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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-24.208, F-P+B (N° Lexbase : A9400NNH)
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N9144BU9
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par Jean Bouëssel du Bourg, Docteur en droit, ancien Bâtonnier, Avocat au barreau de Rennes
Le 08 Octobre 2015
La Cour européenne des droits de l'Homme n'a jamais reconnu une immunité absolue aux avocats pour leurs propos tenus au cours des audiences. Mais elle estime que les restrictions doivent rester exceptionnelles comme elle l'a rappelé dans une affaire "Nikula c/ Finlande" (CEDH, 21 mars 2002 Req 31611/96 N° Lexbase : A1016GNX).
Dans cette affaire, une avocate finlandaise avait accusé un procureur de "manipulation" et de "présentation illégale de preuves". Elle avait été condamnée pour diffamation.
Saisie d'une requête, la Cour européenne a rappelé que les propos d'un accusé, adressés à un procureur, doivent bénéficier d'une protection accrue. Elle a rappelé que la défense ne devait pas être influencée par la crainte d'une sanction. Elle souligne que les atteintes à la liberté d'expression d'un avocat dans une société démocratique ne peuvent être tolérées que de manière exceptionnelle et qu'une ingérence dans la liberté d'expression d'un avocat peut porter atteinte à l'article 6 de la Convention eu égard au droit de l'accusé à bénéficier d'un procès équitable. Selon la Cour, le principe de "l'égalité des armes" et, plus généralement, le principe d'un procès équitable militent en faveur d'une argumentation librement et même vigoureusement débattue entre les parties, sans pour autant que cela conduise à une liberté d'expression illimitée de l'avocat.
Dans une autre affaire, concernant cette fois des juges du siège, un avocat avait été condamné à cinq jours de prison pour outrage. L'avocat avait accusé les juges d'échanger entre eux des "ravassakia" (lettres d'amour) au cours du contre interrogatoire qu'il menait pour assurer la défense de son client accusé de meurtre. Il avait provoqué l'indignation des magistrats du siège. La Cour européenne estima que les magistrats qui avaient prononcé la sanction n'avaient pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité de garantir l'autorité du pouvoir judiciaire et celle de protéger la liberté d'expression du requérant. Elle estima qu'il y avait eu une violation de l'article 10 de la CESDH (CEDH, 15 décembre 2005, Req. 73797/01 N° Lexbase : A9564DLS).
L'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 10 septembre 2015, est donc bien conforme aux principes posés par la CEDH.
Mais l'avocat poursuivi évoquait un second moyen de défense, tiré de l'immunité accordée par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Ce texte dispose que les propos tenus devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage sauf, toutefois, si les faits diffamatoires sont étrangers à la cause.
Les tribunaux apprécient cette condition de manière plutôt large. Dans une affaire de faux en écriture, un avocat avait fait allusion au fait que la ministre de la Justice ne serait, quant à elle, jamais poursuivie alors qu'elle avait utilisé un faux MBA. Il a été jugé que cette accusation n'était pas totalement étrangère à la cause et que l'avocat devait bénéficier de l'immunité de parole (TC de la Réunion, 3 octobre 2008).
Dans son arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation répond que, si l'immunité de l'article 41 protège l'avocat contre des poursuites pénales, elle ne le protège pas contre des poursuites disciplinaires.
Ce principe n'est pas nouveau. Dans un arrêt du 14 octobre 2010 (Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-16.495, F-D N° Lexbase : A8644GBR), la Cour de cassation avait rappelé que l'immunité de l'article 41 n'était pas applicable aux poursuites disciplinaires. Dans cette affaire, un avocat avait critiqué la manière dont son client avait été interrogé en Syrie sur commission rogatoire internationale.
Dans son mémoire, il avait mis personnellement en cause les magistrats en leur reprochant d'avoir délibérément favorisé l'usage de la torture et de s'être ainsi rendus activement complices des mauvais traitements infligés par les enquêteurs syriens. La Cour avait infligé un blâme à l'avocat qui avait tenu ces propos. La Cour de cassation a validé cette décision en relevant que ces graves accusations étaient aussi inutiles que gratuites.
La décision du 10 septembre 2015 ne fait que reprendre ce principe et elle est parfaitement conforme à la lettre de la loi de 1881.
Il parait légitime de sanctionner les avocats qui manquent gravement à leurs devoirs en tenant des propos déplacés, incorrects, et de surcroît sans rapport avec la procédure.
Les articles 440 (N° Lexbase : L1124INX) et 441 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1123INW) permettent d'ailleurs au président d'audience de retirer la parole aux parties si la passion ou l'inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable et ils leur permettent de faire cesser les plaidoiries.
Les avocats ne sont pas au dessus de la loi et méritent, comme tous les citoyens, des sanctions s'ils ne respectent pas les magistrats et la justice.
Ils le méritent d'autant plus qu'ils se sont, par serment, engagés à respecter les principes de dignité, de délicatesse, de modération et de courtoisie (RIN, art. 1 N° Lexbase : L2100IR9).
Mais une fois que l'on a réaffirmé ces principes, on n'a rien dit...car la question est de savoir à partir de quand un avocat mérite d'être sanctionné ? Il n'y a pas de code des infractions disciplinaires et il est impossible d'énumérer tout ce qui est contraire à des principes aussi vagues. Tout est donc confié à l'arbitrage du juge.
Or, qui décide si un avocat a manqué à ses devoirs ? Qui décide, au final, d'interdire ou de radier un avocat ? Ce sont des magistrats, exclusivement des magistrats puisqu'ils sont juges d'appel et ont, par conséquent, le dernier mot.
Cette situation est préoccupante car on voit bien que les appréciations sont différentes selon les juges : tel avocat ne sera pas poursuivi pour avoir fait allusion à un usage de faux du ministre de la Justice, tel autre sera poursuivi pour avoir laissé entendre qu'un lien de parenté avec le Parquet avait pu avoir une influence sur les poursuites !
Si l'on veut garantir l'indépendance des avocats, qui est une garantie de démocratie, il est nécessaire de confier le pouvoir disciplinaire aux avocats ; pas seulement en première instance mais aussi en appel. Les Ordres doivent rester maîtres de leur tableau.
Certes les choses ont évolué favorablement depuis l'affaire "Choucq", puisqu'un avocat ne peut plus être sanctionné immédiatement pour un délit d'audience. Il doit être jugé en première instance, non plus par les juges qu'il a offensé, mais par le conseil régional de discipline (loi n° 82-506 du 15 juin 1982, relative à la procédure applicable en cas de faute professionnelle commise à l'audience par un avocat).
La question est sans doute moins importante en période de paix mais elle est beaucoup plus préoccupante en période de troubles. Les avocats, qui ont eu à intervenir pendant et après la Seconde guerre mondiale, sont bien placés pour en parler.
