Le Quotidien du 6 octobre 2025

Le Quotidien

Avocats/Structure d'exercice

[Dépêches] L’interdiction d’exercice des associés n’emporte pas l’interdiction de représentation de leur société d’avocat

Réf. : Cass. crim., 2 septembre 2025, n° 24-83.911, F-D N° Lexbase : B9137BQH

Lecture: 3 min

N3013B3Y

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par Marie Le Guerroué

Le 02 Octobre 2025

La décision qui prononce l'interdiction de tous les associés exerçant leurs fonctions au sein d'une société d'exercice libéral d'avocats n'emporte pas interdiction de réaliser des actes pour le compte de ladite société.

Un avocat avait été cité devant le tribunal de police du chef de contravention au Code de la route. Il critique notamment le jugement rendu par en ce qu'il l’a déclaré coupable des faits pour lesquels il était poursuivi après avoir déclaré irrégulières et écarté des débats les conclusions déposées dans son intérêt.

La Chambre criminelle rend sa décision au visa des articles 29 et 31 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 N° Lexbase : L4321A4S pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L3046AIN relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, applicable à la date du jugement attaqué. Selon ces textes, la décision qui prononce l'interdiction ou la suspension provisoire de tous les associés exerçant leurs fonctions au sein d'une société d'exercice libéral d'avocats commet un ou plusieurs administrateurs provisoires pour accomplir tous actes professionnels relevant des fonctions de la société et des associés interdits.

Il s'en déduit que la décision qui prononce l'interdiction de tous les associés exerçant leurs fonctions au sein d'une société d'exercice libéral d'avocats n'emporte pas interdiction de réaliser des actes pour le compte de ladite société.

Or pour déclarer irrégulières les conclusions de nullité déposées par un avocat dans l'intérêt de l’avocat cité devant le tribunal de Police et les écarter des débats, le jugement énonce que ces conclusions sont rédigées pour le compte de la société. Le juge précise que ces deux avocats, seuls associés de ladite société, font l'objet d'une interdiction d'exercer prononcée par un juge d'instruction. Il en conclut que ce cabinet, qui n'est constitué que de ces deux seuls avocats, n'a plus la capacité juridique pour représenter des clients.

En statuant ainsi, le tribunal a, pour la Chambre criminelle, méconnu les textes susvisés et le principe précité. D'une part, la mesure de suspension temporaire dont étaient l'objet les associés à la date du jugement n'empêchait pas la société d'avocats de fonctionner tant dans la poursuite de dossiers anciens que dans le traitement d'affaires nouvelles sous l'administration provisoire d'un de leurs confrères. D'autre part, il ressort des notes d'audience que les conclusions litigieuses ont été établies et signées par un avocat qui s'est présenté à l'audience comme agissant pour le compte de la personne morale. La Cour casse et annule par conséquent le jugement du tribunal de police de Paris.

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Marchés publics

[Dépêches] Impossible dépôt d’une candidature imputable à une plateforme : le candidat dans son bon droit

Réf. : TA Nantes, 4 septembre 2025, n° 2513762 N° Lexbase : B3701BSU

Lecture: 2 min

N3033B3Q

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par Yann Le Foll

Le 09 Octobre 2025

Une société n’ayant pu déposé sa candidature et son offre du fait du dysfonctionnement d’une plateforme dématérialisée dédiée à cet effet est fondée à demander l’annulation de la décision de rejet de sa candidature et de son offre.

La société requérante indique qu’elle s'est trouvée dans l'impossibilité technique de finaliser le dépôt par voie électronique de son dossier de candidature et de son offre sur la plateforme dématérialisée dédiée à cet effet. Elle ajoute que la plateforme a généré à deux reprises un message qui l'a induite en erreur, lui laissant croire que sa candidature et son offre avaient bien été envoyées et qui, au surplus, l'a empêchée de procéder ultérieurement au téléchargement de ses fichiers.

Les juges indiquent qu’en effet, le prestataire de la plateforme, comme la commune, ne parviennent pas à expliquer de manière claire et précise l'apparition de ces deux messages qui, selon la société requérante, ont eu pour effet de bloquer toute possibilité ultérieure de télécharger un fichier. Alors que le premier d'entre eux était incohérent, le second, d'apparence confirmative, était quant à lui de nature à laisser croire à la société que les fichiers contenant sa candidature et son offre avaient bien été envoyés et réceptionnés par la plateforme et ce même si, contrairement à ce que prévoit l'article 8.1 du règlement de la consultation, elle n'a pas reçu un accusé de réception électronique. Au surplus, à aucun moment, la plateforme n'a généré un message indiquant qu'un incident était survenu au moment du téléchargement de ces mêmes fichiers.

La société requérante est fondée à soutenir que l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de déposer sa candidature et son offre est imputable à cette plateforme. Il est enjoint à la commune de suspendre l'exécution de la décision de rejet de l'analyse de l'offre de cette dernière.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La passation du marché public, L’engagement de la procédure de passation du marché public, in Marchés Publics – Commande publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E7108ZKH).

 

newsid:493033

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Notification postale et interruption de la prescription en cas de réexpédition de courriers

Réf. : TA Paris, 16 septembre 2025, n° 2318616 N° Lexbase : B8379BTI

Lecture: 8 min

N3002B3L

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par Maxime Carpentier, avocat counsel, et Mathilde Lenègre, avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

Le 02 Octobre 2025

Mots clés : droit fiscal • prescrpition • procédure fiscale • délai de reprise • régularité de la notification

Le tribunal administratif de Paris confirme que le contribuable diligent, qui a organisé la réexpédition de son courrier en cas de déménagement, ne peut être pénalisé par les défaillances postales. Dès lors, la prescription joue pleinement contre l’administration en cas de notification hors délai à l’adresse de réexpédition.


 

I. Faits et procédure

L’EURL Nina Roll, exploitant un restaurant parisien, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur l’exercice clos en 2015. À l’issue du contrôle, l’administration a émis, le 14 décembre 2018, une proposition de rectification relative tant à l’impôt sur les sociétés qu’à la TVA et à la contribution à l’audiovisuel public. Le pli recommandé a été expédié à l’adresse communiquée par la société dans ses déclarations fiscales : 213, boulevard Voltaire, Paris 11ᵉ.

Or, l’entreprise avait, dès 2018, conclu avec La Poste un contrat de réexpédition de l’ensemble de son courrier vers sa nouvelle adresse, 64, boulevard Malesherbes, Paris 8ᵉ, contrat valable jusqu’en décembre 2019. En pratique, le pli contenant la proposition de rectification n’a pas été acheminé à la nouvelle adresse mais a seulement fait l’objet d’un avis de passage, daté du 20 décembre 2018, portant la mention « pli avisé et non réclamé ». La société n’a effectivement pris possession du courrier, par remise en mains propres, que le 14 janvier 2019, soit après l’expiration du délai de reprise fixé au 31 décembre 2018.

Afin de démontrer que ce retard n’était pas imputable à sa propre négligence, la société a produit devant le tribunal une attestation signée par le directeur des services clients entreprises de La Poste, datée du 12 mars 2019, reconnaissant que « le postier a commis une erreur » et que le pli aurait dû être réacheminé à l’adresse de réexpédition, conformément au contrat en vigueur. L’administration n’a pas contesté l’authenticité de cette attestation, mais a maintenu les impositions supplémentaires. Après rejet de sa réclamation préalable, l’EURL Nina Roll a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande de décharge des suppléments d’impôt, en invoquant la prescription faute de notification régulière avant le 31 décembre 2018.

II. Le droit applicable : délai de reprise et régularité de la notification

L’article L. 169 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L0567NAA (LPF) fixe, en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés, un délai de reprise expirant à la fin de la troisième année suivant celle de l’imposition. L’article L. 176 du LPF N° Lexbase : L5250LQI prévoit un délai identique pour la TVA. L’article L. 189 du LPF N° Lexbase : L8757G8T précise que la prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification, d’un procès-verbal ou de tout autre acte interruptif de droit commun. En l’espèce, l’administration devait donc notifier régulièrement sa proposition de rectification au plus tard le 31 décembre 2018.

La question centrale tient à la validité de la notification : un pli envoyé à la dernière adresse connue suffit-il, alors même que le contribuable a souscrit un contrat de réexpédition auprès de La Poste ?

En principe, il revient au contribuable, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse. À cet égard, la jurisprudence ancienne « Schnell » [1] considérait que la seule présentation d’une lettre recommandée à l’adresse déclarée du contribuable suffisait à interrompre la prescription, indépendamment des instructions données à La Poste. Cette approche stricte plaçait le risque d’une erreur postale intégralement sur le contribuable.

Un infléchissement de cette jurisprudence est intervenu avec la décision « Laurent » [2], où le Conseil d’État a jugé que le contribuable qui avait souscrit un ordre de réexpédition devait être réputé avoir pris les précautions nécessaires pour recevoir son courrier à sa nouvelle adresse, de sorte que les notifications ne pouvaient être réputées régulières qu’à sa nouvelle adresse. Le Conseil d’État a confirmé et étendu cette solution à la réexpédition temporaire dans sa décision « Hirigoyen » [3], abandonnant ainsi la jurisprudence « Schnell ». Enfin, par une décision de 2019 [4], la Haute juridiction a censuré une cour qui n’avait pas recherché si le contrat de réexpédition avait été résilié avant la date d’envoi, rappelant qu’un tel contrat fait foi sauf preuve contraire.

Ce courant jurisprudentiel est, depuis ce revirement, constant : lorsque le contribuable prouve qu’il a souscrit un contrat de suivi postal, le pli ne peut être réputé régulièrement notifié qu’à la nouvelle adresse, et l’administration supporte alors le risque des dysfonctionnements du service postal.

