations italiennes et allemandes (A). Il n'est, en revanche, pas certain qu'il permette de sauver toute la législation française (B).

A - La préservation du monopole des pharmaciens

Dès ses observations liminaires, la Cour de justice affirme que la protection de la santé publique est une valeur fondatrice de la Communauté : "la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et intérêts protégés par le Traité" (n° 36 et n° 19). Il s'agit là d'une lecture constructive du système des Traités. Si "la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé" est une action de la Communauté , elle n'est, en aucune manière, un objectif explicite assigné à la Communauté (4). Dès lors, cette valeur communautaire doit être mise en oeuvre concrètement par les Etats dans le cadre de leurs compétences. Il leur est donc possible d'invoquer la santé publique comme raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier la restriction portée à la liberté d'établissement ou à la libre circulation des capitaux. La santé publique comme raison impérieuse d'intérêt général revêt, assurément, une signification plus extensive que la santé publique telle qu'elle découle de l'article 46 du Traité . En l'espèce, il ne s'agit pas de lutter contre une maladie mais d'assurer "un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité" (n° 52 et n° 28).

La Cour peut se départir, ainsi, d'un néolibéralisme excessif et souligner que "le caractère très particulier des médicaments et les effets thérapeutiques de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises" (n° 55 et n° 31). Elle rappelle que "ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d'en prendre conscience lors de leur administration" (n° 56 et n° 32).

Le juge communautaire se fonde, également, sur le risque d'atteinte grave à l'équilibre de la sécurité sociale. En effet, si des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave aux règles du marché intérieur, la Cour a jugé que, "dans la mesure, notamment, où il pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de protection de la santé publique, un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale peut, également, constituer en lui-même une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier pareille entrave" (5). Avec beaucoup de lucidité, la Cour de justice relève qu'"'il existe un lien direct entre ces ressources financières et les bénéfices d'opérateurs économiques actifs dans le secteur pharmaceutique car la prescription de médicaments est prise en charge, dans la plupart des Etats membres, par les organismes d'assurance maladie concernés" (n° 57 et n° 33). Elle en conclut, alors, qu'"en ce qui concerne l'exploitant ayant la qualité de pharmacien, il ne saurait être nié qu'il poursuit, à l'instar d'autres personnes, l'objectif de la recherche de bénéfices. Cependant, en tant que pharmacien de profession, il est censé exploiter la pharmacie, non pas dans un objectif purement économique, mais, également, dans une optique professionnelle. Son intérêt privé lié à la réalisation de bénéfices se trouve, ainsi, tempéré par sa formation, par son expérience professionnelle et par la responsabilité qui lui incombe, étant donné qu'une éventuelle violation des règles légales ou déontologiques fragilise non seulement la valeur de son investissement, mais, également, sa propre existence professionnelle" (n° 37).

La Cour de justice estime, ensuite, que la restriction imposée par les législations italiennes et allemandes satisfait l'exigence de proportionnalité. La Commission soutenait, en effet, que l'objectif de protection de santé publique pouvait être rempli grâce à la simple présence d'un pharmacien salarié. De manière une nouvelle fois réaliste, la Cour répond qu'un Etat membre, dans le cadre de sa marge d'appréciation, "peut estimer qu'il existe un risque que les règles législatives visant à assurer l'indépendance professionnelle des pharmaciens soient méconnues dans la pratique, étant donné que l'intérêt d'un non-pharmacien à la réalisation de bénéfices ne serait pas modéré d'une manière équivalente à celui des pharmaciens indépendants, et que la subordination de pharmaciens, en tant que salariés, à un exploitant, pourrait rendre difficile, pour ceux-ci, de s'opposer aux instructions données par cet exploitant" (n° 84 et n° 54).

Ce raisonnement de la Cour de justice permettra de sauver le système français de la réserve de propriété du capital des officines aux pharmaciens, mais il n'est pas certain que les autres aspects de la législation française puissent passer le test de proportionnalité.

B - Une législation française en sursis

Parmi les autres motifs pour lesquels la Commission européenne a intenté un recours en constatation de manquement contre la France, seule l'incompatibilité de l'activité de pharmacien avec l'exercice d'autres professions paraît répondre aux exigences du droit communautaire. Cette condition permet de bien distinguer la pharmacie d'autres activités principalement commerciales.

L'interdiction d'exploiter plus d'une pharmacie ne paraît, en revanche, pas passer le test de proportionnalité. L'on peut, en effet, imaginer qu'une personne soit propriétaire de plusieurs pharmacies et qu'elle les exploite par l'intermédiaire de pharmaciens salariés. En toute hypothèse, les uns et les autres restent soumis à des obligations déontologiques de nature à éviter les dérives purement mercantiles.

Enfin, le sort de la consultation obligatoire de l'ordre des pharmaciens pour l'octroi de nouvelles autorisations paraît très incertain. Il est possible d'y voir une mesure d'économie dirigée permettant de rationaliser l'offre en fonction de la demande et, finalement, de protéger les droits acquis des opérateurs déjà installés sur le marché. Au contraire, il serait possible de soutenir que la mise en concurrence des pharmaciens conduira inéluctablement à les transformer en commerçants.

L'arrêt à venir de la Cour de justice concernant la législation française permettra de mesurer l'ampleur de cette exception pharmaceutique qu'elle a admise par ces deux arrêts du 19 mai 2009.


(1) P. Maddalon, La notion de marché dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, Paris, LGDJ, 2007.
(2) J. Morisson, Un vent de dérégulation souffle en Europe, Pharmaceutiques, décembre 2007, p. 26.
(3) J.-P. Marguenaud, La Cour européenne des droits de l'Homme, Paris, Dalloz, quatrième édition, 2008, p. 52.
(4) "La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une Union économique et monétaire et par la mise en oeuvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres".
(5) CJCE, 13 mai 2003, aff. C-385/99, V. G. Müller-Fauré c/ E. E. M. van Riet (N° Lexbase : A9192B49), Rec., p. I-4509, n° 73.

newsid:356539

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Un an d'essai, une durée déraisonnable

Réf. : Cass. soc., 4 juin 2009, n° 08-41.359, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6421EHB)

Lecture: 12 min

N6555BKY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356555
Copier

par Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


La période d'essai, parfois encore dénommée stage probatoire dans certaines conventions collectives, doit être limitée dans sa durée. Cette exigence, posée par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), était, depuis 1982, affirmée par la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (N° Lexbase : L0963AII), sans pour autant que le juge judiciaire n'en fasse application en droit interne. Profitant du mouvement dans lequel elle s'est engagée depuis 2006 et par lequel elle a progressivement rendu applicables les dispositions de la Convention internationale, la Cour de cassation se prononce, dans un arrêt rendu le 4 juin 2009, sur l'applicabilité directe de ses règles relatives à l'essai, ce qui lui permet de juger comme déraisonnable une durée d'essai conventionnellement fixée à un an (I). D'une importance considérable d'un point de vue théorique, cette décision semble pourtant n'être promise qu'à une portée pratique bien limitée (II).
Résumé

Est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la Convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée.

Commentaire

I - Caractère déraisonnable de la durée d'un an de la période d'essai

  • La nature juridique d'essai des "stages probatoires"

A priori, le stage doit être distingué de la période d'essai (1).

Le stage a pour objet principal de former un salarié ou un éventuel futur salarié. Il s'agit d'un outil pédagogique comportant un objectif de formation. Au contraire, l'essai ne recouvre pas une telle finalité. La récente définition conférée par la loi du 25 juin 2008 à la période d'essai du contrat de travail l'illustre parfaitement, puisque l'article L. 1221-20 du Code du travail (N° Lexbase : L9174IAZ) dispose que "la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent".

Alors que le stage a pour objet d'améliorer les qualités professionnelles du salarié, l'essai a ainsi pour objet d'apprécier ces mêmes qualités. Pour autant, si cette distinction peut paraître claire, elle est nettement obscurcie par deux phénomènes.

Le premier phénomène tient à l'utilisation informelle du stage par certains employeurs, non pas en vue d'une formation, mais dans le but insidieux de servir de période d'essai à bon marché (2). La Cour de cassation se montre vigilante sur cette question du cumul du stage et de l'essai, même si un tel contrôle est nécessairement limité aux situations dans lesquelles le recours à l'essai est extériorisé, assumé par l'employeur (3).

Le second phénomène tient à la confusion parfois opérée par les conventions collectives entre différentes terminologies. Ainsi, il n'est pas rare qu'une période d'essai soit qualifiée de période probatoire, alors même que, désormais, la période probatoire correspond à une notion bien spécifique (4). La confusion est encore entretenue par l'existence de terminologies très proches entre stage et essai. Le stage des fonctionnaires peut ainsi être considéré comme l'homologue de la période d'essai en droit de la fonction publique (5). De la même manière, il existe, encore aujourd'hui, des conventions collectives ou des statuts d'entreprises autrefois publiques employant les termes de "stage" ou de "stage probatoire", alors qu'il s'agit manifestement d'essai (6).

Dans un arrêt resté inédit, la Cour de cassation avait saisi l'occasion de franchir le pas et de qualifier expressément la période de stage prévue par le statut des personnels d'EDF de période d'essai (7). Lorsque l'essai est qualifié par une convention collective de stage ou de stage probatoire, il convient donc de lui appliquer le régime juridique de l'essai, auquel se sont récemment ajoutées les dispositions de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

  • L'applicabilité directe de la Convention n° 158 de l'OIT

La Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail porte, d'une manière générale, sur le licenciement. Parmi les mesures phares qu'elle comporte, on peut relever les obligations faites par ses articles 4 et 7 "qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service" et que soit offerte au salarié "la possibilité de se défendre contre les allégations formulées".

Jusqu'à la fin du XXème siècle, la Cour de cassation jugeait que cette convention n'était pas directement applicable en droit interne, si bien que les justiciables ne pouvaient en invoquer les dispositions pour écarter l'application de la loi interne (8).

Après que le Conseil d'Etat ait ouvert la voie à l'application directe de cette convention dans l'ordre interne (9), la Cour de cassation devait finalement changer de position et reconnaître l'applicabilité de certaines des dispositions de la Convention n° 158. Par une décision remarquée, elle jugeait conforme au texte international les dispositions du Code du travail relatives au préavis de licenciement (10).

Cette première brèche ouverte, c'est ensuite à l'occasion du contentieux relatif à la période de consolidation du contrat "nouvelles embauches" que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait, à nouveau, fait application directe de la Convention n° 158 de l'OIT (11). S'il n'était pas encore tout à fait certain que l'intégralité de la convention était "self-executing" aux yeux de la Chambre sociale, c'est bien ce que laissait pourtant entendre le conseiller rapporteur dont le rapport avait été publié (12).

Dans tous les cas, la Cour de cassation n'avait jamais eu à se prononcer sur la conformité de dispositions internes relatives à la période d'essai avec le texte international. C'est désormais chose faite !

  • En l'espèce

Engagé le 2 février 2004 en qualité de chargé d'affaires à la direction des entreprises par la caisse régionale de Crédit agricole de Paris, un salarié effectuait une période dite de stage de douze mois, période prévue par son contrat de travail, lequel renvoyait expressément à l'article 10 de la Convention collective nationale du Crédit agricole. Le 2 août 2004, soit exactement six mois plus tard, l'employeur mettait fin au contrat de travail en s'appuyant sur ces dispositions contractuelles et conventionnelles. Jugeant cette rupture irrégulière, le salarié saisit le juge prud'homal en vue d'obtenir diverses indemnités.

La cour d'appel de Paris, assimilant expressément le stage probatoire à une période d'essai, jugeait que sa durée d'un an ne dépassait pas la durée "nécessaire à la démonstration des capacités de l'intéressé" et " que cette durée n'[était] pas déraisonnable au sens de la Convention OIT ".

Au visa des "principes posés" par la Convention n° 158 de l'OIT, de son article 2 § 2b, qui autorise des dérogations pendant une période d'essai d'une durée raisonnable et de l'article 10 de la CCN du Crédit agricole, la Cour de cassation casse cette décision. La motivation, placée dans un chapeau de tête, ajoute encore à la solennité d'un arrêt déjà paré des atours de la publication P+B+R. La Cour y estime, sans détour, "qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée".

  • Effet direct intégral de la Convention n° 158

S'il pouvait demeurer des doutes quant à l'applicabilité directe de l'intégralité de la Convention n° 158 de l'OIT, le doute n'est manifestement désormais plus permis. Alors que la Cour de cassation aurait pu se contenter de viser des articles particuliers de la convention évincés en période d'essai, relatifs, par exemple, à la forme ou à la justification du licenciement, la Chambre sociale invoque, par une formule bien générale, les "principes posés" par la convention.

Il convient cependant de nuancer l'importance d'une telle annonce. En effet, la lecture détaillée de la Convention n° 158 démontre que le droit français du travail est probablement en conformité avec la majorité des dispositions de celle-ci. La justification du licenciement, le formalisme du licenciement, l'interdiction des licenciements discriminatoires et la charge de la preuve en matière de contestation du licenciement sont autant de points traités d'une manière comparable par les deux ordres juridiques. Or, il est probable qu'un texte international ait plus d'intérêt pour les plaideurs lorsque le droit interne s'y oppose...

En revanche, il importe peu, pour juger de la valeur du contrôle opéré, que la Convention n° 158 ait été mobilisée pour évincer l'application d'une convention collective et non d'un texte législatif. Dans un cas comme dans l'autre, l'applicabilité directe était de toute façon nécessaire pour qu'un tel contrôle puisse s'opérer. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ce ne sont pas seulement les durées d'essai conventionnelles qui devront respecter l'exigence d'un délai raisonnable, mais également les durées législatives d'essai.

II - Conséquences envisageables sur la durée des périodes d'essai

La motivation adoptée par la Cour de cassation a également ceci de remarquable qu'elle offre des indices sur le raisonnement adopté par les magistrats en vue de juger que le délai d'un an d'essai prévu par la convention collective n'était pas raisonnable. En énonçant "qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période", la Cour semble, en effet, attacher une importance particulière à la finalité de l'essai et à l'exclusion des règles du licenciement.

  • L'appréciation du caractère raisonnable en fonction des finalités de l'essai

S'agissant du premier élément, la Cour met donc en corrélation la durée de l'essai avec la nécessité d'apprécier les qualités professionnelles du salarié, objectif principal de l'essai (13). On remarquera que c'était déjà un tel contrôle de proportionnalité qui avait été opéré par les juges du fond, lesquels avaient d'ailleurs été plus scrupuleux que la Haute juridiction puisqu'ils avaient analysé l'importance des fonctions du salarié (14).

Si la Cour de cassation se dispense d'une telle analyse, c'est parce qu'elle semble estimer que la durée d'essai d'un an est excessive en elle-même, quelles que soient les fonctions du salarié. Il y aurait donc, d'une certaine manière, deux limites à la durée de la période d'essai. Une première limite d'abord, qui pourrait être dite "limite relative" et devrait être appréciée en fonction de la qualification et des fonctions du salarié. Plus les fonctions de celui-ci seraient élevées et reposeraient sur une forte autonomie, plus la durée de l'essai pourrait être longue. Une seconde limite ensuite, qui pourrait cette fois, être dite absolue, serait une limite maximale qui ne pourrait être dépassée, peu important le degré de responsabilités du salarié.

Ce qu'il faudra donc retenir de cette décision, c'est d'abord que la durée d'un an d'essai dépasse la limite absolue de durée d'essai. Le fait qu'en l'espèce, le salarié ait été congédié au bout de six mois ne change rien à cette appréciation. En effet, le raisonnement de la Cour étant de confronter la durée conventionnelle d'essai à la Convention n° 158 de l'OIT, la durée qu'a effectivement duré l'essai du salarié importe peu. L'article 10 de la CCN du Crédit agricole n'aurait pas dû trouver à s'appliquer, si bien que la période d'essai elle-même n'était pas valable. La solution aurait donc probablement été la même si le salarié avait été remercié après une semaine de travail.

  • L'appréciation du caractère raisonnable en fonction des exigences du droit du licenciement

S'agissant du second élément, la Cour rappelle donc que la durée d'un an est déraisonnable au regard de l'exclusion des règles du licenciement qu'elle implique. Outre que le droit du licenciement est l'objet de la Convention n° 158 de l'OIT, il constitue certainement la pièce maîtresse du droit du travail français, une "pointe minuscule" sur laquelle repose toute entière cette "énorme toupie ventrue" que constitue le droit du licenciement (15). Ecarter le droit du licenciement est une mesure dérogatoire qu'il convient de limiter autant que faire se peut (16).

