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N3017B37
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par Marie Le Guerroué, Rédactrice en chef de la revue Lexbase Avocats
Le 03 Octobre 2025
La revue Lexbase Avocats vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions, des textes et de l’information professionnelle qui ont fait l’actualité de la profession d’avocat au cours du mois de septembre 2025.
I. L’actualité de la profession
A. Certification des informations en matière de durabilité
B. Retraite
II. L’actualité de la pratique professionnelle
C. En procédure administrative
I. L’actualité de la profession
A. Certification des informations en matière de durabilité
CNB, AG, Résolution, 12 septembre 2025 : le 12 septembre 2025, l’Assemblée générale du Conseil national des barreaux a adopté la décision à caractère normatif n° 2025-001 relative à la mission de certification des informations en matière de durabilité. Cette décision insère dans le Règlement intérieur national (RIN) un article 6.3.7 ainsi rédigé :
« Article 6.3.7 – Mission de certification des informations en matière de durabilité
L’avocat peut exercer une mission de certification des informations en matière de durabilité. Dans toute correspondance, quel qu’en soit le support, dans tout rapport et tout acte établi dans le strict cadre de sa mission de certification, il doit indiquer expressément sa qualité d’auditeur, et faire précéder sa signature de son nom, suivi de la mention : avocat auditeur en charge d’une mission de certification des informations en matière de durabilité. »
Corrélativement, l’article 6.4 « Déclarations à l’Ordre » est également modifié. L’avocat qui entend exercer cette mission devra en faire la déclaration à l’Ordre, au même titre que les autres activités accessoires mentionnées par ce texte.
B. Retraite
Cass. civ. 2, 25 septembre 2025, n° 23-12.207, F-B N° Lexbase : B1021BWQ : les conditions d'attribution de la pension de retraite versée par la Caisse nationale des barreaux français, et notamment la liquidation des pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes, doivent être remplies à la date de la demande de l'assuré.
Cass. civ. 2, 18 septembre 2025, n° 23-10.454, F-B N° Lexbase : B1749BTX : la Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la communication électronique. Elle considère que l’enregistrement et la conservation des échanges et des messages mis à la disposition de la juridiction, par les applications Winci CA et Comci CA, ne relève pas de la responsabilité des parties. De ce fait, les juges du fond doivent prendre en considération les messages RPVA qui n’auraient pas été enregistrés sur les applications.
par Alexandre Autrand
Cass. com. 10 septembre 2025, n°24-15.275, F-B N° Lexbase : B8732BQH : la liquidation judiciaire d’un débiteur peut être ouverte en raison d'une dette contractée antérieurement à l'activité professionnelle ouvrant droit à l'application des règles régissant les procédures collectives, dès lors qu'à la date de l'ouverture de la procédure collective, le débiteur relevait desdites règles et était susceptible d'être poursuivi pour le règlement de cette dette.
par Christine Lebel
II. L’actualité de la pratique professionnelle
Cons. const., décision n° 2025-1153 QPC, du 30 juillet 2025 N° Lexbase : B3185A4Q : le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution, sous certaines réserves, l'article 696-119 du Code de procédure pénale, issu de la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relatif à la compétence du procureur européen délégué pour décider du maintien et de la modification du contrôle judiciaire.
par Honoré Clavreul
Cass. crim., 16 septembre 2025, n° 24-87.080, F-B N° Lexbase : B3739BSB : il ne résulte pas de l'attestation de conformité prévue à l'article A 53-8 du Code de procédure pénale que l'ensemble de la procédure de garde à vue, qui compte les procès-verbaux contestés, a fait l'objet d'un procédé de signature numérique. Cette attestation ne saurait donc pallier l'irrégularité découlant du défaut de signature d'un procès-verbal par un officier ou un agent de police judiciaire.
par Honoré Clavreul
Cass. crim., 23 juillet 2025, n° 25-83.392, F-B N° Lexbase : B2001A3I : les articles 194, alinéa 1er et 197, alinéa 3, du Code de procédure pénale imposent au procureur général, à peine de nullité, de déposer ses réquisitions, qui n'ont pas à faire l'objet d'un document distinct de sa requête aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire, au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction. N'encourt pas la censure l'arrêt qui constate que la requête du procureur général aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire a été enregistrée et le dossier de la procédure déposé au greffe dans les délais légaux, dès lors que ladite requête, intitulée « réquisitions aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire », expose les arguments invoqués par le ministère public au soutien de sa demande et que le mémoire déposé pour l'accusé, reçu au greffe de ladite chambre la veille de l'audience, fait expressément état de ces développements, mettant ainsi la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les réquisitions du procureur général ont été régulièrement déposées au dossier de la procédure.
