Lexbase Contentieux et Recouvrement n°1 du 30 mars 2023 : Commissaires de justice

[Pratique professionnelle] Le jour où : j’ai voulu poser un sabot de Denver sur un véhicule terrestre à moteur !

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par Odile Blanchet, Commissaire de justice associée, membre du Jury de l’examen professionnel d’accès à la profession de commissaire de justice, intervenante EJT (Editions juridiques et techniques), et INCJ

le 03 Avril 2023

Mot-clés : saisie• véhicule • VTM • Denver • commissaire de justice

La revue Lexbase Contentieux et recouvrement a le plaisir de vous présenter la rubrique « Le jour où » qui laisse la parole libre à des professionnels du droit, ayant rencontré des difficultés pratiques lors de la mise en œuvre d’une procédure. L’objectif de cette rubrique est, au-delà de constituer un retour d’expérience, de démontrer en quoi la réalité du droit peut être éloignée des textes, contraignant le professionnel à improviser pour parvenir à ses fins


                                                    

« Je me rappelle d’une anecdote à mes débuts, quand j’ai eu à me frotter au fameux sabot de Denver.

Les faits sont assez courants et le dossier ne présentait à l’origine aucune difficulté particulière.

En l’espèce, un particulier, propriétaire d’une maison à usage d’habitation donnée à bail à un couple marié, engage une procédure en paiement et en expulsion à l’encontre de ses locataires pour nombreux impayés de loyers.

Matière fréquente, le juge saisi rend une décision de justice condamnant solidairement les occupants au paiement des arriérées de loyers et ordonnant leur expulsion du logement.

Ma mission est donc de deux ordres :

  • recouvrer la créance de mon mandant d’une part (presque 15 000 euros quand même !) ;
  • récupérer le bien libre de toute occupation et de tout garnissement mobilier d’autre part.

Quoi de plus ordinaire dans notre quotidien de Commissaire de Justice ?

J’engage donc concomitamment la procédure d’expulsion et la procédure de recouvrement … Toutes les mesures initiées et diligentées en vue du recouvrement demeurent vaines et infructueuses. Je propose alors à mon mandant d’interroger le Système d’Immatriculation des Véhicules, ce que ce dernier refuse, persuadé de ce que ses locataires indélicats utilisaient des véhicules de location !

Je cherche encore la solution dans d’autres procédures…

Aussi, alors que je me transporte sur site pour procéder à la tentative d’expulsion, je constate la présence d’un superbe véhicule haut de gamme : un modèle X6 de BMW de couleur blanche, stationné devant le portillon d’entrée de la propriété. Interrogé par mes soins, le voisin me confirme l’appartenance du véhicule stationné aux débiteurs poursuivis.

Ni une, ni deux, de retour à l’Office, j’en informe mon mandant qui accepte évidemment la consultation par nos soins du Système d’Immatriculation des Véhicules. Le retour est positif : ce véhicule appartient au débiteur.

Je suis alors rassurée car j’ai alors identifié une mesure me permettant de recouvrer la créance et de contenter mon mandant.

Se pose alors la question attendue : quelle mesure d’exécution pour saisir ce BMW qui, en droit, est qualifié de « Véhicule Terrestre à Moteur » (VTM) ?

Plusieurs voies sont possibles, saisie par déclaration, saisie par immobilisation.

En pratique il convient de scinder les difficultés.

Certes dans le cadre de la procédure, j’ai pu localiser un instant le véhicule du requis et envisager la procédure de saisie du VTM, mais je n’ai aucune certitude et il est même peu probable que le véhicule identifié et localisé un jour soit toujours stationné et localisable lors de mon prochain déplacement sur site. Il s’agit d’une première difficulté.

Ensuite dans l’hypothèse où le véhicule est de nouveau localisé, comment procéder à la procédure de saisie par immobilisation du véhicule, en l’espèce un X6 de BMW ? La seconde difficulté se révèle matérielle.

Concernant la première difficulté, l’urgence et la prudence me conduisent à initier une procédure de saisie par déclaration auprès de l’autorité administrative. Procédure prévue aux articles L. 223-1 N° Lexbase : L5859IRG et R. 223-1 N° Lexbase : L9694MG7 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, cette mesure est possible à tout créancier détenteur d’un titre exécutoire.