  • Les difficultés d'appréciation concrète du caractère raisonnable de l'essai

De manière concrète, l'appréciation du caractère raisonnable de la durée d'un essai devrait pourtant demeurer bien délicate. Comme le relevaient les juges de la Cour de justice des Communautés européennes, "le caractère raisonnable d'un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais [...] dans chaque espèce en fonction des circonstances de la cause" (17). L'impossibilité, au moins apparente, d'établir des critères de détermination du caractère raisonnable de la durée de l'essai et l'appréciation in concreto qu'elle implique doit probablement perdurer si l'on accepte l'idée que le concept de délai raisonnable a justement été conçu pour laisser une marge d'appréciation au juge, comme c'est le plus souvent le cas des notions standards auxquelles s'assimile le raisonnable.

Il faut encore s'interroger sur la portée de cette décision, non plus au regard du contenu de la Convention n° 158 de l'OIT autre que les dispositions relatives à l'essai, mais s'agissant des dispositions législatives, conventionnelles voire réglementaires relatives à la période d'essai en droit interne.

  • La portée de l'applicabilité de la convention sur l'essai en droit du travail

Les dispositions relatives à la durée de l'essai en droit du travail ont été chamboulées par la loi du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (18). L'article L. 1221-21 du Code du travail (N° Lexbase : L8446IA3) prévoit ainsi que l'essai, renouvellement compris, peut durer jusqu'à huit mois pour les cadres. Peut-on être bien certain que cette durée de huit mois sera considérée comme raisonnable au regard de la Convention n° 158 de l'OIT ? Bien malin qui peut aujourd'hui répondre à cette question, d'autant que l'appréciation pourrait parfaitement varier selon le degré de responsabilité et l'autonomie des fonctions du cadre concerné.

La même question peut être posée à l'égard des conventions collectives visées par l'article L. 1221-22 du Code du travail (N° Lexbase : L9030IAP), dont le 1° dispose qu'il peut être dérogé aux durées d'essai fixées par le législateur en cas "de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail". A n'en pas douter, une convention collective qui prévoirait une durée d'essai de six mois, renouvelable une fois, tomberait sous le coup de la Convention n° 158 de l'OIT. Les hypothèses sont cependant rarissimes. Il ne reste guère, à notre connaissance, que l'article 16 de la CCN des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 qui, parmi les grandes conventions de branches, comporte encore une telle durée d'essai de douze mois. Reste cependant le tissu conventionnel d'entreprise qui pourrait, à l'occasion, réserver sont lot de surprises.

  • La portée de l'applicabilité de la convention sur l'essai en droit de la fonction publique

Enfin, on peut légitimement se demander ce qu'il va advenir du stage dans la fonction publique. L'issue du débat est ici plus incertaine. La durée habituelle du stage dans la fonction publique est de douze mois (19), si bien que le premier réflexe serait de considérer qu'une telle durée est excessive, comme celle prévue par la Convention collective nationale du Crédit agricole.

Ce raisonnement, un peu rapide, laisse de côté une donnée essentielle du débat : le juge compétent en matière de fonction publique n'est pas le juge judiciaire, mais le juge administratif. Or, il suffit de se remémorer la divergence de jurisprudence qui existait entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation au sujet du caractère raisonnable de la durée de la période de consolidation du contrat "nouvelles embauches" (20). Si les deux ans de cette période constituent un délai raisonnable pour le juge administratif, comment le délai d'un an pourrait ne pas l'être ?

Il est cependant envisageable que le Conseil d'Etat change son fusil d'épaule s'il devait être saisi de cette question. En effet, malgré les liens de parenté évidents entre période d'essai -ou stage du fonctionnaire- et période de consolidation du contrat "nouvelles embauches" (21), il avait été avancé que subsistait une différence de finalité entre les deux périodes. Alors que les premières auraient pour objet d'apprécier les qualités professionnelles du salarié, la seconde était présentée comme ayant pour finalité d'assurer la viabilité économique de l'embauche du salarié dans l'entreprise. Le Conseil d'Etat pourrait donc considérer que, les finalités des deux périodes étant différentes, le caractère raisonnable de leurs durées pourrait varier.

Compte tenu du nombre élevé de fonctionnaires recrutés chaque année, l'idée d'une telle applicabilité de la Convention n° 158 de l'OIT au stage de la fonction publique pourrait faire craindre un véritable séisme dans la fonction publique. Pour autant, là encore, les effets d'une telle décision seraient certainement très limités, ce principalement parce qu'il est reconnu depuis longtemps déjà que la pratique du stage dans la fonction publique tient largement de la formalité -au sens figuré- et qu'il est rarissime qu'un fonctionnaire ne soit pas titularisé à l'issue de cet essai (22).

Pour conclure, on conviendra que l'importance théorique et la solennité de la décision rendue contrastent très sérieusement avec la faiblesse bien probable de sa portée pratique.


(1) Lire nos obs., La distinction entre stage et notions proches, Lexbase Hebdo n° 213 du 3 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7789AKP) ; P. Etiennot, Stage et essai en droit du travail, RJS, 1999, p. 623.
(2) Rappelons que les stages en entreprise doivent désormais obligatoirement faire l'objet d'une gratification s'ils excèdent une durée de trois mois, obligation instituée par les articles 9 et 10 de la loi pour l'égalité des chances (loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, pour l'égalité des chances, art. 9 et 10 N° Lexbase : L9534HHL) et nos obs., Un meilleur statut pour les stagiaires, Lexbase Hebdo n° 210 du 12 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6899AKQ).
Le montant de cette gratification, pour un stagiaire à temps plein, équivaut, sauf convention plus favorable à 398,13 euros par mois depuis le décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008, relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise (N° Lexbase : L7913H3H). V. F. Taquet, La nouvelle réglementation des stages, JCP éd. E, 2008, n° 1287.
(3) Cass. soc., 15 mai 2008, n° 07-42.289, M. Alexis di Stefano, F-D (N° Lexbase : A5436D8T) et nos obs., Des difficultés naissant du cumul entre stage et période d'essai, Lexbase Hebdo n° 306 du 28 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9810BE3).
(4) Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-41.797, Société Exa informatique c/ M. Alain Scheffmann, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4306DHX) et les obs. de N. Mingant, Définition et régime juridique de la période probatoire, Lexbase Hebdo n° 163 du 13 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3108AIX), SSL, 11 avril 2005, n° 1210, p. 5, concl. J. Duplat ; RJS, 2005, p. 423, note J.- Y. Frouin ; D., 2005, pan., p. 2501 ; JCP éd. S, 2005, II, 10083, note N. Bataille-Nevejans.
(5) V. V. Bockel, La condition juridique du stagiaire dans le régime français de la fonction publique, RDP, 1966, p. 265 ; J. Berthoud, La situation juridique du fonctionnaire stagiaire, RFDA, 2004, p. 1009.
(6) V., par exemple, l'article 16 de la Convention collective nationale des réseaux et transports publics urbains de voyageurs, invoqué devant la Chambre sociale de la Cour de cassation dans plusieurs arrêts : Cass. soc., 16 décembre 2003, n° 01-44.241, M. Daniel Dumontier c/ Société d'économie mixte Distransport, F-D (N° Lexbase : A4814DAK), JSL, 9 mars 2004, n° 141, obs. N. Rérolle ; Cass. soc., 5 mai 2004, n° 01-47.071, M. Thierry Taiclet c/ Société Compagnie des transports de la région de Belfort (CTRB), FS-P+B (N° Lexbase : A0472DCH).
Les hypothèses de statuts d'anciennes entreprises publiques sont nombreuses. V., par exemple, concernant les stages chez EDF, Cass. soc., 12 décembre 2000, n° 98-45.296, M. Frédéric Percheron c/ Electricité de France (N° Lexbase : A1660AIC) ; v., également, concernant les stages prévus par le statut du personnel des Caisses d'épargne, Cass. soc., 7 mars 1990, n° 85-44.431, M. Salinière c/ Caisse d'épargne de Paris (N° Lexbase : A1536ABI).
(7) Cass. soc., 27 novembre 2002, n° 00-46.453, Electricité de France c/ Mme Marie-France Roger, F-D (N° Lexbase : A1201A4A).
(8) V., par ex., Cass. soc., 1er juillet 1998, n° 97-40.138, Mme Isabelle Beltran c/ Société anonyme Distribution des Boyères Intermarché Sadibo, inédit (N° Lexbase : A0640CLB) ; Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 98-40.493, Mme De L'Hamaide c/ Société Radiospares (N° Lexbase : A4917AG9).
(9) CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, CGT et autres ([LXB=A9977DK]), D., 2006, Jur. p. 629, note G. Borenfreund ; JCP éd. E, 2005, II, 1652, note P. Morvan ; JCP éd. S, 2005, 1317, concl. C. Devys, note R. Vatinet ; SSL, 7 janvier 2006, n° 1243, p. 5, chr. P. Rodière.
(10) Cass. soc., 29 mars 2006, n° 04-46.499, Société Euromédia Télévision c/ M. Christophe Peter, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8311DN7) et les obs. de N. Mingant, Le droit français du délai-congé à l'épreuve de la convention internationale du travail relative au licenciement, Lexbase Hebdo n° 212 du 26 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7427AKB), RJS, 2006, p. 397, n° 561 ; Dr. soc., 2006, p. 636, avis J. Duplat ; JCP éd. S, 2006, p. 1427, note R. Vatinet ; D., 2006, p. 2228, note L. Perrin.
(11) Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, M. Philippe Samzun, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4245D94) et les obs. de Ch. Willmann, Après le législateur, la Cour de cassation invalide à son tour le CNE, Lexbase Hebdo n° 315 du 30 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6964BGZ), RJS, 10/08, p. 775, rapp. J.- M. Béraud ; D., 2008, p. 1986, obs. S. Maillard.
(12) J.- M. Béraud, préc., spéc. note n° 5.
(13) Sur cette question, v. notre ouvrage, L'essai en droit privé, thèse Bordeaux, 2008, dactyl., sous la dir. de Ch. Radé, pp. 313 et s..
(14) V. B. Géniaut, La proportionnalité dans les relations du travail - De l'exigence au principe, Dalloz, 2009, et les développements consacrés à l'application du principe de proportionnalité durant la période d'essai.
(15) Citant le Professeur Dupeyroux, v. G. Couturier, Droit du travail - 1) Les relations individuelles de travail, PUF, coll. Droit fondamental, 3ème éd. mise à jour, 1996, p. 202.
(16) L'essai en droit privé, préc., pp. 389 et s..
(17) CJCE, 15 octobre 2002, aff. C-238/99 P, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM) c/ Commission des Communautés européennes (N° Lexbase : A2782A3G), Rec. CJCE, I, 8375, considérant n° 192.
(18) A. Sauret, La période d'essai, JCP éd. S, 2008, 1364 ; J. Mouly, Une innovation ambiguë : la réglementation de l'essai, Dr. soc., 2008, p. 288 ; Sur le caractère impératif de la durée des nouvelles périodes d'essai, SSL, 28 avril 2008, n° 1351, p. 6 ; G. Auzero, Article 2 de la loi portant modernisation du marché du travail : les nouvelles périodes d'essai, Lexbase Hebdo n° 312 du 9 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5224BGL).
(19) Il arrive, cependant, qu'en fonction du cursus antérieur du fonctionnaire ou, au contraire, de l'exigence d'une formation initiant son entrée dans la fonction publique, la durée du stage soit ramenée à six mois ou allongée jusqu'à dix-huit mois.
(20) Alors que la Cour de cassation a jugé cette durée excessive (Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 97-40.138, préc.), le Conseil d'Etat a jugé ce contrat conforme à la convention n° 158 de l'OIT (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, préc.).
(21) Sur cette question, v., L'essai en droit privé, préc., pp. 48 et s..
(22) V. Bockel, La condition juridique du stagiaire dans le régime français de la fonction publique, préc., spéc. p. 269.


Décision

Cass. soc., 4 juin 2009, n° 08-41.359, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6421EHB)

Cassation, CA Paris, 22ème ch., sect. B, 15 janvier 2008, n° 06/08258, M.X (N° Lexbase : A5541D4Y)

Textes visés : Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail du 22 juin 1982 travail (N° Lexbase : L0963AII) ; CCN du Crédit Agricole, art. 10

Mots-clés : période d'essai ; stage ; Convention n° 158 de l'OIT ; durée raisonnable

Lien base :

newsid:356555

Contrat de travail

[Jurisprudence] TF1 production pris à son propre jeu ! (à propos de la requalification des contrats des participants à l'émission de télévision "L'Ile de la tentation")

Réf. : Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981, Société Glem, devenue TF1 production, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5653EHT)

Lecture: 12 min

N6564BKC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356564
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Il est des affaires qui ont le don de déclencher les passions et de faire sortir les juristes de leur traditionnelle réserve, tant elles mettent en jeu, réellement ou symboliquement, des valeurs fortes de notre société. Tel est incontestablement le cas de l'affaire dite de "L'Ile de la tentation" (I), qui vient de connaître son épilogue avec l'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 3 juin 2009. De cette décision ressort essentiellement que les participants à l'émission litigieuse devaient bien bénéficier du statut de salarié, comme l'avait jugé la cour d'appel de Paris (II), mais que l'existence d'un travail dissimulé devra être rediscutée, puisque les trois arrêts entrepris ont été, sur ce point, cassés en raison d'une motivation inopérante (III). TF1 production, qui n'avait pas résisté à la tentation de maquiller les contrats de travail en contrats de "participant", est donc prise à son propre jeu !
Résumé

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Ayant constaté que les participants avaient l'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu'ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu'ils étaient orientés dans l'analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi, la cour d'appel, qui, répondant aux conclusions, a caractérisé l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société Glem, et ayant pour objet la production d'une "série télévisée", prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production.

Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.

Commentaire

I - L'affaire de "L'Ile de la tentation"

  • Définition du contrat de travail

Le Code du travail n'a pas pris la peine de définir le contrat de travail et c'est donc vers la doctrine et la jurisprudence qu'il convient de se tourner.

La doctrine a, ainsi, pu définir le contrat de travail comme "la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'un autre, sous la subordination de laquelle elle se place, et moyennant une rémunération" (1).

La Cour de cassation n'a jamais, à proprement parler, défini le contrat de travail, se contentant de rechercher l'existence d'un critère de subordination juridique, défini depuis l'arrêt "Société générale", rendue en 1996, comme "l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné" (2).

Pour caractériser ce lien, la Cour de cassation a, également, déterminé une méthode, dite du faisceau d'indices, qui impose aux juges du fond de s'intéresser aux conditions de fait de l'exécution de la prestation de travail, sans s'en tenir à la qualification adoptée par les parties, leur "seule volonté" étant "impuissante à soustraire" le travailleur "au statut social qui découlait nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail" (3). Depuis 1991, la formule jurisprudentielle est stable : "l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs" (4).

Le caractère à la fois assez général et très pragmatique de la définition du contrat de travail a permis de requalifier les contrats les plus divers (entreprise, mandat) ou d'appréhender de pures situations de fait.

  • L'affaire

L'affaire soumise à l'examen de la Chambre sociale de la Cour de cassation était, toutefois, particulièrement originale, puisqu'elle concernait la nature du lien juridique unissant les participants à l'émission de télévision "L'Ile de la tentation" et le producteur de l'émission, à la suite des arrêts rendus par la cour d'appel de Paris dans cette affaire (5) et différentes décisions des juges du fond majoritairement orientées en faveur de la qualification de contrat de travail.

L'affaire ayant été déjà largement évoquée dans les colonnes de cette revue (6), nous nous contenterons de rappeler que, dans ses trois arrêts, la cour d'appel de Paris avait non seulement requalifié les contrats dits de "participant" en contrat de travail, mais, également, condamné la société Glem pour travail dissimulé, provoquant, ainsi, de très nombreuses réactions d'hostilité dans la doctrine (7) et peu de soutien (8).

Glem s'étant, bien entendu, pourvu en cassation contre ces arrêts, l'affaire était logiquement venue devant la Chambre sociale de la Cour de cassation. Alors que le rapport du conseiller semblait hésitant, quoique semblant plutôt aller dans le sens du rejet, les conclusions de l'avocat général étaient franchement hostiles aux arrêts rendus par la cour d'appel de Paris et réclamaient clairement leur cassation totale, comme cela est rappelé dans le communiqué de presse publié en marge de l'arrêt sur le site internet de la Cour de cassation.

Devant le matraquage juridico-médiatique qui a accompagné la préparation de l'arrêt rendu par la Chambre sociale, le résultat était attendu avec une certaine curiosité, même si une lecture attentive et neutre du dossier inclinait à penser que la cour d'appel de Paris avait pris soin de s'inscrire dans la ligne définie depuis longtemps par la Chambre sociale de la Cour de cassation (9).

L'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 3 juin 2009 et qui rejette pour l'essentiel le pourvoi sur l'existence d'un contrat de travail, tout en cassant pour manque de base légale l'arrêt en ce qu'il avait condamné Glem pour travail dissimulé, est intéressant, même s'il n'est pas particulièrement surprenant.