par Honoré Clavreul
Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-19.887, FS-B N° Lexbase : B6294AM3 : l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 25 juin 2025, apporte des précisions sur l'application des règles de prescription en droit du travail. La Cour confirme que la nature juridique de la créance détermine le délai de prescription applicable. Les créances salariales (comme les heures supplémentaires) relèvent de la prescription triennale, tandis que les créances indemnitaires (comme l'indemnité pour non-respect du repos compensateur) sont soumises à la prescription biennale. L'arrêt précise également que l'interruption de prescription par la saisine prud'homale vise toutes les demandes relatives au même contrat de travail. Elle ne peut pas faire renaître des droits définitivement éteints. Cette décision renforce la sécurité juridique et invite les salariés à ne pas différer leur saisine pour préserver leurs créances.
par Antoine Montant
C. En procédure administrative
CE, 1°-4° ch. réunies, 30 juin 2025, n° 494573, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B5628AP7 : dans une décision rendue le 30 juin 2025, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que le recours gracieux expédié dans le délai contentieux interrompt celui-ci dès l’envoi, et non dès la réception.
par Christophe De Bernardinis
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 24 juillet 2025, n° 492005, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0976A3K
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N2979B3Q
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par Emmanuelle Baron, avocate directrice et Lou-Ann Piron, avocate, Seban Avocats
Le 30 Septembre 2025
Mots clés : environnement • espaces naturels • zéro artificialisation nette • consommation d'espaces • occupation du sol
Dans un arrêt rendu le 24 juillet 2025, la Haute juridiction a dit pour droit que seule la transformation concrète de l’occupation du sol, telle qu’elle est constatée dans les zones concernées, peut être regardée comme une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au sens de la loi « résilience » du 22 août 2021 définissant le principe du « zéro artificialisation nette » (ZAN).


I. Faits et contexte de la décision
En décembre 2023, la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature a publié, sur le site du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, un guide synthétique sur le ZAN, ainsi que quatre fascicules consacrés à des thématiques spécifiques destinés aux acteurs responsables de la mise en œuvre de la réforme du ZAN, notamment les services de l’État et les collectivités territoriales.
La commune de Cambrai a formé un recours pour excès de pouvoir contre le fascicule n°1 relatif à l’artificialisation des sols et à la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dits « ENAF ».
Dans ce fascicule organisé en trois parties, la commune conteste l’interprétation qui est faite de la notion de consommation des ENAF.
Pour rappel, le contexte législatif et réglementaire entourant cette notion est le suivant.
La loi du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience » [1] a fixé un objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050. L’article 194 a fixé un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des ENAF sur la période 2021-2031. Cet objectif doit être intégré dans les différents documents de planification et d’urbanisme (SRADDET, SCoT, PLU).
La notion de consommation des ENAF est définie par le 5° du III de l’article 194 dans sa version issue de la loi du 20 juillet 2023 [2] comme « la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné ». Ces dispositions précisent que « sur ce même territoire, la transformation effective d'espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers du fait d'une renaturation peut être comptabilisée en déduction de cette consommation ».
Et, l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4203MKU, dans sa version issue du décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023, relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols N° Lexbase : L4175MYB [3], dispose que : « Dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, le solde entre les surfaces artificialisées et les surfaces désartificialisées est évalué au regard des catégories listées par la nomenclature annexée au présent article. / Pour cette évaluation, les surfaces sont qualifiées dans ces catégories selon l'occupation effective du sol observée et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d'urbanisme. »
II. Validation de la notion de consommation des ENAF par le Conseil d’État
Dans sa décision, le Conseil d’État a d’abord estimé que la commune était recevable à contester ce fascicule en se fondant sur la jurisprudence « GISTI » [4] qui a ouvert le prétoire aux actes de droit souple.
Les juges du Palais Royal ont relevé que les énonciations contenues dans le fascicule ne se limitaient pas à un rappel indicatif ou à une présentation pédagogique des dispositions législatives définissant la notion de consommation d’ENAF mais exposaient de manière impérative l'interprétation retenue par l'administration de ces dispositions, de sorte qu’elles étaient susceptibles d'emporter des effets notables sur la situation des collectivités territoriales compétentes en matière d'urbanisme chargées, à ce titre, de mettre en œuvre, pour la période de 2021 à 2031, les objectifs de réduction de consommation d’ENAF.
Le Conseil d’État a ensuite écarté le moyen tiré de ce que les mentions du fascicule méconnaîtraient le sens et la portée de la première phrase du 5° du III de l’article 194 de la loi « Climat et Résilience ».
