La lettre juridique n°125 du 17 juin 2004

La lettre juridique - Édition n°125

Table des matières

Droit de la défense versus droit de propriété

Lecture: 1 min

N1998ABM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11998
Copier

par Aurélie Garat, SGR - Droit social

Le 07 Octobre 2010


Le salarié qui emporte des documents de son entreprise pour se ménager des preuves dans le cadre du procès prud'homal doit-il être considéré comme un voleur ? La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de répondre à cette question par la négative, alignant ainsi sa jurisprudence sur celle de la Chambre sociale. Mais attention, pour échapper à une telle qualification, aucune intention autre que celle de se préserver légitimement des preuves et de les faire valoir dans le cadre de l'instance prud'homale ne doit être caractérisée. Que certains se rassurent donc, la divulgation des documents juridiques et comptables de l'entreprise par le salarié ne pourra servir à prouver des malversations financières ou autres abus de confiance. En outre, précise la Chambre criminelle, seuls les documents de l'entreprise dont le salarié a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions pourront être produits en justice. Rendue au nom du respect des droits de la défense, cette solution doit, selon nous, être approuvée pour son pragmatisme. Le salarié ne devra plus se contenter d'un simple témoignage oral fondé sur les documents dont il a eu connaissance dans le cadre de ses fonctions, il pourra désormais, à l'appui de ses prétentions, produire en justice ces documents. A armes égales et dans le respect de la loyauté, la preuve peut ainsi être administrée !

newsid:11998

Recouvrement de l'impôt

[Le point sur...] L'obligation solidaire des époux : à charge et à décharge

Lecture: 10 min

N1986AB8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11986
Copier

par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010


Le principe de solidarité entre époux édicté par les dispositions des articles 1685 et suivants du CGI autorise les services de recouvrement à poursuivre indifféremment auprès de l'un ou de l'autre époux le recouvrement de la totalité de leur dette fiscale (voir les instructions de la Comptabilité publique n° 83-103-A1, du 31 mai 1983 ; n ° 87-142-K1, du 25 novembre 1987; et n° 88-82-A3, du 15 juillet 1988). Toutefois, ces mêmes dispositions ouvrent à l'un et à l'autre des époux le même droit à demander à être déchargé de son obligation de s'en acquitter sans autre précision sur les conditions et modalités de leur demande.

Ainsi, chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint au titre de la taxe d'habitation (CGI, art. 1685, al.1) et est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu ainsi qu'au versement des acomptes prévus par l'article 1664 du même code, calculés sur les cotisations correspondantes mises à la charge des époux dans les rôles concernant la dernière année au titre de laquelle ils ont été soumis à une imposition commune (CGI, art. 1685, al. 2).

Il doit être précisé que pour l'application de l'alinéa 2 de l'article 1685 précité du CGI la solidarité n'est pas subordonnée à la condition que les époux vivent sous le même toit (CE, 21 décembre 1994, n° 132237, Ministre du Budget c/ Mme Ginette Hutin N° Lexbase : A4200ASD) et qu'elle ne peut jouer à l'égard des revenus dont l'un ou l'autre des époux a disposé en dehors d'une période d'imposition commune (CAA Paris, 18 janvier 2000, n° 98PA03683, Mme Mauger c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0347BIP).

Les dispositions précitées de l'article 1685 du CGI sont également applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font l'objet d'une imposition commune à l'impôt sur le revenu .

A titre indicatif il est rappelé que s'il est confirmé que les époux sont au nombre des personnes déclarées solidairement responsables du paiement des impositions par la doctrine administrative (Doc. adm. 13 S 4) pour les impôts directs, la question de la solidarité peut se poser par ailleurs le cas échéant, dans les situations qui suivent et qui seront évoquées pour mémoire dans cet exposé, sans que cette liste soit considérée comme exhaustive :

  • en matière successorale ,
  • en matière de délits fiscaux : complicité , et de condamnation pénale ,
  • en matière de sentences arbitrales et de décisions judiciaires ,
  • en matière de gestion de sociétés notamment des sociétés civiles (impôts locaux ou impôts sur les sociétés) dus par ces dernières en application de l'article 1857 du Code civil (N° Lexbase : L2054ABP), mais aussi de gestion de fonds de commerce (cession)...etc.,
  • en matière de dissimulation entachant les situations révélées par des actes ou conventions entre parties .

L'alinéa 2 de l'article 1685 du CGI prévoit que chacun des époux peut demander à être déchargé de son obligation. Cette possibilité offerte par le texte soulève plusieurs difficultés.

La première est de savoir à quel type de procédure se rattache l'action du conjoint qui demande à être déchargé de son obligation et à quels textes cette demande est-elle susceptible de se rattacher.

La seconde est d'en connaître les conditions et modalités.

En ce qui concerne la nature de la procédure suivie pour l'application des dispositions de l'article 1685 du CGI, celle-ci se rattache à la catégorie des recours gracieux visés aux articles L. 247 et suivants du LPF (N° Lexbase : L8223DNU) sur les remises d'impôts et les transactions d'amendes ou de majorations d'impôts que l'administration peut accorder aux contribuables qui en font la demande.

Ainsi, selon la jurisprudence, les prescriptions édictées en matière de remises et transactions à titre gracieux, par l'article L. 247, alinéa 2, du LPF s'appliqueraient par extension, au cas où l'un des deux époux demande à être déchargé de son obligation solidaire de payer l'impôt sur le revenu établi au nom des deux conjoints (CE, 5 février 1992, n° 74989, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget c/ M. Vaudable N° Lexbase : A5109ARN).

L'administration, toujours selon les dispositions de l'article L. 247 du LPF, peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers.

Il peut être fait application de cette disposition au cas de la décharge en solidarité prévue par l'article 1685 du CGI (CAA Paris, 2ème ch., 5 janvier 2004, n° 99PA02254, Mme Mas-Fraigneaud c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5622DBT).

Par ailleurs, ce sont enfin les dispositions des articles R. 247-10 (N° Lexbase : L3067AEC) et R. 247-11 (N° Lexbase : L2816AEZ) du LPF, visant la compétence des autorités habilitées à recevoir les demandes de dispense de paiement d'impositions, recouvrées par les comptables du Trésor ou de la Direction générale des impôts, dues par d'autres personnes et mises à leur charge qui ont été reconnues par la jurisprudence applicable au cas où l'un des époux demande a être déchargé d'une imposition à l'impôt sur le revenu établi au nom de l'un ou l'autre des conjoints (CE, 7e et 9e s-s., 8 janvier 1988, n° 79220, Mme Nolin-Draillard c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6652AP3).

Les conditions de la recevabilité de l'action "en désolidarisation" (décharge de l'obligation solidaire)

L'appréciation par les comptables du Trésor des demandes en décharge gracieuse de responsabilité formulées par les ex-conjoints dépend principalement de deux critères.

En premier lieu, la situation financière ou pécuniaire du demandeur (revenu, patrimoine, dettes en propre... - Rapport dette fiscale du conjoint/Revenus-patrimoine de l'épouse) au jour de la demande est prise en compte pour évaluer son incapacité à faire face à sa dette de solidarité (CE, 7° et 8° s-s, 3 octobre 1990, n° 98430, Ministre du Budget c/ Mme Richard N° Lexbase : A4810AQ9 ; CE, 9° et 8° s-s, 10 mai 1993, n° 120238, Ministre du Budget c/ Mme Zeppelini Amon N° Lexbase : A9466AMK ; CE, 8° et 9° s-s, 26 mai 1993, n ° 119854, Mme Maryvonne Guenet c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9485AMA ; CE, 8° et 9° s-s, 23 juillet 1993, n° 135582, Mme Vansteenbrugge c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0388ANP ; CE, 8 ° et 9° s-s, 10 novembre 1993, n° 124444, Mme Françoise Kruse c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1176ANU ; CE, 8° et 9° s-s, 1er décembre 1993, n° 117505, Mme Sender-Trouette c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7778AMZ ; CE, 9° et 8° s-s, 12 octobre 1994, n° 135909, Mme Etrillard c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3153ASL ; CAA Marseille, 3e ch., 29 mars 1999, n° 97MA00755, Mme Jacqueline Brametz c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4583BMP ; CAA Douai, 2ème ch., 6 février 2001, n° 98DA00332, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Mauricette Renard Gosset N° Lexbase : A0057BM3 ; CAA Paris, 2èmech., 5 janvier 2004, n° 99PA02254, Mme Mas-Fraigneaud c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).

Toutefois, parmi les éléments du patrimoine répertoriés par l'administration, la résidence principale n'est pas nécessairement prise ne compte (TA Toulouse, 1ère ch., 13 avril 1999, n° 98-2946 ; CAA Douai, 2e ch., 6 février 2001, n° 98DA00332, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Mauricette Renard Gosset).

En second lieu, le comportement fiscal du demandeur dans le passé est ensuite examiné sans pour autant que soient accueillis les moyens tirés de ce qu'il aurait été victime d'agissements frauduleux de l'ex-conjoint (CAA Paris, 7 novembre 1995, n° 94PA02149, Mme Derlon c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7632BH7) ou de ce que les impositions rappelées à la suite d'un contrôle seraient des revenus acquis et dissimulés par l'autre conjoint (CE, 21 octobre 1994, n° 132237, Ministre du Budget c/ Mme Ginette Hutin).

Toutefois, la doctrine administrative (instruction de la Comptabilité publique n° 83-103-A1, du 31 mai 1983 ; Rép. min. n° 65692, Bocquet, JOANQ du 15 juillet 1985, p. 3275) autorise l'administration "à accorder des décharges gracieuses de responsabilité toutes les fois ou il apparaît que le conjoint mis en cause a, en réalité, été victime d'un comportement irresponsable de l'autre et qu'il n'a en rien été complice de ses fraudes éventuelles".

Cette instruction plus libérale que la pratique administrative, sans être contraire au texte de l'article 1685 du CGI, ne peut être opposée aux services de l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3) dès lors que s'agissant d'une question touchant au recouvrement de l'impôt celle-ci n'est pas visée par la garantie instituée par cet article au profit du contribuable (CE, 24 avril 1981, n ° 16130, Société à responsabilité limitée "Tranchant Frères" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3477AKY).

En revanche, il serait possible d'invoquer ladite instruction sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 (n° 83-1025 N° Lexbase : L0278A3P) qui dispose que "tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" (CAA Bordeaux, 3ème ch., 23 mars 1999, n° 97BX00804, Mme de Lauriere c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6016BEK).

Il convient d'observer que la même cour d'appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 3e ch., 12 juin 2001, n° 99BX00107, Mme Roge c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2118BE8) a considéré que le conjoint ne pouvait invoquer à l'appui de l'article 10 du même décret, la doctrine "prescrivant la bienveillance au bénéfice de l'époux solidairement tenu au paiement de l'impôt s'il ne s'est pas enrichi du fait des fraudes commises par son conjoint ou n'y a pas participé plus ou moins sciemment".