Dans l’urgence, j’ai procédé à ma saisie par déclaration et décidé, ayant un titre exécutoire condamnant les occupants au paiement et ordonnant leur expulsion, de mettre en œuvre une procédure de saisie par immobilisation.

N’ayant jamais eu à initier ou réaliser une telle mesure d’exécution, je me suis penchée sur les textes prévoyant cette saisie et précisément sur les dispositions des articles L. 223-2 N° Lexbase : L5860IRH et R. 223-6 N° Lexbase : L2337ITQ et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Consciente de ce que cette mesure permettait d’empêcher l’utilisation par le saisi de son véhicule par un « dispositif approprié » il était urgent de m’intéresser à l’outil nécessaire pour mettre en œuvre la saisie : le sabot Denver.

J’ai donc décidé de sortir le sabot du carton de rangement dans lequel il était entreposé et conservé à l’Office et de procéder à une lecture attentive du mode d’emploi fourni avec ! C’est alors que mes compétences techniques ont été mises à mal et que je me suis intéressée à l’existence sur le net de tutos afférents à la pose d’un sabot sur un véhicule terrestre à moteur. Puis, afin de réussir parfaitement ma mission, je me suis entrainée sur mon propre véhicule. En effet, manipuler cette dizaine de kilos de métal n’est pas chose aisée, surtout accroupie près d’une voiture… Sur ce point d’ailleurs, il m’avait été conseillé de ne pas agir seul mais accompagné d’un de mes collaborateurs car cette saisie expose le commissaire de justice grandement : il est accroupi, concentré sur ce qu’il fait, et ne voit pas ce qu’il se passe autour. Même si la présence du collaborateur n’empêche pas une agression, elle peut me préserver et gagner quelques précieuses secondes en cas de problèmes.

Prête ;

Je me suis de nouveau rendue sur site pour procéder à l’immobilisation du véhicule.

Je me suis exposée à deux reprises à l’absence du véhicule – difficulté d’exécution connue et redoutée de cette saisie, justifiant auprès de mon mandant la mise en œuvre préalable de la saisie par déclaration.

Après échange avec le créancier, ce dernier habitant à proximité du saisi, nous avons convenu de ce qu’il m’informe de la présence du véhicule sur la voie publique.

C’est ainsi que le jour « J » arriva.

Le cœur battant, je me suis approchée du véhicule objet de la mesure pour procéder à la pose du sabot de Denver, procédé approprié permettant d’immobiliser le véhicule stationné.

C’est alors qu’un sentiment de solitude m’envahit.

Mon sabot état trop petit pour les larges pneumatiques de ce mastodonte…

En effet le sabot de Denver « classique » ne peut être posé sur des pneumatiques de X6, beaucoup trop larges…..

Tout droit sortie de l’école, ce « petit » détail pratique ne m’avait pas été exposé avant, ce qui m’a valu quelques déboires supplémentaires avec mon mandant, lorsqu’il m’a fallu lui exposer cette nouvelle difficulté d’exécution et la nécessité de recourir dans notre cas à un enlèvement avec dépanneuse.

J’ai donc opté pour la poursuite de la procédure par la réalisation d’une saisie du véhicule par immobilisation avec enlèvement, telle que prévue à l’article R. 223-8,3° du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2339ITS.

C’est ainsi qu’une société de dépannage est intervenue à mes côtés et a apporté son concours pour réaliser l’enlèvement sur plateau du véhicule X6, objet de ma procédure.

Lors de mes opérations, le débiteur saisi n’était pas présent. Avant de me retirer, je l’ai avisé de la réalisation de la mesure par une lettre simple déposée le jour même dans sa boite aux lettres, lui précisant le lieu de dépôt du véhicule (CPCEx, art. R. 223-9 N° Lexbase : L2340ITT).

J’avais enfin réussi matériellement la mesure de saisie mais le dossier n’était pas terminé pour autant !!

En l’espèce, alors même que le débiteur saisi avait pris attache avec l’office le jour même de l’enlèvement, il a de nouveau joint le cabinet quelques jours plus tard et nous a interrogé sur les démarches à entreprendre pour espérer récupérer son véhicule.

C’est ainsi que dans les sept jours suivants la mesure, le saisi a réglé l’intégralité de sa dette entre nos mains, récupéré son véhicule et sollicité la mainlevée de la mesure de saisie par déclaration.

Ne restait plus au dossier que la procédure d’expulsion en cours qui, pour l’histoire, s’est terminée avec le départ spontané des occupants ».

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