II - L'existence d'un contrat de travail

  • Arguments développés par le demandeur

L'argumentation développée par le demandeur au pourvoi reposait sur deux points liés l'un à l'autre, mais qui méritaient certainement d'être traités séparément : en premier lieu, le demandeur prétendait qu'il ne pouvait être question de contrat de travail dans ce genre d'affaire, faute de "prestation de travail", objet de la convention litigieuse, et qu'aucun lien de subordination juridique ne liait les participants à l'émission au producteur. Il ne pouvait donc y avoir de contrat de travail à la fois par principe, à défaut d'une quelconque activité professionnelle digne de constituer l'objet du contrat de travail et, en l'espèce, en l'absence de tout pouvoir du producteur sur des participants, uniquement livrés à eux-mêmes pendant l'émission.

  • Sur l'existence d'une "prestation de travail"

L'essentiel du débat portait donc sur la détermination de l'objet du contrat de travail, le demandeur au pourvoi, ainsi qu'un certain nombre d'auteurs prétendant, en substance, qu'il ne serait pas, par principe, possible de qualifier de "prestation de travail" la participation à une émission de téléréalité, car le droit du travail ne serait pas fait pour ce type d'activités.

On saura gré à la Cour de cassation de n'être pas entrée dans ce genre de considération, car le propre de la qualification de contrat de travail est de saisir largement toutes les facettes du travail subordonné. A partir du moment où il était établi que l'émission ne consistait pas simplement à filmer les ébats libres de quelques couples en mal de célébrité, mais bien d'orchestrer de manière minutieuse un véritable spectacle vivant, alors, comment nier que l'activité des participants entrait nécessairement dans une sphère "professionnelle", c'est-à-dire dans le cadre d'une activité destinée à produire des profits pour son promoteur ?

  • La vérification d'un véritable pouvoir de subordination juridique sur les candidats

Il y a "subordination" lorsqu'une personne se soumet à l'autorité d'une autre et reconnaît ainsi à celle-ci le pouvoir de diriger son activité et de la sanctionner en cas de non-respect. On parlera de subordination "juridique" lorsque la subordination résulte non pas d'une simple situation de fait, mais lorsque l'autorité et les pouvoirs résultent d'un acte juridique, singulièrement d'un contrat.

Selon le pourvoi, les règles imposées aux participants à des émissions de téléréalité ne pouvaient pas caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique, car elles seraient inhérentes à la nature même des émissions de téléréalité qui, comme d'autres activités humaines, seraient nécessairement encadrées, sans qu'il s'agisse nécessairement de contrats de travail.

Cet argument était sans réelle portée. Bien entendu, toute activité doit être encadrée, comme les jeux de société ou le sport. Mais, contrairement aux affirmations du pourvoi, il est plus que rare de lire dans les règles d'un jeu de société des dispositions infligeant aux mauvais joueurs des sanctions financières allant jusqu'à 15 000 euros...

Mais, ce qui permet de dire qu'un lien de subordination juridique, caractéristique du contrat de travail, existe, c'est bien qu'un acte juridique a été conclu entre les parties, que cet acte confère à l'une d'entre elles (l'employeur) le pouvoir de contraindre l'autre (le salarié) à respecter ses directives et ce, dans le but de réaliser l'opération économique pour laquelle le salarié a été recruté et dont l'employeur assure la réalisation, en assume les risques et en retire les profits.

  • Le bon travail de qualification des juges du fond

La qualification de lien de subordination juridique s'imposait en premier lieu à la lecture du règlement du jeu, comme cela a été parfaitement relevé de manière minutieuse par la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 12 février 2008.

Deux clauses du règlement, toutes visées et analysées dans l'arrêt d'appel, attestaient des pouvoirs conférés par l'acte au producteur pour diriger l'activité des participants. Il s'agissait de l'article 3.3.2. du règlement, par lequel "le participant est conscient et accepte que son séjour pendant le tournage et les conditions de vie des participants soient déterminées exclusivement par le producteur et/ou la production", le texte précisant que "le participant s'engage à suivre les règles du programme qui lui seront communiquées " et de l'article 3.8.1. imposant aux participants "notamment" de "suivre les recommandations de sécurité" (existence d'une obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l'employeur), de "répondre aux questions du présentateur", "d'accepter d'être filmé", "de participer à toutes les interviews et répondre sincèrement aux questions", de "participer loyalement aux différentes activités et réunions", etc..

La lecture de ces deux clauses est particulièrement éclairante et montre, d'ailleurs, la véritable nature de l'émission. Loin de se contenter de laisser les participants vivre librement leur vie et de les filmer, comme on filmerait un document ethnographique, il s'agit, en réalité, de mettre celle-ci en scène afin de produire une émission de télévision destinée à répondre à un scénario imposé par la production et de diriger leur comportement en les soumettant à des activités précises.

L'examen des éléments versés au dossier, et parfaitement analysés par la cour d'appel de Paris dans son arrêt en date du 12 février 2008, démontrait de manière incontestable que le producteur de l'émission s'était bien réservé le pouvoir juridique de sanctionner les participants qui ne se plieraient pas aux instructions du producteur.

Comme l'avait relevé la cour d'appel de Paris, deux dispositions du règlement contractuel du jeu l'attestaient plus particulièrement ; il s'agissait de l'article 8.1., qui permettait au producteur d'"éliminer le participant et le rapatrier en France [...] dans le cas où le participant ne respecterait pas les règles du programme ou l'une quelconque des obligations mentionnées dans le présent règlement", et de l'article 3.7.5., qui donne le pouvoir au producteur d'exiger le remboursement des sommes versées aux participants en cas de violation de la clause de confidentialité.

L'examen de ces clauses montrait clairement que ce règlement constituait, en réalité, un véritable "règlement intérieur" de l'entreprise "Ile de la tentation", porteur, à la fois, d'obligations pour les participants et fixant les sanctions infligées en cas de violation.

L'article 8.1. prévoyait, d'ailleurs, la possibilité d'éliminer un participant, ce qui entraîne la rupture du contrat passé avec ce dernier et constitue de manière patente une rupture anticipée du contrat pour faute, à l'image d'un licenciement pour faute ou d'une résiliation anticipée de contrat à durée déterminée pour faute grave, et l'article 3.7.5., stipulant même la possibilité d'infliger au contrevenant une véritable sanction pécuniaire, dont on sait qu'elle est interdite par le Code du travail.

L'examen de l'ensemble de ces éléments établissait donc bien l'existence d'un lien de subordination juridique, parfaitement caractérisé par la cour d'appel de Paris. Non seulement le producteur s'est bien réservé le pouvoir de diriger et d'encadrer l'activité professionnelle des participants ("l'exécution d'un travail subordonné par M. B. est donc caractérisée tant par les dispositions contractuelles que les conditions de travail dans un site clos et sous la direction de l'équipe de tournage"), mais celui-ci s'est ménagé un véritable pouvoir disciplinaire lui reconnaissant le droit de rompre, en raison d'une violation du règlement, le contrat pour faute avant son terme et d'infliger, à titre de sanction, le remboursement des sommes versées.

Il est, enfin, nécessaire de rappeler que, si les juges du fond se doivent de caractériser les éléments constitutifs du contrat de travail à l'aide des indices dégagés par la jurisprudence, ils apprécient "souverainement la valeur et la portée des documents produits" (10).

Le lien de subordination juridique a, ainsi, été légalement caractérisé, à l'aide des indices adéquats dont la valeur et la portée ont été souverainement appréciés par les juges du fond.

III - La cassation de la condamnation pour travail dissimulé pour manque de base légale

  • L'arrêt entrepris

La cour d'appel de Paris avait, dans ces affaires, condamné Glem pour travail dissimulé au vu de trois éléments, considérés par le pourvoi comme insuffisants : "la proposition de signature d'un règlement participant au lieu d'un contrat de travail" ; "l'absence de déclaration d'embauche et paiement de cotisations sociales" ; "l'absence d'établissement de bulletins de salaire".

La cassation de l'arrêt sur ce point, prononcée par la Haute juridiction, n'allait pas de soi, bien au contraire.

  • L'état de la jurisprudence

En premier lieu, l'appréciation de l'intention relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (11). Certes, et comme le précisait le rapport du conseiller dans cette affaire, la référence au pouvoir souverain des juges du fond n'est pas exclusive d'un contrôle de la motivation, soit lorsque les juges affirment le caractère intentionnel sans le caractériser, soit lorsqu'ils retiennent des motifs considérés par la Haute juridiction comme étant inopérants.

Dernièrement, la Haute juridiction avait eu l'occasion de se montrer exigeantes avec des juges du fond qui avaient retenu, un peu rapidement selon elle, la qualification de travail dissimulé. Mais ces décisions censurées se contentaient de viser un seul motif pour caractériser l'élément intentionnel de la dissimulation d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie (12). Par ailleurs, l'examen de la jurisprudence montre que la Chambre sociale se contente de motivations souvent très sommaires, notamment, que l'employeur "ne pouvait ignorer l'amplitude du travail de son salarié" (13). Ajoutons que ces arrêts ne concernaient que l'hypothèse particulière de la dissimulation de travail par la dissimulation d'heures travaillées sur le bulletin de salaire, visée par le 2° de l'article L. 8221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L3597H94). Dans ce cas de figure, il est parfaitement normal que l'intention ne puisse résulter du seul constat de l'absence des heures sur le bulletin de salaire, car rien ne permet, alors, de distinguer selon que l'absence résulte d'une erreur commise de bonne foi par l'employeur (14) ou de sa volonté réelle de les dissimuler.

Mais, dans cette affaire, le cas de figure était différent puisqu'il s'agissait non pas de salariés régulièrement déclarés et à qui on aurait versé une partie de leur rémunération sans la déclarer, mais de l'autre cas de figure, visé par le 1° de l'article L. 8221-5 du Code du travail, qui concerne la dissimulation d'emploi, ce qui pouvait suggérer que l'intention de dissimuler pourrait être déduite du seul fait que le producteur s'était volontairement situé dans une qualification autre que celle de contrat de travail, précisément pour éluder l'application des Codes du travail et de la Sécurité sociale.

C'est, d'ailleurs, selon nous, ce qui explique ce qui a pu apparaître comme une divergence entre la Chambre sociale et la Chambre criminelle de la Cour de cassation, les arrêts rendus par la première concernant la dissimulation d'heures de travail, alors que la seconde avait à connaître d'hypothèses distinctes de dissimulation d'embauche (15).

  • L'avenir de la décision

La cassation de l'arrêt sur ce point ne clôt pas l'affaire, bien au contraire, mais la relance, puisque la cour d'appel de Paris, autrement composée, aura à statuer précisément sur la question du travail dissimulé et devra retenir d'autres indices pour parvenir à cette conclusion. Rappelons que l'enjeu de ce renvoi est économiquement primordial dans la mesure où la cour d'appel de Paris avait accordé un peu plus de 16 000 euros de dommages et intérêts à chaque participant de ce fait (sur un total de 27 000 euros environ), soit plus de 60 % des sommes totales allouées...


(1) Traité du droit du travail. Tome 1. Contrat de travail, Dalloz, 1ère éd., 1968.
(2) Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187, Société générale c/ Urssaf de la Haute-Garonne (N° Lexbase : A9731ABZ).
(3) Ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-15.290, SA Ecole des Roches (N° Lexbase : A3665ABD), D., 1983, p. 381, concl. M. Cabannes.
(4) Cass. soc., 17 avril 1991, n° 88-40.121, M. Scarline et autres c/ Société Lalau (N° Lexbase : A9244AAM), Bull. civ. V, n° 200.
(5) CA Paris, 18ème ch., sect. D, 12 février 2008, 3 arrêts, n° 07/02721, Société Glem N° Lexbase : A0261D7S, n° 07/02722 N° Lexbase : A0260D7R et n° 07/02723 N° Lexbase : A0250D7E ; lire Questions à Maître Assous : quand la téléréalité devient fiction, Lexbase Hebdo n° 334 du 21 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3536BIS).
(6) Lire les obs. de S. Tournaux, Les candidats salariés de "l'Ile de la tentation", Lexbase Hebdo n° 296 du 12 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3805BEN) et Questions à Maître Assous : quand la téléréalité devient fiction, préc..
(7) Niant la possibilité de reconnaître l'existence d'un contrat de travail : P. Morvan, Téléréalité et contrat de travail, SSL, 2006, n° 1278, p. 5, et n° 1279, p. 6. ; J.-E. Ray, Sea, sexe... and contrat de travail ?, LS n° 99, février 2009, p. 42 ; J. Barthélémy, Qualification de l'activité du participant à une émission de téléréalité, SSL, 12 janvier 2009, p. 8 ; P.Y. Verkindt, Prendre le travail (et le contrat de travail) au sérieux, JCP éd. S, 2009, Actualités 41. Prétendant qu'un tel contrat serait, en toute hypothèse, nul, pour indignité : G. François, Nullité du contrat de travail des participants à une émission de téléréalité, JCP éd. S, 2009, p. 1196.
(8) Retenant la possibilité d'un contrat de travail, dans une émission comparable, D. Cohen et L. Gamet, Lof-story : le jeu travail, Dr. soc., 2001, p. 791.
(9) Nous avons eu cette chance à l'occasion d'une consultation, réalisée à la demande de Maître Assous, sur les chances de succès devant la Haute juridiction. Nous avions conclu au rejet des pourvois, y compris sur la question du travail dissimulé, qui a justifié la cassation partielle.
(10) Dernièrement Cass. soc., 2 décembre 2008, n° 07-44.685, F-D (N° Lexbase : A5325EBT).
(11) Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 02-46.967, Société Maladis c/ M. Stéphane Fraissines, FS-P+B (N° Lexbase : A0788DGB), Dr. soc., 2005, p. 472, et nos obs. ; Cass. soc., 9 mai 2006, n° 04-44.050, Société LIDL c/ M. Jean-Michel Aufèvre, F-D (N° Lexbase : A3556DPE) ; Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-48.400, M. Sébastien Labbé, F-D (N° Lexbase : A3340DSI) ; Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-44.964, Société Ambulances Les Saules, venant aux droits de la société Ambulances du Grand Morin, F-D (N° Lexbase : A0580D7M) ; Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-43.260, Société Croissanterie du Golf, F-D (N° Lexbase : A8752D7B) ; Cass. soc., 26 novembre 2008, n° 07-42.437, Société Pont neuf automobile (PNA), F-D (N° Lexbase : A4669EBK).
(12) Cass. soc., 29 juin 2005, n° 04-40.758, Société Bauhaus France c/ M. Jean Marcel, F-P+B (N° Lexbase : A8637DIQ), Bull. civ. V, n° 222 ; Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-43.260, Société Croissanterie du Golf, F-D (N° Lexbase : A8752D7B).
(13) Cass. soc., 16 décembre 2005, n° 03-45.288, M. Philippe Bleriot c/ M. Djamel Satour, F-D (N° Lexbase : A9873DLA) ; Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.340, Société Cotard formation, F-D (N° Lexbase : A8959D7X).
(14) Erreur assez fréquente compte tenu de la complexité de la réglementation sur la durée du travail et sur les difficultés d'établir avec précision le nombre d'heures de travail effectuées par un salarié, surtout lorsque celui-ci jouit d'une grande autonomie dans l'exécution de son contrat de travail.
(15) Cass. crim., 19 mars 2002, n° 01-83.509, Le Procureur général près la cour d'appel d'Amiens, inédit (N° Lexbase : A9082CWB) ; Cass. soc., 8 juin 2004, n° 03-86.839, inédit ; Cass. crim., 27-09-2005, n° 04-85.558, X. Jacques (N° Lexbase : A8889DM8) ; Cass. crim., 17 juin 2008, n° 07-87.518, Saidi Nadya, partie civile, F-P+F+I (N° Lexbase : A7965D9U), Bull. crim., n° 155.


