Lexbase Contentieux et Recouvrement n°1 du 30 mars 2023 : Habitat-Logement

[Brèves] La procédure administrative d’expulsion du domicile d’autrui, validée, sous réserve d’interprétation, par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1038 QPC, du 24 mars 2023 N° Lexbase : A50169KY

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 29 Mars 2023

► Sont jugées conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation, les dispositions de l’article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, permettant d’obtenir du préfet l’évacuation forcée de l’occupant irrégulier d’un domicile ; ces dispositions ne sauraient alors être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

Les dispositions contestées. Les dispositions contestées étaient celles de l'article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525, du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique N° Lexbase : L9872LYB.

Aux termes de ces dispositions, la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

Critiques. La requérante reprochait à ces dispositions d'instituer une procédure administrative permettant l'expulsion de l'occupant d'un logement sans prévoir d'examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu'un juge se prononce avant qu'il soit procédé à son évacuation forcée. Elle prétendait qu’il en résultait une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif ainsi que du droit au respect de la vie privée et du droit à l'inviolabilité du domicile.

Elle critiquait, par ailleurs, la différence de traitement injustifiée entre les occupants d'un logement selon qu'ils font l'objet de la procédure d'expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d'expulsion juridictionnelle de droit commun.

Contrôle du Conseil constitutionnel. Après rappel de la teneur des articles 2 N° Lexbase : L1366A9H (droit au respect de la vie privée et, en particulier, inviolabilité du domicile) et 16 N° Lexbase : L1363A9D (droit à un recours effectif devant une juridiction) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, les Sages relèvent les points suivants.

1°) En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l'évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l'inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.

2°) En deuxième lieu, d'une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu'en cas d'introduction et de maintien à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D'autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu'après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s'est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

3°) En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d'intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l'inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

4°) En quatrième lieu, le délai laissé à l'occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à 24 heures.

5°) En dernier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne privent pas l'occupant de la possibilité d'introduire un référé sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3059ALU ou d'exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS et L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT du même code, peut suspendre l'exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D'autre part, le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d'illégalité de la décision administrative d'évacuation forcée de l'occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

Selon le Conseil constitutionnel, il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée au 3° ci-dessus, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l'inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

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