Elle l'est d'autant plus que les avocats ont perdu le contrôle de leur déontologie qui relève désormais du pouvoir exécutif (décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA).
Si les avocats doivent être sanctionnés disciplinairement lorsqu'ils manquent de respect aux magistrats et à la justice, c'est à la condition que leur indépendance soit pleinement garantie.
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Réf. : CJUE, 3 septembre 2015, aff. C-110/14 (N° Lexbase : A3752NNB)
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N9139BUZ
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par Frédérique Julienne, Maître de conférences - HDR, Faculté de droit de Bordeaux, membre de l'IRDAP
Le 01 Octobre 2015
L'intérêt de cette décision est donc de préciser les contours d'application d'un dispositif phare de protection des consommateurs à l'égard des membres de la profession d'avocat. Il s'inscrit dans un mouvement récent qui, jusqu'à présent, s'intéressait à cette problématique mais sous le prisme plutôt des rapports contractuels entre les avocats et leurs clients. Ainsi, dans une décision rendue par la CJUE, le 15 janvier 2015 (CJUE, 15 janvier 2015, aff. C-537/13 N° Lexbase : A1934M9I), il avait établi que la Directive sur les clauses abusives avait pour vocation à s'appliquer aux contrats de service standardisés. Dans la même logique, dans deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 26 mars 2015 (1), les juges ont estimé que la prescription biennale fixée par l'article L.137 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) devait concerner les honoraires des avocats.
La décision commentée démontre combien la notion de consommateur (2) mérite encore des précisions notamment sur l'appréciation des critères de qualification. Deux enseignements peuvent en être tirés : la prévalence des critères objectifs de qualification (I) et l'indifférence des circonstances particulières de signature des contrats (II).
I - Prévalence des critères objectifs de qualification du consommateur
En retenant la qualité de consommateur au bénéfice d'un avocat, les juges de la CJUE privilégient une qualification objective de cette catégorie particulière de contractants. Le niveau de compétence de l'avocat n'est donc pas pris en considération dans ce cas de figure. Ce critère est pourtant un élément d'appréciation qui a pu être mis en avant notamment pour justifier la mise en oeuvre du dispositif à l'encontre des membres de cette profession dans le cadre des contrats de service standardisés conclus avec leurs clients. Afin de légitimer la protection des consommateurs dans ces circonstances, les juges se sont focalisés sur la situation d'infériorité du client à l'égard de la négociation et des informations données. L'asymétrie d'informations et de compétences représente, dès lors, un axe d'appréciation non négligeable qui a été souligné notamment dans la décision du 15 janvier 2015 précitée.
L'unique critère de qualification de consommateur exploité dans la décision commentée repose alors sur l'absence de lien entre le contrat signé par l'avocat et l'exercice de sa profession. Les juges optent pour une lecture stricte des termes de la Directive du 5 avril 1993, sur les clauses abusives qui définit le consommateur comme "toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente Directive agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle". Le seul point d'appréciation découle de la finalité du contrat de crédit signé par l'avocat à savoir, si elle avait un but d'ordre professionnel ou d'ordre personnel. Il convient de souligner la référence faite par les juges de la CJUE à la notion de rapport direct avec l'activité pour justifier la qualification de consommateur au profit de l'avocat. Ce point est important en droit interne depuis la loi "Hamon" (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX) qui a intégré une définition légale du consommateur en utilisant le critère du "contrat dont l'objet n'entre pas dans la champ de son activité principale" au lieu du critère traditionnel "du contrat conclu sans rapport directe avec l'activité professionnelle". Cette solution va dès lors dans le sens de la survivance du critère du lien direct dont l'appréciation peut être une source d'incertitudes (3).
L'indifférence du niveau de compétence tend à alimenter le débat relatif à la pertinence de la double catégorie qui est développée en droit français consistant à distinguer les consommateurs et les non-professionnels. L'intégration récente d'une définition légale du consommateur n'a pas remis en question la référence, que ce soit en jurisprudence ou dans la législation, à la qualité de non-professionnel. L'intérêt de cette double catégorie consiste à justifier l'extension des mesures protectrices du droit de la consommation à certains professionnels dans une situation de faiblesse. Notons que le bien-fondé de cette dichotomie est controversé. Une première analyse gomme toute implication en considérant que le consommateur et le non-professionnel sont des synonymes (4) alors qu'une deuxième approche lui reconnaît une portée pratique importante en les distinguant clairement (5). Selon cette deuxième thèse, le consommateur est celui qui contracte pour ses besoins personnels et familiaux tandis que le non-professionnel est celui qui agit dans le cadre de son activité professionnelle mais en dehors du champ de sa compétence. Au vu de la solution privilégiée par la CJUE, le critère pour définir le consommateur serait exclusivement axé sur l'absence de lien entre le contrat et l'activité professionnelle tandis que l'intérêt de la catégorie de non-professionnels serait maintenu en exploitant uniquement le critère du degré de compétence.
II - Indifférence des circonstances de conclusion du contrat de crédit
La qualification de consommateur, retenue au bénéfice de l'avocat, se justifie pour les juges par l'absence de lien entre le contrat de crédit et l'exercice de son activité professionnelle. Sur ce point, la décision, rendue par la CJUE, mérite d'être remarquée au vu des circonstances particulières qui entourent la signature du contrat de crédit qui était au coeur du contentieux. Ce contrat était, en effet, garanti par un cautionnement hypothécaire grevant un immeuble appartenant au cabinet et consentie par l'avocat lui-même en tant que représentant de son cabinet. L'enjeu technique repose sur les modalités d'appréciation de la finalité du contrat de crédit. Faut-il privilégier une approche contractuelle globale ou se focaliser sur une appréciation autonome de la situation contractuelle ?
Les juges de la CJUE se réfèrent à une analyse indépendante de la finalité du contrat de crédit. Cette solution pourrait étonner au vu du lien qui existe entre le contrat de crédit et le cautionnement hypothécaire du fait du caractère accessoire de ce dernier. Cependant, ce lien a vocation à ne concerner que le régime juridique de la garantie et n'a pas d'implication sur l'obligation principale. L'unique critère retenu par les juges est donc la présence ou, au contraire, l'absence de précision sur la finalité poursuivie dans le contrat. Les juges se refusent à rechercher la volonté réelle du contractant se basant uniquement sur un élément textuel : la référence dans le contrat de sa finalité.
Il est légitime de se demander si le même raisonnement pourrait être suivi dans le cadre d'autres situations contractuelles où le lien entre les contrats est réciproque. L'hypothèse envisagée serait celle, par exemple, du contrat de crédit signé pour financer une opération immobilière. Le droit de la consommation prévoit dans ce cas, au bénéfice d'un achat non-professionnel ou mixte, le jeu de la condition suspensive qui crée un lien entre le contrat de financement et le contrat principal. Il paraît alors difficile de défendre une analyse autonome.