Cependant, en cas de contentieux portant sur un dysfonctionnement du service postal (par exemple, si le pli n’a pas été réexpédié comme il aurait dû l’être), la seule production du contrat de réexpédition ne suffit pas toujours à établir que le retard ou la non-remise du courrier n’est pas imputable au contribuable. Dans cette hypothèse, il appartient alors à ce dernier de démontrer que l’échec de la notification résulte d’une erreur de La Poste et non d’une négligence de sa part. La jurisprudence récente et constante exige, dans ce cas, la production d’une attestation ou d’une lettre de La Poste reconnaissant expressément l’erreur ou le dysfonctionnement dans l’acheminement du courrier. Selon nous, un tel courrier semble devoir être produit en toute hypothèse, ne serait-ce qu’à titre confortatif, afin de renverser totalement et définitivement la charge de la preuve sur l’administration.

La cour administrative d’appel de Paris a confirmé cette logique par un arrêt récent [5], jugeant qu’une proposition de rectification expédiée en décembre 2018 à l’ancienne adresse de contribuables résidant temporairement en Israël n’avait pas interrompu la prescription, La Poste ayant reconnu ses propres dysfonctionnements.

Notons que la doctrine administrative est alignée avec cette solution en cas de déménagement définitif, puisqu’elle indique au point 180 de son BOI-CF-IOR-10-50-10, de manière inchangée depuis le 12 septembre 2012, que «  lorsque le contribuable a déménagé, changé le lieu de son exploitation ou transféré son siège sans avoir accompli auprès de l'administration postale les formalités nécessaires pour la réexpédition de son courrier ou sa remise à un fondé de pouvoir, la prescription sera interrompue par la présentation du pli à l'adresse figurant dans les dernières déclarations et communications fiscales du contribuable ».

Toutefois, à notre connaissance, l’administration fiscale n’a pas encore mis à jour et aligné sa doctrine s’agissant des réexpéditions temporaires, puisqu’elle précise au point 600 du BOI-CF-IOR-10-30 (en sa partie  « Absence temporaire », par renvoi du BOI précité), en date du 27 février 2014, que « il est précisé que dans un arrêt n° 91932 du 30 novembre 1993, la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré qu'un ordre de réexpédition n'était pas opposable à l'administration dès lors que celle-ci n'avait pas été avisée d'une absence temporaire du contribuable [6] ».

Ces convergences et divergences avec la jurisprudence nous semblent néanmoins superfétatoires dans la mesure où ces BOI ne peuvent a priori pas bénéficier, en tant que doctrine de procédure, de la protection offerte par l’opposabilité de la doctrine administrative prévue à l’article L. 80 A du LPF N° Lexbase : L6958LLB [7].

III. La solution du tribunal administratif

Le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 16 septembre 2025, applique strictement et logiquement ces principes. Il constate que l’EURL Nina Roll avait conclu un contrat de réacheminement valable jusqu’en décembre 2019 et que l’échec de distribution était exclusivement imputable à une erreur de La Poste, attestée par écrit. L’administration, n’ayant pas contesté cette preuve, elle ne pouvait ainsi soutenir que la notification était régulière.

Dès lors, la proposition de rectification du 14 décembre 2018 n’a pas été valablement notifiée avant le 31 décembre. La prescription était acquise. Le tribunal a donc prononcé la décharge intégrale des impositions supplémentaires en droits et pénalités, tant en matière d’IS que de TVA et de contribution à l’audiovisuel public. Accessoirement, il a condamné l’État à verser 1 800 euros à la société sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1303MAI.

IV. Portée de la décision

Le jugement illustre la consécration d’un principe protecteur : le contribuable qui met en place un suivi postal documenté est réputé avoir pris toutes les mesures nécessaires pour être atteint. La production d’une attestation de La Poste suffit à démontrer que le dysfonctionnement n’était pas de son fait. Cette protection renforce la sécurité juridique des contribuables de bonne foi, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

En définitive, cette décision rappelle l’importance du respect strict des délais de procédure par l’administration fiscale et la nécessité, pour les contribuables, de bien documenter leurs démarches en cas de litige.

 

[1] CE, 31 mars 1989, n° 75652 N° Lexbase : A0714AQI.

[2] CE, 18 mars 2005, n° 254040 N° Lexbase : A2780DHG.

[3] CE, 7 novembre 2012, n° 343169 N° Lexbase : A5060IWC.

[4] CE, 1er juillet 2019, n° 420834 N° Lexbase : A3518ZHR.

[5] CAA Paris, 15 novembre 2024, n° 23PA00362 N° Lexbase : A89646G4.

[6] Cf. en ce sens, CAA Lyon, 24 mars 1999, n° 98LY01824 N° Lexbase : A2872BGH.

[7] Voir, en ce sens, CE, 23 décembre 2010, n° 309331 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 3352734, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE 9/10 SSR, 23-12-2010, n\u00b0 309331", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A6978GNR"}} ; à propos de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er avril 1995, correspondant aujourd’hui aux BOI-CF-IOR-10-30 et BOI-CF-IOR-10-40, selon la table de concordance de la base BOFiP.

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Protection sociale complémentaire

[Podcast] PSC et restructurations : quels enjeux ?

Lecture: 1 min

N3032B3P

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Le 03 Octobre 2025

► Dans ce nouvel épisode de Lexflash, Amélie Wazir-Leparquier, associée et Matthieu Delpha, Counsel au sein du cabinet Rigaud Associés, décryptent les impacts des opérations de restructuration sur les régimes de protection sociale complémentaire (PSC).

Quelles sont les conséquences concrètes pour les entreprises et les salariés ?

Quels points de vigilance pour les directions juridiques et RH ?

Comment anticiper et sécuriser ces situations complexes ?

Un échange pratique et éclairant pour mieux comprendre les enjeux juridiques et sociaux liés aux restructurations.

► Retrouvez également cet épisode en podcast sur Youtube, Spotify, Deezer et Apple Podcasts.

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Sociétés

[Doctrine] Proposition d’actionnaire : le conseil d’administration peut-il la refuser ? Une lecture française à l’aune des enjeux sociaux et environnementaux

Lecture: 34 min

N2832B3B

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par Reagan Intole, Maître de conférences contractuel en droit des affaires à l’université d’Orléans, Centre de recherche juridique Pothier EA 1212

Le 03 Octobre 2025

Mots-clés : Say on Climate • projet de résolution • refus • proposition climatique • résolution climatique • conseil d’administration • assemblée générale • droits des actionnaires • société anonyme • enjeux sociaux • enjeux environnementaux

En résumé, le conseil d’administration peut refuser une proposition ou un projet de résolution émanant des actionnaires si celle-ci est jugée contraire à l’intérêt social ou aux statuts de la société, mais il ne peut empêcher une proposition régulièrement déposée d’être soumise en assemblée générale. Les actionnaires peuvent contester cette décision de refus devant le tribunal de commerce. La décision du conseil doit toujours être motivée et conforme aux principes de bonne gouvernance. Cette problématique de refus de proposition climatique émanant des actionnaires illustre l’équilibre délicat entre les droits des actionnaires et les pouvoirs du conseil d’administration, un équilibre qui est au cœur du fonctionnement des sociétés anonymes en droit français.


 

La question de savoir si un conseil d’administration peut refuser une proposition ou un projet de résolution climatique émanant des actionnaires est d’une grande actualité, notamment dans un contexte où les enjeux sociétaux, environnementaux et de gouvernance prennent une place croissante dans les préoccupations des investisseurs et des régulateurs [1].

En France, les sociétés anonymes sont régies par le Code de commerce, notamment les articles L. 225-1 et suivants N° Lexbase : L2076LYK. La société anonyme est une forme de société commerciale très ancienne, qui existait même avant la Révolution française. Longtemps, elle a occupé une place prépondérante. Elle assurait une organisation particulièrement efficace de l’entreprise, permettant la réunion des capitaux nécessaires aux grands projets entrepreneuriaux. Son aspect démocratique fut longtemps loué, bien que Ripert eût tôt fait d’en dénoncer le caractère illusoire dans un ouvrage classique de 1948, « les aspects juridiques du capitalisme moderne » [2]. Aujourd’hui, elle reste une forme sociale importante. La profusion de normes dont elle fait l’objet en font un modèle de fonctionnement tel que le conçoit le législateur.

Rappelons qu’il existe, d’une part, des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance dont la formule est « en perte de vitesse » [3] et, d’autre part, des sociétés anonymes à conseil d’administration [4]. À ce titre, les actionnaires des sociétés anonymes à conseil d’administration disposent de droits spécifiques, dont celui de proposer des résolutions lors des assemblées générales [5]. Une proposition d’actionnaire ou projet de résolution est une initiative soumise par un ou plusieurs actionnaires en vue d’un vote en assemblée générale. Elle peut porter sur des enjeux stratégiques, y compris environnementaux. Dans ce cas, elle est dite « say on climate ». Celle-ci désigne alors une pratique consistant à soumettre au vote des actionnaires une résolution portant sur la stratégie ou l’ambition d’une société en matière climatique [6]. Cependant, le conseil d’administration, en tant qu’organe de gestion, a également des prérogatives définies par la loi et les statuts de la société. Il a pour mission de définir les orientations stratégiques de la société et de veiller à leur mise en œuvre. Il dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans la gestion des affaires sociales, sous réserve de respecter les décisions prises en assemblée générale. Toutefois, ce pouvoir n’est pas absolu et doit s’exercer dans le respect des intérêts et des droits des actionnaires.

En effet, la problématique de proposition de résolution climatique émanant des actionnaires s’inscrit, en France, dans un cadre juridique en évolution, influencé par des Directives européennes et une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux ou climatiques [7].

À ce propos, les enjeux sociaux et environnementaux, à la suite de la loi « Pacte » [8], ont été intégrés comme des éléments à prendre en considération dans la gestion de sociétés et dans leur intérêt social [9]. Cette loi, fruit du rapport Notat-Senard [10], a le mérite de modifier le Code civil et le Code de commerce en introduisant dans le droit des sociétés des dispositions ayant pour ambition de repenser la place des entreprises dans la société [11]. En donnant plus d’opportunités aux entreprises de déployer une démarche de RSE, elle innove en consacrant trois véhicules juridiques qui contribuent à redéfinir la finalité des entreprises en fonction de leur niveau d’engagement RSE : l’introduction de l’obligation de gestion dans l’intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux ; la possibilité pour les sociétés de se doter d’une raison d’être ; la possibilité d’opter pour la qualité de société à mission. La loi « Pacte » renforce donc le rôle des actionnaires dans la surveillance des engagements climatiques des entreprises.