D’une part, en se fondant sur les dispositions de l’article 194, le Conseil d’État énonce que les ENAF ne doivent être regardés comme consommés, que lorsqu'ils perdent dans les faits leur usage naturel, agricole ou forestier au profit d'un usage urbain et sont, dès lors, effectivement transformés en espaces urbanisés. Aussi, il juge que le fascicule n’a pas méconnu le sens, ni la portée des dispositions précitées en indiquant que le zonage réglementaire des PLU(i) ou des cartes communales est indifférent dans la mesure de la consommation effective d’ENAF.
D’autre part, en se fondant sur le critère d’effectivité posé par le législateur, le Conseil d’État considère que seule la transformation concrète de l'occupation du sol, telle qu'elle est constatée dans les zones concernées, peut être regardée comme une consommation d'ENAF, de sorte que le fascicule pouvait légalement indiquer qu’un ENAF « est considéré comme effectivement consommé à compter du démarrage effectif des travaux (de construction, d'aménagement, etc.), et non à compter, par exemple, de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme ».
Partant, la Haute juridiction rejette le recours de la commune de Cambrai, un an jour pour jour après avoir rejeté son recours tendant au renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de la première phrase du 5° du III de l'article 194 de la loi « Climat et Résilience » dans sa version résultant de la loi du 20 juillet 2023 [5].
III. Vers une stabilisation des règles de la réforme du ZAN ?
La décision du Conseil d’État est intervenue le même jour qu’une seconde décision du même Conseil d’État rejetant le recours de l’association « Notre affaire à tous » contre la circulaire du 31 janvier 2024, du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, relative à la mise en œuvre de la réforme vers le ZAN, adressée aux préfets et aux services déconcentrés de l’État.
La circulaire apportait des précisions sur la manière d’appréhender le rapport de compatibilité entre les différents documents de planification et d'urbanisme (SRADDET, SCoT, PLU). Elle indiquait notamment que lorsqu'un document d'urbanisme dépasse de 20 % l'objectif chiffré de maîtrise de l'artificialisation des sols fixé par un document de rang supérieur, un tel dépassement ne doit pas nécessairement être regardé par les services déconcentrés de l'État comme méconnaissant le rapport de compatibilité prévu par les textes.
Dans sa décision [6], le Conseil d’État a considéré qu’en indiquant cela, la circulaire se bornait à illustrer le rapport de compatibilité entre les différents documents de planification et d’urbanisme et ne méconnaissait ainsi ni le sens ni la portée des dispositions législatives du code général des collectivités territoriales et du code de l’urbanisme.
En validant les documents rédigés par le ministère pour faciliter la mise en œuvre concrète du ZAN par les services déconcentrés de l’État et les collectivités territoriales, le Conseil d’État apporte quelques éclairages s’agissant des modalités de mise en place effective du ZAN.
Mais le contexte de l’intervention de ces décisions est marqué par une instabilité législative importante, puisque pas moins de trois projets de loi portent actuellement des propositions d’évolution du ZAN.
En effet, c’est d’abord le projet de loi sur la simplification de la vie économique, déposé en avril 2024 et dernièrement adopté en première lecture par l’AN en juin 2025, qui contient tout une série de mesures relatives au ZAN, notamment celle proposant que les collectivités territoriales puissent, sans justification, dépasser de 30% leur objectif de réduction de l’artificialisation sur leur territoire, et même à aller au-delà de 30% à condition d’obtenir l’accord du préfet de département. Ce qui revient, de l’aveu même de l’auteur de l’amendement, le Républicain Ian Boucard, à « considérablement amenuiser le ZAN ». Il est également proposé, notamment, l’instauration d’une enveloppe de 10 000 hectares non soumis au ZAN dédiée aux industriels et aux infrastructures entourant ces projets (logements, routes, etc.).
C’est évidemment également la proposition de loi « TRACE » (trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), adoptée par le Sénat le 18 mars 2025 qui propose une importante refonte du dispositif ZAN.
Outre un nouveau report de transposition des objectifs dans les différents documents (SRADDET, SCOT, PLU, etc.), il est proposé de supprimer l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des ENAF sur la période 2021-2031 au profit d’une trajectoire de réduction 2024/2034 librement définie par les régions en accord avec les collectivités locales. Cette loi pourrait, si elle était adoptée, revenir quelque peu sur l’appréciation du calcul de la consommation d’ENAF portée par le fascicule et validée par le Conseil d’État le 24 juillet 2025, en prévoyant notamment que les opérations de construction ou autres opérations artificialisantes effectuées au sein de l'enveloppe urbaine ne sont pas comptabilisées comme consommation d'ENAF. Elle prévoit également de créer de nouvelles exonérations en excluant du décompte de la consommation d’ENAF certaines constructions telles que les implantations industrielles ou les logements sociaux.
