Lexbase Fiscal n°534 du 4 juillet 2013 : Recouvrement de l'impôt

[Jurisprudence] Nécessité, pour un AMR émis au nom de l'un des débiteurs solidaires d'une imposition, d'une motivation conforme à l'article R. 256-1 du LPF

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 21 mai 2013, n° 2011/20065 (N° Lexbase : A5613KDA)

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[Jurisprudence] Nécessité, pour un AMR émis au nom de l'un des débiteurs solidaires d'une imposition, d'une motivation conforme à l'article R. 256-1 du LPF. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8890553-jurisprudence-necessite-pour-un-amr-emis-au-nom-de-lun-des-debiteurs-solidaires-dune-imposition-dune
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par Guy Quillévéré, Président-assesseur à la cour administrative d'appel de Nantes

le 04 Juillet 2013

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 21 mai 2013, vient de rappeler les conditions de régularité de l'envoi d'un avis de mise en recouvrement (AMR) à celui des cohéritiers contre lequel elle exerce son droit de poursuite.

Les faits dans cette affaire sont les suivants : une femme est décédée le 8 août 2004, laissant pour lui succéder ses deux neveu et nièce, héritiers légaux. La déclaration de succession comprenait, notamment, un immeuble de rapport d'une valeur déclarée de 700 000 euros. Le 24 mai 2005, le service a notifié au neveu une proposition de rectification, aux termes de laquelle il a procédé à une rectification de la valeur vénale de cet immeuble, qui a été portée à 930 000 euros. Cette insuffisance d'évaluation a été approuvée par la commission de conciliation dans son avis rendu lors de la séance du 9 décembre 2005. L'avis de mise en recouvrement correspondant a été notifié au neveu, le 24 mars 2006.
Par ailleurs, une copie de cet AMR a été transmise à la nièce, codébitrice solidaire, par courrier du 28 mars 2006, portant la mention "notification de redressement succession". Ce courrier l'informait qu'un redressement avait été notifié le 24 mai 2005 sur les droits de succession de la de cujus et que l'obligation de solidarité s'appliquait au cas particulier à elle-même et à son frère, neveu de la défunte. Ce même courrier lui faisait parvenir, pour information, une copie de l'avis de recouvrement adressée à son cohéritier et lui précisait qu'elle pouvait présenter une réclamation de l'imposition en cause auprès du service à l'origine du redressement. Alors que les impositions ont été soldées par les deux cohéritiers solidaires suivant une réclamation datée du 18 décembre 2009, la nièce a demandé le dégrèvement des impositions qu'elle a estimé avoir acquittées à tort. En l'absence de réponse du service des impôts dans un délai de six mois, la requérante a assigné l'administration des impôts devant le tribunal de grande instance de Créteil, afin de prononcer la nullité de l'avis de mise en recouvrement. Dans cet arrêt, postérieur au décret du 29 août 2006 (décret n° 2006-1092, relatif à la forme et au contenu des avis de mise en recouvrement et modifiant la partie réglementaire du LPF N° Lexbase : L7054HKH), qui impose la notification d'un AMR individuel à celui des cohéritiers contre lequel le service exerce son droit de poursuite, la cour d'appel de Paris précise à quelles conditions la procédure mise en oeuvre est régulière. Le juge du fond apporte de précieuses informations, notamment sur l'étendue de la motivation dont l'AMR doit faire l'objet, en application des dispositions de l'article R. 256-1 du LPF (N° Lexbase : L1501HSE) et juge, en l'espèce, que la procédure suivie à l'encontre de la requérante était régulière, dès lors qu'eu égard à la motivation de l'AMR, le redevable était en mesure d'en comprendre le sens et la portée et de présenter à l'administration des impôts, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait, une réclamation contentieuse. Cet arrêt semble consacrer ainsi, pour l'indication de la dette, un abandon de la motivation par référence.

I - Obligation pour l'administration d'adresser un avis de mise en recouvrement à tout cohéritier solidaire pour le paiement des droits de succession

L'obligation supportée par l'administration de notifier un titre exécutoire, en l'occurrence un avis de mise en recouvrement, résulte de la loi.

A - Obligation d'envoi d'un AMR à la cohéritière, même si l'administration peut poursuivre n'importe lequel des cohéritiers solidaires

Les dispositions de l'article L. 256 du LPF (N° Lexbase : L1498IP8) prévoient qu'"un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité". Depuis l'intervention de l'ordonnance n° 2003-1325 du 22 décembre 2003 (ordonnance n° 2003-1325, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives N° Lexbase : L9729DLW) et du décret du 29 août 2006, précité, l'avis de mise en recouvrement est individuel et doit être adressé à toute personne tenue conjointement ou solidairement à la dette avant que des poursuites puissent être engagées contre elle, à l'exception, depuis le 1er octobre 2011, des personnes qui ont la qualité de représentant ou d'ayant cause du contribuable.

Pour l'application de l'article L. 256 du LPF, l'article R. 256-2 du LPF (N° Lexbase : L1502HSG) dispose que, "lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement". Les dispositions de l'article R. 256-2 du LPF ont été mises en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a jugé que l'administration est tenue de notifier un avis de mise en recouvrement préalable à tout cohéritier solidaire pour le paiement des droits de succession avant d'engager des poursuite contre lui (Cass. com., 8 novembre 2005, n° 03-19.570, FS-P+B N° Lexbase : A5077DLM). Antérieurement, les dispositions de l'article R. 256-2 du LPF prévoyaient que, lorsque les sommes d'argent figurant sur l'avis de mise en recouvrement concernaient plusieurs redevables tenus à leur paiement conjointement ou solidairement, la notification pouvait être effectuée soit au moyen d'AMR individuels établis au nom de chacun de ces redevables, soit au moyen d'un AMR collectif.