Aussi, la Directive CSRD, adoptée en 2022 [12], susceptible d’être « simplifiée » par le paquet Omnibus [13], impose aux grandes entreprises de publier des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Cette Directive, qui, selon les auteurs, constitue « un nouveau visage de l’information en matière sociale et environnementale » [14], « un vent nouveau pour le reporting en matière de durabilité » [15], vise ainsi à standardiser les informations en matière de durabilité présentées par les entreprises afin d’en garantir la clarté et la comparabilité, que ce soit pour les entreprises, les investisseurs ou toute autre partie intéressée visée dans le rapport extra-financier de l’entreprise. Il est important de préciser que les questions de durabilité sont celles couvrant « les droits environnementaux, les droits sociaux et les droits de l’homme, et les facteurs de gouvernance » [16]. Cela inclut des données sur leur contribution à la lutte contre le changement climatique [17]. La Directive CSRD renforce, par conséquent, non seulement les missions assignées aux administrateurs, mais également la transparence, et donne aux actionnaires des outils pour formuler des propositions climatiques [18].

Il en est de même de la loi « vigilance » de 2017 et de la Directive européenne sur le devoir de vigilance, adoptée en 2024 [19]. Même si celle-ci est également susceptible d’être « simplifiée », comme la Directive CSRD, par le paquet Omnibus [20], ses dispositions renforcent les obligations des entreprises en matière de respect des droits humains et de l’environnement dans leurs chaînes d’activité. La Directive sur le devoir de vigilance a un impact significatif sur le rôle des actionnaires dans la gouvernance des entreprises, en particulier sur leur engagement et leur responsabilité [21]. Les actionnaires sont encouragés à voter en faveur de politique de durabilité et à soutenir les résolutions liées à la diligence raisonnable [22].

En pratique, les investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension et les gestionnaires d’actifs, sont de plus en plus actifs dans la promotion des résolutions climatiques. Des initiatives comme Climate Action 100+ poussent les entreprises à aligner leurs stratégies sur les objectifs de l’Accord de Paris [23]. De cette manière, les propositions de résolutions climatiques émanant des actionnaires sont de plus en plus fréquentes [24]. Par exemple, des actionnaires de la société TotalEnergies ont déposé, en 2020, une résolution demandant à l’entreprise d’aligner sa stratégie sur les objectifs de l’Accord de Paris [25]. Bien que la résolution n’ait pas été adoptée, elle a suscité un débat important. Par la suite, le say on climate s’est démocratisé dans des entreprises de différents secteurs en 2022 et a volontairement été inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale par les conseils d’administration d’une dizaine d’émetteurs [26]. De 2023 à ce jour, des actionnaires de grandes entreprises françaises ont continué à déposer des propositions de résolutions climatiques, reflétant une tendance croissante à l’engagement actionnarial sur ces questions [27].

Dans le présent texte, nous proposons de faire le point sur la capacité du conseil d’administration à refuser une proposition de résolution climatique émanant d’un actionnaire. D’une manière spécifique, nous nous demandons : dans quelle mesure le conseil d’administration peut-il refuser d’inscrire une proposition de résolution en général et, en particulier, une proposition de résolution liée à l’environnement ou au climat alors que ces sujets gagnent en importance juridique et sociétale ? Comment concilier les droits des actionnaires, les pouvoirs du conseil d’administration et la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans ce type de situation ?

Nous pourrons constater que le refus par le conseil d’administration d’inscrire une proposition d’actionnaire à l’ordre du jour d’une assemblée générale doit être justifié à la lumière des enjeux sociaux et environnementaux, qui sont désormais intégrés à l’intérêt social des sociétés. Si ce refus est légitime lorsqu’il protège les prérogatives du conseil ou respecte les statuts, il peut toutefois être contesté par les actionnaires devant le tribunal de commerce. Les entreprises doivent donc adopter une approche transparente et collaborative dans leur gouvernance, en tenant compte des évolutions législatives et des attentes croissantes des parties prenantes pour une gestion responsable et durable.

Afin de mieux comprendre ce constat, nous avons choisi d’aborder ces points à la lumière de l’évolution jurisprudentielle, législative et doctrinale. En droit français, cette problématique s’inscrit dans le cadre plus large des relations entre les actionnaires et les organes de gestion de la société, ainsi que dans le respect des dispositions légales et statutaires régissant le fonctionnement des sociétés. Dès lors, il importe de relever le cadre juridique du refus de proposition des actionnaires par le conseil d’administration (I), ainsi que l’articulation entre les enjeux sociaux et environnementaux et le refus d’inscription (II).

I. Le cadre juridique du refus de proposition des actionnaires par le conseil d’administration

Le droit français reconnaît aux actionnaires le pouvoir de soumettre des propositions, mais le conseil d’administration peut les refuser sous certaines conditions. Les droits des actionnaires, encadrés par la loi et les statuts, s’articulent avec les prérogatives du conseil en matière de gestion stratégique. Cependant, ce refus n’est pas absolu. Il doit respecter des limites légales, notamment l’absence de motif arbitraire, et tenir compte des exigences croissantes en matière de transparence et de RSE. Les tribunaux sanctionnent les décisions abusives, reflétant l’équilibre délicat entre pouvoir dirigeant et responsabilité actionnariale, particulièrement dans un contexte où les enjeux sociaux et environnementaux influencent la gouvernance d’entreprise.

A. Les droits des actionnaires et les pouvoirs du conseil d’administration

L’organisation du pouvoir entre les organes de la société anonyme est particulièrement complexe. La Cour de cassation a très tôt affirmé un principe : celui de la hiérarchie des organes et de séparation des fonctions. Elle l’a fait dans un arrêt « Motte » du 4 juin 1946 [28]. Selon cet arrêt : « […] la société anonyme est une société dont les organes sont hiérarchisés et dans laquelle l’administration est exercée par un conseil élu par l’assemblée générale ; […] il n’appartient donc pas à l’assemblée générale d’empiéter sur les prérogatives du conseil en matière d’administration ». En l’espèce, l’assemblée générale s’était attribué les pouvoirs du conseil d’administration, ce qui était à la fois excessif et impraticable.

Le principe de la hiérarchie des organes constitue une condition de fond du droit actuel concernant la recevabilité des demandes actionnariales des résolutions [29]. L’autre condition, c’est l’exigence d’un formalisme précis [30]. À cet effet, le Code de commerce impose une procédure précise pour que la demande d’inscription de projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale soit recevable [31]. Selon la loi, la demande doit notamment comporter une attestation d’inscription en compte justifiant de la possession ou de la représentation de la fraction du capital exigée au jour de la demande. Cette attestation doit être réitérée deux jours avant l’assemblée générale. Une fois que le conseil d’administration de l’émetteur a fixé l’ordre du jour initial et dûment convoqué l’assemblée par le biais d’un avis officiel, l’actionnaire, agissant seul ou de concert, a vingt jours calendaires à compter de la publication pour envoyer sa demande à la société [32]. La demande d’inscription doit être motivée et comporter le texte exact du projet de résolution [33], et peut être assortie d’une brève explication des motifs [34].

Il sied alors de comprendre que celui qui convoque une assemblée est celui qui fixe l’ordre du jour. Selon les textes, c’est donc en principe le conseil d’administration [35]. Néanmoins, les actionnaires d’une société ont le droit de demander l’inscription de propositions, de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée générale, sous certaines conditions. Ces résolutions peuvent porter sur des sujets variés, y compris des questions climatiques ou environnementales, dès lors qu’elles sont liées à la gestion de la société. En vertu de l’article L. 225-105 du Code de commerce N° Lexbase : L6133MM4, cette demande peut être effectuée par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social.

Le conseil d’administration, quant à lui, détermine, aux termes de l’article L. 225-35 du Code de commerce N° Lexbase : L6125MMS, les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre, conformément à l’intérêt social de celle-ci, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Il prend également en considération, s’il y a lieu, la raison d’être de la société dans ses statuts en application de l’article 1835 du Code civil N° Lexbase : L8682LQM. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle, par ses délibérations, les affaires qui la concernent. Cependant, le conseil d’administration ne saurait empiéter sur les droits des actionnaires, notamment leur droit de participer à la gouvernance de la société en soumettant des propositions ou des projets des résolutions à l’assemblée générale.

Ainsi, les dispositions de l’article L. 225-105 du Code de commerce, qui permettent aux actionnaires représentant un certain pourcentage du capital social de demander l’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour, précisent que le conseil d’administration peut rejeter les propositions portant sur des sujets étrangers à ses compétences ou contraires à l’objet social. Ce qui revient à dire que le conseil d’administration peut refuser une proposition d’actionnaire si celle-ci est jugée contraire à l’intérêt social ou aux statuts de la société, mais il ne peut empêcher une proposition régulièrement déposée d’être soumise en assemblée générale.

La jurisprudence récente confirme qu’il peut refuser l’inscription d’une résolution à l’ordre du jour si celle-ci empiète sur ses prérogatives exclusives ou si elle contrevient aux statuts de la société. Par exemple, dans une affaire examinée en 2024 par le tribunal de commerce de Nanterre, le refus du conseil d’administration d’inscrire une proposition de résolution relative à la gouvernance de la société TotalEnergies a été jugée légitime au motif que cette résolution empiétait sur les prérogatives du conseil [36].

Par ailleurs, soulignons qu’en matière de propositions d’actionnaires, ce cadre impose au conseil d’administration de justifier son refus en démontrant que la résolution proposée est contraire à l’intérêt social, y compris ses composantes sociales et environnementales. À titre d’exemple, un projet de résolution qui aurait pour effet d’engager la société dans des activités manifestement contraires aux objectifs climatiques ou environnementaux pourrait être légitimement refusé par le conseil. Il en est ainsi du refus implicite par le conseil d’administration de la société TotalEnergies d’une résolution en 2023 demandant l’alignement des produits énergétiques vendus à ses clients sur l’Accord de Paris, invoquant l’intérêt social. Bien qu’inscrite à l’ordre du jour, le conseil a recommandé aux actionnaires de rejeter la proposition pour sa contrariété aux intérêts de la société [37]. La décision du conseil doit toujours être motivée et conforme aux principes de bonne gouvernance.