S’inscrivant en opposition, des députés ont déposé, le 4 juin 2025, leur proposition de loi transpartisane intitulée « pour réussir la transition foncière », qui a pour objet de traduire les recommandations, issues du rapport d’information sur l’artificialisation des sols [7], en mesures législatives afin de doter les collectivités territoriales, des outils techniques et fiscaux nécessaires à la mise en œuvre du ZAN. Cette proposition de loi introduit notamment une seconde décennie 2031/2041 de compatibilité de la consommation d’ENAF pour simplifier la mise en œuvre du ZAN, mais surtout prévoit le renforcement des outils fiscaux pour soutenir une politique foncière responsable, qui en synthèse imposerait une logique de « qui consomme paie et qui préserve est soutenu » [8].
En définitive donc, en validant les documents ministériels sur la consommation des ENAF et la mise en œuvre du ZAN, le Conseil d’État apporte d’importantes précisions pratiques. Celles-ci sont utiles dans la mesure où, malgré les différents textes de loi en cours d’examen, le régime du ZAN reste pour l’heure celui qui a été instauré par la loi « Climat et Résilience » et la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux N° Lexbase : L5792MSC (dite loi « ZAN 2 »). Nul doute toutefois que tous les praticiens gardent un œil attentif sur les prochaines évolutions à intervenir.
[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6529MSM.
[2] Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux N° Lexbase : L5792MSC.
[3] Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023, relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols N° Lexbase : L4175MYB.
[4] CE, Sect., 12 juin 2020, n° 418142 N° Lexbase : A55233NU.
[5] CE, 24 juillet 2024, n° 492005 N° Lexbase : B0976A3K.
[6] CE, 24 juillet 2025, n° 493126 N° Lexbase : B0959A3W.
[7] Rapport d’information sur la mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols, rendu le 9 avril 2025 par les députés Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy.
[8] Citation de Constance de Pélichy lors de la présentation du texte.
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N3004B3N
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Le 26 Septembre 2025
Dans ce nouvel épisode de Lexflash, nous recevons Antoine Micaud, fondateur d’EasyQuorum et de UcontrolAI.
Il partage son regard sur la transformation profonde du métier de juriste à l’ère de l’intelligence artificielle : quels usages concrets de l’IA dans les directions juridiques et cabinets ?
Quelles compétences vont devenir indispensables pour les juristes de demain ?
Comment l’IA redéfinit-elle la valeur ajoutée du juriste ?
Un échange clair et prospectif pour mieux comprendre les mutations en cours et anticiper l’avenir de la profession, à retrouver sur Youtube.
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Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 24 juillet 2025, n° 496331, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0978A3M
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Le 03 Octobre 2025
Mots clés : nature et environnement • installations classées pour la protection de l'environnement • responsabilité • pollution • manquements
Dans un arrêt rendu le 24 juillet 2025, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que pour regarder comme établie l’existence d’une carence fautive de l’État dans l’exercice de la police des installations classées, le juge doit caractériser les manquements que l’administration aurait commis dans l’encadrement de l’installation au regard des risques pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement que, compte tenu des connaissances dont elle pouvait disposer, il lui incombait de prévenir. Lexbase a interrogé sur cette décision Camille Wautier et Lara Soulie-Julien, Drouot Avocats*.


Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de la police des installations classées ?
Camille Wautier et Lara Soulie-Julien : La police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) [1] est une police administrative spéciale confiée au préfet, dérogeant à la police générale du maire. Elle vise à encadrer les établissements industriels, agricoles ou autres dont l’activité présente des risques ou des nuisances pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement.
Les installations classées sont répertoriées dans une nomenclature qui les classe selon leur niveau de dangerosité, avec trois régimes possibles : déclaration, enregistrement ou autorisation, cette dernière étant la plus contraignante et réservée aux activités les plus à risques.
L’objectif de cette police est de prévenir les risques accidentels (explosions, incendies, rejets toxiques) comme les risques chroniques (pollutions durables, nuisances sonores ou olfactives), tout en protégeant les différentes composantes de l’environnement (air, eau, sols, biodiversité) et en contribuant notamment à la lutte contre le changement climatique.
Le préfet, assisté notamment de l’inspection des installations classées, édicte des prescriptions adaptées à chaque installation, contrôle leur respect et peut sanctionner les violations par des mesures administratives voire pénales. Cette police est essentielle pour assurer un développement industriel compatible avec la sauvegarde de l’environnement et la santé publique.