En retenant une appréciant isolée de la finalité du contrat de crédit, la décision de la CJUE se montre très favorable aux avocats et plus largement aux membres des professions libérales contractants en leur permettant de bénéficier de manière souple de la protection des consommateurs.
(1) Cass. civ. 2, 26 mars 2015, deux arrêts, n° 14-11.599 (N° Lexbase : A4643NEP) et n° 14-15.013, (N° Lexbase : A4644NEQ), FS-P+B+R+I et nos obs., La soumission de l'avocat à la prescription biennale dans le cadre d'actions en contestation d'honoraires, Lexbase Hebdo n° 610 du 23 avril 2015 - édition professions (N° Lexbase : N6924BUY) ; JCP éd. G, 649, note C. Caseau-Roche.
(2) G. Raymond, Définition légale du consommateur par l'article 3 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, Contrats, concurrence, consommation, n° 5, mai 2014, dossier 3.
(3) X. Henry, Clauses abusives : où va la jurisprudence accessible ? L'appréciation du rapport direct avec l'activité, D., 2003, 2557.
(4) J. Calay Auloy, Les contrats d'adhésion et la protection des consommateurs, ANAJ, 1978, p. 259.
(5) G. Berlioz, Droit de la consommation et droit des contrats, JCP éd. G, 1979, I, 2954.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2015, n° 2015/18D (N° Lexbase : A1642NPI)
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Le 03 Octobre 2015
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 24 septembre 2015, n° 2015/22D (N° Lexbase : A6090NPA)
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Le 07 Octobre 2015
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2015, n° 2015/19D (N° Lexbase : A1222NPX)
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Le 10 Octobre 2015
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N9153BUK
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par Aurélien Ascher, Avocat au barreau de Paris
Le 01 Octobre 2015
L'exemplarité de l'avocat doit guider la vie professionnelle de l'avocat comme en témoigne les principes essentiels de son serment. Le champ des fautes disciplinaires déborde, néanmoins, le cadre professionnel et peut relever de faits de la vie personnelle de l'avocat comme le rappelle régulièrement la jurisprudence.
A - La notion de faute disciplinaire indépendante du droit pénal
Tel qu'il découle de l'article 183 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'avocat peut s'exposer à des poursuites disciplinaires non seulement lorsqu'il contrevient aux lois et règlements, mais plus largement lorsqu'il enfreint les règles professionnelles ou manque à ses devoirs de probité, d'honneur ou de délicatesse, et ce, même en dehors de la sphère de sa profession. On le pressent à la lecture de l'article, la palette des fautes susceptibles de sanctions disciplinaires est large.
Parmi les faits les plus graves figurent bien évidemment les infractions pénales (la rédaction par un avocat d'un faux jugement, Cass. crim., 14 novembre 2013, n° 11-85.298, F-D N° Lexbase : A6295KPT, Gaz. Pal., 20-21 juin 2014, p. 20, obs. Villacèque). D'autres fautes relèvent de manquements aux principes essentiels de la profession. Il a ainsi été jugé que le fait de ne pas payer sa taxe professionnelle caractérisait un manquement à la probité et à la délicatesse (Cass. civ. 1, 23 novembre 1999, n° 96-19.466 N° Lexbase : A3741CZL). Constitue également une faute disciplinaire le fait de ne pas respecter l'obligation de formation continue (CA Bordeaux, 14 octobre 2008, n° 08/02372 N° Lexbase : A9588EET).
L'on comprend aisément que ces fautes, commises dans l'exercice des fonctions professionnelles, sont passibles de sanctions disciplinaires. Mais, la jurisprudence rappelle également que les manquements peuvent se rapporter à des faits relevant de la vie personnelle de l'avocat. Par exemple, le fait pour deux avocats de refuser de payer le solde du coût de leur mariage caractérisait une faute disciplinaire (CA Paris, 30 avril 1997, Gaz. Pal., 5 juillet 1997). A également été jugé comme un manquement à la dignité, le fait pour une avocate de jouer de la musique dans les rues et sur les marchés en dehors de toute organisation officielle (CA Bordeaux, 3 juin 2003, n° 02/06127 N° Lexbase : A6032C8W).
La qualification de faute disciplinaire est finalement affaire de casuistique, relevant d'une appréciation souveraine des conseils de discipline, et ce d'autant plus, qu'il n'est pas nécessaire de démontrer une intention frauduleuse. La négligence caractérisée, comme l'absence du paiement des cotisations professionnelles, ou bien le défaut de placement des fonds sur le compte CARPA, pourrait suffire à caractériser une faute de nature disciplinaire.
Si le droit disciplinaire entretient des liens avec droit pénal (le conseil disciplinaire attendra souvent l'issue de la procédure pénale avant de statuer sur le terrain disciplinaire), son autonomie par rapport au droit pénal, est souvent rappelée. Nombreux sont les arrêts qui consacrent, en effet, l'indépendance du droit disciplinaire par rapport au droit pénal en rappelant qu'un conseil de discipline n'est aucunement tenu dans son appréciation de la faute, par celle retenue par le juge pénal et inversement (par exemple Cass. civ. 1, 2 avril 1997, n° 95-13.599 N° Lexbase : A0427ACS, JCP éd. G, 1997, IV, 1119).
B - Les sanctions disciplinaires et les mesures provisoires auxquelles peut être confronté l'avocat poursuivi
C'est le décret du 27 novembre 1991, dans son article 184, qui fixe les sanctions disciplinaires auxquelles un avocat peut être condamné.
La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ) avait, en effet, confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les sanctions disciplinaires. Le Conseil d'Etat a validé cette compétence du pouvoir réglementaire comme conforme au principe de la légalité des délits et des peines. Il a considéré que les dispositions de l'article 183 du décret de 1991, énonçant les obligations de l'avocat en raison de son appartenance professionnelle, ne violaient pas le principe de légalité des délits (CE, 6° s-s-r, 22 juin 2012, n° 353854 N° Lexbase : A5196IP7).
Les peines disciplinaires sont au nombre de quatre : l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire d'exercer, la radiation. A titre de sanction accessoire, le conseil peut aussi ordonner la publicité de la peine disciplinaire. Il a également la possibilité de cumuler l'une des trois premières sanctions avec la privation du droit de faire partie d'organismes, de conseils professionnels ou d'accéder aux fonctions de Bâtonnier. Ces sanctions sont versées au dossier administratif de l'avocat. Ainsi, en cas de nouvelle condamnation, il peut en être tenu compte pour sanctionner plus sévèrement l'avocat.