Décision

Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981, Société Glem, devenue TF1 productions, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5653EHT)

Cassation partielle CA Paris, 18ème ch., sect. D, 12 février 2008, 3 arrêts, n° 07/02721, Société Glem (N° Lexbase : A0261D7S), n° 07/02722 (N° Lexbase : A0260D7R) et n° 07/02723 (N° Lexbase : A0250D7E)

Textes concernés et visés : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) et L. 8221-5 (N° Lexbase : L3597H94)

Mots clef : contrat de travail ; qualification ; travail dissimulé ; éléments constitutifs

Lien base :

newsid:356564

Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - juin 2009

Lecture: 12 min

N6560BK8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356560
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique débute par la question de l'imposition en France d'une société de capitaux sise à Mayotte -liée à la France par une Convention fiscale bilatérale- et membre d'une société en participation bretonne (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2009, n° 301763, SAS Ets Chevannes, Merceron Ballery). Puis, s'agissant des dépenses de mise aux normes imposées par le droit communautaire vues par l'administration fiscale comme des actifs non déductibles de la base imposable, le Conseil d'Etat censure la doctrine administrative émise en 1997 applicable aux faits de l'espèce (CE 9° s-s., 7 mai 2009, n° 312058, SA Eurotungstène Poudres). Enfin, s'agissant du régime de l'imposition forfaitaire annuelle, le Haut conseil juge que le chiffre d'affaires à retenir peut être retranché de l'activité exercée à l'étranger pourvu que des éléments de preuve suffisamment précis puissent être apportés dans ce sens par le contribuable (CE 9° et 10° s-s-r., 22 mai 2009, n° 300478, Société Mehrweg Dépôt).
  • Imposition en France d'une société de capitaux mahoraise membre d'une société en participation bretonne (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2009, n° 301763, SAS Ets Chevannes, Merceron Ballery N° Lexbase : A1804EHB)

La société Somapec, société anonyme dont le siège social est à Mayotte, exploite un thonier-senneur-congélateur dans l'Océan indien. Cette société est membre d'une société en participation, la société Sovetpar, sise à Concarneau et dont l'objet social est "la mise en commun de toute la production de ses membres et des bénéfices ou des pertes résultant de sa commercialisation et accessoirement l'achat de poissons auprès de tiers en vue de sa vente". Au titre des années 1991 et 1994, la société Somapec a fait l'objet de redressements pour ne pas avoir déclaré la quote-part de résultat lui revenant à raison de ses droits dans la société en participation (CGI, art. 218 bis N° Lexbase : L4046HLG). Contestant tant la régularité de la procédure suivie à son encontre que le bien-fondé des redressements, la société par action simplifiée Chevannes Merceron Ballery -venant aux droits de la société Somapec- sera en définitive déboutée par la juridiction d'appel (CAA Paris, 5ème ch., 4 décembre 2006, n° 05PA03504, Société Chevannes, Merceron Ballery N° Lexbase : A4359DTM) et par le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 18 mai 2009.

Qualifié de véritable "sac d'embrouilles" par le Professeur Maurice Cozian (M. Cozian, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec, 4ème édition, 1999, p. 289), le droit fiscal applicable aux sociétés de personnes est complexe, à commencer par le vocabulaire arrêté par certains courants de la doctrine désignant comme société translucide ce qui devrait relever de la fiscalité des sociétés semi-transparentes (1). Cette complexité est d'autant plus importante dans un contexte international que l'approche des Etats peut différer sensiblement et que rares sont les Conventions fiscales bilatérales en traitant expressément.

En l'espèce, une société anonyme sise à Mayotte -liée à la France métropolitaine par une convention visant à éviter les doubles impositions (Convention France-Territoire des Comores des 27 mars et 8 juin 1970 N° Lexbase : L6679BHT)- est membre d'une société en participation bretonne qui se singularise par l'absence de personnalité morale faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (C. civ., art. 1871 N° Lexbase : L2069ABA). Résultant d'un contrat entre les associés -et non d'un comportement, ce qui la distingue d'une société créée de fait- la société en participation relève de l'article 8 du CGI (CGI, art. 8 N° Lexbase : L2311IB9) car elle ne dispose pas de la pleine personnalité fiscale à moins d'opter -dans les conditions légales- pour le régime de l'IS ou -accidentellement- si les noms et adresses des associés personnes physiques n'ont pas été communiqués en temps utiles à l'administration fiscale (2). Au cas particulier, le Conseil d'Etat réitère la solution selon laquelle une société en participation est une entité juridique distincte de ses membres (v. pour la vérification de comptabilité diligentée à l'égard d'une société de personnes : CE Contentieux, 8 avril 1994, n° 60405, Touchais N° Lexbase : A5515AYW ; les sociétés de l'article 8 "sont tenues aux obligations qui incombent normalement aux exploitants individuels", CGI art. 60 N° Lexbase : L1599HLS, pour une illustration : CE 3° et 8° s-s-r., 5 septembre 2008, n° 286393, SNC Viver Promotion N° Lexbase : A0988EAT). Par conséquent, la société en participation est un sujet de droit fiscal et la doctrine administrative en conclut que : "La détermination du lieu où est exercée l'activité ou du lieu où est située l'exploitation doit se faire au niveau de la société ou du groupement de personnes et non de ses membres : il en résulte qu'une société étrangère membre d'une société de personnes française est imposable en France à raison de sa participation même si elle n'a pas elle-même d'exploitation située en France au sens de l'article 209-I du CGI" (Doc. adm. 4 H 1422, 1er mars 1995, § 56 ; instruction du 16 avril 2002, BOI 8 M-2-02 N° Lexbase : X0681ABT ; instruction du 26 février 2003, BOI 4 H-1-03 N° Lexbase : X3745ABC). Au cas d'espèce, l'instruction a permis de mettre en évidence que les décisions de commercialisation, ainsi que l'encaissement des recettes s'y rapportant, avaient lieu en France. Par suite, les bénéfices dégagés par la société en participation Sovetpar devaient être imposés en France quand bien même leurs membres ne résideraient pas dans l'Hexagone et que la pêche était effectuée à plusieurs milliers de kilomètres de Paris. Sur ce plan, il n'y a pas de surprise si l'on se rappelle que cette décision a fait l'objet d'un précédent sous la plume de la cour administrative d'appel de Paris au début des années 90 où il était également question d'une société en participation -la société Sovetpar !- constituée par une douzaine de sociétés françaises et ivoiriennes et dont l'objet était la mise en commun de toute leur production de poisson et le partage des bénéfices ou des pertes résultant de leur commercialisation (CAA Paris, 3ème ch., 6 novembre 1990, n° 89PA01987, Société des conserves de Côte-d'Ivoire N° Lexbase : A8927A87). On relèvera, également, dans le sillage des décisions "Société Kingroup" et "Société Hubertus AG" (CE Contentieux, 4 avril 1997, n° 144211, Société Kingroup N° Lexbase : A9276ADW, concl. F. Loloum, RJF, mai 1997, p. 293 ; G. Tixier et A.-G. Hamonic-Gaux, D., 1997, p. 490 ; B. Gouthière, L'imposition des associés non-résidents des sociétés de personnes, Bulletin Fiscal Francis Lefebvre, août 1997, p. 565 ; CE 8° et 9° s-s-r., 9 février 2000, n° 178389, Société Hubertus AG N° Lexbase : A9245AGI, concl. J. Arrighi de Casanova, Dr. fisc., 2000, comm. 310) que l'existence d'une Convention fiscale bilatérale ne fait pas obstacle -par principe et en l'absence d'une stipulation conventionnelle contraire- à l'assujettissement en France d'une société de capitaux étrangère membre d'une société de personnes française en l'absence d'établissement stable dans notre pays (3). En d'autres termes, pour écarter l'application de la loi interne, la Convention fiscale bilatérale doit contenir une stipulation en ce sens.

Dans ces conditions, il est probable que la récente évolution jurisprudentielle des juges du fond issue de l'arrêt "Société Quality Invest (4) (CAA Paris, 5ème ch., 10 avril 2008, n° 06PA03686, Société Quality Invest N° Lexbase : A4677D8Q, v. note RJF, décembre 2008, n° 1300) s'écartant sensiblement de la décision "Kingroup", sera prochainement censurée par la Haute juridiction administrative actuellement saisie d'un pourvoi en cassation. La décision "Chevannes, Merceron Ballery" réitère le principe de la primauté du droit interne -et corrélativement de la subsidiarité du droit conventionnel (CE Contentieux, 17 mars 1993, n° 85894, Memmi N° Lexbase : A8711AML ; CE Contentieux, 28 juin 2002, n° 232276, Société Schneider Electric N° Lexbase : A0219AZ7, concl. S. Austry, BDCF, octobre 2002, n° 120) indépendamment de la situation de la société étrangère au regard de la législation applicable dans le pays de résidence (CE 3° et 8° s-s-r., 13 juillet 2007, n° 290266, Société Pacific Espace N° Lexbase : A2858DX7, concl. F. Séners, BDCF, novembre 2007, n° 132) ; ce qui, d'une part, ne permet pas à une Convention bilatérale de servir par elle-même de base légale à une imposition en l'absence de dispositions de droit interne en ce sens ; et, d'autre part, est susceptible d'entraîner des cas de double imposition ou de double exonération. Au regard de la convention fiscale en vigueur entre la France et Mayotte, la solution donnée par le Conseil d'Etat consiste alors à considérer que l'article 9 ne vise que les revenus "réalisés en propre par une entreprise et non ceux que celle-ci reçoit en qualité de membre d'une société en participation" ; ce qui rejoint la solution déjà développée dans la jurisprudence "Kingroup" précitée et ne permet pas à la société requérante de s'en prévaloir utilement.

  • Dépenses de mise aux normes : déductibilité du résultat imposable (CE 9° s-s., 7 mai 2009, n° 312058, SA Eurotungstène Poudres N° Lexbase : A7727EGB)

Toutes les dépenses effectuées par une entreprise n'entraînent pas leur déduction du résultat imposable : certaines d'entre elles sont liées à l'acquisition d'un élément de l'actif immobilisé et ne peuvent être considérées comme des charges déductibles (CE 9° et 10° s-s-r., 21 juin 2002, n° 219313, Dumaine N° Lexbase : A9684AYC). D'autres visent à l'entretien et à la réparation du bien ou encore ont trait à leur mise en conformité en application de textes spécifiques.

En l'espèce, une société, dont l'objet est la fabrication de poudres métalliques, a fait effectuer un certain nombre de travaux afin de mettre ses équipements en conformité avec les normes de sécurité en vigueur (décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 N° Lexbase : L8433AI8) imposées par le droit communautaire (Directive 89/655 du Conseil du 30 novembre 1989 N° Lexbase : L9936AUK). A ce titre, elle a considéré qu'une telle dépense était constitutive d'une charge déductible de son résultat imposable à hauteur de 343 325 francs (52 340 euros). Cette analyse fut remise en cause par l'administration fiscale à la suite d'une vérification de comptabilité dès lors que, selon Bercy, de telles dépenses devaient s'analyser comme des immobilisations. Déboutée par le juge de première instance, puis par la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 2ème ch., 25 octobre 2007, n° 04LY01256, SA Eurotungstène Poudres N° Lexbase : A2247D3M), l'argumentation de l'administration ne trouvera pas d'écho favorable devant le juge de cassation (CE 9° s-s., 7 mai 2009, n° 312058, SA Eurotungstène Poudres N° Lexbase : A7727EGB) qui s'appuie sur un considérant de principe constituant un classique de la littérature fiscale : ne peuvent être qualifiées de charges déductibles les dépenses "qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise [CE 8° et 9° s-s-r., 5 octobre 1977, n° 99687 N° Lexbase : A3804B7Z], ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan [CE Contentieux, 2 mars 1990, n° 67828, SARL Entreprise Guitton et Denis N° Lexbase : A4972AQ9], ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé [CE Contentieux, 9 juillet 1980, n° 17194 N° Lexbase : A7395AIQ]". Or, au cas particulier, la juridiction d'appel a apprécié souverainement les faits que le juge de cassation ne contrôle pas, sauf dénaturation des faits (notamment, parmi l'abondante jurisprudence rendue : CE Contentieux, 12 avril 1996, n° 126337, Moritz N° Lexbase : A8588ANE), inexacte qualification juridique des faits (CE Contentieux, 17 juin 1996, n° 145594, Société France Sud Diffusion N° Lexbase : A9626ANT) ou inexacte appréciation matérielle des faits (CE Contentieux, 31 mai 2000, n° 181432, Boumer N° Lexbase : A4040AWK).

Le Conseil d'Etat valide, également, le raisonnement de la cour administrative d'appel qui se fonde en partie sur la modicité des sommes en question rapportées à chaque machine car elle constitue "l'un des éléments à prendre en compte pour juger si les dépenses de mise en conformité dont il s'agit pouvaient être inscrites en charges en application des articles 38-2 [N° Lexbase : L3699ICY] et 39 [N° Lexbase : L3894IAH] du Code général des impôts". La décision rendue par le Conseil d'Etat, qui conforte, également, certains jugements de première instance (TA Amiens, 2ème ch., 10 novembre 2006, n° 03-2212, SA Secre Asteel Electronics : RJF, octobre 2007, n° 1010 ; TA Melun, 3ème ch., 1er juillet 2004, n° 01-5069, Société Ucar Holdings, RJF, janvier 2005, n° 3), censure les termes de la doctrine administrative alors en vigueur selon lesquels les dépenses de mise aux normes devaient être obligatoirement immobilisées (5) ; bien que la mise en conformité du matériel répondait à des impératifs légaux de sécurité qui n'influençait pas la durée probable d'utilisation des biens litigieux si l'on admet que cette dernière notion devait être entendue comme faisant référence à des travaux portant sur la substance du bien en vue d'améliorer sa durée d'utilisation physique. Dans l'absolu, si l'entreprise n'avait pas procédé à la mise aux normes, elle aurait certes été en infraction au regard de la législation visant à améliorer la sécurité des travailleurs mais, sur le plan matériel, de tels travaux sont neutres et n'augmentent pas la durée de vie physique des biens. De tels faits s'analyseraient aujourd'hui différemment puisque le droit comptable prévoit, depuis le 1er janvier 2005, l'immobilisation des "dépenses d'acquisition, de production d'immobilisations et d'améliorations engagées pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement" (PCG, art. 321-10 (6), Règlement n° 2004-06 du Comité de Réglementation Comptable du 23 novembre 2004, art. 5-2). Dans ses commentaires (instruction du 30 décembre 2005, BOI 4 A-13-05 N° Lexbase : X5228ADY (7)), l'administration fiscale fait remarquer que le droit comptable rejoint son analyse formulée en 1997, mais l'on notera, cependant, un certain infléchissement dès lors que l'immobilisation -obligatoire sous l'empire de la doctrine de 1997- dépend, désormais, de trois conditions cumulées dont celle relative à "leur non-réalisation [entraînant] l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise" (8). A contrario, la réalisation des travaux n'entraînant pas l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise devrait être considérée comme une charge déductible du résultat (9).

  • Preuve d'une activité à l'étranger et imposition forfaitaire annuelle (CE 9° et 10° s-s-r., 22 mai 2009, n° 300478, Société Mehrweg Dépôt N° Lexbase : A1801EH8)

Depuis 1974, les sociétés sont redevables d'une imposition forfaitaire annuelle (10) (loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973, art. 22 ; CGI art. 223 septies N° Lexbase : L4677IC9) -qui ne se confond pas avec l'impôt sur les sociétés- ayant fait l'objet d'une réforme importante visant à la supprimer sur trois ans (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, art. 14 N° Lexbase : L3783IC4). Le législateur a adopté un barème -plusieurs fois réajusté- introduisant une forme de progressivité (11) de cette imposition sur huit tranches (12) en fonction du chiffre d'affaires réalisé. Mais qu'en est-il lorsqu'une entreprise prétend réaliser une partie de son activité -et partant de son chiffre d'affaires- à l'étranger ?

La décision "Société Mehrweg Dépôt" apporte une réponse quant à la preuve de l'imputabilité des résultats réalisés en Allemagne : déboutée en première instance, la société requérante a porté l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon aux fins d'infirmation du jugement déféré. S'appuyant sur les termes de l'article 223 septies du CGI ainsi que les stipulations de la Convention franco-allemande du 21 juillet 1959 (13) (N° Lexbase : L6660BH7), la juridiction d'appel va à bon droit conclure au rejet de la requête de la société Mehrweg Dépôt. La cour cite, dans ses considérants, "que la répartition des bénéfices de l'entreprise est normalement déterminée sur la base d'une comptabilité régulière faisant ressortir exactement et distinctement les bénéfices afférents aux établissements stables situés sur leur territoire respectif'". Compte tenu de la territorialité de l'IS et de l'IFA, une société française est assujettie à raison du chiffre d'affaires réalisé en France ; ce qui suppose par conséquent de tenir une comptabilité suffisamment précise. Or, au cas particulier, "aucune pièce justificative probante" n'a été produite en ce sens. Même l'attestation de l'expert-comptable, produite en appel, n'a pu être d'aucun secours dès lors qu'elle se bornait "à indiquer que la société aurait réalisé des montants de chiffre d'affaires en Allemagne sans fournir les précisions suffisantes pour permettre d'en déduire que ces montants seraient imputables à l'activité d'une installation fixe d'affaires située dans ce pays" (CAA Lyon, 2ème ch., 9 novembre 2006, n° 01LY02481, SARL Mehrweg Dépôt N° Lexbase : A4223DS9). Ainsi, la société requérante ne pouvait soutenir que l'administration fiscale se serait "à tort référée à ses propres déclarations pour déterminer les impositions litigieuses". Frappé d'un pourvoi en cassation, l'arrêt d'appel sera confirmé par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 22 mai 2009, n° 300478, Société Mehrweg Dépôt N° Lexbase : A1801EH8), dès lors que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui ne permettaient en aucune façon "de déterminer les montants exacts du chiffre d'affaires [...] imputables à l'activité d'installations fixes d'affaires, situées en Allemagne". Si l'on peut en déduire que la preuve d'une activité à l'étranger résulte en premier lieu de la comptabilité du contribuable, les juges du fond souligneront -sans être contredits par la Haute juridiction administrative- que tout autre moyen pouvait être recevable ; pourvu qu'il soit précis et crédible ! (v. : P. Losappio, Essai sur les difficultés d'application du droit fiscal français : la vraisemblance et l'équité, LGDJ, coll. : Bibliothèque de science financière, 1994).