Le maire, quant à lui, n’a généralement pas de pouvoir d’intervention à l’intérieur des sites ICPE : son autorité de police est explicitement écartée au profit du préfet [2]. Toutefois, le maire conserve certaines missions : il peut et doit intervenir en cas de péril grave et imminent [3] pour la population, mais cette faculté reste strictement contrôlée et exercée uniquement si le préfet n’agit pas ou pas assez vite.
En dehors des ICPE, le maire redevient compétent pour régler les nuisances classiques de voisinage et assurer la salubrité sur le territoire communal. Enfin, il est attendu du maire qu’il informe ses administrés des risques liés aux installations et alerte le préfet en cas d’incident ou danger identifié [4].
Globalement, la police des ICPE illustre une répartition claire des compétences : le préfet agit pour les installations classées, tandis que le maire garde une responsabilité résiduelle – vigilance, information, action en cas de péril – mais ne peut pas réglementer ou sanctionner les activités des ICPE elles-mêmes
Cette approche spécialisée s’inscrit dans un cadre juridique qui ne se limite pas aux ICPE mais comprend aussi d’autres polices environnementales sectorielles, tout en restant aujourd’hui le principal dispositif de prévention et de contrôle des risques liés aux activités industrielles en France.
Lexbase : Comment s'exerce-t-elle concrètement ?
Camille Wautier et Lara Soulie-Julien : Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) regroupent toutes les exploitations industrielles ou agricoles susceptibles de présenter des dangers ou nuisances pour la santé, la sécurité publique et l’environnement. Leur législation repose sur un régime de classement déterminé par une nomenclature détaillée, qui catégorise les installations selon leur niveau de dangerosité.
Trois régimes principaux existent [5] :
L’exploitant doit, avant toute mise en service, déposer un dossier adapté au régime applicable à son installation. Ces démarches se font désormais majoritairement en ligne via des plateformes officielles.
Sous l’autorité du préfet, qui représente l’État au niveau départemental, la police des ICPE s’exerce à travers l’édiction d’arrêtés préfectoraux fixant des prescriptions adaptées à chaque installation. Celles-ci peuvent être complétées par des arrêtés ministériels fixant des prescriptions générales applicables selon les secteurs d’activité [6].
Ces prescriptions, adaptables localement, ont pour but de prévenir les risques pour la santé, la sécurité publique et l’environnement.
Pour mettre en œuvre cette police administrative, l’inspection des installations classées, placée sous l’autorité directe du préfet, joue un rôle essentiel. Organisés au sein de la DREAL [7] et la DDPP [8], les inspecteurs, agents assermentés de l’État spécialisés (ingénieurs, techniciens, vétérinaires), contrôlent la conformité des sites. Ils interviennent par différents types d’inspection : planifiées, annoncées, inopinées ou réactives à la suite de plaintes ou incidents.
Le contrôle porte sur les conditions de fonctionnement, la mise en œuvre des mesures de prévention des risques et nuisances, l’analyse des rejets et le respect des prescriptions réglementaires, s’appuyant aussi sur l’autosurveillance menée par l’exploitant.
En cas d’infractions ou de manquements, elle peut recommander au préfet des mesures coercitives : mise en demeure, amendes, suspension ou fermeture de l’activité, voire transmission des suites pénales au parquet [9].
Cette action de contrôle s’inscrit dans une dynamique de prévention et d’amélioration continue, avec la publication des rapports d’inspection, la consultation des parties prenantes et des échanges réguliers avec les exploitants et associations environnementales.
Par ailleurs, le maire, bien que privé de la police spéciale des ICPE sur les sites, conserve une responsabilité importante pour la sécurité civile locale. Il doit organiser, éventuellement avec l’EPCI [10] dont sa commune est membre, le plan communal ou intercommunal de sauvegarde (PCS/PICS) [11], qui prépare la gestion des risques en cas d’accident industriel ou environnemental. Il est également chargé d’informer la population des risques, d’alerter le préfet en cas d’incident et d’assurer le relais avec les habitants.
En résumé, la police des ICPE combine un contrôle administratif rigoureux, une surveillance technique approfondie et une gestion concertée des risques entre autorités préfectorales, inspecteurs spécialisés et élus locaux, pour garantir la protection de l’environnement, la santé publique et la sécurité des populations.
Lexbase : Comment caractériser concrètement les manquements de l'administration dans l'encadrement d'une ICPE ?