B. Les limites au refus d’inscription des propositions des actionnaires

Le conseil d’administration ne peut pas bloquer une proposition de résolution si celle-ci est régulièrement déposée et conforme aux exigences légales. Cependant, il peut émettre un avis défavorable en expliquant pourquoi il estime que la résolution n’est pas dans l’intérêt de la société. Il peut aussi proposer une alternative qui répond partiellement aux préoccupations des actionnaires tout en restant alignée sur sa stratégie.

Si le conseil refuse une proposition de manière abusive ou sans justification valable, il s’expose à des recours juridiques pour abus de pouvoir ou manquement à ses obligations. À cet effet, l’obligation du conseil d’administration de motiver son refus au regard des dispositions légales et statutaires, a été récemment rappelée par la jurisprudence, en l’occurrence, le jugement rendu par le tribunal de commerce le 23 mai 2024. En l’espèce, plusieurs actionnaires d’une société avaient demandé au conseil d’administration d’inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale le projet de résolution suivant : « les actionnaires, au moyen d’un vote consultatif, invitent le conseil d’administration à décider […] que la direction générale de la société sera assumée par une autre personne que le président du conseil d’administration ». Le conseil ayant refusé d’inscrire ce projet à l’ordre du jour, les actionnaires avaient saisi le juge des référés sur le fondement des articles 872 N° Lexbase : L0848H48 et 873 N° Lexbase : L0850H4A du Code de procédure civile. Le juge a rappelé que le refus peut être contesté lorsque le projet respecte les conditions légales et statutaires. Il a estimé que les conditions des actionnaires de déposer un projet de résolution, fixées par l’article L. 225-105 du Code de commerce, ne se confondent pas avec les conditions permettant à tout actionnaire de faire valoir ses droits en justice. Tout actionnaire dispose en effet de la qualité à agir en justice pour contester l’application de cet article par le conseil d’administration.

D’un autre côté, le refus injustifié du conseil d’administration d’inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale une proposition de résolution est sanctionné par la nullité des délibérations prises par cette assemblée, cette nullité étant facultative pour le juge [38]. Désormais, les actionnaires qui se voient refuser l’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée peuvent saisir le tribunal de commerce selon la procédure accélérée au fond instaurée par la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 N° Lexbase : L6590MSU [39]. Cette mesure, entrée en vigueur le 15 juin 2024, a pour objectif de renforcer les droits des actionnaires minoritaires, en améliorant l’efficacité des procédures contentieuses en cas de refus d’inscription de leurs projets de résolutions [40]. Soulignons qu’avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les demandes étaient en référé, à l’exemple de la jurisprudence sus évoquée. Celles-ci se heurtaient aux conditions liées à ces procédures, notamment l’urgence et l’absence de contestation sérieuse [41] ou l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite [42]. La loi nouvelle, qui prévoit la procédure accélérée au fond, reprend une proposition formulée par le Haut comité juridique de la place financière de Paris concernant les résolutions climatiques [43]. L’AMF s’était estimée incompétente pour apprécier la recevabilité des projets de résolution climatique et le bien-fondé du refus de les inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée. Ces contentieux relèvent du tribunal de commerce [44].

Nous pensons que cette victoire reste avant tout symbolique, en raison de contraintes temporelles [45]. En effet, le traitement d’une procédure au fond, même accélérée, prend plusieurs mois, alors que les résolutions externes doivent être déposées une vingtaine de jours avant l’assemblée générale. Ainsi, il est peu probable qu’une décision du tribunal de commerce intervienne avant l’assemblée, tout comme un report de celle-ci dans l’attente du jugement. Néanmoins, on peut supposer que, pour éviter toute polémique à l’approche de l’assemblée générale annuelle, la direction serait plus encline à accepter ce type de résolutions [46].

Il convient de noter qu’aujourd’hui, les résolutions consultatives, notamment en matière d’enjeux climatiques, qui permettent aux actionnaires d’exprimer un avis sur les questions environnementales et sociales, jouent un rôle croissant. Ce qui nous amène à l’examen de l’articulation entre les enjeux sociaux et environnementaux et le refus d’inscription.

II. L’articulation entre les enjeux sociaux et environnementaux et le refus d’inscription

L’intégration croissante des enjeux sociaux et environnementaux redéfinit les équilibres de gouvernance. Le fonctionnement des organes sociaux évolue sous la pression des actionnaires engagés et des nouvelles régulations RSE, obligeant les conseils à justifier leurs décisions au regard de ces critères. Les propositions climatiques cristallisent particulièrement les tensions, opposant parfois la vision stratégique des dirigeants aux demandes d’actionnaires soucieux de transition écologique. La doctrine, tout en reconnaissant la légitimité de ces préoccupations, propose un cadre permettant aux conseils d’exercer leur pouvoir et aux actionnaires leurs droits. Cette dynamique révèle une transformation profonde des attendus en matière de responsabilité d’entreprise.

A. La prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans le fonctionnement des organes sociaux

Les droits français et européen évoluent pour renforcer le rôle des actionnaires dans la surveillance des engagements climatiques des entreprises [47]. Cette tendance reflète une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et une volonté de responsabiliser les entreprises face à l’urgence climatique. Les actionnaires disposent désormais d’outils juridiques pour influencer la stratégie des entreprises, y compris sur des sujets aussi critiques que le climat [48].

En particulier, dans la réforme introduite par la loi « Pacte », les enjeux sociaux et environnementaux font partie intégrante de l’intérêt social des sociétés. C’est de l’intérêt social élargi aux finalités sociales et environnementales [49]. Cela signifie que les organes de gestion, y compris le conseil d’administration, doivent intégrer ces considérations. À cet effet, le conseil doit examiner l’impact social et environnemental de toutes les décisions importantes qu’il prend ou qu’il refuse d’inscrire à l’ordre du jour [50]. Autrement dit, à la lettre du texte, l’intérêt social élargi devient le fondement de droit commun des décisions sociétaires [51]. Le non-respect de l'intérêt social ne pourra entraîner la nullité de la société mais sera susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants ou la nullité des actes contraires à cet intérêt.

Par ailleurs, l’inscription d’une « raison d’être » dans les statuts ainsi que le choix de la qualité de société à mission sont optionnelles pour l’entreprise. La raison d’être constitue une ligne de conduite à suivre pour une entreprise. Elle permet à l’entreprise de connaître ce qu’elle peut et ne peut pas faire. À ce titre, elle va au-delà de la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux. La raison d’être vient cadrer le sens même de l’article 1832 du Code civil N° Lexbase : L2001ABQ qui affirme le but de la société : « en vue d’en partager le bénéfice ou profiter de l’économie et contribuer aux pertes ». La loi « Pacte » ajoute dans ce but la notion de raison d’être, qui n’est pas le but, mais la finalité de la société. La finalité identifie les valeurs d’une entreprise et lui donne des lignes directrices. C’est à juste titre que le Conseil d’État apportera la précision, par voie d’amendement, que cette raison d’être est « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » [52]. Soulignons que ces principes, inscrits dans les statuts, deviennent donc une norme comportementale obligée pour la société et s’imposent à tous les organes sociaux. À côté de cette notion de raison d’être, le législateur a choisi le terme « société à mission » pour définir des entreprises qui décident d’aller au-delà de la définition d’une raison d’être en se fixant des objectifs sociaux et environnementaux. Par cette qualité de société à mission, l’opportunité est donnée à toutes les entreprises, quelles que soient leur forme et leur taille, désireuses d’aller plus loin sur le chemin de la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux et de la réflexion sur la raison d’être, d’intégrer dans leurs statuts les critères requis par la loi afin d’accéder à cette qualité de société à mission. Or, il convient de souligner que la modification des statuts en vue de l’inscription de la raison d’être et de la société à mission est de la compétence de l’assemblée des actionnaires.

En effet, l’articulation entre les compétences du conseil d’administration et celles de l’assemblée générale en matière de gestion sociale et environnementale doit reposer sur une répartition claire des rôles et des responsabilités, tout en favorisant une collaboration efficace pour assurer une gouvernance robuste.

Le conseil d’administration, comme rappelé précédemment, est responsable de la définition et de la supervision de la stratégie globale de l’entreprise, y compris en matière de gestion sociale et environnementale [53]. Il veille à ce que les politiques environnementales, sociales et de gouvernance soient intégrées dans la stratégie de l’entreprise. Il adopte et supervise les politiques et pratiques relatives à la RSE en s’assurant que ces politiques sont conformes aux normes légales et réglementaires, ainsi qu’aux attentes des parties prenantes [54]. Le conseil d’administration est chargé de superviser la production des rapports sur les performances sociales et environnementales de l’entreprise en veillant à ce qu’ils soient précis, transparents et conformes aux standards internationaux. Aussi, il identifie et évalue les risques sociaux et environnementaux auxquels l’entreprise est exposée, et s’assure que des mesures appropriées sont mises en place pour les atténuer.

L’assemblée générale des actionnaires, quant à elle, joue un rôle de contrôle et d’approbation. Elle approuve les rapports annuels, y compris ceux relatifs à la gestion sociale et environnementale, et peut donner un avis consultatif sur les orientations stratégiques proposées par le conseil d’administration. Soulignons que l’assemblée générale est le forum où les actionnaires peuvent exprimer leurs préoccupations et leurs attentes en matière de gestion sociale et environnementale. Elle joue un rôle clé dans le dialogue entre l’entreprise et ses actionnaires sur ces sujets [55]. Enfin, l’assemblée générale peut voter sur des résolutions spécifiques liées à la gestion sociale et environnementale, telles que l’adoption de politiques environnementales, sociales et de gouvernance ou l’approbation de rapports de durabilité. Elle peut également proposer des résolutions actionnariales sur ces sujets.