(1) V. pour la classification fiscale de référence des sociétés : P. Fernoux, Gestion fiscale du patrimoine, Groupe Revue Fiduciaire, coll. : Pratiques d'experts, 13ème édition, 2008, p. 773 ; M. Cozian, Images fiscales : transparence, semi-transparence, translucidité et opacité des sociétés, JCP éd. G, 1976, I, 2817 et Les grands principes de la fiscalité des entreprises, op. cit., p. 271.
(2) Ce qui interdit l'imputation de la quote-part des déficits fiscaux sur leur revenu imposable (CAA Paris, 2ème ch., 17 avril 2001, n° 97PA01515, Mme Annie Girardot N° Lexbase : A6093A7S).
(3) "Cette jurisprudence [Kingroup] revient à considérer qu'à côté de l'article 209, I qui ne rend imposable à l'IS en France que les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, il existe un autre cas d'imposition qui concerne les sociétés de capitaux, même non-résidentes, associées d'une société de personnes qui réalise elle-même des bénéfices imposables en France", F. Dieu, L'opposition du droit conventionnel à l'imposition en France des associés étrangers des sociétés de personnes : l'exception peut-elle devenir la règle ?, Dr. fisc., 2008, comm. 537.
(4) Il s'agissait d'une société de capitaux de droit norvégien associée d'une société civile immobilière française.
(5) "Sur le plan fiscal, il est de règle que les dépenses qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif (cf. section 1) ou qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément figure au bilan (section 2) ou bien qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable sa durée probable d'utilisation (section 3) ne constituent pas des charges immédiatement déductibles mais ouvrent droit à amortissement (cf. 4 D). Tel est le cas des dépenses de mise aux normes qui doivent être amorties sur la durée probable d'utilisation des équipements de sécurité", Doc. adm., 4 C 214, 30 octobre 1997, § 2.
(6) "1- Le coût d'acquisition d'une immobilisation corporelle est constitué de : son prix d'achat, y compris les droits de douane et taxes non récupérables, après déduction des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement ; de tous les coûts directement attribuables engagés pour mettre l'actif en place et en état de fonctionner selon l'utilisation prévue par la direction. [...] 2- Les immobilisations corporelles acquises pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement, bien que n'augmentant pas directement les avantages économiques futurs se rattachant à un actif existant donné, sont comptabilisées à l'actif si elles sont nécessaires pour que l'entité puisse obtenir les avantages économiques futurs de ses autres actifs -ou le potentiel des services attendus pour les entités qui appliquent le règlement n° 99-01 ou relèvent du secteur public. Ces actifs ainsi comptabilisés appliquent les règles de dépréciation prévues à l'art. 322-5".
(7) "40. Le 2 de l'article 321-10 du PCG prévoit que, bien que n'augmentant pas directement les avantages économiques futurs se rattachant à un actif existant donné, les dépenses d'acquisition, de production d'immobilisations et d'améliorations engagées pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement doivent être inscrites à l'actif du bilan. En effet, ces dépenses revêtent un caractère nécessaire pour que l'entreprise puisse obtenir les avantages économiques futurs attachés aux immobilisations liées. Les dépenses de mise en conformité concernées doivent répondre de manière cumulative aux trois conditions suivantes, dégagées dans l'avis du Comité d'urgence du CNC n° 2005-D du 1er juin 2005 : - être engagées pour des raisons de sécurité des personnes ou environnementales ; - être imposées par des obligations d'ordre légal ou réglementaire ; - et leur non-réalisation doit entraîner l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise".
(8) Instruction précitée, § 40.
(9) "à condition, bien sûr, que conformément à la jurisprudence rendue antérieurement aux nouvelles règles comptables, [les dépenses] n'aient pour effet ni d'augmenter la valeur vénale du bien, ni d'en prolonger la durée d'utilisation", EFL, BIC, IX, § 14530.
(10) S'agissant de la compatibilité de l'IFA avec le droit communautaire : comp. CJCE, 18 janvier 2001, aff. C-113/99, liquidation c/ Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland (N° Lexbase : A0218AWY).
(11) Depuis 1984.
(12) Dont une tranche à taux zéro pour un chiffre d'affaires (hors taxes depuis le 1er janvier 2006 et majoré des produits financiers depuis le 1er janvier 2000) inférieur à 400 000 euros (instruction du 16 mars 2006, BOI 4 A-9-06 n° 24 et n° 25 N° Lexbase : X6255ADZ). Depuis 2006, l'IFA n'est plus imputable sur l'IS dû par la société ; elle est, en revanche, devenue, depuis lors, une charge déductible des résultats.
(13) Et plus particulièrement des articles 1er, 2, et 4.

newsid:356560

Entreprises en difficulté

[Chronique] La Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Juin 2009

Lecture: 13 min

N6582BKY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356582
Copier

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts rendus pas la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mai 2009 : le premier, bénéficiant d'une publicité maximale (annoté P+B+R+I), répond à l'importante question de savoir si la caution du débiteur peut utiliser le recours subrogatoire, après clôture de la liquidation judiciaire du débiteur principal ; le second, qui statue sur l'excès de pouvoir commis par le juge-commissaire, permet d'évoquer le contenu de la déclaration de créance du crédit-bailleur et d'aborder la question de la voie de recours sur le jugement statuant sur recours formé à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire.
  • Le recours subrogatoire de la caution contre le débiteur principal après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif (Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-13.430, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A7969EGA)

Une caution est un débiteur accessoire. Elle n'est tenue que pour autrui. Dans l'esprit de l'institution, elle ne doit pas supporter définitivement le poids de la dette. C'est la raison pour laquelle elle peut recourir en remboursement contre le débiteur. La caution a le droit d'obtenir du débiteur le remboursement de ce qu'elle a payé en ses lieu et place. Le remboursement suppose un paiement préalable. A priori, en conséquence, le recours de la caution interviendra après paiement, soit à titre subrogatoire, soit à titre personnel. Cependant, l'article 2309-2° du Code civil (N° Lexbase : L1208HIL, C. civ., art. 2032, 2°, anc. N° Lexbase : L2267ABL) autorise un recours de la caution avant paiement.

Comment s'articulent ces recours en paiement de la caution en cas de procédure collective du débiteur principal ? Subsistent-ils ? Sont-ils soumis à des conditions particulières. L'arrêt commenté apporte de très précieux enseignements en la matière, en répondant plus spécifiquement à une question sujette à discussion : la caution peut-elle utiliser le recours subrogatoire, après clôture de la liquidation judiciaire du débiteur principal ?

En l'espèce, une banque consent deux prêts à une personne physique, garantis par le cautionnement d'une caution professionnelle. En 1995, le débiteur est déclaré en redressement judiciaire et placé, l'année suivante, en liquidation judiciaire. La caution désintéresse la banque. Puis, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire du débiteur pour insuffisance d'actif est prononcée. La caution, qui n'avait pas déclaré sa créance de recours personnel pouvait-elle recourir en remboursement contre le débiteur principal en utilisant le recours subrogatoire ? A cette question, la Cour de cassation, par un très important arrêt appelé à la plus large diffusion possible (P+B+I+R), répond par l'affirmative : "la caution qui a payé aux lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci soit en exerçant un recours subrogatoire sous réserve que le créancier ait déclaré sa créance soit en exerçant un recours personnel dès lors qu'elle a elle-même déclaré sa créance".

Aux termes de l'article L. 622-32, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3752HBL, anciennement loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, art. 169, al. 1er N° Lexbase : L6564AHL), dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT), de l'article L. 643-11-I (N° Lexbase : L3943HBN), dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, "le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur". La clôture de la liquidation judiciaire entraîne ainsi, par principe, interdiction de reprise des poursuites individuelles de la part des créanciers antérieurs. Le principe de l'absence de reprise des poursuites individuelles interdit à un créancier antérieur d'obtenir un titre de condamnation contre le débiteur. Il lui interdit aussi d'entreprendre l'exécution sur le débiteur.

L'absence de reprise des poursuites individuelles équivaut, sur un plan économique, à une suppression de la dette. Telle n'est cependant pas la réalité juridique. La créance ne disparaît pas. Seule l'action en justice est ôtée au créancier, ce qui justifie, par exemple, que le créancier puisse, s'appuyant sur l'existence de la créance, opposer l'exception d'inexécution (1).

Il a déjà été observé, dans ces colonnes, qu'il ne pouvait y avoir équivalence pure et simple entre suppression du droit de poursuite et extinction de la créance. La Cour de cassation, appliquant cette distinction, décide que l'impossibilité de reprendre les poursuites individuelles ne fait pas obstacle au jeu de dispositions en matière de cotisations de retraite (2). Si le débiteur veut bénéficier à taux plein des prestations, sa seule ressource sera de payer son créancier, sans pourtant qu'il s'agisse d'une exception véritable au jeu de l'interdiction de reprise des poursuites individuelles après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif. L'absence de régularisation ne privera pas l'assuré de tout droit aux prestations, mais cela aura pour effet d'exclure la période pendant laquelle les cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations (3). La solution a ainsi été posée dans une espèce où la veuve du professionnel indépendant réclamait des prestations décès, alors que son mari avait été placé en liquidation judiciaire avant son décès (4).

Parmi les exceptions à l'interdiction du droit de reprise des poursuites individuelles, figure, depuis la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises N° Lexbase : L9127AG7), l'article L. 622-32-II du Code de commerce, qui énonce que "la caution ou le coobligé qui a payé aux lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci". Ce texte nous avait semblé faire naître une difficulté à l'utilisation du recours subrogatoire de la caution désireuse d'obtenir de la part du débiteur son remboursement. Cette difficulté du recours subrogatoire résulte de la suppression de l'action en paiement du créancier contre le débiteur, en cas de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Le créancier antérieur ne retrouve pas l'exercice de son droit de poursuite individuelle contre le débiteur, alors qu'il peut poursuivre la caution. Si la caution utilise le recours subrogatoire, investie des droits du créancier, il nous avait semblé qu'elle serait également privée de la possibilité de recourir contre le débiteur (5), sauf si le créancier se trouvait dans les exceptions au principe énoncé d'interdiction de reprise des poursuites individuelles. Ainsi, la caution n'aurait-elle pu s'orienter que vers l'utilisation du recours personnel (6).

L'opinion contraire admettant le recours subrogatoire de la caution avait, toutefois, été soutenue (7). Notre collègue Françoise Pérochon écrivait ainsi : "C'est aussi un souci d'équité qui fonde l'exception prévue par l'article L. 643-11- II (anciennement l'article L. 622-32-II), en faveur de la caution ou du coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur. Le texte ne distingue pas entre les différentes actions de la caution, mais les auteurs excluent en général l'action subrogatoire, ce qui n'est pas notre opinion : en effet, l'article 2306 du Code civil prévoit la subrogation de la caution à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; en l'occurrence, le droit du créancier n'est pas éteint, seule est paralysée l'action correspondante [...] sauf exception au profit, précisément, de la caution". Ainsi, selon notre excellente collègue, la distinction entre le droit et l'action justifiait la possibilité pour la caution recourant contre le débiteur principal après clôture de la procédure de liquidation judiciaire de ce dernier d'utiliser le recours subrogatoire. C'est exactement la solution retenue par la Cour de cassation, qui se rallie ouvertement à l'opinion de Françoise Pérochon.

La Cour de cassation précise que la caution recourant contre le débiteur principal après clôture de la liquidation judiciaire peut utiliser l'un des deux recours ouverts par le droit commun : le recours subrogatoire et le recours personnel. Mais la Cour de cassation soumet l'utilisation de l'un ou de l'autre recours à des conditions précises.

Pour utiliser le recours subrogatoire, il faut évidemment que le droit du créancier, que l'on veut utiliser par subrogation, ne soit pas éteint. Cela suppose donc, précise la Cour de cassation, que le créancier ait déclaré sa créance. A défaut, la créance est éteinte et la subrogation est impossible, puisque la caution serait alors subrogée dans les doits inexistants de celui qui a cessé d'être créancier. Mais il faut immédiatement préciser que la solution n'est valable que sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985, applicable aux faits de l'espèce dont a eu à connaître la Cour de cassation. Au contraire, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, la créance non déclarée n'est plus éteinte. Il n'y a donc pas d'obstacle à ce que la caution recourt contre le débiteur principal, puisque les droits du créancier n'ont pas disparu, faute d'extinction.

Observons que, même sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985, la déclaration de créance de recours de la caution est inutile, dès lors la Cour de cassation juge, dans la présente espèce, qu'il est question du recours subrogatoire.

Pour utiliser le recours personnel, précise la Cour de cassation, la caution doit avoir, elle-même, déclaré sa créance de recours. La Haute juridiction a, en effet, eu l'occasion de préciser que le fait générateur de la créance de recours personnel de la caution se trouve non dans le paiement, mais dans le cautionnement (8). Il en est ainsi de la créance de recours de la caution avant paiement de l'article 2309 du Code civil (N° Lexbase : L1208HIL), qui est une variété de recours personnel (9). Cette solution justifie le caractère antérieur au jugement d'ouverture de la créance de recours personnel, dès lors que le cautionnement a été souscrit avant ledit jugement. Ici encore, la réserve de la déclaration de créance n'existe, toutefois, que sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, car, depuis cette loi, la créance non déclarée n'est plus éteinte, ce qui justifie que le recours personnel soit maintenu, même si la caution n'a pas déclaré au passif sa créance de recours personnel.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Excès de pouvoir du juge-commissaire, contenu de la déclaration de créance du crédit-bailleur et créance postérieure (Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-13.861, F-D N° Lexbase : A9790EGP)

Nonobstant les avertissements qui leur ont été adressés (10), de nombreux crédit-bailleurs continuent à faire état dans leur déclaration de créance de loyers "à échoir". Cette façon de faire -dont les conséquences peuvent être fâcheuses pour le créancier (11)- a conduit la Chambre commerciale de la Cour de cassation à rendre, le 12 mai 2009, un arrêt qui nous donne l'occasion non seulement d'évoquer le contenu de la déclaration de créance du crédit-bailleur, mais également, d'aborder la question de la voie de recours sur le jugement statuant sur recours formé à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire.

Dans l'espèce rapportée, une société avait obtenu le financement en crédit-bail de mobil homes auprès d'une société financière. A la suite du prononcé du redressement judiciaire du crédit-preneur, le crédit-bailleur avait déclaré sa créance non seulement au titre des loyers échus au jour du jugement d'ouverture, mais également au titre des loyers "à échoir". Le contrat avait été continué par l'administrateur judiciaire, lequel s'était vu réclamer par le bailleur le paiement d'une certaine somme correspondant au loyer échu depuis le jugement d'ouverture. Dès lors que la créance de loyers "à échoir" avait été déclarée au passif, l'administrateur judiciaire soutenait que le crédit-bailleur avait perdu le bénéfice de percevoir les loyers au titre d'une créance postérieure au jugement d'ouverture. En effet, la créance ne pouvait pas à la fois relever de l'article L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9, devenu C. com., art. L. 622-24 N° Lexbase : L3455ICX depuis la loi de sauvegarde des entreprises -créance devant être déclarée au passif-) et de l'article L. 621-32 du même code (N° Lexbase : L6884AIS, devenu C. com., art. L. 622-17 N° Lexbase : L3493ICD -créance postérieure-). Sur requête de l'administrateur judiciaire, le juge-commissaire -suivi en cela par le tribunal- avait jugé que la société financière avait perdu le bénéfice de percevoir les loyers au titre d'une créance née postérieurement au jugement d'ouverture et que la somme litigieuse relevait de l'article L. 621-43 -c'est-à-dire constituait une créance supportant le régime des créances antérieures puisque déclarée au passif-.

Le crédit-bailleur avait relevé appel-nullité du jugement ayant confirmé l'ordonnance du juge-commissaire. Pour sa part, la cour d'appel avait déclaré cet appel recevable et annulé le jugement ainsi que l'ordonnance du juge-commissaire. Le liquidateur judiciaire s'était alors pourvu en cassation. Au soutien de son pourvoi, il faisait valoir que le jugement par lequel le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions ne peut pas faire l'objet d'un recours (12). Le liquidateur soutenait, en outre, que le crédit-bailleur était privé d'intérêt à agir, dès lors que le juge-commissaire avait rendu une ordonnance conforme à sa déclaration de créance.