Camille Wautier et Lara Soulie-Julien : La responsabilité de l’État dans l’encadrement des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) peut résulter de trois fautes principales :
D’une part, elle peut résulter de l’illégalité de ses décisions, tel qu’un refus illégal d’autoriser une exploitation ou d’injonctions illégales de cesser ou fermer un établissement [12].
D’autre part, la responsabilité peut aussi découler d’une insuffisance dans la surveillance et le contrôle des installations classées, notamment sur le respect des prescriptions imposées à l’exploitant, ce qui laisse perdurer des conditions dangereuses ou polluantes sans intervention administrative. C’est ce que le tribunal administratif de Lyon a souligné en jugeant qu’un « attentisme » prolongé constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l’État [13]. Cette obligation d’agir a été réaffirmée par le Conseil d’État dans sa décision du 9 juillet 2007 [14], imposant au préfet de mettre en demeure l’exploitant défaillant.
Enfin, la responsabilité de l’État peut être engagée en raison d’un défaut d’information des populations exposées aux risques liés à une ICPE. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dans son arrêt du 19 février 1998 [15], considère que l’absence d’une information claire, complète et accessible sur la pollution et sur les mesures à adopter en cas d’accident constitue une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L4798AQR.
Le manquement de l’État ne donnera toutefois lieu à condamnation que s’il existe un lien de causalité direct entre la carence administrative et un préjudice concret subi par les victimes [16].
À noter : dans certains cas, la preuve d’une faute ne sera pas requise. C’est notamment le cas si la responsabilité de l’État est engagée sans faute, notamment dans le cas d’une fermeture administrative justifiée entraînant un préjudice grave et spécial pour l’exploitant [17]. Cette jurisprudence confirme que l’État peut aussi être tenu responsable en dehors du cadre strict de la faute.
Cette articulation jurisprudentielle souligne la complexité et la rigueur qui entourent la responsabilité de l’État dans l’encadrement des ICPE, combinant une obligation de surveillance effective, de réaction prompte aux manquements, ainsi qu’un devoir d’information de la population exposée.
Lexbase : Cette décision rejette la responsabilité automatique de l'État en matière environnementale. Sur quels fondements ?
Camille Wautier et Lara Soulie-Julien : La décision clé dont il s’agit, rendue par le Conseil d’État le 24 juillet 2025 [18] dans l’affaire Metaleurop, rejette la responsabilité automatique de l’État en matière environnementale, notamment en ce qui concerne la surveillance des installations classées. Cette affaire portait sur une pollution durable due à un site industriel de traitement de métaux lourds, ayant causé un préjudice aux riverains. Ces derniers avaient attaqué l’État sur le fondement d’un manquement dans l’encadrement de l’exploitant, alors que l’État, via ses services préfectoraux, aurait dû imposer des prescriptions plus strictes et mieux protéger les terrains avoisinants.
Le Conseil d’État confirme d’abord que la responsabilité de l’État en matière environnementale repose sur un régime de faute simple et s’inscrit dans un cadre d’obligation de moyens, non de résultat. Cela veut dire que l’État n’est pas garant des dommages directement, mais doit se montrer diligent et vigilant dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police administrative, au premier rang desquels la surveillance et la prescription des mesures adaptées pour prévenir les risques.
Cependant, le juge du fond est désormais assigné à une mission extrêmement exigeante. Pour engager la responsabilité de l’État, il faut prouver de façon rigoureuse, précise et circonstanciée non seulement l’existence d’une faute de l’administration, mais aussi le lien de causalité direct entre cette faute et le dommage subi. Le simple fait qu’une pollution ait perduré malgré des mesures administratives ne suffit pas. Il faut démontrer point par point que l’État, en dépit des connaissances scientifiques et des moyens dont il disposait, n’a pas pris les mesures efficaces ou nécessaires et que cette carence a conduit au préjudice.
Ces principes s’appuient sur les articles L. 511-1 N° Lexbase : L6525L7S et L. 512-1 N° Lexbase : L6387LCK du Code de l’environnement qui encadrent les installations classées et leur régime d’autorisation, ainsi que sur l’article L. 514-5 N° Lexbase : L7530IRC qui confie un pouvoir renforcé à l’inspection des installations classées pour surveiller leur conformité.
La jurisprudence souligne donc que la responsabilité de l’État ne découle pas mécaniquement de la survenance du dommage environnemental, mais de la preuve d’une faute caractérisée dans le cadre d’une obligation de moyens.
Ainsi, cette décision marque un point d’équilibre : elle confirme la possibilité d’engager la responsabilité de l’État sur la base d’une faute simple, mais elle fait peser une lourde charge de preuve sur les victimes, protégeant par là même les prérogatives de l’administration tout en affirmant ses devoirs de diligence et de contrôle approfondi.
