Le Quotidien du 29 octobre 2021 : Sécurité intérieure

[Brèves] Modalités de l’usage d’une arme par un fonctionnaire de police contre une personne en fuite

Réf. : Cass. crim., 6 octobre 2021, n° 21-84.295, F-P+B (N° Lexbase : A338549A)

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par Florian Engel, Doctorant au Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA 4690), Aix-Marseille Université

le 28 Octobre 2021

► L’usage par un fonctionnaire de la police nationale de son arme de service n’est possible, en vertu de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure, que s’il existait une menace d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique de l’agent ou d’autrui, en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, et ce dans le même temps que sont portées les atteintes ou les menaces ;

Par ailleurs, le commandement de l’autorité légitime ne saurait être opérant lorsqu’aucun élément ne permet de démontrer que l’individu avait participé aux faits qui ont justifié l’ordre d’interpeller.

Rappel des faits et de la procédure. Un match de football avait entraîné quelques troubles de la part de supporters. Plusieurs d’entre eux avaient été interpellés puis placés en garde à vue. Parmi ceux-ci, un des supporters avait perdu l’usage d’un œil à cause d’un tir de flash-ball et avait été blessé par des coups de matraque télescopique. Une information judiciaire a été ouverte et un agent de police a été mis en examen puis renvoyé devant la cour d’assises pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.

Moyens soulevés. Dans un premier moyen, le demandeur au pourvoi reprochait à la chambre de l’instruction de l’avoir renvoyé devant la cour d’assises pour plusieurs raisons. Il considérait, d’abord, que l’utilisation de l’arme était permise par l’ordre de l’autorité légitime qui lui imposait d’interpeller les belligérants sans plus de précisions sur l’utilisation des armes. Puisqu’elle n’était pas exclue, le requérant considérait que cette utilisation était autorisée et dépendait directement de l’ordre d’interpellation, de telle sorte que les dispositions de l’article 122-4 du Code pénal (N° Lexbase : L7158ALP) lui étaient applicables.

Dans un second moyen, il prétendait bénéficier des dispositions de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L1138LDI) qui autorise les agents de la police nationale à user des armes en cas de risque d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique, à condition qu’il s’agisse là d’une absolue nécessité et qu’ils aient agi de manière proportionnée. Il reproche alors à la chambre de l’instruction d’avoir écarté ce fondement pour quatre raisons différentes. D’abord, la cour d’appel ne pouvait ajouter une condition de concomitance au texte entre la riposte et l’attaque. Ensuite, la proportionnalité et la nécessité auraient dû être appréciées de manière générale et non, comme l’a fait la chambre de l’instruction, au seul regard du moment de l’attaque. Il soulève par ailleurs que la chambre de l’instruction n’avait pas légalement justifié sa décision dans la mesure où elle avait écarté l’utilisation de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure en constatant l’absence de menace pour la vie du policier ou d’autrui. Enfin, le requérant contestait l’analyse de la chambre de l’instruction qui écartait, cette fois, l’application de l’alinéa 3 de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure qui permet également l’usage d’une arme concernant en particulier la question de l’individu en fuite. Pour autant, ce texte soumet l’usage de l’arme à la susceptibilité d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des policiers ou d’autrui et, surtout, à l’existence de deux sommations adressées à haute voix. Or, la chambre de l’instruction considérait qu’il n’était pas établi que ces sommations avaient été réalisées.

Décision. La Cour de cassation n’accueillera aucun des moyens du fonctionnaire de police.

  • Pour ce qui est du fondement de l’article 122-4 du Code pénal :

Concernant le fait justificatif de l’ordre de l’autorité légitime, la Cour de cassation écarte son application, en ce que n’était pas démontrée la participation de la victime aux insultes ou aux jets de projectiles qui avaient justifié l’ordre d’interpellation. La fuite de l’individu ne saurait alors à elle seule justifier le commandement de l’autorité légitime.  

  • Pour ce qui est du fondement de l’article L. 435-1, alinéa 1, du Code de la sécurité intérieure :

De manière très pédagogique, la Cour se livrera d’abord à une analyse grammaticale de l’article L. 435-1 pour conclure à l’existence de la condition de concomitance entre l’attaque et la riposte. Cette exigence n’allait pas de soi, tant les débats autour de la question d’immédiateté avaient été fournis lors de l’adoption de la loi n° 2017-258, du 28 février 2017, relative à la sécurité publique (N° Lexbase : L0527LDU), pour finalement ne pas la retenir (v. M. Recotillet, La fuite en matière pénale, thèse, Aix-Marseille Université, 2020, spéc. n° 322 et s.). Or, cette condition ne semblait pas remplie en l’espèce.

C’est néanmoins surtout au regard de l’absence de proportionnalité et d’absolue nécessité que la Cour rendra sa décision de rejet. La circonstance selon laquelle la victime était en train de fuir empêche également de retenir un usage légitime des armes, dans la mesure où la cour d’appel a démontré que la vie des policiers et celle d’autrui n’étaient pas menacées.

  • Pour ce qui est du fondement de l’article L. 435-1, alinéa 3, du Code de la sécurité intérieure :

Sans revenir sur la question des sommations, la Cour refuse également l’application de cet alinéa, pourtant dédié à la situation particulière de la personne en fuite. La loi du 28 février 2017 avait permis la mise en conformité des textes français à la jurisprudence européenne (CEDH, 6 juillet 2005, Req. 43577/98 et 43579/98, Natchova et a. c/ Bulgarie, § 103 N° Lexbase : A1556DKT ; CEDH, 7 juin 2018, Req. n° 19510/15, Toubache c/ France §46 N° Lexbase : A4538XQ7) en imposant que l’usage de l’arme contre la personne en fuite soit justifié par l’existence d’un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. Ce risque est, le plus souvent, matérialisé par la présence d’un fugitif armé. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, et rien ne laissait penser qu’il pouvait constituer un danger particulier. Se reposant là encore sur la motivation de l’arrêt d’appel, la Cour de cassation écarte la condition générale de nécessité et de proportionnalité.

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