Toute poursuite pénale ou disciplinaire peut, en outre, donner lieu, si l'urgence et la protection du public l'exigent, à une suspension provisoire de l'avocat qui a commis une faute pénale ou disciplinaire. Cette mesure préventive prive l'avocat de son droit d'exercer la profession pendant quatre mois renouvelables, mais peut être levée à tout moment. Elle est particulièrement lourde puisque l'avocat est obligé de retirer son nom de tout papier à en-tête (Cass. civ. 1, 1er décembre 2011, n° 10-26.026, F-D N° Lexbase : A4661H3Z) et perd sa qualité d'électeur lors d'élections ordinales (CA Paris, 23 mai 2013, n° 13/06333 N° Lexbase : A8497KD3). L'administration du cabinet de l'avocat suspendu est alors confiée par le Bâtonnier à un ou plusieurs confrères qui sont rémunérés pour les actes accomplis. Cette mesure préventive doit rester exceptionnelle et courte au risque pour l'avocat suspendu de perdre toute sa clientèle et de fermer son cabinet.
Il a été admis la faculté d'ordonner la confusion de peines de même nature prononcées successivement (Cass. civ. 1, 4 janvier 2005, n° 03-16.282, F-P+B N° Lexbase : A8744DEL). La Cour exige alors que les peines soient de même nature et gravité. La confusion est donc exclue entre sanctions pénales et disciplinaires (Cass. crim., 17 mai 1989, n° 86-95.407 N° Lexbase : A7556CUE, Gaz. Pal., 1989, 491, note Flécheux) mais également entre sanctions disciplinaires trop différentes : interdiction provisoire et radiation ne sont pas susceptibles de confusion.
II - Une procédure disciplinaire garante des droits de la défense
Les cordonniers étant souvent les plus mal chaussés, c'est peu à peu que les différentes phases de la procédure disciplinaire se sont dotées des principes essentiels des droits de la défense. La procédure disciplinaire se découpe en différentes phases telles que décrites dans les articles 22 à 25-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 187 à 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
A - La phase de saisine et d'instruction du conseil de discipline
La procédure disciplinaire est généralement déclenchée sur plainte portée devant le Bâtonnier ou le procureur général qui l'en avise. Le Bâtonnier procède par lui-même ou via un rapporteur à "l'enquête déontologique". Celle-ci a pour objet de recueillir tous les éléments sur le comportement de l'avocat. Elle n'est soumise à aucune forme et n'a pas besoin d'être contradictoire. A son terme, le Bâtonnier établit un rapport et a le choix, entre le classement sans suite de l'affaire (en délivrant le cas échéant une admonestation paternelle), ou l'engagement les poursuites.
En cas de poursuite, un conseil de discipline est saisi par le Bâtonnier ou le procureur général. Un acte de saisine motivé est notifié à l'avocat poursuivi par LRAR. Commence alors l'instruction du dossier par le conseil de l'Ordre via un rapporteur. Celui-ci est tenu à une obligation d'impartialité puisqu'il a "pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire dont le rapport est obligatoire et déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation du jugement" (Cass. civ.1, 2 avril 2009 n° 08-12.246, FS-P+B+I N° Lexbase : A5231EEH). Il doit aussi dresser un procès verbal de tout acte d'instruction et de toute audition. Cette phase contradictoire se déroule sur quatre mois maximum et s'achève par la transmission d'un rapport au conseil de discipline et à la partie poursuivante.
Dans les barreaux très importants comme celui de Paris, la Chancellerie autorise la prorogation de ce délai très court, dans la limite de deux mois pour procéder à une instruction plus longue (décret n° 91-1197, art. 191, al. 1er).
A réception du rapport d'instruction, le président de formation disciplinaire fixe la date d'audience.
B - La phase de jugement devant le conseil de discipline
On l'a déjà dit, la procédure pénale inspire largement l'évolution de la procédure disciplinaire.
Le principe du contradictoire a su s'imposer à ce stade de la procédure puisqu'aucune peine ne peut être prononcée si l'avocat poursuivi, n'a pas été entendu ou appelé au moins 8 jours à l'avance et s'il n'a pas été déposé par le ministère public des conclusions avant l'audience (Cass. civ. 1, 11 mars 2014, n°13-12.050, F-D N° Lexbase : A9251MGQ). L'avocat est convoqué par LRAR ou par citation d'huissier. Doit être mentionné à peine de nullité : l'indication des faits à l'origine des poursuites, la référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations auxquelles il est reproché à l'avocat poursuivi d'avoir contrevenu et, le cas échéant, une mention relative à la révocation du sursis.
L'avocat comparait en personne, en robe sauf s'il a été omis du tableau, suspendu provisoirement ou interdit temporairement et peut être assisté d'un conseil. Dans le silence des textes, il revient au président du conseil de discipline de diriger les débats comme le ferait le président d'une juridiction pénale. Comme l'a rappelé fermement la Cour de cassation, l'exigence d'un procès équitable implique que la personne poursuivie doit être entendue à l'audience et puisse avoir la parole en dernier (Cass. civ. 1, 25 février 2010, n° 09-11.180, FS-P+B+I N° Lexbase : A2544ESZ, Bull. civ. I, n° 46 ; D., 2010, AJ, 658, obs. Dargent ; JCP éd. G, 2010, 1068, n° 5, obs. Pillet).
Toujours plus soucieuse de garantir les droits de la défense de l'avocat, la jurisprudence depuis 1999, relayée par la réforme du 11 février 2004 (loi n° 2004-130 du 11 février 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques N° Lexbase : L7957DNZ), a institué une séparation franche et étanche entre les autorités d'instruction et de poursuite d'une part et les autorités de jugement d'autre part, interdisant que le rapporteur instruisant l'affaire et le Bâtonnier qui poursuit puissent siéger au conseil de discipline et participer au délibéré.
De même, la publicité des débats, exigence découlant du droit à un procès équitable également, a été inscrite à l'article 194 du décret de 1991. Les débats sont publics, sous réserve d'une demande contraire de l'une des parties ou du nécessaire respect de l'intimité de la vie privée.
Dans les huit jours de son prononcé, la décision de conseil est notifiée à l'avocat poursuivi, au Bâtonnier et au procureur général (décret n° 91-1197, art. 196). Ces derniers peuvent interjeter appel dans les conditions de forme de tout recours porté devant la cour d'appel en application de l'article 16 du décret. La cour d'appel, est saisie de l'entier litige et la procédure devant elle doit rester contradictoire. Enfin, dans les deux mois de la notification ou signification de l'arrêt d'appel, l'arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
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Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-24.208, F-P+B (N° Lexbase : A9400NNH)
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par Jean Bouëssel du Bourg, Docteur en droit, ancien Bâtonnier, Avocat au barreau de Rennes
Le 08 Octobre 2015
La Cour européenne des droits de l'Homme n'a jamais reconnu une immunité absolue aux avocats pour leurs propos tenus au cours des audiences. Mais elle estime que les restrictions doivent rester exceptionnelles comme elle l'a rappelé dans une affaire "Nikula c/ Finlande" (CEDH, 21 mars 2002 Req 31611/96 N° Lexbase : A1016GNX).