Dans certaines affaires « say on climate », on pouvait dire que c’était une modification des statuts, et donc que cela relevait de la compétence de l’assemblée générale. Mais cette modification des statuts avait pour effet d’obliger le conseil d’administration à inclure, dans sa stratégie environnementale, des éléments concernant les gaz à effet de serre. En effet, plusieurs articles du Code de commerce, comme rappelé précédemment, couvrent les pouvoirs respectifs du conseil d’administration et des actionnaires, sans qu’une disposition particulière ne les coordonne clairement. Or, la définition de la stratégie, même environnementale, relève traditionnellement du pouvoir de gestion, donc de la direction et non de l’assemblée générale. Pour preuve, l’article 1833 du Code civil N° Lexbase : L8681LQL énonce que la société est « gérée » en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Il en est de même de l’article L. 225-35 du Code de commerce N° Lexbase : L6125MMS, qui reprend expressément cela pour le conseil d’administration. Mais il est vrai que l’évolution du droit brouille les pistes. Disposer que les actionnaires peuvent doter leur société d’une raison d’être, voire opter pour le statut de société à mission, c’est indiquer à quel point les enjeux environnementaux et sociaux sont importants pour eux. Ainsi, peut-on vraiment encore considérer que ces enjeux ne relèvent que de la stratégie de la société, telle que définie par le conseil d’administration, et plus généralement par les dirigeants ?

Entre les deux organes, l’articulation et la collaboration s’avèrent donc nécessaires. Le conseil d’administration doit rendre compte à l’assemblée générale de ses actions et décisions en matière de gestion sociale et environnementale. Cela inclut la présentation des rapports de durabilité et des performances environnementales, sociales et de gouvernance. Les deux organes doivent travailler en étroite collaboration pour s’assurer que les objectifs sociaux et environnementaux de l’entreprise sont alignés avec les attentes des actionnaires et des autres parties prenantes. Le conseil d’administration est responsable devant l’assemblée générale qui a le pouvoir de demander des comptes et de voter sur les orientations stratégiques. Cette relation de responsabilité assure que les décisions du conseil d’administration en matière de gestion sociale et environnementale sont soumises à un contrôle démocratique.

Toutefois, l’imprécision des règles et l’absence de collaboration entre les organes constituent des sources de tensions constatées dans la pratique des propositions actionnariales en matière climatique et les prérogatives du conseil d’administration.

A. Les tensions entre les propositions actionnariales climatiques et les prérogatives du conseil d’administration

Dans son rapport sur le gouvernement d’entreprise de 2021, l’AMF relevait que le say on climate « s’entend généralement d’un vote des actionnaires sur une résolution mise à l’ordre du jour d’une assemblée générale, à l’initiative du conseil d’administration ou d’un ou plusieurs actionnaires, portant sur la stratégie ou la politique de cette société en matière environnementale, et notamment sur son impact climatique. Il peut s’agir, par exemple, pour les actionnaires de voter sur un plan de transition énergétique ou sur les mesures prises par une société pour réduire ses émissions de carbone » [56].

La montée des résolutions climatiques et leur cadre juridique restent encore incertains en France [57]. Elles font l’objet de débats doctrinaux intenses. Deux camps s’opposent : les optimistes, c’est-à-dire partisans de la validité des résolutions climatiques, et les sceptiques, partisans refusant cette possibilité au nom du principe de hiérarchie des organes et de séparation des fonctions dans la société anonyme [58]. La controverse porte sur la question de savoir si l’on peut débattre en assemblée de questions climatiques, alors même que ces questions relèveraient de la compétence normale du conseil d’administration [59]. L’absence d’encadrement légal et de consensus quant à la validité juridique des résolutions climatiques donne lieu à des divergences d’appréciation entre conseil d’administration et actionnaires [60]. La controverse s’explique par le fait que l’assemblée générale ne dispose que des pouvoirs limités définis par la loi, qui ne sauraient empiéter sur ceux du conseil d’administration, eux-mêmes précisément définis, ni sur ceux de la direction générale, particulièrement considérables : le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société [61].

Ainsi, les sceptiques se fondent sur le fameux arrêt « Motte » du 4 juin 1946, réputé pour avoir fondé le principe de hiérarchie et de la séparation des pouvoirs [62]. Un auteur affirmera « […] une résolution illicite adoptée par l’assemblée violerait les articles L. 225-96 et suivants du même Code, qui définissent les pouvoirs de toute assemblée générale, et par la même occasion ses limites. […] De plus, la violation du principe de séparation et de hiérarchie des pouvoirs entre les différents organes de la société, principe d’ordre public depuis l’arrêt Motte, est aussi sanctionnable par une nullité » [63].

Les optimistes relativisent la portée de cette décision [64]. Ils estiment que cette jurisprudence, de surcroît ancienne, a reçu peu d’applications [65]. Ils sont favorables à la compétence de l’assemblée générale, en ce qu’un vote consultatif ne peut emporter aucun transfert de pouvoirs et, par voie de conséquence, empiéter sur ceux reconnus par la loi au conseil d’administration. Étant donc consultatives, ces résolutions climatiques ne heurtent aucune règle juridique et, en l’occurrence, elles ne violent pas le principe de hiérarchie des organes sociaux. Ces arguments sont promus par le Haut comité juridique de la place financière de Paris qui, dans son rapport de 2022 sur les résolutions climatiques, a conclu qu’« au regard des réserves exprimées sur la validité de cette pratique en l’absence de cadre spécifique, le groupe de travail propose l’adoption de recommandations (soft law) destinées à introduire le principe de la possibilité de telles résolutions ainsi qu’à recommander un cadre général, en particulier s’agissant de l’information à délivrer aux actionnaires sollicités pour exprimer leur avis consultatif » [66]. Également, le rapport Perrier recommande de « formaliser une exigence systématique d’un "say on climate", un suivi et partage des meilleures pratiques et des conditions d’engagement. [...] Les conditions de dépôt de résolution sur le climat en assemblée générale devront en outre être clarifiées et assouplies avec les pouvoirs publics » [67]. À ce titre, notons avec regret que, malgré ces différentes propositions, un amendement permettant de généraliser le say on climate dans le cadre du projet de loi relatif à l’industrie verte en 2023 a été rejeté par le Parlement [68].

En outre, le rapport HCJP note que le refus de propositions actionnariales climatiques est une spécificité française car, à l’étranger, de telles propositions sont acceptées [69]. Par exemple, au Canada, les actionnaires de certaines sociétés ferroviaires ont adopté, en 2021, des propositions visant à obliger ces sociétés à soumettre leur plan de gestion des risques climatiques à un vote consultatif annuel des actionnaires (say on climate[70]. De la même façon, en 2022, les grandes banques canadiennes ont aussi fait l’objet de ce type de propositions [71].

En France, on peut constater qu’une résolution peut être écartée alors même que le conseil reconnaît qu’elle n’empiète pas « facialement » sur les prérogatives du conseil d’administration, comme l’illustre l’assemblée générale de TotalEnergies qui s’est tenue le 26 mai 2023. Une demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution climatique avait été portée par un groupe de dix-sept actionnaires. Ce projet de résolution demandait à la société de se doter d’objectifs d’émissions indirectes dites scope 3 qui soient « alignés avec l’Accord de Paris sur le climat ». Dans un communiqué de presse, la société TotalEnergies a alors précisé que « cette résolution consultative n’empiète pas facialement sur les compétences du conseil d’administration » [72]. TotalEnergies ajoute : « Cependant, si elle était adoptée, elle introduirait une certaine confusion dans la gouvernance de l’entreprise car elle conduirait le conseil d'administration à prendre en considération une stratégie différente de celle qu’il a adoptée » [73]. Néanmoins, le conseil d’administration a décidé d’inscrire ce projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale « dans l'intérêt du dialogue actionnarial mais de ne pas l’agréer pour l’ensemble des raisons rappelées ci-dessus » [74]. La résolution, bien que non soutenue par le conseil, a obtenu un vote très significatif de 34 %. Des conseils d’administration d’autres sociétés ont adopté des démarches similaires. Il en est ainsi de la société Engie dont la résolution non agréée a obtenu un vote de 24,38 % [75].

Nous pensons que le principe de hiérarchie des organes n’est pas si original que cela. Nous pouvons remarquer que dans les autres formes des sociétés, le dirigeant n’a pas le droit d’empiéter sur les droits reconnus à l’assemblée des associés. Cependant, dans les sociétés anonymes, certaines prérogatives d’un organe permettent naturellement d’empiéter sur les pouvoirs d’un autre. En particulier, c’est le cas, par exemple, en matière de révocation du président du conseil d’administration. Il est en principe révocable uniquement par le conseil d’administration. Mais l’assemblée générale peut le révoquer en le privant de sa qualité d’administrateur. Il n’y a pas d’empiètement sur les pouvoirs du conseil d’administration, puisque l’assemblée générale ne fait qu’exercer les droits qui lui sont propres. Mais finalement, le conseil d’administration perd son pouvoir exclusif de révocation du président. Le conseil d’administration ne doit pas trop s’arc-bouter sur le principe de hiérarchie des organes, car les sociétés risqueraient de se voir déborder par les propositions climatiques des actionnaires car ils exercent leurs droits. Aussi, ils ne doivent pas continuer à soutenir ce principe de hiérarchie car les actionnaires pourraient aussi les amener sur d’autres terrains. À ce titre, un auteur évoque la possibilité du recours à « la clause d’objet social des statuts » qui, selon lui, constitue « un instrument supplémentaire à la disposition des actionnaires, aux côtés de la raison d’être et du statut de société à mission pour tenter de mieux assujettir la société à leurs préoccupations environnementales » [76].

Au demeurant, l’extension de l’intérêt social aux enjeux sociaux et environnementaux a créé une pente favorable à ce que les actionnaires d’une société anonyme puissent revendiquer le fait de lier plus étroitement le conseil d’administration sur les questions environnementales [77]. Étant souveraine, nous pensons qu’il paraît logique qu’elle doive pouvoir au moins émettre un avis. Les sociétés doivent veiller à ce que leurs décisions, y compris celles relatives aux propositions des actionnaires, soient en adéquation avec leur intérêt social élargi. Cela implique d’intégrer des mécanismes de dialogue renforcé avec les actionnaires sur les sujets sociaux et environnementaux [78], afin d’éviter les contentieux et de repondre aux attentes croissantes des parties prenantes.