Si les dispositions de l'article 1685 du CGI ainsi que les dispositions relatives aux recours gracieux ne disent rien sur les voies de recours dont disposent le conjoint à l'encontre des décisions de rejet prises par l'administration sur leur demande en décharge de solidarité, le conjoint demandeur dispose néanmoins, et en toute hypothèse, de la voie du recours hiérarchique en application des principes de droit administratif.

En effet, les tiers mis en cause peuvent se pourvoir à tout moment, à l'appui de ces principes, devant le Ministre contre la décision des comptables du Trésor ou de la Direction générale des impôts.

L'attention est attirée sur le fait que toujours en application de ces principes la demande en remise gracieuse, visée à l'article L. 247 et suivants du LPF, peut être intentée après un rejet du recours contentieux en décharge de l'obligation de payer.

Enfin, en toute hypothèse, le conjoint, s'il souhaite poursuivre la procédure, dispose, suite au rejet de ses recours, de la faculté de porter le litige devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir (recours sanctionnant l'incompétence de l'autorité ayant pris la décision, l'erreur de droit, l'erreur manifeste d'appréciation des faits...). dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision administrative de rejet de ses actions (CAA Paris, 2e ch., 1er février 2001, n° 97PA01896, SA Padel et Cie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1434AZ7).

Les conséquences au niveau du conjoint de l'action "en désolidarisation" (décharge de l'obligation solidaire).

En premier lieu, l'admission par l'administration (le trésorier payeur général) d'une demande en décharge de l'épouse ne fait aucun grief à son conjoint, qui demeure redevable des impositions en cause et se trouve par conséquent obligé au paiement (CAA Paris, 25 avril 1995, n° 93PA01121, M. Genin c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1811BIW).

Le même arrêt précise par ailleurs que ce même conjoint n'a pas d'intérêt à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision prise par l'administration.

De même, un ex-conjoint n'est pas recevable à former tierce opposition au jugement par lequel un tribunal a annulé la décision de l'administration refusant d'accorder à son ex-épouse la décharge de sa propre obligation solidaire (CAA Bordeaux, Plén., 15 janvier 1996, n° 93BX01184, M. Labro c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2991BEI)

Egalement, le reversement effectué à titre gracieux par l'administration au profit de l'épouse ayant engagé une demande en décharge d'une dette d'impôt qui avait été payée ne peut avoir pour effet de rendre l'ex-époux à nouveau débiteur de cette somme (TA Paris, 18 février 1997, n° 93-11601).

Les acomptes versés, à l'occasion de la liquidation d'une indivision conjugale, sont réputés avoir été versés au nom de chacun d'eux et la restitution à l'un seulement d'entre eux ne permet pas à l'autre d'en revendiquer également le remboursement (TA Paris, 18 février 1997, n° 93-11602).

Enfin, le conjoint ne peut motiver sa demande gracieuse en décharge de solidarité au motif tiré de ce que son conjoint et lui-même auraient dû faire l'objet d'une imposition distincte conformément aux prescriptions de l'article 6-4 du CGI (CE, 5 février 1992, n° 74989, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget c/ M. Vaudable).

En conclusion, si les conjoints en raison de leur solidarité au paiement de l'impôt peuvent demander, à l'appui des textes précités, la décharge de leur obligation, les dispositions dont ils disposent à cet effet sont appréciées strictement et discrétionnairement par l'administration sous le contrôle du juge qui dispose d'une marge de manoeuvre étroite en la matière, réduisant ainsi la portée effective de la faculté offerte aux conjoints.

newsid:11986

Internet

[Manifestations à venir] Loi pour la confiance dans l'économie numérique - Enjeux et perspectives

Lecture: 1 min

N1987AB9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11987
Copier

Le 07 Octobre 2010

La Lettre des Juristes d'Affaires (LJA), et les rédactions du Lamy Droit de l'Informatique et des Réseaux et du Lamy Droit des Médias et de la Communication organisent, le 7 juillet prochain, une matinée-débats consacrée aux enjeux et perspectives de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Appelé à devenir un texte fondateur du droit français de l'Internet, la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN) a notamment pour objectifs de donner une nouvelle impulsion au commerce électronique et de renforcer la sécurité des transactions en ligne. Aussitôt adoptée, la loi a été déférée devant le Conseil Constitutionnel qui doit rendre sa décision avant le 18 juin prochain. Les dispositions prévues par la LEN soulèvent de nombreuses inquiétudes et interrogations pour les professionnels concernés.
  • Thèmes abordés

Présentation de la LEN : un texte fondateur en droit français de l'Internet ?

Quel est le cadre juridique issu de la LEN ?

- Une nouvelle notion : la communication au public par voie électronique
- Quel cadre pour la publicité en ligne ?
- Quelles conditions de validité pour les contrats électroniques ?
- Quelle responsabilité pour les intermédiaires techniques ?
- Quelle responsabilité pour les cyber-commerçants ?

  • Intervenants

Michel Vivant, professeur à l'Université de Montpellier, responsable du Lamy Droit de l'Informatique et des Réseaux
Cyril Rojinsky, avocat au Barreau de Paris, membre du Conseil d'orientation du Forum des droits sur l'Internet

  • Date

Mercredi 7 juillet 2004
8h45 - 11h30

  • Lieu

Hôtel de Crillon
Salon Gabriel
10, place de la Concorde
75008 Paris

  • Tarifs

Abonnés à la LJA : 315 euros HT
Non abonnés : 420 euros HT

  • Renseignements

matineesdebats@lamy.fr

newsid:11987

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le salarié qui emporte des documents pour se défendre en justice n'est pas un voleur

Réf. : Cass. crim., 11 mai 2004, n° 03-85.521, Société Pierson Diffusion, partie civile, FS-P+F+I (N° Lexbase : A5252DCI)

Lecture: 8 min

N1973ABP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11973
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Le salarié qui emporte des documents appartenant à son employeur pour les produire en justice dans le cadre du procès prud'homal est-il un voleur ? Jusqu'à une date récente, la Chambre criminelle de la Cour de cassation apportait une réponse positive à cette question, se réfugiant ainsi derrière la logique propre au droit pénal sans se laisser influencer par les principes plus souples de l'admission de la preuve en matière de contentieux du travail. Or, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient opportunément de changer d'avis dans un arrêt en date du 11 mai 2004. Cette décision met un terme à la divergence de jurisprudence entre les chambres sociale et criminelle de la Cour de cassation, ce dont on peut se féliciter (1). Elle semble également opportune, car elle laisse au salarié une véritable chance de pouvoir faire valoir ses droits en justice (2).
Décision

Cass. crim., 11 mai 2004, n° 03-85.521, Société Pierson Diffusion, partie civile, FS-P+F+I (N° Lexbase : A5252DCI)

Rejet de CA Nancy, ch. Corr., 14 novembre 2002

Vol ; salarié emportant des documents appartenant à l'entreprise ; relaxe

Texte visé : articles 591 (N° Lexbase : L3975AZA) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale ; article 311-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7586ALK)

Liens base : ;

Faits

1. Liliane X, salariée de la société Pierson diffusion, a été poursuivie notamment pour avoir frauduleusement soustrait, au préjudice de son employeur, un cahier destiné au calcul de la taxe sur la valeur ajoutée, deux bulletins de paie ainsi que la photocopie de divers documents appartenant à l'entreprise qui l'employait en qualité de comptable et qui avait décidé de la licencier ;

2. Elle a été relaxée, aux motifs que :
- ce cahier, instrument de travail personnel de Liliane X, ne constitue pas un document de l'entreprise ;
- l'intention de porter atteinte à la propriété n'est pas établie dès lors que Liliane X, qui avait librement et régulièrement accès aux documents dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, n'a pu avoir cette conscience particulière, laquelle est manifestement incompatible avec la défense de ses droits en justice, étant précisé qu'aucune autre intention que celle de se préserver légitimement des preuves et de les faire valoir dans le cadre de l'instance prud'homale n'est caractérisée.

Problème juridique

Le salarié qui soustrait à l'entreprise des documents pour assurer sa défense en justice est-il coupable de vol ?

Décision

1. Rejet

2. "Les documents de l'entreprise dont la prévenue avait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions et qu'elle a appréhendés ou reproduits sans l'autorisation de son employeur étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à ce dernier".

Commentaire

1. La fin d'une contrariété de jurisprudence... contrariante

  • L'indifférence des mobiles du voleur

Le vol, défini comme "la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui" (C. pén., art. 311-1 N° Lexbase : L7586ALK) est une infraction intentionnelle. L'agent doit donc avoir la volonté de priver autrui des attributs que lui confère son droit de propriété. Classiquement, les mobiles du voleur ne sont pas pris en compte dès lors qu'il a bien agi avec l'intention de soustraire frauduleusement la chose. C'est la raison pour laquelle la mère de famille, même guidée par la seule intention de nourrir ses enfants, reste une voleuse, quels qu'aient été ses mobiles, même nobles (cf affaire Ménard : CA Amiens, 22 avril 1898 : D.P. 1899-II-329, note L. Josserand). C'est par application de ces mêmes principes stricts que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait jusqu'à présent considéré que le salarié qui emporte des documents de son entreprise, même pour se ménager des preuves dans le cadre du procès prud'homal, devait être considéré comme un voleur (Cass. crim., 16 mars 1999, n° 97-85.054, La Société des établissements Rabot, inédit N° Lexbase : A5387AWG).

  • Une solution en contrariété avec la jurisprudence de la Chambre sociale

Cette sévérité tranchait avec la position adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, dans des circonstances comparables, acceptait la validité des éléments de preuve fournis par le salarié dans le cadre du litige prud'homal, dès lors que ces éléments faisaient partie des "informations dont les membres du personnel pouvaient avoir normalement connaissance" (Cass. soc., 2 décembre 1998, n° 96-44.258, M Fdida c/ Société OCME France N° Lexbase : A3756ABQ, D. 1999, jur. p . 431, note H. Gaba ; JCP G 1999, II, 10166, note S. Bouretz ; Dr. ouvrier 2000, p. 13, note R. Marié). Cette contrariété de jurisprudence avait d'ailleurs conduit la cour d'appel de Paris à considérer que le salarié ne pouvait être coupable de vol compte tenu de l'erreur de droit qu'il avait pu commettre en se fondant sur la jurisprudence rendue en matière sociale. Or, cet argument est rejeté par un deuxième arrêt rendu le même jour, la Chambre criminelle ayant considéré que "l'erreur de droit n'était pas invincible" (Cass. crim., 11 mai 2004, n° 03-80.254, FS-P+F+I N° Lexbase : A5245DCA).

  • Le revirement

Ce sont sans doute ces éléments qui ont déterminé la Chambre criminelle de la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence et à rendre l'arrêt du 11 mai 2004 (solution également présente dans l'arrêt du 11 mai 2004 précité).