Dans cette affaire, une avocate finlandaise avait accusé un procureur de "manipulation" et de "présentation illégale de preuves". Elle avait été condamnée pour diffamation.
Saisie d'une requête, la Cour européenne a rappelé que les propos d'un accusé, adressés à un procureur, doivent bénéficier d'une protection accrue. Elle a rappelé que la défense ne devait pas être influencée par la crainte d'une sanction. Elle souligne que les atteintes à la liberté d'expression d'un avocat dans une société démocratique ne peuvent être tolérées que de manière exceptionnelle et qu'une ingérence dans la liberté d'expression d'un avocat peut porter atteinte à l'article 6 de la Convention eu égard au droit de l'accusé à bénéficier d'un procès équitable. Selon la Cour, le principe de "l'égalité des armes" et, plus généralement, le principe d'un procès équitable militent en faveur d'une argumentation librement et même vigoureusement débattue entre les parties, sans pour autant que cela conduise à une liberté d'expression illimitée de l'avocat.
Dans une autre affaire, concernant cette fois des juges du siège, un avocat avait été condamné à cinq jours de prison pour outrage. L'avocat avait accusé les juges d'échanger entre eux des "ravassakia" (lettres d'amour) au cours du contre interrogatoire qu'il menait pour assurer la défense de son client accusé de meurtre. Il avait provoqué l'indignation des magistrats du siège. La Cour européenne estima que les magistrats qui avaient prononcé la sanction n'avaient pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité de garantir l'autorité du pouvoir judiciaire et celle de protéger la liberté d'expression du requérant. Elle estima qu'il y avait eu une violation de l'article 10 de la CESDH (CEDH, 15 décembre 2005, Req. 73797/01 N° Lexbase : A9564DLS).
L'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 10 septembre 2015, est donc bien conforme aux principes posés par la CEDH.
Mais l'avocat poursuivi évoquait un second moyen de défense, tiré de l'immunité accordée par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Ce texte dispose que les propos tenus devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage sauf, toutefois, si les faits diffamatoires sont étrangers à la cause.
Les tribunaux apprécient cette condition de manière plutôt large. Dans une affaire de faux en écriture, un avocat avait fait allusion au fait que la ministre de la Justice ne serait, quant à elle, jamais poursuivie alors qu'elle avait utilisé un faux MBA. Il a été jugé que cette accusation n'était pas totalement étrangère à la cause et que l'avocat devait bénéficier de l'immunité de parole (TC de la Réunion, 3 octobre 2008).
Dans son arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation répond que, si l'immunité de l'article 41 protège l'avocat contre des poursuites pénales, elle ne le protège pas contre des poursuites disciplinaires.
Ce principe n'est pas nouveau. Dans un arrêt du 14 octobre 2010 (Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-16.495, F-D N° Lexbase : A8644GBR), la Cour de cassation avait rappelé que l'immunité de l'article 41 n'était pas applicable aux poursuites disciplinaires. Dans cette affaire, un avocat avait critiqué la manière dont son client avait été interrogé en Syrie sur commission rogatoire internationale.
Dans son mémoire, il avait mis personnellement en cause les magistrats en leur reprochant d'avoir délibérément favorisé l'usage de la torture et de s'être ainsi rendus activement complices des mauvais traitements infligés par les enquêteurs syriens. La Cour avait infligé un blâme à l'avocat qui avait tenu ces propos. La Cour de cassation a validé cette décision en relevant que ces graves accusations étaient aussi inutiles que gratuites.
La décision du 10 septembre 2015 ne fait que reprendre ce principe et elle est parfaitement conforme à la lettre de la loi de 1881.
Il parait légitime de sanctionner les avocats qui manquent gravement à leurs devoirs en tenant des propos déplacés, incorrects, et de surcroît sans rapport avec la procédure.
Les articles 440 (N° Lexbase : L1124INX) et 441 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1123INW) permettent d'ailleurs au président d'audience de retirer la parole aux parties si la passion ou l'inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable et ils leur permettent de faire cesser les plaidoiries.
Les avocats ne sont pas au dessus de la loi et méritent, comme tous les citoyens, des sanctions s'ils ne respectent pas les magistrats et la justice.
Ils le méritent d'autant plus qu'ils se sont, par serment, engagés à respecter les principes de dignité, de délicatesse, de modération et de courtoisie (RIN, art. 1 N° Lexbase : L2100IR9).
Mais une fois que l'on a réaffirmé ces principes, on n'a rien dit...car la question est de savoir à partir de quand un avocat mérite d'être sanctionné ? Il n'y a pas de code des infractions disciplinaires et il est impossible d'énumérer tout ce qui est contraire à des principes aussi vagues. Tout est donc confié à l'arbitrage du juge.
Or, qui décide si un avocat a manqué à ses devoirs ? Qui décide, au final, d'interdire ou de radier un avocat ? Ce sont des magistrats, exclusivement des magistrats puisqu'ils sont juges d'appel et ont, par conséquent, le dernier mot.
Cette situation est préoccupante car on voit bien que les appréciations sont différentes selon les juges : tel avocat ne sera pas poursuivi pour avoir fait allusion à un usage de faux du ministre de la Justice, tel autre sera poursuivi pour avoir laissé entendre qu'un lien de parenté avec le Parquet avait pu avoir une influence sur les poursuites !
Si l'on veut garantir l'indépendance des avocats, qui est une garantie de démocratie, il est nécessaire de confier le pouvoir disciplinaire aux avocats ; pas seulement en première instance mais aussi en appel. Les Ordres doivent rester maîtres de leur tableau.
Certes les choses ont évolué favorablement depuis l'affaire "Choucq", puisqu'un avocat ne peut plus être sanctionné immédiatement pour un délit d'audience. Il doit être jugé en première instance, non plus par les juges qu'il a offensé, mais par le conseil régional de discipline (loi n° 82-506 du 15 juin 1982, relative à la procédure applicable en cas de faute professionnelle commise à l'audience par un avocat).
La question est sans doute moins importante en période de paix mais elle est beaucoup plus préoccupante en période de troubles. Les avocats, qui ont eu à intervenir pendant et après la Seconde guerre mondiale, sont bien placés pour en parler.
Elle l'est d'autant plus que les avocats ont perdu le contrôle de leur déontologie qui relève désormais du pouvoir exécutif (décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA).
Si les avocats doivent être sanctionnés disciplinairement lorsqu'ils manquent de respect aux magistrats et à la justice, c'est à la condition que leur indépendance soit pleinement garantie.