 

[1] Sur les résolutions climatiques : v. E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272 ; E. Rapone et J. Dessard Jacques, Say on climate : assemblées générales 2022 sous haute tension, Dr. sociétés, 2022, étude 8. ; S. Vermeille, Recevabilité des projets de résolutions des actionnaires et contrôle de l’autorité des marchés financiers : une approche fonctionnelle, RTDF, n° 58, 2022 ; I. Parachkévova-Racine, Les résolutions climatiques ou les prémices d’un dialogue actionnarial pensé pour l’entreprise durable, Bulletin Joly sociétés, septembre 2023, p. 30 ; I. Urbain-Parleani, Les relations assemblées et organes de direction : les résolutions climatiques, Rev. sociétés, 2023, p. 494.

[2] G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, Paris, 1951, 355 p. On retiendra pour illustration de ce mirage démocratique la confiscation du pouvoir des actionnaires par les dirigeants prompts à agir dans leur propre intérêt au nom d’un prétendu intérêt de la personne morale. Toutefois, le mouvement de corporate governance eut notamment pour objectif de restaurer les actionnaires dans leurs droits à davantage de transparence et d’informations, lorsque la société est cotée.

[3] v. C. Coupet et A. Outin Adam, Conseil d’administration ou directoire et conseil de surveillance : l’état des questions en 2013, RTDF, n° spécial, 2013.

[4] Pour des raisons de simplicité, le présent article étudie les règles des sociétés anonymes à conseil d’administration.

[5] Un actionnaire peut déposer différents types de résolution lors d’une assemblée générale d’une société, en fonction de ses objectifs et des droits que lui confèrent les statuts ou la loi. Généralement, on distingue : les résolutions ordinaires qui exigent une majorité simple (v. C. com., art. L. 225-98 N° Lexbase : L2168LYX), les résolutions extraordinaires demandant une majorité absolue (v. C. com., art L. 225-96 N° Lexbase : L2084LYT), les résolutions spéciales (cas particuliers, v. C. com., art. L. 225-99 N° Lexbase : L2169LYY), enfin les résolutions consultatives, souvent sans valeur juridique contraignante mais qui expriment l’avis des actionnaires (v. C. com., art. L. 22-10-8 N° Lexbase : L2240LYM).

[6] Selon un auteur, « la pratique désigne, à l’origine, une demande d’investisseurs professionnels d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées d’actionnaires des résolutions dites climatiques, destinées à inciter les entreprises à renforcer leurs efforts de lutte contre le changement climatique. Puis, peu à peu, le phénomène s’est "bilatéralisé", certains émetteurs proposant, à leur tour, l’inscription à l’ordre du jour de résolutions sur leurs stratégies climat. À vrai dire, ces résolutions ont des finalités et des contenus assez différents. Émanant des actionnaires, elles tendent à intensifier et à accélérer la transition écologique des entreprises et relayent des attentes variées. Initiées par les conseils d’administration, elles visent surtout à légitimer les politiques mises en place par les équipes de direction et se cantonnent à un vote consultatif (say on climate) », I. Parachkévova-Racine, Les résolutions climatiques ou les prémices d’un dialogue actionnarial pensé pour l’entreprise durable, Bull. Joly Sociétés, septembre 2023, p. 30 ; v. aussi : E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272 ; C. Baldon, Les résolutions climatiques au prisme du principe de séparation des pouvoirs au sein de la société anonyme, JCP E, 2021. 1403.

[7] v. G. Leray, Climat et entreprise, brève étude des mouvements du droit économique, JCP E, 2023, 1278.

[8] Loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK ; v. R. Intole, La RSE, du spontané au contraignant, Revue Horizons du droit, AFDD, n° 52, janvier-février 2024, p. 99-138, spéc. p. 128-131 ; C. Bourgeois, X. Hollandts, B. Valiorgue, La loi Pacte : enjeux et perspectives pour la gouvernance des sociétés françaises, Revue française de gouvernance d’entreprise, n° 22/23, 2020, p. 4-29.

[9] V. par exemple le libellé de l’artciles 1833 du Code civil N° Lexbase : L8681LQL : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

[10] N. Notat et J-D. Senard, L’entreprise, objet d’intérêt collectif, La documentation française, 9 mars 2018, p. 123. Selon ce rapport, l’entreprise ne se résume pas à la réalisation de profits ; elle a une dimension sociale et environnementale.

[11] Le législateur français, par la loi « Pacte », a modifié les articles 1833 N° Lexbase : L8681LQL et 1835 N° Lexbase : L8682LQM du Code civil, L. 225-35 du Code de commerce N° Lexbase : L6125MMS. V. à ce propos : R. Intole, La responsabilité des grandes entreprises à l’aune du devoir de vigilance. Analyse comparée des droits français et OHADA, L’Harmattan, Paris, 2024, spéc. p. 139-158 ; A. Pietrancosta, Intérêt social et raison d’être. Considérations sur deux dispositions clés de la loi Pacte amendant le droit commun des sociétés, Annales des Mines – Réalités industrielles, vol. 2019, n° 4, 2019, p. 55-59 ; B. Lecourt, P-H. Conac, M. Germain et J. Heinic, La réécriture des articles 1833 et 1835 du Code civil, révolution ou constat, Rev. Sociétés, 2018, p. 551 (première partie) ; I. Urban-Parleani, K. Deckert, E. Masset, et al., La réécriture des articles 1833 et 1835 du Code civil, révolution ou constat, Rev. sociétés 2018, p. 623 (seconde partie) ; A. Couret, Faut-il réécrire les articles 1832 et 1833 du Code civil ?, Dalloz, 2017, p. 222.

[12] Directive (UE) n° 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2022, modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises N° Lexbase : L1830MGU.

[13] Pour donner suite au rapport « Draghi » (v. AN, Résumé du rapport de M. Mario Draghi sur l’avenir de la compétitivité européenne, 18 novembre 2024) qui assimile la Directive CSRD à un « fardeau réglementaire », la Commission européenne présente le 26 février 2025 un ensemble de propositions destinées à simplifier les règles imposées aux entreprises au titre de la durabilité. Cet ensemble ou paquet est dit « Omnibus » et comprend notamment les modifications à la Directive CSRD (v. COM 2025 80 – sur les dates de transposition et d’application – v. Directive (UE) n° 2025/794, du 14 avril 2025 N° Lexbase : L4254M9G, modifiant notamment la CSRD – et COM 2025 81 sur le fond) : report de 2 ans pour les entreprises non encore soumises, la « vague 2 », grandes entreprises non soumises la première année, qui devaient publier en 2026 sur l’exercice 2025, elles doivent publier en 2028 sur l’exercice 2027, « vague 3 » PME publication 2029 sur l’exercice 2028, une partie des entreprises de ces « vagues 2 et 3 » pourraient ne plus être concernées par le reporting obligatoire si adoption des modifications de fond proposées. Comme mesures de fond proposées : reporting uniquement pour les très grandes entreprises, périmètre aligné sur la Directive vigilance (seuil de 1 000 salariés), suppression de 80 % des entreprises du périmètre, revue des ESRS publiés pour rationalisation, suppression substantielle du nombre de data points, pas de standards sectoriels.

[14] B. Lecourt, La "directive RSE 2" ("directive CSRD") : le nouveau visage de l’information en matière environnementale et sociale, Rev. sociétés, 2022, p. 639.

[15] D. Anagnostou et H. Bérion, CSRD : un vent nouveau pour le reporting en matière de durabilité, RLDA, n° 191, avril 2023, p. 46.

[16] Directive (UE) n° 2013/34 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises N° Lexbase : L9453IXE, art. 2, tel que modifié par la directive CSRD.

[17] La CSRD prévoit des obligations plus précises et plus exigeantes, puisqu’elle impose de publier les plans définis par la société « pour assurer la compatibilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C conformément à l’accord de Paris, l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 » et les objectifs de réduction de gaz à effet de serre au moins pour 2030 et 2050 ; v. art. 19 bis, paragraphe 2, a, iii et 29 bis, §2, a, iii de la Directive (UE) n° 2013/34, telle que modifiée par la CSRD ; Règlement délégué du 31 juillet 2023, ESRS 1, paragraphes 96-101, ESRS E1.

[18] v. E. Rapone, J. Dessart Jacques et G. Koudadje, Directive CSRD : quels enjeux de gouvernance et sociaux anticiper ?, JCP E, 2023, 1057 ; E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272.

[19] Directive (UE) n° 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2024, sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859 N° Lexbase : L0909MNY.

[20] Le paquet « Omnibus » comprend également les modifications à la Directive sur le devoir de vigilance (v. COM 2025 80 – sur les dates de transposition et d’application – v. Directive (UE) n° 2025/794, du 14 avril 2025 N° Lexbase : L4254M9G, modifiant notamment la CSRD – et COM 2025 81 sur le fond) : la due diligence uniquement sur les fournisseurs de niveau 1, partenaires commerciaux directs, obligations à l’égard des partenaires commerciaux indirects limitées aux cas de contournement ou lorsqu’il existe des informations indiquant des impacts négatifs probables ou réels, suppression de l’obligation de mettre fin à la relation commerciale en dernier recours, limite de la notion de « partie prenante » et restriction des étapes du processus de diligence raisonnable qui nécessitent l’engagement des parties prenantes, allongement du délai entre due diligence pour contrôle de l’adéquation et de l’efficacité des mesures (de 1 à 5 ans), clarification des principes en matière de sanctions pécuniaires, suppression du plafond minimum pour les amendes, suppression de certains aspects de la clause de responsabilité civile et des règles relatives aux actions représentatives, modification des dispositions relatives à la mise en œuvre des plans de transition climatique, report à 2028, etc.

[21] v. R. Intole, La responsabilité des grandes entreprises à l’aune du devoir de vigilance. Analyse comparée des droits français et OHADA, L’Harmattan, Paris, 2024 ; V. Magnier, Devoir de vigilance et risques climatiques, JCP E, 2023, 1271.

