Réf. : Cass. civ. 3, 3 juin 2021, n° 20-10.573, F D (N° Lexbase : A23704UC)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 22 Juin 2021
► La responsabilité civile décennale des constructeurs nécessite la démonstration du critère de gravité décennale ;
► mais, encore faut-il que le dommage trouve son origine dans un vice de construction.
Certes, le juge n’hésite pas, par le truchement de la condition de gravité et, notamment, la notion d’impropriété à la destination de l’ouvrage, à élargir le champ d’application matériel de la responsabilité décennale des constructeurs mais il n’y a pas que la condition de gravité décennale à remplir. Encore faut-il que le dommage se rattache à des vices de construction comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.
Cette piqûre de rappel de la lettre de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) fait toujours du bien. Le dommage doit provenir des travaux de construction et, plus particulièrement d’un vice même si des dommages consécutifs à des défauts de conformité sont, eux aussi, éligibles à la responsabilité civile décennale.
En l’espèce, un copropriétaire victime d’un dégât des eaux assigne, après expertise, le syndicat des copropriétaires et un autre copropriétaire en réparation de ses préjudices. Les conseillers d’appel mettent hors de cause le syndicat pour ne retenir que l’action contre le copropriétaire. Ils considèrent que la fuite du bac à douche était à l’origine exclusive des désordres apparus en 2009 dans l’appartement du demandeur du fait de la poursuite de l’utilisation par son voisin d’une douche non étanche. Dès lors, les désordres ont pour cause exclusive le comportement de ce locataire.
Un pourvoi est formé mais la Haute juridiction le rejette. Peu importe la nature décennale des désordres affectant les travaux de reprise du plancher réalisé, les dommages dont il est demandé réparation ne trouvent pas leur origine dans un vice de construction.
Le dommage doit résulter de l’ouvrage édifié et en rapport avec l’intervention du constructeur. La responsabilité des constructeurs exige, en effet, un dommage inhérent aux travaux de construction (pour exemple, pour un dommage consécutif à un glissement de terrain sans lien avec la construction de l’ouvrage, Cass. civ. 3, 23 octobre 2013, n° 12-25.326, F-D N° Lexbase : A4731KNK).
Il doit, également, être lié à l’intervention du constructeur. Le maître d’ouvrage doit, en effet, rapporter la preuve d’un lien d’imputabilité, c’est-à-dire de causalité entre le dommage subi et les travaux de construction (pour un exemple récent, v. Cass. civ. 3, 5 mai 2021, n° 19-19.080, F-D N° Lexbase : A33104RZ). Tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le dommage provenait, exclusivement, de la faute du copropriétaire. Il s’agissait, en somme, d’un trouble anormal du voisinage. Le dommage ne trouve pas son origine dans des travaux de construction.
Le terme « exclusivement » a son importance. Il aurait été possible d’imaginer une responsabilité partagée. L’objectif étant de réparer l’entier dommage, il est possible de demander la condamnation in solidum de ceux qui y ont concouru (Cass. civ. 3, 23 septembre 2009, n° 07-21.634, FS-P+B N° Lexbase : A5784ELS).
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