Lexbase : Ne va-t-elle pas conduire à faciliter l'exemption de la responsabilité de l'administration en la matière ?
Camille Wautier et Lara Soulie-Julien : Durcir le régime de preuve d’une faute n’implique pas que la responsabilité de l’administration en matière d’ICPE devienne impossible à engager. Le juge du fond doit toujours rechercher une faute simple, sur le fondement d’une obligation de moyens et non de résultat. Cependant, la jurisprudence impose aujourd’hui des exigences très strictes sur la nature de la faute à prouver, ce qui rendra sans doute plus rares les condamnations effectives de l’administration.
On pourrait s’interroger sur le fait que cette exigence renvoie presque à un régime proche de la faute lourde, comme l’a suggéré un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux [19], qui a exigé une faute lourde pour engager la responsabilité de l’État dans la surveillance d’une ICPE. Néanmoins, cet arrêt reste isolé et peu diffusé, et le Conseil d’État a réaffirmé que la faute simple demeure le régime applicable [20].
Cette distinction trouve une explication dans la nature même des pouvoirs de police administrative. Certaines polices administratives, notamment celles qui assurent des missions de surveillance ou de maintien de l’ordre, relèvent traditionnellement du régime de la faute lourde, du fait de la complexité et des exigences spécifiques liées à leur exercice sur le terrain [21].
La police des ICPE s’inscrit certes dans une police administrative, mais elle est également exercée de manière concrète et technique sur le terrain, notamment via les contrôles effectués par la police de l’environnement pour garantir la sécurité et la salubrité publiques.
Dans ce contexte, la question se pose de savoir si la faute lourde pourrait être étendue aux ICPE. Une telle évolution ne serait pas socialement acceptable, car elle reviendrait à exiger la preuve d’une faute d’une gravité particulière, laissée largement à l’appréciation discrétionnaire du juge. Or, les ICPE sont susceptibles d’engendrer des conséquences sanitaires et environnementales très néfastes, ce qui justifie une exigence de responsabilité accessible.
Le Conseil d’État semble avoir maintenu un compromis : sans modifier le régime juridique fondamental, il impose que la preuve de la faute soit rigoureusement établie. Ce compromis permet d’assurer une protection réelle sans pour autant transformer les exigences en un obstacle insurmontable à la mise en cause de l’administration.
[1] C. env., art. L. 511-1 : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 N° Lexbase : L4234IPI et L. 311-1 N° Lexbase : L6366LBE du Code minier. »
[2] C. env., art. R. 541-12-16 N° Lexbase : L6110IW9.
[3] CGCT, art. L. 2212-4 N° Lexbase : L8694AAA.
[4] QE n° 06863 de M. Hervé Maurey, JO Sénat 18 mai 2023 p. 3210 , réponse publ. 10 août 2023 p. 4948, 16ème législature N° Lexbase : L2268MPP.
[5] C. env., art. R. 512-1 N° Lexbase : L7127LCX à R. 512-100.
[6] CE, 20 décembre 2024, n° 475355 N° Lexbase : A18636PP.
[7] Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
[8] Direction départementale de la Protection des Populations.
[9] Voir les mesures et sanctions administratives (C. env., art. L. 171-6 N° Lexbase : L7339IRA à L. 171-12) .
[10] Établissement public de coopération intercommunale.
[11] CSI, art. L. 731-3 N° Lexbase : L6299L98.
[12] Arrêts « Société Lustria » du 31 janvier 1935, « Gilles » du 23 juin 1938, « Faucon et Granet » du 24 juin 1938, « Coudart » du 5 mars 1965, « Ministre de l’Environnement c/ Mme F. » du 4 décembre 1981 ; voir les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public, sous CE, 17 décembre 2014, n°s 367202, 367203 N° Lexbase : A6789M7L.
[13] TA Lyon, 25 août 2014, n° 1202769.
[14] CE, 9 juillet 2007, n° 288367 N° Lexbase : A2851DXU.
[15] CEDH, 19 février 1998, Req. 116/1996/735/932, Guerra et autres c/ Italie N° Lexbase : A7008AWH.
[16] TA Strasbourg, 2 décembre 2009, n° 0404347.
[17] CE, 9 mai 2012, n° 335613 N° Lexbase : A1800ILA.
[18] CE, 24 juillet 2025, n° 496331 N° Lexbase : B0978A3M.
[19] CAA Bordeaux, 21 mai 2002, n° 98BX00205 N° Lexbase : A7756A3N.
[20] CE, 5 juillet 2004, n° 243801 N° Lexbase : A0601DDM.