[22] Soulignons que la Directive instaure une autorité nationale de supervision, avec le pouvoir de contrôle de la conception et de l’adoption du plan de transition climatique. L’article 22 de la Directive prévoit que les entreprises concernées mettent en œuvre un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique qui vise à garantir, en déployant leurs meilleurs efforts, que le modèle d’entreprise et la stratégie de l’entreprise sont compatibles avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C, conformément à l’accord de Paris. Ce plan de l’article 22 est directement lié aux informations de durabilité de la CSRD et de ses actes délégués, dont la norme ESRS E1 prévoit des informations complètes sur l’impact du changement climatique sur leurs activités et sur l’environnement, l’anticipation et l’adaptation au réchauffement climatique, ainsi que l’alignement avec l’objectif en termes d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec un scénario à maximum + 1,5 °C prévu par l’accord de Paris. En effet, les entreprises publiant un plan de transition conforme aux obligations de la CSRD (art. 19, 29 bis et 40 bis) seront réputées avoir respecté leur obligation d’adopter un plan au titre de l’article 22 de la Directive européenne sur le devoir de vigilance.

[23] v. Climate Action 100+, [en ligne], consulté le 20 juin 2025.

[24] Des actionnaires minoritaires estimant la stratégie climatique de certaines entreprises trop timides utilisent les moyens légaux d’intervention dans la vie de ces sociétés pour faire valoir leur position. À cet effet, ils utilisent notamment le droit de poser des questions écrites (C. com., art. L. 225-108) ou le droit de demander l’inscription d’un point ou d’une résolution à l’ordre du jour (C. com., art. L. 225-105). v. E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272.

[25]TotalEnergies, Communiqué Un groupement d’investisseurs demande à Total d’aller plus loin dans la lutte contre le changement climatique, 15 avril 2020 [en ligne] https://meeschaert.com/2020/04/un-groupement-dinvestisseurs-demande-a-total-daller-plus-loin-dans-la-lutte-contre-le-changement-climatique/.

[26] Dont Carrefour, Engie, EDF, TotalEnergies, Getlink, Icade, Mercyalis, Nexity, Elis et Amundi. v. E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272 ; E. Rapone et J. Dessard Jacques, Say on climate : assemblées générales 2022 sous haute tension, Dr. sociétés, 2022, étude 8.

[27] En 2023, une dizaine de résolutions climatiques ont été présentées par des émetteurs du SBF 120. Trois émetteurs ont été visés par des demandes d’inscription d’un point en lien avec la stratégie climatique de la société et/ou d’une résolution say on climate (Engie, TotalEnergies et Carrefour). En 2024, six sociétés (Altarea, Amundi, Eramet, Gecina, Icade, TotalEnergies) ont inscrit des projets de résolutions climatiques à l’ordre du jour de leur assemblée. v. E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272 ; AMF, Rapport 2024 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, spéc. p. 14 [en ligne].

[28] Cass. com., 4 juin 1946 : S 1947 I p. 153 note Braby, JCP G, 1947 II n° 3518 note D. Bastian.

[29] A. Verny, Les résolutions say on climate – quelques observations, Revue Droit et Affaires, n° 19, décembre 2022, 11, p. 113-121, spéc. p. 115.

[30] Idem.

[31] C. com., art. R. 225-71 N° Lexbase : L8025MHP.

[32] C. com., art. R. 225-73, II N° Lexbase : L7761LZH.

[33] C. com., art. R. 225-71, al. 3 et 4.

[34] Idem.

[35] C. com., art. L. 225-35, al. 1er N° Lexbase : L6125MMS.

[36] T. com. Nanterre, 23 mai 2024, n° 2024R00551 N° Lexbase : A84225DB : « Or, le projet de résolution litigieux a précisément pour objet d’inviter le conseil d’administration à décider que la direction générale de TotalEnergies sera assumée par une autre personne que le président du conseil d’administration. Même s’il a un caractère consultatif non contraignant pour le conseil, l’examen et le vote par l’assemblée des actionnaires de projet de résolution empiètent d’évidence sur les prérogatives du conseil d’administration. Dès lors, le refus par le conseil d’administration de TotalEnergies de voir inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires du 24 mai 2024 le projet de résolution litigieux est légitime » ; v. à ce sujet : A. Couret, Irrecevabilité d’un projet de résolution (say on governance) affectant les pouvoirs du conseil d’administration, Bull. Joly Sociétés, juin 2024, p. 7. ; A. Bézert, Refus d’inscription d’une résolution consultative portant sur les modalités de direction d’une société anonyme, RLDA, n° 207, octobre 2024, p. 16 ; V. Corbet-Picard, Le tribunal de commerce de Nanterre donne raison au conseil d’administration de TotalEnergies sur le rejet d’une demande de résolution « consultative » sur le mode d’exercice de la direction générale, Lexbase Affaires, juin 2024, n° 797 N° Lexbase : N9442BZQ.

[37] TotalEnergies, Communiqué Assemblée générale des actionnaires du 26 mai 2023 & Climat : TotalEnergies inscrit la résolution consultative présentée par un groupe d’actionnaires représentant moins de 1,4 % du capital et recommande aux actionnaires de la rejeter, 23 avril 2023 [en ligne].

[38] C. com., art. L. 225-121, al. 3 N° Lexbase : L2385LRR. Nous pouvons néanmoins citer un arrêt rendu en 1990 sur l’annulation d’une assemblée convoquée irrégulièrement, dès lors que le projet de résolution émanant d’un groupe d’actionnaires et tendant à mettre fin au mandat d’un administrateur n’avait fait l’objet ni d’une inscription à l’ordre du jour de l’assemblée, ni d’un avis rectificatif, seule une photocopie de ce projet, agrafée à l’ordre du jour, ayant été envoyée aux actionnaires, v. CA Aix-en-Provence, 14 septembre 1990, BRDA 19 :91, p. 11.

[39] C. com., art. L. 225-105, al. 2, modifié par la loi n° 2024-537, du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France N° Lexbase : L6590MSU.

[40] Il est intéressant de voir que le législateur, conscient de la difficulté, s’est efforcé aujourd’hui d’apporter un remède à la situation en prenant en compte les suggestions faites par des comités ad hoc. Le groupe de travail du HCJP, consacré aux résolutions climatiques, a suggéré que, pour permettre d’obtenir au fond une réponse rapide compatible avec le calendrier d’une assemblée générale, puisse être appliquée la procédure dite accélérée au fond. Il conviendrait de faire application de l’article 839 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8609LYI et de modifier l’article L. 225-105 du Code de commerce. Cette proposition a donc été également reprise dans le cadre des travaux préparatoires de la future loi Attractivité financière (AN, projet de loi n° 2321, 12 mars 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France). Devant la Commission des finances du Sénat (Amendement n° 536 déposé devant le Sénat le 6 mai 2024), l’article L. 225-105 du Code de commerce a été complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de contestation du refus d’inscription de ces points ou projets de résolution, le tribunal de commerce compétent statue selon la procédure accélérée et sans recours possible ». Ces derniers termes ont ensuite été adoptés par la nouvelle loi du 13 juin 2024, avec une légère différence : « En cas de contestation du refus d'inscription de ces points ou de ces projets de résolution, le tribunal de commerce compétent statue selon la procédure accélérée au fond. », v. A. Couret, Irrecevabilité d’un projet de résolution (say on governance) affectant les pouvoirs du conseil d’administration, Bull. Joly Sociétés, juin 2024, p. 7.

[41] CPC, art. 872 N° Lexbase : L0848H48, v. idem. ; A. Bézert, Refus d’inscription d'une résolution consultative portant sur les modalités de direction d’une société anonyme, RLDA, n° 207, octobre 2024, p. 16.

[42] CPC, art. 873 N° Lexbase : L0850H4A, v. ibid.

[43] Le HCJP a été consulté sur les questions que soulève le dépôt par les actionnaires de projets de résolution relatifs aux enjeux climatiques. v. Rapport HCJP sur les résolutions climatiques « say on climate », 15 décembre 2022, p. 28.

[44] V. communiqué AMF du 8 mars 2023 : Dialogue actionnarial sur les questions environnementales et climatiques [en ligne]. V. aussi O. de Bailliencourt, Rapport 2022 de l’AMF sur le gouvernement d'entreprise : des bonnes pratiques en matière de RSE et un contrôle rigoureux de la bonne application du Code AFEP- MEDEF, Dr. sociétés, 2023, comm. 23 ; S. Vermeille, Recevabilité des projets de résolutions des actionnaires et contrôle de l’autorité des marchés financiers : une approche fonctionnelle, RTDF, n° 58, 2022.

[45] V. De Beaufort et J. Briot-Hadar, L’environnement, nouveau terrain d’action de l’activisme actionnarial, Revue Banque, n° 898, décembre 2024, p. 59 ; v. aussi : A. Couret, Irrecevabilité d’un projet de résolution (say on governance) affectant les pouvoirs du conseil d’administration, Bulletin Joly Sociétés, juin 2024, p. 7. ; A. Couret, La loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (L. n° 2024-537 du 13 juin 2024), Rev. sociétés, 2024, p. 419, § 56 : « Compte tenu du temps très court qui est celui des assemblées, on peut éprouver quelques doutes quant à l’efficacité de ce processus. Plusieurs questions se posent :

- la décision obtenue le sera-t-elle dans un délai compatible avec la tenue de l’assemblée générale en cause ? ;

- le juge pourra-t-il ordonner le report de l’assemblée générale ? ;

- ou ordonner une assemblée dans un délai fixé par lui avec pour seul objet la résolution objet du litige ? ».

[46] Idem.

[47] Le droit européen ne néglige d’ailleurs pas cette dimension qui s’inspire fortement de la Directive (UE) n° 2017/828 N° Lexbase : L7431LEX, en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires, dite « SRD ». Un certain nombre des dispositions de cette Directive ont eu pour objet de renforcer les leviers permettant à l’actionnaire de se faire la vigie de l’intérêt social à long terme de l’entreprise, avec notamment la consécration du say on pay, la facilitation de l’exercice des droits des actionnaires, la transparence des investisseurs institutionnels en vote sur leur stratégie d’investissement, leur politique d’engagement et de mise en œuvre. v. Directive (UE) n° 2017/828, 17 mai 2017, modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires N° Lexbase : L7431LEX ; v. aussi : F. Peltier et F. Dietrich, Quelles perspectives pour l’activisme climatique ?, Cahiers de droit de l’entreprise, n° 4, juillet-août 2023, étude 29, p. 18 ; V. De Beaufort et J. Briot-Hadar, L’environnement, nouveau terrain d’action de l’activisme actionnarial, Revue Banque, n° 898, décembre 2024, p. 59. 