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Réf. : CJUE, 3 septembre 2015, aff. C-110/14 (N° Lexbase : A3752NNB)
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par Frédérique Julienne, Maître de conférences - HDR, Faculté de droit de Bordeaux, membre de l'IRDAP
Le 01 Octobre 2015
L'intérêt de cette décision est donc de préciser les contours d'application d'un dispositif phare de protection des consommateurs à l'égard des membres de la profession d'avocat. Il s'inscrit dans un mouvement récent qui, jusqu'à présent, s'intéressait à cette problématique mais sous le prisme plutôt des rapports contractuels entre les avocats et leurs clients. Ainsi, dans une décision rendue par la CJUE, le 15 janvier 2015 (CJUE, 15 janvier 2015, aff. C-537/13 N° Lexbase : A1934M9I), il avait établi que la Directive sur les clauses abusives avait pour vocation à s'appliquer aux contrats de service standardisés. Dans la même logique, dans deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 26 mars 2015 (1), les juges ont estimé que la prescription biennale fixée par l'article L.137 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) devait concerner les honoraires des avocats.
La décision commentée démontre combien la notion de consommateur (2) mérite encore des précisions notamment sur l'appréciation des critères de qualification. Deux enseignements peuvent en être tirés : la prévalence des critères objectifs de qualification (I) et l'indifférence des circonstances particulières de signature des contrats (II).
I - Prévalence des critères objectifs de qualification du consommateur
En retenant la qualité de consommateur au bénéfice d'un avocat, les juges de la CJUE privilégient une qualification objective de cette catégorie particulière de contractants. Le niveau de compétence de l'avocat n'est donc pas pris en considération dans ce cas de figure. Ce critère est pourtant un élément d'appréciation qui a pu être mis en avant notamment pour justifier la mise en oeuvre du dispositif à l'encontre des membres de cette profession dans le cadre des contrats de service standardisés conclus avec leurs clients. Afin de légitimer la protection des consommateurs dans ces circonstances, les juges se sont focalisés sur la situation d'infériorité du client à l'égard de la négociation et des informations données. L'asymétrie d'informations et de compétences représente, dès lors, un axe d'appréciation non négligeable qui a été souligné notamment dans la décision du 15 janvier 2015 précitée.
L'unique critère de qualification de consommateur exploité dans la décision commentée repose alors sur l'absence de lien entre le contrat signé par l'avocat et l'exercice de sa profession. Les juges optent pour une lecture stricte des termes de la Directive du 5 avril 1993, sur les clauses abusives qui définit le consommateur comme "toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente Directive agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle". Le seul point d'appréciation découle de la finalité du contrat de crédit signé par l'avocat à savoir, si elle avait un but d'ordre professionnel ou d'ordre personnel. Il convient de souligner la référence faite par les juges de la CJUE à la notion de rapport direct avec l'activité pour justifier la qualification de consommateur au profit de l'avocat. Ce point est important en droit interne depuis la loi "Hamon" (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX) qui a intégré une définition légale du consommateur en utilisant le critère du "contrat dont l'objet n'entre pas dans la champ de son activité principale" au lieu du critère traditionnel "du contrat conclu sans rapport directe avec l'activité professionnelle". Cette solution va dès lors dans le sens de la survivance du critère du lien direct dont l'appréciation peut être une source d'incertitudes (3).
L'indifférence du niveau de compétence tend à alimenter le débat relatif à la pertinence de la double catégorie qui est développée en droit français consistant à distinguer les consommateurs et les non-professionnels. L'intégration récente d'une définition légale du consommateur n'a pas remis en question la référence, que ce soit en jurisprudence ou dans la législation, à la qualité de non-professionnel. L'intérêt de cette double catégorie consiste à justifier l'extension des mesures protectrices du droit de la consommation à certains professionnels dans une situation de faiblesse. Notons que le bien-fondé de cette dichotomie est controversé. Une première analyse gomme toute implication en considérant que le consommateur et le non-professionnel sont des synonymes (4) alors qu'une deuxième approche lui reconnaît une portée pratique importante en les distinguant clairement (5). Selon cette deuxième thèse, le consommateur est celui qui contracte pour ses besoins personnels et familiaux tandis que le non-professionnel est celui qui agit dans le cadre de son activité professionnelle mais en dehors du champ de sa compétence. Au vu de la solution privilégiée par la CJUE, le critère pour définir le consommateur serait exclusivement axé sur l'absence de lien entre le contrat et l'activité professionnelle tandis que l'intérêt de la catégorie de non-professionnels serait maintenu en exploitant uniquement le critère du degré de compétence.
II - Indifférence des circonstances de conclusion du contrat de crédit
La qualification de consommateur, retenue au bénéfice de l'avocat, se justifie pour les juges par l'absence de lien entre le contrat de crédit et l'exercice de son activité professionnelle. Sur ce point, la décision, rendue par la CJUE, mérite d'être remarquée au vu des circonstances particulières qui entourent la signature du contrat de crédit qui était au coeur du contentieux. Ce contrat était, en effet, garanti par un cautionnement hypothécaire grevant un immeuble appartenant au cabinet et consentie par l'avocat lui-même en tant que représentant de son cabinet. L'enjeu technique repose sur les modalités d'appréciation de la finalité du contrat de crédit. Faut-il privilégier une approche contractuelle globale ou se focaliser sur une appréciation autonome de la situation contractuelle ?
Les juges de la CJUE se réfèrent à une analyse indépendante de la finalité du contrat de crédit. Cette solution pourrait étonner au vu du lien qui existe entre le contrat de crédit et le cautionnement hypothécaire du fait du caractère accessoire de ce dernier. Cependant, ce lien a vocation à ne concerner que le régime juridique de la garantie et n'a pas d'implication sur l'obligation principale. L'unique critère retenu par les juges est donc la présence ou, au contraire, l'absence de précision sur la finalité poursuivie dans le contrat. Les juges se refusent à rechercher la volonté réelle du contractant se basant uniquement sur un élément textuel : la référence dans le contrat de sa finalité.
Il est légitime de se demander si le même raisonnement pourrait être suivi dans le cadre d'autres situations contractuelles où le lien entre les contrats est réciproque. L'hypothèse envisagée serait celle, par exemple, du contrat de crédit signé pour financer une opération immobilière. Le droit de la consommation prévoit dans ce cas, au bénéfice d'un achat non-professionnel ou mixte, le jeu de la condition suspensive qui crée un lien entre le contrat de financement et le contrat principal. Il paraît alors difficile de défendre une analyse autonome.
En retenant une appréciant isolée de la finalité du contrat de crédit, la décision de la CJUE se montre très favorable aux avocats et plus largement aux membres des professions libérales contractants en leur permettant de bénéficier de manière souple de la protection des consommateurs.