Par l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Le rejet du pourvoi est, notamment, motivé par le fait que le juge-commissaire a excédé ses pouvoirs dès lors "qu'aucun texte ne confère de pouvoir au juge-commissaire pour statuer sur une créance née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective" et qu'ainsi "l'arrêt [d'appel] retient exactement que dès lors que la créance de la société OSEO n'avaient pas été définitivement admise pour l'intégralité des sommes déclarées, le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, décider que cette société avait perdu le bénéfice de percevoir les loyers au titre de l'article L. 621-32 du Code de commerce" (devenu C. com., L. 622-17).

La solution doit être approuvée. En effet, l'ancien article L. 623-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L7033AIC, devenu L. 661- 4 N° Lexbase : L3386ICE -article dont on peut noter qu'il transforme l'exception en principe puisque, désormais, tous les jugements rendus sur décision du juge-commissaire sont susceptibles de recours alors qu'auparavant ces jugements était insusceptibles d'appel sauf en matière de revendications-) indique explicitement que les voies de recours sur les jugements statuant sur opposition aux ordonnances du juge-commissaire sont fermées lorsque le juge-commissaire reste "dans les limites de ses attributions". Ainsi, a contrario, si le juge-commissaire sort des limites de ses attributions, il y a ouverture des voies de recours. Le recours nullité est alors recevable contre le jugement statuant sur le recours formé contre une ordonnance du juge-commissaire qui a commis un excès de pouvoir (13). Il a été observé que cette possibilité de faire constater un excès de pouvoir constitue l'antidote à ce que certains ont appelé "l'ivresse du pouvoir" (14).

Si le tribunal refuse de revenir sur la solution posée par le juge-commissaire, qui contient pourtant un excès de pouvoir, il commet lui-même un excès de pouvoir. La décision du tribunal doit alors être annulée, ce qui a été le cas dans l'espèce rapportée.

Au regard des faits de l'espèce, si le juge-commissaire s'était contenté d'admettre la créance déclarée, le recours du créancier à l'encontre de l'ordonnance d'admission aurait été irrecevable. En effet, la déclaration de créance est analysée comme une demande en justice (15). A ce titre, le créancier qui déclare sa créance est le demandeur à l'instance d'admission. Si le juge-commissaire admet la créance telle qu'elle a été déclarée, il est alors entièrement fait droit à la demande présentée par le créancier, de sorte que toute voie de recours exercée par ce dernier serait jugée irrecevable dès lors que le créancier n'a pas succombé et n'a donc pas d'intérêt à exercer le recours... Cependant, en l'espèce, le juge-commissaire avait jugé que le créancier avait perdu le bénéfice de percevoir les loyers au titre de l'article L. 621-32 du code de commerce (devenu C. com., art. L. 622-17), dès lors que la somme litigieuse avait été incluse dans sa déclaration de créance au passif. Par là-même, le juge-commissaire avait statué sur la créance postérieure, attribution que ne lui confère pas la loi. Une juridiction du fond, comme le fait ici la Cour de cassation, avait déjà considéré, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, que le juge-commissaire qui statue sur une créance postérieure dite "de l'article 40" (C. com., art. L. 621-32), commet un excès de pouvoir (16). En conséquence, c'est à juste titre qu'avait été déclaré recevable l'appel-nullité formé par le créancier à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire.

Si, d'un point de vue procédural, le créancier triomphe puisque l'arrêt de la cour d'appel ayant déclaré recevable l'appel nullité n'est pas cassé par les Hauts magistrats, le crédit bailleur n'est pas pour autant tiré d'affaire.

En effet, le créancier avait, à tort, demandé l'admission au passif des loyers "à échoir" au titre du contrat de crédit-bail après l'ouverture de la procédure collective. Si le juge-commissaire fait droit à cette demande, le créancier, ainsi qu'il a été indiqué ci-avant, ne pourra pas être recevable en son appel contre cette décision dès lors qu'il n'aura pas succombé. La conséquence de l'admission définitive au passif sera alors de ne pouvoir remettre en cause son contenu. On sait, en effet, que l'admission au passif emporte irrévocabilité de la décision du juge-commissaire et qu'il n'est plus possible, ensuite, de discuter de l'existence, du montant, mais surtout ici de la nature de la créance (17). Ainsi, le caractère antérieur de la créance ne pourrait plus être discuté. L'autorité de chose jugée attachée à cette décision d'admission au passif empêchera alors au juge de rendre une décision considérant que la même créance est, au contraire, une créance postérieure bénéficiant, sous l'empire de la législation ancienne, des dispositions de l'article L. 621-32 du Code de commerce, devenu depuis la loi de sauvegarde des entreprises l'article L. 622-17. Le créancier ne pourrait ainsi plus prétendre à la qualité de créancier postérieur devant être payé selon les conditions contractuelles dès lors qu'une décision -l'ordonnance d'admission- a considéré que cette créance est une créance antérieure admise au passif...

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) CA Douai, 17 avril 1992, cité dans P. Le Cannu, P. Lucheux, M. Pitron et J.-P., Sénéchal, Prévention, redressement et liquidation judiciaires, GLN Joly, 1995, n° 743, note 132 ; adde P. Le Cannu, Droit commercial, Entreprises en difficulté, refonte de l'ouvrage de M. Jeantin, Précis Dalloz, 7ème éd., 2006, n° 1225.
(2) CA Angers, 3 octobre 1996, Organic c/ M. Lebrun ; CA Aix-en-Provence, 14ème ch. soc., 30 novembre 1998, Cancava c/ M. Agrenay.
(3) Cass. civ. 2, 17 janvier 2007, n° 04-30.797, Mme Monique Gaudout, épouse Rougier, FS-P+B (N° Lexbase : A6135DTE), Bull. civ. II, n° 6, G. Auzero, L'absence de règlement intégral des cotisations antérieures pour insuffisance d'actifs ne prive pas l'assuré ou ses ayants droit de tout droit aux prestations, Lexbase Hebdo n° 246 du 1er février 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N8265A9Y), D., 2007, AJ p. 449, obs. A. Lienhard, D., 2008, pan. 576, obs. P.-M. Le Corre, Act. proc. coll., 2007/8, n° 84, note C. Régnaut-Moutier, JCP éd. E, 2007, chron. 2119, p. 223, n° 6, obs. Ph. Pétel, RTDCom., 2007/2, p. 452, n° 7, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-20.396, Mme Maria Fernanda Da Cunha Rodrigues, épouse Guerra Frade Malheiro, F-P+B (N° Lexbase : A6879DUC), Bull. civ. IV, n° 85, D., 2008, pan. 576, obs. P.-M. Le Corre, Act. proc. coll., 2007/8, n° 84, note C. Régnaut-Moutier, JCP éd. E, 2007, chron. 2119, p. 23, n° 6, obs. Ph. Pétel, E. Le Corre-Broly in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 257 du 26 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8867BAN).
(4) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-20.396, préc. et note préc..
(5) Cass com., 8 juin 1993, n° 91-13.295, Mme Bonneau c/ Banque nationale de Paris (N° Lexbase : A5619ABQ), Bull. civ. IV, n° 230, JCP éd. G, 1993, II, 22174, note J. Ginestet, Bull. Joly, 1993, 911, obs. M. Jeantin, Defrénois, 1994, 577, obs. J.-P. Sénéchal ; Cass. com., 28 juin 1994, n° 90-12.974, Crédit lyonnais, inédit (N° Lexbase : A9986A4M), Dr. Sociétés, 1994, n° 155, obs. Y. Chaput.
(6) V., aussi en ce sens, J.-Cl. Com., J. Vallansan, fasc. 2770, [Clôture pour insuffisance d'actif], éd. 2008, n° 61 ; M. Texier Les effets sur le cautionnement de la remise de dette consentie au débiteur dans le cadre de procédures organisées, RTDCom., 2008, p. 25 et s., sp. p. 43, n° 57.
(7) F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 503.
(8) Cass. com., 1er mars 2005, n° 02-13.176, M. Louis, Pierre, Marie Gaborit c/ M. Edouard Guinard, F-D (N° Lexbase : A0946DHI) ; P.-M. Le Corre, La créance de recours de la caution solvens après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4227AIE), Cass. com., 8 janvier 2008, n° 07-10.394, Société Storus, F-D (N° Lexbase : A2749D39), RTDCom., 2009/1, p. 211, n° 7, obs. A. Martin-Serf, S. Beaugendre, in Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 291 du 7 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N0518BEW) ; Cass. com., 1er avril 2008, n° 07-12.238, M. Florent Rovira, F-D (N° Lexbase : A7710D7P), JCP éd. E, 2008, chron. 2013, n° 7, obs. Ph. Simler ; Cass. com. 8 juillet 2008, n° 07-16.686, Société Storus, F-D (N° Lexbase : A6325D97), Gaz. proc. coll., 2008/4, p. 47, n° 1, note L.-C. Henry, RTDCom., 2009/1, p. 211, n° 7, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 30 septembre 2008, n° 07-18.479, M. Philippe Blériot, F-D (N° Lexbase : A5948EAK) ; Cass. com., 30 septembre 2008, deux arrêts, n° 07-16.687, Société Storus, F-D (N° Lexbase : A5906EAY) et n° 07-16.688, Société Storus, F-D (N° Lexbase : A5907EAZ), RTDCom, 2009/1, p. 211, n° 7, obs. A. Martin-Serf.
(9) Cass. com., 3 février 2009, n° 06-20.070, Mme Maria Carlino, divorcée de Bruijn, FS-P+B (N° Lexbase : A9438ECK), JCP éd. E, 2009, 1347, n° 12, obs. M. Cabrillac.
(10) V. nos obs., Le contenu de la déclaration de créance du crédit-bailleur ou "qui trop déclare, rien n'obtient", Banque et Droit n° 57, janvier-février 1998, p. 3 et s. ; La déclaration de créance du bailleur financier et du crédit-bailleur, Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 14.
(11) V.articles préc..
(12) Notons que, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, les jugements rendus sur décisions du juge-commissaire sont, par principe, susceptibles d'appel (C. com., art. L. 661-4 N° Lexbase : L3386ICE).
(13) Ainsi, Cass. com., 5 décembre 2006, n° 05-20.272, M. Roger Baldet, F-D (N° Lexbase : A8416DSI), Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 27, note I. Rohart-Messager ; Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 06-13.134, M. Maurice Médioni, F-P+B (N° Lexbase : A3070DUA), Bull. civ. IV, n° 61 ; Cass. com., 27 février 2007, n° 05-13.415, Société Les Traiteurs sétois, F-D (N° Lexbase : A5910DUG) ; Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-16.964, M. Jean-Noël Duveau, F-D (N° Lexbase : A5488DW8), Rev. proc. coll., 2008, p. 69, n° 8, note Ch. Lebel ; Cass. com., 24 mars 2009, n° 07-15.879, M. Jean Valeriot, F-D (N° Lexbase : A1932EEB).
(14) V. G. Bolard, L'appel nullité, D., 1988, chron. p. 177, n° 35, utilisant cette expression.
(15) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-11690, Société financière pour le crédit-bail c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels et autres, publié au bulletin (N° Lexbase : A4985CH4), Bull. civ. IV, n° 471, RJDA, 1994, n° 1, p. 12, concl. M.-C. Piniot, Bull. Joly, 1994, 196, note Jeantin, JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et J.-M. Calendini, JCP éd. G, 1994, II, 22200, note J.-P. Rémery, Banque, avril 1994, 93, obs. J.-L. Guillot, Rev. sociétés, 1994, 100, note Y. Chartier, RTDCom., 1994, p. 367, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 14 février 1995, n° 93-12.064, Société Solovam crédit et autre c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels et autre (N° Lexbase : A1126ABC), Bull. civ. IV, n° 43, LPA, 1995, n° 91, p. 13, note P. Alix, Bull. Joly, 1995, 442, note J.-J. Daigre.
(16) CA Orléans, ch. com., éco. et fin., 28 août 2001, RJDA, 2002/3, n° 277, p. 234.
(17) Cass com., 5 novembre 2003, n° 00-17.773, M. Daniel Schutz c/ M. Gilles Duchamp, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, Mme Isabelle Didier, mandataire judiciaire c/ Société CDR créances, F-D (N° Lexbase : A2656DCD).

newsid:356582

Internet

[Questions à...] Censure partielle du projet de loi "Hadopi" par le Conseil constitutionnel : jeu, set et match ? Questions à Maître Isabelle Camus, avocate associée du cabinet Atem

Lecture: 11 min

N6611BK3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356611
Copier

par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Il ne faut point de lois inutiles, elles affaiblissent les lois nécessaires". Cette citation de Portalis, empruntée à Montesquieu (1), est-elle transposable à la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (N° Lexbase : L3432IET) (dite loi "Hadopi") (2) ? Loi nécessaire bien qu'imparfaite pour les uns, "bourbier juridique" (3), "loi indigne [...] absurde et scandaleuse" (4) pour les autres, tout du moins, dans sa version initiale, le texte a incontestablement suscité une très vive émotion, aussi bien de la part de la majorité, que de l'opposition et de la France toute entière, que son adoption définitive par le Sénat, le 13 mai denier, n'aura pas apaisée, loin s'en faut. Les députés de l'opposition ont, en effet, déféré devant le Conseil constitutionnel, le 19 mai 2009, l'ensemble du projet de loi, en soulevant pas moins de onze points d'inconstitutionnalité (5). Ils ont, en grande partie, obtenu gain de cause, puisque le volet du projet de loi relatif aux sanctions a été censuré (6), ne laissant subsister que le volet pédagogique et préventif de la loi. Si le sujet du piratage sur internet des oeuvres protégées par des droits d'auteur est si délicat à régler juridiquement, c'est, notamment, en raison de sa complexité technique. La rapidité de développement des nouvelles technologies, et, avec elle, la multiplication de solutions alternatives pour l'internaute (streaming, groupes de discussion, copie via des serveurs FTP, sites de stockage, échanges de disques durs, cryptage des données...) sont autant de freins à l'efficacité du dispositif -tronqué- prévu par le texte. Quand bien même l'aspect relatif aux sanctions serait réglé, sera-t-il désuet, avant même sa promulgation ? Le risque est grand : la loi n° 2006-961, du 1er août 2006, relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L4403HKB) (dite loi "DADVSI"), avait déjà tenté de régler le problème (7), mais s'était retrouvée dépassée par les avancées technologiques. Le Gouvernement en a pris conscience et a agi rapidement : les décrets d'application étaient en cours d'élaboration au moment de la préparation du projet de loi, "pour aller plus vite", comme l'indiquait le ministre de la Culture, et un pré appel d'offre était lancé pour la mise en place de l'"Hadopi", avant même son examen par l'Assemblée nationale. Enfin, la partie non censurée de la loi a été promulguée et publiée au Journal officiel, dès le 13 juin 2009. On l'aura compris, le sujet est, également, hautement politique.

Seul l'avenir nous dira si cette loi était morte dans l'oeuf. En attendant, Lexbase Hebdo - édition privée générale s'est penché sur les aspects et les enjeux juridiques du texte, aux côtés d'Isabelle Camus, avocat associée du cabinet Atem, spécialisée en propriété littéraire et artistique.

Lexbase : Quel était le mécanisme prévu par le projet de loi "Hadopi", avant la censure du Conseil constitutionnel ?

Isabelle Camus : Le projet de loi "Hadopi" était révolutionnaire, eu égard à l'importance des mesures qu'il instaurait pour atteindre l'objectif fixé : lutter contre le piratage massif des oeuvres protégées par un droit d'auteur ou un droit voisin, diffusées sur internet.

Le législateur a posé, pour ce faire, une obligation, "pour toute personne titulaire d'un accès internet, de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public de ces [oeuvres], sans l'autorisation des titulaires des droits, lorsqu'elle est requise" (8). Ce n'est, donc, pas le piratage de l'oeuvre en tant que tel qui est visé ici, mais le fait de ne pas sécuriser suffisamment son accès, entraînant, ainsi, la possibilité de pirater. Dans un tel système, peu importe, finalement, l'auteur des agissements : dès lors que le piratage avait lieu via votre accès, vous étiez responsable. Certains y voyaient une nouvelle responsabilité du fait d'autrui pesant sur la tête de l'abonné

Si des actes de piratage devaient être constatés, le titulaire de l'accès était présumé ne pas avoir fait le nécessaire pour prévenir ces agissements et devait se voir, dès lors, opposer la "riposte graduée", objet de la censure par le Conseil constitutionnel, articulée en trois temps. Il devait, tout d'abord, lui être adressé des avertissements, sous forme de courriers électroniques, puis, si les actes persistaient, une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans l'hypothèse où les mêmes agissements auraient été réitérés, l'abonné aurait pu, alors, après une procédure contradictoire, se voir sanctionné par la suspension de son accès internet pendant une période pouvant aller jusqu'à un an et par l'interdiction de bénéficier de tout accès sur la "toile". Il aurait, toutefois, été tenu de payer son abonnement jusqu'à l'échéance.