Dans cette affaire, la salariée avait pris la précaution d'emporter de l'entreprise un certain nombre de documents lui permettant d'étayer ses prétentions devant le juge prud'homal. Poursuivie pour vol par son employeur, elle avait été relaxée, notamment au motif que l'intention de porter atteinte à la propriété n'était pas établie, dès lors qu'elle avait librement et régulièrement accès aux documents dans le cadre de l'exercice de ses fonctions et qu'elle n'avait pu avoir cette conscience particulière, laquelle est manifestement incompatible avec la défense de ses droits en justice, étant précisé qu'aucune autre intention autre que celle de se préserver légitimement des preuves et de les faire valoir dans le cadre de l'instance prud'homale n'était caractérisée. En d'autres termes, la cour d'appel avait considéré que l'élément intentionnel n'était pas caractérisé car elle n'avait cherché qu'à défendre ses droits en justice.

Or, le pourvoi contre cet arrêt est rejeté, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ayant considéré que "les documents de l'entreprise dont la prévenue avait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions et qu'elle a appréhendés ou reproduits sans l'autorisation de son employeur étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à ce dernier". Cette solution nous semble opportune, même si elle met à mal les certitudes que l'on pouvait avoir en matière pénale.

2. Une solution opportune

  • Une situation complexe

Juridiquement, et au regard des règles du droit pénal, la situation était complexe. On sait, en effet, que la jurisprudence est extrêmement réticente à admettre le simple vol d'information par photocopie, seules des choses corporelles pouvant faire l'objet d'une "soustraction". Elle sanctionne toutefois le vol d'usage (Cass. crim., 8 janvier 1979, n° 77-93038, Société Logabax c/ Thinot, publié N° Lexbase : A5560CGZ D. 1979, jur. p. 509, note Corlay) ou le vol du papier (Cass. crim., 3 mars 1992, n° 90-82.964, Le procureur général près la cour d'appel de Nancy, inédit N° Lexbase : A6385CL3) ou d'une disquette informatique ayant servi à stocker les informations (Cass. crim., 1er mars 1989, n° 88-82.815, Antoniolli Aldo, publié N° Lexbase : A6446CEH).

Il fallait donc trouver autre chose pour écarter la qualification de vol et la Cour de cassation a choisi, comme l'avaient fait avant elle les juges d'appel dans cette affaire, de contester l'existence de l'élément intentionnel. La solution est incontestablement audacieuse, car le salarié qui emporte des documents de l'entreprise, ou qui les reproduit, ne peut pas ignorer que ces documents appartiennent à l'entreprise et que l'employeur s'y opposerait s'il en avait la possibilité.

  • Une exception stricte

Pour justifier la solution, la Chambre criminelle de la Cour de cassation tente de circonscrire étroitement les conditions dans lesquelles le vol ne sera pas caractérisé. La première tient aux conditions dans lesquelles le salarié doit avoir accès aux documents ; le salarié doit en effet en avoir eu connaissance "à l'occasion de ses fonctions". La formule est large puisqu'elle n'est pas limitée aux documents dont le salarié avait connaissance "en raison de ses fonctions" ; tous les documents auxquels il avait accès, même si ces derniers ne sont pas directement liés à ses fonctions, sont donc concernés.

La seconde condition tient en partie aux documents et en partie aux mobiles du salarié, même si la Cour a bien pris soin de ne pas faire directement apparaître cette dimension psychologique ; les documents devaient être "strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à ce dernier". En d'autres termes, c'est le droit au procès équitable, reconnu par l'article 6-1 de la CEDH (N° Lexbase : L7558AIR), qui semble ici être le moteur de la décision. C'est bien parce que le salarié a besoin de ces documents pour pouvoir "exercer" ses droits que son comportement ne tombe pas sous le coup de la loi. Ce n'est pas, à proprement parler, la première fois que la Chambre criminelle de la Cour de cassation raisonne ainsi. Dans une affaire où un médecin avait été amené à révéler des informations couvertes par le secret médical pour assurer sa défense en justice, ce dernier avait été relaxé précisément parce qu'il avait révélé l'information pour assurer sa défense devant le tribunal (Cass. crim., 20 décembre 1967, n° 66-92.779, publié N° Lexbase : A3370CIN).

Le droit de se défendre en justice apparaît donc comme absolu et supplante ainsi les règles ordinaires relatives au vol ; il constitue, en quelque sorte, un fait justificatif, même si la solution n'est pas présentée ici en ces termes.

  • Une solution justifiée au regard de l'aptitude à la preuve

Justifiée sur le plan pénal, la solution est également opportune sur le plan civil. Non seulement elle réalise, comme nous l'avons rappelé, l'unité des jurisprudences sociale et criminelle, mais elle rend mieux compte de la réalité des difficultés rencontrées par le salarié lorsqu'il souhaite prouver quelque chose contre son employeur.

Dans des litiges relatifs notamment au paiement des heures supplémentaires, le salarié est contraint de fournir au juge des éléments de fait qui permettent d'étayer sa prétention. Même si l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8) fait également peser sur les épaules de l'employeur la charge de la preuve contraire, il sera débouté s'il ne dispose d'aucun document lui permettant d'établir au moins une apparence favorable (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3356DBW, voir Gilles Auzero, La preuve des heures supplémentaires : les rôles respectifs de l'employeur et du salarié, Lexbase Hebdo n° 111 du mercredi 10 mars 2004 - édition lettre juridique N° Lexbase : N0829ABC ; Dr. soc. 2004, p. 665, obs. Ch. Radé). Or, ces éléments appartiennent nécessairement à l'employeur. Menacer le salarié de poursuites pour vol s'il produit en justice de tels documents équivaudrait alors à lui interdire effectivement de faire valoir ses droits en justice. Certes, il ne s'agit pas ici de tolérer que le salarié puisse dérober n'importe quel document. La Chambre sociale de la Cour de cassation avait d'ailleurs pris la peine de préciser que seules les "informations dont les membres du personnel pouvaient avoir normalement connaissance" pourraient être produites (Cass. soc., 2 décembre 1998, n° 96-44.258, M. Fdida c/ Société OCME France N° Lexbase : A3756ABQ, D. 1999, jur. p . 431, note H. Gaba ; JCP G 1999, II, 10166, note S. Bouretz ; Dr. ouvrier 2000, p. 13, note R. Marié). Cette exigence se retrouve d'ailleurs formellement dans l'arrêt rendu par la Chambre criminelle le 11 mai 2004, puisque la Cour limite sa décision aux "documents de l'entreprise dont la prévenue avait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions".

Ainsi, les employeurs seront prévenus. Les documents auxquels les salariés auront normalement accès pourront être produits en justice. Au nom de l'égalité des armes, la solution mérite donc de recevoir approbation.

newsid:11973

Droit financier

[Le point sur...] Les mesures défensives adoptées en cours d'offre publique :
à propos du projet d'émission des bons Plavix

Lecture: 5 min

N1981ABY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11981
Copier

par Frédéric Leplat, Docteur en droit, Avocat à la Cour

Le 07 Octobre 2010

L'offre publique, dans un premier temps hostile, lancée par Sanofi-Synthélabo sur Aventis a été l'occasion de préciser la portée du droit, récemment reconnu à l'assemblée générale des actionnaires de la cible, d'adopter des mesures défensives en cours d'offre (1). Ce droit leur est reconnu par l'article 4 du récent règlement COB 2002-04 (2) et cette offre publique en est la première application. Pourtant, dans son communiqué de 23 avril 2004 (N° Lexbase : L2995DYL), l'Autorité des marchés financiers (AMF) a estimé que le projet d'émission, par Aventis, des bons de souscription d'actions, dénommés bons Plavix, ne s'inscrivait pas dans le cadre des principes qui régissent le bon déroulement des offres publiques, à savoir le libre jeu des offres et des surenchères, la transparence et l'intégrité du marché, et la loyauté dans les transactions et la compétition (3). A la suite de la présentation par Sanofi-Synthélabo de son offre améliorée sur Aventis, cette dernière a renoncé à son projet d'émission. L'avis de l'AMF n'en conserve pas moins tout son intérêt pour l'avenir.

Les bons Plavix auraient été émis par Aventis dans le cadre de sa défense contre l'offre publique de Sanofi-Synthélabo. Ces bons de souscription d'actions devaient être gratuitement remis aux actionnaires d'Aventis la veille de la clôture de l'offre à raison d'un bon de souscription d'action par action détenue dans son capital.

Dans la dernière version du projet de résolution qui devait être proposée aux actionnaires d'Aventis, l'exercice des bons était soumis à deux conditions : la première étant que Sanofi-Synthélabo réussisse son offre, la seconde que Sanofi-Synthélabo perde son brevet protégeant le médicament Plavix. Ce médicament est, en effet, l'un des éléments phare de Sanofi-Synthélabo. Bien qu'il soit protégé par un brevet jusqu'au 31 décembre 2007, il est copié aux Etats-Unis par des fabricants de génériques. Un litige est d'ailleurs en cours devant les juridictions américaines. Si le risque auquel l'exercice des bons était subordonné s'était réalisé, chaque titulaire d'un BSA aurait pu souscrire une action nouvelle Aventis moyennant un prix unitaire égal à la valeur nominale du titre et entraînant ainsi une augmentation de 22 % du capital d'Aventis.

En outre, une telle opération surenchérissait d'autant le coût de l'offre lancée par Sanofi-Synthélabo. En réaction, Sanofi-Synthélabo projetait d'émettre ses propres bons pour s'assurer contre ceux d'Aventis.

Dans son communiqué du 23 avril 2004, l'AMF, après avoir réaffirmé la légitimité des mesures défensives approuvées par l'assemblée générale des actionnaires en cours d'offre (I), tempère ce principe au nom du bon déroulement des offres publiques (II).

I- La légitimité des mesures défensives adoptées par l'assemblée générale en cours d'offre réaffirmée par l'AMF

Dans son communiqué, l'AMF "réaffirme le principe selon lequel des mesures de défense contre une offre publique peuvent être adoptées en cours d'offre par l'assemblée générale des actionnaires réunie à cet effet".

Ce principe est expressément posé par l'article 4 du règlement 2002-04 relatif aux offres publiques d'acquisition. Il dispose que si la société et les personnes agissant de concert avec elle, "décident d'accomplir des actes autres que de gestion courante, à l'exception de ceux expressément autorisés par l'assemblée générale des actionnaires réunie pendant l'offre, les dirigeants de la société visée en avisent la Commission afin de lui permettre de veiller à l'information du public et de faire connaître, s'il y a lieu, son appréciation". Ce règlement reprend le projet de directive européenne (4), depuis revu par la Commission européenne et aujourd'hui définitivement adopté (5).

Le règlement 2002-04 tend à ériger le vote de l'assemblée générale des actionnaires comme seul critère de légitimité des mesures anti-OPA (6). Il impose, en outre, une convocation de l'assemblée générale des actionnaires en cours d'offre, condamnant ainsi les autorisations préalables qui seraient données aux dirigeants de prendre des mesures défensives.

La condition tenant à une approbation des actionnaires en cours d'offre est une condition nécessaire. Le projet d'émission des bons Plavix montre qu'elle n'est pas pour autant une condition suffisante.