(1) Cass. civ. 2, 26 mars 2015, deux arrêts, n° 14-11.599 (N° Lexbase : A4643NEP) et n° 14-15.013, (N° Lexbase : A4644NEQ), FS-P+B+R+I et nos obs., La soumission de l'avocat à la prescription biennale dans le cadre d'actions en contestation d'honoraires, Lexbase Hebdo n° 610 du 23 avril 2015 - édition professions (N° Lexbase : N6924BUY) ; JCP éd. G, 649, note C. Caseau-Roche.
(2) G. Raymond, Définition légale du consommateur par l'article 3 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, Contrats, concurrence, consommation, n° 5, mai 2014, dossier 3.
(3) X. Henry, Clauses abusives : où va la jurisprudence accessible ? L'appréciation du rapport direct avec l'activité, D., 2003, 2557.
(4) J. Calay Auloy, Les contrats d'adhésion et la protection des consommateurs, ANAJ, 1978, p. 259.
(5) G. Berlioz, Droit de la consommation et droit des contrats, JCP éd. G, 1979, I, 2954.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2015, n° 2015/13D (N° Lexbase : A1760NPU)
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N9226BUA
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par Hervé Haxaire, ancien Bâtonnier, Avocat à la cour d'appel, Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition professions
Le 01 Octobre 2015
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, rend obligatoire pour l'avocat la conclusion d'une convention d'honoraires avec son client, et ce, en toute matière et tout type d'intervention (postulation, consultation, assistance, conseil, rédaction d'actes juridiques sous seing privé et plaidoirie).
La loi supprime également le tarif de postulation devant le tribunal de grande instance. La postulation est désormais rémunérée par des honoraires, fixés en accord avec le client, et dans le respect des dispositions de l'article 10 modifié de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ). La contestation du montant de l'honoraire de postulation relève désormais de la compétence du juge de l'honoraire. Notons, toutefois, que les modalités de fixation des droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires seront arrêtées conjointement par les ministres de la Justice et de l'Economie. Ce tarif, révisable au moins tous les cinq ans, prendra en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, viendra préciser les modes d'évaluation des coûts pertinents et de la rémunération pertinente. La procédure de taxation demeure soumise aux articles 695 (N° Lexbase : L9796IRA) à 721 du Code de procédure civile.
Ainsi, l'article 10 modifié de la loi du 31 décembre 1971 dispose en son premier alinéa : "les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client".
Mais en outre -et faut-il dire surtout ?- une ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (N° Lexbase : L3397KGW), a modifié l'article L. 141-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5869KGH) en introduisant notamment un article III bis ainsi rédigé : "III bis. - Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées au II du présent article, les manquements aux dispositions :
1° Du troisième alinéa de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans le respect du secret professionnel mentionné à l'article 66-5 de la même loi".
Les agents de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont ainsi autorisés à effectuer des contrôles pour rechercher et constater les manquements de l'avocat à son obligation de conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires, convention qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires.
La loi nouvelle est applicable depuis le 8 août 2015.
Mais comment sera-t-elle appliquée ?
Le juge de l'honoraire était, en première instance, le Bâtonnier, également gardien du respect des règles déontologiques. A ses côtés apparaît aujourd'hui la DGCCRF, "gardienne" des droits du consommateur, susceptible de contrôler et de sanctionner l'avocat, considéré comme un prestataire ordinaire de services.
Client de l'avocat et consommateur, auxiliaire de justice et simple prestataire de services, voilà des associations bien hasardeuses.
Il faut rappeler que, si le contentieux de l'honoraire était abondant, les litiges concernant les honoraires de l'avocat demeuraient marginaux au regard du nombre considérable des dossiers traités par l'ensemble des avocats. L'essentiel de ce contentieux portait d'ailleurs principalement sur le recouvrement de l'honoraire, à l'initiative de l'avocat confronté à l'absence de paiement du client, bien davantage que sur la contestation, à l'initiative du client, du montant de l'honoraire facturé.
En matière de convention d'honoraires, seules étaient en cause la validité et la portée du contrat conclu entre l'avocat et son client. L'enjeu de la procédure devant le juge de l'honoraire était donc pour l'avocat la reconnaissance de sa créance d'honoraires, ou son rejet total ou partiel.
L'ordonnance du 20 août 2015, en instaurant un contrôle de l'autorité administrative, introduit une nouveauté substantielle : il pourra y avoir "contentieux" de l'honoraire hors de toute réclamation du client de l'avocat à l'occasion d'un contrôle de l'administration (nous n'envisagerons pas l'hypothèse de la dénonciation de l'avocat à la DGCCRF). L'avocat pourra encourir des peines d'amende, lourdes, pour ne pas s'être conformé aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, quand bien même le client n'aurait aucun grief à formuler à son égard (nous ignorerons délibérément le ralliement opportuniste du client à la position adoptée par l'autorité de contrôle).
L'article L.141-1 du Code de la consommation fixe comme limite à la recherche et à la constatation des manquements commis par un avocat le respect du secret professionnel mentionné à l'article 66-5 de la loi de 1971.
Il est permis de se demander comment un contrôle pourrait être conduit efficacement, de façon abstraite, hors de toute consultation réelle d'un dossier, ou ce qui reviendrait au même, hors de toutes explications fournies par l'avocat sur la mission qui lui a été confiée ?
Imagine-t-on tel avocat pénaliste renommé, faisant l'objet d'un contrôle, expliquer aux agents de la DGCCRF comment des honoraires importants ont été convenus et facturés sans violer de facto son secret professionnel ?
La DGCCRF avait lancé en mai 2014 une enquête dans 40 départements sur les honoraires d'avocat et l'information du consommateur dans ce domaine. Cette enquête se voulait essentiellement "pédagogique". Les agents de la DGCCRF ont contrôlé plus de 300 professionnels et adressé 27 avertissements. Si les opérations de contrôle, selon les avocats concernés, se sont déroulées la plupart du temps dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel, quelques représentants de la profession ont toutefois rapporté, dans certains barreaux, des incidents avec des agents qui ont parfois demandé la communication de documents figurant dans des dossiers précis, en contravention avec les dispositions relatives au secret professionnel.
Le Conseil national des barreaux, dans une fiche d'information technique du 14 août 2015 intitulée "Les Honoraires", écrit : "le contrôle de la DGCCRF a pour seul objet de déterminer l'existence d'un manquement à l'obligation pour un avocat de conclure une convention d'honoraires dans les conditions prévues par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et il doit s'exercer dans le respect du secret professionnel mentionnés à l'article 66 5 de la loi du 31 décembre 1971 [...]. Il sera donc limité au seul constat de l'existence matérielle de la convention".
Nous ne partageons pas cet optimisme.
Le troisième alinéa de l'article 10 dispose : "sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés".
Or, le contrôle institué par l'article L.141-1 du Code de la consommation vise expressément les manquements aux dispositions du troisième alinéa de l'article 10, donc "notamment" pour reprendre les termes de l'alinéa 3, "le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés".