[21] CE, 18 juillet 2017, n° 411156 N° Lexbase : A0956XY3 ; CE, 31 mai 2024, n° 468316 N° Lexbase : A37925E8.
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Réf. : Cass. civ. 1, 24 septembre 2025, n° 23-23.869, FS-B N° Lexbase : B8447BUE
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par Devinh Oulla, Avocat au barreau de Paris, Cabinet M2J Avocats
Le 02 Octobre 2025
L’article 1603 du Code civil N° Lexbase : L1703ABP met à la charge du vendeur deux obligations principales :
Il importe de rappeler que la Cour de cassation après quelques années de confusion (Cass. civ. 1, 5 novembre 1985, n° 83-12.621 N° Lexbase : A5373AAA ; Cass. civ. 3, 23 octobre 1991, n° 87-19.639 N° Lexbase : A3192AHP) a définitivement distingué ces deux notions (Cass. civ. 1, 5 mai 1993, n° 90-18.331 N° Lexbase : A3207ACR).
Qu’est-ce que la délivrance conforme ?
Il s’agIt d’une obligation qui impose au vendeur de délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles. À défaut, il commet un manquement grave à son obligation de délivrance conforme, justifiant la résolution du contrat conformément aux dispositions combinées des articles 1184 N° Lexbase : L0894KZ7 et 1603 du Code civil.
En l’espèce, un particulier signe un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule automobile avec la société Volkswagen Bank.
Le véhicule, fourni par la société Volkswagen Group France, est livré le 22 avril 2010. Le locataire acquiert la propriété du véhicule en levant l’option d’achat, le 1er avril 2014.
Après cette acquisition, l’acheteur est informé par la société Volkswagen Group France de l’ouverture d’une enquête concernant l’implantation d’un équipement dans le moteur diesel visant à contourner les mesures anti-pollution et propose une mise à jour du logiciel de son véhicule.
L’acquéreur assigne les sociétés Volkswagen Bank et Volkswagen Group France en résolution du contrat de vente initial du fait du défaut de délivrance conforme et, subsidiairement, en nullité et en indemnisation.
La Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 9 novembre 2023, n° 22/05651) déclare recevable la demande de l’acquéreur mais n’admet pas le défaut de conformité au motif que rien ne démontre que les qualités attendues lors de la location du véhicule ne se trouvaient pas réalisées.
En cassation, les sociétés immobilières soutiennent que l’obligation de délivrance ne se prescrit qu’à compter de la livraison de la chose, soit en l’espèce le 22 avril 2010, sans pouvoir être reportée au jour où l’acquéreur a été informé de l’enquête sur l’équipement truqué, soit par lettres des 16 novembre, 29 avril et 12 septembre 2016.
De son côté, l’acquéreur argue que l’équipement litigieux est contraire au Règlement (CE) n° 715/2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers N° Lexbase : L5450I7Y (Euro 5 et Euro 6).
Sur le premier moyen, la Cour répond à la lumière des articles 1603, 1604 N° Lexbase : L1704ABQ, 2224 N° Lexbase : L7184IAC du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3 que « le délai quinquennal de la prescription de cette action avait commencé à courir, au plus tôt, le 16 novembre 2015, et non pas à la date de la livraison du véhicule, de sorte qu’il n’était pas expiré au moment de la délivrance de l’assignation et que l’action était recevable ».
L’article 2224 est explicite à ce propos, dès lors, le moyen n’avait pas de chance de prospérer.
Sur le moyen soulevé par l’acquéreur, la Haute juridiction a jugé que : « l’implantation d’un logiciel destiné à tromper les mesures d’émission d’oxydes d’azote prévues par le règlement est prohibée et constitue, selon la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l’Union européenne, un défaut de conformité au sens de la Directive (CE) 1999/44 N° Lexbase : L0050AWR».
Il est intéressant de relever que la Cour fonde son raisonnement principalement sur la jurisprudence de la CJUE et non sur une interprétation directe des articles 1604 et 1184 N° Lexbase : L0894KZ7 du Code civil dont elle précise même qu’ils doivent être interprétés à la lumière des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement (CJUE, 21 mars 2023, aff. C-100/21, QB c/ Mercedes-Benz Group AG N° Lexbase : A78869IW).
À notre sens, cette décision est critiquable si l’on s’en tient au sens strict des qualités attendues par l’acquéreur du véhicule qui n’a pas établi, en l’espèce, que celui-ci n’était pas conforme aux stipulations contractuelles.
Toutefois, à une époque où la question environnementale est inéludable, cet arrêt est loin de surprendre.
Faut-il pour autant en déduire que les dispositions liées à la protection de l’environnement sont réputées contractuelles ?
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