Dans certains cas, l'abonné pouvait transiger, pour limiter la suspension de sa connexion, en contrepartie de l'engagement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout nouveau manquement. En outre, trois cas permettaient au titulaire de l'accès de s'exonérer de sa responsabilité :

- l'abonné aurait été considéré de bonne foi, s'il avait installé un logiciel de sécurisation sur son ordinateur, censé prévenir efficacement le piratage ;

- il pouvait, également, démontrer l'utilisation frauduleuse de sa connexion par un tiers, la preuve étant, toutefois, très difficile à rapporter ;

- enfin, il pouvait invoquer la force majeure, dont, toutefois, on voit mal de quoi elle aurait pu être constituée.

Dans le cas où le téléchargement interviendrait dans un "lieu public" (au sein d'une entreprise, d'une association, d'une bibliothèque...), il aurait été enjoint au titulaire de la ligne de prendre toutes les mesures utiles pour éviter une réitération du piratage, le cas échéant, sous astreinte.

Le projet de loi prévoyait la mise à disposition de moyens au profit de l'abonné pour sécuriser son accès internet. Les sites mettant des contenus légaux en ligne (soit les plateformes de téléchargement légales de films, musique...) devaient, ainsi, être labellisés et bénéficier d'un référencement privilégié dans les moteurs de recherche.

Ce mécanisme de "riposte graduée", présenté par le Gouvernement comme préventif, bien que la lourdeur des sanctions pouvait laisser supposer le contraire, se serait ajouté aux procédures civile et pénale de contrefaçon déjà existantes. L'ensemble du volet "sanction" prévu par la loi "Hadopi" a, toutefois, été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2009. Seul le volet "pédagogique et préventif" a été promulgué et publié. Celui-ci concerne, en particulier, la création, la composition et les autres attributions de l'autorité administrative indépendante à qui les pouvoirs de sanction auraient dû être confiés : la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection de la création sur internet (dite "Hadopi"), ayant vocation à remplacer l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT).

L'"Hadopi" sera composée de deux organes, présidés par le président de l'autorité : la commission de protection des droits et le collège. La commission de protection des droits comportera trois membres, nommés par décret, pour six ans (un membre en activité du Conseil d'Etat, un membre en activité de la Cour de cassation et un membre en activité de la Cour des comptes) (9). Siègeront au sein du collège, neuf membres élus par décret, pour la même durée (un membre en activité du Conseil d'Etat, un membre en activité de la Cour de cassation, un membre en activité de la Cour des comptes, un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et cinq personnalités qualifiées) (10). Le président de la Haute autorité sera, quant à lui, nommé par le pouvoir exécutif, par décret, après avis de l'Assemblée nationale.

Notons qu'aucun membre de la CNIL n'est convié à siéger au sein du collège, en dépit d'un amendement présenté (et rejeté) en ce sens (11). Ceci peut paraître curieux, compte tenu de la conservation, durant une année, des données des infractions par l'autorité. Les fournisseurs d'accès auront l'obligation de consulter les informations figurant dans le registre avant toute ouverture d'une ligne internet et la refuseront, le cas échéant.

L'"Hadopi" sera saisie par des agents publics habilités par le président de l'autorité, qui eux même, recevront les saisines adressées à la commission par des agents assermentés de droit privé et sur les informations transmises par le procureur de la République. Autrement dit, la "traque", en amont, des pirates continuera, donc, d'être entre les mains de sociétés privées et non pas nécessairement des ayants-droit. Les pouvoirs d'investigations conférés à la Haute autorité sont énormes et nécessitent une adaptation de l'article L. 34-1 du Code des postes et des communications électroniques (N° Lexbase : L1509HSP) : ils peuvent, pour les nécessités de la procédure, obtenir tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques et les prestataires et en obtenir copie. Ils obtiendront, notamment, l'identité, l'adresse postale, l'adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l'abonné dont l'accès a été utilisé à des fins de piratage, sans l'autorisation des titulaires des droits, lorsqu'elle est requise.

Ces informations seront précieuses à la Haute autorité, qui reste en charge des avertissements à adresser aux titulaires des accès internet, en cas de constatations d'actes de piratage.

Lexbase : Pourquoi le texte a-t-il été si controversé ? Quels ont été les principaux griefs formulés par l'opposition dans le cadre du recours devant le Conseil constitutionnel ?

Isabelle Camus : Le projet de loi a été controversé et a suscité des passions pour de nombreuses raisons. Laissons de côté les enjeux politiques, économiques ou techniques, pour ne s'intéresser qu'aux aspects proprement juridiques : le texte semblait remettre en cause un certain nombre de principes, jusqu'alors solides, de notre droit positif.

Ont, en particulier, été vivement critiqués :

- l'exclusion du juge, pourtant garant des libertés individuelles et du droit de propriété, l'autorité judiciaire étant proclamée par la Constitution comme étant indépendante vis-à-vis des pouvoirs exécutifs et législatifs ;

- la disproportion de la sanction avec les objectifs, la coupure d'un abonnement internet, mal vue par le Parlement européen (12) ou, encore, par la CNIL (13), pouvant avoir des répercussions graves ;

- la double peine instituée par la loi, puisque l'accès internet devait être coupé, alors même que l'abonné restait redevable du prix de l'abonnement ;

- le cumul avec la loi "DADVSI" (qui prévoit une amende allant jusqu'à 300 000 euros pour les copies illégales), dont l'abrogation a été rejetée, et plus largement, la cascade des sanctions pouvant être prononcées ;

- le fichage des données contraire à la jurisprudence de la CNIL, qui n'a, jusque là, autorisé le fichage prévu par la loi, que dans le cas où le nom de la personne est supprimé une fois le dommage réparé ; la mise en oeuvre de la riposte imposée aux FAI est, par ailleurs, équivalente à celle qui leur est imposée en matière de lutte contre le terrorisme

Des questions d'ordre procédural ont, également, été soulevées. Concernant les droits de la défense, une présomption de culpabilité du titulaire de l'accès semble l'emporter sur le principe de présomption d'innocence. La charge de la preuve, dans le mécanisme prévu par le projet de loi, était, en effet, renversée sur la tête de l'abonné, alors même que la labellisation des sites de téléchargement légal sera complexe et leur référencement quasi-impossible ou, tout du moins, très coûteux. L'adresse IP (Internet Protocole), élément d'identification des responsables pour l'"Hadopi", voit sa valeur contestée et est en quête d'une qualification juridique : notamment s'agit-il d'une donnée à caractère personnel ? La Cour de cassation n'a toujours pas donné clairement la solution, alors même que le juge communautaire laisse aux autorités nationales le soin de trancher la question (14). Certaines juridictions avaient pu juger qu'elle était irrecevable. Seule certitude permise à son sujet, il s'agit, tout du moins, d'un "élément du faisceau d'indices d'identification de l'internaute" (15). En outre, des interrogations existaient quant à la séparation des fonctions de poursuites et d'instruction.

Les opposants dénonçaient, enfin, une justice à deux vitesses, puisque, d'une part, seuls les majors de l'industrie du disques ou du cinéma disposent des moyens financiers permettant de traquer les pirates et que, d'autre part, la saisine de l'"Hadopi" est réservée aux organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, aux sociétés de perception et de répartition des droits et au Centre national de la cinématographie, à l'exclusion des artistes, des auteurs et de leurs ayants-droit. La saisine individuelle de la Haute autorité leur est, en effet, interdite : ils sont abandonnés, de la sorte, au bon vouloir de certains professionnels.

La grande majorité de ces griefs a été soulevée par les députés de l'opposition, lorsqu'ils ont déféré le projet de loi devant le Conseil constitutionnel. Les arguments les plus décisifs tenaient, toutefois, au mécanisme des sanctions ; en particulier, ils avaient trait à l'exclusion du juge.

Lexbase : Dans quel sens le Conseil constitutionnel a-t-il statué ?

La solution du Conseil constitutionnel n'était pas évidente. Comme le soulignait Bertrand Matthieu (16), avant que la décision ne soit rendue : "la question est de savoir où le Conseil constitutionnel mettra le curseur. Il n'y a pas d'arguments qui impliquent automatiquement l'inconstitutionnalité du texte. Mais il y a un certain nombre d'ancrages qui permettent d'en discuter".

Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré l'intégralité du projet de loi "Hadopi", mais seulement son volet "sanction" détaillé, en particulier, aux articles 5 et 11 du texte. Les magistrats ont jugé que le texte portait attente à la liberté d'expression, proclamée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1358A98). Celle-ci a, en effet, une nature telle que "le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs de sanction [en particulier, la restriction ou la coupure de l'accès internet] à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires des droits d'auteur et des droits voisins".

Le Conseil constitutionnel a, également, estimé que le texte instaurait une présomption de culpabilité à l'encontre du titulaire de l'accès internet, seul responsable des manquements, en reversant la charge de la preuve, puisque celui-ci doit prouver une fraude pour s'exonérer de sa responsabilité. Les juges rappellent, dans ce cadre, qu'"en principe, le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité". Or, en l'espèce, la réalisation d'un acte de contrefaçon à partir de l'adresse internet de l'abonné constitue la matérialité des manquements. Les conditions susvisées ne sont, dès lors, pas respectées.

Lexbase : Où en est-on du processus législatif ? La loi "Hadopi" va-t-elle être complétée ?

Isabelle Camus : Le processus législatif a été un parcours sinueux et semé d'embûches, nécessitant la réunion d'une commission mixte paritaire, le 9 avril 2009. Cela n'aura pas suffit, puisque le Conseil constitutionnel a rejeté la partie essentielle du texte définitivement adopté par le Sénat, le 13 mai dernier. Le calendrier devait, toutefois, rester serré, malgré cet obstacle de taille. La partie non censurée du projet de loi a, en effet, été promulguée seulement deux jours après la décision des magistrats. Le ministère de la Culture avait précisé à ce titre qu'il "promulgu[ait] tout ce qui est promulguable et il y aur[ait] un autre projet de loi qui viendr[ait] préciser ultérieurement cet aspect". Christine Albanel avait, d'ailleurs, indiqué, que le Conseil d'Etat serait saisi dans les tous prochains jours d'un projet de loi sur le volet "sanction", qui devrait être présenté en Conseil des ministres avant la fin du mois de juin et qui serait inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement en juillet. Le Gouvernement souhaite que le mécanisme soit effectif d'ici la fin de l'année, c'est pourquoi la mise en place de la Haute autorité devrait se faire sous peu. Pour autant, aux dernières nouvelles, il semble que tout pouvoir de sanction ne sera dévolu qu'au juge et non à la Haute autorité (17).

Lexbase : N'existait-t-il pas des alternatives aux mesures prévues par le projet de loi ?

Isabelle Camus : Plusieurs alternatives ont été proposées. Parmi elles, figurait celle de députés de la majorité de remplacer la suspension de la connexion par une amende. La ministre de la Culture n'y était pas favorable, la jugeant inappropriée (18). Le système du mécénat global avait, également, été avancé, puis rejeté, le paiement forfaitaire mensuel d'un faible montant pouvant dévaloriser les contenus artistiques, s'il est déconnecté de l'utilisation de l'oeuvre (19).


(1) Montesquieu, De l'esprit des lois, 1748.
(2) Dont le texte est issu des accords de l'Elysée, le 23 novembre 2007, signés à la suite de la concertation organisée autour du rapport de Denis Olivennes (ex-P-DG de la Fnac et actuel directeur de la publication du Nouvel Observateur).
(3) Selon les propos d'Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir.
(4) Selon les propos de Jacques Attali, sur son blog.
(5) Texte de la saisine du Conseil constitutionnel par les députés socialistes, le 19 mai 2009.
(6) Cons. const., décision n° 2009-580 DC, du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (N° Lexbase : A0503EIH).
(7) Lire A.-L. Blouet-Patin, Présentation de la nouvelle loi relative au droit d'auteur, Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition privée générale (N° Lexbase : N2416AL3).
(8) Nouvel article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3491IEZ).
(9) Le membre en activité du Conseil d'Etat sera désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, le membre en activité de la Cour de cassation sera désigné par le Premier président de la Cour de cassation et le membre en activité de la Cour des comptes sera désigné par le Premier président de la Cour des comptes.
(10) Le membre en activité du Conseil d'Etat sera désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, le membre en activité de la Cour de cassation sera désigné par le Premier président de la Cour de cassation, le membre en activité de la Cour des comptes sera désigné par le Premier président de la Cour des comptes, le membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique sera désigné par le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, trois personnalités qualifiées seront désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des Communications électroniques, de la Consommation et de la Culture et deux personnalités qualifiées seront désignées, respectivement, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat
(11) La CNIL, consultée sur le projet de loi, avait émis un avis défavorable sur le texte en novembre 2008, jugeant que "le projet de loi ne comporte pas, en l'état, les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d'auteurs".
(12) Le rapport du député grec, Stavros Lambridinis, adopté par les euro-députés, le 6 mai 2009, prévoit, notamment, que "garantir l'accès de tous les citoyens à l'internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation [...], un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées" et l'amendement du député Guy Bono, adopté, également, à Strasbourg, précise qu'il ne peut être apporté de restriction aux droits et libertés fondamentaux des internautes que par une décision judiciaire (lire N° Lexbase : N0643BKZ).
(13) Cf. note 12 ci-dessus.
(14) CJCE, ord., 19 février 2009, aff. C-557-07, LSG-Gesellschaft zur Wahrnehmung von Leistungsschutzrechten GmbH c/ Tele2 Telecommunication GmbH (N° Lexbase : A1868EIZ).
(15) Lire M. Teller, Les difficultés de l'identité numérique : quelle qualification juridique pour l'adresse IP ?, à paraître au recueil Dalloz.
(16) Cf., G. Champeau, "Hadopi" : les onze points qui ne passent pas, Numérama.
(17) Lire E. Lunès, Pas de plan B pour Hadopi, Le monde, 16 juin 2009.
(18) Selon les propos de Christine Albanel, : "soit l'amende est faible, représentant l'équivalent de quatre ou cinq CD, auquel cas c'est vraiment un droit à pirater que vous donnez, après toute une série d'avertissements,[...] soit l'amende est forte et elle est injuste, parce que si vous avez de l'argent, elle est indolore, mais si vous êtes étudiant, elle peut être une catastrophe".
(19) Lire C. Bernault, O. Brillanceau, M. Clément-Fontaine, C. Geiger, A. Gitton, J.-Y. Kerbouch, C. Pascal, G. Vercken, J. Vincent et M. Vivant, Dadvsi 2, Hadopi, "Création et internet"... De bonnes questions ? De mauvaises réponses, Recueil Dalloz, 2008, n° 33, p. 2290.

newsid:356611

Internet

[Manifestations à venir] La Création et Internet, ou loi "Hadopi"

Lecture: 1 min

N6637BKZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356637
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ) organise, le mardi 30 juin 2009 de 9h30 à 12h30, dans le cadre de son atelier "Droit d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information", une conférence sur "La Création et Internet, ou loi 'Hadopi'".
  • Intervenants

Sophie Soubelet-Caroit, avocat au Barreau de Paris
Antoine Latreille, professeur à l'Université Paris Sud XI
Jean Berbinau, secrétaire général de l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT)
David El Sayegh, directeur général du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP)
- Un représentant des fournisseurs d'accès à internet

  • Date

Mardi 30 juin 2009
9h30 - 12h30

  • Lieu

Maison du Barreau,
Salle Monnerville
2/4, rue de Harlay
75001 Paris

  • Tarif

35 euros par personne
Gratuit pour les membres de l'ADIJ

Cette manifestation est validée au titre de la formation continue obligatoire des avocats.

  • Inscriptions

Mme Christiane Féral-Schuhl, AMCO
Présidente de l'ADIJ
Fax : 01 70 71 22 22

e-mail : coordination-adij@feral-avocats.com

www.adij.fr

newsid:356637

Avocats

[Evénement] La rentrée du Barreau de Bordeaux, millésime 2009

Lecture: 2 min

N6612BK4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356612
Copier

Le 07 Octobre 2010


Depuis le 1er janvier 2008, Maître Philippe Duprat dirige l'un des plus grands barreaux de France, le Barreau de Bordeaux, lequel compte près de 1 200 avocats. Pour la seconde année de son mandat, le Bâtonnier conviait ces derniers à la rentrée solennelle du Barreau de Bordeaux, qui s'est tenue le 12 juin 2009, et dont on a pu remarquer la présence exceptionnelle du Premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda. C'est résolument une image de modernité que le Bâtonnier a tenu à associer au Barreau de Bordeaux, lors de cette rentrée (1). Relevant l'évolution du cadre dans lequel la profession évolue, marqué par les réformes menées par les puissances publiques, par les effets de la concurrence européenne et internationale ou encore par le contexte de crise financière, loin d'épargner la profession d'avocat, le Bâtonnier Duprat a souligné la nécessité d'"inscrire l'action de la justice dans une dimension européenne", rappelant les termes employés par le Premier président de la Cour de Cassation, dans un discours du 6 février 2009.