Nous sommes donc très éloignés d'un contrôle limité au seul constat de l'existence matérielle de la convention.
Il incombera à l'avocat de préciser le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, sous peine d'amende, ce qui constituera un exercice divinatoire particulièrement difficile dans de nombreux cas. Ce n'est pas de refus de la sacro-sainte transparence, érigée en principe supra constitutionnel au même titre que le droit des victimes, dont il est question ici, ni plus simplement de rejet du droit du client à une information loyale de son avocat. C'est de considérations pratiques dont il est question.
Bien sûr, nombreux sont les avocats qui ont mis en place de longue date des conventions d'honoraires avec leurs clients, bien avant que celles-ci ne deviennent obligatoires. Car il est effectivement possible de recourir à une facturation forfaitaire pour certains types de missions de l'avocat, dans son activité judiciaire comme dans son activité de conseil ou de consultation. C'est le cas en particulier dans les missions qui pourraient être qualifiées de banales ou répétitives, ou lorsqu'un dossier ne présente pas de difficultés particulières.
Il est également possible de mettre en place une facturation horaire dans ce même type de dossiers, ou dans des dossiers dont l'avocat peut craindre qu'ils soient chronophages. Il faut cependant observer que le texte de l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi vise "les diligences prévisibles", donc a priori un volume horaire facturable prévisible. Ce qui nous ramène à la facturation forfaitaire, cette fois présentée différemment.
Comment prévoir à l'avance, notamment dans l'activité judiciaire, l'évolution d'un dossier, sa durée, sa complexification au fil des échanges de conclusions et de l'évolution des prétentions des parties, y compris celles du client de l'avocat (et non seulement de son adversaire) ?
Se pose ici la question de l'adaptabilité, et donc de la licéité, de clauses contractuelles dans la convention à des situations incertaines, bien que prévisibles en théorie. Ainsi en va-t-il dans le domaine judiciaire de procédures incidentes, d'expertises, de recours en révision, d'oppositions, de décisions avant-dire droit, de médiations ordonnées (la liste des possibles n'étant pas exhaustive).
Ainsi en va-t-il également, pour la rémunération de la plaidoirie ou de l'assistance à une réunion ou à une assemblée générale par exemple. Comment prévoir la durée et la complexité de la représentation ou de l'assistance de l'avocat ?
Enumérer dans une convention d'honoraires toutes les causes éventuelles de majoration du coût de la prestation de l'avocat, ceci pour répondre à l'exigence d'information sur les diligences prévisibles, est susceptible à l'évidence d'effrayer un client quant à l'étendue de son engagement lorsqu'il confie un mandat à un avocat. Ne pas le faire expose aujourd'hui l'avocat à des sanctions qui ne se limitent plus seulement à l'inefficacité de la convention, mais également à des amendes.
Qu'un client renonce à faire valoir ses droits par crainte du coût de la prestation de l'avocat, pour d'hypothétiques raisons, voilà bien là un effet pervers de la transparence exigée.
Une solution consisterait sans doute dans le fait pour l'avocat de prévoir un mode de facturation mixte, qui introduirait un tarif horaire à coté d'une facturation forfaitaire pour des prestations dont l'importance ne peut être prévisible qu'à l'intérieur d'une fourchette de temps. Rien n'indique cependant que la DGCCRF ou le juge de l'honoraire valideraient une telle pratique, même si les temps facturés sont vérifiables a posteriori par le client.
Rappelons-nous à cet égard la jurisprudence actuelle selon laquelle la convention d'honoraires doit être annulée, et non pas seulement réduite, lorsque l'information du client est imprécise ou insuffisante (cf., en ce sens, Cass. civ. 2, 2 juillet 2015, n° 14-24.062, F-D N° Lexbase : A5520NME).
Il n'est de conventions qui ne puissent être modifiées d'un commun accord entre les parties. Des avenants à la convention d'honoraires initiale seront-ils considérés comme licites au regard de l'exigence d'une convention d'honoraires préalable à toute prestation de l'avocat ?
Les avocats pourraient, certes, exciper d'une prestation complémentaire, mais serait-elle considérée comme imprévisible lors de la conclusion de la convention initiale ?
Nombre d'avocats vont sans doute trouver bien des avantages à l'honoraire de résultat.
Le pacte de quota litis demeure prohibé, mais pas l'honoraire de résultat dès lors que la convention d'honoraires est suffisamment précise dans l'énoncé de son mode de calcul, et dès lors que l'honoraire des diligences prévisibles n'apparaît pas dérisoire au regard de la rémunération du résultat obtenu.
Contrairement à une idée reçue, l'honoraire de résultat n'était pas usité par les avocats en toutes matières, a fortiori lorsque l'avocat n'avait pas pour habitude de mettre en oeuvre une convention (sans laquelle au demeurant l'honoraire de résultat ne peut être demandé). Il l'était plus fréquemment dans des domaines, en particulier dans l'activité judiciaire de l'avocat, où les intérêts financiers en jeu étaient importants. Dans un grand nombre de cas, l'avocat se bornait à majorer le montant de ses honoraires, d'ailleurs le plus souvent en accord avec le client, en fonction du service rendu.
Il est vraisemblable que le recours à un honoraire de résultat sera systématisé à l'avenir par les avocats, de la même façon que l'est désormais l'exigence d'une convention d'honoraires.
En effet, soumis, d'une part, à une forte concurrence, et par crainte, d'autre part, que ses honoraires aient un effet négatif sur la décision de son client de le mandater, l'avocat pourrait avoir la tentation d'établir une convention dont le montant de l'honoraire fixe serait minoré autant que possible. Le corollaire pourrait être l'instauration systématique d'un honoraire de résultat pour pallier cette contrainte d'une convention par trop dissuasive.
Faut-il envisager dans l'avenir une augmentation du nombre des clauses d'honoraire de résultat et une inflation du taux de cet honoraire ?
Cette perspective ne peut pas être totalement écartée. Entre le pacte de quota litis prohibé et l'honoraire de résultat licite existe une large plage qui pourrait être explorée par beaucoup d'avocats.
En ce cas, la loi dite "Macron" aurait manqué son objectif.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 15 septembre 2015, n° 2015/271 (N° Lexbase : A9785NNQ)
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N9255BUC
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. QPC, 22 septembre 2015, deux arrêts, n° 15-40.028, F-P+B (N° Lexbase : A5455NPQ) et n° 15-40.029, F-D (N° Lexbase : A5456NPR)
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N9134BUT
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2015, deux arrêts, n° 2015/15D (N° Lexbase : A1300NPT) et n° 2015/16D (N° Lexbase : A1413NPZ)
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N9252BU9
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Le 01 Octobre 2015
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N9253BUA
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 24 septembre 2015, n° 2015/451 (N° Lexbase : A6373NPQ)
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N9261BUK
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Le 01 Octobre 2015
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