La nécessité d'un vote en assemblée générale, visé par le règlement 2002-04, doit s'interpréter comme interdisant aux dirigeants d'engager les moyens financiers de la société pour lutter contre une offre hostile, l'intérêt personnel du dirigeant de la cible et celui de ses actionnaires n'étant pas nécessairement convergeant. Ainsi la cible ne peut-elle, en cours d'offre, intervenir sur ses propres titres (7). Pour autant, la décision des actionnaires de la cible doit se conformer aux principes gouvernant le bon déroulement des offres publiques. Toute mesure défensive approuvée par la cible n'est pas pour autant légitime.

II- Les limites tirées des principes régissant le bon déroulement des offres publiques

Bien que devant être soumis à l'assemblée générale d'Aventis, le projet d'émission des bons Plavix a fait l'objet d'une appréciation défavorable de la part de l'AMF. Cette position est motivée à la fois par des caractéristiques spécifiques du projet qui lui a été présenté, mais également, et plus généralement, en raison de l'équilibre de l'opération.

Pour ce qui est des caractéristiques spécifiques du projet d'Aventis, l'AMF constate dans son communiqué que les bons "apparemment destinés à couvrir le risque Plavix , connu du marché, pourraient soit être activés alors que ce risque ne serait pas réalisé, soit être désactivés alors même que le risque subsisterait". Par ailleurs, faisant implicitement allusion au projet d'émission de bons par Sanofi-Synthélabo, l'autorité estime que les bons Plavix seraient susceptibles "de provoquer en réaction des enchaînements générateurs de grands désordres pour le marché".

Pour autant, la position de l'AMF a une portée plus large. Dans des termes mesurés, l'AMF estime également que "l'émission de BSA constitue en réalité un moyen détourné de relèvement unilatéral du prix offert par l'initiateur qui crée une situation ambiguë quant à la liberté d'enchérir de celui-ci et une incertitude quant au déroulement ordonné de la procédure d'offre dont elle est gardienne". Elle estime par ailleurs qu'elle "ne saurait accepter des dispositifs destinés à ne jouer qu'à l'encontre de l'un des intervenants possibles".

En effet, l'article 4 du règlement 2002-04 impose "d'agir dans le respect du libre jeu des offres et de leurs surenchères, de l'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres des sociétés concernées, de la transparence et de l'intégrité du marché, de la loyauté dans les transactions et la compétition".

A cet égard, le projet d'émission des bons Plavix soulève effectivement des doutes : la condition tenant au succès de l'offre lancée par Sanofi-Synthélabo est clairement de nature à porter atteinte à la liberté d'enchérir. Néanmoins, une telle analyse conduirait à condamner toute autre mesure défensive adoptée en cours d'offre. Il en serait ainsi dans le cas d'une augmentation de capital de la cible. Une telle mesure est pourtant incontestablement admise au regard de la réglementation en vigueur.

Dès lors, seule la condition tenant à la perte du brevet Plavix peut expliquer les réserves dont le projet d'émission des bons a fait l'objet. En effet, le risque de perte par Sanofi-Synthélabo de son brevet était déjà connu lors du lancement de son offre sur Aventis. Or, le cours de bourse représente la synthèse des évaluations qui ont été conduites par chaque donneur d'ordre (8). Ainsi le cours des actions Sanofi-Synthélabo était-il déjà censé intégrer cet élément connu au jour du lancement de l'offre. Dès lors, l'émission des bons Plavix aurait eu pour conséquence de faire payer deux fois ce risque aux actionnaires actuels de Sanofi-Synthélabo. La réaction de Sanofi-Synthélabo ne pouvait être que d'émettre des bons comparables au profit de ses propres actionnaires au jour de l'offre pour rétablir l'égalité entre les futurs détenteurs de son capital.

Finalement, le projet d'émission des bons Plavix entraînait, de fait, une augmentation unilatéralement décidée par la cible du prix à payer par l'initiateur de l'offre. Une telle situation était à elle seule de nature à condamner ce montage. Les réserves devenaient d'autant plus sérieuses au regard de l'égalité dans la compétition, en raison du projet d'offre concurrente qui aurait émané de Novartis.

En tout état de cause, le projet d'émission aura au moins contribué à faire prendre conscience au marché du risque que le contentieux, porté à la connaissance des juridictions américaines, faisait peser sur Sanofi-Synthélabo. La mesure défensive bien que contestée sur le plan juridique n'en a pas moins produit une partie de ses effets dans la bataille économique visant à fixer les parités entre les deux groupes (9).


(1) Sur cette offre, v. notamment dans la presse économique : Les Echos : 15 avril 2004 ; la Tribune : 19 avril 2004, p. 24, 21 avril 2004, p. 2, 26 avril 2004, p. 2.
(2) Règlement de la Commission des opérations de bourse, relatif aux offres publiques d'acquisition portant sur des instruments financiers négociés sur un marché réglementé ([LxB=L4728A4U]).
(3) Principes rappelés par l'article 4, alinéa 1er du règlement 2002-04 de la COB, relatif aux offres publiques d'acquisition.
(4) V. la proposition de treizième directive du Conseil en matière de droit des sociétés concernant les OPA ou OPE ; A.Couret, Le projet de 13e directive concernant les offres publiques, Dr. 21, 2001, ER 0111 ; C. London, OPA/OPE : la vraie communautaire ?, JCP E 1990.II.15762 ; A. Pezard, Les projets communautaires en matière d'offres publiques, RD Bancaire et financier, n° 22 sept. 1990, p 231.
(5) Le 4 juillet 2001, le Parlement a rejeté ce projet de directive, avant d'adopter finalement la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition ([LxB=L2413DYZ]). V. l'article 9 § 2 "pendant la période visée au deuxième alinéa, l'organe d'administration ou de direction de la société visée obtient une autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires à cet effet avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre, à l'exception de la recherche d'autres offres, et en particulier avant d'entreprendre toute émission d'actions de nature à empêcher durablement l'offrant de prendre le contrôle de la société visée".
(6) F. Leplat, La réforme du règlement COB relatif aux OPA et les mesures défensives adoptées en cours d'offre, PA, 29 oct. 2002, n° 216, p. 10.
(7) Art. 5 du règlement 2002-04.
(8) Le cours de bourse, Réflexions autour d'une réalité juridique, par D. Valette, in Etudes sur le cours de Bourse, Economica, sous la direction de J. Stoufflet et J.-P. Deschanel, p. 8.
(9) Selon la presse, la probabilité d'une perte du brevet s'est rapprochée dans l'esprit des investisseurs d'une chance sur trois au début de l'année à trois chances sur quatre à la fin avril (A. Robert, L'autorité a condamné le projet de bons de souscription, La Tribune, lundi 26 avril 2004, p. 3).

newsid:11981

Pénal

[Questions à...] Loi Perben II : questions à ... Maître Jean-Yves Le Borgne, avocat au barreau de Paris

Réf. : Loi n° 2004-204, 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L1768DP8)

Lecture: 15 min

N1947ABQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11947
Copier

par Propos recueillis par Marine Parmentier et Julien Prigent, Avocats au Barreau de Paris

Le 07 Octobre 2010

La loi Perben II a été définitivement adoptée le 11 février 2004 malgré les vives critiques dont le projet avait été l'objet en raison des menaces importantes qu'il faisait peser sur les droits de la défense. A l'exception de deux dispositions et de quelques réserves d'interprétation, elle a toutefois franchi le filtre du Conseil constitutionnel (décision n° 2004-492 DC, 2 mars 2004 N° Lexbase : A3770DBA). Cette loi est désormais en vigueur, même si l'application de certaines de ses dispositions a été différée, et a fait l'objet encore récemment d'une circulaire d'application (circulaire JUS-D-04-30092C, 14 mai 2004). Le président de l'association des avocats pénalistes (ADAP), Maître Jean-Yves Le Borgne, a accepté de revenir sur les grands changements opérés par cette loi et de nous faire partager son point de vue avisé sur ces différentes modifications. Me Parmentier : l'un des aspects le plus médiatique de la loi Perben II a été la création d'un régime spécifique à la criminalité organisée. Pouvez-vous en dégager les grandes lignes ?

Me Le Borgne : L'esprit de la loi, son intention officielle en tout cas, consiste à créer une procédure nouvelle pour des cas spécifiques.

Les cas spécifiques sont des cas dits de "criminalité organisée". C'est l'article 1er de la loi qui liste un certain nombre d'infractions qui vont être - c'était l'argumentation de ceux qui soutenaient la loi - les hypothèses exclusives dans lesquelles cette procédure d'exception sera appliquée.

Puis, à la suite de cet article, qui est un simple "catalogue" des infractions visées par la criminalité organisée, se trouve un autre article assez particulier qui prévoit les cas où les lois à venir envisageront l'applicabilité des éléments de cette nouvelle procédure en dehors ce ceux qui sont visés à l'article précédent. L'idée d'une généralisation du processus est posée d'entrée de jeu. C'est une généralisation potentielle, pas une universalisation puisqu'il est dit que, lorsque la loi le prévoira, les dispositions en question seront applicables aux crimes organisés autres que ceux déjà visés. Toutefois l'infraction devra néanmoins avoir été commise en bande organisée.

Me Parmentier : que recouvre cette notion de "bande organisée" ?

Me Le Borgne : C'est ici que le bât blesse et c'est d'ailleurs le point essentiel de la critique : le critère, c'est la bande organisée mais ce dernier n'est pas défini. Par exemple, en présence de deux personnes y a-t-il bande organisée ? On n'en sait rien. Par ailleurs, quelle est l'exigence du degré d'organisation ? On est tous organisés et, à moins de confusion mentale confinant à l'irresponsabilité pénale, il y a toujours un minimum d'organisation chez les individus.

Me Parmentier : quelles sont les conséquences de la commission d'une infraction en bande organisée ?

Me Le Borgne : L'une des premières conséquences, c'est la garde à vue de quatre jours. Certaines personnes n'en sont pas choquées, car cela existe déjà en matière de stupéfiants et de terrorisme. Mais on assiste à une large extension de ce régime jusqu'alors exceptionnel.

En outre il faudrait se poser une question dérangeante : la garde à vue est-elle légitime en soi ? Elle n'est, en effet, qu'une sorte d'intrusion subreptice dans le Code de procédure pénale d'une réalité difficilement contournable : celle du temps où la police se saisit d'un individu. On n'est pas encore à ce stade dans la phase judiciaire mettant en oeuvre des magistrats. Mais le problème, c'est qu'entre le temps "incompressible" du transfert de l'individu interpellé devant un magistrat et l'instauration d'une rétention constitutive d'un stade spécifique de l'enquête, il y a une grande différence. La garde à vue c'est le coin dans la bûche qui ne cesse de s'élargir. Il y a eu la garde à vue de 48 heures, puis maintenant la garde à vue de quatre jours.

Le bilan de cette évolution c'est que l'intervention des magistrats est plus en plus tardive, même si des autorisations judiciaires demeurent nécessaires pour que ces gardes à vue prolongées se déroulent.

Me Prigent : vous posiez la question de la légitimité de la garde à vue. Finalement, quelle est votre opinion sur ce point ?

Me Le Borgne : Je suis réservé sur la légitimité de la garde à vue en soi, car c'est un stade où la défense est extrêmement limitée alors que l'accusation est très forte, voire violente.