[48] A. Verny, La diligence des organes sociaux à l’aune des exigences ESG, JCP E, 2023, 1274.

[49] R. Intole, La responsabilité des grandes entreprises à l’aune du devoir de vigilance. Analyse comparée des droits français et OHADA, L’Harmattan, Paris, 2024, spéc. p. 139-158. 

[50] Idem. ; I. Urbain-Parleani, Les relations assemblées et organes de direction : les résolutions climatiques, Rev. sociétés, 2023, p. 494.

[51] J. Heinich, Intérêt propre, intérêt supérieur, intérêt social, Rev. sociétés, 2018, p. 568.

[52] C. civ., art. 1835 N° Lexbase : L8682LQM.

[53] Avant le 15 juin 2024, le conseil d’administration devait prendre en compte les enjeux culturels et sociaux pour déterminer les orientations de l’activité de la société (v. C. com., art. L225-35, al. 1, anc. N° Lexbase : L8016DA7). La référence à ces enjeux a été supprimée par la loi « Attractivité » du 13 juin 2024.

[54] Il convient de noter que c’est dans le contexte de « say on climate » que l’AFEP et le MEDEF ont donc modifié le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, afin de renforcer les missions du conseil d’administration en matière de RSE. Le nouveau chapitre 5 entend ainsi confirmer la place du conseil d’administration au cœur de la stratégie RSE. Ainsi, le paragraphe 5.1 du code AFEP-MEDEF attribue-t-il expressément au conseil le pouvoir de déterminer et de mettre en œuvre les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE. Le Code insiste sur l’importance de la formation des administrateurs et recommande désormais que les sujets relatifs à la RSE fassent l’objet d’un travail préparatoire réalisé par un comité spécialisé du conseil. v. AFEP-MEDEF, Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, décembre 2022, spéc. p. 6 ; O. de Bailliencourt et J. Granotier, Révision du Code AFEP-MEDEF : véritable tourant RSE ou occasion manquée ?, Dr. sociétés, 2023, comm. 34 ; E. Rapone, J. Dessart et G. Koudadje, Directive CSRD : quels enjeux de gouvernance et sociaux anticiper ?, JCP E, 2023, 1057.

[55] La révision du code AFEP-MEDEF intervenue fin décembre 2022 recommande désormais que « la stratégie climatique ainsi que les principales actions engagées à cet effet [soient] présentées à l’assemblée au moins tous les trois ans ou en cas de modification significative de la stratégie ». v. AFEP-MEDEF, Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, décembre 2022, spéc. p. 6 ; I. Urbain-Parleani, Les relations assemblées et organes de direction : les résolutions climatiques, Rev. sociétés, 2023, p. 494.

[56] AMF, Rapport 2021 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, 2 décembre 2021, spéc. p. 80 [en ligne].

[57] I. Parachkévova-Racine, Les résolutions climatiques ou les prémices d’un dialogue actionnarial pensé pour l’entreprise durable, Bulletin Joly Sociétés, septembre 2023, p. 30.

[58] Cass. com., 4 juin 1946 : S 1947 I p. 153 note Braby, JCP G, 1947 II n° 3518 note D. Bastian.

[59] C. Baldon, Les résolutions climatiques au prisme du principe de séparation des pouvoirs au sein de la société anonyme, JCP E, 2021. 1403 ; I. Parachkévova-Racine, Les résolutions climatiques ou les prémices d’un dialogue actionnarial pensé pour l’entreprise durable, Bulletin Joly Sociétés, septembre 2023, p. 30.

[60] E. Rapone, Les assemblées d’actionnaires sous le feu du climat, JCP E, 2023, 1272. L’auteur renseigne qu’ « [à] l’aune des textes, de la jurisprudence, des conclusions du rapport du HCJP sur ce sujet et de la pratique qui commence à se construire, un principe directeur semble se dégager : plus le niveau de contrainte, de prescription et/ou d’interventionnisme souhaité par les actionnaires dans la détermination du plan climatique de l’entreprise est fort, plus la validité juridique de la résolution proposée est incertaine et plus la demande d’inscription à l’ordre du jour sollicitée par les actionnaires risque d’être rejetée ».

[61] C. com., art. L. 225-56 N° Lexbase : L5927AID

[62] A. Verny, Les résolutions say on climate – quelques observations, Revue Droit et Affaires, n° 19, décembre 2022, 11, p. 113-121, spéc. p. 117 ; ANSA, Rappel des règles applicables pour l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution, Comité juridique, 3 mars 2021 [en ligne].

[63] Idem., spéc. p. 116-117.

[64] v. A. Gaudemet, L’arrêt Motte et le Climat, Bulletin Joly Sociétés, janvier 2022, p. 1 ; E. Rapone et J. Dessard, Résolutions climatiques et « say on climate » : état des lieux et perspectives, Dr. Sociétés, 2021, étude n° 9 ; S. Vermeille, Recevabilité des projets de résolutions des actionnaires et contrôle de l’autorité des marchés financiers : une approche fonctionnelle, RTDF, n° 58, 2022 ; Forum pour l’investissement responsable (FIR), Positions & propositions, frenchsif.org, [en ligne], consulté le 30 juin 2025.

[65] Rappelons l’intervention de monsieur le Professeur A. Gaudemet, lors d’un colloque tenu à Paris, sur les ressources du droit des affaires face au défi climatique, en particulier les transformations de la norme en droit des sociétés. Il estime qu’utiliser l’arrêt « Motte » pour mettre en échec le projet de résolution climatique des actionnaires n’est pas du tout convaincant. C’est comme « faire parler le général De Gaulle sur l’intelligence artificielle », oral de son intervention au colloque : A. Gaudemet, Les ressources du droit des affaires face au défi climatique, IRDA Paris, Université Paris Panthéon-Assas, 26 juin 2025. Quelques arrêts seulement ont pu appliquer l’arrêt « Motte » : CA Aix-en-Provence, 28 septembre 1982, Rev. sociétés, 1983, p. 773 ; Cass. com., 11 juin 1965, RTD com., 1965, obs. R. Houin ; Cass. com., 18 mai 1982, n° 80-14.977 N° Lexbase : A3613AGW, Dalloz, 1982, IR p. 374.

[66] Rapport HCJP sur les résolutions climatiques « say on climate », 15 décembre 2022, p. 28, spéc. p. 2.

[67] Y. Perrier, S. Pottier et M. Sauvaget, Rapport Perrier, Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d’actions, 10 mars 2022, recomm. 9, p. 17.

[68] Il sied de rappeler que l’amendement n° 483 au projet de loi « Industrie verte », porté par Alexandre Holroyd et d’autres députés instaurant un Say on Climate annuel consultatif pour les sociétés cotées, a été adopté lors de la troisième séance publique qui s’est tenue dans la nuit du vendredi 21 juillet 2023. Ce dispositif visait à soumettre au vote, lors des assemblées générales annuelles, des résolutions concernant les stratégies climatiques des entreprises cotées. Le vote aurait été obligatoire, bien qu’il n’ait pas de force contraignante, dans le but de promouvoir un dialogue constructif entre les investisseurs responsables et les entreprises. Malheureusement, avant même que la commission mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs, ne se réunisse en octobre 2023 pour débattre du projet de loi sur l’industrie verte, cet amendement a été retiré. L’argument massue est que l’amendement proposé était dangereux pour l’attractivité des entreprises françaises. On peut se demander : en quoi proposer aux actionnaires, en vote seulement consultatif, et uniquement tous les trois ans, un plan sur l’impact climatique des activités des grandes entreprises était-il « un danger » pour la France ?

[69] Rapport HCJP sur les résolutions climatiques « say on climate », 15 décembre 2022, v. spéc. « Régime juridique du Say on Climate dans les pays étrangers », p. 47 et s.

[70] J. Biron, Activisme actionnarial et intégration des facteurs ESG : développements récents au Canada et situation actuelle, JCP E, 2023, 1276.

[71] Idem.

[72] TotalEnergies, Communiqué Assemblée générale des actionnaires du 26 mai 2023 & Climat : TotalEnergies inscrit la résolution consultative présentée par un groupe d’actionnaires représentant moins de 1,4% du capital et recommande aux actionnaires de la rejeter, 23 avril 2023, préc.

[73] Idem.

[74] Ibid.

[75] Concernant la société Engie, certains de ses actionnaires ont déposé une résolution visant à inscrire dans ses statuts la possibilité d’une consultation plus fréquente des actionnaires par l’organisation d’un vote tous les 3 ans sur sa stratégie climat, ainsi que tous les ans sur l’avancement de sa mise en œuvre. La résolution, présentée par le conseil d’administration d’Engie au vote des actionnaires, assortie d’une recommandation de vote négatif, a rassemblé 24,38 % de votes favorables. Aux côtés de cette résolution, ces mêmes investisseurs avaient sollicité l’ajout d’un point à l’ordre du jour de l’assemblée générale afin d’obtenir un certain nombre d’indicateurs leur permettant d’évaluer le plan climat de la société.

[76] A. Gaudemet, Dans le procès des résolutions climatiques, faites entrer l’objet social ?, Bull. Joly Sociétés, mai 2023, p. 1.

[77] A. Gaudemet, L’arrêt Motte et le Climat, Bull. Joly Sociétés, janvier 2022, p. 1.

[78] J. Biron, Activisme actionnarial et intégration des facteurs ESG : développements récents au Canada et situation actuelle, JCP E, 2023, 1276. L’auteur estime : « Les propositions d’actionnaires constituent un moteur de changement qui ne doit pas être négligé, en ce qu’elles peuvent participer à sensibiliser les sociétés à de nouvelles réalités, ce mécanisme peut constituer un moyen de pression sur les administrateurs et les dirigeants, et qu’elles permettent de faciliter le dialogue à l’intérieur de la société ».

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