B - Restriction des effets de la solidarité fiscale à celles qui résultent du Code civil

L'administration peut notifier un redressement à l'un quelconque des débiteurs solidaires de la dette fiscale (Cass. com., 15 mars 1994, n° 92-15.415, inédit N° Lexbase : A5564CTA). L'administration peut choisir le co-débiteur à qui elle demande le paiement de l'intégralité de la dette, la solidarité ne dispensant pas le créancier de disposer d'un titre exécutoire. Le comptable en charge du recouvrement peut alors agir auprès des héritiers en vue d'obtenir le règlement de la totalité des impositions qui sont dues par la succession, lorsque ceux-ci ne l'ont pas refusée. L'obligation qui pèse sur l'héritier emporte que celui-ci a qualité pour contester un acte de poursuite exercé à l'encontre d'un cohéritier à raison d'impositions dont il est le co-débiteur solidaire.

L'abandon des avis de mise en recouvrement collectifs nécessite un surcroît de précision dans le titre exécutoire, d'où la mention de l'article 1709 du CGI (N° Lexbase : L4051ICZ), précisant que les cohéritiers à l'exception de ceux exonérés de droit de mutation par décès sont solidaires. Cette solution repose sur la même technique que celle retenue par la Cour de cassation en matière de donation, qui est fondée sur l'article 1705 du CGI (N° Lexbase : L3350HMZ), dont elle a eu l'occasion de préciser l'interprétation (Cass. com., 21 janvier 1997, n° 95-10.180 N° Lexbase : A1691ACM).

II - Obligation pour l'administration de notifier un AMR motivé

Dès lors que l'AMR est motivé et que cette motivation permet au contribuable de comprendre le sens et la portée de la poursuite engagée et ainsi de présenter, le cas échéant, à l'administration des impôts une réclamation contentieuse, la procédure prévue par les dispositions combinées des articles L. 256 et R. 256-1 du LPF n'est pas entachée d'irrégularité.

A - L'administration n'a pas à notifier à la cohéritière solidaire une proposition de rectification

La de cujus avait laissé pour lui succéder ses deux neveu et nièce, héritiers légaux, la requérante et son frère. L'AMR émis au nom de l'un quelconque des débiteurs solidaires d'une imposition doit être motivé et répondre aux exigences de motivation de l'article R. 256-1 du LPF. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de notifier une proposition de redressement à tous les débiteurs solidaires de la dette fiscale, chacun d'eux pouvant opposer, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles résultant de la nature de l'obligation, ainsi que celles qui sont communes à tous les débiteurs. Le service pouvait donc adresser, sans entacher la procédure d'irrégularité, au frère de la requérante, cohériter solidairement tenu au paiement des droits de mutation par décès, la proposition de rectification sur laquelle figurait la mention de la solidarité avec la requérante, puis, après rejet de ses observations et avis de la commission de conciliation, notifier au neveu l'AMR précisant les droits rappelés en vertu de la proposition de rectification.

En l'espèce, la cohéritière solidairement tenue au paiement des droits de mutation par décès avait reçu, par courrier explicatif du 28 mars 2006, une copie de l'AMR régulièrement notifié à l'autre cohéritier solidaire, ce courrier lui indiquant expressément qu'elle pouvait présenter une réclamation de l'imposition en cause auprès du service à l'origine du redressement.

B - Abandon de la motivation par référence pour l'AMR destiné au cohéritier solidaire

La cour d'appel juge que la procédure suivie a été régulière et que l'AMR est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article R. 256-1 du LPF. En l'espèce, l'AMR notifié est régulier pour trois raisons : en premier lieu, l'AMR fait référence à la proposition de rectification, aux observations du contribuable, ainsi qu'à la notification de l'avis de la commission de conciliation. Il justifie, en outre, en droit et en fait, les droits et pénalités rappelés et précise le détail de leur liquidation. En deuxième lieu, l'AMR vise régulièrement, sans contradiction avec les causes de la rectification, l'article 641 du CGI (N° Lexbase : L7673HLR), relatif à l'obligation de déposer une déclaration de succession, ainsi que l'article 777 du même code (N° Lexbase : L9400ITC), sur le tarif des droits de mutation par décès, qui sont l'objet de la créance du Trésor constatée par l'avis litigieux. En troisième et dernier lieu, les droits, taxes et pénalités résultant des rectifications n'ont pas été modifiés ultérieurement à la baisse, dans le cadre de la procédure qui a suivi la rectification.

En jugeant que l'AMR doit être motivé et en précisant le contenu que doit recouvrir cette motivation, la cour d'appel de Paris souligne implicitement que, pour l'indication de la dette, les mentions nécessaires ne peuvent découler d'une simple référence à la proposition de rectification. En effet, le débiteur peut ne pas l'avoir reçue (Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-12.911, F-D N° Lexbase : A9574DH3). La motivation de l'AMR est une motivation propre à cet acte. Les mentions que doit comporter l'AMR ne sont donc pas compatibles à la simple référence à la proposition de rectification.

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