Ce qui me surprend, c'est que personne ne pourrait aujourd'hui envisager qu'un juge d'instruction entende quelqu'un sans son avocat, alors qu'il est admis, dans la garde à vue, qu'un policier puisse interroger un individu des heures durant sans que la défense n'intervienne !

La garde à vue est une sorte de "soft torture", un résidu humanisé de la torture de l'Ancien Régime, de "la question" de l'ancien droit : manque de sommeil, manque d'hygiène, angoisse, etc. Je suis en conséquence d'autant plus choqué qu'on en rallonge la durée.

A partir du moment où est quelqu'un est dans une situation d'infraction potentielle, il devrait y avoir déclenchement immédiat d'un système judiciaire. Or, ce n'est pas le cas : l'intervention des magistrats dans la garde à vue est, disons le, théorique. Même si le procureur ne s'est pas vu reconnaître la faculté de décider seul d'une garde à vue de quatre jours puisqu'il devra saisir le juge des libertés. En revanche le juge d'instruction, qui est un magistrat du siège, pourra décider seul de cette prolongation. Toutefois dans l'un et l'autre cas les magistrats ne seront pas les véritables décideurs car la suggestion viendra de la police.

En outre, même si la loi prévoit une première prolongation de 24 heures à l'issue des 48 premières heures, puis une deuxième prolongation de 24heures, elle pose qu'il pourra y avoir des "cas d'exception" où cette prolongation pourra être directement de 48 heures. En pratique, on assistera sûrement à une prolongation systématique de 48 heures à l'occasion d'une seule décision. C'est dire, en clair, que la précaution d'une double réflexion sur la nécessité de cette garde à vue prolongée sera contournée. Il n'est pas rare que l'exception devienne la règle, lorsque la loi l'autorise et que le confort de l'enquête y fait incliner

Cela pose aussi un autre problème : ce régime exceptionnel de garde à vue est limité, dit-on, à des cas déterminés, mais qui aura le pouvoir de décider si l'on est bien dans un tel cas ? Le magistrat qui n'a pas le dossier ou le policier qui va dire au magistrat qu'on est bien en présence d'un crime organisé ?

Me Parmentier : que se passe-t-il en cas d'erreur de qualification ?

Me Le Borgne : C'est notamment sur cette question que la loi Perben II a fait l'objet d'une censure par le Conseil constitutionnel. Initialement - le législateur avait vu la difficulté se profiler ! - en cas d'erreur sur la qualification et de garde à vue anormalement prolongée, la nullité de la procédure avait été exclue. Le Conseil constitutionnel a censuré la loi sur ce point. Mais cela ne veut pas dire que la jurisprudence admettra que l'erreur de qualification rende nulle la garde à vue. Il ne serait pas surprenant que pour sauver la procédure on se limite à une nullité des interrogatoires qui auraient eu lieu dans la période de prolongation qui n'aurait pas dû avoir lieu. On aboutirait alors non pas à une annulation de la garde à vue, mais à la seule annulation des actes accomplis au-delà de la durée normale de cette garde à vue. Quoiqu'il en soit, il faudra sur ce sujet attendre de voir ce que les Chambres de l'Instruction et la Chambre Criminelle feront de ce texte.

Me Prigent : une autre innovation majeure de cette loi, qui a fait couler beaucoup d'encre, est le "plaider coupable". Partagez-vous la réticence de la plupart des avocats à l'égard de cette nouvelle institution de notre droit pénal ?

Me Le Borgne : Effectivement, l'élément le plus novateur de la loi Perben II est l'intégration dans notre système juridique du plaider coupable.

Ce n'est toutefois pas un complet bouleversement de nos usages. La composition pénale qui existe depuis un certain temps, est très proche, dans l'esprit, du plaider coupable, si ce n'est qu'en matière de composition pénale, il n'y a pas de véritables sanctions, mais seulement des obligations de faire ou de cesser de faire (réparer le dommage, entreprendre des travaux, etc.).

Les délits pouvant faire l'objet d'un traitement par le "plaider coupable" ne peuvent être que des délits punis d'une peine de cinq ans d'emprisonnement maximum. Aujourd'hui ces délits ne sont pas les plus fréquents et le "plaider coupable" est donc limité aux infractions ayant une "importance relative".

Il y a tout de même des exceptions à l'application de cette formule procédurale nouvelle : les mineurs, les délits de presse, les personnes renvoyées en correctionnelle par ordonnance d'un juge d'instruction. Je ne suis pas, pour ma part, farouchement attaché à cette dernière exclusion. Pourquoi faudrait-il que la personne renvoyée en correctionnelle soit privée du plaider coupable ? Si l'ordonnance de règlement du juge d'instruction devenait une ordonnance de clôture constatant l'existence de charges suffisantes, pourquoi ne pas admettre l'idée que la suite en soit une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? La question qui se pose, est de savoir pourquoi on donne au juge d'instruction le pouvoir de déterminer la manière dont on va juger, alors que dans tous les autres cas c'est le procureur qui décide de la voie procédurale, qu'il opte pour un classement sans suite, une composition pénale, une médiation pénale ou encore pour une citation directe à comparaître.

Me Prigent : quelles sont les peines encourues par le délinquant qui opte pour le "plaider coupable" ?

Me Le Borgne : La peine maximale encourue est d'un an d'emprisonnement ferme, sans qu'elle puisse être supérieure à la moitié du maximum pénal encouru : c'est, en quelque sorte, la prime incitative. On saura que, si l'on accepte un plaider coupable, on encourra pas plus d'un an d'emprisonnement et que, en toute hypothèse, on ne risquera pas plus que la moitié du maximum pénal.

De même, l'amende qui est encourue ne pourra être supérieure à la moitié de celle qui est légalement prévue.

J'estime que le plaider coupable est plutôt une bonne chose pour la défense, car il offre au prévenu le plafonnement prévu par la loi sans compter ce qu'on pourra négocier pour améliorer le sort des justiciables poursuivis.

Me Prigent : à la critique de certains qui prétendent que le plaider coupable transformerait l'avocat en un simple négociateur de peine, que répondez-vous ?

Me Le Borgne : quand on plaide devant un tribunal, on est souvent déjà dans une position de négociation. Me Polack, mon grand ancien, disait que les "avocats étaient des mendiants de liberté" ! Et il est vrai que, quand une infraction est à l'évidence constituée, l'avocat ne peut plaider que l'indulgence et la peine à "dimension humaine".

Il y a, par ailleurs, une chose que je trouve intéressante et dont, à ma connaissance, on n'a pas beaucoup parlé : la reconnaissance tardive de culpabilité. Lorsque nous aurons un client qui viendra nous voir avec sa citation en correctionnelle, on aura la possibilité de saisir le Procureur de la République en lui demandant d'abandonner la citation pour un "plaider coupable". Dans les cas de culpabilité avérée cette formule, on l'a dit, limitera les risques.

Me Parmentier : au regard de ces "avantages", pourquoi tant de gens s'y sont opposés ?

Me Le Borgne : Il y a d'abord l'idée que la négociation directe de la peine entre la défense et l'accusation, "à l'américaine", ne correspond pas à nos moeurs. Le fait que la formule légale inclut un juge de l'homologation repose d'ailleurs sur l'idée que seul le juge du siège est légitime à condamner et à prononcer une peine. Le procureur, lui, n'est admis qu'à présenter des sollicitations, au même titre que la défense.

Me Parmentier : parmi les rares dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, certaines ne concernaient-elles pas le "plaider coupable" ?

Me Le Borgne : Oui, la lecture en audience publique de la décision d'homologation a notamment été rendue obligatoire. Cependant, l'un des avantages du plaider coupable, avant l'intervention du Conseil constitutionnel, était la discrétion qui peut, pour certains, présenter un réel intérêt.

Mais est-ce une solution admissible que de créer une catégorie de prévenus privilégiés qui pourrait voir leur déshonneur mis sous le boisseau ? Ce serait une formule procédurale difficile à justifier, même si l'on peut concevoir que la publicité de la condamnation constitue une sanction complémentaire. Par exemple, dans certaine procédures disciplinaires, la publicité d'une sanction est une peine complémentaire.

Me Prigent : que deviendra la reconnaissance de culpabilité en cas d'exercice du droit de remords et de l'appel ?

Me Le Borgne : Si le principe de l'existence d'un accord est connu de la juridiction, il sera toujours possible de plaider une autre peine, mais sera-t-il possible de plaider l'absence de culpabilité ?

C'est la dimension "pousse à l'aveu" du "plaider coupable". Certains soutiennent qu'aux Etats-Unis bon nombre de personnes avouent uniquement pour avoir une peine plus faible et échapper ainsi à un risque judiciaire plus important. Cette objection peut toutefois aussi exister devant un tribunal, même si cette hypothèse y est sans doute moins fréquente.

De plus, dans la majorité des affaires pénales - on le sait peu - les faits sont reconnus et il n'y a donc aucune discussion sur le principe de culpabilité.

Me Parmentier : par ailleurs, quelles modifications notables ont été apportées au régime des perquisitions ?

Me Le Borgne : Le régime des perquisitions a été également modifié par la Loi Perben II, et ce dans le sens d'une aggravation du régime. Tout d'abord, la nécessité de recueillir le consentement préalable et écrit de la personne chez qui la perquisition est effectuée a été supprimée. Par ailleurs, on note, avec ce nouveau texte, une extension des perquisitions de nuit : il est désormais possible (avec l'autorisation préalable du juge d'instruction et/ou du juge des libertés et de la détention) de perquisitionner des locaux d'habitation en dehors des heures légales. Cela marque une réduction du domaine réservé à l'intimité de la vie privée... D'une certaine façon, le législateur a considéré que cette inviolabilité est une sorte de rempart dressé de manière illégitime devant l'investigation "policiaro-judiciaire" qui est nécessairement conduite pour le bien public.

Un autre point marque le recul de la protection de la vie privée au regard de la procédure pénale : l'instauration de la sonorisation de lieux privés (on parle de sonorisation, mais il peut s'agir d'enregistrement de paroles ou d'images).

Il va y avoir des cas dans lesquels, pour placer le matériel d'enregistrement, il sera nécessaire de s'introduire dans des lieux privés : dans pareille hypothèse, l'autorisation est prévue même pendant la nuit, donc en dehors des heures légales. Bien sûr, il existe des garde-fous : il faudra, lorsqu'il s'agit d'un lieu d'habitation, l'accord du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention.

Ces mesures attentatoires à la vie privée nous invitent à nous demander si tout ce qui est principe de procédure exceptionnelle ne risque pas un jour de devenir l'ordinaire du droit ? Le doute est permis...

Me Parmentier : pouvez-vous nous présenter brièvement les mesures d'infiltration, le régime des repentis et le fichier des délinquants sexuels ?

Me Le Borgne : Concernant, tout d'abord, l'infiltration, il faut signaler qu'elle peut avoir une durée assez longue et qu'il est prévu une exonération de responsabilité pénale pour les infiltrés qui seraient susceptibles de commettre des délits pénaux (on se demande jusqu'où cela peut aller...).