Dans ce contexte, le Bâtonnier a soulevé l'importance d'ouvrir et de renouveler la profession d'avocat, définissant celui-ci comme "le médecin du corps social". En symbole de cette volonté d'ouverture, on pouvait d'ailleurs remarquer qu'aucun membre du conseil de l'ordre ne portait la robe. Insistant particulièrement sur la valorisation du rôle de l'avocat au sein de l'entreprise, il a rappelé la création, le 1er avril 2009, de l'Institut du Droit des Affaires du Barreau de Bordeaux (IDABB), organisme totalement dédié au tissu économique local et régional, à travers lequel, les avocats bordelais proposent un ensemble de services informatifs et préventifs en phase avec les étapes clés de la vie des entreprises. Parmi ses attributions, l'institut permet le recours à l'arbitrage, propose une cellule dédiée aux entrepreneurs en difficulté, et offre un service d'information et de conseil via un système de consultations gratuites afin de donner une première orientation essentielle au créateur ou repreneur d'entreprise. Une telle démarche traduit la volonté de marquer l'accessibilité des avocats.

Au rang des nouveautés de la profession, Thierry Wickers, Président du CNB, interrogé dans un documentaire vidéo diffusé lors du discours du Bâtonnier, est revenu sur l'acte sous signature juridique (2), dit "acte d'avocat", né du rapport de la Commission "Darrois", qui devrait être légalement reconnu comme procurant une même force probante que l'acte authentique. Cette reconnaissance devrait permettre de faire valoir la qualité rédactionnelle de l'avocat par rapport à un acte sous-seing privé, et de sécuriser l'information des parties. L'acte d'avocat constitue ainsi une avancée importante pour l'avenir de la profession. S'il n'est encore qu'à l'état de projet, il est une nouveauté bien réelle depuis l'ordonnance du 30 janvier 2009 (ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie N° Lexbase : L6939ICY), présentée par Maître Casagrande dans le même document vidéo : la possibilité pour l'avocat d'exercer la fonction de fiduciaire (3).

Le Bâtonnier Duprat a également insisté sur le passage à la dématérialisation des procédures et la modernisation des cabinets par la mise en place systématique des nouvelles technologies et, notamment, la communication électronique entre cabinets et tribunaux.

Enfin, dans le cadre d'une coopération traditionnelle avec les pays d'Afrique, le Bâtonnier de Bordeaux a annoncé la signature d'une convention de jumelage avec le barreau du Togo, à l'initiative de Maître Eric-Elinam Tsé, en vue de développer une coopération matérielle, logistique et culturelle. Ce jumelage vient compléter la liste des barreaux étrangers jumelés avec le barreau de Bordeaux, parmi lesquels le barreau de Munich, dont le Bâtonnier a, d'ailleurs, remis à Alexandra Béchaud, première secrétaire de la conférence du stage, le prix du barreau de Munich.


(1) Lire, Anne Lebescond, Rencontre avec Maître Philippe Duprat, Bâtonnier de Bordeaux : avocat, une profession en danger... qui sait réagir, La lettre juridique Lexbase n° 316 du 4 septembre 2008 (N° Lexbase : N7328BGI).
(2) Lire, Anne Lebescond, L'acte sous signature juridique : rétablir "une saine concurrence" entre les différents professionnels du droit au profit de l'intérêt collectif, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition Privée générale (N° Lexbase : N1885BHB).
(3) Lire, Anne Lebescond, Avocat fiduciaire : quelles modalités d'exercice ? - Questions à Véronique Furnal, avocate associée du cabinet Gatienne Brault et Associés, Lexbase Hebdo n° 353 du 4 juin 2009 - édition Privée générale (N° Lexbase : N6342BK4).

newsid:356612

Licenciement

[Jurisprudence] Quand l'employeur est à l'origine de la cessation d'activité de son entreprise ! (petit rappel sur la notion de légèreté blâmable)

Réf. : Cass. soc., 2 juin 2009, n° 08-41.747, Société Thalacap, F-D (N° Lexbase : A6426EHH)

Lecture: 6 min

N6609BKY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3211800-edition-n-355-du-18062009#article-356609
Copier

par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'hypothèse pourrait surprendre, elle n'est pourtant pas isolée et c'est même une solution somme toute classique que reprend la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juin 2009 qui, s'il n'est pas publié, met cependant le doigt sur un aspect pour le moins sensible -pour ne pas dire étonnant- du licenciement économique. En effet, on le sait, il est aujourd'hui logiquement admis que la cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement justifié... si elle ne résulte pas d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur. Et si la légèreté blâmable ne fait finalement que traduire, de façon caricaturale peut-être, celle d'abus de droit, l'expression même peut déconcerter. Elle implique, en effet, que l'employeur ait agi de manière inconsidérée, voire de façon négligente, et que ces agissements aient eu des conséquences dommageables pour l'entreprise, pouvant aller jusqu'à la fermeture définitive de celle-ci. Pour autant, si un tel comportement doit nécessairement être condamné et les licenciements économiques requalifiés en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour opte pour une acception restrictive de la notion même de légèreté blâmable. Il s'agira, ici, de préserver les choix de gestion de l'entreprise, lesquels, il faut le rappeler, ne peuvent être sanctionnés par les juges du fond.
Résumé

La cour d'appel a constaté que la société, titulaire d'un bail commercial, ayant versé avec retard le loyer et ayant refusé indûment sa majoration, ces manquements avaient entraîné la résiliation du bail et la fermeture de l'unique établissement. Elle a pu en déduire que l'employeur avait agi avec une légèreté blâmable dont était résultée la cessation d'activité de l'entreprise, ce dont il découlait que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse.

Commentaire

I - La cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement justifié...

  • Le motif économique du licenciement

Faut-il le rappeler, la rédaction de l'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7) laisse la porte ouverte à une interprétation large des motifs économiques de licenciement. En disposant que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives, notamment, à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, cet article établit, en effet, une liste non limitative des hypothèses économiques de licenciement. Il revient, dans cette optique, à la Cour de cassation d'apprécier, au gré des affaires qui lui sont soumises, si elles constituent, ou non, une cause économique de licenciement. Parmi elles, la très célèbre et controversée "réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité" (1). Elle ne saurait, cependant, être la seule. D'autres causes peuvent émerger, de façon plus éparse certes, mais qui n'en constituent pas moins des justifications légitimes de licenciement pour motif économique. Ainsi en est-il de la, plus timide, cessation d'activité de l'entreprise (2).

  • La cessation d'activité

La jurisprudence est tout à fait claire à cet égard : la cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement justifié si elle ne résulte pas d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur (3). La solution, acquise depuis 2001, a depuis été largement confortée (4).

La Haute juridiction distingue, ici, la cessation complète de la cessation partielle d'activité. En effet, si une cessation complète de l'activité de la société peut constituer, en elle-même, une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due, il convient, d'ores et déjà, de le préciser, à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier (5), en revanche, une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (6).

Une nouvelle fois, devant l'équivocité de la notion, le juge est amené à apprécier au cas par cas la justification du motif. Ainsi, a-t-il jugé que la cessation d'activité consécutive à une inondation peut constituer un motif économique de licenciement, mais non un cas de force majeure, en raison de son caractère temporaire et partiel (7). En revanche, la fermeture temporaire d'un hôtel pour travaux ne constitue pas une cessation d'activité de l'entreprise (8).

Si la notion de cessation d'activité ne pose guère de difficultés, dans la mesure où elle s'assimile à une fermeture de l'entreprise, en revanche, celle de légèreté blâmable peut davantage prêter à confusion, de par sa définition même, nécessairement plus subjective.

II - ... si elle ne résulte pas d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur

  • La notion de légèreté blâmable

L'appréhension de la notion de légèreté blâmable est délicate. Faute de définition, tant législative que jurisprudentielle, les différents arrêts y ayant trait depuis quelques années permettent, cependant, de dégager une constante. La légèreté blâmable semble, en effet, supposer une décision de l'employeur prise de manière inconsidérée en dépit des conséquences graves qu'elle peut entraîner sur l'entreprise et les salariés. Dans cette optique, elle doit être distinguée de la simple erreur d'appréciation du chef d'entreprise.

Il est, également, à noter que se dégage, au fil de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, une conception nettement restrictive. Ainsi, l'erreur du chef d'entreprise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule la légèreté blâmable (9). La distinction doit être soulignée. En effet, en précisant qu'une erreur du chef d'entreprise dans un choix de gestion ne constitue pas en elle-même la légèreté blâmable, la Cour de cassation rappelle que les juges du fond n'ont pas vocation à contrôler les choix de gestion décidés par l'entreprise et doivent s'en tenir au contrôle du motif économique et non à la seule appréciation des décisions du chef d'entreprise ayant conduit à ces difficultés économiques (10). Surtout, en opérant une distinction entre la "faute" de gestion, qui serait sanctionnable, et la simple "erreur", la Cour de cassation permet de restreindre les hypothèses admises, ce que l'on ne peut que saluer (11).

  • En l'espèce

Onze salariés d'une société ont été licenciés, le 11 février 2006, pour motif économique. La société fait grief aux arrêts de la condamner à leur payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que constitue un motif économique de licenciement la cessation d'activité de l'entreprise lorsqu'elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable. Or, en affirmant qu'elle aurait agi avec une légèreté blâmable aux motifs qu'elle n'avait pas payé la majoration du loyer, qu'elle avait réglé avec retard le loyer même non augmenté dû à sa bailleresse, qu'elle n'avait pas réglé les loyers pour les périodes du 1er septembre au 30 novembre 1997, du 1er décembre 1997 au 28 février 1998 et du 1er mars au 31 mai 1998, et qu'elle n'aurait pas justifié ces manquements par des difficultés économiques, sans se prononcer sur les pertes d'exploitations récurrentes invoquées dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Par ailleurs, selon le même moyen, il n'appartient pas au juge de s'immiscer dans les choix de gestion d'une entreprise. En retenant, par adoption des motifs du jugement entrepris, qu'elle aurait fait preuve de légèreté blâmable aux motifs qu'elle savait, depuis 1997, qu'une condamnation pourrait entraîner la fermeture de son établissement si elle ne prenait pas de dispositions permettant la sauvegarde de l'entreprise par paiement des loyers dus, ou bien par le fait de les placer sur un compte bloqué par le juge en attendant le verdict final, ou bien en cherchant à s'établir dans un autre local, et que l'employeur n'avait semble-t-il opté pour aucune de ces solutions, la cour d'appel s'est immiscée dans les choix de gestion de l'entreprise.

  • La solution adoptée

La solution retenue par la Haute juridiction confirme sa jurisprudence antérieure. La Cour de cassation retient, en effet, sans surprise, que la cour d'appel ayant constaté que la société, titulaire d'un bail commercial, ayant versé avec retard le loyer et refusé indûment sa majoration, ces manquements avaient entraîné la résiliation du bail et la fermeture de l'unique établissement. Elle a pu en déduire que l'employeur avait agi avec une légèreté blâmable dont était résultée la cessation d'activité de l'entreprise, ce dont il découlait que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse. La requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse semble cohérente. Pour autant, peut-être pourrait-on reprocher à la Cour de cassation d'être une nouvelle fois trop elliptique. En effet, l'on aurait peut-être aimé que soit fait allusion aux difficultés économiques de la société.

  • Ce qu'il faut en retenir

La légèreté blâmable ne saurait être assimilée à une intention malveillante (12). Elle relève davantage, comme le montre, une nouvelle fois, l'arrêt commenté, d'un comportement non intentionnel mettant en exergue une gestion maladroite de l'entreprise. Et, une nouvelle fois, encore, la Cour de cassation laisse sous-entendre que les juges du fond ne saurait arguer de la légèreté blâmable de l'employeur pour exercer un quelconque contrôle sur la gestion de l'entreprise, ce qui explique, sans doute, son silence eu égard à la situation économique de l'entreprise.


(1) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Société Thomson Tubes et Displays c/ Mme Steenhoute et autres (N° Lexbase : A4018AA3) ; ou, encore, Cass. soc., 13 septembre 2006, 2 arrêts, n° 05-41.665, Société E. et M. Lamort c/ Mme Véronique Tridat, F-D (N° Lexbase : A0358DRP) et n° 04-45.915, Association L'Opéra National de Lyon c/ M. Laurent Nutchey, F-D (N° Lexbase : A0248DRM) et les obs. de G. Auzero, Licenciements économiques fondés sur la sauvegarde de la compétitivité des entreprises : la Cour de cassation rassure, Lexbase Hebdo n° 229 du 28 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3200AL4).
(2) Cass. soc., 4 juillet 1990, n ° 87-44.973, M. Casella, ès qualités de liquidateur de la société Precimeco c/ M. Blanchet, publié (N° Lexbase : A4313ACQ).
(3) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant (N° Lexbase : A2160AIT).
(4) Voir, notamment, Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-43.624, Société en nom collectif (SNC) Drugstore Saint-Germain c/ M. Christian Le Goff, F-D (N° Lexbase : A4132A3G) ; Cass. soc., 28 février 2006, n° 03-47.880, M. Bernard Arlin c/ Société Les Fils de Stéphane Arlin, F-P+B (N° Lexbase : A4127DN8).
(5) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-43.453, Mme Nicole Gentili, FS-P+B (N° Lexbase : A7699DRL) et les obs. de S. Tournaux, Transfert d'entreprise, cessation partielle d'activité et licenciement pour motif économique, Lexbase Hebdo n° 233 du 25 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4357ALX). Récemment, encore, Cass. soc., 29 avril 2009, n° 07-44.306, Société Revet choc, F-D (N° Lexbase : A6460EGD).
(6) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-43.453, préc. ; Cass. soc., 29 avril 2009, n° 07-44.306, préc..
(7) Cass. soc., 15 février 1995, n° 91-43.905, M. José Arauyo et autres c/ Société anonyme Les Filatures de la Madelaine (N° Lexbase : A1888AA8).
(8) Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 01-46.240, M. Yacine Amarouyache c/ Société Hôtel Elysées Magellan, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2626A3N).
(9) Cass. soc., 14 décembre 2005, n° 03-44.380, Association de gestion du lycée professionnel Sainte-Marguerite Marie c/ M. Christian Mfouara, F-P+B+R (N° Lexbase : A9864DLW) et les obs. de Ch. Radé, Licenciement économique : la légèreté blâmable de l'employeur ne peut être invoquée à tout propos, Lexbase Hebdo n° 197 du 11 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2943AK9). En l'espèce, l'employeur avait été condamné pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse par les juges du fond qui lui reprochaient d'avoir recruté un salarié sans s'assurer qu'il pourrait effectivement financer ce nouvel emploi.
(10) Ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219, Société anonyme de télécommunications (SAT) c/ M. Coudière et autres, publié (N° Lexbase : A0328AUP), Dr. soc., 2001, p. 126, concl. P. de Caigny, note A. Cristau, p. 417, chron. A. Jeammaud et M. le Friant ; D., 2001, jur. p. 1125, note J. Pélissier.
(11) En ce sens, Ch. Radé, Licenciement économique : la légèreté blâmable de l'employeur ne peut être invoquée à tout propos, préc..
(12) En revanche, procède d'une telle intention, l'employeur qui organise sa propre insolvabilité (Cass. soc., 9 octobre 1991, n° 89-41.705, Association départementale du tourisme du Territoire de Belfort c/ M. Schuller, publié N° Lexbase : A9692AA9 ; Cass. soc., 12 janvier 1994, n° 92-43.191, Société commerciale des produits résineux c/ Mme Joëlle Gomez, inédit N° Lexbase : A1990AAX), qui procède à des prélèvements dans la trésorerie de sa société (Cass. soc., 5 octobre 1999, n° 97-42.057, M. Daumas c/ Mme Ponsonnaille, publié N° Lexbase : A6343AGZ) ou qui l'a volontairement entraîné dans une procédure de liquidation judiciaire (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-41.491, Banque d'arbitrage et de crédit (BAC) c/ M. Michel Robert, FS-D N° Lexbase : A1722AZS).


Décision

Cass. soc., 2 juin 2009, n° 08-41.747, Société Thalacap, F-D (N° Lexbase : A6426EHH)

CA Montpellier, 4ème ch. soc., 13 février 2008, onze arrêts

Mots clés : licenciement pour motif économique ; cause réelle et sérieuse ; faute de l'employeur

Lien base :

newsid:356609

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.