Le témoignage de l'infiltré ne pourra pas être le seul élément à charge contre la personne poursuivie et, en principe, il sera même impossible de recevoir son témoignage. En effet recueillir le témoignage de la personne infiltrée, c'est donner son identité. Le fonctionnement mis en place est en quelque sorte celui des services secrets : il y a l'infiltré et l'officier traitant qui lui fera le rapport en fonction des éléments donnés, le signera de son nom et viendra témoigner. Toutefois, même si ce n'est pas la personne infiltrée qui témoigne, le rapport sera fait sur la base des éléments qu'elle aura fournis et le témoignage de l'officier traitant reprendra ces mêmes éléments...

Enfin, et toujours en matière d'infiltration, un nouveau délit a été créé : celui de la révélation de l'identité des personnes infiltrées, avec circonstances aggravantes lorsque la révélation aura entraîné des blessures, soit à l'infiltré, soit à sa famille. Cela répond à un souci de cohérence : dès lors qu'on met en place un système d'infiltration, il est nécessaire de prévoir la protection des personnes infiltrées.

Quant aux repentis, il s'agit d'un héritage de la culture américaine. Ce n'est pas complètement nouveau dans notre système juridique puisque cela existait déjà en matière de trafic de stupéfiants. Le recours aux repentis est donc étendu à certaines infractions autres que le trafic de stupéfiants. Il est prévu soit l'exonération de toute peine, soit la réduction de peine selon ce qu'a été l'impact du repentir.

Concernant, enfin, la création du fichier des délinquants sexuels, il faut signaler que le système mis en place est très dur puisqu'on va inscrire un nombre considérable de gens, y compris ceux qui sont mis en examen, donc présumés innocents. Toutefois, il est précisé que si ces personnes bénéficient d'un non lieu, leur nom sera effacé du fichier (le législateur a cru bon de le préciser...). En ce domaine est encore créé un nouveau délit : celui de la non-communication d'adresse par quelqu'un qui est inscrit sur le fichier des délinquants sexuels.

Ajoutons que pour certaines infractions particulièrement graves, l'amnistie ou la réhabilitation n'entraîne pas l'effacement du nom des délinquants du fichier. L'effacement peut être obtenu dans les hypothèses de non-lieu, d'acquittement ou de relaxe (tout de même !) sauf si le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement est intervenu pour des raisons d'irresponsabilité psychiatriques.

En matière de délinquance sexuelle, soulignons également la création d'un nouveau délit de substitution de son matériel génétique. Il est intéressant de noter l'évolution : jusqu'à présent existait le délit d'usurpation d'état civil (consistant, notamment, à coller sa photographie sur la carte d'identité d'un tiers). Cette évolution est la traduction juridique de l'évolution scientifique : l'identité est devenue génétique et ne se matérialise plus uniquement par les papiers d'identité.

Il est enfin prévu l'obligation pour certains délinquants sexuels de donner du "matériel" pour permettre une identification génétique. Précisons même que pour permettre l'identification génétique, il est désormais possible de s'emparer de tout élément corporel qui se serait naturellement détaché de la personne physique...

Me Prigent : quels autres points importants de la loi méritent, selon vous, d'être soulignés ?

Me Le Borgne : Une disposition importante mais qui intéresse surtout les avocats a été créée par la loi Perben. Il s'agit de l'article 434-7-2 du Code de procédure pénale qui instaure un délit spécifique : celui de renseigner une personne concernée par une enquête sur son contenu, dès lors qu'on y a soi-même accès pour des raisons naturelles de procédure.

En pratique, ce texte concerne surtout les avocats qui sont les personnes les plus exposées à rencontrer des personnes intéressées par l'enquête. Il n'est pas rare qu'un complice de la personne poursuivie vienne voir l'avocat pour lui demander d'assurer la défense de cette dernière. Or, l'avocat ne sait pas nécessairement qu'il s'agit d'un complice. S'il divulgue des informations à cette personne, il encourt cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

En théorie, cette obligation existait déjà, les informations concernant une enquête en cours étant protégées par le secret professionnel. Mais la création de cette nouvelle infraction entraîne l'élévation de la peine encourue.

Me Prigent : la loi Perben II contient aussi un certain nombre de dispositions relatives à l'application des peines qui entreront en vigueur en 2007. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

Me Le Borgne : Au niveau de l'application des peines, on va assister à partir de 2007 à une forte judiciarisation.

Il y a un phénomène que je trouve également symptomatique : on pourra assortir une mise en liberté anticipée de conditions ressemblant un peu à un sursis probatoire. Ce processus trouvera à s'appliquer lorsqu'un détenu sera en fin de peine et qu'il aura accumulé des réductions de peine. Pendant le temps de ce qu'aurait été la peine s'il n'y avait pas eu de réduction, il pourra lui être imposé certaines obligations. En cas de violation de ces dernières, ces réductions de peines pourront être révoquées.

Le régime sera donc plus sévère que celui qui existe actuellement... Mais est-ce illégitime de conditionner un traitement de faveur au respect de certaines obligations, par exemple, celle de dédommager la victime ?

Me Parmentier : la loi Perben II a été déférée au Conseil constitutionnel. Que vous inspire la décision rendue à la suite de ce recours ?

Me Le Borgne : Ce que j'ai trouvé curieux dans cette décision, ce n'est pas tant ce qui a été censuré - finalement très peu de choses - que les recommandations qu'il formule. Finalement, le Conseil constitutionnel pressentait qu'avec cette loi, on s'approchait de quelque chose d'assez délicat au regard des libertés publiques.

En substance, cette loi est dans l'air du temps : sécurité à tout prix. Mais le problème, c'est la légitimité d'une procédure attentatoire aux libertés individuelles au seul motif de l'efficacité de la répression.

Me Prigent : Pour conclure, quelle sera, selon vous, l'attitude des magistrats à l'égard de cette loi ?

Me Le Borgne : Je pense que les magistrats sont, d'une manière générale, assez favorables à l'extension du pouvoir judiciaire. Mais, il faut souligner que la loi Perben a une sorte de philosophie interne : elle accorde de plus en plus de pouvoir au parquet et de moins en moins aux juges... Notamment, on est en droit de s'interroger sur la position des juges d'instruction qui ne voient pas explicitement leur fonction supprimée, mais qui ne pourront que constater que leur pouvoir de décision et leur domaine d'intervention se réduisent. L'enquête est destinée à devenir de plus en plus policière. Prenons l'exemple des écoutes téléphoniques : elles faisaient partie du domaine réservé au juge d'instruction. Désormais, et depuis la loi Perben II, elles deviennent possibles en cas d'enquête préliminaire sur la seule demande du Procureur.

newsid:11947

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] La reconnaissance d'une unité économique et sociale n'est pas nécessairement liée à la mise en place des institutions représentatives du personnel

Réf. : Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-60.135, Société Maisonneuve c/ Syndicat CFDT de la métallurgie du Centre et Sud Manche, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5244DC9)

Lecture: 6 min

N1930AB4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11930
Copier

Le 07 Octobre 2010

Décision

Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-60.135, Société Maisonneuve c/ Syndicat CFDT de la métallurgie du Centre et Sud Manche, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5244DC9)

Cassation partielle sans renvoi de TI de Coutances, 24 janvier 2003

Textes visés : articles R. 433-4 (N° Lexbase : L0354ADH) ; R. 423-3 (N° Lexbase : L0331ADM) et L. 412-15 (N° Lexbase : L6335ACM) du Code du travail.

Unité économique et sociale, reconnaissance judiciaire, mise en place des institutions représentatives du personnel.

Liens base : ; ;

Faits

1. Consécutivement au jugement ayant constaté l'existence d'une unité économique et sociale entre trois sociétés, ces dernières se sont pourvues en cassation afin de contester cette décision.

2. Au soutien de leur pourvoi, les sociétés en cause arguaient principalement que la reconnaissance d'une unité économique et sociale entre différentes sociétés suppose la mise en place d'une institution représentative du personnel. Par suite, en retenant l'existence abstraite d'une unité économique et sociale, en l'absence de toute demande d'élection ou de désignation se rapportant à une institution représentative du personnel, le tribunal a violé la loi.

Solution

1. "Si la reconnaissance de l'existence de l'unité économique et sociale peut être liée à l'action tendant à la mise en place de la représentation institutionnelle dans l'entreprise, les parties intéressées peuvent également agir directement en reconnaissance de l'unité économique et sociale avant la mise en place des institutions représentatives".

2. Cassation partielle sans renvoi de TI Coutances 24 janvier 2003.

Commentaire

On peut aujourd'hui se demander si la Cour de cassation ne s'est pas attachée à échafauder un véritable statut juridique de l'unité économique et sociale (UES), consacrant par là-même, dans le silence de la loi, une certaine émancipation de la notion, qu'un auteur particulièrement autorisé a appelé de ses voeux (Cf. B. Boubli, L'unité économique et sociale à l'époque des voeux. Etat des lieux et souhaits de réforme : Sem. soc. Lamy n° 1156 et 1157 des 16 et 23 février 2004). C'est, en effet, en l'espace d'une semaine, la seconde décision d'importance que la Chambre sociale rend en la matière, toutes deux affublées du fameux label "PBRI" (1). L'arrêt présentement commenté, rendu le 2 juin 2004, permet à la Cour de cassation d'affirmer que la reconnaissance d'une UES n'est pas liée à une action tendant à la mise en place des institutions représentatives du personnel. Solution de principe dont il convient de mesurer les conséquences.

1. La faculté d'agir directement en reconnaissance de l'unité économique et sociale

Il n'est guère besoin de rappeler que le concept d'UES trouve son origine dans une construction jurisprudentielle audacieuse de la Cour de cassation, permettant de reconstituer l'entreprise au-delà des divisions sociétaires ou, plus exactement, de la multiplicité des personnes juridiquement distinctes. Les critères de l'UES sont désormais bien connus, celle-ci étant caractérisée par une direction commune, des activités similaires ou complémentaires et une communauté de travailleurs liés par des intérêts identiques (V., sur ces critères, les articles préc. de B. Boubli). On peut, à ce titre, relever la réponse apportée par la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, au second moyen du pourvoi, qui contestait la reconnaissance de l'UES par les juges du fond. Selon la Chambre sociale, "le tribunal, qui a constaté que les trois sociétés avaient le même dirigeant et que leurs activités étaient complémentaires, la société Maisonneuve gestion regroupant des services d'intérêt commun aux deux autres qui exerçaient notamment une même activité de chaudronnerie, et qui a fait ressortir que les personnels de ces trois entités, régis par la même convention collective et bénéficiaires de mêmes avantages sociaux, constituaient une communauté de travailleurs, a caractérisé l'existence d'une unité économique et sociale entre ces trois sociétés".

Tel n'est cependant pas l'intérêt premier de l'arrêt commenté, celui-ci résidant dans la réponse apportée par la Chambre sociale au moyen de la partie demanderesse qui soutenait qu'il ne peut y avoir de reconnaissance "abstraite" de l'UES, celle-ci devant être nécessairement liée à une action tendant à la mise en place de la représentation du personnel dans l'entreprise.

La réponse de la Cour de cassation est claire : les parties intéressées peuvent agir directement en reconnaissance de l'UES, avant la mise en place des institutions représentatives. Cette solution est logique et doit être approuvée. Il est vrai que l'UES, forgée à l'origine pour les institutions représentatives du personnel, n'a longtemps été utilisée que dans ce seul domaine. De même, il faut reconnaître que l'action en justice tendant à la reconnaissance de l'UES est, dans la majorité des cas, liée à l'action tendant à la mise en place de la représentation institutionnelle dans l'entreprise. Cela étant, il convient tout d'abord de souligner que le législateur n'a pas hésité, ces dernières années, à recourir à la notion d'UES à d'autres fins que la seule mise en place des représentants du personnel (2). En outre, la Cour de cassation paraît bien avoir consacré la négociation collective au sein de l'UES, dans un important arrêt du 2 décembre 2003 (3).

Par ailleurs, et surtout, il faut avoir à l'esprit que la reconnaissance de l'UES n'est rien d'autre que le constat d'une réalité : les personnes juridiquement distinctes constituent réellement ensemble une entreprise unique (V. en ce sens, G. Couturier, L'unité économique et sociale : trente ans après : Sem. soc. Lamy, suppl. au n° 1140, sous la direc. de Ph. Waquet, p. 56, spéc., p. 58). La Cour de cassation tire toutes les conséquences de cette règle de principe, en affirmant notamment que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES a un caractère déclaratif à la date de la requête introductive d'instance (Cass. soc., 21 janvier 1997, n° 95-60.992, Syndicat CGT Michelin et autres c/ Manufacture française des pneumatiques Michelin et Cie et autres, publié N° Lexbase : A2155ACS).

En résumé, parce que l'UES correspond à la réalité d'une entreprise unique, elle peut être reconnue de manière "abstraite", indépendamment de toute action liée à l'application de telle ou telle règle, et notamment de la mise en place des institutions représentatives du personnel.

2. Les conséquences de la reconnaissance "abstraite" d'une UES

Si la reconnaissance d'une UES n'est pas nécessairement liée à l'action tendant à la mise en place des institutions représentatives du personnel, il reste évident que cette reconnaissance va impliquer postérieurement la mise en place de celles-ci à ce niveau. C'est d'ailleurs ce que tend à signifier la Cour de cassation dans le présent arrêt en affirmant que les parties intéressées peuvent directement agir en reconnaissance de l'UES "avant la mise en place des institutions représentatives" (souligné par nous). Dans ce cas, et en application de l'arrêt précité du 26 mai 2004, les mandats en cours doivent cesser au jour des élections au sein de l'UES, quelle que soit l'échéance de leur terme et sauf accord unanime des partenaires sociaux.

De façon plus générale, il devrait se déduire de la solution retenue dans l'arrêt commenté que la reconnaissance "abstraite" de l'UES ne présente pas un caractère relatif, mais doit valoir pour toutes les règles juridiques trouvant à s'appliquer dans un tel périmètre. Dans la mesure où cette reconnaissance n'est pas liée à une règle particulière, il y a tout lieu de considérer qu'elle doit valoir à tous égards (4). Conception que l'on trouve d'ailleurs en germe dans la jurisprudence de la Cour de cassation au terme de laquelle, s'agissant de la mise en place des représentants du personnel, le juge peut se référer à un précédent jugement relatif à l'existence d'une UES dès lors qu'aucune modification n'est intervenue dans les rapports entre les sociétés qui la composent (Cass. soc., 1er décembre 1998, n° 97-60.492, Société générale Asset Management et autre c/ M. Dusseaux et autres N° Lexbase : A4796AGQ).

Cela étant, et ainsi qu'il l'a été pertinemment relevé, la véritable émancipation de l'UES exige que le jugement qui en reconnaît l'existence soit constitutif de droit et revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée (B. Boubli, op. cit., p. 8).

Il faut, pour terminer, se poser une dernière question, qui découle également de la solution retenue dans cet arrêt du 2 juin 2004, dont on mesure ainsi toute la richesse et la portée. En effet, dès lors que la demande en reconnaissance d'une UES peut être déconnectée de tout contentieux électoral, il convient de se demander si le tribunal d'instance est toujours, dans semblable hypothèse, la juridiction compétente. Si tant est que l'on retienne une telle compétence, ce qui reste évidemment à démontrer, il conviendrait à tout le moins d'admettre que le jugement rendu soit susceptible d'appel (en ce sens, B. Boubli, op. cit., p. 7). Cela étant, et nous laisserons le dernier mot à cet auteur, "si l'UES est une entreprise, il faut, une fois pour toutes, que la loi désigne le juge compétent pour en reconnaître l'existence et, sous la réserve du débat sur la portée du jugement rendu, qu'il ouvre aux parties la voie de l'appel".

Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Nous faisons référence à l'arrêt rendu le 26 mai 2004 (Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2482DCW), commenté dans ces mêmes colonnes (Reconnaissance judiciaire d'une UES : mise en place des institutions représentatives du personnel appropriées et cessation des mandats en cours, Lexbase Hebdo n° 123 du jeudi 3 juin 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1765ABY), dans lequel la Cour de cassation a affirmé que la reconnaissance d'une UES impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de celle-ci.

(2) On pense ici aux articles L. 442-1 (N° Lexbase : L6498ACN) et L. 442-4 (N° Lexbase : L6503ACT) du Code du travail qui prévoient l'application dans le cadre d'entreprises constituant une UES et occupant au moins cinquante salariés du régime de participation obligatoire aux résultats. De même, l'article L. 321-4-1 (N° Lexbase : L6113ACE) prévoit, dans son dernier alinéa, que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'UES.

(3) Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-47.010, M. El Hassan Lamouri c/ Société des restaurants du Palais des Congrés, FS-P+B+I N° Lexbase : A3403DAB et nos obs. : Consécration jurisprudentielle de la négociation collective au sein d'une unité économique et sociale ?, Lexbase Hebdo n° 101 du mercredi 1er janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9943AAI).

(4) Dès lors, évidemment, que la composition de l'UES n'a pas changé depuis le jugement de reconnaissance.

newsid:11930

Fiscalité des entreprises

[Focus] Déductibilité des amortissements : encore faut-il bien les comptabiliser !

Réf. : CAA Marseille, 13 avril 2004, n° 00MA01048, SARL Rose-Marie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A9872DBA)

Lecture: 10 min

N1974ABQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3206919-edition-n-125-du-17062004#article-11974
Copier

par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste

Le 07 Octobre 2010

La déduction fiscale des amortissements est subordonnée à leur enregistrement comptable. Cette obligation résulte à la fois du Code de commerce et du CGI. L'article 39-1.2° du CGI dispose, en effet, que "le bénéfice net est établi sous déduction [...] des amortissements réellement effectués par l'entreprise". Et l'article L. 123-20 du Code de commerce (N° Lexbase : L5578AIG) prévoit que "même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux amortissements et provisions nécessaires". Cette règle de comptabilisation obligatoire des amortissements dérive du souci d'assurer la régularité et la sincérité des comptes annuels que les entreprises sont tenues d'établir. Mais, elle a également pour but, d'empêcher qu'une même somme puisse être regardée comme une charge du point de vue fiscal, tout en constituant un bénéfice disponible pour l'entreprise. En pratique, cette obligation est réputée réalisée, lorsque l'entreprise a constaté en temps utile ses amortissements dans l'ensemble des documents comptables pertinents, c'est-à-dire à la fois au débit du compte d'exploitation générale (débit des comptes "dotation aux amortissements" et "dotations aux amortissements dérogatoires") et à l'actif du bilan de clôture en déduction des immobilisations. Le Conseil d'Etat donne une interprétation relativement restrictive de la notion d'amortissements "réellement effectués". Les entreprises sont donc tenues de respecter scrupuleusement ce formalisme, car le défaut de comptabilisation des amortissements est lourdement sanctionné par la déchéance du droit de pratiquer ultérieurement la déduction des amortissements omis. Le 13 avril 2004, la cour administrative d'appel de Marseille vient encore de rappeler ces exigences comptables, en insistant particulièrement sur le fait qu'en tout état de cause, l'inscription comptable des amortissements doit être réalisée avant l'expiration du délai de déclaration des résultats.

1. Rappel des règles de comptabilisation des amortissements techniques et dérogatoires

L'obligation de comptabilisation vaut pour les amortissements techniques comme pour les amortissements dérogatoires. Mais, ces deux types d'amortissements n'ayant pas la même finalité, leur enregistrement comptable diffère.

1.1. Les amortissements techniques ou pour dépréciation

Ce premier type d'amortissements a pour objectif de traduire comptablement la diminution irréversible de valeur que subissent les éléments d'actif de l'entreprise en raison de la vétusté ou de l'usure résultant du temps ou de l'usage. Cette opération comptable consiste à étaler, sur la durée probable de vie, la valeur du bien, suivant un plan d'amortissement préétabli. Ce dernier se présente, en pratique, sous la forme d'un tableau prévisionnel de réduction des valeurs inscrites au bilan sur une période déterminée et par tranches successives.

Les amortissements techniques sont ainsi comptabilisés au bilan, en moins de l'actif (en diminution de la valeur d'origine des éléments correspondants), et au compte résultat, en charge d'exploitation. Ils sont débités au compte 681 "dotations aux amortissements et aux provisions - charges d'exploitation" par le crédit de la subdivision concernée du compte 28 "amortissements des immobilisations".

1.2. Les amortissements dérogatoires

Les amortissements dérogatoires ne correspondent pas, à la date à laquelle ils sont pratiqués, à une dépréciation économique de l'immobilisation concernée. Il s'agit de possibilités offertes par le législateur aux entreprises de constater des amortissements, à des fins de politiques économiques, en sus des amortissements techniques. Ces avantages fiscaux ont pour but, par exemple, d'inciter à l'investissement dans tel ou tel secteur.

Ces amortissements dérogatoires doivent être comptabilisés au passif du bilan sous le poste "provisions réglementées", incluses dans les capitaux propres de l'entreprise et au compte de résultat en charges exceptionnelles. La différence entre l'annuité d'amortissement fiscal et l'annuité d'amortissement technique est comptabilisée au compte "provisions pour amortissements dérogatoires". Ultérieurement, lorsque l'annuité technique devient supérieure à l'annuité fiscale, la différence est compensée par une reprise de même montant opérée sur la provision pour amortissements dérogatoires initialement constituée. Les dotations à la provision pour amortissements dérogatoires et les reprises opérées sur cette provision constituent respectivement des charges exceptionnelles et des produits exceptionnels. La part fiscale de l'amortissement est débitée au compte 687 "dotations aux amortissements et aux provisions - charges exceptionnelles" par le crédit du compte 145 "amortissements dérogatoires". L'insuffisance fiscale qui en résulte est débitée au compte 145 par le crédit du compte 787 "reprises sur provisions" des exercices suivants.

En résumé, s'il y a coïncidence entre le plan d'amortissements retenu (amortissements techniques) et l'amortissement fiscal, la déduction fiscale est constituée par la dotation aux amortissements.

En revanche, si les annuités du plan d'amortissements techniques diffèrent de celles qui résultent de l'application des règles fiscales, le montant de la déduction, au titre d'un exercice donné est égal pour un élément d'actif déterminé, à l'annuité d'amortissements techniques majorée de la dotation à la provision pour amortissements dérogatoires ou diminuée de la reprise opérée sur cette provision, selon le degré d'exécution du plan d'amortissements de l'élément. Pour l'ensemble des éléments amortissables, la déduction fiscale est égale à la somme des dotations (amortissement technique et dérogatoire) diminué des reprises opérées sur la provision pour amortissement dérogatoire.

2. Une jurisprudence bien établie

Le respect de l'obligation de comptabilisation des amortissements implique que les entreprises justifient qu'elles aient procédé à des écritures comptables régulières et dotés d'une valeur probante. Comme le rappelle la jurisprudence abondante en la matière, le Conseil d'Etat impose aux entreprises le respect d'un formalisme relativement strict.

2.1. Exemples d'amortissements considérés comme non-comptabilisés

D'une manière générale, la jurisprudence considère que des amortissements dont une société ne justifie pas, par ses écritures comptables, de la réalité et du montant sont à bon droit réintégrés à ses résultats (CE 4 mars 1983 n° 33788, Société à responsabilité limitée "xxxxx" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1946AMZ). Ainsi, une entreprise ne peut déduire de son bénéficie imposable le montant d'amortissements qu'elle avait la faculté de pratiquer, mais qu'elle n'a pas effectivement pratiqués à défaut de les avoir portés dans les écritures de l'exercice (CE 4 juin 1982 n° 12871, M. xxxxx c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8433AKK ; CE 26 octobre 1983 n° 24899, M. xxxxx c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2708AMA ; CE 6 juillet 1987 n° 47596, Société de réalisation et d'exploitation du chauffage urbain de Vandoeuvre (SOREV) c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2920APT).

Le Conseil d'Etat a précisé à plusieurs reprises que la seule mention des amortissements sur des documents annexes à la déclaration de résultats s'avère insuffisante pour être considérés comme réellement effectuée au sens de l'article 39-1.2 du CGI (CE 20 février 1981, n° 14317, Ministre du Budget c/ M. xxxxx N° Lexbase : A6483AKC et n° 19384, Ministre du Budget c/ M. xxxxx N° Lexbase : A6484AKD). Ainsi, il a également refusé la déduction d'amortissements mentionnés dans la déclaration des résultats et dans le bilan annexé, mais non encore comptabilisé à l'expiration du délai de déclaration et ne figurant pas au bilan de la clôture de l'exercice, tel qu'il était transcrit dans les écritures de l'entreprise (CE, 1er juillet 1966 n° 60980, Société X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1192B7B). De même, il a considéré que l'obligation de comptabilisation n'était pas réalisée pour des amortissements portés au bilan annexé à la déclaration et sur le relevé joint, mais non comptabilisés à l'expiration du délai de déclaration. Dans cette espèce en effet, les sommes litigieuses avaient été inscrites non au compte "amortissements" lui-même mais au compte "provision pour amortissements" (CE, 1er février 1965, n° 57996, Société C c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6959B7U et du 28 octobre 1966, n ° 68628, Société "Scandinavian Airlines System-France" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4701AQ8).

De surcroît, le Conseil d'Etat rappelle que l'inscription des amortissements doit être effectuée sur des documents comptables probants. Ainsi, alors même que des amortissements avaient été inscrits sur un carnet où figuraient le matériel acheté et les dotations annuelles calculées selon le système linéaire, ils n'ont pas été considérés par les magistrats comme déductibles des résultats pour n'avoir pas régulièrement été comptabilisés à la clôture de chaque exercice. (CE 24 avril 1981 n° 17011, M. xxxxx c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3911AK3). De même, l'inscription d'amortissements sur un cahier ni coté ni paraphé n'apporte, selon le Conseil d'Etat, pas la preuve que les amortissements ont été comptabilisés à la clôture de chacun des exercices concernés (CE 23 février 1979 n° 10815, M. xxxxx c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1361AKM).

Enfin, selon la jurisprudence de la Haute cour, l'entreprise doit être en mesure de prouver que les amortissements ont bien été comptabilisés dans les temps, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de déclaration. N'établit donc pas la régularité de l'inscription comptable des amortissements déduits des résultats, le contribuable qui se borne à produire, pour une année, un tirage informatique daté d'une année postérieure (CAA bordeaux, 19 octobre 1989, n° 89BX00488, Jean Rousseau c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1127A8A). Egalement, une société ne justifie pas que les amortissements qu'elle soutient avoir effectués au titre des exercices n et n+1 et dont elle se borne à présenter un tableau communiqué pour la première fois à l'administration en n+3, aient été effectivement portés dans sa comptabilité avant l'expiration du délai de déclaration de chacun desdits exercices. (CE 16 février 1990 n° 61498, Société Soperma Anstalt c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4930AQN). Le Conseil d'Etat a aussi considéré que c'était à bon droit que l'administration avait réintégré dans les résultats imposables de la société des amortissements qui ne pouvaient pas être considérés comme régulièrement comptabilisés dès lors que le contribuable se bornait à présenter, d'une part, une reconstitution des amortissements en cause pour un montant d'ailleurs différent de ceux déduits et, d'autre part, un état des immobilisations mentionnant des amortissements calculés globalement (CE 24 novembre 1986 n° 56392, SARL "Central Clamart Auto-Ecole" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4565AMZ).

2.2. Amortissements considérés comme "réellement effectués"

En revanche, le Conseil d'Etat a considéré que devaient être regardés comme "réellement effectués" au sens de l'article 39-1-2 du CGI des amortissements inscrits au débit du compte d'exploitation générale ainsi qu'à l'actif du bilan en déduction des immobilisations et qui ont été portés au livre d'inventaire coté et paraphé, préalablement à la déclaration des résultats, alors même que les écritures correspondantes ne figuraient pas au journal des opérations diverses et au journal centralisateur (CE 24 juillet 1981 n° 16598, Ministre du Budget c/ Société xxxxx N° Lexbase : A7174AKW).

2.3. Exemple de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rapporté

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 avril 2004 s'inscrit dans le prolongement de cette dernière jurisprudence. Et, elle précise que si ce mode de comptabilisation des amortissements est considéré comme régulier par les juges comme par l'administration, encore faut-il que le contribuable ait respecté les délais qui lui sont impartis. Ainsi, la cour rappelle que, dans le cas où, comme en l'espèce des amortissements ne sont pas constatés à la fois dans le journal centralisateur et le journal des opérations diverses, cette insuffisance peut être supplée par une triple inscription :

- au débit du compte d'exploitation général ;

- à l'actif du bilan de clôture ;

- et au livre d'inventaire coté et paraphé, à condition que cette dernière inscription ait été faite avant l'expiration du délai de déclaration des résultats.

Dans le cas de la société Rose-Marie, à défaut de remplir cumulativement ces trois conditions, les amortissements litigieux ne peuvent être considérés comme correctement comptabilisé et ne sont donc pas déductibles.

3. Conséquence de la non-comptabilisation

3.1. Une décision de gestion irrévocable

Comme il vient d'être vu précédemment, seuls sont déductibles, les amortissements que les entreprises ont effectivement portés en temps utile dans leurs écritures comptables. Cette constatation obligatoire des amortissements en comptabilité ne constitue pas une obligation comptable dont la méconnaissance serait une erreur rectifiable, mais une obligation fiscale sanctionnée par la déchéance du droit à pratiquer ultérieurement la déduction des amortissements omis. Il en résulte que la décision de pratiquer ou de ne pas pratiquer un amortissement en comptabilité est une décision de gestion opposable au contribuable. Le choix entre l'inscription ou non en comptabilité des amortissements ne peut être remis en cause ni par le contribuable ni par l'administration. Un contribuable ne peut donc prétendre que le défaut d'inscription des amortissements en comptabilité est le résultat d'une simple erreur matérielle (CE 20 février 1981 n° 14317, Ministre du Budget c/ M. xxxxx N° Lexbase : A6483AKC et n° 19384, Ministre du Budget c/ M. xxxxx N° Lexbase : A6484AKD).

3.2. Biens inscrits à tort en frais généraux lors de leur acquisition

Compte tenu de cette obligation de comptabilisation des amortissements, les entreprises qui ont passé à tort en frais généraux des éléments d'actifs sont, en principe, dans l'impossibilité d'effectuer ultérieurement, par voie extra-comptable, les amortissements qui auraient pu être normalement pratiqués sur ces biens. Les contribuables ne retrouvent, en effet, le droit de pratiquer les amortissements qu'une fois leurs écritures comptables régularisées.

Toutefois, dérogeant à ces principes, l'administration permet, sous certaines conditions, aux entreprises qui ont inscrit à tort des biens en frais généraux de déduire par le biais des amortissements le coût total d'acquisition des biens concernés, malgré l'erreur commise à l'origine. Cette tolérance de l'administration concernant la déduction des amortissements de la période comprise entre l'exercice de comptabilisation de la charge et l'exercice du redressement peut se traduire de deux façons différentes, soit par le rattrapage immédiat des amortissements qui auraient dû être pratiqués sur les exercices antérieurs, soit par un amortissement à pratiquer sur la durée restant à courir (Rép. Min. n° 8757, JOANQ 14 juin 1961, p. 1047).

Attention, dans les cas manifestement abusifs, l'administration fait toutefois une stricte application des dispositions de l'article 39 B du CGI , en interdisant d'admettre fiscalement dans les charges ultérieures les amortissements qui ont été irrégulièrement différés depuis l'acquisition ou la création des immobilisations en cause. Sans qu'il puisse être donné une liste exhaustive de ces cas manifestement abusifs, l'administration est amenée à se prévaloir des dispositions de l'article 39 B lorsque, par exemple, les manquements constatés sont exclusifs de la bonne foi ou procèdent d'erreurs graves ou répétées (Rép. Min. n° 8121, Sergheraert, JOANQ 26 avril 1982, p. 1704).

3.3. Le relevé des amortissements

En matière de comptabilisation des amortissements, les entreprises sont encore tenues à une obligation déclarative supplémentaire. En effet, elles doivent annexer à leur déclaration de résultats un relevé normalisé des amortissements. Cette obligation se matérialise par l'utilisation du tableau n° 2055 pour les entreprises relevant du régime du bénéfice réel ou des tableaux n° 2033 C (amortissements) et n° 2033 D (provisions, amortissements dérogatoires) pour les entreprises relevant du régime simplifié. Il est à noter que le défaut de production du tableau des immobilisations et des amortissements ou le fait que certains amortissements y auraient été omis n'est, lui, en revanche, pas de nature à faire obstacle à la déduction des amortissements. L'entreprise est juste passible, dans ce cas, de l'amende de 15 euros ou de 150 euros prévues par les articles 1725 et 1726 du CGI.

newsid:11974

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.